37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
Choisissez une session différente
Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 7 - Témoignages du 8 mai 2001
OTTAWA, le mardi 8 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, à qui a été confiée l'étude du projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion, se réunit aujourd'hui à 9 h 35 pour examiner ledit projet de loi. Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil. [Traduction] La présidente: Nous allons nous pencher aujourd'hui sur le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion. Nous aurons le plaisir d'entendre l'honorable Sheila Finestone, P.C., la marraine du projet loi. Sénateur Finestone, je vous cède dès maintenant la parole. L'honorable Sheila Finestone: Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître devant vous au sujet de la modification que je propose qu'on apporte à la loi régissant le CRTC. J'apprécie la présence de mes collègues. Le projet de loi S-7 vise à modifier la Loi sur la radiodiffusion. Le sommaire du projet de loi mentionne que ce texte modifie la Loi sur la radiodiffusion afin de permettre au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes d'établir par règlement les critères d'attribution de frais à des intervenants à ses instances. Alors que les règles de procédure découlant de la Loi sur les télécommunications prévoient déjà l'attribution de frais aux intervenants, rien n'est prévu en ce sens dans les règles de procédure de la Loi sur la radiodiffusion. Les règles de procédure du CRTC définissent clairement les critères d'attribution de tels frais. C'est au Conseil qu'il incombe de déterminer si l'intervention mérite l'attribution de frais. Les intervenants ont également le droit de demander une exemption quand ils comparaissent devant le CRTC. Par ailleurs, ce projet de loi touche l'Association canadienne des radiodiffuseurs dont les membres sont, par définition, des organismes sans but lucratif - bien qu'il s'agisse là d'une définition différente de celle que vous et moi utiliserions normalement. Parmi les 600 membres de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, il y a les grandes sociétés que nous connaissons bien aujourd'hui. Les entreprises de ce secteur représentent une industrie dont le chiffre d'affaires s'élève à 4 milliards de dollars et qui emploie plus de 30 000 Canadiens. Elles investissent près d'un milliard de dollars par an, ce qui permet la production de milliers d'heures de programmation canadienne. Et surtout, elles exercent une influence sur la vie quotidienne de tous les Canadiens. Nous pouvons être fiers des efforts que déploient nos radiodiffuseurs pour promouvoir le contenu canadien et offrir aux consommateurs canadiens une programmation de qualité. Cela dit, les entreprises et les situations sont fort différentes aujourd'hui de ce qu'elles étaient autrefois. Les secteurs de la radiodiffusion et des télécommunications sont de nos jours de plus en plus convergents. Nous devons garder cet important fait à l'esprit, car les consommateurs sont directement touchés par les décisions du CRTC. La ligne de démarcation entre les mandats de celui-ci en matière de télécommunications et de radiodiffusion respectivement est difficile à établir. En matière de télécommunications, les intervenants qui sont en mesure de démontrer qu'ils connaissent bien et comprennent bien le dossier et qui apportent aux audiences des éléments d'information pertinents se voient attribuer des frais, alors qu'en matière de radiodiffusion, sur des questions pourtant convergentes et qui mettent sérieusement en cause les intérêts des consommateurs, les intervenants n'obtiennent aucun frais. Il est très coûteux d'affronter une industrie qui a un chiffre d'affaires de 4 milliards de dollars et des revenus annuels d'un milliard de dollars et qui dispose d'une pléiade d'avocats habiles et qualifiés. Pendant ce temps, les porte-parole d'organismes comme le Centre pour la défense de l'intérêt public ou l'Association des consommateurs du Canada ont parfois du mal à trouver les fonds voulus pour être en mesure d'intervenir. Il est important de se rappeler que l'opinion des consommateurs a un impact formidable sur les audiences concernant la radiodiffusion. En cette époque où la transparence et l'ouverture revêtent tant d'importance, il est impérieux que la voix des consommateurs soit entendue. Leurs vues doivent être prises en compte si elles apportent d'intéressants éléments d'information au CRTC et si le Conseil juge qu'elles sont utiles à ses audiences. Je tiens à insister sur l'importance d'un certain aspect de la question, qui est d'ailleurs à la base de la modification que je propose qu'on apporte à la Loi sur la radiodiffusion. Aux termes