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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 2 - Témoignages du 13 mars 2001


OTTAWA, le mardi 13 mars 2001

Le comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 20 pour étudier le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi de 1987 sur les transports routiers et d'autres lois en conséquence.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Nous allons débuter la réunion. À notre agenda, nous avons le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi de 1987 sur les transports routiers et d'autres lois en conséquence.

[Traduction]

Les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui sont l'honorable David Collenette, ministre des Transports, M. Derek Sweet, directeur général intérimaire, Programmes de la sécurité routière, Mme Elizabeth MacNab, conseillère juridique et M. Bill Elliott, sous-ministre adjoint. Soyez tous les bienvenus.

[Français]

M. David Collenette, ministre des Transports: Je vous remercie, madame la présidente. Il me fait grand plaisir de vous parler ce matin du projet de loi S-3, visant à modifier la Loi de 1987 sur les transports routiers.

[Traduction]

Tout d'abord, j'aimerais élaborer sur certains éléments clés du projet de loi. Après cela, je vous résumerai brièvement le projet de loi et il me fera plaisir de répondre ensuite à vos questions. Toutefois, les fonctionnaires qui m'accompagnent aujourd'hui connaissent beaucoup mieux que moi les détails techniques de cette mesure.

Sans cette loi, les gouvernements provinciaux n'auraient pas le pouvoir constitutionnel de réglementer les entreprises de transport par camion et par autocar qui exercent leurs activités au-delà des limites d'une province.

Il y a là une anomalie intéressante. En 1954, le Comité judiciaire du Conseil privé du Royaume-Uni, l'ancêtre de la Cour suprême, s'est prononcé sur un renvoi qui précédait la création de la Cour suprême en 1949. Il a estimé que c'est au gouvernement fédéral que la Constitution reconnaissait le pouvoir de réglementer le camionnage et le transport par autocar entre les provinces. Le ministre de l'époque, M. C.D. Howe, ne voulait pas en entendre parler si bien qu'au cours des 50 années, pendant lesquelles ce pouvoir nous a été conféré par la Cour suprême, nous avons essayé de tout déléguer aux provinces. Le Parlement s'acquitte de ses obligations législatives, mais délègue tout aux provinces et tout se fait avec l'accord de toutes les parties. Soit dit en passant, cela a suscité certains problèmes dont il faut discuter de plus en plus au Parlement. L'un de ces problèmes est le besoin qu'éprouvent les parties prenantes et surtout l'industrie du camionnage, même au Québec, d'affirmer plus énergiquement un pouvoir que le gouvernement fédéral ne pensait pas avoir ou qu'il a accepté à son corps défendant à la suite d'une décision judiciaire et qu'il a, dans une large mesure, délégué aux provinces.

[Français]

La loi touche le transport par camion et par autocar, les deux modes constituant des éléments vitaux de notre système de transport. Le camionnage est une industrie de 40 milliards de dollars et il est une composante essentielle de l'économie canadienne. Le transport interurbain et d'affrètement par autocar est un secteur plus modeste qui offre néanmoins un service très important à bon nombre de visiteurs canadiens et étrangers.

L'importance de cette activité de transport routier oblige à améliorer sans cesse la sécurité. Ceci est nécessaire en raison de la croissance très importante du trafic des poids lourds et pour améliorer la sécurité routière. Les 500 pertes de vie et les 11 000 cas de blessures graves qui surviennent chaque année dans des collisions mettant en cause des poids lourds demeurent un défi très sérieux pour tous les gouvernements.

[Traduction]

Bien qu'une grande partie des activités des transporteurs routiers se déroulent d'une province à une autre et que, par conséquent, elles sont de responsabilité fédérale, le gouvernement est d'avis que la réglementation par les gouvernements provinciaux est le moyen le plus efficace d'atteindre les objectifs de sécurité nationaux. Je m'écarte encore une fois de mon texte pour dire que, même si nous convenons évidemment que les provinces devraient avoir le pouvoir de réglementation dans ce domaine, ce qui déchargerait le Parlement de ses obligations, cela ne doit pas servir de prétexte pour ne pas établir de normes vraiment nationales. Soyez certains qu'il y aura un débat sur cette questions.

Ce projet de loi poursuit donc la tradition de la délégation du pouvoir fédéral dans ce secteur aux gouvernements provinciaux. En outre, le projet de loi a comme objectif que le régime réglementaire de sécurité soit axé sur les évaluations du rendement en matière de sécurité fondées sur le Code canadien de sécurité pour les transporteurs routiers. Ce code est un ensemble de 15 normes élaborées grâce à un consensus par des comités fédéraux-provinciaux. Ce processus implique également des représentants de l'industrie et des groupes d'intérêt public. La réglementation des transporteurs routiers est donc fondée sur le partenariat et la collaboration.

J'aimerais maintenant attirer votre attention sur certaines dispositions précises du projet de loi. Bon nombre de dispositions du projet de loi sont très peu différentes du projet de loi précédent que nous avions déposé pour la réglementation du transport par autocar; néanmoins, si elles sont peu différentes de la loi existante, une mise à jour s'imposait. Voilà pourquoi elles ont été incluses dans le projet de loi.

Les changements les plus importants comprennent la nouvelle partie sur les «objectifs» au début du projet de loi, à laquelle j'ai déjà fait référence, et le regroupement de tous les pouvoirs réglementaires dans le nouvel article 16.1.

La disposition 5, le nouvel article 7 de la loi, constitue une charnière autour de laquelle le reste du projet de loi s'articule. L'article 7 exige que tous les transporteurs routiers extraprovinciaux détiennent un «certificat d'aptitudes en matière de sécurité» émis par une autorité provinciale. Le transporteur extraprovincial doit détenir le certificat d'aptitude en matière de sécurité requis en vertu de la législation fédérale, mais tous les autres aspects de la réglementation et de l'administration relèvent de la législation provinciale. En conséquence, le transporteur routier ne traite qu'avec un seul niveau de réglementation, soit son propre gouvernement provincial.

[Français]

L'article 8 de la loi autorise les autorités provinciales à émettre des «certificats d'aptitude en matière de sécurité» en vertu de la réglementation.

Comme les industries du camionnage et des autocaristes sont en grande partie nationales et internationales, plutôt que locales ou provinciales, il est essentiel que la réglementation en matière de sécurité soit uniforme à la grandeur du pays et compatible avec les réglementations américaine et mexicaine. C'est pourquoi le gouvernement fédéral doit jouer un grand rôle dans le domaine de la réglementation pour les camionneurs.

C'est ici que nous revenons au Code canadien de sécurité pour les transporteurs routiers.

[Traduction]

Tel que mentionné dans la partie sur les objectifs, le régime de sécurité est axé sur les évaluations du rendement en matière de sécurité fondées sur le Code canadien de sécurité pour les transporteurs routiers. L'intention du gouvernement est que la réglementation, à laquelle il est fait référence dans l'article 8, incorpore par renvoi la norme 14 du Code canadien de sécurité, «Cotes de sécurité». La norme sur les cotes de sécurité a été élaborée, comme toutes les autres normes nationales du Code de sécurité, par le biais d'un consensus impliquant des comités fédéraux-provinciaux et également l'industrie et des groupes d'intérêt public. La loi et les règlements fédéraux exigeront par conséquent que des certificats d'aptitude en matière de sécurité soient émis par les autorités provinciales conformément à une norme consensuelle qu'elles ont elles-mêmes élaborée et sur laquelle elles se sont entendues.

De cette façon, les transporteurs routiers qui exercent leurs activités n'importe où au Canada seront assujettis à la même réglementation sur la sécurité et un certificat d'aptitude en matière de sécurité délivré par toute autorité provinciale constitue un permis d'exploitation valable partout au Canada. Je crois que c'est une mesure positive.

Tout ceci ne fonctionne, bien sûr, que si toutes les provinces délivrent les certificats d'aptitude en matière de sécurité conformément à la norme convenue. Étant donné que le Code canadien de sécurité est un document consensuel, on peut supposer que toutes les autorités provinciales fonctionneront effectivement selon le régime national. Si toutefois une province décidait de ne pas délivrer de certificats d'aptitude en matière de sécurité conformément à la norme, le régime national s'effondrerait. L'article 9 du projet de loi prévoit donc une mesure pour ce cas peu probable en permettant au ministre des Transports, de concert avec ses collègues provinciaux, de retirer les pouvoirs qui sont autrement automatiquement cédés à une autorité provinciale.

Je ne veux pas susciter ici de conflits constitutionnels, mais le fait est que depuis 50 ans, nous avons délégué ces pouvoirs, même si la Constitution conférait au gouvernement fédéral le pouvoir d'agir unilatéralement. Vu l'importance du transport transfrontière par camion, le trafic nord-américain, le trafic de l'ALENA, nous croyons devoir passer à une norme nationale cohérente.

En conclusion, madame la présidente, le projet de loi fournit un cadre solide permettant aux gouvernements provinciaux de réglementer les transporteurs extraprovinciaux conformément à une norme nationale élaborée par consensus.

[Français]

De cette façon, la responsabilité de la réglementation de la sécurité des entreprises extraprovinciales de transport par camion et autocar est déléguée aux gouvernements provinciaux qui sont les mieux en mesure de mettre en application et d'administrer la réglementation en ce qui a trait aux plusieurs milliers de véhicules commerciaux et d'exploitants qui empruntent leurs routes.

