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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


La santé des Canadiens – Le rôle du gouvernement fédéral

Rapport intérimaire

Volume deux - Tendances actuelles et défis futurs

Le comité sénatorial permanent des Affaires sociales, de la science et de la technologie

Président : L’honorable Michael J. L. Kirby
Vice-président : L’honorable Marjory LeBreton

Janvier 2002


TABLE DES MATIÈRES

ORDRE DE RENVOI.

SÉNATEURS

INTRODUCTION

CHAPITRE UN
L’incidence du vieillissement de la population sur le système de soins de santé

1.1 Vieillissement de la population
1.2 Incidence du vieillissement de la population
1.3 Soins aux aînés canadiens
    1.3.1 Prestation d’une gamme complète de soins
    1.3.2 Réforme des soins primaires
    1.3.3 Promotion du bien-être et prévention de la maladie
    1.3.4 Nouveaux modes de financement
    1.3.5 Politique gouvernementale : perspective à long terme
    1.3.6 Une approche unique pour les soins de longue durée en établissement
1.4 Commentaires du Comité

CHAPITRE DEUX
Dépenses au titre des médicaments au canada

2.1 Tendances dans les dépenses au titre des médicaments
2.2 Générateurs de coûts
    2.2.1 Tendances de l’usage des médicaments
    2.2.2 Tendances du prix des médicaments
    2.2.3 Genres de médicaments prescrits - Tendances
    2.2.4 Analyse des générateurs de coûts
2.4  Qui paie les médicaments au Canada?
2.5 Certains Canadiens sont-ils mieux protégés que d’autres pour ce qui est des frais de médicaments?
2.6 Commentaires du Comité.

CHAPITRE TROIS
Technologie de la santé

3.1 Disponibilité de la technologie de la santé
3.2 Évaluation de la technologie de la santé
3.3 Incidence sur le coût des soins de santé
3.4 Commentaires du Comité

CHAPITRE QUATRE
Tendances de la maladie

4.1 Tendances des maladies  
    4.1.1 Maladies infectieuses
    4.1.2 Maladies chroniques  
    4.1.3 Blessures
    4.1.4 Maladie mentale
    4.1.5 Le fardeau économique de la maladie
4.2 Déterminants d’un bon ou mauvais état de santé
4.3 Nécessité de promouvoir la santé et de prévenir la maladie
4.4 Stratégie relative à la santé de la population
4.5 Recherche 
4.6 Commentaires du Comité

CHAPITRE CINQ
La santé des Canadiens autochtones

5.1 Profil démographique de la population autochtone du Canada
5.2 Profil socio-économique et environnement physique
5.3 Profil de la santé de la population autochtone
5.4 Programmes fédéraux concernant la santé des Autochtones
5.5 Politique fédérale en matière de santé des Autochtones
5.6 Entraves à la santé et au bien-être des Autochtones
5.7 Commentaires du Comité.

CHAPITRE SIX
Ressources humaines

6.1 Médecins
    6.1.1 Effectif des médecins
    6.1.2 Mauvaise répartition géographique
    6.1.3 Formation et recrutement des médecins
    6.1.4 L’« exode des cerveaux »
6.2 Soins infirmiers  
    6.2.1 Effectif infirmier
    6.2.2 Conditions de travail
    6.2.3 Formation et recrutement dans le domaine des soins infirmiers  
6.3 Autres soignants
6.4 Réforme des soins primaires
6.5 Commentaires du Comité

CHAPITRE SEPT
Recherche en santé.

7.1 Rôle du gouvernement fédéral dans la recherche en santé
7.2 Génétique et génomique
7.3 Retombées et défis de la recherche en santé
7.4 Commentaires du Comité

CHAPITRE HUIT
Informatiosn sur la santé : une infostructure canadienne de la santé.

8.1 Notions et définitions
8.2 Initiatives provinciales et fédérales en matière d’infostructure nationale de la santé 
8.3 Coûts et avantages
8.4 Obstacles à surmonter
8.5 Commentaires du Comité

CHAPITRE NEUF
Soins à domicile

9.1 Qu’est-ce que les soins à domicile?
9.2 Demande actuelle de soins à domicile
    9.2.1 Diminution des lits d’hôpitaux 
    9.2.2 Forte croissance de la population de plus de 65 ans
    9.2.3 Pression sur les soignants naturels
    9.2.4 Progrès technologiques
9.3 Dépenses publiques et privées
9.4 Mesures à envisager
    9.4.1 Normes nationales
    9.4.2 Ressources humaines
    9.4.3 Organisation et financement 
    9.4.4 Soignants naturels
    9.4.5 Information et recherche
    9.4.6 Médicaments sur ordonnance 
    9.4.7 Télésanté
9.5 Commentaires du Comité

CHAPITRE DIX
La santé en milieu rural.

10.1 Indicateurs de l’état de santé
10.2 Accès aux soins dans les regions rurales et éloignées
10.3 Télémédecine
10.4 Recherche sur la santé en milieu rural
10.5 Rôle du gouvernement fédéral
10.6 Commentaires du Comité

CHAPITRE ONZE
Mythes et réalités

11.1 Mythes au sujet du vieillissement
11.2 Mythes au sujet du coût des médicaments
11.3 Mythes au sujet de la technologie médicale
11.4 Mythe au sujet de la santé des Autochtones
11.5 Mythes au sujet de l’effectif sanitaire
11.6 Mythes au sujet des systèmes d’information sanitaire
11.7 Mythes au sujet des soins à domicile
11.8 Mythes au sujet de la santé de la population rurale

CONCLUSION

ANNEXE
Liste des témoins (mars à juin 2001)


ORDRE DE RENVOI

Extrait des Journaux du Sénat du 1er mars 2001 :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner pour en faire rapport l'état du système de soins de santé au Canada. Plus particulièrement, que le Comité soit autorisé à examiner :

a)      les principes fondamentaux sur lesquels est fondé le système public de soins de santé du Canada;

b)      l'historique du système de soins de santé au Canada;

c)      les systèmes de soins de santé dans d'autres pays;

d)      le système de soins de santé au Canada - pressions et contraintes;

e)      le rôle du gouvernement fédéral dans le système de soins de santé au Canada;

Que les mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question par le Comité dans la deuxième session de la trente-sixième législature soient déférés au Comité;

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 30 juin 2002;

Que le Comité soit autorisé, par dérogation aux règles usuelles, à déposer tout rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là; et que le rapport soit réputé avoir été déposé à la Chambre du Sénat.

Après débat,

La motion, mise aux voix, est adoptée.

 

ATTESTÉ :

 

Le greffier du Sénat,
Paul C. Bélisle



SÉNATEURS

Les sénateurs suivants ont participé à l’étude du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur l’état du système de soins de santé :

L’honorable Michael J. L. Kirby, président du Comité  
L’honorable Marjory LeBreton, vice-présidente du Comité

et  

Les honorables sénateurs :

Catherine S. Callbeck  
Joan Cook  
Jane Cordy  
Joyce Fairbairn, C.P.  
Alasdair B. Graham, C.P.  
Wilbert Keon  
Yves Morin  
Lucie Pépin  
Douglas Roche  
Brenda Robertson  

Membres d’office du Comité :

Les honorables sénateurs : Sharon Carstairs C.P. (ou Fernand Robichaud, C.P.) et John Lynch-Staunton (ou Noel A. Kinsella)

Autres sénateurs ayant participé de temps à autre à cette étude :

Les honorables sénateurs Banks, Beaudoin, Cohen*, DeWare*, Ferretti Barth, Grafstein, Hubley, Joyal, C.P., Milne, Losier-Cool, Rompkey et Tunney.

*Retraités


INTRODUCTION

In décembre 1999, au cours de la deuxième session de la 36e législature, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a reçu du Sénat le mandat d’étudier l’état du système de soins de santé au Canada et d’examiner comment évolue le rôle du gouvernement fédéral dans ce domaine. Le Sénat a renouvelé le mandat du Comité à la première session de la 37e législature. Le mandat adopté aux fins de l’étude se lit comme suit :

Que le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner pour en faire rapport l’état du système de soins de santé au Canada. Plus particulièrement, que le Comité soit autorisé à examiner :

 

a)       Les principaux fondamentaux sur lesquels est fondé le système public de soins de santé au Canada;

b)       L’historique du système de soins de santé au Canada;

c)        Les systèmes de soins de santé publique dans d’autres pays;

d)       Le système de soins de santé au Canada – pressions et contraintes;

e)        Le rôle du gouvernement fédéral dans le système de soins de santé au Canada[1].

 

Muni de ce mandat vaste et complexe, le Comité a relancé en mars 2001 son étude pluriannuelle et polyvalente en cinq phases. Le tableau 1 présente les phases et les échéanciers.

TABLEAU 1

ÉTUDE SUR LES SOINS DE SANTÉ : PHASES ET ÉCHÉANCIER  

Phases

Contenu

Échéancier (rapports)

Un

Contexte historique et aperçu

Mars 2001

Deux

Tendances : Leurs causes et leurs effets sur les coûts des soins de santé

Hiver 2001

Trois

Modèles et pratiques dans d’autres pays

Hiver 2001

Quatre

Élaboration d’un document consacré aux questions et aux options

Septembre 2001

Cinq

Audiences portant sur les questions et les options, et élaboration du rapport final et des recommandations

Automne 2001- hiver 2002

 

Le rapport de la phase un est paru en mars 2001. Ce premier rapport  explique dans un contexte historique la façon dont le gouvernement fédéral a aidé les provinces et les territoires à financer les soins hospitaliers et médicaux. Il porte en particulier sur les objectifs initiaux de la participation fédérale aux soins de santé et soulève des questions sur le rôle futur du gouvernement fédéral dans le contexte changeant des soins de santé (recours accru à la pharmacothérapie, services hospitaliers ambulatoires, soins à domicile, soins communautaires, etc.). Ce premier rapport trace également l’évolution des dépenses en soins de santé et des indicateurs sanitaires depuis de nombreuses années. Enfin, il examine plusieurs mythes encore répandus sur la prestation et le financement des soins au Canada et donne l’heure juste à cet égard. L’objectif du premier rapport était de donner des faits et de corriger les idées fausses qui reviennent constamment dans le débat actuel sur les soins de santé au Canada.

L’objet du présent rapport est de présenter les témoignages entendus au cours de la seconde phase de l’étude du Comité. La phase deux avait pour objectif d’examiner les facteurs qui influent sur l’abordabilité et la viabilité du régime d’assurance-santé, notamment :

·        Le vieillissement de la population et l’accroissement de la demande qui touchera le système si les anciennes tendances d’utilisation se maintiennent;

·        La population autochtone croissante et ses besoins sanitaires particuliers;

·        Les progrès de la technologie médicale, notamment dans le domaine des médicaments, qui influent sur l’organisation, la prestation et le coût des soins;

·        L’apparition de nouvelles maladies et la résurgence de maladies « anciennes » qui peuvent nécessiter une thérapie et un traitement coûteux;

·        Les préoccupations croissantes concernant la charge de travail, le stress et le vieillissement des soignants;

·        Les questions particulières qui concernent les soins de santé dans les régions rurales et éloignées;

·        La nécessité de disposer de données sanitaires suffisantes et comparables permettant de prendre des décisions sur l’allocation des ressources et la prestation des soins;

·        Le rôle des actions préventives dans la promotion d’une vie saine et l’amélioration de l’état de santé de la population.

Pour atteindre les objectifs de la phase deux, le Comité a entendu des témoins très divers, dont des fonctionnaires de Santé Canada, du ministère des Affaires indiennes et du Nord, des Instituts canadiens de recherche en santé et de l’Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé, des fonctionnaires provinciaux de la santé, des organismes de soins de santé, des représentants autochtones et des économistes du domaine sanitaire (la liste des témoins figure à l’annexe A). Nous leur sommes très reconnaissants de leur précieuse contribution.

Le rapport compte 11 chapitres. Le chapitre un traite des tendances et des prévisions démographiques et examine les divers effets du vieillissement de la population sur le système de soins de santé. Le chapitre deux examine les tendances passées et actuelles en matière de coûts des médicaments et nous renseigne sur le problème des prescriptions et  de l’utilisation inappropriée des médicaments. Le chapitre trois résume les problèmes de la disponibilité, de la rentabilité et de la pertinence des techniques médicales nouvelles et anciennes. Le chapitre quatre aborde les tendances relatives aux maladies et aux blessures et traite de leur impact éventuel sur le système public de soins de santé. Le chapitre cinq examine les besoins en matière de santé et de soins des Autochtones. Le chapitre six traite des questions relatives à l’offre, à la rétention  et à la gestion du personnel sanitaire. Le chapitre sept aborde le financement de la recherche en santé au Canada et son avenir dans le contexte de ses conséquences sur la santé et les soins. Le chapitre huit nous renseigne sur l’état actuel du développement de l’Infostructure canadienne en santé. Le chapitre neuf examine les soins à domicile au Canada. Le chapitre dix traite des besoins de soins dans les régions rurales. Le chapitre onze aborde les mythes et les réalités et tente de corriger de nombreuses perceptions erronées, afin que le débat sur les soins de santé soit informé et factuel.


CHAPITRE UN

L’incidence du vieillissement de la population sur le système de soins de santé

1.1     Vieillissement de la population

Le vieillissement se caractérise par l’augmentation de l’âge moyen et par la part accrue des personnes âgées dans la population. Le vieillissement de la population dans un pays donné est déterminé d’abord par le taux de fécondité (naissances) et ensuite par le taux de mortalité (décès). Il peut aussi être influencé par le taux d’immigration. Au XXe siècle, le progrès (hygiène publique, découvertes médicales comme les vaccins, progrès techniques)a augmenté l’espérance de vie, tandis que le taux de fécondité a sensiblement baissé. Résultat net : une espérance de vie accrue et une population vieillissante.

La population du Canada vieillit. De 1881 à 1981, la part de personnes âgées de 65 ans et plus a plus que doublé, passant de 4,1 % à 9,7 %[2]. Depuis, cette part a augmenté constamment pour atteindre 12,5 % de la population en 2000[3].  

On prévoit que le vieillissement de la population s’intensifiera dans l’avenir, avec celui de la génération du « baby-boom ». Il s’agit des Canadiens nés entre 1946 et 1965, période de forte natalité. Selon les projections récentes de Statistique Canada, le pourcentage d’aînés (65 ans et plus) atteindra 14,6 % de la population en 2010 et continuera d’augmenter plus rapidement, car de plus en plus de baby-boomers atteindront l’âge de la retraite. On prévoit qu’en 2031, ils représenteront 23,6 % de la population[4]. Le taux de croissance baissera ensuite lentement et les aînés devraient constituer environ 25 % de la population en 2051.

Le Comité a appris que la limite d’âge de 65 ans pour désigner les « aînés » est fondée sur des raisons historiques et non scientifiques. Comme l’affirme Abby Hoffman, directrice générale de la Direction des soins de santé à la Direction générale de la politique de la santé et des communications de Santé Canada, « nous l’utilisons parce que c’est l’âge légal de la retraite, mais elle ne sert à rien d’autre »[5]. Il convient de noter que la catégorie des 65 ans et plus n’est pas du tout homogène. Les nombreuses différences entre les aînés dépendent de facteurs tels que le sexe, le statut socio-économique, le lieu de résidence ou le milieu ethnique.

Cette catégorie couvre mal les différentes réalités de l’état de santé des aînés à mesure qu’ils vieillissent. De nombreux démographes réclament une distinction entre les aînés plus jeunes et plus âgés, signalant, par exemple, que la fréquence de placement en établissement ne se développe que vers l’âge de 75 ans. Mais par contre, selon le professeur Byron Spencer de l'université McMaster, « de façon générale, les aînés plus âgés utilisent passablement moins les services d’un médecin par habitant – les services spécialisés en particulier – que les aînés plus jeunes[6]. Dans le groupe des aînés, le pourcentage des personnes âgées de 85 ans et plus a augmenté au fil des années. Selon Statistique Canada, cette augmentation se poursuivra, mais pas indéfiniment, car elle dépend du vieillissement des baby-boomers. Les 85 ans et plus devraient représenter 21 % de l’ensemble des aînés lorsque tous les baby-boomers auront atteint l’âge de la retraite, en 2051.

1.2     Incidence du vieillissement de la population

Comme on le voit au graphique 1.1, le coût des soins varie en fonction de l’âge. Il est relativement élevé pendant les premières années, diminue nettement à l’adolescence et au début de l’âge adulte, monte graduellement au milieu de la vie et augmente rapidement à la vieillesse. En moyenne, les dépenses publiques en soins de santé par habitant sont presque cinq fois plus élevées pour les 65 ans et plus que pour le reste de la population. Les dépenses augmentent de façon exponentielle chez les aînés : elles doublent entre 45‑64 ans et 65‑74 ans, doublent encore entre 65‑74 ans et 75‑84 ans et doublent une fois de plus entre 75‑84 ans et 85 ans et plus.


 

Étant donné cette tendance, l’augmentation du nombre absolu et relatif des aînés dans la population remet en cause la viabilité du système de soins de santé canadien. Cependant, les spécialistes canadiens sont loin de s’entendre quant à l’incidence du vieillissement de la population sur l’ensemble des coûts du système. Un examen de la documentation laisse entrevoir au moins quatre scénarios plausibles :[7]

a)      Selon le scénario des coûts astronomiques, les gens vivent plus longtemps, mais tombent malades ou deviennent invalides au même âge qu’auparavant. En conséquence, les frais de soins de santé continuent d’augmenter au même rythme que depuis 20 ans. Ces deux tendances (vieillissement de la population et coûts accrus) ont pour effet de doubler la part du PIB consacrée aux soins de santé. La « crise » est aggravée du fait qu’un faible pourcentage de la population travaille et contribue au trésor public.

b)      Le scénario de la morbidité comprimée suppose que les gens vivent plus longtemps sans invalidité ou maladie, ce qui veut dire que dans l’ensemble, le coût des soins n’augmentera pas aussi rapidement que dans les scénarios plus pessimistes.

c)      Le scénario des coûts maîtrisables : l’invalidité et la maladie sont retardés autant que la mort elle-même, tandis que l’augmentation des coûts de santé est compensée par les réductions budgétaires effectuées ailleurs.

d)      Le scénario du système réformé : des modifications importantes à la prestation des soins engendrent des gains d’efficacité permettant au système de faire face à la pression accrue d’une population vieillissante.

Les témoignages présentés au Comité illustrent ces différents scénarios. À titre d’exemple, le Conference Board du Canada soutient que les soins de santé constitueront une part de plus en plus grande des dépenses de l’État au cours des prochaines années, en raison du vieillissement de la population : d’ici 2020, en Colombie-Britannique et en Ontario, les dépenses liées à la santé représenteront 50 % des dépenses totales de la province (contre 38 % et 36 % en 2000)[8]. De même, William Robson, vice-président et directeur de la recherche à l’Institut C.D. Howe, estime que si les provinces et les territoires continuent de taxer au même taux de leur PIB, les dépenses sanitaires à Terre-Neuve, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest pourraient absorber entièrement leurs revenus propres d’ici 2040[9].

Le Dr Michael Gordon, du Conseil consultatif national sur le troisième âge (CCNTA), affirme qu’en tentant d’évaluer l’incidence du vieillissement de la population sur les dépenses en santé, nous devons nous garder de conjecturer sur l’état de santé futur des aînés. Par ailleurs, il ne faut pas présumer que l’efficacité du système de santé n’évoluera pas. Pour illustrer ce point, il déclare dans son exposé au Comité : « Si on devait extrapoler la durée des séjours à l’hôpital pour les aînés en 1999 à partir des données de 1971, le résultat serait de 50 % supérieur aux chiffres réels »[10].

De son côté, le professeur Byron Spencer signale que la population vieillit lentement; par conséquent, il est encore temps de réagir par des politiques pertinentes. Il souligne également que le rapport entre la population totale et la population active est faible présentement, selon les normes empiriques, et qu’il ne changera pas beaucoup d’ici 15 à 20 ans[11]. Ce rapport, appelé « ratio de la dépendance » sert d’indicateur brut pour évaluer la capacité de la population à se soutenir elle-même. Il sert habituellement à comparer le nombre de personnes en âge de travailler (20 à 64 ans) au nombre de celles qui ne sont pas encore sur le marché du travail (0 à 19 ans) ou qui ont cessé de travailler (65 ans et plus). Au Canada, ce ratio de dépendance a culminé au milieu des années 60, en raison de la grande proportion de jeunes dépendants (la génération du baby-boom). Depuis ce temps, le ratio a baissé considérablement.

Selon certains analystes, la baisse du ratio de dépendance est trompeuse, car la population dépendante d’aujourd'hui est davantage le fait des aînés qui nécessitent beaucoup plus de soins que les jeunes dépendants[12]. C’est pourquoi William Robson affirme au Comité :

Les orientations générales sont claires. Au cours des prochaines décennies, la population âgée, qui a davantage recours aux services de santé, augmentera rapidement. La population au travail plus jeune, qui fait partie de la population active et génère des revenus d’impôt pour le gouvernement, augmentera relativement lentement ou même diminuera[13].

Le professeur Spencer a affirmé que l’augmentation des dépenses de santé dues au vieillissement pourrait bien être compensées par la diminution des dépenses publiques dans d’autres secteurs, résultant elle aussi du vieillissement de la population. Il affirme ce qui suit :

Il est important de noter que, si l’on se préoccupe de l’incidence générale du vieillissement de la population, il est peu logique de se concentrer sur un secteur dans lequel les coûts augmenteront et de dire qu’il y a une crise, sans s’arrêter également sur d’autres secteurs dans lesquels les coûts demeureront stables ou diminueront probablement. À titre d’exemple, les détenus des pénitenciers sont jeunes pour la plupart. Dans ce secteur, les économies seraient perceptibles. Les personnes âgées ne reçoivent pas de prestations d’assurance-emploi et, pourtant, celles‑ci constituent un élément très important des dépenses gouvernementales et ainsi de suite[14].

Le professeur Spencer conclut ainsi :

Si nous consolidons l’ensemble des différentes catégories de dépenses, non seulement celles des secteurs présentant un potentiel de crise liée à l’âge, il s’ensuit, dans une série de progressions, que les dépenses gouvernementales attribuables à l’évolution démographique et au vieillissement de la population augmentent au même rythme que les frais pour l’ensemble de la population. Les dépenses gouvernementales s’accroîtront d’environ la moitié au cours de la période de projection, tandis que la population augmentera de 50 % pendant la même période[15].

D’après le professeur Spencer, notre défi consiste à bien répartir les ressources de l’État plutôt qu’à corriger un manque absolu de ressources.

L’évaluation du vieillissement sur les coûts de santé exige également de connaître les meilleurs moyens pour satisfaire aux besoins de soins et de services de cette population. Jean-Marie Berthelot, du Groupe d’analyse et de modélisation de la santé de Statistique Canada, signale au Comité que l’état de santé des 45‑64 ans est meilleur aujourd'hui qu’il y a 20 ans[16]. De plus, cette cohorte est plus scolarisée, fume moins et compte plus de personnes rémunérées (surtout parce que les femmes sont plus présentes sur le marché du travail) que les générations précédentes[17].

De nouveaux indicateurs ont été établis pour évaluer l’état de santé au cours de la vie, dont l’espérance de vie sans dépendance (EVSA) et l’espérance de vie avec pondération de la santé (EVAES). On a déterminé différents niveaux de dépendance (résumés au tableau 1.1) exigeant différents types d’aide et entraînant des frais plus ou moins élevés pour le système de soins de santé. Si la plupart des futurs aînés demeurent relativement en santé au cours des années qu’il leur reste à vivre (hypothèse de morbidité comprimée), l’incidence du vieillissement sera considérablement plus faible que si l’espérance de vie accrue est associée à une période de maladie proportionnellement plus longue (hypothèse de morbidité accrue). À cet égard, M. Berthelot explique :

De 1986 à 1996, l’espérance de vie autonome à l’âge de 65 ans a augmenté considérablement, passant de 12,0 à 12,7 ans pour les hommes et de 12,7 à 13,5 pour les femmes. Par contre, il y a eu peu de changement dans l’espérance de vie rajustée selon l’état de santé. Donc, la proportion de vies autonomes a augmenté[18].

M. Berthelot souligne également l’absence de corrélation évidente entre les dépenses de santé dans différents pays et la composition démographique de leur population. Dans leur mémoire, les représentants de Statistique Canada font remarquer que les États-Unis dépensent près de 14 % de leur PIB au titre de la santé, mais que les aînés représentent moins de 13 % de la population, tandis que la Suède consacre moins de 9 % de son PIB à la santé, alors que les aînés constituent 17 % de la population et que l’espérance de vie des Suédois de 65 ans dépasse celle des Américains[19].


Tableau 1.1

Nouveaux Indicateurs de l’état de santé

Niveau

État de santé

Définition

1

Sans dépendance

Aucune dépendance ou besoin d’aide seulement pour les gros travaux domestiques

2

Dépendance moyenne

Besoin d’aide pour la préparation des repas, pour faire le marché, pour d’autres nécessités ou pour le travail domestique quotidien

3

Dépendant grave

Besoin d’aide pour les soins personnels ou pour se déplacer dans la maison

4

En établissement

Vie en établissement de soins de santé

Source : Martel, Laurent et Alain Bélanger, « Une analyse de l’évolution de l’espérance de vie sans dépendance au Canada entre 1986 et 1996 », in A. Bélanger (dir.), Rapport sur l’état de la population au Canada (Ottawa : Statistique Canada, 1999), p. 171.

Une autre question importante consiste à déterminer si l’augmentation des frais de santé découlant du vieillissement de la population est attribuable au vieillissement en soi ou aux coûts de fin de vie. Comme le dit au Comité Rob Brown, du Groupe de travail sur le financement de la santé de l’Institut canadien des actuaires :

 Les coûts des soins de santé augmentent de 50 % à 70 % au cours de la dernière année qui précède la mort. En effet, selon certaines estimations, la moitié des dépenses de soins de santé pour une vie entière sont effectuées juste avant la mort[20].

C’est également la situation générale décrite par Abby Hoffman, qui fait remarquer que « Les extrêmes quant aux dépenses relatives pour les aînés et les jeunes sont davantage attribuables à la proximité de la mort qu’au simple fait de vieillir »[21].

Cette affirmation peut aider à détecter plus précisément les causes de la hausse des dépenses de santé générée par l’augmentation du nombre de personnes âgées, mais elle ne mène pas à des recommandations politiques faciles. Le Dr Michael Gordon expose ce point avec humour :

J’aimerais vous faire remarquer que s’il était possible d’éliminer la dernière année de vie, nous économiserions beaucoup d’argent. L’ennui, c’est que ce n’est qu’après coup que nous apprenons que c’est la dernière année de vie. (...) Quelqu’un ne décide pas de renoncer à une opération, comme mon père de 89 ans que j’ai accompagné la semaine dernière, parce qu’il peut en mourir. On fait l’opération parce que le patient est vivant et en a besoin. S’il meurt trois semaines plus tard, nous pouvons dire que c’est de l’argent gaspillé, mais ce n’est pas notre manière de donner les soins de santé. Nous ne regardons pas en arrière; nous regardons toujours en avant, heureusement[22].

Plusieurs témoins ont souligné que le vieillissement de la population constituera un facteur important de l’augmentation des coûts de santé au cours des prochaines décennies, mais qu’il n’est pas le seul ni peut-être le plus important. Santé Canada a établi que les facteurs suivants contribuent à modifier les dépenses de santé :

·        Le vieillissement de la population

·        Le potentiel fiscal

·        Les technologies et l’innovation

·        Les facteurs influant sur le besoin et la demande de services (notamment l’état de santé, les préférences et les valeurs de la population)

·        Les modifications à la structure des systèmes de prestation de soins

·        Les coûts relatifs des soins en comparaison de l’inflation générale des prix.

Sur cette toile de fond, les projections de Santé Canada annoncent que le vieillissement de la population constituera un pourcentage de plus en plus grand de l’augmentation des dépenses de santé au cours de la période 2001 à 2030, tout en demeurant inférieur à l’augmentation totale prévue de 30 %, comme le montre le graphique 1.2[23].


 
1.3     Soins aux aînés canadiens

1.3.1   Prestation d’une gamme complète de soins

Selon le Dr Michael Gordon du CCNTA, pour répondre aux besoins présents et futurs des aînés, il faut intégrer davantage[24] les différents éléments de soins dans une gamme de services qui englobe la promotion du mieux-être, la prévention des maladies et des blessures, les soins hospitaliers aigus, les soins médicaux, les soins à domicile, les soins à long terme et les soins palliatifs. Il y a cependant de nombreux défis associés à l’élaboration d’une telle gamme de services, suscitant des questions telles que : Quels sont les services couverts par le système public? Comment offrir ces services de manière intégrée et comment s’assurer qu’il y a suffisamment de fournisseurs de soins de santé pour répondre aux différents besoins?

Le professeur Spencer insiste sur l’importance d’une approche intégrée :

J’aimerais souligner l’importance d’un examen global intégré du système de soins de santé en tant que tel, afin que l’on tienne compte également de la substitution d’un type de personnel par un autre, ou de la question des soins en milieu hospitalier par opposition au milieu communautaire, etc. C’est très important. Il est possible de réaliser des économies dans plusieurs domaines en adoptant de meilleures pratiques, là où des études de toutes sortes ont montré à maintes reprises que c’est possible. Il existe de meilleures façons de faire les choses, mais il semble que notre système ne fournit pas facilement cette information à mesure qu’elle devient disponible[25].