des articles 56 et 57 de la Loi sur les télécommunications, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, que je vais appeler ici le CRTC, a le pouvoir d'accorder une compensation aux organisations ou aux particuliers qui comparaissent devant lui lors de ses instances sur les télécommunications. Par contre, la Loi sur la radiodiffusion ne contient pas de telle disposition, de sorte que le CRTC n'a le pouvoir ni d'attribuer des frais ni d'établir les critères d'attribution de tels frais en vertu de cette loi. Cette divergence entre les deux lois a créé des déséquilibres et des inégalités. Aux audiences du CRTC sur la radiodiffusion, les représentants de sociétés puissantes et bien financées sont entendus, alors que la voix de la société civile ne l'est pas. Les organisations de consommateurs, qui représentent les intérêts des citoyens, sont souvent empêchées par des contraintes d'ordre financier de participer pleinement et efficacement à ces audiences. Plus précisément, ces organisations y sont entendues, mais elles ne le sont pas dans la mesure où elles le souhaiteraient. Elles ne comparaissent pas aussi souvent qu'elles le devraient dans l'intérêt des consommateurs, car elles n'ont pas les moyens financiers de le faire. Vous et moi payons des frais mensuels pour les services de télévision et de câblodistribution, et notre voix devrait être entendue. Ces déséquilibres et inégalités ne sont pas normales dans notre régime démocratique. Pourquoi est-il essentiel de modifier la Loi sur la radiodiffusion? Cette modification fera concorder cette loi avec la Loi sur les télécommunications, et elle assurera la symétrie et l'équilibre entre ces deux lois. Ainsi, les consommateurs pourront être traités en toute équité et égalité dans toutes les instances du Conseil, que ces instances se déroulent en vertu de la Loi sur la radiodiffusion ou en vertu de la Loi sur les télécommunications. Avec l'évolution rapide de la technologie, la distinction entre radiodiffusion et télécommunications s'estompe. Il est difficile de distinguer où commence l'un et où finit l'autre. Cette modification profitera à la population canadienne en permettant aux consommateurs et aux groupes d'intérêt public de se voir attribuer des frais pour représenter adéquatement les intérêts des citoyens dans le cadre du processus d'établissement des politiques et règlements en matière de radiodiffusion et de câblodistribution. Étant donné que les frais ainsi attribués se répercutent sur la facture mensuelle des abonnés aux services de télédiffusion, d'Internet et de télécommunications internationales, les consommateurs devraient avoir le droit d'exprimer leur opinion. La modification proposée est largement appuyée par les groupes de consommateurs de tout le Canada, car ils savent combien il est important qu'en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, ils puissent participer aux instances du CRTC et y être représentés au même titre que les sociétés. Nombre des questions qui y sont examinées touchent directement le consommateur et ont une incidence sur le coût de son abonnement. Étant donné que la contribution d'intervenants du grand public est également utile dans l'établissement des plans d'affaires, cette modification présente de l'intérêt non seulement pour les consommateurs, mais également pour les sociétés. Cette modification n'aura pas d'incidence sur les règles de procédure existantes du CRTC concernant l'attribution de frais. Aux termes de ces règles, toute partie impliquée peut demander au CRTC d'être soustraite à l'obligation de payer des frais à un intervenant sur la base d'un motif valable. Le CRTC étudiera chaque demande, et, s'il juge qu'il a des motifs suffisants de le faire, il accordera l'exemption demandée. De même, le CRTC examinera chaque demande d'intervention et établira si l'information que l'intervenant apportera est pertinente au litige et utile au processus, auquel cas il attribuera des frais. Les critères permettant d'évaluer ce qu'il en est dans chaque cas sont déjà établis dans la Loi sur les télécommunications, et il incombera au CRTC de déterminer si les mêmes critères peuvent s'appliquer au volet radiodiffusion. La modification proposée ne va pas à l'encontre du processus d'adjudication des frais du CRTC. Il a été prouvé, par le passé, que ce processus comporte plusieurs étapes, qu'il est non punitif, fluide et adaptable et qu'il varie en fonction des circonstances. La modification proposée assurera que les particuliers ou groupes qui sont ou pourraient être directement touchés - sur les plans économique, culturel, social, éducationnel, environnemental ou linguistique - par un programme ou un projet faisant l'objet d'un examen par le CRTC aient raisonnablement la possibilité