La délégation de la réglementation de ces industries nationales vitales est basée sur un cadre national qui vise à assurer une réglementation uniforme dans toutes les parties du pays. Le résultat visé est de nous approcher encore plus près de la réalisation de notre vision d'avoir les routes les plus sûres au monde.

[Traduction]

La présidente: Pourriez-vous nous dire comment la question de l'environnement a été abordée dans le processus qui a mené aux changements proposés? L'avez-vous examinée?

M. Collenette: C'est une question détaillée à laquelle je demanderais à mes fonctionnaires de répondre, car ils ont participé aux négociations avec les provinces.

M. Derek Sweet, directeur général intérimaire, Programmes de la sécurité routière, Transports Canada: Honorables sénateurs, le projet de loi contient une disposition, dans les pouvoirs de réglementation, qui permet de prévoir des normes à l'égard des gaz d'échappement des véhicules de transport routier extraprovincial. Je pourrais vous citer cette disposition ou le faire plus tard, si vous le désirez.

Quoi qu'il en soit, il y a, dans le cadre des pouvoirs de réglementation du gouvernement fédéral, une disposition qui permet d'établir des normes en ce qui concerne les rejets de polluants de ces véhicules. Cela tient compte du fait que l'Ontario et la Colombie-Britannique -- je crois que ce sont les deux provinces pour le moment -- ont adopté, pour certaines régions de leur territoire, des règlements pour les gaz d'échappement des véhicules lourds. Certains États américains en ont fait autant.

À l'avenir, il sera peut-être nécessaire d'avoir une certaine uniformité dans ce domaine. Le projet de loi prévoit cette possibilité dans le cadre des dispositions de réglementation.

Le sénateur Forrestall: Bonjour, monsieur le ministre. J'ai quelques questions générales à vous poser à la suite des observations que vous venez de faire. Je dois dire que j'éprouve une certaine tristesse. Je suis ici depuis suffisamment longtemps pour avoir assisté à plusieurs changements de ce genre. Chaque fois qu'on nous a proposé un changement, on nous a assuré que c'était un pas vers un code national de sécurité des transports qui pourrait servir à tout le monde au lieu de dépendre d'une douzaine de bureaux différents répartis de St. John's à Victoria. Ce code devait pouvoir servir surtout le réseau routier. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé.

Nous n'avons toujours pas de code national de sécurité des transports. Nous avons un ensemble d'initiatives provinciales diverses visant à améliorer la sécurité et les conditions propices à la sécurité, par exemple en construisant de bonnes routes et en s'attaquant au problème de la conduite avec facultés affaiblies.

Pourquoi n'avez-vous pas saisi cette occasion, avec l'arrivée du nouveau millénaire et d'une nouvelle bouffée d'air frais, pour mettre les boeufs devant la charrue? Vous continuez à mettre la charrue avant les boeufs. Nous recherchons tous la sécurité.

Nous respectons les exigences commerciales et nous devons respecter nos ressources humaines. Nous avons beaucoup de choses à faire pour atteindre l'objectif de la sécurité routière.

Pourquoi se fier à un document résultant d'un consensus? Selon moi, ce genre de document ne constitue pas un code national de sécurité des transports. Les consensus évoluent lorsque les équipes changent. Lorsqu'un gouvernement cède la place à un autre et qu'il se retrouve avec un ministre des Transports ambitieux, ce dernier peut vouloir changer les choses par consensus. Le consensus est une chose vivante en pleine évolution et c'est donc positif, mais ce n'est pas fixe, ce n'est pas permanent. Un consensus n'a pas la même force qu'une loi constitutionnelle, qu'une bonne loi.

Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous avez procédé de cette façon? Aviez-vous une raison précise de le faire ou est-ce simplement parce que vous vous préoccupez des questions nationales?

M. Collenette: Madame la présidente, le sénateur Forrestall a présenté un excellent argument et je crois que nous partageons le même point de vue lui et moi. Il est quelque peu décourageant que nous n'affirmions pas de façon plus énergique le régime national de sécurité des transports.

Pour paraphraser la publicité pour le thé Red Rose, c'est seulement au Canada que les provinces réglementent le transport routier à l'intérieur de leurs frontières. En 1952, on a décidé que le gouvernement fédéral pouvait réglementer le transport par autocar et par camion entre les provinces. Mais même si le gouvernement fédéral a le droit d'imposer un code de sécurité national et ce projet de loi confirme ce droit pour le gouvernement fédéral et le ministre fédéral, nous voulons nous assurer qu'un consensus existe, faute de quoi nous risquons d'avoir deux codes étant donné que les provinces réglementent tout ce qui se passe à l'intérieur de leurs frontières et que nous ne voulons pas que le règlement diffère de la réglementation fédérale. Voilà pourquoi nous avons procédé de façon consensuelle.

Avec le temps, les provinces auront de plus en plus de difficulté à s'opposer au Code canadien de sécurité qui, comme vous l'avez fort bien souligné, est un document résultant d'un consensus compte tenu des répercussions du commerce transfrontière. Une partie de plus en plus importante des échanges commerciaux se fait par camion. En fait, je pense qu'environ 70 p. 100 de notre commerce avec les États-Unis se fait par camion et il y a aussi le camionnage interprovincial.

Ce projet de loi fait avancer les choses dans toute la mesure du possible. Je vais voir avec mes fonctionnaires si nous pouvons aller encore plus loin étant donné que les parties prenantes nous appuient. Elles demandent au gouvernement fédéral d'affirmer son champ de compétence et cela énergiquement. C'est ce que réclament les principaux groupes de camionnage du Québec, la province qui traditionnellement veille le plus jalousement sur ses pouvoirs constitutionnels.

Je suis d'accord avec vous, sénateur. Vous n'avez pas lieu d'être découragé, car je crois que cette mesure fait progresser les choses dans une très large mesure. J'espère que nous affirmerons davantage nos pouvoirs au cours de l'année qui vient lorsque j'aurai rencontré mes nouveaux collègues. Ils changent tout le temps au niveau provincial, mais nous nous rencontrerons cet automne et c'est une question que je vais soulever.

Le sénateur Forrestall: Du moment que ce n'est pas pour le remplacement du Sea King.

Le sénateur Callbeck: Le ministre va conclure une entente avec chacune des provinces. Il s'agit de la même entente concernant le code de sécurité?

M. Collenette: Oui.

Le sénateur Callbeck: Les provinces ont-elles un certain délai pour mettre ce code en oeuvre?

M. Collenette: Je vais laisser M. Elliott vous fournir tous les détails.

M. William Elliott, sous-ministre adjoint, Groupe de la sécurité, Transports Canada: Comme le ministre l'a mentionné dans sa déclaration, il y a 15 normes. Ces normes ont été approuvées par le gouvernement fédéral et les provinces et elles entrent en vigueur par voie de règlement à la fois au niveau fédéral et au niveau provincial. Le fédéral s'occupe des questions interprovinciales qui sont de notre ressort, tandis que la province s'occupe des questions qui entrent dans son champ de compétence. Il n'y aura plus qu'une série de règlements s'appliquant au camionnage en général.

M. Sweet pourrait peut-être vous parler des délais.

M. Sweet: Ce projet de loi porte plus particulièrement sur la norme 14 du Code canadien de sécurité concernant les cotes de sécurité. Le ministre l'a confirmé dans ses propos de ce matin.

CCS 14, Cotes de sécurité, est une nouvelle norme que les provinces sont en train de mettre en oeuvre. Nous nous attendons à ce que la norme des cotes de sécurité soit mise en oeuvre en grande partie cette année. C'est une norme complexe qui exige la collecte, l'analyse et l'échange de nombreuses données entre les provinces et même, à l'avenir, entre les pays. Cela nécessite beaucoup de travail.

Transports Canada a accordé aux provinces 7 millions de dollars pour l'exercice en cours. Les provinces utilisent cet argent à très bon escient. Elles modernisent leurs systèmes et, dans certains cas, elles élaborent de nouveaux systèmes pour permettre le partage de ces données sur la sécurité.

Voilà la réponse détaillée. Pour vous répondre plus brièvement, sénateur, nous nous attendons à ce que les systèmes d'évaluation de la sécurité des diverses provinces soient largement mis en place cette année, en 2001. Il y aura certainement quelques améliorations à apporter au cours de la prochaine année civile, mais d'après ce qu'on nous a dit, les provinces réalisent des progrès substantiels à cet égard.

Le sénateur Callbeck: Quand ces cotes de sécurité seront mises en place, le public pourra-t-il comparer les entreprises de camionnage les unes avec les autres?

M. Sweet: En effet. Le système d'évaluation qui a été approuvé accordera une cote globale. En fonction de ses résultats, un transporteur sera coté «satisfaisant», «satisfaisant non vérifié», ce qui veut simplement dire que ses résultats sur route sont bons, mais qu'on n'a pas vérifié ses installations ou «conditionnel», la cote qui s'appliquera en cas de problèmes. Dans ce dernier cas, le transporteur et la province discuteront ensemble, conviendront mutuellement de l'existence de certains problèmes et mettront au point un plan pour y remédier. Le transporteur sera surveillé de près jusqu'à ce qu'il ait remédié aux lacunes. S'il ne le fait pas, il pourrait se voir attribuer la cote «insatisfaisant» et perdre son permis.