L’idée d’une prestation plus intégrée des soins pour répondre aux besoins d’une population âgée vient appuyer la demande de plusieurs témoins que les soins à domicile et les médicaments d’ordonnance soient couverts par la Loi canadienne sur la santé. Quant au Dr Gordon, il propose que les soins des aînés à domicile soient couverts par l’État :

…les soins à domicile devraient maintenant faire partie du système de santé. La Loi canadienne sur la santé, au moment de son élaboration, avait une perspective plutôt limitée des soins de santé, laquelle était probablement pertinente à l’époque. Cependant, un grand nombre de soins peuvent maintenant être donnés à domicile. De nombreux problèmes liés au vieillissement et au fonctionnement n’exigent pas de traitements de haute technologie, mais plutôt une aide très importante et relativement peu coûteuse pour les soins à domicile. Nous croyons que cela devrait faire partie du système de soins de santé[26].

En ce qui concerne les médicaments d’ordonnance, le Comité a appris que, même si toutes les provinces fournissent une assurance aux aînés, la nature et la portée de cette assurance varient énormément, car les médicaments prescrits hors du milieu hospitalier ne sont pas visés par la Loi canadienne sur la santé. Mais par‑dessus tout, le Dr Gordon affirme que malgré l’assurance couvrant les médicaments d’ordonnance, certains aînés continuent d’avoir des difficultés financières : « le financement de certaines provinces augmentent considérablement la prime à payer pour une modeste augmentation des revenus». (Les médicaments d’ordonnance et les soins à domicile sont traités plus en détail aux chapitres 2 et 9.)

Enfin, les témoins soulignent l’importance de la prestation de soins palliatifs appropriés : « il est important d’avoir un système complet de soins palliatifs donnés en établissement ou à domicile – selon ce qui convient au patient – et le temps est venu de s’assurer que tous les Canadiens qui ont besoin de soins palliatifs peuvent y avoir accès »[27].

1.3.2   Réforme des soins primaires

Les témoignages indiquent clairement que l’actuel paiement à l’acte nuit gravement au maintien du niveau de soins aux aînés. La pratique gériatrique, comme le signale le CCNTA, exige du temps, des soins et des ressources professionnelles qui sont moins accessibles lorsque la seule source de revenu des médecins est l’acte médical. À cet égard, le DWilliam Dalziel, de l’Université d’Ottawa, affirme ceci :  

Je peux recevoir à mon bureau en 15 à 20 minutes une personne d’âge moyen, qui vient habituellement consulter pour un problème simple, sans m’attarder aux antécédents de cinq autres problèmes et à la prise de six médicaments. La consultation moyenne pour une personne âgée prend normalement entre une heure et une heure et demie. Dans la plupart des provinces, vous recevez exactement le même montant pour chaque patient[28].

Des situations de ce genre nuisent au recrutement des gériatres. Le Dr Dalziel fait remarquer que des médecins résidents lui demandent pourquoi ils devraient consacrer deux ans de plus à la formation en gériatrie pour gagner 30 % à 50 % moins d’argent[29]. Seulement sept médecins sont inscrits au programme de spécialisation en gériatrie cette année au Canada : quatre sont au Québec, ce qui en laisse trois pour le reste du pays. Le Dr Dalziel estime qu’il manque déjà près de 500 spécialistes dans ce domaine.

La rémunération des médecins s’inscrit dans un débat beaucoup plus large sur la réforme des soins primaires (voir le chapitre 6). Cette réforme comporte également des possibilités d’intégration en vue d’une prestation polyvalente, adaptée aux besoins des aînés. Cela suppose des services de santé très divers, accessibles à ce niveau et ceux- fournis de la manière la plus économique. En général, une réforme de soins primaires qui permet d’associer plus efficacement les différentes compétences permet aux aînés (et aux autres) d’avoir accès plus facilement aux services de santé dont ils ont besoin, lorsqu’ils en ont besoin.

 

1.3.3   Promotion du bien-être et prévention de la maladie

Plusieurs témoins ont souligné l’importance de promouvoir le bien-être et de prévenir la maladie. Le DWilliam Dalziel de l’Université d’Ottawa affirme catégoriquement que « la clé pour demeurer en santé est l’exercice » et il donne l’exemple suivant :

Des femmes âgées qui ont fait de l’exercice deux fois par semaine pendant six mois ont rajeuni de cinq ans en ce qui concerne leur capacité cardiaque et pulmonaire. À la fin d’un programme d’exercices de renforcement pour les femmes de 90 ans et plus vivant dans des maisons de soins, on a observé qu’elles avaient augmenté la force de leurs quadriceps de 174 %. Elles ont cessé de tomber. On a jeté les cannes et les marchettes[30].


 
Selon les données fournies par Santé Canada (voir le graphique 1.3), les chutes font partie des plus importantes causes de décès évitables chez les aînés, représentant plus du double du taux de mortalité pour 100 000 habitants par accident de circulation routière, homicide et suicide réunis. La promotion de la santé et la prévention des maladies et des blessures peuvent réellement améliorer la qualité de vie des aînés et faire économiser de l’argent au système. Malheureusement, les fonds fédéraux investis en promotion de la santé ont diminué au cours des années 90, comme s’en plaint le CCNTA.  

 

1.3.4   Nouveaux modes de financement

Pour la population âgée, le problème le plus important est peut-être celui du financement des soins. On convient généralement que le vieillissement des baby-boomers exercera de fortes pressions sur le système qui pourraient être attribuées au vieillissement de la population, du moins jusqu’à ce que cette génération soit passée. Il faut donc se demander comment couvrir les coûts supplémentaires.

Les témoins croient qu’il y a là une question fondamentale d’équité entre les générations. Notre système de santé est financé au fur et à mesure par chaque génération successive : les revenus proviennent des impôts des contribuables, qui payent les services publics pour tous, y compris ceux qui ne paient plus ou qui paient moins d’impôts depuis leur retraite. Plus le pourcentage d’aînés augmente, moins il y a de personnes en âge de travailler pour couvrir les coûts croissants des soins destinés à la population vieillissante. Il faut donc s’attendre à une augmentation du fardeau pour la population active, que certains considèrent comme un transfert injuste de la richesse d’une génération à l’autre.

Un moyen de résoudre ce problème, c’est d’élaborer un mécanisme de préfinancement pour que les dépenses futures soient payées par les personnes qui bénéficieront réellement des soins. C’est l’intention de la proposition présentée au Comité par William Robson de l’Institut C.D  Howe. Il propose plus précisément qu’une partie du TCSPS que verse le gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires soit convertie en « subvention pour la santé des aînés ». Il explique :

…nous pourrions remplacer une partie du TCSPS par une nouvelle subvention, fixée à 3 000 $ par personne âgée et, initialement, contrebalancer la subvention par des diminutions correspondantes ailleurs afin de récupérer les coûts la première année. Au fil du temps, nous permettrions d’augmenter la subvention au même taux par habitant que les autres subventions concernant la population générale, mais étant axée sur le groupe des aînés, elle augmentera plus rapidement. De cette façon, il serait possible d’adapter la pression démographique aux transferts fédéraux[31].

La Commission Clair du Québec propose une autre méthode de préfinancement, un « fonds de perte d’autonomie » spécial financé par les contributions de l’employeur et de l’employé. Semblable à un fonds de retraite, il pourrait être administré par un organisme indépendant qui garantirait sa rentabilité et veillerait à ce que ses ressources servent à accroître la gamme de services offerts aux aînés.  

1.3.5   Politique gouvernementale : perspective à long terme

Enfin, plusieurs témoins ont parlé de la nécessité d’une planification générale à long terme pour répondre aux besoins des aînés. Le professeur Byron Spencer fait observer, par exemple, que le Conseil économique du Canada a déjà fourni une analyse et des projections économiques à moyen et à long terme et qu’il serait peut-être utile d’envisager la création d’un organisme chargé, en particulier, de prévoir les effets du vieillissement de la population[32]. Cela renforcerait notre capacité d’étudier régulièrement les conséquences économiques de l’évolution démographique et leurs répercussions fiscales et budgétaires pour le gouvernement.  

1.3.6   Une approche unique pour les soins de longue durée en établissement

Au cours de son étude, le Comité a appris des choses intéressantes sur Laurier House à Edmonton, qui offre ce qu’on pourrait appeler des « soins en condo » : les résidents possèdent leur propre appartement, reçoivent des soins médicaux sur place, paient des frais mensuels pour les coûts d’exploitation, les services de repas et d’entretien et, lorsqu’ils meurent, leur succession touche presque la totalité de l’investissement immobilier. Laurier House est administrée par le Capital Care Group, l’organisme de soins permanents financé et dirigé par le secteur public, le plus important au pays.

Laurier House comprend 78 appartements occupés par 100 personnes. Les appartements à une chambre coûtent de 97 000 $ à 115 000 $; ceux à deux chambres, de 118 000 $ à 136 000l $; et les studios, 88 000 $. Les frais mensuels pour les résidents varient de 950 $ à 1 060 $, selon l’appartement. Les services de santé sont financés par Santé Alberta. Laurier House est différente des autres maisons de soins, car les résidents achètent leur appartement; la province n’investit pas dans les frais d’immobilisation.  

1.4     Commentaires du Comité

Le Comité reconnaît que les spécialistes ne s’entendent toujours pas sur l’incidence du vieillissement sur la viabilité du système de soins de santé. Les divergences d’opinion peuvent se résumer en quatre scénarios : « coûts astronomiques », « morbidité comprimée », « coûts maîtrisables » et « système réformé ».

Le Comité croit que le scénario des coûts astronomiques est le plus improbable. Les témoignages entendus laissent présager que, certes, le vieillissement exercera de fortes pressions sur le système de soins de santé, en particulier lorsque la génération du baby-boom prendra sa retraite, mais il est peu probable que ces pressions déclenchent une crise.

En réalité, le vieillissement de la population constitue seulement un des facteurs complexes – liés à l’offre et à la demande – qui contribuent à l’augmentation des frais de santé. Les autres facteurs incluent notamment l’utilisation de nouvelles technologies, le coût des nouveaux médicaments et la modification des attentes du patient.

Cependant, on ne doit pas conclure pour autant qu’il ne faut rien faire pour contrer les pressions associées au vieillissement. Le Comité croit qu’il est important d’étudier attentivement les propositions de préfinancement des frais liés au vieillissement, du moins jusqu’à ce que les effets de la génération du baby-boom soient passés. De plus, nous pensons que le vieillissement de la population accentue l’urgence de résoudre d’autres problèmes et qu’il exigera des mesures particulières dans le cadre de programmes de changement plus généraux.

À titre d’exemple, les aînés, dont le cas médical est souvent complexe, bénéficieraient d’une réforme des soins primaires qui ferait que ceux-ci ne seraient plus rétribués exclusivement à l’acte et qui inciterait les médecins à passer plus de temps avec le patient. La réforme pourrait également permettre d’offrir un plus grand nombre de services dès le point d’accès au système de santé; cette solution serait intéressante pour les aînés qui ont souvent besoin de consulter plusieurs soignants. Cela suppose toutefois qu’il faut également solutionner le problème suscité par l’expansion du régime public en vue d’inclure ces services. Dans ce contexte, il faudrait aussi déterminer si d’autres services, tels que les soins à domicile et les médicaments d’ordonnance, ne devraient pas eux aussi être assujettis aux dispositions de la Loi canadienne sur la santé.

La réforme des soins primaires, l’expansion du régime public et la mise en place d’une série intégrée de services sont précieux pour les aînés, mais elles ont aussi de nombreuses conséquences pour la population en général. Dans la phase quatre de son étude, le Comité examinera ces questions plus à fond.

En conclusion, le Comité trouve le concept de Laurier House original et impressionnant. Évidemment, on peut se demander si ce concept ne constitue pas une forme de système de soins infirmiers « à deux vitesses ». À notre avis, c’est plutôt un système de logement à deux vitesses pour le malade, mais dans le cadre d’un système de soins de santé universel.


CHAPITRE DEUX

Dépenses au titre des médicaments au canada

Le terme « médicaments » (ou « remèdes ») englobe en général les médicaments d’ordonnance, les médicaments vendus sans ordonnance (en vente libre ou à l’étalage) et les fournitures médicales personnelles. Les médicaments d’ordonnance sont d’ordinaire prescrits par un médecin ou un dentiste, préparés par un pharmacien pour des patients hospitalisés ou non. Les produits en vente libre comme les remèdes contre la toux et le rhume et les analgésiques peuvent être achetés sans ordonnance à divers points de vente au détail. Les fournitures médicales personnelles, comme les nécessaires d’hygiène buccale ou les trousses de diagnostic rapide, sont aussi disponibles dans des points de vente au détail.

Les médicaments peuvent être brevetés ou non. Un médicament breveté est assorti d’un brevet. Les médicaments non brevetés englobent les médicaments dont le brevet n’a pas encore été homologué, ceux dont le brevet a expiré, ceux qui n’ont jamais été assortis d’un brevet et les copies génériques. Depuis 1987, le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) réglemente les prix exigés par les fabricants de médicaments brevetés au Canada. Il y a deux composantes à cette réglementation. D’une part, une limite sur l’augmentation du coût des médicaments brevetés déjà commercialisés; d’autre part, une limite sur le prix de lancement d’un nouveau médicament breveté. Le prix des médicaments non brevetés n’est pas réglementé.

Santé Canada a la responsabilité d’homologuer tous les médicaments mis en marché au Canada. Le Ministère évalue les nouveaux médicaments afin de garantir l’innocuité et  l’efficacité du traitement annoncé. L’obtention d’un avis de conformité (ADC) donne l’autorisation de commercialiser et de distribuer un médicament. Toutefois, un médicament peut être distribué, avec des restrictions précisées, avant l’obtention d’un ADC, en tant que drogue nouvelle de recherche ou en vertu du Programme spécial d’accès (PSA).

Les témoins entendus ont fait remarquer que la pharmacothérapie fait partie intégrante des soins de santé. L’importance des médicaments pour traiter une maladie, maintenir l’état de santé et la qualité de vie et prévenir et réduire le besoin de chirurgie ou de séjour en hôpital est bien reconnue. On a également dit au Comité qu’une pharmacothérapie appropriée peut optimiser les résultats en santé et permet d’éviter d’autres coûts inutiles.

 

2.1     Tendances dans les dépenses au titre des médicaments

D’après les données de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), les dépenses au titre des médicaments au Canada augmentent continuellement depuis 25 ans : elles sont passées de 1,1 milliard de dollars en 1975 à 14,7 milliards de dollars en 2000.[33]  Pendant cette période, les médicaments ont constitué une part croissante des dépenses totales de soins de santé : en 1975, ils représentaient 9 % des dépenses totales; en 2000, cette part était passée à près de 16 % (voir graphique 2.1). Les données de l’ICIS révèlent également que les dépenses totales au titre des médicaments ont  augmenté à un taux plus élevé que le taux d’inflation. En outre, depuis 1997, les dépenses de médicaments se situent au deuxième rang des catégories de dépenses relatives aux soins de santé, après les dépenses au titre des hôpitaux et avant les dépenses touchant les consultations médicales.


Le graphique 2.2. retrace l’évolution des dépenses de soins de santé par catégorie au Canada, exprimées en dollars par habitant. On constate que les dépenses au titre des médicaments augmentent plus vite que les dépenses dans d’autres secteurs clés des soins de santé, les hôpitaux et les consultations médicales par exemple. En fait, entre 1990 et 2000, les dépenses en médicaments par habitant ont progressé de près de 93 %, plus de deux fois la moyenne de l’augmentation de toutes les dépenses en santé (40 %).



Le coût d’un médicament d’ordonnance dépend de quatre éléments : le prix du fabricant, la marge bénéficiaire du marchand de gros, celle du détaillant et les honoraires du pharmacien. D’après des données de IMS Health (Canada) et du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur le prix des produits pharmaceutiques (1997), les marges bénéficiaires en gros et au détail et les honoraires des pharmaciens représentaient un peu plus du tiers du coût final d’un médicament sur ordonnance, alors que les frais de distribution et le prix de vente des fabricants représentaient 4 % et 63 % respectivement du coût final.[34]

Les médicaments d’ordonnance constituent la plus importante composante des dépenses au titre des médicaments (77 % en 2000, comparativement à 72 % en 1975). Les médicaments vendus en vente libre et les fournitures médicales personnelles constituaient en 2000 les 23 % restants des dépenses (comparativement à 28 % en 1975). Pour l’essentiel, les médicaments vendus en vente libre et les fournitures médicales personnelles sont achetés directement par le consommateur et constituent un débours pour lui. Par contre, de nombreux intervenants financent les médicaments d’ordonnance. En 1975, le secteur privé assumait 80 % des dépenses de médicaments d’ordonnance. En 2000, cette part du secteur privé était passée à 57 %. Au cours de la même période, la part des médicaments d’ordonnance financés à même les deniers publics n’a cessé de croître : elle est passée de 20 % en 1975 à 43 % en 2000.

D’année en année, de plus en plus de médicaments sont vendus au Canada et les médicaments brevetés accaparent une part sans cesse croissante de ces ventes. Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) évalue à 10,0 milliards de dollars les produits pharmaceutiques pour consommation humaine vendus au Canada en 2000. Cela représente pour les fabricants une augmentation de 12,4 % par rapport à 1999.[35] La proportion des ventes totales de médicaments brevetés par rapport à l’ensemble des ventes de médicaments ne cesse de croître. En 1995, elle était de 43,9 %, alors qu’en 2000, les médicaments brevetés représentaient 63,0 % du total des ventes.[36] Entre 1990 et 1995, les ventes de médicaments de marque déposée non brevetés représentaient près de 50 % de la totalité des ventes des sociétés détenant des brevets sur des médicaments. Toutefois, entre 1996 et 2000, cette proportion n’a pas cessé de diminuer pour atteindre  28 % en 2000.[37] En même temps, les ventes de médicaments génériques augmentaient. D’après les renseignements publiés par IMS Health et diffusés par le CEPMB, on estimait les ventes totales de médicaments génériques à environ 929 millions de dollars en 2000, une augmentation de 15,2 % par rapport à 1999.[38]

La plupart des médicaments brevetés sont délivrés sur ordonnance. Environ 96 % des produits brevetés, déclarés d’usage humain au CEPMB, exigent une ordonnance.[39] La quantité de médicaments brevetés vendus a aussi augmenté. Entre 1988 et 2000, la progression annuelle moyenne des quantités de médicaments brevetés vendus était de 12 %. On peut comparer cela à la hausse annuelle moyenne de leur prix, 0,8 %.[40]

Dans l’ensemble, l’augmentation des dépenses au titre des médicaments, ces dernières années, a eu une forte incidence sur l’escalade des coûts des soins de santé. Selon les témoins entendus, cette tendance va sans doute se poursuivre avec le vieillissement de la population canadienne, l’avènement de nouvelles pharmacothérapies et l’augmentation de la demande de médicaments d’ordonnance :

Les médicaments vont devenir de plus en plus efficaces et vont constituer une part de plus en plus importante des thérapies utilisées; la part qu’ils représentent dans les coûts de soins de santé va continuer de grossir. Les nouveaux médicaments sont coûteux, mais ils vont être prescrits et la population vieillissante, connaissant leur existence, va en faire la demande  (…).[41]

 

2.2     Générateurs de coûts

Divers facteurs contribuent à l’augmentation des dépenses au titre des médicaments, notamment un usage plus intensif, la hausse des prix et un usage accru des nouveaux médicaments plus coûteux. Certains de ces facteurs influent davantage que d’autres sur les dépenses.

 

2.2.1   Tendances de l’usage des médicaments

Par usage des médicaments on entend ni plus ni moins la quantité de médicaments utilisés. L’accroissement du nombre d’ordonnances s’explique par certains facteurs, notamment : la croissance démographique; l’évolution de la structure par âge et de l’état de santé de la population; l’augmentation du nombre de patients à qui on prescrit un médicament en particulier; la tendance à préconiser une pharmacothérapie plutôt que d’autres formes de traitements; l’apparition de nouvelles maladies et un traitement amélioré des maladies connues; et la hausse du nombre d’ordonnances par personne.

Au Canada, d’année en année, les médecins délivrent de plus en plus d’ordonnances. IMS Health (Canada) signale qu’en 1999, 272 millions d’ordonnances ont été exécutées, soit 6,3 % de plus qu’en 1998. Cela donne une idée de l’ampleur de l’usage des médicaments au Canada : 8,9 ordonnances par personne en 1999, contre 8,3 en 1998 (voir tableau 2.1).

TABLEAU 2.1

UTILISATION D’ORDONNANCES EN 1999

Taille moyenne de la famille

Nombre d’ordonnances par personne

Nombre d’ordonnances par famille

Prix moyen de l’ordonnance

Consommation par famille par année

3,1

8,9

28,0

35,48 $

978,89 $


Source : IMS Health (Canada).

Nous avons encore beaucoup à apprendre au sujet de l’utilisation des médicaments au Canada. L’usage augmente mais, pour un même médicament, la configuration peut varier selon la région du Canada et entre le Canada et d’autres pays. Il y a des différences marquées dans le recours aux pharmacothérapies à l’échelle du Canada. Les benzodiazépines en sont un exemple. On prescrit plus de benzodiazépines dans l’Est du Canada que dans l’Ouest : en 2000, les pharmaciens détaillants du Nouveau‑Brunswick ont fourni 41,5 comprimés et cachets de benzodiazépine par habitant, ce qui est trois fois plus que la quantité par habitant en Saskatchewan. Il existe également des variations frappantes à l’intérieur des provinces. Le recours aux benzodiazépines dans le Nord de l’Alberta, par exemple, est plus fréquent que dans le Sud de l’Alberta.[42]  

Le Dr Roger A. Korman, président de IMS Health (Canada), a déclaré que même si l’on n’a pas encore établi de liens de cause à effet entre la situation socio-économique et le recours aux benzodiazépines, il semble qu’il y ait une corrélation, l’usage en étant plus répandu dans les couches socio-économiques moins nanties.[43] Le recours aux benzodiazépines a plus à voir avec l’âge du médecin soignant qu’avec l’âge du patient : 90 % des 100 médecins qui prescrivent le plus de benzodiazépines en Alberta, au Québec et en Ontario sont des diplômés d’avant 1981.[44]

L’usage que l’on fait de certaines drogues varie d’un pays à l’autre. Même si l’usage d’antibiotiques est en baisse au Canada, on en prescrit ici encore deux fois plus qu’aux Pays‑Bas. Le Ritalin est un autre exemple. Le nombre d’ordonnances délivrées au Canada pour le Ritalin continue d’augmenter rapidement (9 % en 2000), alors qu’on note une baisse de 5 % aux États‑Unis.

 

2.2.2   Tendances du prix des médicaments

Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont un rôle à jouer pour juguler le prix des médicaments au Canada. Au niveau fédéral, le CEPMB examine les prix exigés par les fabricants de médicaments brevetés pour garantir qu’ils ne soient pas excessifs. En outre, les gouvernements provinciaux et territoriaux ont pris diverses mesures pour juguler le prix des médicaments remboursés par leur régime d’assurance-médicaments. On a recours aux mécanismes suivants :[45]

·        Remplacement par des médicaments génériques : Quand un médicament générique est disponible, on doit substituer le produit générique moins coûteux à son équivalent de marque, à moins que l’ordonnance du médecin ne soit formelle.

·        Gestion des formulaires : Il arrive que certains médicaments ne soient pas inclus dans les formulaires, qu’ils y soient inclus mais assortis de restrictions ou qu’ils en aient été exclus.

·        Établissement du prix d’après une référence : Remboursement du médicament le moins coûteux dans un groupe donné. La différence essentielle entre cette mesure axée sur l’établissement d’un prix de référence et la substitution d’un produit générique à un produit de marque est que, dans le premier cas, les médicaments doivent se borner à être des équivalents d’un point de vue thérapeutique et non être identiques d’un point de vue chimique.

·        Le contrôle des marges bénéficiaires et des honoraires des pharmaciens : Les gouvernements provinciaux peuvent limiter les marges bénéficiaires réalisées sur les médicaments et ils peuvent fixer les honoraires versés aux pharmaciens.

·        Partage des risques : Dans certains cas, les gouvernements ont négocié avec les fabricants de médicaments pour limiter les dépenses totales consacrées à un médicament donné. Ayant fixé un seuil, la compagnie s’engage à verser à la province tous les montants au‑delà de ce seuil.

·        Gel des prix : L’Ontario a introduit un gel des prix entre 1994 et 1998.

Le CEPMB veille à ce que l’augmentation annuelle du prix des médicaments brevetés ne dépasse pas celle de l’Indice des prix à la consommation (IPC). Sauf en 1992, tous les ans depuis 1998, le prix des médicaments brevetés a enregistré une progression inférieure à celle de l’IPC. En 2000, le prix des médicaments brevetés a augmenté en moyenne de 0,4 %, alors que les prix à la consommation se sont accrus de 2,7 %.[46] Le CEPMB surveille également le prix de lancement des nouveaux médicaments brevetés. En règle générale, le prix des nouveaux médicaments brevetés est fixé de façon que le coût du nouveau médicament ne dépasse pas la plus coûteuse des pharmacothérapies existantes pour traiter la maladie en question. Le prix des nouveaux médicaments révolutionnaires est limité à la médiane des prix du même médicament dans sept autres pays : la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suisse, la Grande-Bretagne et les États‑Unis. En outre, le prix d’un médicament breveté ne peut pas être plus élevé que le prix le plus élevé du même médicament dans ces pays.[47]

En 1987, le prix des médicaments brevetés au Canada était supérieur d’environ 23 % à la médiane des prix internationaux. Au milieu des années 90, les prix canadiens étaient inférieurs d’environ 10 %. En 2000, ils étaient inférieurs de 8 % à la médiane des prix internationaux. Le CEPMB signale que les prix canadiens sont un peu inférieurs aux prix qui ont cours en Allemagne, en Suède, en Suisse et en Grande-Bretagne, mais qu’ils sont supérieurs aux prix pratiqués en France et en Italie. Les prix américains sont plus élevés que ceux de tous les autres pays.[48]

Le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur le prix des produits pharmaceutiques a analysé l’évolution du prix annuel des médicaments d’ordonnance dans six régimes provinciaux d’assurance-médicaments. Les médicaments ont été partagés en trois catégories : médicaments brevetés; médicaments non brevetés à source unique; et médicaments non brevetés à sources multiples (de marque et génériques). En 1997, pour les six régimes analysés, les médicaments brevetés représentaient environ 50 % du total des dépenses au titre de médicaments d’ordonnance. Les médicaments non brevetés de source unique représentaient 13 % du total, en 1996. Le Groupe de travail a comparé le prix demandé au Canada et le prix demandé à l’étranger pour les médicaments non brevetés de source unique les plus vendus et remboursés par les six régimes d’assurance-médicaments. On a pu constater que, dans l’ensemble, les prix canadiens étaient de 30 % supérieurs à la médiane des prix internationaux des sept pays qui constituent la référence comparative du CEPMB. Par contre, le prix canadien des médicaments brevetés était quant à lui d’environ 10 % inférieur à la médiane des prix internationaux.[49]

Les médicaments à sources multiples (de marque générique) représentaient 44 % des dépenses des régimes d’assurance-médicaments de cinq provinces en 1997.[50] Le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur le prix des produits pharmaceutiques a recueilli des données qui révèlent une tendance nette à la hausse du prix des médicaments génériques au regard de leurs équivalents de marque.[51] Selon le Groupe de travail, « cette tendance s’est dessinée bien que le prix de l’ensemble des médicaments génériques soit demeuré stable ou ait chuté, et bien que le prix de leurs équivalents de marque soit demeuré constant ou ait augmenté pendant cette période. »[52] On peut trouver deux explications possibles à ce phénomène : le prix de lancement des médicaments générique est relativement plus élevé et on observe des différences de tendance dans les prix, selon qu’il s’agit d’un médicament générique pour lequel il n’y a pas d’équivalent de marque ou d’un générique pour lequel il existe un équivalent.[53] Une étude de l’Institut Fraser (août 2000) démontre que le prix des médicaments génériques est souvent plus élevé au Canada qu’aux États‑Unis.[54]

Le prix des médicaments varie d’une province à l’autre. Le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur le prix des produits pharmaceutiques a constaté que le prix du fabricant accusait des différences marquées pour un même produit selon la région du Canada. En 1993, les prix ontariens, les plus élevés au Canada, étaient supérieurs de 8,8 % à ceux de la Colombie-Britannique, province où ils sont le plus bas. En 1997, dernière année couverte par le rapport, l’écart des prix s’était rétréci, la Nouvelle-Écosse affichant les prix les plus élevés, 5 % de plus qu’au Manitoba, province où ils étaient le moins élevés. Le Groupe de travail a également constaté que si les provinces avaient remboursé au prix le plus bas pour un même produit en 1997, 60 millions de dollars auraient été épargnés.[55]

 

2.2.3   Genres de médicaments prescrits - Tendances

Si les anciennes thérapies sont remplacées par de nouveaux médicaments plus coûteux, cela peut avoir une incidence marquée sur les dépenses au titre des médicaments. Le Groupe de travail sur le prix des produits pharmaceutiques a recueilli des données qui révèlent qu’en 1997, les nouveaux médicaments (introduits depuis 1990) représentaient 57 % des dépenses totales au titre des produits pharmaceutiques en Colombie‑Britannique. On attribue à l’introduction et à l’usage des nouveaux médicaments 32 % de l’augmentation des dépenses en médicaments en Colombie‑Britannique entre 1990 et 1997.

 

2.2.4   Analyse des générateurs de coûts

À l’aide de données de la Colombie-Britannique, le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur l’utilisation des médicaments attribue l’évolution des dépenses en médicaments d’ordonnance aux générateurs de coût suivants (voir graphique 2.3) : l’augmentation des prix des médicaments existants (18 %), l’usage accru des médicaments existants (50 %) et la vente de nouveaux médicaments au cours de la première année (32 %). En 1997, les médicaments introduits sur le marché canadien depuis 1990 (nouveautés) représentaient 57 % des dépenses d’assurance-médicaments en Colombie-Britannique. Le Groupe de travail a donc conclu qu’un usage accru de médicaments et une consommation accrue de nouveaux médicaments étaient les principaux générateurs des dépenses au titre des médicaments d’ordonnance[56].