d'examiner l'information soumise par le demandeur et les autres parties intéressées, de présenter un témoignage pertinent à la demande, de contre-interroger, au besoin, les personnes qui soumettent des éléments d'information pertinents, et de faire valoir leurs arguments devant le CRTC concernant le projet. La modification proposée assurera l'application intégrale de la Loi de 1991 sur la radiodiffusion. L'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion dit: Le système canadien de radiodiffusion devrait: (i) servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada, (ii) favoriser l'épanouissement de l'expression cana dienne en proposant une très large programmation qui traduise des attitudes, des opinions, des idées, des valeurs et une créativité artistique canadiennes [...] (iii) [...] répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l'égalité sur le plan des droits, la dualité linguistique et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ainsi que la place particulière qu'y occupent les peuples autochtones [...] Les rachats d'entreprises et les participations croisées dans le secteur de la radiodiffusion ont créé de nouvelles sociétés monolithiques, les soi-disant «géants médiatiques». Alors que l'information devient de moins en moins pluraliste, la société civile, de son côté, ne dispose d'aucun moyen pour se faire entendre. Qui véhiculera et fera valoir les souhaits et aspirations des Canadiens et des Canadiennes, de la population canadienne en général, des auditeurs et des téléspectateurs? Qui protégera les droits du consommateur et mettra en évidence le caractère pluraliste et multiculturel de notre société? Il est clair que le CRTC a pour mandat: de gérer, dans l'intérêt public, le délicat équilibre entre les objectifs culturels, sociaux et économiques des lois sur la radiodiffusion et les télécommunications [...] d'assurer une programmation dont le contenu reflète [...] les talents créateurs canadiens, notre dualité linguistique, notre diversité multiculturelle, la place particulière qu'occupent les peuples autochtones dans notre société, et nos valeurs sociales [...] De même, nous devons veiller à ce que le CRTC ait accès à de l'information savante, bien documentée et pertinente pour être en mesure de maintenir ce délicat équilibre tout en prenant des décisions qui soient équitables envers le milieu des affaires. La modification proposée nous permettra de nous livrer à un nouvel exercice de démocratie qui, selon moi, s'impose. Elle contribuera à la sauvegarde et à la défense de nos principes et de nos valeurs en conciliant les intérêts de toutes les parties concernées et en faisant en sorte que toutes les voix soient entendues dans le processus décisionnel. Merci. J'aimerais qu'on distribue ce document de l'ACTPA, qui est une énorme organisation. C'est son plan pour 2001. Il serait intéressant que nous examinions ce qu'on y propose. Ce document est intitulé «Fair Play in the New Media Jungle». Le plan d'action de cette organisation fait état d'une nouvelle réalité qui commande de nouvelles stratégies. Madame la présidente, ces gens se penchent sur la question de l'intégration et de la consolidation verticales de l'industrie, sur la réglementation qui se ramène actuellement à de la déréglementation, sur les médias traditionnels et les nouveaux médias - sur les questions émergentes des fusions, de la vente et de la propriété des médias, ainsi que sur celle du marché, qui devient de plus en plus planétaire. Il nous faut suivre le rythme de l'évolution. Je crois que le consommateur doit avoir voix au chapitre dans les circonstances. La présidente: Merci, sénateur Finestone. Avez-vous une copie du texte de votre exposé que nous pourrions distribuer? Le sénateur Finestone: J'espère que vous avez tous reçu une copie de mes observations et de mon document d'information. La présidente: Concernant la Loi sur les télécommunications, savez-vous quel pourcentage des demandes sont acceptées? Le sénateur Finestone: De la part d'intervenants? Oui, je le sais. Permettez-moi d'essayer de le trouver. La présidente: Et concernant les frais adjugés, en connaît-on le pourcentage? Le sénateur Finestone: Du côté télécommunications, il n'y en a eu que très peu. Les montants alloués par demande ont varié de 700 $ à plus de 300 000 $ dans le cas d'audiences très compliquées et d'une durée de plusieurs jours. Ces dernières années, le montant total des frais attribués par année a été en moyenne, pour l'ensemble des intervenants, d'environ 700 000 $. Il n'y a aucune limite concernant le montant des frais qu'on peut accorder par demande ou par année. Ces chiffres sont tirés d'un exposé qui a été donné par Patrimoine canadien à propos de la politique de la radiodiffusion et