L'avantage d'un système uniforme à l'échelle nationale est qu'un transporteur sera coté de la même façon dans chaque province si bien que, pour le même rendement, il obtiendra la même cote dans toutes les provinces.

Le sénateur Spivak: Je regrette vivement que le ministre n'ait que peu de temps à nous consacrer, car je crois que ce ne sont pas les détails, mais les questions de politique qui sont importantes ici.

Monsieur le ministre, j'ai l'impression que vous hésitez à reconnaître l'urgence de nous doter d'un code de sécurité national avec ce que cela représente. Le fait est que chaque année 600 personnes perdent la vie et 12 000 sont blessées suite à 40 000 accidents de camions. C'est honteux.

Il y a beaucoup de camionnage interprovincial. Environ 79 ou 80 p. 100 de ce transport est fait par des entreprises de camionnage embauchées à l'extérieur de la province. De plus, les camions mexicains vont bientôt venir sur nos routes, car le président des États-Unis a déclaré qu'il lèverait l'interdiction qui les empêchent de se rendre aux États-Unis. Il me paraît évident que nous assisterons à un afflux considérable de camions du Mexique. Nous savons que les normes mexicaines sont inférieures aux nôtres. Nous risquons donc d'avoir sur nos routes un grand nombre de camions qui ne répondront pas à nos normes de sécurité.

Vous pourriez vous faire le champion de cette cause en vous dépêchant de faire appliquer les normes de sécurité. À quoi sert le ministre fédéral si ce n'est à réglementer le camionnage extraprovincial et international?

Il suffit de voir les chiffres. Il suffit de voir le nombre d'accidents causés par les camions.

Madame la présidente, comme le ministre nous quitte bientôt, peut-être pourriez-vous me permettre de poser toutes mes questions en même temps.

Monsieur le ministre, ce projet de loi vous dispense de l'obligation de faire rapport au Parlement. Pourquoi? Autrement dit, pourquoi ne vous lancez-vous pas dans une charge héroïque? Deuxièmement, pourquoi ce projet de loi vous dispense-t-il de faire rapport au Parlement? Si vous restiez plus longtemps, j'aurais au moins une dizaine d'autres questions à poser.

M. Collenette: Je suis certainement prêt à revenir, mais comme je dois assister à une réunion de l'ALENA en Uruguay, je dois partir aussitôt après la période des questions. C'était donc le seul moment où je pouvais vous rencontrer. Je suis toutefois prêt à revenir n'importe quand.

Le sénateur dit que je devrais me faire le champion de cette cause. J'ai été chargé d'un tas de dossiers complexes depuis mon retour au Parlement, il y a sept ou huit ans. L'héroïsme est très difficile en politique. Si vous réussissez à défendre un dossier difficile, très bien, mais quand vous suscitez des rancoeurs, surtout dans vos rapports avec les provinces, c'est une autre question.

C'est un problème urgent et nous avons pressé les provinces d'agir. Néanmoins, le fait est que nous devons respecter la Constitution. Comme je l'ai dit en répondant au sénateur Forrestall, nous ne voulons pas avoir deux séries de règles. Nous ne voulons pas que les provinces refusent de coopérer. Nous les poussons au maximum. Peut-être devrions-nous nous affirmer davantage.

Je me réjouis d'avoir l'appui de l'opposition officielle à ce sujet, car cela nous aidera à progresser.

Le sénateur a parlé de l'arrivée des camions mexicains au Canada. Une chose qui pourrait les en empêcher est que ces camions doivent se conformer aux normes américaines avant même d'arriver au Canada et ces normes sont assez rigoureuse, comme vous le savez.

Le sénateur Spivak: Oui, mais j'ai lu récemment que le président Bush allait lever ces exigences.

M. Collenette: Bonne chance. Je ne suis pas certain qu'il ait le pouvoir de le faire. Nous croyons que les camions mexicains à destination du Canada devront certainement respecter les normes américaines et canadiennes. Nous n'aurons pas de véhicules en mauvais état sur nos routes. Je suis d'accord avec vous quant à la nécessité d'agir de toute urgence pour les raisons que vous avez énoncées.

Vous avez dit que nous ne ferions pas rapport au Parlement et vous avez demandé pourquoi. En fait, nous ferons rapport au conseil des ministres. Vous trouvez peut-être que ce n'est pas suffisant et mes fonctionnaires pourront sans doute vous expliquer pourquoi nous n'avons pas prévu un rapport au Parlement. Néanmoins, si ce rapport est adressé au conseil des ministres, il sera également présenté au Parlement par l'entremise du ministre des Transports. Ce dernier pourra être questionné au moment de l'étude des prévisions budgétaires. En fait, le Sénat pourrait à tout moment me sommer de parler de ces questions.

Le sénateur Spivak: Vous avez mentionné l'urgence de la question. La déréglementation de 1987 a été approuvée en étant bien entendu qu'un code national de la sécurité serait mis en place. En 2001, seulement deux de ces normes sont en vigueur dans l'ensemble du pays... seulement deux. Les Canadiens voient circuler ces énormes camions, qui deviennent de plus en plus gros. Il s'agit certainement d'un dossier urgent. Quel délai vous êtes-vous fixé, en tant que ministre doté de tous les pouvoirs, pour imposer le Code canadien de la sécurité d'un bout à l'autre du pays? Ce qui a été fait entre 1987 et 2001 n'est certainement pas suffisant.

M. Collenette: Je partage certainement l'enthousiasme du sénateur Spivak.

Le sénateur Spivak: Joignez le geste à la parole.

M. Collenette: Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne ces normes nationales. J'ai toutefois appris au cours des années que je devais modérer mon enthousiasme pancanadien pour tenir compte des réalités de notre Constitution et des querelles interprovinciales. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis d'accord avec l'approche accélérée que vous préconisez. Je désire aller plus loin et me montrer plus affirmatif au cours des mois à venir et j'ai l'intention de soulever la question avec mes collègues cet automne.

Si le Sénat tient beaucoup à ce que nous fassions rapport au Parlement plutôt qu'au conseil des ministres, peut-être pourrions-nous améliorer le projet de loi avec vous afin d'y prévoir spécifiquement un rapport au Parlement, non pas direct, mais par l'entremise du ministre. Nous allons examiner le libellé et nous allons travailler avec le greffier.

Le sénateur Poulin: Comme j'ai parrainé le projet de loi, je tiens à féliciter vos fonctionnaires pour leur excellent travail. Je remercie officiellement M. Sweet qui est ici aujourd'hui.

Je considère ce projet de loi comme un grand pas en avant compte tenu des difficultés inhérentes à toutes négociations auxquelles participent toutes les provinces ainsi que les territoires. Au cours de mes entretiens avec les fonctionnaires, j'ai vu qu'il s'agissait d'une étape importante dans l'utilisation des nouvelles technologies et maintenant, le Code canadien de sécurité pour les transporteurs routiers nous fait franchir une étape de plus.

Je continue à m'interroger sur la position qui est la nôtre dans nos négociations avec les autres pays d'Amérique du Nord pour la mise en place d'un système uniforme reflétant l'importance du commerce international. Pouvez-vous me dire où nous en sommes sur ce plan-là?

M. Collenette: Il y a de nombreuses questions bilatérales et internationales que nous devons examiner. Le sénateur Spivak a soulevé la question de la réciprocité des normes entre les États-Unis et le Mexique. Je ne suis pas certain que ce soit vraiment pour une raison de sécurité. Je crois que c'est plutôt imputable à d'autres considérations politiques intérieures, comme l'immigration illégale et la contrebande. Néanmoins, comme on l'a souligné, l'idéologie de la nouvelle administration se rapproche davantage du Mexique, du moins jusqu'ici, et je crois que nous assisterons à un certain assouplissement.

Je vais demander à mes fonctionnaires si certains dossiers internationaux concernant la sécurité du transport par camion suscitent des inquiétudes. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est?

M. Sweet: Les fonctionnaires des trois pays travaillent très fort depuis plusieurs années -- pratiquement depuis la mise en place de l'ALENA au milieu des années 90 ou légèrement avant -- pour faciliter, dans la mesure du possible, la circulation des transporteurs routiers entre les trois pays.

Nous avons centré nos efforts sur la sécurité. Nous avons eu des discussions intensives avec nos collègues des États-Unis et du Mexique sur la question de la normalisation des codes de sécurité. Les codes de sécurité du Canada et des États-Unis se rejoignent. Il faut avouer qu'il existe quelques différences entre les régimes des deux pays. Quant au Mexique, il a beaucoup de rattrapage à faire. Vous seriez toutefois impressionnée par les progrès que le Mexique a réalisé dans la mise en place d'un code de sécurité acceptable.

Pour répondre à votre question, les fonctionnaires se réunissent régulièrement pour faire en sorte que les régimes en vigueur soient aussi uniformes que possible. Nous sommes convaincus de parvenir à une uniformité raisonnable en Amérique du Nord. Comme vous le savez, une disposition du projet de loi nous permet de conclure des accords réciproques sur les codes de sécurité des trois pays.

Le sénateur Fitzpatrick: Cette question ne porte pas vraiment sur les changements apportés au Code canadien de sécurité; en fait, je vous félicite sur les progrès accomplis pour améliorer la réglementation. C'est une bonne chose.