2.3          Pharmacothérapie appropriée

Une pharmacothérapie appropriée signifie prescrire et utiliser les bons médicaments au bon moment. Une utilisation rentable et appropriée des médicaments est essentielle si nous voulons à la fois optimiser les résultats pour la santé et éviter des dépenses inutiles. Il existe toutefois deux obstacles majeurs à une pharmacothérapie appropriée : une utilisation inappropriée par le patient et une ordonnance inappropriée de la part du médecin. Le tableau 2.2 donne un bref aperçu de ce double phénomène.  

L’utilisation inappropriée des médicaments sur ordonnance est un problème de plus en plus important. D’après les estimations, jusqu’à 55 % des patients n’observent pas les régimes indiqués pour les médicaments sur ordonnance et interrompent prématurément leur prise alors qu’ils souffrent chroniquement d’hypertension ou de cholestérol élevé. D’après les données de la Saskatchewan concernant l’utilisation d’hypocholestérolémiants, le Dr Robert Coambs, PDG, Health Promotion Research, a signalé qu’il faut de 18 mois à deux ans avant que ces médicaments ne fassent effet, mais que 10 % seulement des patients continuent à les prendre après 800 jours. Ceci peut mener à d’autres effets nocifs ainsi qu’à une multiplication des visites chez le médecin et à l’hôpital[57]. Il arrive souvent que les patients ne prennent pas leurs médicaments comme cela leur a été prescrit, arrêtent de les prendre prématurément ou négligent de renouveler leurs ordonnances.

 

TABLEAU 2.2

PHARMACOTHÉRAPIE INAPPROPRIÉE : DÉFINITION

UTILISATION INAPPROPRIÉE DES MÉDICAMENTS1

PRESCRIPTION INAPPROPRIÉE2

§         Ne pas faire exécuter ou renouveler son ordonnance

§         Prendre trop ou pas assez du médicament prescrit

§         Doser au hasard, modifier l’intervalle entre deux prises de médicaments ou omettre des doses

§         Arrêter prématurément la prise du médicament

§         Prendre un médicament sans ordonnance

§         Mélanger les médicaments sur ordonnance et les produits en vente libre ou illicites

§         Mélanger médicaments sur ordonnance et alcool

§         Prescrire insuffisamment ou ne pas spécifier des quantités suffisantes ou les intervalles à respecter entre les doses

§         Prescrire des quantités excessives ou dépasser le dosage thérapeutique maximum

§         Utilisation prolongée qui provoque un changement iatrogène et des effets indésirables

§         Ordonnance contre-indiquée pour l’état pathologique

§         Mélanges contre-indiqués qui produisent des effets indésirables

1)         Coambs, Robert B., Ph.D. et al., Review of the Scientific Literature on the Prevalence, Consequences, and Health Costs of Non-Compliance and Inappropriate Use of Prescription Medications in Canada, ACIM, 1995.

2)         Coambs, Robert B., Ph. D. et al., A Preliminary Review of the Causes of Inappropriate Prescribing and its Costs in Canada, Health Promotion Research, février 1997.

Les recherches ont d’autre part révélé que beaucoup de patients ne comprennent pas leur pharmacothérapie. On a dit au Comité que la moitié des patients qui sortent d’un cabinet de médecin ne comprennent pas le médicament qui leur a été prescrit, pourquoi on le leur a prescrit ni comment ils sont censés le prendre[58]. L’analphabétisme est un obstacle majeur à une utilisation appropriée des médicaments sur ordonnance.

La prescription inappropriée de médicaments pose également un problème, en particulier pour les personnes âgées. L’Association canadienne de gérontologie a discuté de ce problème dans un récent énoncé de position :

Les personnes âgées sont plus susceptibles de se faire prescrire des médicaments probablement non indiqués; de 11 % à 46 % d’entre elles reçoivent au moins une ordonnance non indiquée par année. […] Les erreurs de prescription représentent environ de 19 % à 36 % des admissions à l’hôpital pour cause médicamenteuse. La coexistence de plusieurs médecins prescripteurs, le nombre de médicaments actuellement commercialisés (plus de 24 000), le nombre de contre-indications relatives documentées (plus de 33 000) et les lacunes dans les connaissances des médecins attribuables à leur âge ou à leur formation sont d’importants facteurs qui contribuent à accroître le risque de la prescription de complaisance[59].

TABLEAU 2.3

COÛTS ÉCONOMIQUES ESTIMATIFS DE LA PHARMACOTHÉRAPIE INAPPROPRIÉE

(en milliards de dollars)

 

Utilisation inappropriée

Ordonnances inappropriées

Coûts directs :

§         Hôpitaux

§         Centres de soins infirmiers

§         Soins ambulatoires

 

1,78 – 2,74

0,66

1,09

 

0,30 – 0,85

0,12 – 0,43

Coûts indirects :

§         Perte de productivité et décès prématurés

 

 

3,5 – 4,49

 

 

0,42 – 1,28

Coûts économiques totaux

7,06 – 8,98

0,84 – 2,56

Source : Voir tableau 2.2.

L’utilisation inappropriée de médicaments sur ordonnance coûte très cher au système de santé canadien. Une étude de 1995 du Dr Coambs et al. révèle que ces coûts économiques se situent entre 7 et 9 milliards de dollars par an, ce qui équivaut au coût du cancer, toutes causes confondues[60]. Ce chiffre comprend à la fois les coûts directs – résultant d’une hospitalisation accrue, d’une multiplication des visites et interventions de médecin et d’un accroissement des coûts des centres de soins; et les coûts indirects – résultant d’une productivité diminuée au travail, de l’absentéisme et de décès prématurés. En 1997, le Dr Coambs et son équipe ont estimé les coûts économiques des erreurs de prescription entre 0,8 et 2,6 milliards de dollars par an (voir tableau 2.3).  

Les témoins ont insisté sur le fait qu’une amélioration dans l’utilisation des médicaments aurait une incidence positive sur la santé des patients et sur les dépenses. Le DCoambs estime que de bons programmes de soutien aux patients aideraient à s’assurer qu’ils prennent convenablement leurs médicaments. Le Dr Jeffrey Poston, directeur exécutif de l’Association des pharmaciens du Canada, a insisté sur le rôle des pharmaciens dans la rentabilisation de l’utilisation des médicaments.

Même si des stratégies de gestion de l’utilisation des médicaments, comme les programmes de pharmacothérapie initiale, peuvent permettre de réaliser des économies, c’est lorsque les pharmaciens prennent le temps d’examiner avec les patients leur traitement d’un œil critique qu’on obtient l’amélioration la plus grande. Dans une étude menée récemment en Ontario, des pharmaciens ont passé en revue les médicaments pris par des aînés à qui on avait prescrit cinq médicaments ou plus. Chez 88 % de ces patients, on a décelé, en moyenne, 3,23 problèmes liés aux médicaments. Le pharmacien a informé les médecins traitants. Dans 69 % des cas, le médecin a accepté les modifications recommandées par le pharmacien[61].

Le Dr Poston préconise que les pharmaciens fassent partie intégrante de la réforme des soins de première ligne. Cela réglerait le problème de sous-utilisation des pharmaciens et améliorerait l’ensemble de la pharmacothérapie :

Nous recommandons aux provinces, au moment où elles s’apprêtent à réformer leurs systèmes de soins primaires, d’examiner des moyens d’intégrer les pharmaciens aux modèles proposés de prestation des soins primaires. De tels modèles devraient être conçus de manière à assurer une utilisation maximale des services consultatifs que les pharmaciens sont en mesure d’offrir pour assurer l’optimisation des pharmacothérapies[62].

Les témoins ont également parlé de l’importance d’utiliser l’information pour réduire le gaspillage résultant d’erreurs de prescription et de l’utilisation inappropriée de médicaments. Le Comité a appris que le Canada n’a pas d’informations complètes quant à l’utilisation et au coût des médicaments. Évaluer la qualité de l’utilisation des médicaments semble être une priorité. Mme Barbara Ouellet, directrice des Soins à domicile et produits pharmaceutiques à Santé Canada a signalé que :

Le Canada ne dispose pas de données exhaustives fiables sur l’utilisation et le coût des médicaments, ce qui constitue en soi un obstacle à l’analyse, notamment celle de certaines orientations stratégiques ou conséquences éventuelles de ces orientations. De plus, les Canadiens sont en quête d’informations faisant autorité, fondées sur des preuves et adaptées aux patients qui leur seraient communiquées au moment où on leur remet leur ordonnance ou au moment où elle est exécutée[63].

Le Dr Poston préconise des recherches qui permettront d’évaluer de façon critique la qualité de l’utilisation des médicaments :

On a beaucoup insisté sur le coût des médicaments, sans s’intéresser de près à la qualité de l’utilisation des médicaments. C’est grâce à une meilleure qualité de l’utilisation des médicaments que nous pourrons réaliser de véritables économies, du point de vue des coûts et des vies humaines. Les évaluations devraient mettre l’accent sur la valeur des interventions mises au point pour améliorer la qualité de l’utilisation des médicaments[64].

 

2.4     Qui paie les médicaments au Canada?

La majorité des Canadiens ont une forme quelconque d’assurance pour les médicaments sur ordonnance : programmes gouvernementaux, régimes privés contractés par leur employeur ou régimes individuels (voir tableau 2.4). Les informations fournies au Comité par l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes Inc. (ACCAP) indiquent qu’environ 97 % de la population canadienne est protégée par une forme ou une autre d’assurance-médicaments. Les estimations de l’Association révèlent également que :

·        les régimes d’employeur sont la principale source d’assurance pour les Canadiens, puisqu’ils couvrent 57 % de la population;

·        les compagnies d’assurance-médicaments individuelles couvrent 3 % de la population;

·        les deux principaux régimes d’assurance-médicaments publics pour les personnes âgées et les assistés sociaux couvrent respectivement 12 et 10 % de la population;

·        les programmes provinciaux visant l’ensemble de la population (non limités aux aînés et aux bénéficiaires de l’aide sociale) couvrent 15  % de la population;

·        les programmes pour les Indiens inscrits et les Inuits et Innus admissibles couvrent environ 2 % des assurés;

·        divers autres regimes (polices individuelles, groupes d’affinité, etc.) couvrent un autre 1  %;

·        quelque 3 % de la population canadienne semble ne pas avoir d’assurance du tout pour les médicaments[65].

TABLEAU 2.4

TYPES DE RÉGIMES

RÉGIMES PRIVÉS

RÉGIMES PUBLICS

§         Régimes liés à un emploi

§         Assurance individuelle

§         Régimes affinité

§         Indiens inscrits, Inuits et Innus admissibles

§         Anciens combattants

§         Personnes âgées

§         Assistés sociaux

§         Personnes dans des établissements (de santé ou correctionnels)

§         Régimes universels ouverts à tous les résidents

Source : Canadians’ Access to Insurance for Prescription Medicines, Executive Summary, Applied Management in Association with Fraser Group Trisat Resources, étude soumise à Santé Canada grâce au Fonds pour l’adaptation des services de santé, mars 2000.

Étant donné que la Loi canadienne sur la santé ne vise pas les médicaments sur ordonnance utilisés hors du contexte hospitalier, la protection varie considérablement selon la province. De même, les assurances privées pour médicaments offertes dans les régimes d’employeur ou par les assureurs sont toutes très différentes dans leur conception, leurs conditions et leur coût.

Il y a par exemple de grandes différences dans les régimes d’assurance-médicaments[66] :

·        Le gouvernement fédéral offre, dans le cadre du programme des Services de santé non assurés, un régime d’assurance-médicaments aux Indiens inscrits et aux Inuits et Innus admissibles pour les médicaments qui ne sont pas couverts par les régimes provinciaux et territoriaux.

·        Anciens combattants Canada offre un régime d’assurance-médicaments à certains anciens combattants admissibles.

·        Les membres des forces armées et leurs familles reçoivent une assurance-médicaments du gouvernement fédéral, comme les détenus des établissements correctionnels fédéraux. Les gouvernements provinciaux fournissent les médicaments aux détenus des établissements provinciaux.

·        Certaines provinces ont des programmes universels (la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et le Manitoba couvrent tous les résidents; le Québec couvre les résidents sans régime d’assurance-médicaments d’employeur; l’Ontario a un programme qui couvre, en fonction de leurs revenus, les personnes qui paient des coûts de médicaments très élevés).

·        Toutes les provinces et les territoires couvrent les assistés sociaux et les personnes âgées dans leur programme d’assurance-médicaments, mais certaines ne couvrent que les personnes âgées à faible revenu.

·        Les personnes atteintes de maladies très coûteuses (p. ex., diabète, VIH/sida, cancer, fibrose kystique) sont couvertes dans toutes les provinces.

·        Les résidents de centres de soins infirmiers et d’établissements de soins de longue durée obtiennent une assurance-médicaments dans le cadre de régimes provinciaux ou grâce aux subventions dont bénéficie le centre ou l’installation.

·        Certains régimes d’assurance-médicaments provinciaux exigent le paiement d’une prime. La majorité n’en exigent pas. D’autres ont des franchises (montant que doit payer l’intéressé avant de pouvoir être remboursé). La majorité des régimes publics provinciaux exigent que les assurés paient une portion des frais d’exécution d’ordonnances en plus de la franchise (participation aux coûts). Beaucoup de régimes limitent le montant total que sont tenus de payer les assurés en participation aux frais et franchises).

·        Les régimes d’assurance-médicaments provinciaux et territoriaux ont adopté des formulaires (listes) de médicaments que rembourse le régime.

La plupart des gros employeurs et beaucoup de petits employeurs offrent des régimes qui incluent une assurance-médicaments. Dans certains cas, ces régimes s’adressent aussi aux retraités. Les personnes travaillant à leur compte peuvent également acheter une assurance-médicaments individuelle. Les employeurs paient habituellement la prime dans la plupart des régimes d’employeur, mais les employés peuvent aussi être appelés à contribuer : la proportion de régimes exigeant une prime et ceux qui n’en exigent pas est d’environ moitié-moitié. Beaucoup de régimes privés n’ont pas de franchise et quand il y en a une, elle est relativement peu élevée. De nombreux régimes privés exigent une participation aux coûts de la part des assurés (habituellement 20 %), mais un certain nombre n’en prévoient pas.

La composition public-privé de l’assurance-médicaments varie beaucoup au Canada. Les données fournies par IMS Health (Canada) indiquent que l’assurance publique ne couvre que 31 % du coût des médicaments d’ordonnance à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick, alors que les gouvernements sont responsables de plus de 60 % de ces coûts en Saskatchewan, au Québec et au Manitoba (voir tableau 2.5). L’ensemble des résidents des provinces atlantiques ont moins d’assurance publique pour les médicaments d’ordonnance que les résidents d’autres régions du pays.

TABLEAU 2.5

QUI PAIE LES MÉDICAMENTS D’ORDONNANCE

PROVINCE

POURCENTAGE DE FONDS PUBLICS

POURCENTAGE D’ASSURANCE PRIVÉE/DÉBOURSÉS PERSONNELS

Colombie-Britannique

40,9 %

59,1 %

Alberta

45,5 %

54,5 %

Saskatchewan

66,1 %

33,9 %

Manitoba

62,2 %

37,8 %

Ontario

42,8 %

57,2 %

Québec

62,2 %

39,8 %

Nouveau-Brunswick

31,1 %

68,9 %

Nouvelle-Écosse

33,3 %

66,7 %

Terre-Neuve

31,1 %

68,9 %

Source : IMS Health (Canada).

 

2.5     Certains Canadiens sont-ils mieux protégés que d’autres pour ce qui est des frais de médicaments?

Le Fonds pour l’adaptation des services de santé (Santé Canada) a financé une étude sur la gamme et la portée des régimes publics et privés d’assurance-médicaments d’ordonnance et sur le problème de la sous-assurance au Canada. Cette étude très exhaustive, intitulée Canadians’ Access to Insurance for Prescription Medicines, a été remise au Comité[67].

Les conclusions peut-être les plus frappantes de cette étude sont les variations régionales importantes pour ce qui est des personnes admissibles à une assurance et des niveaux de remboursement prévus dans les régimes d’assurance-médicaments publics. L’étude révèle d’autre part qu’un grand nombre de personnes sont insuffisamment protégées ou pas protégées du tout. Les travailleurs à temps partiel et les personnes à faible revenu sont particulièrement vulnérables parce qu’ils n’ont pas droit au régime d’assurance public et qu’ils n’ont pas accès à un régime de prestations aux employés. L’étude a mené aux conclusions générales suivantes[68] :

·        Quatre-vingt-treize pour cent des Canadiens sont couverts à la fois par un régime d’assurance-médicaments public et un régime privé pour éviter la lourde charge financière que pourrait représenter une pharmacothérapie coûteuse. Environ 4 % des Canadiens sont considérés comme sous-assurés parce que leur assurance ne rembourserait qu’une partie des frais, et 3 % ne sont pas assurés du tout.

·        Les résidents des provinces atlantiques, en dehors des personnes âgées et des assistés sociaux et des personnes qui bénéficient de programmes financés par l’employeur, ne sont pas protégés contre des niveaux catastrophiques de dépenses de médicaments.

·        Dans toutes les provinces, sauf au Québec, les travailleurs à temps partiel et les personnes à faible revenu risquent davantage que la population de moins de 65 ans d’être sous-assurés ou de ne pas être assurés pour les médicaments courants parce que les régimes collectifs financés par l’employeur n’offrent pas cette couverture ou en offrent très peu.

·        Dans toutes les provinces, sauf au Québec, on observe une couverture réduite pour les personnes de 55 à 64 ans.

·        Parmi la population autochtone, les Indiens inscrits ou les Inuits et Innus admissibles jouissent d’une bonne protection dans le cadre du Programme des services de santé non assurés de Santé Canada. Les Métis et les Indiens non inscrits, par contre, risquent davantage que la population non autochtone d’être sous-assurés ou pas assurés du tout.

·        Ainsi, le facteur le plus déterminant d’une couverture adéquate pour les frais élevés de médicaments est la province de résidence. Alors qu’un grand nombre de personnes, surtout des personnes âgées, sont protégées contre des dépenses catastrophiques par un régime public, les résidents non âgés de provinces ou de territoires sans programme universel peuvent avoir à supporter un fardeau financier très lourd s’ils ne bénéficient pas d’une assurance-médicaments privée financée par leur employeur.  

Une autre étude présentée au Comité a permis d’évaluer les changements récents apportés au régime d’assurance-médicaments du Québec et l’effet de la participation aux coûts sur la consommation de médicaments[69]. En 1996, le Québec a rendu l’assurance-médicaments obligatoire. Ainsi, des personnes qui autrefois n’étaient pas assurées ont eu accès à un régime d’assurance-médicaments. Celui-ci exigeait que les bénéficiaires paient une partie de leurs frais d’exécution d’ordonnances. Ceci différait du régime précédent en vertu duquel beaucoup d’assurés – en particulier les assistés sociaux et les personnes âgées touchant le supplément de revenu garanti – recevaient gratuitement leurs médicaments d’ordonnance. L’étude effectuée au Québec a révélé que les personnes âgées et les assistés sociaux avaient considérablement réduit leur consommation de médicaments, qu’il s’agisse de médicaments essentiels ou non essentiels. Elle a également révélé une augmentation du nombre d’événements indésirables, de consultations à l’urgence et de visites chez le médecin attribuables à la diminution de la consommation de médicaments essentiels[70].

Un certain nombre de témoins ont soulevé la question de l’accès des patients à la pharmacothérapie, en particulier par suite des récents changements apportés au régime public d’assurance-médicaments, qui impose une participation et des franchises plus élevées. À leur avis, si certains patients doivent supporter la totalité ou une partie des coûts de leurs ordonnances, ils renonceront à une pharmacothérapie essentielle. Ces témoins ont précisé que beaucoup de Canadiens n’ont pas une assurance-médicaments suffisante, quand ils en ont une, et ne peuvent se payer les médicaments qu’on leur prescrit. Il s’ensuit évidemment des répercussions importantes sur les coûts et les services d’autres secteurs du système de santé. Par exemple, le Dr Coambs a fait remarquer que :

[…] Si vous haussez le prix des médicaments ou rendez ces derniers moins accessibles, les gens feront exécuter moins d’ordonnances, renouvelleront moins d’ordonnances et utiliseront davantage d’autres ressources de santé. Si vous leur interdisez l’accès aux médicaments, les coûts liés aux hospitalisations augmenteront. Oui, les facteurs économiques représentent un obstacle, et d’autres questions relatives à l’accès en sont un autre[71].

Un certain nombre de témoins ont recommandé que le gouvernement fédéral élabore, en collaboration avec les provinces, un régime national d’assurance-médicaments. On ne peut citer un modèle en particulier, et un certain nombre de questions complexes devront être prises en considération dans la conception d’un tel régime. Il faudra notamment décider qui doit être couvert (tout le monde, certains groupes de la population tels que les personnes âgées ou les assistés sociaux, etc.), ce qui est couvert (toutes les ordonnances, certaines catégories d’ordonnances, etc.) et comment le régime devrait être financé (trésor public seulement ou combinaison de fonds publics et privés avec franchise, participation aux coûts, etc.). Les témoins ont indiqué que s’il fallait imposer un ticket modérateur, celui-ci devrait être minime; il ne pas représenter un fardeau indu pour les patients.

En outre, une forte controverse existe au sujet des coûts de l’établissement d’un programme national d’assurance-médicaments et de sa viabilité. En 1997, Palmer d’Angelo Consulting Inc. a estimé dans une étude le coût du financement de plusieurs modèles d’assurance-médicaments nationaux. Voici un résumé des principales conclusions de cette étude :

·        Un régime d’assurance-médicaments national à capitalisation entière, complet et administré publiquement augmenterait les dépenses publiques de médicaments d’ordonnance d’environ 4,3 milliards de dollars.

·        D’autres régimes administrés publiquement augmenteraient les dépenses publiques de 2,1 à 2,5 milliards de dollars si les patients payaient une participation ou les frais d’exécution d’ordonnances. Ces régimes reviendraient en fait à « nationaliser » les régimes privés actuels.

·        Si l’on avait un régime d’assurance-médicaments national semblable aux régimes qui existent en Saskatchewan et au Manitoba, les dépenses publiques diminueraient de près d’un demi-milliard de dollars. Toutefois, les dépenses des particuliers augmenteraient de 0,9 milliard de dollars.

·        L’impact sur le trésor public des régimes publics et privés confondus est très inférieur à ce qu’il serait si ces régimes étaient uniquement publics. L’augmentation des dépenses va de 0,1 milliard de dollars pour un régime semblable à celui qui existe actuellement au Québec, à 1,5 milliard pour un régime qui assure réellement une couverture au premier dollar[72].

Il est évident que le coût du financement d’un programme national d’assurance-médicaments varierait selon la façon dont il est conçu. Une étude récente du DJoel Lexchin indique que, bien qu’un tel système accroîtrait les dépenses publiques, il permettrait néanmoins d’économiser de l’argent en réduisant les coûts administratifs et les frais d’exécution d’ordonnances[73]. Par contre, on ne sait pas trop quelle serait l’incidence d’un tel programme sur le prix des médicaments. L’expérience internationale révèle que ces coûts continuent d’augmenter à un taux annuel de 8 %.

Le Comité a appris que l’idée d’un formulaire pharmaceutique commun a été discutée au palier provincial-territorial. Après leur conférence d’août 2000, les premiers ministres provinciaux et les chefs des gouvernements territoriaux ont en effet convenu de collaborer et ont « demandé à leurs ministres de la Santé d’élaborer des stratégies pour évaluer les médicaments d’ordonnance. Ces stratégies pourraient inclure la création d’un processus consultatif interprovincial-territorial commun pour évaluer les médicaments susceptibles d’être inclus dans les régimes d’assurance-médicaments des provinces et des territoires »[74]. On a toutefois fait savoir au Comité que les provinces hésitent à adopter un formulaire pharmaceutique national :

En ce qui concerne le régime d’assurance-médicaments, les gouvernements ont, au début des années 90, présenté une proposition relativement générale portant sur des aspects dont il a été question ici, notamment les formulaires nationaux. Le problème, c’est que les provinces tentent de gérer leurs ressources de la façon qui répond le mieux aux besoins de leur propre population. Si, par exemple, elles comptent parmi leurs habitants un grand nombre d’aînés, elles feront face à une certaine demande d’accès à  des produits pharmaceutiques pour ce groupe de personnes. Si, dans la population, on retrouve un grand nombre de personnes atteintes du sida, les provinces devront également répondre aux besoins de ces malades. Les provinces tentent désespérément de faire en sorte que les médicaments inscrits répondent aux besoins des citoyens. Au fur et à mesure que certains médicaments perdent de leur efficacité et que des médicaments de meilleure qualité sont proposés, peut-on retirer certains produits du formulaire? Pour le moment, je dirais que les provinces n’ont ni le désir ni la volonté d’évoquer la création d’un formulaire national parce qu’elles doivent bénéficier de la souplesse nécessaire pour répondre aux besoins de leur population qui, soutiennent-elles, diffère de celle d’une autre province[75].

 

2.6     Commentaires du Comité

Ces dernières années, on a observé une augmentation marquée des dépenses de médicaments. Les recherches indiquent que cela tient en grande partie à l’utilisation accrue des médicaments et au fait que l’on soit passé de médicaments anciens moins coûteux à de nouvelles formes de pharmacothérapie plus coûteuses, alors que les prix, eux, n’ont pas tellement augmenté. Les témoins ont déclaré au Comité qu’ils pensaient que les dépenses en médicaments allaient à l’avenir représenter une portion encore plus importante des dépenses au titre de la santé.

On sait d’autre part qu’il y a un sérieux problème d’utilisation et de prescription inappropriées de médicaments. On estime à 50 % les patients qui ne se conforment pas au régime posologique ou qui interrompent prématurément leur traitement alors qu’ils souffrent d’un mal chronique. La pharmacothérapie inappropriée coûte cher au système de soins de santé canadien. Le Comité estime qu’il faut absolument se pencher sur ce problème. Il convient avec les témoins que les pharmaciens peuvent jouer un rôle crucial dans la réforme des soins de première ligne et qu’une meilleure intégration du travail des médecins et des pharmaciens pourrait considérablement réduire le fardeau économique que représente cette utilisation inappropriée des médicaments. Le Comité croit par ailleurs que la mise en place de systèmes d’information sur la santé pourrait nettement améliorer les données disponibles sur la prescription et l’utilisation des médicaments. Le système PharmaNet en Colombie-Britannique, par exemple, mérite qu’on s’y arrête, car il fournit aux pharmaciens le dossier complet des médicaments prescrits à chaque résident de la province.

En outre, les témoins ont déclaré au Comité que les Canadiens ne sont pas uniformément couverts pour les médicaments sur ordonnance. Certains ne sont pas du tout protégés, d’autres ont une assurance tout à fait insuffisante. C’est dans les provinces de l’Atlantique que l’absence de couverture pour les médicaments d’ordonnance et la couverture insuffisante font le plus problème. Le Comité estime qu’il est essentiel que les médicaments sur ordonnance soient facilement accessibles lorsqu’ils sont médicalement nécessaires.

Il n’existe pas pour le moment de véritable consensus quant à l’élaboration d’un programme national d’assurance-médicaments. On peut envisager tout un éventail de modèles qui soulèvent chacun de nombreuses questions. Par exemple, un tel régime devrait-il satisfaire à toutes les conditions de la Loi canadienne sur la santé? Devrait-il être établi en même temps qu’un formulaire pharmaceutique national ou avec les formulaires provinciaux actuels? Comment le régime serait‑il financé : fonds publics uniquement, combinaison de fonds publicset privés, participation aux coûts et franchises? D’où viendrait le financement public : impôt général, primes employeur-employé, impôt spécial pour les soins de santé, etc.?

Dans la phase quatre de son étude, le Comité exposera les différentes options possibles à ce sujet.


CHAPITRE TROIS

Technologie de la santé

La notion de « technologie de la santé » se définit de façon générale par un ensemble de techniques, de matériels, de procédures et de médicaments utilisés par les professionnels de la santé pour assurer des soins à des particuliers de même que les réseaux par lesquels passent ces soins[76]. David Feeny, professeur de pharmacie et de sciences pharmaceutiques à l’université de l’Alberta, a indiqué au Comité que la notion de technologie des soins de santé comprend la technologie intégrée et la technologie non intégrée. La technologie intégrée est « contenue » ou intégrée dans l’artéfact matériel lui-même. Par ailleurs, la technologie non intégrée a trait aux idées et aux procédures et ne fait pas appel à un produit ou un matériel tangible[77]. Le tableau 3.1 donne des exemples de technologies de la santé.

TABLEAU 3.1
EXEMPLES DE TECHNOLOGIES DE LA SANTÉ

TECHNOLOGIE INTÉGRÉE

Appareils, matériel et fournitures :

§         Stimulateurs cardiaques, tomodensitomètres assistés par ordinateur (TAO), imageurs à résonance magnétique (IRM), gants chirurgicaux, trousses d’épreuve diagnostique, etc.

Techniques médicales et chirurgicales :

§         Coronarographie, ablation de la vésicule biliaire, etc.

Médicaments :

§         Aspirine, bêta-bloquants, pénicilline, vaccins, produits sanguins, etc.

Systèmes de soutien :

§         Systèmes électroniques de tenue des dossiers des malades, systèmes de télémédecine, banques de sang, laboratoires cliniques, etc.

TECHNOLOGIE NON INTÉGRÉE

Procédures :

§         Test de Papanicolaou

Idées :

§         Ambulation précoce après chirurgie, lavage des mains entre chaque malade et le suivant, etc.

 

Le Comité a appris que les technologies de la santé ont des cycles de vie. Certaines sont bien établies, alors que d’autres en sont à leurs débuts; d’autres encore sont devenues désuètes. Les technologies novatrices sortent aujourd’hui de plus en plus rapidement du laboratoire de recherche pour se retrouver dans le secteur des soins de santé. Par voie de conséquence, si l’innovation est plus rapide, les technologies de la santé deviennent plus rapidement désuètes.