dont vous recevrez tous copie. La présidente: Une copie de ce document a été envoyée aux bureaux des sénateurs. Peut-être ne renseigne-t-il pas sur les pourcentages. Le sénateur Finestone: Je ne crois pas avoir en main les pourcentages. J'ai quelques données historiques sur les attributions de frais, et je dois remercier Terrence Thomas, qui a préparé ce document. Le montant des frais attribués est modeste. Pour l'année 2000, il y a eu 18 ordonnances de frais en vertu de la Loi sur les télécommunications. Naturellement, il n'y en a pas eu d'adjudication de frais en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Dans 5 de ces 18 cas, le montant des frais n'a pas été fixé; les frais attribués dans les autres cas se sont élevés au total à 34 354 $. Le montant attribué en moyenne est de 2 642 $. Le montant des frais dans chaque cas se situait entre 152 $ et 5 923 $. Pour ce qui est des cinq cas où le montant des frais n'a pas été fixé, ce montant sera établi par voie de taxation, ce qui signifie que le CRTC examinera et évaluera ces interventions et déterminera quel pourcentage mérite considération en vue de la taxation. On utilise ce terme parce qu'on demande aux sociétés concernées d'assumer le solde des frais. La présidente: Merci, sénateur Finestone. Le sénateur Forrestall: J'ai quelques préoccupations d'ordre général. De récentes discussions semblent militer en faveur de l'argument voulant qu'il serait souhaitable que la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications relèvent plutôt, comme d'ailleurs certaines autres lois, de la compétence du Bureau de la concurrence. Le Bureau de la concurrence est en mesure d'agir plus rapidement, et ses règles de procédure lui permettraient sans problème de s'occuper de l'attribution des frais. Je comprends votre position, mais nous sommes sur le point d'opérer des changements en ce qui touche cet important organisme. Ce projet de loi ne serait-il pas un peu prématuré? À mon avis, nous devrions attendre de voir comment les choses évolueront à cet égard d'ici un an ou deux. Je souscris à l'idée qui est à l'origine de cet amendement, qui vise à faire en sorte qu'on accorde un dédommagement raisonnable aux intervenants qui comparaissent pour exprimer des points de vue légitimes concernant la Loi sur la radiodiffusion au même titre que ceux qui le font au regard de la Loi sur les télécommunications. Sur un plan général, la question des intervenants touchés me laisse quelque peu perplexe. Une personne peut se voir reconnaître le droit d'intervenir à une audience et d'y exprimer son point de vue, les autorités compétentes jugeant, dans toute leur sagesse, qu'elle est admissible au statut d'intervenant. Cette reconnaissance ne donne toutefois pas forcément droit au remboursement de frais. Puis, il y a des cas où on demande à des témoins de comparaître pour exprimer leur point de vue. Ce sont là deux situations tout à fait différentes. L'une des deux peut donner lieu à un dédommagement et l'autre, pas. Cherchez-vous à régler du même coup tous ces détails, alors même que nous nous demandons où nous en serons à cet égard dans deux ou trois ans? Le sénateur Finestone: Non, je ne cherche pas à trouver réponse à toutes ces questions. J'essaie simplement d'obtenir qu'on fasse en sorte que vous et moi qui payons un abonnement au câble puissions avoir l'assurance que nos préoccupations seront entendues et nos intérêts, défendus. Je suis une anglophone qui vit à Montréal. Je veux être sûre de pouvoir capter les chaînes anglaises tout comme les chaînes françaises. Je tiens à ce qu'on m'offre suffisamment de contenu canadien. Au moment où toutes ces sociétés s'emploient à se regrouper, à assumer de nouvelles responsabilités et à prendre de nouvelles orientations, je tiens également, en tant que consommatrice, à avoir l'assurance que j'obtiendrai le maximum pour mon argent, pour ainsi dire. Comment serai-je entendue? Je présume et j'espère que nos points de vue seront véhiculés par les associations de consommateurs, comme Dignité rurale et d'autres qui représentent la base et qui parlent au nom des gens ordinaires. Je sais par expérience que les interventions de ces groupes de consommateurs se sont révélées fort efficaces pour prévenir l'imposition de frais exorbitants qui auraient autrement été refilés au consommateur. Ce qu'on exige de celui-ci peut varier indûment. S'il devait normalement m'en coûter 68 ¢ pour capter telle émission sur mon téléviseur, le câblodistributeur n'en serait pas moins dans son droit de me réclamer d'autres frais ou de majorer ma facture. Qui défendra mes intérêts contre Vidéotron, Rogers, Shaw ou tout autre câblodistributeur? Les organisations de consommateurs expliqueront pourquoi les prix ne devraient pas être aussi