Le gouvernement fédéral peut-il, de concert avec les gouvernements provinciaux, évaluer les routes du pays pour voir quels sont les tronçons qui sont les principales sources d'accidents? L'amélioration des codes peut-elle être utile à cet égard? Je me rends compte que c'est du ressort des provinces, mais dans ma région, par exemple, il y a deux tronçons de route très dangereux qui sont sans doute la cause d'un grand nombre des accidents et des décès survenus ces dernières années.

Je me demande s'il existe un programme pour désigner les zones qui posent de véritables problèmes de sécurité et s'il est possible de se pencher sur ces questions avec le Conseil des ministres, les ministres de la voirie que vous rencontrez régulièrement?

M. Collenette: Nous avons désigné 25 000 kilomètres de routes qui constituent le réseau routier national essentiel. C'est le réseau qui peut bénéficier d'une aide financière fédérale dans le cadre de tout programme de cofinancement.

Il y a un échange d'information important au sujet de la qualité de ces routes. En fait, les provinces n'ont pas peur de parler de leurs problèmes de sécurité pour justifier l'obtention d'un financement supplémentaire.

Il y a, en particulier, la 401, à l'ouest et à l'est de Toronto, où la situation est très mauvaise sur le plan de la congestion, des accidents et des décès. Je crois que quatre personnes ont trouvé la mort, hier, sur le tronçon d'autoroute près de Belleville.

Il y a eu le terrible accident qui s'est produit sur la Transcanadienne, je crois, en Colombie-Britannique. Bien entendu, des fonds fédéraux ont été consacrés à cette route par le passé et le seront encore à l'avenir, si toutefois la province reconnaît qu'il s'agit d'une priorité.

À propos de cet accident, nous en avons chargé un observateur de Transports Canada. Je vais demander à mes collaborateurs de vous parler du rôle qu'ils jouent dans la sécurité routière et de leur collaboration avec les provinces. Nous coopérons avec les provinces sur tous les aspects de la sécurité routière.

M. Sweet: Le ministre a raison. Nous communiquons quotidiennement avec nos collègues des provinces sur tous les aspects de la sécurité routière. L'état des routes est certainement l'un des aspects abordés, mais comme vous vous en rendrez compte, lorsqu'il s'agit d'analyser la sécurité, les causes d'accidents sont le plus souvent reliées au conducteur et à l'erreur humaine. Environ 80 p. 100 des collisions sont attribuables à l'erreur humaine.

En deux mots, le ministère a huit équipes d'enquête sur les accidents réparties dans l'ensemble du pays. Nous aidons les provinces à enquêter sur les accidents particulièrement graves pour nous aider, par exemple, à mettre en place une nouvelle norme sur la sécurité des véhicules. Nous travaillons donc en collaboration étroite avec nos collègues des provinces.

Pour ce qui est du réseau routier national, le ministère prend des mesures pour créer une base de données qui nous fournira de meilleurs renseignements sur les accidents de la route. Cela nous aidera à mieux établir, en collaboration avec les provinces, quels sont les tronçons de route qui sont particulièrement déficients du point de vue de la sécurité.

M. Collenette: Honorables sénateurs, je dois partir. Je n'en excuse, mais je souligne que les perdants ici sont les membres du parti ministériel et non pas l'opposition, qui a soulevé d'excellentes questions auxquelles j'ai répondu de mon mieux.

Le sénateur Fitzpatrick: Si vous me permettez de poser une question supplémentaire, et si je comprends bien ce que vous avez dit, monsieur Sweet, vous avez désigné certains tronçons, mais je crois qu'il n'y a pas de catalogue des tronçons de route dangereux dans l'ensemble du pays. Toutefois, même s'il n'y a pas de système d'évaluation, vous êtes conscients de certains problèmes.

Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de programme permettant de savoir quels sont les 12 tronçons les plus dangereux à cause de l'état de la route. Cette question ne figure-t-elle pas à l'ordre du jour de ces réunions du conseil fédéral-provincial?

M. Sweet: En général, c'est exact. Il n'y a pas de catalogue national pour le moment, comme vous l'avez dit. Nous sommes toutefois en train de constituer ce genre de base de données.

Le sénateur Finestone: Je regrette que le ministre ait dû partir. Je suis d'accord avec mon collègue d'en face pour dire que cette question préoccupe le public. Il n'y a pas seulement les camions, mais aussi le problème des décès et des accidents. Comme vous l'avez mentionné, il y a chaque année un grand nombre d'accidents. Nous avons entendu parler de ce terrible accident d'hier. Ces gens circulent sur nos routes. Ce sont les gens de chez nous qui sont tués, mutilés ou blessés. C'est notre argent de l'assurance-invalidité qui sert à payer tout cela.

Vous avez des associations de camionnage ou des provinces qui n'appliquent pas les 16 normes que nous avions avant. Vous venez de dire qu'il y a 14 normes. Vous avez donc réduit leur nombre de 16 à 14.

Je voudrais aborder la question dans une perspective humaine. On s'aperçoit que ces camions sont d'énormes véhicules. Le Canada a l'intention de ne pas tenir compte de l'avis des experts scientifiques selon lesquels les chauffeurs ont besoin d'au moins deux nuits de sommeil par semaine. N'est-ce pas insensé? Est-il logique qu'une personne n'ait même pas deux nuits de sommeil consécutives ou simplement deux nuits de sommeil par semaine? Est-ce humain? Voilà ce que j'aimerais savoir.

Je ne pense pas que les Canadiens veuillent de ces 14 heures de conduite. C'est pourtant ce qu'on propose en fixant à 84 heures la semaine de travail des chauffeurs de camion.

Vous faites 36,5 heures de travail par semaine, mais nous demandons aux chauffeurs de camion de conduire pendant 84 heures par semaine, en faisant des journées de 14 heures, sans avoir deux nuits de sommeil consécutives par semaine. En quoi est-ce logique étant donné que les spécialistes du sommeil considèrent que ces horaires et ces conditions de travail sont totalement inacceptables? Vous vous éloignez totalement des normes américaines.

Messieurs, comment pouvez-vous suggérer au ministre et aux gouvernements provinciaux du pays d'accepter vos normes, qui ne sont même pas respectées dans bien des cas?

M. Elliott: Pour commencer, dans vos observations et vos questions de tout à l'heure, vous avez parlé des accidents qui se produisent sur nos routes. Nous conviendrons certainement avec vous qu'il y a trop de décès, trop de blessures et trop d'accidents.

Je souligne toutefois que nous avons réalisé d'importants progrès dans la réduction du nombre d'accidents, du nombre de blessures et du nombre de décès. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas encore beaucoup à faire, mais nous trouvons encourageant que les choses aillent dans la bonne voie.

Pour ce qui est des heures de travail des camionneurs, je dois d'abord préciser que le projet de loi que vous étudiez ne porte pas sur la norme s'appliquant aux heures de travail.

Le sénateur Finestone: Porte-t-il sur les heures de sommeil? Le chauffeur est-il censé dormir selon vos normes ou selon les normes humaines normales?

M. Elliott: Ce projet de loi ne porte pas du tout sur cette question.

Le sénateur Finestone: Dans ce cas, où traite-t-on de cette question?

M. Elliott: Le Code canadien de sécurité, qui est mentionné dans le projet de loi, traite des heures de travail. C'est une norme différente. Ce n'est pas la même norme que celles dont il est question ici. Nous sommes en train de nous pencher sur les heures de service. Comme vous le savez, nous avons travaillé à l'élaboration d'une nouvelle norme à cet égard. Il y a eu des consultations et un débat public quant à ce que devrait être la nouvelle norme. Si l'on veut changer la norme, nous le ferons par voie de règlement. Néanmoins, ce projet de loi ne porte pas sur cette norme et ce genre de questions.

Le sénateur Finestone: Je ne comprends pas quelle est la portée du projet de loi. Je sais par contre que la sécurité est insuffisante sur nos routes et que les Américains ont proposé de limiter les heures de travail à 12 heures plutôt qu'à 14 heures comme chez nous. Je sais que 84 p. 100 des Canadiens sont pour la limitation de la semaine de travail à 60 heures. Vous penchez-vous sur ces questions ou nous demandez-vous d'adopter un projet de loi qui porte... Monsieur Sweet, vous vouliez me dire quelque chose?

M. Sweet: Désolé. J'avais un mot à dire à M. Elliott.

Le sénateur Finestone: Je ne comprends pas. Vos intentions sont peut-être merveilleuses, mais vous nous demandez d'examiner un projet de loi et de l'adopter alors que nous ne savons même pas comment les normes de sécurité nationales, que les provinces seront chargées d'administrer, seront accueillies par chacun des ministres provinciaux alors que c'est du ressort des provinces. De plus, les provinces se sont écartées des normes que nous avions recommandées par le passé. Seules quelques-unes d'entre elles ont accepté plus que deux des 16 normes proposées au départ. Comment pouvons-nous nous sentir suffisamment à l'aise avec ce projet de loi quand la question de la sécurité du public qui circule sur les routes n'a même pas été abordée? Quand les automobilistes et leur famille ne sont pas protégés? Ce n'est même pas abordé. Ce sont de sérieux problèmes.

M. Elliott: Je pourrais peut-être essayer de clarifier les choses.

Le sénateur Finestone: Cela me rassurerait.