Le Comité a aussi appris que le Canada ne joue pas un rôle de chef de file en matière de développement de la technologie de la santé. En fait, 70 % des technologies de la santé qui sont en usage au Canada ont été mises au point à l’étranger.

Tous conviennent que la technologie de la santé constitue un élément important de la prestation des soins de santé dans les pays développés. La technologie de la santé peut accélérer un diagnostic et en accroître l’exactitude, guérir d’une maladie, prolonger la vie, soulager la douleur, faciliter la rééducation et maintenir l’autonomie. Toutefois, bien des préoccupations ont été exprimées au Canada concernant la disponibilité, l’évaluation et le coût des technologies de la santé nouvelles et existantes. Le Comité a appris qu’il faut régler ces questions pour que la population canadienne puisse tirer le maximum des avantages offerts par la technologie de la santé, tout en maintenant un système de santé abordable.

La définition de la technologie de la santé n’englobe pas les médicaments, de sorte que nous n’aborderons dans le présent chapitre que des questions se rapportant aux technologies « dures ». Les questions se rapportant aux médicaments font l’objet du chapitre précédent.

 

3.1     Disponibilité de la technologie de la santé

Selon une étude récente de l’Institut Fraser, le Canada se classe cinquième parmi les pays de l’OCDE au chapitre des dépenses totales en santé (en pourcentage du PIB), mais il arrive en général dans le dernier tiers des pays de l’OCDE au chapitre de la disponibilité des technologies de la santé (voir tableau 3.2). Ainsi, le Canada arrive au 21e rang sur 28 pays de l’OCDE pour ce qui est de la disponibilité des TAO, 19e sur 22 pour ce qui est de la disponibilité des appareils de lithotritie extracorporelle et sur 27 pour ce qui est de la disponibilité des IRM. Il ne se classe bien que pour la disponibilité du matériel radiologique, soit 6e sur 17. L’étude révèle également que ce fossé technologique se creuse. Ainsi, le déficit du Canada pour ce qui est de la disponibilité des IRM a augmenté entre 1985 et 1995 par rapport aux autres grands pays de l’OCDE, dont l’Australie, la France, les Pays‑Bas et les États‑Unis. Autrement dit, le Canada a un très faible niveau de technologie de la santé par rapport à ce qu’il dépense en soins de santé.

TABLEAU 3.2

DISPONIBILITÉ DES TECHNOLOGIES DE LA SANTÉ COMPARAISON AVEC L’ÉTRANGER, 1997  
(Nombre par million d’habitants)

TECHNOLOGIE

CANADA

MOYENNE DE L’OCDE

RANG DU CANADA

TAILLE DE L’ÉCHAN-TILLON

Tomodensitomètres assistés par ordinateur

8,1

12,9

21

28

Matériel radiologique

5,3

4,2

6

17

Appareils de lithotritie

0,4

1,4

19

22

Imageurs à résonance magnétique

1,7

3,9

19

27

Dépenses en soins de santé, en % du PIB

 

9,3

 

7,7

 

5

 

29

Note : Pour certains pays, aucune donnée n’est disponible sur certaines technologies.

Source :   David Harriman, William McArthur et Martin Zelder, “The Availability of Medical Technology in Canada: An International Comparative Study.”  Public Policy Sources, No. 28, 2000.

L’étude de l’Institut Fraser révèle également que le Canada tire de l’arrière sur ses concurrents pour ce qui est des technologies de la santé de pointe. Ainsi, 18 technologies de pointe, dont la TAO peropératoire et l’IRM de type « ouvert », sont disponibles dans les États de Washington et de l’Oregon, mais ne le sont pas en Colombie-Britannique.

Selon l’étude, la faible disponibilité de technologies de la santé au Canada a limité l’accès aux soins et allongé le temps d’attente. Ainsi, les temps d’attente pour la TAO, l’IRM et les écographies sont relativement longs et le sont de plus en plus. Plus précisément, le temps d’attente est actuellement de 12 semaines pour une IRM et de cinq semaines pour une TAO. Dans l’ensemble, les temps d’attente ont augmenté de plus de 40 % depuis 1994.  

La disponibilité n’est pas le seul problème. Le « vieillissement » de la technologie inquiète également. Ainsi, selon l’information fournie au Comité, entre 30 et 63 % des appareils d’imagerie en usage au Canada sont désuets (voir tableau 3.3). La désuétude d’une technologie dépend de deux facteurs : le nombre d’années d’utilisation du matériel et son efficacité relative pour ce qui est, par exemple, de la qualité des images ou des doses de rayonnement.

TABLEAU 3.3
MATÉRIEL RADIOLOGIQUE DÉSUET

TYPE DE MATÉRIEL

POURCENTAGE DE MATÉRIEL DÉSUET

Radiographie générale

Fluoroscopie

Échographie

Angiographie

Radiographie mobile

Tomodensitomètres assistés par ordinateur

Médecine nucléaire

Mammographie

Imageurs à résonance magnétique

63 %

63 %

53 %

50 %

50 %

39 %

 

34 %

32 %

30 %

Source : Association canadienne des radiologistes, L’accès à des soins de santé de qualité ¾ Un droit pour les Canadiens, une obligation de nos gouvernements, mémoire présenté au Comité, mars 2001, p. 4.

Le Comité a appris que la pénurie de nouvelles technologies et l’utilisation de matériel vétuste compromettent l’exactitude des diagnostics et la qualité des traitements. Cette situation, qui peut avoir un effet néfaste sur la santé d’un malade, soulève également des doutes quant à la fiabilité des fournisseurs de soins de santé. Lorsqu’il a comparu devant le Comité, le Dr John Radmonsky, président de l’Association canadienne des radiologistes (ACR), a donné l’exemple suivant :

Dans l’un de nos hôpitaux, nous utilisons plusieurs machines vieilles de 8 à 10 ans. Elles étaient autrefois à la fine pointe de la technologie. On les a entretenues en conséquence. Dans mon cabinet, mon nouvel échographe me permet de dépister des cancers du sein que n’a pas détectés la machine vieille de huit ans que possède l’hôpital. Par conséquent, je ne peux pas faire de biopsie. Nous devons utiliser d’autres tests ou aiguiller la patiente vers un autre centre, ce qui entraîne une augmentation des coûts, sans parler de l’anxiété et des inconvénients pour la patiente. […] Il est possible que nous passions à côté de quelque chose qui est dangereux pour le patient, ce qui nous place dans une situation intenable[78].

Il reste à savoir pourquoi le Canada n’adopte pas les technologies de la santé au même rythme que les autres pays de l’OCDE et pourquoi il ne remplace pas régulièrement le matériel vieillissant. En fait, la situation tient à de nombreux facteurs :

·        D’une part, le Canada importe la plus grande partie de sa technologie de la santé, contrairement à des pays comme l’Allemagne, la France et les États—Unis, qui possèdent un secteur de la technologie de la santé fort. Il serait peut-être plus facile et moins cher d’acheter du nouveau matériel d’un fabricant canadien que d’un fournisseur étranger.

·        D’autre part, tout investissement dans les soins de santé suppose nécessairement des compromis entre technologie de la santé et autres produits et services de santé. Ainsi, même si le Canada est très en retard sur les autres pays pour ce qui est de la disponibilité de la technologie « dure », si nous étendons la définition de technologie aux médicaments, il tire assez bien son épingle du jeu. Par conséquent, si nous investissons relativement moins dans la technologie de la santé, c’est peut-être parce que nous investissons davantage dans d’autres produits et services de santé.

·        De plus, la décision d’acheter telle ou telle technologie n’est pas liée au processus d’évaluation de la technologie. Il est difficile pour les organismes d’évaluation d’influer sur l’achat des technologies de la santé lorsque les décisions sont prises à d’autres niveaux du système de santé.

·        Mais le plus important, c’est que les compressions budgétaires à tous les niveaux de gouvernement durant les années 70 n’ont pas permis d’investir suffisamment de capitaux dans le système canadien de santé.

Le gouvernement fédéral est fort conscient de notre déficit en matière de technologie de la santé. En septembre 2000, il a annoncé qu’il investirait 1 milliard de dollars en 2000‑2001 et en 2001‑2002 pour aider les provinces et les territoires à acheter du nouveau matériel médical. Cette aide a été garantie par l’adoption en octobre 2000 d’une mesure législative qui permet aux provinces et aux territoires de commencer immédiatement à faire l’acquisition du matériel diagnostique et clinique nécessaire. Le milieu médical a bien accueilli cette injection de nouveaux fonds fédéraux, mais plusieurs préoccupations demeurent :

·        Certaines provinces n’ont pas demandé leur part de ce fonds, sans doute parce que le gouvernement fédéral exige un financement de contrepartie.

·        Il ne semble pas que les provinces aient à rendre compte de l’utilisation exacte de cet argent.

·        Cette aide financière n’est pas répartie équitablement entre les établissements de santé. Ainsi, l’ACR a dit au Comité que l’aide fédérale à l’Ontario allait entièrement aux hôpitaux, même si la moitié environ de toutes les radiologies se font à l’extérieur du secteur hospitalier, dans des établissements de santé communautaires indépendants.

·        L’exploitation du matériel exige des ressources additionnelles. Selon l’ACR, pour un milliard de dollars investis dans du nouveau matériel, il en coûte quelque 700 millions de dollars pour l’exploiter.

·        Un tel investissement ne règle pas le problème du vieux matériel qui doit être remis à niveau. Selon l’ACR, cela exigerait un investissement additionnel de 1 milliard de dollars.

·        Cette nouvelle aide financière n’élève pas le Canada à un rang comparable à celui des autres pays de l’OCDE.

·        Enfin, cette aide financière n’est pas conditionnelle à une évaluation de la technologie de la santé.  

Le Comité a appris que le vieillissement et les attentes plus grandes de la population canadienne influeront grandement sur les besoins futurs en matière de technologie de la santé. Dans l’ensemble, les témoins ont dit que le déficit actuel en matière de technologie de la santé exige une réévaluation sérieuse de la façon dont le matériel est fourni, financé et réparti au Canada. Ils ont aussi fait valoir que les décideurs de la santé doivent prévoir les besoins futurs et élaborer un plan d’action en conséquence.  

Des témoins ont toutefois souligné qu’il ne suffit pas de doter le secteur de la santé de toutes les technologies dont il a besoin pour résoudre tous les problèmes, car il n’y a pas assez de professionnels pour faire fonctionner le matériel. Selon eux, il faut augmenter le nombre de professionnels, retenir ceux que nous avons et ramener au pays certains d’entre eux qui se sont exilés aux États‑Unis ou ailleurs. Cette question est exposée plus en détail au chapitre six, qui porte sur la disponibilité et la répartition des ressources humaines dans le système de santé.

 

3.2     Évaluation de la technologie de la santé

Pour évaluer la technologie, il faut démontrer et analyser son bien-fondé : sûreté, efficacité clinique et rentabilité. L’évaluation de la technologie de la santé (ETS) porte souvent sur les répercussions sociales, juridiques et éthiques de son utilisation. L’ETS peut se faire à différentes étapes du cycle de vie d’une technologie. Elle contribue de maintes façons à la base des connaissances nécessaires pour améliorer la qualité des soins de santé. Elle peut confirmer que les technologies sont efficaces, qu’elles sont utilisées à bon escient et dans les bonnes conditions et qu’on utilise la moins cher pour obtenir un résultat particulier. De plus, l’ETS peut aider à déterminer si une nouvelle technologie devrait être adoptée ou si une technologie existante devrait être remplacée.  

Depuis quelques années, les gouvernements fédéral et provinciaux ont appuyé la création de divers organismes d’évaluation des technologies de la santé. Le premier organisme provincial d’ETS au Canada a été créé en 1988 au Québec ¾ le Conseil d’évaluation des technologies de la santé du Québec. En 1989, c’était le tour d’un organisme national, l’Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé (OCCETS). En Colombie‑Britannique, l’Office of Health Technology Assessment a été créé en 1990. En 1996, le Health Technology Assessment Unit était créé sous l’égide de l’Alberta Heritage Foundation for Medical Research. Des organismes d’utilisation des soins de santé, étroitement liés à leurs gouvernements provinciaux respectifs et chargés de certaines activités d’ETS, ont été créés au Manitoba, en Ontario et en Saskatchewan. À l’échelle nationale, l’OCCETS a comme rôle de coordonner les activités d’ETS de toutes les administrations et de réduire au minimum les chevauchements avec les autres organismes nationaux et provinciaux.

Le Comité a appris que, malgré les efforts de ces organismes, il reste beaucoup à faire en matière d’ETS au Canada. À l’échelle mondiale, le Canada dépense moins à cet égard que d’autres pays. Mme Jill Sanders, présidente et directrice générale de l’OCCETS, a affirmé que, malgré les quelque 4,3 millions de dollars investis par l’Office, sans compter une aide additionnelle du gouvernement provincial, (environ 3 millions de dollars), les fonds consacrés à l’ETS se chiffraient à quelque 100 millions de dollars en Grande-Bretagne. Par conséquent, le Canada adopte souvent des technologies de la santé dans son système de santé alors qu’il en sait très peu sur leur sûreté, leur efficacité et leur coût.

David Feeny[79] a dit au Comité que, même si le nombre et la portée des ETS au Canada ont augmenté depuis quelques années, les rapports produits par les organismes d’ETS reposent essentiellement sur une synthèse des données existantes. À son avis, ces organismes n’avaient pas les ressources nécessaires pour financer de grandes études et, en particulier, pour réaliser des essais cliniques contrôlés au hasard. En outre, les organismes canadiens se sont relativement peu attardés aux répercussions sociales et éthiques des technologies de la santé.

Le professeur Feeny a aussi soutenu que, si l’objectif du système de santé est de maintenir et d’améliorer l’état de santé des Canadiens, il faut faire davantage pour évaluer les répercussions des technologies de la santé sur la qualité de vie liée à la santé (QVS). Selon lui, si on mesurait davantage les résultats, la QVS par exemple, on pourrait rendre le système de santé sensiblement plus comptable et plus transparent.

Martin Zelder, directeur de la recherche sur les politiques de santé à l’Institut Fraser, a indiqué que le Canada devrait s’inspirer des résultats des ETS effectuées à l’étranger. Selon d’autres témoins toutefois, il ne suffit pas de transposer simplement les résultats des ETS réalisées ailleurs. Il y a des facteurs qui rendent difficile l’application de la recherche étrangère, tels que les différences dans les situations démographiques et sanitaires, les écarts entre les coûts des diverses ressources de santé et les différences entre les pratiques.

Selon le Dr Radomsky, l’ETS au Canada demeure l’apanage des universitaires et des gouvernements; ce n’est pas une réalité qui atteint les utilisateurs de la base. Selon lui, les fournisseurs de soins de santé doivent collaborer avec les experts en ETS à l’élaboration de guides de pratique clinique qui leur permettront d’utiliser le matériel de façon plus efficace et plus rentable. Par conséquent, il faut plus de collaboration et plus de travail multidisciplinaire. Dans la même veine, le Dr Sanders a proposé que les décideurs participent à la conception, à l’exécution et à l’interprétation des études d’évaluation et des activités d’ETS. Cela permettrait d’utiliser les résultats des ETS dans la formulation d’une politique publique de la santé et des soins de santé.  

Dans l’ensemble, les témoins ont souligné l’importance d’investir davantage dans les ETS et la nécessité de faire connaître davantage, et donc d’utiliser davantage, les résultats des ETS.

 

3.3     Incidence sur le coût des soins de santé

En termes de dépenses et d’efficacité, les technologies de la santé peuvent influer sur la prestation des soins de santé de quatre façons différentes. En général, une technologie peut être (1) plus efficace et plus coûteuse; (2) plus efficace et moins coûteuse; (3) moins efficace et moins coûteuse; (4) moins efficace et plus coûteuse[80]. Malheureusement, le Comité a toutefois appris que personne ne sait quelle part exacte occupe la technologie dans les coûts des soins de santé au Canada. Les tentatives pour mesurer la part de la technologie dans les dépenses grandissantes de la santé se sont butées à un manque de données sérieuses. Dans la plupart des études réalisées jusqu’à ce jour, la technologie est considérée comme un élément « résiduel » et se voit attribuer la part de l’augmentation des dépenses de santé que d’autres facteurs plus faciles à identifier ne peuvent expliquer[81].

Par conséquent, nous ne savons pas combien le Canada dépense pour les technologies de la santé ou dans quelle mesure celles‑ci influent sur la santé et la qualité de vie de la population canadienne. Il est impossible de savoir si le coût des technologies de la santé « grossit la facture » ou s’il est compensé par une réduction du coût réel des traitements qu’elles permettent. Les témoins ont été unanimes : il faut faire de la recherche dans ce domaine.

 

3.4     Commentaires du Comité

Le Comité s’inquiète des lacunes technologiques en santé et de l’effet que cela pourrait avoir sur les files d’attente. À notre avis, le droit du malade d’obtenir en temps opportun un diagnostic et un traitement est un objectif crucial à réaliser dans le système de santé canadien. Dans cette perspective, nous saluons l’investissement consenti par le gouvernement fédéral pour aider les provinces et les territoires à financer le nouveau matériel médical. Nous espérons que les diverses préoccupations soulevées au cours des audiences concernant l’utilisation de ces nouveaux fonds seront examinées aussitôt que possible.

Par ailleurs, le Comité convient avec les témoins que l’évaluation de la technologie est une activité essentielle et qu’il faudra procéder à d’autres ETS dès qu’une nouvelle technologie sera introduite ou que du matériel médical existant sera remplacé. Le Comité est aussi conscient qu’il ne se produit actuellement pas assez de données pertinentes et actuelles sur les coûts et les conséquences de l’utilisation des technologies de la santé, et qu’il serait plus profitable pour le système de santé qu’il se fasse plus de recherche à cet égard. Le gouvernement fédéral, dans son rôle de financement de la recherche de pointe en santé, devrait consacrer plus d’argent à l’évaluation des technologies de la santé nouvelles et existantes.


CHAPITRE QUATRE

Tendances de la maladie

La révolution du XXe siècle dans les soins de santé a considérablement modifié le tableau réel de la morbidité, les causes de mortalité s’étant déplacées des maladies infectieuses aux maladies non transmissibles. Les maladies chroniques, telles que le cancer et les maladies cardiovasculaires, sont maintenant les principales causes de décès et d’invalidité au Canada, tandis que les blessures accidentelles constituent la troisième cause de mortalité. Cependant, certaines maladies infectieuses qu’on croyait vaincues, comme la tuberculose, refont surface et les antibiotiques qui servent à les combattre sont de moins en moins efficaces. Le transport international rapide des aliments et des gens contribue également à augmenter les possibilités de répandre les maladies infectieuses.

L’incidence de la maladie et les tendances diffèrent considérablement entre les hommes et les femmes, entre sous-populations (Autochtones, enfants et jeunes) et entre groupes socio-économiques. Le fardeau économique de la maladie est important et il faut le considérer en incluant non seulement les coûts directs en soins de santé, mais également la perte de productivité et la qualité de vie inférieure.

On craint que les nouvelles maladies et l’augmentation de la fréquence des maladies aient un impact considérable sur les coûts actuels et futurs des soins de santé. Toutefois, de nombreuses causes de maladie, d’invalidité et de décès prématuré sont évitables. On a indiqué que des efforts accrus au chapitre de la promotion de la santé et de la prévention de la maladie, axés en particulier sur les Canadiens à faible revenu et peu scolarisés, doivent demeurer au premier plan des politiques publiques si nous voulons améliorer l’état de santé général et limiter les coûts des soins de santé.

 

4.1     Tendances des maladies

Les principales causes de décès ont énormément changé au XXe siècle (voir tableau 4.1). Au début des années 20, les maladies du cœur et du rein étaient les principales causes de décès. Venaient ensuite la grippe, la bronchite et la pneumonie, suivies par les maladies de la petite enfance. La tuberculose a fauché plus de vies que le cancer. Les maladies intestinales, comme la gastrite, l’entérite et la colite, ainsi que les maladies transmissibles telles que la diphtérie, la rougeole, la coqueluche et la scarlatine se trouvaient parmi les principales causes de mortalité.


TABLEAU 4.1

PRINCIPALES CAUSES DE MORTALITÉ
(taux pour 100 000 personnes)

1921-1925

Maladies cardiovasculaires et rénales

Grippe, bronchite et pneumonie

Maladies de la petite enfance

Tuberculose

Cancer

Gastrite, duodénite, entérite et colite

Accidents

Maladies transmissibles

 

221,9

141,1

111,0

85,1

75,9

72,2

51,5

47,1

ENSEMBLE DES CAUSES

1 030,0

1996-1997

Maladies cardiovasculaires (maladie de cœur et ACV)

Cancer

Maladies pulmonaires obstructives chroniques

Blessures non intentionnelles

Pneumonie et grippe

Diabète sucré

Affections héréditaires et dégénératives du système nerveux central

Maladies des artères, des artérioles et des capillaires

 

240,2

184,8

28,4

27,7

22,1

16,7

14,7

14,3

 

ENSEMBLE DES CAUSES

654,4

Note : Les catégories de maladies ne sont pas identiques au fil du temps. Les taux de 1996‑1997 sont normalisés selon l’âge.

Source : Susan Crompton, « 100 Ans de santé », Tendances sociales canadiennes. Statistique Canada, no 11—008 au catalogue, no 59, hiver 2000, p. 13.

Les programmes de santé publique, combinés à l’utilisation massive de vaccins et d’antibiotiques, ont bouleversé la situation. Aujourd’hui, la maladie cardiovasculaire demeure la principale cause de décès au Canada, mais son incidence sur la mortalité a diminué énormément au cours des 70 dernières années, probablement en raison des changements dans les styles de vie (réduction du tabagisme, régime faible en matières grasses, davantage d’exercice) et des améliorations du traitement (nouveaux médicaments et techniques médicales/chirurgicales améliorées). Par ailleurs, le cancer est devenu la deuxième cause de mortalité au Canada, par comparaison à la cinquième en 1921.

 

4.1.1   Maladies infectieuses

Le Dr Paul Gully, directeur général intérimaire du Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses (Santé Canada), a dit au Comité que certaines maladies infectieuses sont contrôlées ou pratiquement éliminées, mais que bon nombre demeurent. Il a même déclaré que : « depuis 1980 au Canada, le taux de décès attribuables aux maladies infectieuses a augmenté »[82]. Les maladies infectieuses constituent un fardeau économique considérable : leur coût a dépassé 6 milliards de dollars en 1998[83]. Le Dr Gully relève sept tendances de maladies infectieuses qui menacent les Canadiens :

·        De nombreuses maladies infectieuses, telles que le sida et l’hépatite C, persistent.

·        On relève de nouvelles menaces de maladie, notamment la maladie de la vache folle et le colibacille ainsi que le virus du Nil occidental.

·        Les voyages et les migrations mondiales favorisent l’apparition de nouvelles maladies parmi la population.

·        Les changements environnementaux ‑ réchauffement climatique, déboisement, contamination de l’eau ‑ causent parfois des infections comme la maladie de Lyme.

·        Les modifications du comportement, notamment les pratiques sexuelles à risque et la toxicomanie, peuvent favoriser la propagation du VIH et d’autres maladies.

·        La résistance à l’immunisation pourrait causer la réapparition de la polio et de la rougeole, par exemple.

·        La résistance antimicrobienne peut réduire l’efficacité des mesures curatives traditionnelles[84].

 

4.1.2   Maladies chroniques

Selon l’Enquête nationale sur la santé de la population, effectuée en 1998‑1999, plus de la moitié des Canadiens, ou 16 millions de personnes, ont déclaré avoir une maladie chronique. Les maladies les plus fréquentes sont les allergies, l’asthme, l’arthrite, les maux de dos et l’hypertension[85]. Dans une communication écrite au Comité, le Dr David MacLean, directeur du Département de la communauté et de l’épidémiologie de l’université Dalhousie, fait remarquer ceci :

Les maladies chroniques non transmissibles constituent présentement le principal fardeau en matière de santé dans les pays développés comme le Canada. Elles sont de loin la cause la plus importante de mortalité, de décès prématuré, de morbidité et de la perte d’années de vie potentielles au Canada. Elles sont la principale cause d’invalidité, de la perte de productivité et de la détérioration de la qualité de vie[86].

Les maladies cardiovasculaires constituent la principale cause de mortalité au Canada, soit 37 % de tous les décès. La mortalité attribuable aux maladies cardiovasculaires est en régression depuis 1970 chez les hommes et les femmes, quoique moins rapidement chez les femmes. Le cancer sous ses nombreuses formes est la deuxième cause de mortalité et la principale cause de perte d’années de vie potentielles avant 70 ans (plus du tiers de la perte des années de vie potentielles). Le cancer touche principalement les Canadiens âgés : 70 % des nouveaux cas et 82 % des décès attribuables au cancer surviennent chez les personnes de 60 ans et plus. Les taux de décès attribuables au cancer diminuent lentement chez les hommes depuis 1990, tandis qu’ils sont demeurés relativement stables chez les femmes pendant la même période. Toutefois, les taux de cancer du poumon chez les femmes sont présentement quatre fois plus élevés qu’ils ne l’étaient en 1971.

Des témoins ont identifié certains des facteurs influant sur l’incidence des maladies chroniques. Plus précisément, l’alimentation déficiente, le manque d’exercice, le tabagisme, le stress, l’abus d’alcool et l’obésité sont tous considérés comme des facteurs de risque de maladie chronique. Le Dr MacLean fait observer que la plupart des maladies chroniques, telles que le cancer, les maladies cardiaques, le diabète et les maladies respiratoires, sont « complètement évitables » et, de plus, que les facteurs sociaux et biologiques des maladies chroniques « peuvent être manipulés »[87]. À son avis, on a plutôt tendance à se concentrer sur le traitement des maladies chroniques plutôt que sur leur prévention. Il affirme que la stratégie la plus courante concernant les maladies chroniques « a consisté à aborder la question surtout comme un problème clinique et à investir des ressources importantes de soins de santé dans la mise en place de services spécialisés faisant appel à des technologies de pointe pour le diagnostic et le traitement »[88]. Le Dr MacLean fait remarquer que la volonté politique est limitée lorsqu’il s’agit d’augmenter les ressources en prévention, car « les résultats du travail de prévention sont visibles à long terme. Il n’y a pas de gain à court terme. Pour certains intervenants du processus politique, la prévention n’est pas intéressante »[89].  

 

4.1.3   Blessures

En 1995-1996, il y a eu 217 000 admissions à l’hôpital attribuables à des blessures. Les taux d’admission à l’hôpital en raison de blessures étaient de loin les plus élevés chez les personnes de 65 ans et plus. Le taux d’admission à l’hôpital pour blessures était inférieur chez les moins de 45 ans. Les chutes demeurent une cause importante de blessure chez les aînés et les enfants de moins de 12 ans. Chez les enfants, en 1996, l’empoisonnement constituait la deuxième cause en importance des admissions à l’hôpital en raison de traumatisme. Quant aux adolescents et aux adultes de moins de 65 ans, les collisions de véhicules automobiles constituaient la deuxième cause en importance. La grande majorité des blessures sont accidentelles (environ 66 %)[90]. Dans sa communication, la Dre Christina Mills, directrice générale du Centre de prévention et de contrôle des maladies chroniques (CPCMC) à Santé Canada, signale que chaque année les blessures entraînent des coûts directs de 9,5 milliards de dollars, qui s’ajoutent aux 4,7 milliards de coûts d’indemnisation. La plupart de ces blessures peuvent être évitées [91].

 

4.1.4   Maladie mentale

L’Enquête nationale sur la santé de la population de 1994‑1995 révèle que 29 % des Canadiens connaissent un niveau élevé de stress : 6 % se sentent déprimés, 16 % indiquent que le stress a des effets nuisibles sur leur vie et 9 % ont une déficience cognitive telle que des difficultés à penser et à se souvenir. Selon le rapport préparé à l’intention du Réseau de consultation fédéral‑provincial‑territorial sur la santé mentale, 3% des Canadiens souffrent de troubles mentaux graves et chroniques pouvant engendrer des limites fonctionnelles graves et une mésadaptation sociale et économique, comme la maladie affective bipolaire et la schizophrénie. Autrement dit, un Canadien de 15 ans et plus sur 35 est atteint [92].

Le stress et les troubles mentaux qui aboutissent à la maladie mentale peuvent se manifester à différentes périodes de la vie. L’autisme, les problèmes de comportement et le trouble déficitaire d’attention affectent plus communément les enfants. Les troubles de l’alimentation et la schizophrénie se manifestent surtout à l’adolescence. L’âge adulte est la période au cours de laquelle la dépression se manifeste de manière plus évidente. Les années de la vieillesse sont touchées par la maladie d’Alzheimer et d’autres types de démence, bien que la dépression soit également plus fréquente chez les personnes âgées.

 

4.1.5   Le fardeau économique de la maladie

Selon les données fournies au Comité, on estimait le coût total de la maladie à 156,4 milliards de dollars en 1998. Les coûts directs (tels que les soins à l’hôpital, les services des médecins et la recherche sur la santé) s’élevaient à 81,8 milliards de dollars, tandis que les coûts indirects (comme la productivité perdue) représentaient 74,6 milliards. Les catégories de diagnostic dont les coûts sont les plus élevés comprennent les maladies cardiovasculaires, les maladies squeletto-musculaires, le cancer, les blessures, les maladies respiratoires, les maladies du système nerveux et les troubles mentaux.

Le fardeau économique des troubles de santé mentale était estimé à 14 milliards de dollars en 1998. Par ordre d’importance, les maladies et les troubles mentaux sont au septième rang de l’ensemble des maladies en ce qui concerne les coûts généraux de la maladie. On estime que la maladie mentale est la deuxième cause principale d’hospitalisation chez les 20‑44 ans, période de la vie normalement la plus productive.