élevés que ne le demandent les câblodistributeurs. Je ne blâme pas les entreprises d'essayer d'obtenir ce qu'elles réclament, mais je crois que les consommateurs devraient également pouvoir le faire. Il appartiendrait au CRTC d'établir, sur la base des arguments qu'on lui présente des divers coins du Canada, quel serait le tarif raisonnable à imposer au consommateur. Le Canada est un pays compliqué, chers collègues. Quiconque demeure à proximité de la frontière n'a pas besoin de câble. Au moyen d'une petite antenne, qui, de nos jours, peut n'être pas plus grande qu'une toile d'araignée, on peut capter n'importe quelle émission en provenance des États-Unis. Parfois, l'antenne parabolique ne permet pas de capter la programmation canadienne. À Whiterock, en Colombie-Britannique, ou encore dans la région de London-Hamilton-Windsor, par exemple, il est très difficile de capter une programmation canadienne claire et de qualité à moins d'être abonné au câble. La disponibilité du câble est importante. Dans certaines régions, il est très coûteux de fournir des services de câblodistribution. L'entretien du câble peut également être très coûteux. Maintenant qu'on offre Internet sur le câble, la demande s'accroît. Une multitude de problèmes se posent, et je crois qu'il est encore plus vital aujourd'hui que jamais dans le passé que la voix des consommateurs soit entendue. Madame la présidente, j'espère que nous allons entendre des témoins qui pourront répondre mieux que moi à la question du sénateur Forrestall. Le sénateur Forrestall a également parlé du Bureau de la concurrence. Selon moi, il est nécessaire que les membres de l'instance appelée à entendre les doléances concernant ces questions soient hautement compétents en la matière. Le Bureau de la concurrence s'occupe de questions de tout genre, qu'elles aient trait aux chemins de fer, au camionnage, au transport aérien ou à la grande entreprise en général. La radiodiffusion est un domaine très spécialisé. Il touche tout le monde, même les enfants. Il me touche moi-même. Le sénateur Forrestall: La question de l'accès à la programmation est toujours un sujet de préoccupation. On verra peut-être une vingtaine ou une trentaine de personnes s'amener d'Ecum Secum pour demander pourquoi il leur faut se procurer une antenne parabolique pour recevoir le signal de télévision et pourquoi, même avec une telle antenne, ils ne peuvent capter CBC ou CTV. Il y a à cet égard tellement de confusion. Il pourrait arriver qu'une foule gens se plaignent de ne pouvoir capter leurs chaînes préférées. Ils pourraient dire: «Pourquoi n'ai-je pas ce genre d'accès? Pourquoi n'ai-je pas le droit de faire valoir mon point de vue? Pourquoi ne puis-je pas intervenir comme cette autre personne? Pourquoi ne me donne-t-on pas la possibilité de me défouler, moi aussi. Oui, bien sûr, je me ferais accompagner d'un avocat». Puis, on s'apercevra soudain que la personne ne réclame pas seulement un billet d'avion, une nuitée à l'hôtel et deux ou trois repas, mais également 26 heures d'honoraires d'avocat. Et voilà que la facture passera de 300 $, 400 $, 1 500 $ ou 2 000 $, à 20 000 $, sans compter l'effet multiplicateur. Je n'exagère pas, car ça s'est déjà vu. Qui paierait pour cela? Y aurait-il un fond spécial? Je crois que le gouvernement a la responsabilité de veiller à ce que les gens aient la possibilité d'exprimer leur point de vue. Les fonds proviendraient-ils des droits qu'on réclame pour l'octroi de permis? Comment envisagez-vous la chose? Avez-vous une idée de ce qu'il pourrait en coûter? Il n'est pas facile de répondre à cette question, et je vous comprends si vous n'êtes pas en mesure de le faire. Ce qu'il faudrait surtout savoir, c'est d'où proviendrait l'argent. Le sénateur Finestone: Vous avez posé un certain nombre de questions, monsieur le sénateur. D'abord, j'ai déjà mentionné qu'à cet égard, le CRTC se fonde sur des règles de procédure sérieuses et bien définies, et que c'est sa responsabilité d'établir si l'intervention est frivole ou n'a pas beaucoup de mérite. J'ai quelque part ici une liste de trois ou quatre critères auxquels l'intervenant doit répondre, mais je n'arrive pas à la retrouver. On peut obtenir cette liste auprès du CRTC. Je crois que les porte-parole du CRTC vont comparaître comme témoins. Le CRTC a le droit et la responsabilité de n'attribuer des frais que pour des interventions qui ont apporté une contribution utile à ses audiences et qui l'ont aidé à y voir plus clair et à rendre sa décision. La présidente: Je ne voudrais pas vous interrompre, mais, à propos de cette question, vous pourriez peut-être jeter un coup d'oeil à la première page des notes d'information provenant de la Bibliothèque du Parlement. Le sénateur Finestone: Concernant