M. Elliott: Les questions que vous avez soulevées au sujet des heures de travail sont certainement importantes. Les heures de travail et les discussions portant sur les modifications à cet égard se rapportent à la norme no 9. Le projet de loi dont vous êtes saisis concerne la norme no 14.

Le sénateur Finestone: Qu'est-ce que la norme no 14?

M. Elliott: La norme no 14 se rapporte aux cotes de sécurité. Il est vrai que ce projet de loi n'aborde pas toutes les questions relatives à la sécurité routière et qu'il y a d'autres questions importantes à examiner. Certaines des préoccupations soulevées ce matin, de même que les propos du ministre, se rapportent au Code canadien de sécurité et à la réglementation qui permettra de l'appliquer.

Encore une fois, le projet de loi que vous examinez ne concerne pas du tout les heures de travail, mais plutôt une disposition du Code canadien de sécurité et de la réglementation qui s'y rattache. Il n'est pas question ici de la norme no 9 concernant les heures de travail. Il y a actuellement des discussions entre le gouvernement fédéral, les provinces et l'industrie au sujet de la révision de la norme. Les consultations à cet égard se poursuivent et nous discutons avec nos collègues des provinces quant à la meilleure façon de continuer ces consultations. Je crois que le ministre proposera ensuite des changements à la norme et à la réglementation, mais cela n'entre pas dans la portée de ce projet de loi.

Le sénateur Finestone: Vous dites qu'il s'agit de la norme 14. Pourriez-vous me dire si vous vous penchez également sur les collisions de même que les infractions et les accidents causés par les camions?

D'après ce que j'ai appris ici, madame la présidente, je crois que nous enquêtons sur les accidents dans les autres modes de transport comme les pipelines, l'avion, le chemin de fer et le bateau, mais pas sur les accidents impliquant des camions. Pourquoi? Les camions ont une place plus importante dans la vie quotidienne des gens.

Comme un grand nombre de mes collègues, je fais la route entre Montréal et Ottawa et je peux vous dire que ce n'est pas drôle, surtout aux petites heures du matin quand les gros camions sont sur la route. Je suis curieuse de savoir ce qui se passe en cas d'accident. Examinons-nous les causes de l'accident? Cherchons-nous à établir pourquoi la norme n'a pas été respectée? Examinons-nous si les normes en vigueur dans la province s'alignent sur les normes nationales? Comment pouvons-nous savoir ce que font les provinces pour respecter les normes nationales si nous n'enquêtons pas?

M. Elliott: Pour qu'il n'y ait aucune confusion, la norme dont il est question dans ce projet de loi est la norme 14. La norme concernant les heures de travail est la norme no 9. Pour ce qui est des enquêtes sur les accidents, je pourrais peut-être faire quelques observations et je demanderai ensuite à M. Sweet de compléter.

Il est vrai qu'il y a des différences entre la façon dont on enquête sur les accidents de la route et les accidents dans les autres modes de transport. Le Parlement a établi le Bureau de la sécurité des transports, qui est indépendant du ministre et du ministère et qui enquête sur les accidents dans les autres modes de transport soit le transport ferroviaire, aérien et maritime. Les provinces se chargent de certains aspects que le ministre a mentionnés, c'est-à-dire surtout l'application et les enquêtes se rapportant à la sécurité des véhicules à moteur, mais le ministère a la capacité, comme l'a mentionné M. Sweet, d'examiner les causes d'accidents. Toutefois, vous avez raison de dire que les dispositions qui s'appliquent au transport routier ne sont pas les mêmes que pour les autres modes de transport. C'est en grande partie en raison du champ de compétence des autorités fédérales et provinciales en ce qui concerne le transport routier et des délégations de pouvoir dont le ministre a parlé dans sa déclaration liminaire.

Je pourrais peut-être demander à M. Sweet de vous expliquer ce que notre ministère fait et ne fait pas en ce qui concerne les accidents de la route.

Le sénateur Finestone: Monsieur Sweet, étant donné que nos provinces ont très mal appliqué le Code canadien de sécurité au cours des 12 dernières années, pensez-vous que ce projet de loi va améliorer les choses, un projet de loi qui continue à déléguer des responsabilités aux provinces? Vous attendez-vous vraiment à ce qu'elles respectent davantage les 14 normes, qui étaient au nombre de 16, y compris celles dont vous parlez dans ce projet de loi?

M. Sweet: Nous pensons que l'application du Code canadien de sécurité n'a pas été aussi lamentable que vous le dites.

Le sénateur Finestone: Avez-vous dit qu'elle n'est pas lamentable?

M. Sweet: Non, et permettez-moi de m'expliquer. Nous avons certainement eu des difficultés à mettre en place les 15 normes -- il y en avait 16 et maintenant il y en a 15. Dans l'ensemble, on peut dire que ces normes sont appliquées de façon uniforme. Certaines d'entre elles posent des problèmes, nous le reconnaissons. Toutefois, il faut reconnaître également que certaines normes sont plus importantes que d'autres.

Voilà pourquoi nous centrons notre attention sur la norme 14, qui est nouvelle. Cette norme demande aux provinces d'attribuer une cote de sécurité à chacun de leurs transporteurs commerciaux. Pour ce faire, les provinces doivent évaluer le rendement des transporteurs routiers en matière de sécurité en ce qui concerne plusieurs des autres normes. Il y a par exemple l'inspection des véhicules sur la route. Vous avez tous vu des postes d'inspection au bord de la route. Les résultats de ces inspections, qui se rattachent à la norme no 11, la norme de sécurité des véhicules commerciaux, entreront en ligne de compte pour l'attribution pour la cote de sécurité. La norme no 10 concernant l'inspection périodique des véhicules comptera également. En fait, ce sera la même chose pour la norme no 9 sur le rendement du transporteur et les heures de travail.

Les normes ne sont pas toutes incluses dans la cote de sécurité parce qu'on estime que certaines sont plus importantes que d'autres, mais la norme 14 reflétera certainement le rendement des transporteurs en ce qui concerne l'ensemble des principales normes. Elle regroupe cinq ou sept de ces normes. En procédant ainsi, nous espérons assurer une mise en oeuvre uniforme de la totalité des normes importantes du Code canadien de sécurité. Nous n'en sommes pas encore là, vous avez raison, mais il n'est peut-être pas exact de dire qu'il y a eu une mauvaise application du code.

Je voudrais insister un instant sur les données concernant les collisions. La mise en oeuvre du système de cotes de sécurité obligera les provinces à recueillir de nombreux renseignements sur le rendement des transporteurs en matière de sécurité. La plupart de ces données n'ont encore jamais été recueillies et en tout cas, elles n'ont jamais été réunies de cette façon. Nous disposerons de données beaucoup plus abondantes et beaucoup plus précises sur le rendement des transporteurs en matière de sécurité.

Tout à l'heure, quand nous parlions des cotes de sécurité, j'ai omis de répondre à une question qui demandait si ces cotes seraient publiques, je crois. La réponse est qu'elles le seront. Les cotes que j'ai décrites seront publiques. Nous faisons énormément de progrès en ce qui concerne la saisie et l'analyse des données sur la sécurité.

Le sénateur Finestone: Madame la présidente, peut-être pourriez-vous me dire quand nous allons parler à ce ministère? Je pose la question parce que j'ai failli avoir un terrible accident récemment à cause de la bande de roulement d'un énorme pneu de camion dont les débris jonchaient la route. Est-ce couvert dans la norme 14? Pourriez-vous poser cette question?

La présidente: Vous pouvez la poser. Je ne pense pas que ce soit couvert. Est-ce le cas, monsieur Sweet?

M. Sweet: La question du décollage des pneus?

Le sénateur Finestone: Oui, c'est ainsi qu'on l'appelle.

M. Sweet: Si on peut prouver que c'est causé par exemple par un mauvais entretien du véhicule, oui, ce serait directement relié à la norme concernant l'entretien du véhicule.

Le sénateur Forrestall: Je vais céder mon tour à Le sénateur Spivak, même si j'ai plusieurs questions d'ordre général. Au fait, avons-nous la liste de ces normes?

Le sénateur Finestone: Ce serait une bonne idée.

La présidente: Pourriez-vous nous fournir la liste des normes?

M. Sweet: Oui, certainement.

Le sénateur Forrestall: Je me demande en fait pourquoi nous ne l'avons pas encore eue.

La présidente: Nous avons les normes, mais on va nous donner une liste.

Le sénateur Forrestall: Si cela doit retarder nos délibérations, j'y renonce.

La présidente: Nous recevrons d'autres témoins et vous pourrez vous en servir à ce moment là.

M. Elliott: Nous allons certainement vous la fournir.

Le sénateur Spivak: Monsieur Sweet, quand vous dites que nous aurons bientôt des normes de sécurité uniformes dans toute l'Amérique du Nord, vous me rappelez un personnage de Candide: tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je ne pense pas que vous puissiez dire que certaines choses ne sont pas incluses dans ce projet de loi étant donné que cette mesure concerne les normes de sécurité et tout ce qui s'y rattache, y compris la mise en oeuvre et le reste.