 

4.2     Déterminants d’un bon ou mauvais état de santé

Les problèmes de maladie sont complexes. Cette complexité est attribuable au fait quun bon ou un mauvais état de santé dépend de différents facteurs tels que la constitution biologique et génétique, le milieu physique et les conditions socio-économiques dans lesquelles vit la personne. Mais, chose plus importante encore, l’interaction entre ces différents facteurs peut influer grandement sur l’état de santé. À titre d’exemple, le Dr MacLean fait remarquer que : « La maladie résulte habituellement de l’interaction entre la constitution génétique d’un individu et les facteurs environnementaux généraux »[93]. Ces propos sont repris par la Dre Mills, qui déclare que de nombreux états pathologiques graves ont en commun les mêmes facteurs de risque et, de plus, plusieurs facteurs de risque se retrouvent souvent chez un même individu[94].

D’après de nombreux spécialistes, le statut socio-économique est le facteur qui influe le plus sur la santé. Quelle que soit la façon dont les gens évaluent leur propre santé, la mortalité prématurée, le bien-être psychologique ou l’incidence d’une maladie chronique, le statut socio-économique est toujours étroitement lié à l’état de santé. Les différences dans l’état de santé sont déjà évidentes lorsque l’on compare les groupes à faible revenu et les groupes à revenu élevé. Les Canadiens à faible revenu et peu scolarisés (les deux sont souvent liés) sont plus susceptibles d’être en mauvaise santé, quelle que soit la mesure de santé appliquée. Par ailleurs, la santé s’améliore pratiquement pour toutes les mesures et tous les facteurs qui influent sur la santé à mesure que les niveaux de revenu et de scolarisation augmentent. Les Canadiens à faible revenu sont également susceptibles de mourir plus jeunes que les autres Canadiens, sans égard à la cause de mortalité examinée. Mais il est également possible d’observer le rapport entre l’état de santé et les niveaux de revenu faible, moyen ou élevé dans pratiquement toutes les évaluations de la mortalité et de la morbidité. Autrement dit, les Canadiens dont le revenu est élevé sont vraisemblablement en meilleure santé que les Canadiens à revenu moyen, qui à leur tour ont une meilleure santé que les Canadiens à faible revenu. En effet, si les taux de mortalité des personnes à revenu élevé étaient appliqués à l’ensemble des Canadiens, on estime que le cinquième de toutes les pertes d’années de vie potentielles avant l’âge de 65 ans pourraient être évitées.

 

4.3     Nécessité de promouvoir la santé et de prévenir la maladie

Un fil conducteur se retrouve dant tous les exposés des témoins : il faut investir davantage dans les stratégies de prévention et de promotion. Les témoins ont souligné le fait que, présentement, on a plutôt tendance à se concentrer sur le traitement des maladies que sur leur prévention. À leur avis, le traitement clinique a constitué la stratégie la plus commune et il y a eu seulement une volonté politique limitée d’augmenter les ressources en promotion de la santé et en prévention de la maladie, car les résultats du travail de prévention ne sont habituellement visibles qu’à long terme et sont, par conséquent, moins attrayants sur le plan politique.  

Les témoins ont fait ressortir que des stratégies appropriées de prévention de la maladie et de promotion de la santé permettraient de prévenir un bon nombre des maladies chroniques et infectieuses ainsi que la plupart des blessures. Selon la Dre Mills, l’investissement dans la promotion et la prévention constitue le seul moyen de renverser les tendances de la maladie et de réduire le fardeau associé à celle‑ci :

Notre seule chance de ralentir ou d’inverser le taux de croissance [du fardeau économique de la maladie] est d’investir dans la prévention efficace en amont. Il est tout à fait reconnu maintenant que le manque de préparation à l’augmentation du fardeau attribuable au vieillissement de la population constitue une menace pour la viabilité de notre système de soins de santé, mais il est moins généralement admis que notre défaut d’investir en amont constitue une menace aussi considérable, et peut-être même plus considérable pour la viabilité[95].

Les témoins ont insisté sur la nécessité d’inciter les gens à faire les choix judicieux concernant leur propre santé. Ils laissent entendre que, jusqu’à présent, les stratégies visant à imposer un bon comportement n’ont pas eu beaucoup de succès, et font remarquer qu’une partie du défi repose sur la création d’un contexte qui permette aux gens de faire eux‑mêmes de bons choix en matière de santé.

Il faut que les efforts de prévention et de promotion soient adaptés et flexibles. Il n’existe pas de stratégie « universelle ». À titre d’exemple, les tendances des maladies transmises sexuellement se modifient à mesure que les pratiques sexuelles changent et, par conséquent, elles exigeront toujours de nouvelles stratégies de prévention et de promotion. À cet égard, il est important de s’assurer de l’actualité du marketing de l’information sur la santé. Les témoins ont souligné, par exemple, que le Guide alimentaire canadien est une bonne initiative, mais que la promotion de l’ouvrage n’a pas été efficace et que le guide n’a pasété mis à jour ni adapté au fil des années.  

Les stratégies doivent également reconnaître le lien entre les collectivités saines et la santé des citoyens. Par exemple, les gens sont probablement moins enclins à faire de la bicyclette ou du jogging si les rues ne sont pas sûres. Les programmes communautaires efficaces allient une compréhension de la communauté à la participation du public et à la collaboration des organismes communautaires. Les approches qui s’attaquent à plusieurs facteurs de risque et qui procurent des avantages multiples comprennent le soutien aux familles à risque, des programmes complets de promotion de la santé à l’école et des programmes complets de santé et de sécurité au travail.  

De plus, comme la maladie et les blessures ne sont pas uniformément réparties dans les populations, les stratégies doivent tenir compte des liens entre l’état de santé et les facteurs démographiques et environnementaux, tels que l’âge, la race , la région de résidence et le sexe. Il faut par conséquent que les stratégies tiennent compte des tendances de la maladie et des blessures dans des groupes démographiques particuliers, tels que les Autochtones. Par exemple, les suicides et les accidents d’automobile touchent de manière prédominante les jeunes hommes et les jeunes Autochtones. Les adultes de 65 ans et plus sont touchés surtout par les chutes, et les accidents sont la principale cause de décès chez les enfants. Il faut que les stratégies soient adaptées aux situations de chaque groupe et qu’elles soient ciblées en fonction des groupes qui profiteront le plus de la prévention.

De nombreux témoins ont attiré l’attention sur la nécessité de la collaboration intergouvernementale, pour mettre en application les programmes de prévention et de promotion. Ils font remarquer que les trois ordres de gouvernement devraient conjuguer leurs efforts, étant donné la complexité et les multiples facettes des problèmes de santé. Le Dr MacLean recommande que :

le gouvernement fédéral utilise sa méthode éprouvée pour influencer les provinces, à savoir le dollar à 50 cents. Le gouvernement fédéral pourrait commencer par établir une priorité politique qui consisterait à essayer d’augmenter l’infrastructure de la prévention, parce qu’il doit travailler avec les provinces sur ces questions.

Il n’y a jamais eu de partage des coûts dans le domaine de la santé publique[96].

Plusieurs facteurs de risque sont souvent associés à une même maladie, et cela pose problème lorsqu’il s’agit d’élaborer des stratégies de promotion de la santé et de prévention de la maladie. Les stratégies globales de prévention et de promotion doivent par conséquent tenir compte autant des liens entre les facteurs de risque que des liens entre l’état de santé et les facteurs socio-économiques, démographiques et environnementaux. Parmi les approches qui tiennent compte de plusieurs facteurs de risque et qui peuvent comporter de multiples avantages, citons les programmes de soutien des familles à risque, les programmes complets de promotion de la santé à l’école et les programmes complets de santé et de sécurité au travail. De telles approches peuvent faire partie d’une stratégie plus vaste visant la santé de la population.

 

4.4     Stratégie relative à la santé de la population

Les témoins ont expliqué que plusieurs questions clés concernant les stratégies relatives à la santé de la population tournent autour des difficultés liées à la manière de traduire les résultats de la recherche en politiques réelles et applicables. À leur avis, il n’y a pratiquement pas de doute que les stratégies de la santé contribuent à améliorer la santé, mais dans la pratique il reste des obstacles importants à surmonter entre l’expression de vœux pieux et la conception de programmes concrets qui soient viables à long terme.

En premier lieu, la multiplicité des facteurs qui influencent l’état de santé fait qu’il est extrêmement difficile d’associer la cause et l’effet, notamment parce que les effets sont souvent ressentis seulement plusieurs années après l’exposition à la cause. On a prévenu le Comité que ce décalage signifie également que la période de référence permettant d’évaluer l’impact de la politique en ce domaine est une période à long terme. Les perspectives politiques étant souvent par nature à court terme, cela peut constituer un obstacle important pour l’élaboration et la mise en application de stratégies sur la santé de la population.

De plus, comme il est mentionné précédemment, une vaste infrastructure existe déjà pour le traitement de la maladie, ce qui maintient en place de nombreux intérêts bien enracinés dans le système. Les témoins ont expliqué que ce n’est pas nécessairement parce que les soignants s’opposent à la promotion de la santé, c’est plutôt le contraire. C’est simplement qu’il faut déployer des ressources colossales uniquement pour soutenir l’infrastructure actuelle des soins de santé, ce qui laisse peu de temps, d’énergie et de capitaux à investir dans le volet prévention, ou bien-être, du système.

De plus, le Comité a appris qu’en raison de la diversité des facteurs influant sur l’état de santé, il est très difficile de coordonner l’activité gouvernementale dans le secteur de la santé de la population. Le système de soins de santé lui-même étant responsable d’un pourcentage relativement faible des déterminants réels de la santé, la responsabilité de la santé de la population ne peut incomber exclusivement aux différents ministères de la Santé. De plus, la structure de la plupart des gouvernements ne se prête pas facilement à la réglementation interministérielle de problèmes complexes, et cette difficulté est considérablement aggravée lorsque les différents ordres de gouvernement et les nombreux intervenants non gouvernementaux entrent en jeu, comme il se doit.

À titre d’exemple, la preuve de l’existence de gradients de la santé correspondant aux niveaux socio-économiques est assez concluante. En conséquence, si l’on veut promouvoir la santé,  il faut s’attaquer résolument au problème de la pauvreté. Or évidemment, un grand nombre de politiques gouvernementales ont une incidence sur la pauvreté au pays, et il serait impossible de charger le ministère de la Santé de l’ensemble des outils politiques en cause, ne serait‑ce que parce que les autres ministères y verraient, et à raison, une forme d’« impérialisme de la santé ». Il est plutôt aberrant, comme l’a fait remarquer un témoin, d’argumenter en faveur de la réduction de la pauvreté seulement dans la mesure où elle touche la santé. Toute initiative en ce sens devrait être l’aboutissement de l’orientation socio‑politique globale du gouvernementpas seulement de sa politique en matière de santé.  

Dans l’ensemble, les témoignages laissent entendre que l’ensemble des stratégies relatives à la santé de la population devraient être soigneusement pensées afin de tenir compte des réalités propres aux diverses collectivités. Cela signifie que des programmes rigides appliqués d’une manière uniforme et hautement centralisée mèneraient probablement à l’échec. Il semble donc qu’il faudrait allier coordination des efforts et mise en œuvre décentralisée.

Bien que de nombreuses difficultés soient associées à l’élaboration d’une approche efficace en matière de santé de la population, les témoins prétendent qu’il est important pour le gouvernement fédéral de continuer à essayer de donner l’exemple en explorant des voies innovatrices pour passer de la théorie à la pratique saine qui contribuera à l’amélioration des résultats en matière de santé au Canada.

 

4.5     Recherche

Bon nombre de témoins ont signalé au Comité la nécessité d’intensifier la recherche, notamment dans certains domaines. Souvent, l’argent est dépensé sans recherche épidémiologique suffisante pour orienter les investissements. Par exemple, des milliards de dollars ont été dépensés pour les programmes de dépistage du cancer du sein, mais il y a eu peu de recherches sur la physiologie et la biologie de cette maladie ou sur l’interaction des facteurs de risque qui contribuent à son développement.

Le Dr MacLean a également affirmé devant le Comité qu’il faut davantage de recherche sur les stratégies de prévention. Il a attiré l’attention sur les augmentations de budget pour les Instituts canadiende recherche en santé (ICRS), mais se demandait si ces nouvelles ressources seraient consacrées à la promotion de la santé et à la recherche sur la maladie. La Dre Mills a fait remarquer que le mandat élargi des IRSC offre « une occasion de soutenir la recherche supplémentaire nécessaire en vue de déterminer les méthodes les plus efficaces pour susciter un changement de comportement durable »[97].

Au sujet de la recherche sur les maladies chroniques, les témoins ont dit au Comité qu’essentiellement le problème n’est pas un manque de données ou de recherche, mais un manque de connaissances sur la manière d’utiliser les résultats des recherches pour la mise en œuvre de stratégies de prévention. À cet égard, la recherche est nécessaire pour déterminer les meilleures façons de partager l’information sur la santé avec les gens et, plus particulièrement, les meilleures façons d’acheminer cette information aux membres des groupes socio-économiques moins nantis ou aux personnes qui ont de la difficulté à lire et à écrire.

En ce qui concerne la recherche sur les maladies infectieuses, selon le Dr Gully, bien que les ressources soient attribuées à des projets de recherche, tels que les IRSC et le laboratoire de Santé Canada à Winnipeg, « il est toujours difficile de demander des fonds d’urgence pour contrer les nouvelles menaces[98] [maladies infectieuses] ». Il a attiré l’attention sur la difficulté d’équilibrer les ressources attribuées aux menaces immédiates et celles qui sont prévues pour d’autres problèmes moins immédiats.

Quant à la maladie mentale, les témoins ont insisté sur la nécessité d’investir davantage dans la recherche appliquée. À leur avis, les fonds de recherche pour les maladies mentales et la santé mentale sont nettement insuffisants par rapport au fardeau économique des maladies et troubles mentaux. On a proposé que le gouvernement fédéral prenne les devants pour promouvoir un vaste programme de recherche sur la santé mentale.

Les témoins ont signalé qu’il faudrait consacrer davantage d’argent à l’infrastructure de communication des résultats des recherches sur la santé. Selon le Dr Gully, un financement fédéral en ce domaine permettrait de recueillir des données dans l’ensemble des provinces et des territoires et d’en favoriser le partager entre eux. Il a souligné que l’Internet est l’outil tout désigné pour cela. Ces propos ont été repris par le Dr MacLean, qui a fait part au Comité de la création en Nouvelle-Écosse d’un site Web de promotion de la santé offrant aux visiteurs des renseignements sur la santé.

 

4.6     Commentaires du Comité

Bien que les témoins aient abordé toute une série de questions, ils ont surtout mis l’accent sur la nécessité d’accroître les programmes de prévention des maladies et de promotion de la santé. Les témoins ont fait remarquer que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle important dans la prévention de la maladie et la promotion de styles de vie sains. Ils ont de plus laissé entendre que des programmes pertinents et globaux de prévention de la maladie et de promotion de la santé auraient des effets importants sur la santé des Canadiens ainsi que sur le système canadien de soins de santé. De tels programmes amélioreraient la qualité de vie, augmenteraient la productivité, réduirait l’invalidité non intentionnelle ainsi que la mort prématurée et allégeraient le fardeau économique de la maladie.

Le Canada est un des pays les plus sains du monde, où l’espérance de vie est élevée, les taux de mortalité infantile sont faibles et la qualité de vie est bonne. Ces succès ne doivent cependant pas dissimuler les défis qu’il nous reste à relever. Les maladies chroniques, telles que le cancer, les maladies cardiaques et les troubles respiratoires, sont les principales causes de mortalité au Canada. Des maladies qui avaient presque disparu, comme la tuberculose, refont surface et l’augmentation de la mobilité internationale a accéléré la propagation d’autres maladies. De plus, en 1997, les accidents ont fait plus de 13 000 victimes au Canada. Enfin, la prévalence des maladies varie d’un groupe démographique ou d’une population à l’autre, frappant en particulier les peuples autochtones, les enfants et les pauvres.

De nombreux facteurs influent sur les résultats en matière de santé. Les stratégies relatives à la santé de la population sont des politiques générales qui tiennent compte de tous ces déterminants de la santé dans le but d’améliorer la santé d’une population entière. Le principal objectif des efforts dans le domaine de la santé de la population est d’éviter les problèmes de santé afin qu’il ne soit pas nécessaire de les traiter dans le système de soins de santé. Ces stratégies peuvent sensiblement contenir la demande de services de santé et réduire le fardeau économique de la maladie.

Le Comité est d’accord avec les témoins sur le rôle précis du gouvernement fédéral dans la promotion de la santé et la prévention de la maladie. Parallèlement, le gouvernement fédéral a été reconnu comme un chef de file mondial en ce qui concerne l’élaboration du concept de santé de la population. À notre avis, il devrait, une fois de plus, faire preuve de leadership dans la mise en oeuvre d’une stratégie concernant la santé de la population pour tous les Canadiens. C’est une tâche faisable, étant donné son rôle actuel dans de nombreux secteurs qui touchent la santé, tels que l’environnement, la politique économique et la sécurité en milieu de travail.


CHAPITRE CINQ

La santé des Canadiens autochtones

Il y a des différences marquées entre l’état de santé de la population autochtone canadienne et celui de l’ensemble de la population canadienne. La population autochtone est en moins bonne santé, a une espérance de vie plus basse, des taux de mortalité infantile plus élevés et des taux plus élevés dans le cas de certaines maladies chroniques. Il y a également un important décalage socio-économique entre la population autochtone et la population générale  ¾ dans le cas de la première, le taux de chômage est plus élevé et les niveaux d’instruction et de revenu sont plus bas.

Ce chapitre trace un bref profil de la population autochtone canadienne des points de vue démographique, socio-économique et de l’état de santé. On y expose également les programmes fédéraux intéressant directement la santé des Autochtones et on y discute de la politique du gouvernement fédéral en matière de santé des Autochtones.

 

5.1     Profil démographique de la population autochtone du Canada[99]

La population autochtone représente environ 3 % de la population canadienne totale. La Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît trois groupes de peuples autochtones : les Indiens, les Inuits et les Métis. La population indienne est constituée d’Indiens de plein droit et d’Indiens de fait. La Loi sur les Indiens établit les définitions juridiques qui s’appliquent aux Indiens de plein droit (Premières nations) au Canada; il s’agit des Indiens qui sont inscrits en vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens. Les Indiens de fait sont ceux qui ne sont pas inscrits en vertu des dispositions de la Loi. La population inuite du Canada vit essentiellement dans les localités des Territoires du Nord‑Ouest, du Nunavut, du Nunavik et du Labrador. Environ 6 % des Inuits vivent dans la partie sud du Canada. Les Inuits ne sont pas régis par les dispositions de la Loi sur les Indiens, mais ils bénéficient de certains avantages de la part du gouvernement fédéral. La population métisse est issue d’alliances entre Indiens et Européens. Les Métis ne sont pas régis par la Loi sur les Indiens et ne reçoivent pas d’avantages du gouvernement fédéral.

Le graphique 5.1 présente une estimation totale de la population autochtone ‑ 1 399 300 en 2000 ‑ et la répartit comme suit : 28,5 % d’Indiens de plein droit vivant dans les réserves, 30,6 % d’Indiens de fait, 20,8 % d’Indiens de plein droit vivant à l’extérieur des réserves, 15,6 % de Métis et 4,5 % d’Inuits[100].

La population autochtone du Canada est diversifiée : plus de 600 collectivités des Premières nations, représentant plus de 50 nations ou groupes culturels et parlant plus de 50 langues. Environ 63 % des collectivités des Premières nations regroupent moins de 500 habitants ¾ 5 % en comptent plus de 2000. Les collectivités inuites, même si elles partagent la même langue, l’inuktitut, parlent des dialectes différents d’une région à l’autre. La plupart des collectivités inuites regroupent moins de 1 000 personnes. Les Métis ont leur propre langue, appelée michif, qui est un mélange de français, d’anglais, de cri et d’ojibway. La population métisse vit pour l’essentiel au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta; environ 10 % vivent sur les terres conférées par l’entente métisse.

La population autochtone du Canada s’urbanise de plus en plus. Entre 1981 et 1991, la population autochtone urbaine a augmenté de 55 % (alors que l’augmentation n’était que de 11 % pour la population urbaine non autochtone). Même si on prévoit un ralentissement de cette croissance, la population autochtone urbaine augmentera néanmoins de 43 % au cours des 25 prochaines années, passant de 320 000 en 1991 à 457 000 en 2016. En 1996, environ le cinquième de la population autochtone vivait dans sept des 25 plus grandes régions métropolitaines de recensement ¾ Winnipeg, Edmonton, Vancouver, Saskatoon, Toronto, Calgary et Regina.

 


Dans l’ensemble, la croissance de la population autochtone est le double de celle de la population canadienne générale. De plus, la population autochtone est en moyenne plus jeune que la population canadienne générale. En 1996, l’âge moyen de la population autochtone était de 25,5 ans, dix ans de moins que l’âge moyen de la population générale. Le groupe des enfants de moins de 15 ans représentait 34 % de la totalité de la population autochtone, alors qu’il comptait pour 21 % de l’ensemble de la population canadienne. Dans le groupe des 15‑24 ans, la proportion d’Autochtones (18 %) est plus élevée que dans la population générale (14 %). Les personnes âgées ne constituent actuellement qu’une faible proportion de la population autochtone au Canada. En 1996, seulement 4 % des Canadiens qui se sont déclarés Indiens d’Amérique du Nord, Métis ou Inuits étaient âgés de plus de 65 ans, alors que ce même groupe représentait 11 % de la population générale.

 

5.2     Profil socio-économique et environnement physique[101]


Il y a des différences socio-économiques marquées entre les Autochtones et la population canadienne générale. Les peuples autochtones sont moins présents dans la population active et ils connaissent des taux de chômage plus élevés que la population générale. En 1997‑1998, le taux de chômage dans les réserves était près du triple du taux national, et le taux d’assistés sociaux était quatre fois plus élevé que le taux au Canada en général. La Commission royale sur les peuples autochtones (1996) a signalé que le taux de chômage chez les Autochtones vivant en milieu urbain était deux fois plus élevé que dans la population urbaine non autochtone. En 1995, le revenu moyen tiré d’un emploi pour un Autochtone était de 17 382 $, alors que la moyenne nationale était de 26 474 $. Le revenu annuel moyen provenant de toutes les sources était, pour un Autochtone vivant en milieu urbain, inférieur de 33 % à celui d’un résident non autochtone.

Selon une étude publiée récemment, Pour un avenir en santé : Deuxième rapport sur la santé des Canadiens, au moins 44 % de la population autochtone et 60 % des enfants autochtones de moins de six ans vivaient en 1994 sous le seuil considéré par Statistique Canada comme le seuil de faible revenu[102]. La pauvreté est très répandue chez les Autochtones vivant en milieu urbain. Selon le recensement de 1991, plus de 60 % des ménages autochtones de Winnipeg, Regina et Saskatoon avaient un revenu inférieur au seuil de faible revenu. Pour les familles monoparentales dirigées par des femmes, le pourcentage était encore plus élevé.

Dans l’ensemble, le niveau de scolarité des Autochtones est inférieur à celui de la population canadienne générale. En 1996, 54 % des Autochtones de 15 ans et plus n’avaient pas de diplôme d’études secondaires. Pour la population non autochtone, le pourcentage est de 16 %. Une comparaison des données du recensement de 1981 avec celles de 1996 indique une amélioration à ce chapitre ¾ la proportion d’Autochtones n’ayant pas terminé leurs études secondaires est tombée de 59 % à 45 %, une plus forte proportion d’Autochtones âgés de 20 à 29 ans étaient titulaires d’un diplôme de niveau collégial (23 % en 1996, 19 % en 1981) et la proportion de diplômés universitaires avait augmenté de 1 %, passant de 3 à 4 %. Il n’en demeure pas moins que ces chiffres sont inférieurs à ceux qui concernent la population canadienne générale.

Dans l’étude intitulée La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic, on peut lire que « l’environnement physique est un facteur important de risques dans l’exposition à divers dangers, comme ceux que représentent les organismes infectieux, les contaminants chimiques et biologiques, le stress et les lésions traumatiques »[103]. Le rapport signale les points suivants au sujet de l’environnement physique dans lequel vivent de nombreux Autochtones :

·        Les Autochtones semblent être le sous‑groupe le plus nombreux pour lequel les risques de devenir sans abri au Canada sont les plus élevés;

·        Les logements surpeuplés sont plus fréquents chez les Autochtones que dans la population canadienne générale;

·        Un grand nombre d’Autochtones (43 %) vivent dans des logements insalubres;

·        Récemment, on a décelé un problème de moisissures dans les logements des Autochtones, mais on n’a pas encore évalué toute la portée et les conséquences que cela pourrait avoir pour la santé;

·        Les Premières nations et les Inuits risquent davantage d’être exposés à des contaminants environnementaux étant donné leur alimentation traditionnelle à base de poisson et de mammifères marins;

·        Dans certaines collectivités autochtones, l’accès à l’eau potable et à des égouts adéquats pose problème[104].


5.3     Profil de la santé de la population autochtone[105]

L’état de santé des Autochtones par comparaison avec celle de la population canadienne présente des différences appréciables. Le rapport Pour un avenir en santé : Deuxième rapport sur la santé des Canadiens signale que les Autochtones sont en plus mauvaise santé que la population canadienne générale, comme en témoigne une moins grande espérance de vie et des taux plus élevés de mortalité infantile et de maladies chroniques. Beaucoup d’autres rapports ont signalé la même chose :

·        Les Autochtones souffrent de maladies chroniques (hyper­tension, arthrite, diabète et troubles cardiaques) davantage que la population générale. Le diabète est l’une des principales causes de maladies et d’incapacité chez les Premières nations. Les données que nous possédons actuellement indiquent que le diabète est trois fois plus fréquent dans les collectivités autochtones que dans la population générale. Le tableau suivant est tiré du rapport La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic et illustre l’ampleur du problème des maladies chroniques chez les Autochtones.


TABLEAU 5.1

MALADIES CHRONIQUES

 

 

 

 

AFFECTION CHRONIQUE

 

 

 

 

SEXE

PRÉVALENCE RAJUSTÉE SELON L’ÂGE (%)

 

RATIO PN‑I/
CANADIENS

PREMIÈRES NATIONS ET INUITS DU LABRADOR

(PN‑I)

POPULATION CANADIENNE GÉNÉRALE

Troubles cardiaques

Hommes

13

4

3,3

Femmes

10

4

2,5

Hypertension

Hommes

22

8

2,8

Femmes

25

10

2,5

Diabète

Hommes

11

3

3,7

Femmes

16

3

5,3

Arthrite/Rhumatisme

Hommes

18

10

1,8

Femmes

27

18

1,5

Source : Tableau tiré de l’étude La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic, (1999), p. 8.

·        Les hommes et les femmes des Premières nations vivant dans les réserves présentent environ trois fois plus de cas de troubles cardiaques et d’hypertension comparativement à l’ensemble de la population canadienne. (Enquête régionale sur la santé des Premières nations et des Inuits, Rapport national 1999).

·        Entre 1991 et 1996, les taux comparatifs de cas de tuberculose étaient presque sept fois plus élevés chez les personnes des Premières nations vivant dans les réserves que dans l’ensemble de la population canadienne. Ils sont actuellement dix fois plus élevés que chez les Non‑Autochtones nés au Canada (La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic).

·        Malgré les améliorations importantes apportées depuis les années 70, les taux de mortalité infantile dans les collectivités des Premières nations continuent d’être le double de ceux observés dans l’ensemble du Canada (Pour un avenir en santé : Deuxième rapport sur la santé des Canadiens).

·        Le taux de suicide chez les Autochtones de tous les groupes d’âge est trois fois plus élevé que le taux observé dans l’ensemble de la population canadienne (La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic). Chez les adolescents autochtones, le taux de suicide est cinq ou six fois plus élevé que chez les adolescents de l’ensemble de la population canadienne. Les données tirées du rapport Évaluation des modèles de prestation de soins de santé dans les régions inuites indiquent que le taux de suicide dans les régions inuites du Canada est environ six fois plus élevé que dans l’ensemble de la population canadienne.

·        L’abus de l’alcool, des drogues et des vapeurs de solvant est courant dans de nombreuses collectivités des Premières nations et inuites.

·        Le syndrome d’alcoolisme fœtal et les effets de l’alcoolisme sur le fœtus sont beaucoup plus fréquents dans certaines collectivités autochtones que dans d’autres régions du Canada (La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic).

·        Le taux de décès dus à des lésions traumatiques et à des empoisonnements est 6,5 fois plus élevé chez les Premières nations et les Inuits que dans l’ensemble de la population canadienne (La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic).

·        Une étude de 1999 signale que le nombre annuel de cas de sida chez les Autochtones a beaucoup augmenté. En 1996‑1997, il était passé à 10 % de la totalité des cas de sida (2 % en 1989)[106].

·        L’usage du tabac est plus répandu chez les Autochtones. L’enquête régionale sur la santé des Premières nations et des Inuits signale que 62 % des adultes des Premières nations vivant dans les réserves et dans les localités inuites du Labrador sont des fumeurs; plus de 70 % des répondants âgés de 20 à 29 ans se sont déclarés fumeurs.

·        L’obésité est un problème de santé important chez les Autochtones.

·        Environ 75 % des femmes autochtones sont victimes de violence familiale et jusqu’à 40 % des enfants des localités du Nord ont été victimes de mauvais traitements par un membre de la famille (La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic).

·        En général, l’espérance de vie des Autochtones est inférieure de quelque six ans à celle de la population générale.