votre premier point, je ne dirais pas que l'intervention est frivole si l'intervenant s'est plaint de ne pouvoir capter la chaîne CBC. Je ferais de même à sa place, car cela m'apparaît important. Par contre, il pourrait y avoir une raison technique à cette situation, ce qui pourrait être établi en toute indépendance. Le sénateur Forrestall: Tout cela se ramène à une question d'argent. Le sénateur Finestone: Quant à la question de savoir d'où proviendrait l'argent, ce financement est la responsabilité du CRTC. Il pourrait s'agir d'une taxe prélevée auprès des sociétés qui comparaissent devant lui. Les revenus que touche le CRTC et qu'il remet au Trésor sont assez considérables. Le CRTC dispose de fonds qui couvrent bien davantage que ses frais de fonctionnement. S'il s'agit là de fonds perçus selon le principe de la récupération des coûts, je me demande s'ils devraient servir à financer autre chose. Je ne crois qu'ils devraient permettre la réalisation de profits. Toutefois, c'est au Conseil du Trésor, aux gestionnaires du Trésor et au CRTC qu'il appartient de négocier ce genre de choses. Ce n'est pas le financement qui me préoccupe. J'ai assisté à de nombreuses audiences sur la radiodiffusion et les télécommunications à l'époque où j'étais porte-parole en ces matières, il y a de cela un siècle, dans une vie antérieure. Je me souviens d'avoir vu de petits groupes s'amener à ces audiences après avoir amassé eux-mêmes l'argent voulu pour le faire. Chose certaine, ils ne devaient pas passer deux ou trois nuits dans autant d'hôtels différents pour déposer finalement une facture de 20 000 $. Quoi qu'il en soit, ils ne pouvaient espérer être remboursés s'il s'agissait d'audiences sur la radiodiffusion, car il n'y a encore jamais eu de règle prévoyant de tels remboursements. Ils se présentaient aux audiences, exposaient leur point de vue et s'en retournaient chez eux. Le sénateur Forrestall: Ce que j'ai voulu faire valoir, c'est que ce que vous proposez ici ouvrirait la porte à des pratiques coûteuses. Si je pense pouvoir me faire rembourser, je vais en profiter pour me bien préparer, même s'il me faut pour cela retenir les services d'un avocat. Dans toute sa sagesse, l'avocat se dira qu'il lui faudra consacrer au dossier au moins cinq jours de travail, se pencher sur les mémoires et passer deux jours à Ottawa, puis présenter une facture en conséquence. Votre proposition, si on lui donne suite, favoriserait ce genre d'attitude. Je ne m'élève pas contre cela, car si j'ai appris quelque chose au cours des quarante ans que j'ai passés à Ottawa, c'est bien que plus vous parlez d'une question ou d'une politique, plus votre argumentation devient convaincante. Plus vous êtes en mesure de tout prévoir, plus votre point de vue est inattaquable. Plus votre démonstration est ferme et agressive, plus elle a de poids. Au cours de toutes les années que j'ai passées ici, je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui ait eu raison du premier coup. Je n'ai rien contre votre proposition. Je n'y suis nullement opposé, car les meilleures idées au monde peuvent être améliorées quand elles sont confrontées à l'opinion d'autrui et qu'elles font l'objet d'un débat. Je ne vois aucune objection à ce qu'on tienne compte de cette réalité. Merci beaucoup. Je souhaite que vous obteniez ce que vous réclamez. Le sénateur Finestone: Merci beaucoup. Je me demande, madame la présidente, si je pourrais faire consigner au compte rendu l'énoncé de ce sur quoi les groupes d'experts du CRTC doivent se fonder pour attribuer des frais. Dans le cas d'un conseiller juridique, le maximum horaire varie entre 115 $ et 230 $, selon le nombre d'années d'expérience pratique de celui-ci. Je présume que le taux à attribuer dépendrait également de la qualité de la contribution de l'avocat en question aux audiences du Conseil. Les critères d'admissibilité qui permettent d'attribuer des frais à un intervenant sont les suivants: Premièrement, celui-ci doit avoir un intérêt dans l'issue de l'instance tel que lui-même ou un groupe bénéficierait ou souffrirait de l'ordonnance ou de la décision résultant de l'instance. Deuxièmement, il devra avoir participé à la procédure de manière responsable. Enfin, le dernier critère mais non le moindre, il doit avoir contribué à la compréhension des enjeux par le Conseil. L'admissibilité de l'intervenant peut faire l'objet d'un questionnement de la part des membres du Conseil et des représentants des groupes qui ont comparu devant celui-ci pour demander un changement quelconque. Je suis d'avis que le CRTC s'est montré responsable dans sa façon de rendre ses décisions en cette matière dans le secteur des télécommunications, et je présume que, dans le cas de la radiodiffusion, il établirait ses