Il y a un certain temps, nous voulions modifier la loi concernant le Bureau de la sécurité des transports du Canada. Nous voulions que ce bureau national enquête sur les accidents de camions. Si j'ai bien compris -- et c'est en rapport avec votre question, madame Finestone -- pour le moment, c'est le ministère des Transports qui prend les règlements et qui enquête sur les accidents à la demande d'une province; ce n'est pas le Bureau de la sécurité des transports comme c'est le cas aux États-Unis depuis des années.

Je crois donc tout à fait normal de poser des questions concernant les heures de travail, par exemple. J'ai des questions précises, mais j'ai d'abord une question d'ordre général. Je voudrais que vous précisiez, dans tous les détails, en quoi la Constitution vous empêche de réglementer le camionnage extraprovincial et international.

Pour en venir à mes questions précises, j'ai une question concernant la norme à l'égard des heures de service, qui est nettement inférieure à celle de tous les autres pays, y compris les États-Unis. Aux États-Unis, la période minimum de repos continu est de 10 heures; au Canada, elle est de 8 heures. Aux États-Unis, le nombre d'heures sur la route est limité à 10 heures. Au Canada, c'est 12 heures. Aux États-Unis, la conduite est limitée à 60 heures par semaine. Au Canada, le plafond est de 84 heures. Il y a une énorme différence entre le Canada et les États-Unis. Voici mes questions.

Premièrement, quelle est la situation en ce qui concerne les audiences publiques sur la nouvelle politique concernant les heures de travail des chauffeurs de camion? Quel rôle le gouvernement fédéral jouera-t-il dans ces audiences? Quand et où auront-elles lieu? Où est le projet de normes dont Transports Canada avait annoncé la publication pour la mi-octobre 2000? Le Conseil canadien des administrateurs en transport va-t-il prendre une décision au sujet de la nouvelle norme sur les heures de travail à sa réunion de juin?

Ce sont des questions légitimes à poser au sujet de ce projet de loi, car nous n'avons pas souvent l'occasion de parler aux bureaucrates de ce qui se passe. Nous n'avons pas l'occasion de nous informer sur ce sujet. En tant que représentants du peuple, comme les députés à la Chambre des communes, nous devons savoir ces choses parce que le public s'inquiète beaucoup de ce qui se passe sur nos routes. Ce sont là des questions précises qui se rapportent à certaines des questions que posait Mme Finestone.

La présidente: Avant que vous ne répondiez, nous avons tous votre livre d'information. Au signet 4 se trouve le Code canadien de sécurité pour les transporteurs routiers et la description de la norme. Vous pourriez y trouver davantage de renseignements.

M. Elliott: Permettez-moi d'essayer de répondre à chacune des questions soulevées.

Premièrement, je n'ai pas voulu laisser entendre que les préoccupations et les questions soulevées à l'égard des heures de service n'étaient pas pertinentes et importantes. Ce n'était nullement mon intention. J'ai seulement cherché à préciser ce qui figurait dans ce projet de loi et ces questions n'en font pas partie. Un grand nombre des observations que le ministre a faites portaient certainement sur l'ensemble du régime en place en ce qui concerne le Code canadien de sécurité et les préoccupations du ministre à l'égard de l'efficacité de ce régime.

Je ne voudrais pas que nous nous laissions entraîner dans une discussion sur l'adjectif qui devrait qualifier le régime actuel. Le ministre a clairement indiqué à ce sujet que la coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces n'est pas satisfaisante. Elle n'est pas suffisante. Nous n'avons pas un système aussi harmonisé qu'il le faudrait. Le ministre a toutefois indiqué que cela le préoccupait et qu'il compte en parler avec ses collègues des provinces.

Néanmoins, nous n'en sommes pas venus à la conclusion que l'application du Code canadien de sécurité et la coopération ou le manque de coopération des provinces devraient nous inciter à rejeter entièrement cette solution. Ce projet de loi se fonde sur cette approche. Comme l'a indiqué M. Sweet, même si le succès n'a pas été complet, il y a certainement une certaine coopération et une certaine uniformité entre les provinces.

Encore une fois, ce n'est pas suffisant, mais c'est certainement mieux que d'avoir 14 régimes entièrement différents dans les provinces et les territoires pour les questions relevant des gouvernements provinciaux et territoriaux et un autre régime pour le camionnage interprovincial et international.

Pour répondre à votre question quant à savoir ce qui nous empêche, dans la Constitution, de réglementer le camionnage interprovincial ou international, je n'ai pas consulté notre conseillère juridique, mais je répondrais que rien ne nous en empêche.

Le sénateur Spivak: Exactement.

Le sénateur Forrestall: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait il y a 20 ans?

M. Elliott: Si nous ne l'avons pas fait c'est, comme je l'ai dit, parce que nous ne voulions pas avoir pour le camionnage interprovincial ou international un régime entièrement différent du régime en vigueur dans une province. Le secteur du camionnage nous a dit, comme il vous l'a certainement dit aussi, j'en suis sûr, qu'il souhaitait avoir les mêmes règles partout. Il voudrait, par exemple, être soumis aux mêmes règles au Québec, pour le camionnage interprovincial et pour le camionnage international.

Le sénateur Spivak: Si vous me permettez de vous interrompre, monsieur Elliott, j'ai oublié un aspect de la question. Aux termes de l'accord interne sur le commerce et de l'ALENA, le Canada a l'obligation d'uniformiser les normes nationales de sécurité pour le transport interprovincial et international. Je ne comprends pas pourquoi il serait si terrible d'avoir deux normes. Les provinces auraient peut-être besoin de s'aligner. Je ne comprends pas.

Le gouvernement canadien, l'ALENA, le traité interne sur le commerce et la Constitution ne lient-ils pas les gouvernements provinciaux, quoi qu'ils fassent? Non? Oui.

La présidente: Laissez-nous entendre la réponse officielle, sénatrice.

M. Elliott: Je laisserai répondre mes collègues du ministère de la Justice. La réponse est «non» mais ce n'est pas si simple. Les questions portant sur la Constitution et les conflits entre les champs de compétence sont très complexes. Nous avons voulu essayer de mettre en place un régime unique. Nous avons progressé dans cette voie, si vous me permettez l'analogie, mais il nous reste du chemin à faire.

Le sénateur Spivak: Très bien.

M. Elliott: Vous avez également posé une question sur les heures de service. Puis-je y répondre?

Le sénateur Spivak: Sur les audiences publiques, oui.

M. Elliott: Comme je l'ai dit en réponse à une question précédente, nous continuons d'examiner la question des consultations publiques. Il y en aura certainement. Le gouvernement fédéral aura un rôle à jouer à cet égard. Le conseil du CCATM se penche sur la question et le ministre aura des décisions à prendre sur ce que le CCATM proposera.

Je demanderais à M. Sweet s'il peut répondre à la question du sénateur concernant le projet de norme.

Le sénateur Spivak: Quand et où?

M. Elliott: Cela n'a pas encore été décidé.

Le sénateur Spivak: Très bien.

M. Sweet: Le projet de norme est presque achevé. Il servira de base aux consultations comme je crois l'avoir dit quand j'ai comparu devant certains d'entre vous l'automne dernier. Ce travail nous a pris un peu plus de temps que prévu. C'était plus compliqué que nous l'avions pensé. Nous sommes toutefois dans la bonne voie. Dès qu'une décision sera prise quant à la façon dont les consultations se dérouleront, ce document servira de document de base, si vous voulez.

Mme Elizabeth MacNab, conseillère juridique, Transports Canada: Je tiens à dire dès le départ que je suis d'accord avec M. Elliott quant à l'application de l'ALENA et des autres accords internationaux. Nous ne pouvons pas, aux termes d'un accord avec un autre pays, nous ingérer dans les questions qui sont purement du ressort des provinces, à moins que les provinces ne soient d'accord.

Une autre chose qu'on a omis de dire au cours de cette discussion est que même si le transport routier interprovincial est du ressort du gouvernement fédéral, ce champ de compétence a certaines limites. La cause qui a déterminé notre champ de compétence précisait clairement que certaines questions concernant la sécurité routière demeuraient du ressort des provinces. Il s'agit, par exemple, des limites de vitesse, des limites de charge sur les routes locales, etc.

Comme le gouvernement fédéral s'intéresse davantage à la sécurité du camionnage interprovincial, la ligne de démarcation entre les questions locales et les questions fédérales va devenir plus floue. C'est une autre raison pour laquelle nous devons rechercher une plus grande coopération.

Le sénateur Spivak: Je vous remercie de vos explications. Je me demande toutefois si l'opinion que vous nous avez donnée a été confirmée par d'autres décisions des tribunaux. Je pose la question en raison de la disposition du chapitre 11 de l'ALENA. On a dit dans certains milieux qu'en raison de cette disposition, les municipalités ne peuvent pas agir de façon indépendante. Si cela peut toucher les municipalités, je me demande si l'ensemble de l'accord conclu dans le cadre de l'ALENA a été contesté devant les tribunaux? Cela a-t-il été contesté?

Mme MacNab: Pas à ma connaissance, mais je ne suis pas une spécialiste de l'ALENA.

Le sénateur Spivak: Le fait est que nous avons un accord dans le cadre de l'ALENA. Dans d'autres domaines, l'ALENA a pu s'appliquer aux municipalités. La question mexicaine en ce qui concerne le rejet de déchets métalliques dans les dépotoirs en est un exemple.

Madame la présidente, ne devrions-nous pas examiner cette question plus en détail?