·        Bon nombre d’Autochtones ont un accès limité à des services de soins de santé en raison de l’éloignement et de la petite taille de plusieurs collectivités autochtones. Soixante‑quinze pour cent des collectivités comptent moins de 1 000 personnes et un grand nombre (44 %) sont situées dans des régions isolées, semi‑isolées ou très éloignées du Canada[107].

 

5.4     Programmes fédéraux concernant la santé des Autochtones

Les soins de santé à l’intention des Autochtones du Canada sont dispensés par l’intermédiaire d’un ensemble complexe de programmes et de services fédéraux, provinciaux ou gérés par les Autochtones. En outre, le cadre de prestation de certains programmes fédéraux est en train d’évoluer au fur et à mesure que les collectivités, les gouvernements et les organisations autochtones prennent en main la prestation des programmes de soins de santé.

Les dispensateurs de services et leur clientèle varient suivant certains facteurs, notamment l’inscription en vertu de la Loi sur les Indiens, le lieu de résidence (dans les réserves ou hors réserves), l’endroit où se trouve la localité (non isolée ou éloignée) et suivant que Santé Canada a signé un accord pour céder la prestation de certains services de santé à une collectivité ou à une organisation autochtone.

Lors de son témoignage, Ian Potter, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits à Santé Canada, a déclaré au Comité que les Indiens de plein droit (les Premières nations) assujettis à la Loi sur les Indiens relevaient de la compétence fédérale. L’offre de services de médecins et d’hôpitaux, toutefois, est une responsabilité provinciale ou territoriale. Les membres des Premières nations qui vivent dans les réserves ont droit à des services généraux de santé dispensés par la province et le territoire (hôpitaux, médecins soignants) et à d’autres services assurés couverts par les régimes de santé provinciaux et territoriaux. Cependant, Santé Canada dispense les soins primaires et d’urgence dans les réserves situées dans des régions éloignées et isolées, là où les services provinciaux ne sont pas disponibles. En l’occurrence, le ministère gère quatre petits hôpitaux, 77 postes de soins infirmiers et 217 centres de santé.

Santé Canada offre également des services de prévention et de promotion de la santé à l’échelle communautaire et finance ces services pour les membres des Premières nations qui vivent dans les réserves. Quel que soit le lieu de résidence (dans les réserves ou hors réserves), les Premières nations ont droit à des services de santé non assurés (SSNA) financés par le gouvernement fédéral. Ces services comprennent les médicaments, l’équipement médical et les fournitures médicales, les soins dentaires, les soins de la vue, le transport pour raison médicale, les primes d’assurance‑santé provinciale et des services de psychothérapie en cas de crise[108].

Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont la responsabilité de dispenser des services de santé aux Inuits, mais la prestation de ces services varie suivant le lieu de résidence. En 1988, le gouvernement fédéral a cédé la responsabilité de l’administration de la santé au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Avec la création du Nunavut, le gouvernement du Nunavut a pris en main la responsabilité de son territoire à cet égard. Le gouvernement fédéral fournit des fonds aux gouvernements territoriaux pour la prestation de programmes de santé aux Premières nations et aux Inuits, notamment des services de santé non assurés[109].

À la suite de la Convention de la Baie James et du Nord du Québec, le gouvernement fédéral a cédé au gouvernement de la province de Québec, et ensuite au Nunavik, la responsabilité des services de santé pour les Inuits du Nord du Québec. Le ministère régional de la Santé et des Services sociaux du Nunavik gère les programmes fédéraux et provinciaux dans cette région[110].

Au Labrador, la province dispense des services de santé à tous les résidents et le gouvernement fédéral finance la Commission sanitaire des Inuits du Labrador grâce à un accord et à des ententes de contribution pour des projets précis et pour une gamme de programmes fédéraux, notamment les services de santé non assurés[111].

Les Métis et les Indiens de fait ne bénéficient pas des programmes fédéraux de santé. Ce sont les gouvernements provinciaux et territoriaux qui leur fournissent des services médicaux au même titre qu’aux autres Canadiens. Les Métis et les Indiens de fait ne sont pas régis par les dispositions de la Loi sur les Indiens et n’ont pas droit non plus aux services de santé non assurés financés par le gouvernement fédéral.

En ce qui concerne les services de santé fédéraux à l’intention des Premières nations et des Inuits, c’est la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (DGSPNI) (autrefois la Direction générale des services médicaux), à Santé Canada, qui en a la charge. Les responsabilités générales de la DGSPNI comprennent :

·        La prestation de programmes de prévention et de promotion de la santé à l’échelle communautaire aux Premières nations vivant dans les réserves et aux Inuits (y compris les services d’hygiène publique, de promotion et d’éducation en matière de santé, de même que l’élaboration de stratégies pour répondre à des problèmes de santé particuliers comme l’alcoolisme et la toxicomanie);

·        La prestation de services de santé non assurés (SSNA) aux Premières nations et aux Inuits, quel que soit leur lieu de résidence au Canada;

·        La prestation de soins primaires et de services d’urgence à près de 200 localités isolées ou semi‑isolées où les services provinciaux ne sont pas disponibles;

·        Des services d’hygiène publique dans plus de 400 localités;

·        Le financement des services de lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie par l’intermédiaire de centres de traitement dotés de professionnels de la santé.

Les dépenses globales du Programme de santé des Premières nations et des Inuits pour 2000‑2001 étaient estimées à 1,3 milliard de dollars. Environ 53 %, c’est‑à‑dire 677,6 millions de dollars, ont été consacrés aux services de santé communautaires, 45 % ou 578 millions de dollars aux services de santé non assurés et 2 % ou 23,5 millions de dollars aux hôpitaux.

Lors de son témoignage, M. Potter a souligné les nombreux défis que pose l’administration des programmes de santé à l’intention des Premières nations et des Inuits. Il a cité notamment : une augmentation de la clientèle, une pénurie de médecins et d’infirmières; la nécessité d’offrir des services dans des localités éloignées et isolées; la difficulté d’attirer et de garder des médecins et des infirmières dans ces localités isolées; la difficulté d’accès à des services spécialisés; l’augmentation considérable du coût des médicaments, de la technologie médicale et du transport; et l’augmentation du taux des maladies chroniques qui exigent des soins de longue durée et des pharmacothérapies.[112].

Autres défis de taille : une amélioration des conditions sociales et économiques, l’éradication de la pauvreté, des logements salubres et le relèvement du niveau de scolarité, qui sont d’importants facteurs influant sur la santé, de même qu’une meilleure coordination avec les autorités provinciales[113].

Outre Santé Canada, 11 autres ministères fédéraux offrent des programmes aux Autochtones. En 2001‑2002, les dépenses totales de ces programmes s’élèveront à 7,3 milliards de dollars. La vaste majorité de ces fonds (70 %) est imputée au budget d’Affaires indiennes et du Nord Canada AINC), 19 % à celui de Santé Canada (1,3 milliard de dollars), 4 % à celui de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) et 3 % à celui de Développement des ressources humaines Canada (DRHC). Quant aux autres ministères, ils se partagent les 3 % restants.

Affaires indiennes et du Nord Canada a pour mandat l’administration des programmes d’aide sociale, le financement des établissements d’enseignement primaires, secondaires et postsecondaires, le logement dans les réserves, les services à la famille et à l’enfance et les services dans les réserves mêmes, comme les services de soins à domicile. Le Ministère finance également des projets d’infrastructure pour les communautés autochtones. Il s’agit de services d’aqueducs et d’égouts, d’assainissement du milieu, de construction de routes et de ponts, de protection contre les incendies, d’électrification, d’installations scolaires ou autres dans la collectivité.

D’autres ministères fédéraux s’occupent également de financer certaines entreprises autochtones et des initiatives d’insertion dans la population active.  

5.5     Politique fédérale en matière de santé des Autochtones

Il faut garder à l’esprit les rapports traditionnels entre le gouvernement fédéral et les Peuples autochtones du Canada pour expliquer le contexte de la politique et des initiatives fédérales en ce qui concerne la santé des Autochtones. Le tableau 5.2 décrit l’évolution de ces rapports. Dans son mémoire présenté au Comité, l’Organisation nationale de la santé autochtone (ONSA) explique :

La politique du gouvernement fédéral quant à ses liens avec les groupes autochtones a subi une évolution considérable au cours des dix dernières années. Il y a à peine 15 ans, les ressources fédérales consacrées à la santé et aux programmes sociaux à l’intention des Autochtones étaient versées presque exclusivement aux collectivités des Premières nations et inuites; les groupes vivant hors des réserves ne bénéficiaient que d’un nombre limité de programmes fédéraux (par exemple, les programmes de logements à l’extérieur des réserves et la Stratégie canadienne de développement économique des Autochtones) et de fait, ces groupes étaient pour ainsi dire invisibles pour le public canadien. Aujourd’hui, les Premières nations et les Inuits sont toujours le pivot de la politique fédérale, mais de nombreuses initiatives visant tous les Autochtones profitent également aux Indiens de fait, à ceux qui vivent hors des réserves et aux Métis[114].


Tableau 5.2

ÉVÈNEMENTS MARQUANTS DE LA POLITIQUE EN MATIÈRE DE SANTÉ :

LIENs ENTRE LES PEUPLES AUTOCHTONES ET LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL 

ANNÉE

ÉVÉNEMENT

Description

1867

Loi constitutionnelle de 1867

Donne au gouvernement fédéral compétence en ce qui concerne les « Indiens et terres réservées aux Indiens ».

1876

Loi sur les Indiens

Promulgation de la Loi fédérale sur les Indiens.

1939

Arrêt de la Cour suprême du Canada

Reconnaît que le terme « Indien » figurant dans la Constitution englobe Inuit.

1945

Modification des services de santé

Transfert de la responsabilité en matière de services de santé pour les Indiens du ministère des Affaires indiennes au ministère de la Santé nationale et du Bien-être social.

1962

Création de la Direction générale des services médicaux (désormais Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits)

La Direction générale des services médicaux est créée au sein du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social pour intégrer la santé des Indiens et des peuples du Nord.

1979

Politique en matière de santé des Indiens

Objectif : « rehausser le niveau des services de santé dans les collectivités indiennes, services offerts et gérés par les collectivités indiennes elles-mêmes ». Les améliorations en matière de santé de la population indienne reposent sur trois axes :

1.         le développement communautaire,

2.         les liens traditionnels entre la population indienne et le gouvernement fédéral,

3.         le système canadien de soins de santé intégrant les secteurs fédéral, provincial, municipal, indien et privé.

1980

Rapport Berger

Recommande des méthodes de consultation garantissant une participation substantielle des Premières nations et des Inuits dans la conception, la gestion et le contrôle des services de soins de santé dans leurs collectivités.

1982

Loi constitutionnelle de 1982

Reconnaissance des Premières nations, des Inuits et des Métis, et enchâssement dans la Constitution canadienne des droits autochtones existants et des droits issus de traités.

 


 

1988

Approbation de la politique de transfert du contrôle

Le conseil des ministres fédéral approuve le cadre de la politique de transfert du contrôle des services de santé, cédant aux Indiens le contrôle des ressources affectées aux programmes de soins de santé des Indiens vivant au sud du 60e parallèle.

Années 90

Cour suprême du Canada

Divers arrêts de la Cour suprême du Canada concernant la responsabilité fiduciaire du gouvernement à l’égard des Autochtones.

1995

Politique d’autonomie gouvernementale

Le gouvernement du Canada reconnaît que le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale est un droit prévu à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. La santé est l’un des éléments pouvant faire partie des négociations en vue de l’autonomie gouvernementale.

1996

Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA)

Le rapport fait certaines recommandations concernant la santé des Autochtones. Le système de soins de santé et de guérison des Autochtones devrait comporter les caractéristiques suivantes :

égalité d’accès aux services de santé et de guérison et égalité de droits en matière de santé;

approches holistiques face aux problèmes, à leur prévention et à leur résolution;

cession aux Autochtones des pouvoirs en matière de santé, et, où c’est réalisable, contrôle communautaire des services;

diversité dans la conception des systèmes et des services pour tenir  compte des différences culturelles et des réalités communautaires.

1998

Rassembler nos forces : Le plan d’action du Canada pour les questions autochtones : Réponse du gouvernement fédéral au rapport de la CRPA

Le rapport Rassembler nos forces met l’accent sur : un renouvellement des partenariats avec les peuples autochtones; la consolidation de la gouvernance autochtone; le développement de nouveaux liens en matière fiscale; l’appui aux collectivités, aux peuples et aux économies.

 

On a signalé au Comité que la politique fédérale en matière de santé des Autochtones témoignait d’une continuité qui illustre la progression du système de soins de santé canadien et l’évolution des liens entre le gouvernement fédéral et les Autochtones. Pendant la première partie du XXsiècle, l’intervention fédérale en matière de santé des Autochtones était axée sur les soins médicaux plutôt que sur l’intégralité des services offerts aux Premières nations et aux Inuits. Cela s’est traduit par la gestion de postes de soins infirmiers, de centres de santé et d’hôpitaux. Avec l’avènement de l’assurance-maladie universelle, Santé Canada a continué d’offrir des services de santé primaires dans les régions éloignées et isolées, mais dès lors on a mis l’accent sur les mesures préventives et d’hygiène publique plutôt que sur la prestation de soins directs. Toutefois, pour l’essentiel, les initiatives fédérales en matière de santé se limitent aux Premières nations et aux Inuits. Les Métis et les Indiens de fait n’ont droit qu’à un nombre limité de programmes fédéraux[115].

En 1979, la politique fédérale de santé pour les Indiens établissait le cadre général par lequel le gouvernement fédéral veillait à la prestation et au paiement de services de santé à l’intention des Premières nations et des Inuits. L’objectif de la politique est de « rehausser le niveau des services de santé dans les collectivités indiennes, services offerts et gérés par les collectivités indiennes elles-mêmes ». La politique prévoyait que ces améliorations seraient fondées sur trois axes :

1.      le développement communautaire (socio-économique et culturel/spirituel) afin de remédier aux conditions limitant le bien-être;

2.      les liens traditionnels entre la population indienne et le gouvernement fédéral;

3.      le système canadien de soins de santé, intégrant les secteurs fédéral, provincial, municipal, indien et privé.

Une autre caractéristique importante de la politique était la reconnaissance que des collectivités des Premières nations et inuites pouvaient assumer l’administration de leurs propres programmes de santé communautaire. Pour atteindre cet objectif, au milieu des années 80, le gouvernement fédéral a procédé à l’introduction du transfert de contrôle des services de santé aux collectivités et aux organisations des Premières nations et des Inuits.

Le tableau 5.3 montre la situation des transferts de contrôle au 31 mars 2000 et les projections jusqu’en 2005. Au total, 599 collectivités des Premières nations et inuites sont admissibles. À la fin de l’exercice financier 1999‑2000, 276 (46 %) collectivités avaient signé l’Accord de transfert de contrôle des services de santé.


Tableau 5.3

TRANSFERTS DU CONTRÔLE DES SERVICES DE SANTÉ

TRANSFERTS SELON LA RÉGION OU LA COLLECTIVITÉ

Région

Ensemble des collectivités admissibles

Transferts effectués au 31 mars 2000

Transferts prévus d’ici le 31 mars 2005

Nombre

Nombre

% du total

Nombre

% du total

Atlantique

40

20

50

36

90

Québec

28

23

82

28

100

Ontario

124

38

31

57

46

Manitoba

62

33

53

52

84

Saskatchewan

83

60

72

68

82

Alberta

58

4

7

10

17

Pacifique

204

98

49

109

53

TOTAL

599

276

46

360

60

Source : Santé Canada, Transfert du contrôle aux communautés des Premières nations et des Inuits, Rapport annuel, 1999-2000 (http://www.hc-sc.gc.ca/msb/pptsp/annual_e.htm#T3).

 

5.6     Entraves à la santé et au bien-être des Autochtones

Au cours des délibérations du Comité, des témoins ont expliqué certaines difficultés structurelles et de compétence concernant les services de santé aux Autochtones, qui entravent en partie ou en totalité l’accès à des services de santé appropriés.  

Les conflits de compétence touchant la prestation de services de santé aux peuples autochtones sont de deux ordres. Le premier vient du partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Ces derniers offrent à tous les résidents de leur territoire, y compris aux Premières nations vivant dans les réserves et aux Inuits, le même accès aux services de soins de santé en vertu des dispositions de la Loi canadienne sur la santé, mais ils affirment que le gouvernement fédéral a la responsabilité de certains services de santé quand il s’agit d’Autochtones qui sont des Indiens de plein droit en vertu de la Loi sur les Indiens (Indiens inscrits). Par conséquent, les témoins ont signalé que des services de santé qui ne sont pas couverts par la Loi canadienne sur la santé mais qui sont néanmoins offerts par les provinces peuvent, selon le cas, être dispensés aux Premières nations et aux Inuits[116].  

Parmi les autres conséquences découlant de l’existence de deux compétences dans la prestation de services de santé, on note la fragmentation des programmes, certaines difficultés dans la coordination des programmes et dans les mécanismes de rapport, des incohérences, des lacunes, d’éventuels chevauchements de programmes, un manque d’intégration, l’incapacité de rationaliser les services et l’inaptitude à présenter une approche holistique en matière de santé et de bien-être.

Le deuxième conflit de compétence tient aux divisions entre peuples autochtones qui découlent de la Loi sur les Indiens. Parce que les Métis et les Indiens de fait ne sont pas régis par la Loi, la plupart des programmes fédéraux leur sont inaccessibles. L’ONSA et le Ralliement national des Métis ont souligné, dans leur comparution devant le Comité, que cette exclusion signifie que les Métis et les Indiens de fait n’ont pas à qui s’adresser. Par exemple, Mme Judith Bartlett a fait remarquer ce qui suit :

Il n’y a pas de soins primaires visant en particulier les Métis et les Indiens non inscrits. […] Les Métis et les Indiens ne relèvent de personne. En fait, ils sont exclus de l’application des diverses lois, ce qui a une incidence sur leur droit à des programmes[117].

Gérald Morin, président du Ralliement national des Métis, abonde dans le même sens. Il a déclaré au Comité :

Les querelles de compétence fédérale-provinciale, les obstacles culturels et l’isolement géographique […] réduisent notre accès au système de soins de santé. Les collectivités métisses se heurtent à bon nombre des mêmes problèmes que ceux que connaissent les autres collectivités autochtones, à la différence que le gouvernement fédéral ne prête pas vraiment beaucoup d’attention aux questions de santé qui les concernent. Le problème fondamental qui se pose est que Santé Canada n’est pas prêt à traiter équitablement les Métis et à les considérer comme l’un des peuples autochtones du Canada[118].

Les témoins entendus par le Comité ont souligné les restrictions que comporte la politique fédérale de transfert du contrôle des services de santé au sud du 60e parallèle aux Premières nations et aux collectivités et organisations inuites. Ils ont fait remarqué que les SSNA, programme qui absorbe près de la moitié des fonds versés par Santé Canada aux Premières nations et aux Inuits, n’ont pas été intégrés au processus de transfert[119]. En outre, l’ONSA a fait remarquer que la politique de Santé Canada concernant le transfert de contrôle aux organisations autochtones ne comporte pas de cadre « propice à l’intégration des services fédéraux et provinciaux »[120]. Là encore, cela crée des obstacles à la rationalisation du programme et à l’élaboration d’une approche globale en matière de santé des Autochtones.

Les témoins ont également fait observer que des obstacles structurels, l’isolement géographique et la taille des collectivités dans les régions rurales et éloignées ont une incidence sur l’accès aux soins de santé et sur l’intégralité des services disponibles. De plus, il existe d’autres obstacles : les professionnels de la santé ne restent en fonction que pendant de courtes périodes, les médecins itinérants se succèdent, la langue de communication est différente et il n’y a pas d’intégration entre la médecine traditionnelle et la médecine occidentale. Les témoins ont souligné que ces obstacles structurels ne sont pas propres aux régions rurales et éloignées – en milieu urbain, il existe également des obstacles de cet ordre qui viennent se greffer à la pauvreté et aux difficultés que posent des soins inadaptés à la culture spécifique[121].

Ron Wakegijig, un guérisseur du centre de santé Wikwemikong, a fait remarquer que les politiques nationales élaborées à l’intention de l’ensemble des Autochtones ne tiennent pas adéquatement compte des particularités régionales, car elles ne font pas de distinction entre les préoccupations et les exigences des Autochtones vivant dans des régions éloignées, isolées ou semi-isolées et celles des Autochtones vivant en milieu urbain[122].

Un bon nombre de témoins ont signalé que les Autochtones ne sont pas un groupe homogène. Les témoins de la collectivité inuite ont réclamé que leur spécificité soit reconnue dans la prestation des programmes et les recherches en santé. La représentante de l’Association des femmes inuites de Pauktuutit a souligné qu’il est important que les Inuits participent à l’élaboration des programmes et des politiques de santé qui les concernent. Elle a fait remarquer que trop souvent les expressions « santé des Autochtones » et « santé des Premières nations » deviennent synonymes. Il en résulte que les programmes ne sont pas conçus en tenant compte de la participation et des besoins des Inuits.

L’expression « santé des Autochtones » est souvent à tort employée comme synonyme de « santé des Premières nations ». Ce malentendu existe parce qu’on ne conçoit pas clairement qu’il y a trois cultures distinctes chez les peuples autochtones du Canada. Pour les Inuits, les conséquences sont les plus lourdes dans le domaine des programmes en matière de santé. Le pivot de la programmation en matière de santé autochtone continue d’être les Premières nations, et trop souvent lors de sa conception, on néglige de consulter adéquatement les Inuits et l’on tient rarement compte des  besoins culturels et linguistiques propres aux Inuits. En outre, cette programmation ne reflète pas les réalités de la prestation de services dans les localités isolées/éloignées et elle ne tient pas compte des différentes infrastructures dans les collectivités des Premières nations et dans celles des Inuits. Très souvent, on impose aux Inuits des programmes conçus pour les Premières nations alors que, en fait, une programmation autre, visant spécifiquement les Inuits, répondrait mieux aux besoins de la collectivité[123].

À propos de la santé des Autochtones, les témoins ont souligné que les notions traditionnelles de santé et de bien-être dans toutes les collectivités autochtones sont holistiques, à facettes multiples et axées sur la collectivité :

Chez les Premières nations, le concept de bien-être englobe les quatre aspects de l’existence humaine. Certaines Premières nations appellent ce concept « cercle d’influences ». On estime que le bien-être et l’état de santé optimale sont liés non seulement aux aspects physiques de la santé, mais aussi aux besoins émotifs, fondamentaux et spirituels de la personne. Il en découle que les Premières nations ont une vue d’ensemble de la santé contrairement au modèle biomédical.

Le cercle d’influences reflète le fait que les Premières nations ne voient pas la personne comme un corps seulement. Pour qu’une personne soit en santé ou atteigne l’état de bien-être, il doit exister un équilibre dans les quatre aspects de sa vie. Toute l’attention voulue doit être portée à ces quatre aspects de la personne. Il faut qu’une personne ne soit pas qu’équilibrée mais qu’elle vive aussi en harmonie avec sa collectivité. L’harmonie doit se refléter à tous les niveaux et dans tous les aspects de la vie. La prévention de la maladie et la promotion de la santé et des modes de vie sains passent par la création de collectivités et de gouvernements en santé[124].

Les Autochtones définissent la santé et le bien-être suivant un modèle d’équilibre, d’harmonie, d’intégralité et de spiritualité plutôt que suivant les notions occidentales de dysfonction physique et de morbidité chez l’individu. Le bien-être autochtone passe par des solutions qui ne seront efficaces qu’à moins que tous les facteurs influant sur un problème ne soient pris en compte. Les témoins ont fait remarquer que la politique fédérale en matière de santé des Autochtones doit être élaborée davantage suivant une approche axée sur la prévention, l’hygiène publique et l’intégralité, et qu’elle doit être assortie d’une programmation faisant place à la promotion de la santé et aux services communautaires. Par exemple, l’Assemblée des Premières nations a fait observer ceci :

La pauvreté, le mauvais état de santé, l’échec scolaire, le violence familiale et d’autres problèmes sont des difficultés qui se nourrissent l’une l’autre. Pour briser ce cercle vicieux, il faut chercher des solutions à tous les déterminants, dans une stratégie coordonnée, et non pas des solutions ponctuelles[125].

Les témoins ont déclaré que le gros de la recherche actuelle porte sur les Premières nations. Mme Judith Bartlett a signalé que les données de recherche sur les Métis et les Inuits sont maigres. Le président du Ralliement national des Métis a confirmé ce manque de recherches, de données et de renseignements concernant l’état de santé et la situation démographique des Métis. Inuit Tapirisat du Canada a confirmé qu’un des grands défis était ce manque de renseignements concernant précisément la santé des Inuits. L’Association des femmes inuites de Pauktuutit du Canada a exprimé la même préoccupation et a fait remarquer que le recours à des renseignements extraits d’un corpus plus vaste pour les appliquer à d’autres peuples autochtones n’était pas satisfaisant.

Cerner les nouveaux enjeux de santé en ce qui concerne les Inuits est souvent compliqué par le manque de données « fermes » et par le fait qu’on hésite à utiliser des indicateurs anecdotiques novateurs dans la méthode de recherche. Les données concernant précisément les Inuits, quand elles existent, sont fragmentées et souvent extrapolées à partir de corpus plus vastes concernant les Autochtones qui vivent essentiellement dans le Sud du Canada. Pour que les Inuits puissent faire une planification utile et établir un ordre prioritaire en matière de santé, pour qu’ils puissent repérer l’évolution des tendances d’une maladie, les données doivent être recueillies par les Inuits, en ce qui les concerne et pour eux. Un exemple révélateur est celui des données de contrôle du VIH/sida. Les statistiques concernant les Inuits à cet égard sont des extrapolations de données recueillies dans deux provinces, l’Alberta et la Colombie-Britannique, essentiellement dans de grands centres urbains. Par conséquent, on constate qu’on accorde une attention extrême et une partie disproportionnée des fonds destinés aux programmes de prévention pour venir en aide aux toxicomanes « autochtones » utilisant des seringues, qui ont peu sinon rien à voir avec les Inuits de l’Arctique[126].

Les témoins ont également signalé l’importance d’une recherche en matière de santé des Autochtones qui soit dirigée et contrôlée par des Autochtones. M. Jeff Reading, d Institute for Aboriginal Health (IRSC), a déclaré au Comité :

Entreprendre des recherches peut constituer un déterminant de la santé en soi. C’est un déterminant de la santé parce qu’il permet aux gens de maîtriser les facteurs qui touchent leur vie. Pendant longtemps, ce sont des gens de l’extérieur qui ont assumé le contrôle dans les localités autochtones. Avec cette étude, les Autochtones avaient l’occasion de prendre le contrôle et d’interpréter des données sur eux-mêmes.

Quand les gens participent à la création et à la compréhension de connaissances sur eux‑mêmes, ils assument leurs propres problèmes de santé et, ce faisant, participent activement à la recherche de solutions. La recherche est la première étape vers l’autodétermination et l’amélioration de la santé[127].

 

5.7     Commentaires du Comité

Le Comité reconnaît qu’il existe de nombreux rapports contenant autant de suggestions en vue d’améliorer la situation des Autochtones. À plusieurs reprises, ce groupe de 1,3 million de Canadiens a été qualifié par des organismes internationaux, nationaux ou régionaux comme le plus indigent du pays. Malgré l’ampleur des efforts entrepris, l’état de santé des Canadiens autochtones et leurs conditions socio-économiques demeurent déplorables.

Le Comité a entendu la description des diverses stratégies fédérales coordonnées par Santé Canada et des multiples programmes gérés par Affaires indiennes et du Nord Canada. Malgré tout, il y a encore beaucoup à faire si nous voulons aplanir les disparités sur le plan de la santé et l’écart socio-économique qui existe entre les Autochtones et le reste de la population. Vu la vaste gamme de programmes gérés actuellement par le gouvernement fédéral et vu les responsabilités constitutionnelles précises qui lui incombent, le Comité estime qu’il faut que le gouvernement élabore des stratégies de santé visant précisément les Canadiens autochtones. Ces stratégies doivent porter sur les conditions économiques, l’hygiène de l’environnement, par exemple la qualité de l’eau potable, des soins de santé de haute qualité et tenant compte des différences culturelles, des choix de mode de vie sains, etc. Il est également important, comme l’ont suggéré Ron Wakegijig et d’autres, d’envisager des façons d’intégrer les méthodes de guérison traditionnelles des Autochtones dans les soins de santé de la tradition canadienne.

Les conflits de compétences ne doivent pas être un prétexte pour faire traîner les choses en longueur dans ce domaine. Le Comité pense que l’on peut aplanir ce genre d’obstacles à brève échéance et que tous les ordres de gouvernement – fédéral, provincial, territorial, municipal, la bande et le groupe – doivent élaborer un plan intégral pour répondre aux besoins de tous les Autochtones du Canada. Le ministre fédéral de la Santé doit assumer un rôle de chef de file dans la coordination d’un tel plan.

La population autochtone est jeune et elle croît. Il est impératif que les programmes élaborés soient durables à long terme. La collectivité autochtone est également diversifiée. Ces programmes doivent faire place aux différences culturelles et aux réalités communautaires.

Le Comité pense que toute recherche en matière de santé des Autochtones peut apporter des renseignements utiles qui aboutiront à de meilleurs services et résultats en matière de santé. Le Comité se félicite de la création du nouvel Institute for Aboriginal Health aux IRSC et pense qu’il est essentiel de lui verser des fonds suffisants.


CHAPITRE SIX

Ressources humaines

Le système de santé canadien fait appel à une main-d’œuvre nombreuse. Environ un employé sur dix travaille dans le secteur de la santé. Beaucoup d’autres personnes viennent en aide à des amis et à des membres de leur famille. Par conséquent, notre système repose sur un effectif régulier de soignants d’expérience, bien formés et bien répartis et d’aidants bénévoles engagés. (Les questions relatives aux aidants bénévoles et naturels sont étudiées plus en détail au chapitre 9.)