règlements en fonction des besoins particuliers de ce secteur. Selon moi, il y aurait beaucoup plus d'intervenants du côté de la radiodiffusion qu'il n'y en a eu du côté des télécommunications, car le domaine des télécommunications est hautement technique et beaucoup plus complexe que celui de la radiodiffusion. Le sénateur Fitzpatrick: J'aimerais en savoir davantage sur les critères d'attribution des frais ou sur ce qui justifie l'attribution de tels frais. Je ne suis pas tellement inquiet des abus qui pourraient se commettre à cet égard, comme l'a laissé entendre le sénateur Forrestall - bien que je n'écarte pas cette possibilité. Ce qui me préoccupe, c'est l'incidence qu'aurait l'adoption de ce projet de loi sur la représentation régionale selon l'endroit où se tiennent les audiences et la possibilité pour les gens des régions rurales ou éloignées du pays de s'y rendre, ainsi que la question de savoir si ces gens seraient traités de manière équitable et raisonnable. Par exemple, il serait beaucoup plus difficile pour quelqu'un de Dawson Creek de se rendre à Ottawa pour une audience que ce ne l'est pour quelqu'un d'Ottawa ou de Vancouver. Les critères qu'on a énoncés ici sont passablement généraux. Si nous invitons des gens à intervenir ou leur donnons la possibilité de le faire, il faudrait qu'ils connaissent d'avance quelles sont les règles à cet égard afin qu'ils puissent établir s'ils sont ou peuvent devenir admissibles au remboursement de leurs frais pour être intervenus. Par ailleurs, je constate qu'on a établi quels sont les taux qui s'appliquent dans le cas des honoraires d'avocat, mais on n'a pas précisé le nombre d'heures de travail d'avocat qu'on pourrait rembourser et de quelle distance pourraient venir les avocats ou les personnes qui désirent intervenir dans les délibérations du Conseil. J'applaudis à l'intention de cette proposition. Cependant, si nous entendons encourager les gens à faire valoir leur point de vue - notamment si ces personnes viennent des régions rurales -, il serait souhaitable que les intéressés sachent comment participer aux audiences, combien il leur en coûtera pour ce faire, et dans quelle mesure ils risquent de se voir refuser le remboursement de leurs frais. La présidente: Avant que vous ne répondiez à cette question, je vous fais remarquer que l'article 2 du projet de loi traite de l'établissement des critères d'attribution des frais. C'est donc dire que ces critères seraient établis avant qu'on attribue quelque frais que ce soit. Le sénateur Fitzpatrick: Je veux bien, mais je crois que les intéressés devraient savoir d'avance quels sont en gros, voire précisément, ces critères afin qu'ils puissent décider en pleine connaissance de cause s'ils désirent toujours faire une demande d'intervention. Le sénateur Finestone: Vous avez là une question valable. Avant la date des audiences, le CRTC émet un avis public détaillé à cet égard. Les gens de l'industrie sont déjà familiers avec cette procédure, et on prend soin de bien renseigner les consommateurs à cet égard. Je doute d'ailleurs qu'il y ait une foule de groupes qui demandent qu'on leur attribue des frais. Pour savoir ce à quoi ils doivent s'attendre, les intéressés peuvent toujours appeler le CRTC. On leur fournira une liste en trois points pour les aider à se préparer en vue de l'audience. Je suis sûre que le CRTC a prévu une définition de ce à quoi chaque catégorie d'intervenants a droit. Ce serait là une bonne question à poser aux porte-parole du CRTC. Il est difficile d'estimer d'avance le nombre de personnes qui feront une telle demande et à combien pourront s'élever les frais attribués. Si on regarde ce qu'il en a été dans le passé, on note qu'en 1997-1998, le CRTC a traité 1 379 demandes relatives à la télévision, à la radio, à la câblodistribution ainsi qu'aux chaînes de télévision payantes ou spécialisées. Ce chiffre comprend les demandes ayant trait à l'obtention de nouveaux permis, à des modifications et à des renouvellements de permis, à des transferts de propriété et à la tarification des services de câblodistribution. Le Conseil a en outre, toujours en matière de radiodiffusion, rendu 658 décisions et émis 143 avis publics. Le Conseil n'a été en mesure d'attribuer des frais pour aucune de ses audiences relatives à la radiodiffusion. Le Conseil a par ailleurs traité cette année-là 2 124 demandes en matière de télécommunications, en plus d'avoir tenu des audiences sur ces questions. Il a rendu des décisions dans 1 912 dossiers ayant trait aux télécommunications et émis des avis publics, des ordonnances, des ordonnances de frais ainsi qu'un total de 15 ordonnances de taxation de frais. Cela représente une énorme somme de travail et indique peut-être que le CRTC devrait demeurer une