Mme MacNab: Je pourrais peut-être faire valoir une chose au sujet de l'ALENA. L'ALENA nous oblige à accorder le traitement national à nos partenaires de l'ALENA ce qui veut dire, en ce qui concerne l'industrie du camionnage, que nous pouvons exiger que les camions qui arrivent au Canada en provenance du Mexique ou des États-Unis respectent les normes canadiennes, ce qui constitue une raison de plus d'harmoniser les normes. Je veux parler des normes de sécurité.

Le sénateur Spivak: Toutefois, si des camions canadiens qui vont aux États-Unis ne répondent pas aux mêmes normes que les camions américains, que risquons-nous? Nous essayons désespérément de nous aligner avec les États-Unis dans bien des domaines. Nous ne le faisons pas dans ce secteur.

Mme MacNab: C'est exact.

Le sénateur Forrestall: Je m'étonne que le ministère n'ait pas songé à renvoyer cette question à la Cour suprême pour qu'elle donne son interprétation. Je me demande si cela résisterait ou non à un contrôle judiciaire. Cela nous aiderait à comprendre sans avoir à attendre qu'un événement, ou une série d'événements, ne nous obligent à faire un renvoi à la Cour suprême.

Le ministère serait-il prêt à envisager un renvoi à la Cour suprême simplement pour mieux comprendre la situation?

M. Elliott: Sénateur, je vous remercie de vos observations, mais la question de savoir s'il y a lieu de renvoyer devant la Cour suprême du Canada une question concernant le commerce international devrait être plutôt posée au procureur général du Canada et peut-être à nos collègues des Affaires étrangères et du Commerce international.

Le sénateur Forrestall: Je ne sais pas exactement comment cela se ferait, mais il faut certainement une initiative de la part du ministère des Transports étant donné que c'est une question concernant les transports. Autrement, le procureur général du Canada ne se pencherait pas sur ce dossier.

M. Elliott: Sénateur, je me ferai certainement un plaisir de transmettre ces observations au ministre.

Le sénateur Forrestall: Je l'apprécierais.

Le sénateur Eyton: A priori, j'aime l'idée d'une norme uniforme. Cela me paraît parfaitement logique étant donné que c'est une façon efficace de procéder. A priori, je serais pour une délégation, le principe que l'on retrouve dans le projet de loi.

C'est peut-être naïf de ma part, mais plusieurs des questions qui ont été soulevées m'inquiètent un peu. Je voudrais poser une question bien simple. Si les normes de sécurité sont essentielles pour la mise en place du Code canadien de sécurité, qui prend toute cette initiative?

Est-ce les autorités fédérales ou à la fois les autorités fédérales et provinciales qui vont prendre l'initiative de mettre en place un Code canadien de sécurité de même que ces normes? Quelles sont nos relations avec les États-Unis et le Mexique en ce qui concerne les normes internationales dont nous parlons? Qui prend l'initiative d'élaborer le Code canadien de sécurité et ces normes?

M. Sweet: L'élaboration des normes du Code canadien de sécurité est faite d'un commun accord. L'organisme qui y participe le plus est le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, le CCATM, qui représente tous les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que le gouvernement fédéral. Le CCATM comprend également des centaines d'autres membres, des groupes d'intérêt public et des intérêts du secteur privé.

Les normes sont élaborées par ce comité de représentants fédéraux et provinciaux qui se charge également de les modifier périodiquement.

Le sénateur Eyton: Pour toute initiative importante, c'est un petit groupe qui propose des changements. Ce n'est pas une association de 500 ou 1 000 membres. Qui dirige cette initiative? Dans quelle mesure collaborons-nous avec nos collègues aux niveaux provincial et international?

M. Sweet: Je croirais, en toute humilité, que c'est nous qui dirigeons un grand nombre de ces initiatives. Ce n'est pas étonnant car autour de la table du CCATM nous sommes les seuls à représenter les intérêts nationaux. Bien entendu, les provinces défendent leurs propres intérêts. Je dirais que Transports Canada joue un rôle très actif au sein du CCATM et dirige un certain nombre des initiatives que vous connaissez. Nous présidons le Groupe de travail sur les heures de service, par exemple, de même que le Groupe de travail sur les cotes de sécurité entre autres.

Le sénateur Eyton: Le sénateur Spivak a parlé d'une période de trois ans. C'est sans doute plus long étant donné que nous avons travaillé au Code canadien de sécurité et aux normes. À quel point sommes-nous près de parvenir à un consensus sur ce que j'appellerais «les normes canadiennes exemplaires»? Je reconnais que seules quelques provinces y ont vraiment souscrit. À quel point sommes-nous près d'aboutir à quelque chose de complet qui réponde aux normes canadiennes?

M. Sweet: Comme je l'ai dit tout à l'heure, tous les membres du CCATM et de l'industrie s'entendent à dire que la norme no 14 sur les cotes de sécurité est la norme la plus importante. C'est parce qu'elle tient compte de toutes les autres normes importantes du Code canadien de sécurité. La norme no 14 est à la clé de tout. D'ici la fin de l'année civile la plupart, sinon la totalité des provinces seront bien placées pour commencer la mise en oeuvre des cotes de sécurité. En fait, certaines ont commencé à les appliquer tandis que d'autres travaillent encore à établir les exigences dont j'ai parlé tout à l'heure. Je dirais que d'ici un an, la situation devrait être très positive. Par conséquent, nous devrions commencer à voir des cotes de sécurité mises en oeuvre dans chaque région du pays.

Le sénateur Eyton: C'est urgent. On a déjà indiqué pourquoi. Quelle rigueur comptez-vous déployer et avec quelle rapidité allez-vous agir à l'endroit des États et des provinces qui ne respectent pas ou n'appliquent pas le Code canadien de sécurité ou encore qui ne s'acquittent pas des obligations que le Code leur confère? À quel point pouvez-vous sévir?

M. Sweet: Nous avons obtenu une excellente coopération pour l'élaboration des cotes de sécurité. Comme je l'ai dit, tous les membres du CCATM reconnaissent qu'il s'agit de la norme la plus importante. Je m'attends à ce que cette coopération se poursuive pour la mise en oeuvre de la norme. Autrement dit, nous ne nous attendons pas à des différences importantes. Il y a eu une bonne coopération jusqu'ici pour l'élaboration d'une norme et sa mise en oeuvre. Nous nous attendons par conséquent à ce que toutes les provinces se conforment à la norme. Nous ne pensons pas qu'il sera nécessaire d'envisager des mesures.

Le sénateur Setlakwe: Qu'arrivera-t-il si elles ne s'y conforment pas?

Le sénateur Eyton: Le gouvernement fédéral a le pouvoir de supprimer l'exemption.

M. Sweet: C'est exact. Le ministre l'a souligné dans sa déclaration liminaire. S'il s'avère que, pour une raison ou une autre, une province n'applique pas la norme, le ministre des Transports peut certainement retirer à cette province le pouvoir de délivrer aux transporteurs des certificats d'aptitude en matière de sécurité.

Le sénateur Finestone: J'ai examiné le discours du ministre et je m'inquiète des pénalités et des amendes.

Vous avez mentionné, monsieur Sweet, que vous défendiez l'intérêt national. Néanmoins, comme le ministre l'a déclaré à la page 7 de son mémoire «Comme les industries du camionnage et des autocaristes sont en grande partie nationales et internationales, plutôt que locales ou provinciales, il est essentiel que leur réglementation en matière de sécurité soit uniforme à la grandeur du pays et compatible avec la réglementation américaine et mexicaine.» On n'est généralement pas satisfait jusqu'ici, de l'application de la norme nationale étant donné qu'elle n'est pas jugée suffisante, qu'elle n'est pas uniforme alors que nous avons le traitement national. Je lis ensuite que la loi s'applique à la fois au transport par autocar et au transport par camion, deux éléments essentiels de notre réseau de transport national. Apparemment, le camionnage est une industrie d'une valeur de 40 milliards de dollars et un élément essentiel de l'économie canadienne, mais nous devons améliorer la sécurité routière. Le ministre a également dit qu'il fallait comprendre que la croissance importante de la circulation de poids lourds menace la sécurité routière. Par conséquent, il s'agit d'une responsabilité fédérale étant donné qu'une forte proportion de ce transport se fait d'une province à l'autre. Cela relève encore davantage des dispositions relatives à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement. Le gouvernement est convaincu que la réglementation gouvernementale est le moyen le plus efficace d'y parvenir, mais selon le deuxième paragraphe de la page 4 de ce mémoire, il va déléguer les pouvoirs fédéraux dans ce domaine.

Je vous demanderais alors d'examiner ce qui est dit à propos des nouveaux objectifs, à la page 5 du mémoire.

Quand avons-nous décidé de séparer le pays, de créer davantage de divisions et de réduire le champ de compétence fédérale et les responsabilités nationales? Je ne comprends pas. Je crois que le sénateur Eyton a visé en plein dans le mille. Je demande à Mme MacNab quand le transport est devenu un domaine justifiant une division entre le champ de compétence du fédéral et des provinces? M. Dion a-t-il été consulté à ce sujet? Est-ce une question dont on peut discuter?

La présidente: Nous discutons toujours d'une question concernant les transports.

Le sénateur Finestone: Oui, mais je suppose que le ministre des Relations intergouvernementales, Stéphane Dion, a dû être consulté à ce sujet.