Un ensemble hétérogène et complexe de soignants, faisant partie de plus de 30 groupes professionnels régis à l’échelle provinciale, dispensent des soins aux Canadiens. Le nombre total de soignants agréés pour 100 000 habitants et sa variation en pourcentage sur dix ans sont présentés au tableau 6.1.

 

TABLEAU 6.1

SOIGNANTS RÉGLEMENTÉS AU CANADA

(Nombre pour 100 000 Canadiens et variation en pourcentage)

 

1989

1998

Changement

Infirmières autorisées

809

750

-7.2

Infirmières auxiliaires agréées

301

250

-17.0

Médecins

187

185

-0.5

Pharmaciens

67

76

13

Dentistes

52

54

4

Physiothérapeutes

37

49

32

Psychologues

32

40

25

Hygiénistes dentaires

29

46

59

Chiropraticiens

12

16

33

Optométristes

11

11

0

Source : ICIS, Soins de santé au Canada, 2001.

Les soins infirmiers constituent la plus importante profession sanitaire. En 1998, il y avait 7 % de moins d’infirmières autorisées et 17 % de moins d’infirmières auxiliaires qu’en 1989. Les médecins forment le troisième groupe de soignants réglementés en importance. Le nombre de médecins par habitant en 1998 est resté à peu près inchangé par rapport à dix ans auparavant, affichant une légère baisse d’environ 0,5  %. Les autres catégories de soignants (sauf les optométristes) ont élargi substantiellement leur effectif au cours de la même période. Bien qu’il soit impossible d’avancer un chiffre précis, une armée d’aidants naturels (bénévoles) dispensent une forme de soins à une personne de leur foyer souffrant d’une maladie physique ou mentale à long terme ou qui est fragile ou handicapée. L’information de l’ICIS (2001) révèle que le nombre d’aidants naturels a augmenté au cours de la dernière décennie.

Il n’est pas facile d’établir le nombre de personnes dont chaque secteur a besoin actuellement et les besoins futurs sont encore plus difficiles à déterminer. Néanmoins, il est réaliste de parler de « crise » de la santé en ce qui concerne les ressources humaines. C’est particulièrement le cas des infirmières autorisées au Canada. Mais la pénurie frappe d’autres fournisseurs de soins, allant des techniciens de laboratoire aux pharmaciens.

Il est plus difficile d’évaluer la situation dans son ensemble en ce qui concerne les médecins, mais il existe néanmoins un problème de répartition géographique qui perdure, et les régions ont beaucoup de difficulté à recruter et à retenir autant les omnipraticiens que les spécialistes (la répartition géographique des médecins est examinée en détail au chapitre 10). Certaines spécialités souffrent particulièrement de pénuries.

Sans un effectif adéquat de soignants, les soins ne sont tout simplement pas suffisants pour le niveau de service auquel les Canadiens sont en droit de s’attendre. Les questions de disponibilité, de fidélisation et de gestion des effectifs sont complexes, vastes et recoupent souvent d’autres domaines, mais leur importance est tout à fait primordiale pour assurer la pérennité du système de santé canadien.

D’autres questions, comme le mode et le niveau de rémunération des soignants, se situent en grande partie hors des responsabilités fédérales. Il subsiste néanmoins d’autres domaines de préoccupation ‑ mobilité interprovinciale, immigration, financement de la recherche et régime fiscal ‑ où les politiques fédérales jouent un rôle de premier plan. Compte tenu de l’interaction entre tous ces facteurs, il importe de considérer globalement les questions d’effectifs, de sorte que l’effet des politiques fédérales éventuelles puisse être bien compris et évalué.

 

6.1     Médecins

6.1.1   Effectif des médecins

La gravité de la pénurie de médecins ne fait pas l’unanimité. Les données récentes de l’ICIS indiquent une augmentation du nombre de médecins au Canada depuis 5 ans, de 54 918 en 1996 à 57 803 en 2000.[128] Toutefois, malgré l’augmentation de 7,4 % du nombre de spécialistes, le nombre de médecins de famille n’a augmenté que de 3,2 %. Comme la population du Canada s’est accrue de 3,5 % durant cette période, le nombre de médecins de famille par habitant a diminué légèrement (de 95 pour 100 000 habitants en 1996 à 94 en 2000).

Plusieurs témoins ont souligné l’importance de regarder au-delà des nombres. Ainsi, au lieu de l’augmentation du nombre dotal de spécialistes, les témoins ont indiqué au Comité que certaines spécialités souffraient de pénuries. Par exemple, le Dr William Dalziel de l’Université d’Ottawa estime qu’il y a un déficit important de gériatres et le Dr John Radomsky, de l’Association des radiologistes, a précisé qu’il manquait au Canada environ 200 radiologistes et que :

Nous ne disposons tout simplement pas de l'effectif nécessaire pour fournir les services. Dans mon propre secteur, nous avons dû réduire les services… dans deux établissements de petite taille faute d'un personnel suffisant pour assurer les services sur place. Les patients doivent se déplacer. Ils subissent des inconvénients. Dans de nombreux cas, ils négligeront simplement de le faire.[129]

Des témoins ont indiqué au Comité que les médecins étaient déjà débordés par la charge de travail. Le Dr Peter Barrett, président de l’Association médicale canadienne (AMC), a souligné que « les médecins canadiens travaillent en moyenne 53 heures par semaine, auxquelles s’ajoutent 25 heures de garde  ».[130] Le plus inquiétant, c’est que pour environ 2 000 médecins, il n’y a pas de garde partagée. « Ils sont de garde 24 heures sur 24, sept jours sur sept, souvent sans répit pendant des années ».[131]

De plus, le vieillissement de l’effectif médical signifie que de nombreux médecins ne veulent plus ou ne peuvent plus faire des heures supplémentaires, qui sont devenues la norme. Le Dr Barrett précise que la moyenne d’âge des médecins est passée de 46,4 à 47,5 ans entre 1996 et 2000 et ajoute qu’« en 2024, 40 % des médecins en activité auront plus de 55 ans ».[132]

En même temps, les femmes ont fait de grands pas pour changer le profil de la profession. Depuis le milieu des années 90, les femmes représentent la moitié des étudiants en médecine au pays,[133] et le pourcentage des femmes médecins qui pratiquent est passé de 25 % à plus de 29 % entre 1993 et 2000. Le groupe de travail sur l’effectif médical du Forum médical canadien prédit que, d’ici 2015, les femmes constitueront 40 % de l’effectif des médecins. Toutefois, d’après les données, les femmes médecins travaillent moins d’heures que leurs homologues masculins, soit en moyenne 48,2 heures contre 55,5 heures par semaine.[134] Comme le fait remarquer le Dr Barrett :

Traditionnellement, elles ont tendance à s'occuper davantage des autres et à rechercher une vie plus équilibrée. Nous ne le voyons pas seulement chez les femmes, d'ailleurs. Nous le voyons chez tous nos jeunes diplômés.[135]

 

6.1.2   Mauvaise répartition géographique

Il s’est dégagé un consensus net au cours des audiences du Comité : on note depuis longtemps une mauvaise répartition des médecins au pays. Au cours des deux dernières décennies, des études ont conclu à plusieurs reprises que ce problème donne lieu à des pénuries de médecins en région.  

Le problème semble s’aggraver puisqu’un nombre croissant de petites et moyennes localités ont de la difficulté à s’assurer un effectif de médecins adéquat. Ainsi, en octobre 1999, 99 localités ontarienne ont été jugées insuffisamment desservies et cherchaient en tout 534 médecins.[136]  De nombreux obstacles à l’installation des médecins dans des secteurs insuffisamment desservis sont connus : lourdeur de la charge de travail, manque de formation dans les domaines nécessaires pour pratiquer la médecine en milieu rural, isolement professionnel, manque d’intérêt pour la vie à la campagne.

Le Comité s’est fait dire que les médecins qui débutent sont plus susceptibles d’aller s’installer en région s’ils proviennent des régions rurales ou si leur formation leur en fait valoir les avantages. Le Dr Thomas Ward, président du Comité consultatif fédéral-provincial-territorial des ressources humaines en santé, a fait remarquer que « s'agissant de savoir si un médecin entend exercer dans une petite localité, le facteur déterminant est le fait que l'intéressé soit lui-même originaire d'une petite localité ».[137]

La question des effectifs médicaux en région est étudiée en détail au chapitre 10.  

6.1.3   Formation et recrutement des médecins

Les témoins se sont demandé si suffisamment d’étudiants étaient admis dans les facultés de médecine du Canada.

En 1991, un rapport de Barer et Stoddart recommandait de réduire de 10 % les inscriptions dans les facultés de médecine canadiennes et les postes de stagiaires diplômés afin de contrer l’augmentation injustifiée des effectifs médicaux.[138] Malgré la consigne de ne pas mettre en œuvre cette recommandation indépendamment des autres [139] (53 en tout), c’est exactement ce que les décideurs ont fait. Par conséquent, d’après les données de l’Association des facultés de médecine du Canada, la taille des groupes de première année dans les écoles de médecine a diminué de 16 % depuis 1991.

L’inscription en première année en 1997-1998 de 1 577 étudiants, soit un citoyen sur 19 000, place le Canada loin derrière d’autres pays industrialisés, par exemple le Royaume‑Uni (1 sur 12 200) et l’Australie (1 sur 13 500). D’après le Dr Hugh Scully, président du groupe de travail sur les effectifs des médecins au Canada, Forum médical canadien, « En 1997, dans aucun autre pays développé du monde il était aussi difficile qu'au Canada d'entrer dans une école de médecine ».[140] Même si les augmentations des inscriptions au premier cycle annoncées au début de 2001 étaient de 228 nouvelles places (soit une hausse de 14 % par rapport à 1998), elles se situent toujours en dessous du niveau d’entrée de 1983 (année de pointe).[141]

Bien qu’il reconnaisse que « les facultés de médecine et les responsables aient fait davantage de progrès depuis 18 mois qu’en 20 ans »,[142] le Dr Scully affirme qu’il est impossible de progresser sans investir de ressources supplémentaires dans le système. Il a précisé au Comité que :

Si nous voulons pouvoir disposer des enseignants pour faire le travail ainsi que des ressources, qu'il s'agisse de finances ou d'équipement, dont nous avons besoin, il faut que l'on injecte des crédits. Nous estimons que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle significatif en association avec les provinces et les territoires.[143]

En outre, le Canada n’offre pas autant de postes d’études supérieures que les autres pays : 100 postes financés à l’échelle provinciale pour 100 diplômés (en comparaison de 129/100 aux États‑Unis et 140/100 en Angleterre). Le Dr Scully souligne qu’« il fut un temps où nous étions bien plus à même qu'aujourd'hui de valider les diplômes acquis à l'étranger par des personnes qualifiées ».[144]

Par le passé, le Canada a pu compter sur le recrutement à l’étranger pour combler certaines lacunes. Les diplômés internationaux en médecine (DIM) ont fait d’importantes contributions aux soins de santé au pays. Actuellement, presque 25 % des médecins du Canada ont fait leurs études de premier cycle à l’extérieur du Canada. Les DIM ne sont répartis également ni géographiquement ni par spécialité, et ne représentent que 12 % de l’effectif au Québec, mais environ 50 % de l’effectif en Saskatchewan. Le tiers des pédiatres, mais seulement 22 % des médecins de famille, sont des DIM.

La principale source de DIM a été le Royaume-Uni. Toutefois, d’autres pays peuvent  être aux prises avec les mêmes pénuries que celles qui touchent notre système de santé, et il ne semble pas être très indiqué de constamment se convoiter les uns les autres des professionnels de la santé hautement qualifiés. Le Dr Scully a insisté sur ce point :

Traditionnellement, le Canada allait chercher des diplômés en médecine au Royaume‑Uni, en Afrique du Sud et dans certains pays d’Europe. Cette source s'est en grande partie tarie, quoique pas totalement. Ces pays font leur possible pour garder leurs médecins et leur donner des conditions de travail intéressantes. Les sources auxquelles nous puisions sont épuisées.[145]

L’augmentation des frais de scolarité constitue un obstacle important aux inscriptions en médecine. Le DBarrett a indiqué que :

Du fait de la déréglementation des frais de scolarité, les études de médecine sont devenues trop onéreuses. Si nous ne réagissons pas bientôt, seuls les fils et les filles de familles riches pourront au Canada entrer à l'école de médecine et faire carrière.[146]

Le Comité a appris que les frais de scolarité préoccupent grandement les étudiants du Canada rural. Par exemple, le Dr Thomas Ward, président du Comité consultatif fédéral-provincial-territorial des ressources humaines en santé, a fait observer que :

Dans notre province, les choses ont assez radicalement changé ces quatre dernières années pour ce qui est du recrutement des étudiantes et des étudiants en médecine. Reconnaissons que, pour la plupart des universités, l'augmentation du prix des études a fait des facultés de médecine une vache à lait. Nous avons ainsi constaté une baisse constante du pourcentage d'étudiants provenant des zones rurales de la Nouvelle-Écosse.[147]

Le Dr Barrett a exprimé des craintes semblables relativement au recrutement d’étudiants en médecine au sein de la population autochtone du Canada :

Permettez-moi de vous citer un exemple tiré de ma propre province, la Saskatchewan, où habite une très nombreuse population autochtone. La meilleure manière d'assurer à cette population des soins de santé serait, d'abord, et compte tenu de la culture qui leur est propre, d'accroître le nombre de professionnels de la santé issus des Premières nations. Or, actuellement, notre système leur ferme plutôt les portes des facultés de médecine. C'est pourquoi il nous faut nous pencher sur le dossier de l'enseignement postsecondaire. Compte tenu de la déréglementation des droits d'inscription, il faut réfléchir au genre de personnes que nous admettons actuellement aux études médicales.[148]  

6.1.4   L’« exode des cerveaux »

Un autre sujet de controverse est l’« exode des cerveaux » des médecins, particulièrement vers les États‑Unis. Le tableau 6.2 présente des données sur le départ et le retour des médecins. Au cours de la période allant de 1996 à 2000, le nombre de médecins qui ont quitté le pays a diminué sensiblement, passant de 1,3 % de l’ensemble de l’effectif des médecins en 1996 à 0,7 % en 2000. La majorité de ces médecins étaient du sexe masculin et des spécialistes.  Près de la moitié avaient été diplômés en médecine il y a moins de 10 ans. Le nombre de médecins qui sont revenus de l’étranger a augmenté quelque peu au cours de la période 1996‑2000. En général, moins de médecins quittent le Canada et un plus grand nombre d’entre eux viennent au Canada (sauf en 2000). Toutefois, le Canada enregistre toujours une perte nette année après année.

La migration internationale des médecins reste une préoccupation importante pour de nombreux témoins. Le Dr Barrett a indiqué que « pour un médecin qui déménage dans le Nord, 19 s'en vont vers le Sud »,[149] tandis que le Dr Scully fait remarquer que « Nous continuons à perdre l'équivalent des promotions de deux écoles de médecine par an qui représentent une perte nette en faveur des États-Unis ».[150]

Tableau 6.2

MÉDECINS QUI ONT DÉMÉNAGÉ À L’ÉTRANGER
ET MÉDECINS QUI SONT REVENUS AU Canada, 1996-2000

 

Ont déménagé à l’étranger

 

Sont revenus au Canada

Perte nette

1996

726

218

508

1997

658

227

431

1998

568

319

249

1999

584

340

244

2000

420

256

164

Source : ICIS, Nombre, répartition et migration des médecins canadiens, Sommaire, 9 août 2001 (disponible à l’adresse http://www.cihi.ca).

Même si, de toute évidence, de nombreux facteurs influent sur les décisions prises par les Canadiens d’aller s’installer ailleurs, on allègue parfois que le régime fiscal plus onéreux au Canada poussent les personnes à revenu élevé à rechercher des occasions plus profitables au sud de la frontière. Toutefois, les enquêtes auprès des médecins révèlent que le revenu n’est habituellement pas le premier motif qui les incite à quitter le Canada et que les conditions dans lesquelles ils peuvent exercer leur profession ont plus d’importance. Le Dr Scully s’étend longuement sur le sujet :

Je précise que la rémunération qui lui est offerte au Dakota du Nord n'est pas plus élevée qu'en Alberta. Ce n'est donc pas une question d'argent. Il s'agit de la possibilité de soigner le patient dans de bonnes conditions. Si nous voulons pouvoir attirer et conserver nos médecins, il faut faire un effort concerté pour réunir les moyens permettant aux médecins, aux infirmières et aux autres intervenants de santé d'assurer aux patients les services dont ils ont besoin.[151]

Dans le même ordre d’idées, le Dr Barrett ajoute :

Comme dans tout autre secteur de l'économie, s'il faut être compétitif pour réussir, il faut que le Canada offre un environnement concurrentiel capable non seulement de garder ses médecins, mais aussi de faire revenir ceux qui sont partis. Si nous sommes sérieux lorsque nous parlons d'avoir un système de soins de santé de calibre mondial, nous devons alors offrir un environnement qui attirera et nous permettra de conserver du personnel de santé de ce calibre.[152]

En général, tous les témoins étaient d’accord pour dire qu’il fallait établir un plan global en matière de ressources humaines. Comme l’a fait remarquer le Dr Scully, « il n'y a pas de réponse automatique ni de solutions miracles ».[153] Selon le Dr Barrett :

Nous pourrions commencer par une stratégie nationale parce qu'il s'agit d'un problème national. Je me rends compte que bien des soins de santé sont dispensés par les provinces ou les territoires. Avant toute chose, il nous faut un plan national.[154]  

6.2     Soins infirmiers

Le groupe des soins infirmiers renferme le plus grand nombre de soignants au Canada, soit presque les deux tiers de l’ensemble de l’effectif. Il y a trois groupes de professionnels des soins infirmiers réglementés : les infirmières autorisées (IA), les infirmières auxiliaires autorisées (IAA), et les infirmières psychiatriques autorisées (IPA). La plupart des données disponibles portent sur la situation des IA. Il y a deux façons de devenir infirmière autorisée : (i) un programme menant à un diplôme offert dans un collège communautaire; (ii) un baccalauréat en sciences infirmières à l’université. Environ 90 % des infirmières qui exercent leur profession sont titulaires d’un diplôme. Certaines provinces reconnaissent une catégorie élargie additionnelle d’infirmières, appelées habituellement « infirmières praticiennes », mais aucune norme nationale ne les régit et le terme n’est pas une désignation protégée.

Les infirmières travaillent dans des milieux très divers et effectuent toute une gamme de tâches qui exigent une diversité considérable de compétences, allant de l’assistance au traitement des patients souffrant de maladies aiguës dans un milieu hospitalier à la planification et la surveillance des programmes de soins à domicile, en passant par l’organisation et la délégation des charges de travail. Des changements récents dans l’organisation et la prestation des soins de santé ont une grande incidence sur les types de tâches effectuées par les infirmières et le nombre d’infirmières disponibles pour les effectuer.

Dans un contexte où les séjours à l’hôpital sont plus courts, les infirmières traitent des cas plus lourds et sont appelées à effectuer de nombreuses tâches qui incombaient auparavant à d’autres employés de l’hôpital. Par exemple, une étude récente indique qu’au Canada, 42 % des infirmières affirment qu’elles effectuent des travaux d’entretien domestique, tandis qu’une proportion semblable (43,6 %) signalent que les tâches infirmières essentielles, comme réconforter les patients et leur parler, sont mises de côté.[155]  Les tendances à avoir recours aux technologies de la santé signifient également que les infirmières doivent accomplir plus de tâches complexes avec plus de pressions et moins de ressources. À cet égard, Kathleen Connors, présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers, a dit au Comité que les infirmières :

veulent pouvoir en outre exercer leur profession comme elles ont été formées à le faire. Elles ne veulent pas seulement faire les gestes qu'on leur a enseignés, mais elles veulent également faire un travail de pédagogie, et prendre le temps de passer un moment au chevet d'un patient qui a besoin de soutien et de réconfort. Elles veulent pouvoir conseiller, encourager et accomplir tous ces actes à la fois essentiels et difficiles à chiffrer.[156]  

6.2.1   Effectif infirmier

L’ICIS signale une diminution de 7,2 % du nombre des IA (pour 100 000 Canadiens) qui travaillaient dans leur domaine entre 1989 et 1998, tandis que le nombre des IAA a diminué de 17 % au cours de la même période (voir tableau 6.1). D’après l’Association des infirmières et des infirmiers du Canada, les effectifs de personnel infirmier qualifié sont au bord de la crise. L’Association prévoit que d’ici 2011, il y aura une pénurie d’au moins 59 000 infirmières au Canada, mais que cette pénurie pourrait être de 113 000 infirmières si l’on tient compte de tous les besoins d’une population vieillissante (tableau 6.3).

 

Tableau 6.3

NOMBRE D’INFIRMIÈRES AUTORISÉES NÉCESSAIRE POUR RÉPONDRE ADÉQUATEMENT À LA DEMANDE EN 2011

Demande projetée

Nombre nécessaire

Infirmières disponibles

Déficit

Faible

290 000

231 000

59 000

Moyenne

317 000

231 000

86 000

Élevée

344 000

231 000

113 000

Source : Statistical Picture of the Past, Present and Future of RNs in Canada, AIIC, 1997.

Même si les témoins ont reconnu que la pénurie de personnel infirmier est un problème mondial (Hong Kong étant la seule ville à enregistrer un surplus d’infirmières[157]), ils ont également fait savoir que la gravité de la situation des soins infirmiers au Canada tient aux stratégies de compression des coûts que tous les gouvernements du pays ont mises en place au début des années 90. C’est pourquoi ils ont recommandé à l’unanimité que plus de fonds soient investis dans le système de soins de santé, de façon à contrer la pénurie de personnel infirmier. Par exemple, Régis Paradis, président de l’Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, a fait valoir que « Même si le gouvernement fédéral devait prendre diverses mesures en vue de rétablir ses finances publiques, nous estimons que les compressions budgétaires ont été trop drastiques, sans véritable consultation et, également, sans tenir compte des besoins de la population ».[158] Dans le même ordre d’idées, Sandra MacDonald-Remecz, directrice de la Politique, réglementation et recherche à l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC), a affirmé ce qui suit au Comité :  

Permettez-moi de terminer en insistant sur l'importance des investissements en ce domaine. Ce sont ces investissements qui nous permettront de retenir, au sein de notre système de santé, les personnes qualifiées dont nous avons besoin. Sans ce genre de personnes, il n'y a pas de système de santé qui vaille.[159]  

6.2.2   Conditions de travail

La pénurie d’infirmières et d’infirmiers a d’importantes répercussions sur la prestation des soins de santé et sur les conditions de travail des soignants, qui doivent composer avec un personnel réduit. Kathleen Connors a indiqué que « le Canada souffre d'une pénurie d'infirmières, ce qui entraîne régulièrement la fermeture de services d’urgence et de blocs opératoires, »[160]. Et elle ajoute ceci :

Ces heures supplémentaires qui s'accumulent sont pour les infirmières une source de grande fatigue alors même qu'elles peuvent être sollicitées par les soins qu'elles donnent à un parent ou à un enfant. Dans certains cas, nous faisons cela après un service hebdomadaire de plus de 60 heures… Les agentes de bord ont des congés obligatoires, mais pas les infirmières. Cette situation est néfaste non seulement pour les infirmières, mais aussi pour les patients.[161]

Malgré la pénurie généralisée de personnel infirmier, l’emploi à temps plein est devenu moins courant chez les infirmières. Sandra MacDonald-Remecz a fait observer au Comité qu’« au cours des dernières années, on a vu de plus en plus d'emplois occasionnels et de travail à temps partiel ».[162] En fait, le nombre d’infirmières qui travaillent à temps partiel a augmenté de près de 10 % entre 1990 et 1997, tandis que le nombre travaillant à temps plein a diminué d’environ 8,5 %. On note également une augmentation de 37,5 % du nombre d’infirmières qui occupaient un poste occasionnel au cours de la même période. Même s’il est sans doute vrai que des infirmières préfèrent travailler à temps partiel, 19 % des infirmières employées à temps partiel en 1998 occupaient plus d’un emploi et très peu ont choisi de plein gré un travail occasionnel.[163]

L’augmentation des emplois occasionnels dans l’effectif signifie également qu’il est de plus en plus difficile pour les nouvelles infirmières diplômées d’obtenir un poste à temps plein, ce qui a tendance à réduire l’attrait des soins infirmiers comme choix de carrière et à prolonger la période d’apprentissage des nouvelles diplômées. À cet égard, Kathleen Connors a fait remarquer que :

Les infirmières de ce groupe d'âge ont en général soit un emploi occasionnel, soit des emplois à temps partiel, c'est‑à‑dire qu'elles travaillent pour plusieurs employeurs au lieu d'avoir un poste à plein temps. En 1998, 48 % des infirmières au Canada travaillaient à temps partiel. C'est une situation déplorable.[164]

D’après les témoins, cette situation explique que trois infirmières sur dix quittent la profession dans les cinq années qui suivent l’obtention de leur diplôme.[165]

Cette pénurie générale de personnel infirmier, conjuguée à la sous-utilisation d’infirmières formées, est également évidente en ce qui concerne les autres catégories de personnel infirmier. Par exemple, Linda Jones, de la Nurse Practitioners Association of Ontario, a précisé ceci au Comité : « sur nos 401 diplômées, 200 occupent actuellement des postes qui ne tiennent peu compte, ou pas du tout, de leurs capacités ».[166] Dans le même ordre d’idées, Régis Paradis a indiqué que « nous (…) considérons que les compétences des infirmières auxiliaires québécoises ne sont pas utilisées au maximum »[167] et que « la solution au problème de la surcharge de travail au Québec, outre le fait d'injecter plus de fonds, réside dans l'utilisation accrue des infirmières auxiliaires ».[168]

Mais la dégradation des conditions de travail des infirmières va plus loin que la sous-utilisation des diverses catégories de personnel infirmier. D’après l’ICIS, les infirmières interviennent pour plus de 75 % des blessures au travail dans le secteur des soins de santé, et ces blessures surviennent principalement lorsqu’elles lèvent ou déplacent des patients. Dans son témoignage, Kathleen Connors a indiqué que :

les infirmières tombent plus souvent malades que n'importe quelle autre catégorie professionnelle au Canada. Chaque semaine, 8,4 % des infirmières sont en congé de maladie. Ce taux est le double la moyenne nationale.[169]

Les témoins ont également déploré qu’à bien des égards, les infirmières ne bénéficient pas du respect qu’elles méritent pour leur contribution essentielle au système de soins de santé. Parmi les points signalés comme essentiels pour retenir les infirmières dans la profession, citons une charge de travail normale, une éducation permanente adéquate, la mobilité professionnelle, la souplesse de l’horaire et du déploiement, le respect professionnel et des salaires décents. Les témoins ont fait valoir que ce qu’il faut pour retenir les infirmières dans la profession au Canada, c’est une approche globale pour assurer un milieu de travail sain qui donne aux infirmières suffisamment d’autonomie pour s’acquitter de leurs tâches et du temps pour leur perfectionnement professionnel. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada propose sept mesures nécessaires pour retenir les infirmières :

·        Améliorer la conception des tâches

·        Faciliter l’utilisation de la pratique intégrale

·        Soutenir le perfectionnement professionnel et l’apprentissage continu au moyen des impôts, d’activités de formation et de l’allocation de temps

·        Identifier les possibilités d’avancement professionnel et offrir des services de planification de carrière

·        Favoriser un horaire souple

·        Offrir des soutiens professionnels accessibles

·        Améliorer l’accès à la recherche sur les questions touchant les maladies cliniques et accorder le temps nécessaire pour étudier et se tenir au courant des nouveautés de la profession.  

6.2.3   Formation et recrutement dans le domaine des soins infirmiers

Le Comité s’est fait dire qu’il est bien difficile de recruter suffisamment de jeunes gens à former comme infirmières et infirmiers. Les témoins ont affirmé que les soins infirmiers, qui sont dans une large mesure une profession féminine,[170] ne sont plus aussi attrayants que dans les générations précédentes comme option de carrière pour les jeunes femmes qui entrent à l’université. Sandra MacDonald-Remecz a souligné qu’« au cours des 10 dernières années, on a observé une baisse de 50 % du nombre de diplômés en sciences infirmières ».[171]

Les données révèlent que non seulement moins de nouvelles infirmières se joignent à la profession chaque année, mais que celles qui le font sont plus âgées qu’auparavant. Le nombre de nouvelles diplômées était de l’ordre de 10 000 par année dans les années 70 et de 8 000 par année dans les années 80. Depuis lors, les promotions sont de moins en moins nombreuses et seulement 5 500 infirmières ont obtenu leur diplôme en 1995. Les témoins ont fait valoir la solution adoptée en République d’Irlande, où tous les frais de scolarité ont été abolis pour les étudiants modèles.

La question de l’éducation permanente des infirmières a également été soulevée au cours des audiences du Comité. L’absence de possibilités d’éducation permanente a été citée comme une partie du problème pour expliquer l’attrait des États‑Unis pour les nouvelles diplômées. Même s’il n’existe aucune donnée, des rapports médiatiques laissent entendre que jusqu’à 20 000 infirmières canadiennes ont été recrutées par des hôpitaux américains. D’après Sandra MacDonald-Remecz :

Si les Américains parviennent à recruter un si grand nombre de nos jeunes diplômées, c'est en partie parce que dès leur embauche on leur promet la possibilité de pouvoir parfaire leur formation.[172]

Une façon de faciliter l’éducation permanente a été proposée par Kathleen Connors :

un des dossiers que nous continuons de promouvoir et pour lequel nous espérons avoir un appui est celui de l'utilisation de la caisse d'assurance-emploi à des fins de formation. Nous avons un excédent. Puisqu'on permet aux artisans d'utiliser l'argent de l'assurance-emploi pour continuer à se perfectionner, pourquoi ne fait-on pas la même chose pour les infirmiers et infirmières? Il faut étudier cette question. Pourquoi l'assurance-emploi refuse‑t‑elle aux infirmières la possibilité de toucher de l'argent pour poursuivre des études postsecondaires?[173]

Une autre solution a été proposée par Mme MacDonald-Remecz :

On peut également envisager un système de primes à l'engagement, ce qui paraît presque être un sacrilège pour un professionnel de la santé. De nombreuses organisations sont cependant de plus en plus portées à le faire. Autrement dit, il va falloir se montrer plus entreprenant et tenir compte du fait que si l'on ne fait pas tout pour les attirer, les gens ne joindront pas les rangs de notre profession.[174]  

6.3     Autres soignants

De nombreux autres soignants, allant des pharmaciens aux techniciens de laboratoire, en passant par les techniciens spécialistes en écographie, ont exprimé des plaintes semblables à celles des médecins et des infirmières relativement à la pénurie de ressources humaines et à la dégradation des conditions de travail dans tout le système de soins de santé au Canada.