La présidente: Nous lui poserons la question, si besoin est.

Le sénateur Finestone: Je l'espère. Je ne comprends pas pourquoi il y a un point d'interrogation.

M. Elliott: À notre connaissance, et c'est certainement ce que reflète le projet de loi, le camionnage entre certainement dans le champ de compétence des provinces.

Le sénateur Finestone: Oui.

M. Elliott: Le camionnage international et interprovincial est certainement du ressort du gouvernement fédéral.

Pour ce qui est de la délégation des pouvoirs et de l'époque où ces décisions ont été prises, comme l'a dit le ministre, cela a été décidé dans les années 50. Il est vrai que ce projet de loi représente le prolongement de ce modèle.

M. Sweet a mentionné l'excellente collaboration dont les provinces ont fait preuve à l'égard de cette norme et le travail qui a déjà été accompli par les provinces pour la mettre en oeuvre. Nous nous attendons à ce que le projet de loi dont le comité est saisi constitue, s'il est adopté et mis en oeuvre par le Parlement, une mesure importante pour revigorer le Code canadien de sécurité.

Voilà pourquoi le Code canadien de sécurité est mentionné dans le projet de loi. Cela sera-t-il suffisant? Cette mesure va-t-elle assurer l'harmonisation et la coopération dont nous avons besoin? Dans sa déclaration liminaire, le ministre a laissé entendre que cette question était encore en suspens. Si l'harmonisation n'est pas réalisée, il s'est dit prêt à envisager d'autres mesures.

Le sénateur Forrestall: J'ai une question qui fait suite à ce que le ministre a dit tout à l'heure au sujet du développement des autoroutes automatiques, surtout à propos de la 401 et d'une demi-douzaine d'autres autoroutes. Par exemple, nous avons un tronçon de route très dangereuse dans la vallée d'Annapolis, en Nouvelle-Écosse. Il y en a un certain nombre au Canada.

Une province pourrait-elle, pour remédier à ces situations terribles, demander l'aide financière du gouvernement fédéral? Serait-ce une raison suffisante pour obtenir un financement ou faut-il une contrepartie provinciale comme on semble vouloir le faire depuis des années: «Si nous avons déjà dépensé de l'argent là, nous en dépenserons plus. Par contre, si nous n'avons pas encore dépensé un sou, nous ne dépenserons rien.»

Autrement dit, existe-t-il un critère pour l'aide fédérale?

M. Elliott: Malheureusement, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. J'espère que vous n'y verrez pas la réponse d'un bureaucrate, mais la question du financement du réseau routier n'est pas sous la responsabilité de mon groupe, qui est le groupe de la sécurité. N'importe lequel de mes collègues de cette section du ministère, ou le ministre lui-même, pourrait vous fournir ce renseignement, mais j'ai bien peur de ne pas pouvoir vous répondre ce matin.

Le sénateur Forrestall: Qui devons-nous appeler?

M. Elliott: Mon homologue, le sous-ministre adjoint responsable, est M. Louis Ranger. Il est le sous-ministre adjoint de la Politique du ministère des Transports. Son groupe et lui administrent le financement du réseau routier et conseillent le ministre à ce sujet.

Le sénateur Forrestall: J'ai l'impression que les observations du vérificateur général étaient tout à fait justifiées. La fonction publique du Canada devrait peut-être nous rencontrer toutes les trois semaines, pendant une heure, pour nous dire qui assume les diverses responsabilités.

Le sénateur Spivak: Je voudrais en revenir à la question des heures de travail. C'est en rapport avec les cotes de sécurité si le code et la réglementation qui en ressortent reflètent les discussions que nous avons eues. Le CCATM a laissé entendre que les transporteurs qui ont une bonne cote de sécurité seraient autorisés à dépasser le nombre d'heures de travail prescrit. Le projet de norme accorde-t-il une exemption aux transporteurs qui ont une cote de sécurité bonne ou satisfaisante?

M. Sweet: Le sénateur a raison. Nous continuons à faire des recherches sur la fatigue, ce qui est indispensable pour établir un bon régime d'heures de travail. Nous avons travaillé énormément sur ce dossier ces dernières années, comme vous le savez, et nous continuons. Nous envisageons notamment la possibilité de faire une expérience contrôlée pour déterminer les autres répercussions des heures de travail sur la fatigue. Nous sommes en train d'en mettre les détails au point. Nous participons à ce projet de même que nos homologues américains, Industrie Canada et certaines provinces. Si nous faisons une expérience dans ce domaine, elle sera très bien contrôlée et il s'agira d'une étude.

Le sénateur Spivak: La réponse est-elle affirmative ou négative?

M. Sweet: La réponse est que nous envisageons de faire des recherches dans ce domaine.

Le sénateur Spivak: Se pourrait-il que les transporteurs ayant une bonne cote de sécurité soient autorisés à dépasser les heures de travail prescrites dans le règlement? Vous n'écartez pas cette possibilité?

M. Sweet: Comme je l'ai dit, nous envisageons d'effectuer des recherches sur ce genre de situation.

Le sénateur Spivak: Je pense que j'ai ma réponse.

La présidente: Vous lui faites dire ce qu'il n'a pas dit.

Le sénateur Spivak: Non.

Le sénateur Callbeck: Certaines des préoccupations du public au sujet des poids lourds portent sur les heures de travail de même que la longueur ou la taille des camions. Si j'ai bien compris, l'automne dernier, l'Ontario a cherché à augmenter la longueur des camions. Où en sont les choses? Avez-vous eu des discussions avec les provinces? En sera-t-il question dans le Code canadien de sécurité? Est-ce que cela en fait partie? Je voudrais savoir ce que vous avez à nous dire à ce sujet.

M. Sweet: Le Code canadien de sécurité ne comprend pas de norme portant spécifiquement sur le poids ou la longueur des véhicules commerciaux. Un protocole d'entente a été conclu entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral au sujet du poids et des dimensions des camions.

Cela dit, le code ne comprend pas de norme traitant spécifiquement du poids et des dimensions. Je dois dire que la norme sur les cotes de sécurité aborde le sujet indirectement.

Permettez-moi de m'expliquer. Plusieurs facteurs entrent dans l'établissement d'une cote de sécurité. L'un de ces facteurs sera le rendement du transporteur en ce qui concerne le poids et les dimensions, si je peux m'exprimer ainsi. Si un transporteur est mis à l'amende parce que ses véhicules dépassent la longueur ou le poids permis, il en sera tenu compte pour établir sa cote de sécurité. Bien que le code ne comporte pas de norme se rapportant au poids et aux dimensions, le rendement du transporteur à cet égard est un facteur qui sera pris en considération.

Le sénateur Finestone: Cela va-t-il payer le coût de réparation des routes lorsqu'elles s'abîment? Les routes sont détruites et nous n'avons aucun règlement à cet égard.

Le sénateur Callbeck: Vous dites que la longueur sera incluse. Chaque province pourrait-elle autoriser une longueur différente? Va-t-on songer à normaliser la longueur des camions ou à la contrôler?

M. Sweet: Le protocole d'entente dont j'ai parlé a été conclu en 1988, je crois. Il porte sur le poids et les dimensions. Il a été modifié une ou deux fois et peut-être trois fois depuis. En fait, l'Ontario et le Québec ont récemment conclu une nouvelle entente sur le poids et les dimensions.

On peut dire que cette question a davantage été abordée sur une base régionale. Quand vous parlez de l'uniformité des poids et dimensions sur le plan national, c'était un de nos objectifs, mais en réalité, les modalités à cet égard sont davantage régionales que nationales.

Sans vouloir parler comme un bureaucrate, je dirais que la question des poids et dimensions est également du ressort de notre groupe de la politique. Cela relève davantage du groupe de M. Ranger que de celui que dirige M. Elliott et dont je fais également partie.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que le protocole d'entente au sujet des poids et dimensions avait été signé en 1990. Quelle est sa teneur? Confère-t-il la moindre obligation?

M. Sweet: Je devrais peut-être, pour vous aider, obtenir davantage de renseignements sur ce protocole. Comme je l'ai dit, ce domaine n'entre pas vraiment dans notre champ de responsabilité, mais plutôt celui du groupe de la politique de Transports Canada. Nous serions toutefois prêts à vous fournir des renseignements complémentaires si cela vous intéresse.

La présidente: Si vous pouvez nous fournir de plus amples renseignements, nous les distribuerons aux membres du comité. En attendant, les sénateurs Spivak et Forrestall ont posé des questions qui peuvent être soumises à M. Ranger et nous demanderons à ce dernier de nous faire parvenir les réponses. Je comprends que vous ne puissiez pas répondre à toutes les questions.

Je vous remercie d'être venus ici aujourd'hui. Si nous avons besoin de renseignements complémentaires, nous vous le ferons savoir.

Le sénateur Spivak: Devons-nous obtenir d'autres opinions au sujet de l'ALENA et de sa mise en oeuvre?

La présidente: J'ai mentionné cette demande.

Le sénateur Spivak: Peut-être pourrions-nous faire venir une personne compétente dans ce domaine?

La présidente: Je vous le ferai savoir le plus tôt possible.

Je demanderais au comité directeur de bien vouloir rester pour discuter et préparer un rapport.

La séance est levée.


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