Par exemple, la Société canadienne de science de laboratoire médical (SCSLM) prévoit une pénurie de techniciens de laboratoire médical généralistes au cours des 5 à 15 prochaines années au Canada. De plus, les techniciens de laboratoire médical vieillissent : 12 % de l’effectif actuel sera admissible à la retraite dans 5 ans, 15,8 % dans 10 ans et 16,6 % dans 15 ans. D’ici 2015, 44,4 % de l’effectif des laboratoires médicaux auront pris leur retraite ou seront admissibles à la retraite.[175] Dans son mémoire, la Société a insisté sur le fait qu’il faudra accroître le nombre de postes de stagiaire de façon importante pour prévenir la pénurie de techniciens. Les techniciens de laboratoire médical ont également insisté sur la nécessité d’une formation continue pour leur permettre d’utiliser le nouveau matériel de technologie de pointe. De plus, l’effectif des laboratoires médicaux compte beaucoup de cas d’épuisement professionnel et de fatigue. Enfin, la mise sur pied d’une base de données nationale a été recommandée pour permettre d’établir des projections exactes sur les besoins futurs en ressources humaines dans le domaine des soins de santé.  

L’Association des pharmaciens du Canada a également souligné la pénurie de pharmaciens. Cette pénurie n’est pas unique au Canada, mais c’est un problème avec lequel de nombreux pays sont aux prises, dont le Royaume‑Uni et les États‑Unis. Le faible effectif de pharmaciens se traduit par un nombre accru de postes vacants, des périodes plus longues pour les combler, l’augmentation des heures supplémentaires et l’augmentation des salaires au-delà du coût de la vie. Une étude récente révèle que plus de 2 000 pharmaciens supplémentaires pourraient facilement trouver du travail au Canada.[176] En raison de complications croissantes liées aux médicaments, du vieillissement de la population et de l’accroissement des attentes du public, on prévoit que les pharmaciens seront de plus en plus recherchés pour leur savoir, leurs compétences et leur contribution rentable au système de soins de santé. L’étude signale également que les renseignements dont on dispose actuellement présentent une image incomplète de l’effectif des pharmaciens.

Les représentants des chiropraticiens ont fait part au Comité de leur situation particulière. Les services chiropratiques ne sont pas considérés comme nécessaires en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Seules quelques provinces offrent une assurance publique pour les services de chiropractie. Le Comité a appris qu’il y avait plus de 5 000 chiropraticiens actifs au Canada et qu’environ 4,5 millions de Canadiens ont recours à leurs services chaque année. Dans son mémoire, l’Association chiropratique canadienne a indiqué que les chiropraticiens ne sont pas utilisés dans le système de soins de santé du Canada de la façon la plus efficace. Des obstacles politiques et législatifs aux services de chiropractie se traduisent par une répartition inéquitable des ressources qui ne tient pas compte du choix du patient, de l’efficacité ni de la rentabilité. Par exemple, les chiropra n’ont pas de privilèges hospitaliers; ils ne peuvent pas diriger leurs patients à des installations de radiographie ni aux laboratoires de diagnostic subventionnés par l’État, ni fournir des services à leurs patients qui doivent être hospitalisés.  

6.4     Réforme des soins primaires

Les témoignages présentés au Comité par les soignants, particulièrement les médecins et les infirmières, ont indiqué clairement qu’il fallait, pour utiliser les ressources humaines de façon plus rationnelle et efficace, repenser l’organisation et le financement de la prestation des soins primaires au Canada.

Par « soins primaires » on entend le premier niveau de soins et habituellement le premier point de contact qu’a le public avec le système de soins de santé. Les installations de soins primaires aident les personnes et leur famille à prendre les meilleures décisions au sujet de leur santé. Les services de soins primaires doivent être :

·        coordonnés

·        accessibles à tous les utilisateurs

·        dispensés par des professionnels de la santé qui possèdent les compétences nécessaires pour répondre aux besoins des personnes et des communautés servis

·        gérés de façon responsable à l’échelle de la collectivité.

Le travail d’une équipe multidisciplinaire doit donc constituer une partie vitale des soins primaires. L’objectif de ce travail d’équipe n’est pas de remplacer un fournisseur de soins de santé par un autre, mais bien d’examiner les compétences uniques que chacun apporte à l’équipe afin de coordonner le déploiement des compétences. Les clients sont en droit de consulter le fournisseur de soins qui est le mieux placé pour traiter leur problème.

La façon dont les soins de santé sont dispensés actuellement au Canada ne correspond pas normalement à la philosophie des soins primaires (bien que les centres de santé communautaires soient un exemple d’organisations qui souscrivent à une telle philosophie dans la prestation de leurs soins de santé). Souvent, les services de santé ne sont pas coordonnés et ne sont pas dispensés par le praticien le plus approprié, et les connaissances et les compétences de nombreux praticiens ne sont pas pleinement utilisées.

La nécessité de changer la façon dont les soins primaires sont dispensés est au cœur des recommandations de plusieurs études provinciales sur les soins de santé, notamment le rapport de la Commission  Sinclair de l’Ontario, le rapport de la Commission Clair du Québec et le rapport de la Commission Fyke de la Saskatchewan. En fait, l’importance de changer la façon de dispenser les soins primaires est tellement reconnue qu’en septembre 2000, les administrations provinciales et territoriales ont toutes convenu d’accélérer le renouvellement des soins primaires.

Le gouvernement fédéral soutient activement les efforts que déploient les provinces et les territoires au chapitre de la réforme et du renouvellement des soins primaires. De façon plus précise, il a établi un fonds de soins primaires de 800 millions de dollars sur une période de quatre ans (2000‑2004) pour soutenir les coûts transitoires de la mise en œuvre de projets systémiques à grande échelle de soins primaires. Quelque 70 % des fonds doivent être consacrés aux grandes réformes provinciales et fédérales, tandis que les 30 % restants serviront à soutenir les projets nationaux et à comptences multiples relatifs à l’avancement de la réforme des soins primaires.

Le Dr Thomas Ward a indiqué que les Canadiens et les médecins sont en faveur des équipes de soins primaires multidisciplinaires :

Lors d'un sondage effectué l’automne dernier, on a demandé à la population canadienne si elle préférait recevoir des soins de son médecin de famille ou d'une équipe de soins primaires comprenant un médecin de famille, et les réponses favorables au travail en équipe ont été quatre fois plus nombreuses. Notre population préférerait nettement que les soins soient dispensés par une équipe de professionnels de la santé. Ce que nous voudrions voir à l'avenir, c'est l'intégration complète au sein d'une équipe de santé interdisciplinaire pour tout ce qui concerne les soins primaires.[177]

Le Comité a également appris que la réforme des soins primaires est tout à fait essentielle au déploiement complet des compétences supplémentaires que possèdent les infirmières praticiennes. Les infirmières praticiennes qui dispensent les soins primaires sont des infirmières autorisées d’expérience, possédant une formation supplémentaire en soins infirmiers qui leur permet de dispenser aux particuliers, aux familles et aux collectivités des services de santé dans les domaines de la promotion de la santé, de la prévention de la maladie et des accidents, du traitement, de la réadaptation et du soutien. Elles peuvent, entre autres, faire du dépistage systématique comme des tests de Papanicolaou, diagnostiquer et traiter des maladies mineures comme des infections aux oreilles ou à la vessie ou des blessures mineures comme des foulures, déceler la présence d’une maladie chronique comme le diabète et suivre les personnes atteintes d’une maladie chronique stable comme l’hypertension. Elles suivent les règles de l’art de la pratique des soins infirmiers et ne sont ni des médecins de deuxième niveau, ni des médecins auxiliaires. Selon les termes de Linda Jones, de la Nurse Practitioners Association of Ontario :

J'ajoute que le public connaît mal, lui aussi, le rôle et la formation des infirmières praticiennes. Le fait d'être parfois perçues comme des médecins suppléants – « votre médecin de famille ne peut pas vous voir, adressez-vous à l'infirmière praticienne » ‑ n'est pas de nature à améliorer la manière dont nous sommes perçues par la population.[178]

Les infirmières praticiennes sont un élément important de la réforme des soins primaires, mais il reste des obstacles considérables à leur pleine intégration dans le système de prestation de soins primaires. Mme Jones a fait observer qu’en Ontario :

La nouvelle législation, même si nous sommes extrêmement contentes de l'autonomie qu'elle nous reconnaît dans le cadre de nos fonctions, laisse subsister un certain nombre d'obstacles. Ainsi, la Loi sur les hôpitaux publics ne nous permet pas d'exercer dans les hôpitaux.[179]

Toutefois, le Comité a appris que les obstacles n’étaient pas exclusivement d’ordre législatif ou organisationnel. Ils tiennent aussi à la façon dont les fonds sont répartis dans le système de soins de santé et, en particulier, à l’utilisation à outrance des honoraires à l’acte comme principale méthode de rémunération des médecins. Les honoraires à l’acte ont tendance à dissuader systématiquement les médecins de promouvoir le travail d’équipe, car leur rémunération individuelle est fonction du nombre de patients qu’ils voient. Dans son témoignage, Linda Jones signale une autre façon dont les honoraires à l’acte empêchent la pleine collaboration entre les dispensateurs de soins de santé :

(…), bien que nous possédions les connaissances et les aptitudes permettant d'adresser un patient à un spécialiste, le système de rémunération appliqué par le RAMO verse aux spécialistes des honoraires de consultation moins élevés si le patient leur est adressé par des infirmières praticiennes. Ils ont donc tendance à refuser les patients que nous leur envoyons.[180]

Les principales solutions de rechange aux honoraires à l’acte sont des systèmes reposant sur un salaire et le nombre de cas, où la pratique du médecin est rémunérée en fonction du nombre de patients inscrits. William Tholl, secrétaire général et directeur général de l’Association médicale canadienne (AMC), a dit au Comité que les médecins sont disposés à envisager d’autres formes de rémunération :

c’est-à-dire que l’AMC proposerait, comme je le ferais également, que la forme du paiement soit fondée sur les fonctions que vous déterminez pour le médecin dans le système. Il est certain que les médecins et les autres professionnels de la santé qui travaillent dans des régions rurales et éloignées ont une fonction différente dans le système par rapport au travail qui se fait dans le centre-ville de Toronto.[181]  

6.5     Commentaires du Comité

Le Comité est convaincu qu’il est prioritaire, dans les politiques de soins de santé à tous les paliers gouvernementaux, de s’occuper des questions qui ont trait aux ressources humaines. Nous avons besoin d’une stratégie en ressources humaines à long terme qui soit établie à l’échelle du pays et conçue au Canada. Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle de premier plan pour coordonner et mettre en œuvre une telle stratégie. Bien sûr, les provinces et les territoires ne sont pas uniquement responsables de la prestation des soins de santé à leur population, mais elles sont également chargées de l’éducation et de la formation. Le défi consiste donc à trouver une façon d’élaborer une stratégie d’une façon qui soit acceptable pour les provinces et les territoires.

Par le passé, le gouvernement fédéral a consacré des capitaux permanents à la création de nouveaux programmes de formation en services de soins de santé, par exemple dans les années 60, à l’époque où il a participé à l’expansion de plusieurs écoles de médecine. Le gouvernement fédéral a également contribué à la formation de certains professionnels de la santé dans le cadre de divers programmes de formation fédéraux qui ont existé au fil des ans. En outre, par son soutien à des établissements comme le Conseil de recherches médicales et maintenant les Instituts de recherche en santé du Canada, le gouvernement fédéral a aidé pendant plus de 40 ans des étudiants diplômés qui effectuent de la recherche.

Il est important que le gouvernement fédéral continue d’aider à résoudre les nombreux problèmes de ressources humaines que connaît le pays dans le domaine des soins de santé. Il doit notamment aider les provinces à réformer les soins primaires, puisque les façons de déployer efficacement les ressources humaines sont étroitement liées à la réorganisation des soins primaires.  


[1] Débats du Sénat (hansard), 2e session, 36e législature, volume 138, numéro 23, 16 décembre 1999.

[2] David Cheal, « Aging and Demographic Change », Analyse de -pPolitiques, vol. XXVI, supplément 2, août 2000, p. S110. Dans le présent rapport, les renvois aux témoignages consignés dans les Procès-verbaux et les témoignages du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sont indiqués seulement par le numéro de la publication et le numéro de page dans le texte.

[3] Statistique Canada, CANSIM, matrice 6367.

[4] Réjean Lachapelle et Jean-Marie Berthelot, mémoire présenté au Comité, le 21 mars 2001, p. 2.

[5] Abby Hoffman (7:19).

[6] Byron G. Spencer, mémoire présenté au Comité, le 22 mars 2001, p. 7.

[7] Ces quatre scénarios sont bien résumés dans le document de l’Association médicale canadienne intitulé In Search of Sustainability: Prospects for Canada’s Health Care System, août 2000.

[8] Le Conference Board du Canada, mémoire présenté au Comité, le 21 mars 2001, p. 5.

[9] William Robson, Will the Boomers Bust the Budget?, mémoire présenté au Comité, le 21 mars 2001.

[10] Dr Michael Gordon, CCNTA, mémoire présenté au Comité, le 21 mars 2001, p. 5. En effet, plusieurs facteurs influent sur la durée moyenne des séjours à l’hôpital, notamment les progrès des techniques chirurgicales et autres, la gamme plus vaste des médicaments disponibles et leur efficacité ainsi que les méthodes de convalescence plus perfectionnées.

[11]Byron Spencer, mémoire présenté au Comité, p. 1.

[12] Voir, par exemple, le chapitre 6 du Rapport de 1998 du Bureau du vérificateur général du Canada : Le vieillissement de la population et l’information destinée au Parlement : Pour comprendre les choix.

[13] William Robson (3:5).

[14]Byron Spencer (3:30).

[15] Byron Spencer (3:16).

[16] Jean-Marie Berthelot (2:11).

[17] Ibid.

[18] Jean-Marie Berthelot (2:10).

[19] Lachapelle et Berthelot, mémoire présenté au Comité, p. 4.

[20] Rob Brown (2:15).

[21] Abby Hoffman (7:7).

[22] Dr Michael Gordon (2:39).

[23] Santé Canada, mémoire au Comité, diapositive 6.

[24] Dr Michael Gordon, mémoire présenté au Comité, p. 2.

[25] Byron Spencer (3:36).

[26] Dr Michael Gordon (2:38).

[27] Ibid.

[28] Dr William Dalziel (3:18).

[29] Dr William Dalziel (3:12).

[30] Dr William Dalziel (3:10)

[31] William Robson (3:7).

[32] Byron Spencer, mémoire au Comité, p. 5.

[33] Les données sur les dépenses au titre des médicaments recueillies par l’ICIS portent sur les médicaments d’ordonnance, les produits et les fournitures médicales personnelles en vente libre, mais ne comprennent pas les médicaments dispensés dans les hôpitaux ou autres établissements.

[34] Rapport du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur le prix des produits pharmaceutiques, Le prix des médicaments et les générateurs de coûts 1990‑1997, avril, p. 13‑14.

[35] CEPMB, Rapport annuel 2000, p. 15.

[36] Ibid., p. 16.

[37] Ibid., p. 17.

[38] Ibid.

[39] Ibid.

[40] Ibid., p. 23.

[41] Association canadienne des pharmaciens, Prestation des soins de santé, optimisation des pharmacothérapies et rôle du pharmacien, mémoire présenté au Comité, mars 2001.

[42] Dr Roger A. Korman (4:15).

[43] Ibid.

[44] Ibid., 4:16.

[45] Le document de travail 00-2, Public Policies Related to Drug Formularies in Canada: Economic Issues, du Institute of Health Economics, et l’article de Devidas Menon, intitulé « Pharmaceutical Cost Control in Canada: Does It Work? », paru dans Health Affairs, vol. 20, no 3, mai‑juin 2001, décrivent les mesures de contrôle des coûts prises par les provinces.

[46] CEPMB (2000), p. 18.

[47] Ibid., p. 26.

[48] Ibid., p. 21.

[49] Le prix des médicaments et les générateurs de coûts 1990-1997 (1999), p. 30.

[50] Ibid., p. 34. La Nouvelle-Écosse est exclue.

[51] Ibid., p. 35.

[52] Ibid.

[53] Ibid., p. 36.

[54] Institut Fraser, « Prix des médicaments d’ordonnance au Canada et aux États-Unis », Sources de politiques publiques, août 2000.

[55] Le prix des médicaments et les générateurs de coûts – 1990-1997 (1999), p. iii.

[56] Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur l’utilisation des médicaments, Utilisation des médicaments au Canada, avril 1999, p. 1.

[57] Dr Robert Coambs (4:9).

[58] Dr Roger A. Korman (4:17).

[59] Association canadienne de gérontologie, Énoncé de politique : Les personnes âgées et les médicaments d’ordonnance, 1999, (http://www.cagacg.ca/french/pubsf/pol-drugs.htm).

[60] Coambs, Robert B., Ph.D. et al., Review of the Scientific Literature on the Prevalence, Consequences, and Health Costs of Non-Compliance and Inappropriate Use of Prescription Medication in Canada, ACIM, 1995.

[61] Dr Jeffrey Poston (4:11-12).

[62] Ibid. (4:13).

[63] Mme Barbara Ouellet (4:20).

[64] Dr Jeffrey Poston (4:13).

[65] L’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes Inc., Drug Expense Insurance in the Canadian Population, 1998.

[66] La description sommaire des régimes publics et privés est tirée d’informations contenues dans l’étude Canadians’ Access to Insurance for Prescription Medicines, Applied Management in Association with Fraser Group, Trisat Resources, étude soumise à Santé Canada grâce au Fonds pour l’adaptation des services de santé, mars 2000.

[67] Canadians’ Access to Insurance for Prescription Medicines, Executive Summary Applied Management in Association with Fraser Group Trisat Resources, étude soumise à Santé Canada grâce au Fonds pour l’adaptation des services de santé, mars 2000.

[68] Ces conclusions sont reprises dans le résumé de l’étude.

[69] Robyn Tamblyn et al., Report of the Impact of Prescription Drug Insurance Plan, résumé, mars 1999.

[70] Ibid., p. 22.

[71] Dr Robert Coambs (4:21).

[72] Palmer d’Angelo Consulting Inc., National Pharmacare Cost Impact Study, septembre 1997.

[73] Dr Joel Lexchin, A National Pharmacare Plan: Combining Efficiency and Equity, Centre canadien de politiques alternatives, mars 2001.

[74] 41e conférence annuelle des premiers ministres : « Les engagements des premiers ministres envers leurs citoyens », Communiqué de presse, Winnipeg, 11 août 2000 (également disponible à :

http://www.scics.gc.ca/cinfo00/850080017_f.html).

[75] Barbara Ouellet (4:41).

[76] David Feeny, The Generation, Evaluation and Application of Health Care Technologies in Canada, mémoire présenté au Comité, 29 mars 2001, p. 5.

[77] Les experts incluent souvent les moyens novateurs de financement, d’organisation et de prestation des soins de santé dans la catégorie de la technologie des soins de santé non intégrée.

[78] Dr John Radomsky, ACR (5:32)

[79] David Feeny, mémoire présenté au Comité, p. 5‑6.

[80] British Columbia Medical Association, Turning the Tide – Saving Medicare for Canadians, Part I of II: Laying the Foundation for Sustaining Medicare, document d’information, juillet 2000, p. 31‑34.

[81] Konrad Fassbender et Melinda Connolly, An Empirical Review of Health Expenditures and Technology – Part 2 of 5: Literature Review. Institute of Health Economics, université de l’Alberta, Working Paper Series No. 00‑08, 2000 (http://www.ipe.ab.ca).

[82] Dr Paul R. Gully, Tendances des maladies infectieuses au Canada, mémoire au Comité, 4 avril 2001, p. 2.

[83] Dr Paul Gully, mémoire, p. 5.

[84] Dr Paul Gully (6:10-11).

[85] Dre Christina Mills, Chronic Diseases and Injuries in Canada, mémoire présenté au Comité, 4 avril 2001, p. 4.

[86] Dr David MacLean, Addressing the Burden of Chronic Disease in Canada, mémoire présenté au Comité, 3 avril 2001, p. 1.

[87] Dr David MacLean (6:14).

[88] Dr David MacLean, mémoire présenté au Comité, p. 4.

[89] Dr David MacLean (6:16).

[90] Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population, Toward a Healthy Future – Second Report on the Health of Canadians, Ottawa, 1999, p. 19.

[91] Dre Christina Mills, mémoire présenté au Comité, p. 10.

[92] Kimberly McEwan et Elliot Goldner, Accountability and Performance Indicators for Mental Health Services and Supports: A Resource Kit, document préparé pour le Réseau de consultation fédéral-‑-provincial‑territorial sur la santé mentale, Ottawa, Santé Canada, 2000, p. 30.

[93] Dr David MacLean, communication au Comité, p. 3.

[94] Dre Christina Mills (6:6 et 6:8).

[95] Dre Christina Mills (6:7).

[96] Dr David MacLean, université Dalhousie (6:25).

[97] Christina Mills (6:9).

[98] Paul Gully (6:26).

[99] Ces données démographiques sont tirées de trois sources : Budget des dépenses, Partie III, 2000‑2001, sous la rubrique « Commission des affaires polaires, Affaires indiennes et du Nord Canada »; les données concernant les Autochtones du recensement de 1996, Statistique Canada; une publication de Santé Canada, La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic, novembre 1999.

[100] Rapport sur les plans et les priorités, Budget des dépenses 2000‑2001, Partie III, Commission canadienne des affaires polaires, Affaires indiennes et du Nord Canada, p. 4.

[101] Les renseignements concernant la situation socio-économique et l’environnement physique sont tirés des trois publications citées ici, à moins d’avis contraire. Pour un avenir en santé : Deuxième rapport sur la santé des Canadiens, 1999, Comité consultatif fédéral‑provincial‑territorial sur la santé de la population (CCSP); les données concernant les Autochtones du recensement de 1966, Statistique Canada; Rapport final, 1996, Commission royale sur les peuples autochtones; La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic, novembre 1999, Santé Canada.

[102] Le rapport signale également que ces chiffres sont probablement des sous-estimations, car quelque 44 000 personnes vivant dans les réserves ou sur les terres conférées par traité ont été recensées de façon incomplète lors du recensement de 1996.

[103] La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic, novembre 1999, p. 16.

[104] Ibid., p. 17‑19.

[105] Sources : Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les peuples autochtones et le VIH/sida, Bilan et perspectives nouvelles, mai 1999; Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population, Pour un avenir en santé : Deuxième rapport sur la santé des Canadiens, 1999; Jill Lava et Michael Clark, Diabetes Among Aboriginal (First Nations, Inuit and Métis) People in Canada : The Evidence, 10 mars 2000; Rapport national de l’Enquête régionale sur la santé des Premières nations et des Inuits au Canada, 1999; Santé Canada, La santé des Premières nations et des Inuits au Canada : Un second diagnostic, novembre 1999; Assemblée des Premières nations, mémoire présenté au Comité, 30 mai 2002; Inuit Tapirisat du Canada, Évaluation des modèles de prestation des soins de santé dans les régions inuites, 2000; M. Gérald Morin, président, Rassemblement national des Métis, 30 mai 2001 (16:29‑33).

[106] Bilan et perspectives nouvelles, Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les Autochtones et le VIH/sida (mai 1999).

[107] Santé Canada, mémoire présenté au Comité, 30 mai 2001; Margaret Horn, mémoire de l’Organisation nationale des représentants indiens et inuits pour la santé communautaire, 30 mai 2001.

[108] Organisation nationale sur la santé des Autochtones, mémoire présenté au Comité, 30 mai 2001, p. 1.

[109] Inuit Tapirisat du Canada, Évaluation des modèles de prestation des soins de santé dans les régions inuites, 2000, p. 10.

[110] Ibid., p. 9-10.

[111] Ibid.

[112] Ian Potter (16:8-9).

[113] Ibid.

[114] Organisation nationale de la santé autochtone, mémoire présenté au Comité, 30 mai 2001, p. 4‑5.

[115] ONSA, mémoire présenté au Comité, 30 mai 2001, p. 5. En l’occurrence, l’Initiative autochtone pour le diabète, la Fondation autochtone de guérison, l’Organisation nationale de la santé autochtone, Bon départ autochtone.

[116] Ibid. p. 7-8.

[117] Dre Judith Bartlett (16:58-59).

[118] M. Gérald Morin (16:31).

[119] Ibid., p. 9.

[120] ONSA, mémoire présenté au Comité, p. 9.

[121] Ibid., p. 7.

[122] Ron Wakegijig, mémoire présenté au Comité, 30 mai 2001, p. 9.

[123] Association des femmes inuites de Pauktuutit, exposé devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, 30 mai 2001, p. 2.

[124] Elaine Johnston (16:26).

[125] Assemblée des Premières nations, mémoire présenté au Comité, 30 mai, p. 5.

[126] Ibid., p. 8.

[127] Dr Jeff Reading (16:61-62).

[128] ICIS, Nombre, répartition et migration des médecins canadiens, Rapport 2000, Sommaire, 9 août 2001 (disponible à l’adresse http://www.cihi.ca).

[129] Dr John Radomsky (5:7).

[130] Dr Peter Barrett (13:6).

[131] Dr Peter Barrett (13:6).

[132] Dr Peter Barrett (13:8).

[133] L’Association des facultés de médecine du Canada, Statistiques relatives à l’enseignement médical au Canada, vol. 22, 2000, tableau 8, p. 11.

[134] Forum médical canadien, Groupe de travail sur les effectifs des médecins au Canada, 22 novembre 1999, p. 11.

[135] Dr Peter Barrett (13:8).

[136] Dr Robert McKendry, Physicians for Ontario: Too Many? Too Few? For 2000 and Beyond, p. vii.

[137] Dr Thomas Ward (13:37).

[138] Morris L. Barer et Greg L. Stoddart, Vers des politiques intégrées sur les effectifs médicaux au Canada, préparé pour la Conférence fédérale-provinciale-territoriale des sous-ministres de la Santé, juin 1991.

[139] D’après le rapport (page 6), des politiques isolées concernant l’inscription aux facultés de médecine au premier cycle peuvent faire plus de tort que de bien si elles ne sont pas accompagnées de politiques correspondantes touchant les diplômés de facultés de médecine étrangères, le financement des hôpitaux universitaires et l’assurance de la qualité, pour ne nommer que ces questions.

[140] Dr Hugh Scully (13:11).

[141] Forum mécidal canadien, mémoire présenté au Comité, 16 mai 2001, p. 3.

[142] Dr Hugh Scully (13:19).

[143] Dr Hugh Scully (13:14).

[144] Dr Hugh Scully (13:12).

[145] Dr Hugh Scully (13:17).

[146] Dr Peter Barrett (13:9).

[147] Dr Thomas Ward (13:36-37).

[148] Dr Peter Barrett (13:41).

[149] Dr Peter Barrett (13:7).

[150] Dr Hugh Scully (13:12).

[151] Dr Hugh Scully (13:40).

[152] Dr Peter Barrett (13:9).

[153] Dr Hugh Scully (13:14).

[154] Dr Peter Barrett (13:17).

[155] Aiken, Linda et al., « Nurses Reports on Hospital Care in Five Countries », dans Health Affairs, mai‑juin 2001.

[156] Kathleen Connors (13:65).

[157] Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers, mémoire présenté au Comité, 16 mai 2001, p. 5.

[158] Régis Paradis (13:50).

[159] Sandra MacDonald-Remecz (13:63).

[160] Kathleen Connors (13:54).

[161] Kathleen Connors (13:54).

[162] Sandra MacDonald-Remecz (13:61).

[163] Dussault, Gilles et al., Le marché du travail en soins infirmiers au Canada : Revue de la littérature, décembre 1999, p. 25.

[164] Kathleen Connors (13:55).

[165] Association des infirmières et infirmiers du Canada, mémoire présenté au Comité, 16 mai 2001, p. 4.

[166] Linda Jones (13:46).

[167] Régis Paradis (13:51).

[168] Régis Paradis (13:65).

[169] Kathleen Connors (13:54).

[170] D’après Kathleen Connors , 96 % du personnel infirmier est composé de femmes (13:65).

[171] Sandra MacDonald-Remecz (13:61).

[172] Sandra MacDonald-Remecz (13:61-62).

[173] Kathleen Connors (13:78).

[174] Sandra MacDonald-Remecz (13:61).

[175] Société canadienne de science de laboratoire médical, mémoire présenté au Comité, 26 avril 2001, p. 2.

[176] Peartree Solutions Inc., A Situational Analysis of Human Resource Issues in the Pharmacy Profession in Canada, Association des pharmaciens du Canada, mai 2001 (disponible à l’adresse http://www.cdnpharm.ca/).

[177] Dr Thomas Ward (13:21).

[178] Linda Jones (13:47).

[179] Linda Jones (13:46).

[180] Linda Jones (13:47).

[181] William Tholl (17:18).


FORMAT PDF

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