entité distincte plutôt que de passer sous la responsabilité du Bureau de la concurrence. Cette charge de travail peut varier d'une année à l'autre. Il faut dire également que le Conseil se déplace dans l'exercice de ses fonctions, et je crois que ses porte-parole pourraient comparaître devant notre comité. Le CRTC est un organisme réglementaire itinérant; il visite différentes parties du pays, tout comme il a des bureaux dans diverses régions afin de permettre aux intéressés d'avoir plus facilement accès à ses ressources. Je souhaite que vous mettiez ces questions en réserve pour les poser aux représentants du CRTC et que vous demandiez aux porte-parole des associations de consommateurs s'ils ont des problèmes dont ils aimeraient nous faire part. Le sénateur Forrestall: À une autre étape de l'étude du projet de loi S-7, le sénateur Gauthier a soulevé énergiquement un point, et je le cite: [...] Le projet de loi S-7 autorise le Conseil, mais non ses groupes d'experts, à attribuer des frais. La modification que vous proposez aurait-elle pour effet de conférer ce droit à ces groupes également? Le sénateur Finestone: Oui, monsieur. Je pense que, si l'amendement que je propose est adopté, le sénateur Gauthier se jugera enfin traité comme il le mérite. Il a consacré des centaines d'heures de recherche à la préparation de son discours sur ce sujet. Ses observations revêtaient une importance absolument cruciale et reflétaient son intérêt pour la dualité linguistique du Canada et son souhait de voir TFO pénétrer non seulement en Ontario mais également au Québec. Les efforts qu'a déployés à cet égard le sénateur Gauthier portaient sur une question très importante. Il a investi personnellement des milliers de dollars dans cette lutte. Peut-être qu'il comparaîtra devant notre comité et qu'il nous en parlera lui-même. Le sénateur Forrestall: Je me souviens d'avoir lu à ce sujet et je me réjouis de votre réponse. Je tenais à ce que le nom du sénateur Gauthier figure au compte rendu à propos de cette question. Le sénateur Finestone: Nous sommes assis côte à côte au Sénat. Je l'appuie sans réserve dans son combat. Le sénateur Milne: Sénateur Finestone, pourquoi, selon vous, le gouvernement n'a-t-il pas dès le départ traité à cet égard sur un pied d'égalité la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications comme votre proposition d'amendement veut qu'on le fasse? Y a-t-il une explication à cela? Le sénateur Finestone: C'est une bonne question. Je ne saurais toutefois y répondre. Si j'ai bonne mémoire, nous avons, en dedans de huit ou dix ans, revu à trois reprises la Loi sur la radiodiffusion. Nous nous sommes penchés de très près sur cette loi. Je ne me rappelle pas que cette question ait jamais été soulevée. Peut-être que ma mémoire est défaillante. Je devrai revoir les divers témoignages que nous avons alors entendus. Nous avons voyagé et apporté d'énormes changements à la Loi sur la radiodiffusion, pour ne pas dire que nous l'avons complètement remaniée. Je ne crois pas qu'on ait entendu des témoins se plaindre à propos de l'attribution de frais. La situation était certes différente à ces époques. Je me souviens que nous avons réussi à épargner aux consommateurs des millions de dollars en faisant rejeter une demande d'augmentation des frais d'abonnement au câble qui était sur le point d'être acceptée. Les groupes de consommateurs concernés ont présenté un exposé crédible des raisons pour lesquelles cette augmentation ne devait pas être autorisée. Je suis sûre que les porte-parole du Centre pour la défense de l'intérêt public pourront vous fournir plus de détails concernant cet épisode lorsqu'ils comparaîtront devant nous. Je ne me rappelle pas qu'une telle modification à la Loi ait été proposée. Pourtant, il s'agit là d'une absence tellement manifeste de concordance entre les deux lois. Il faut dire qu'à cette époque, nous n'assistions pas à un tel mouvement de convergence et de participations croisées dans le domaine des médias. Les sociétés de ce secteur n'étaient pas les gigantesques conglomérats que nous connaissons aujourd'hui, qui sont maintenant impliquées dans la câblodistribution, la radiodiffusion, les chaînes de nouvelles et les journaux. À ce moment-là, on aurait jugé inacceptable de tels investissements croisés dans le secteur des médias. Aujourd'hui, on voit ça autrement. La présidente: Merci beaucoup de nous avoir fourni des réponses aussi claires, sénateur Finestone. Nous sommes très fiers de ce que l'une des nôtres comparaisse ainsi devant notre comité. Demain, nous accueillerons les représentants d'Action-Réseau Québec et du Centre pour la défense de l'intérêt public. Nous nous réunirons à 17 heures pour entendre les sénateurs Austin et Stratton à propos de la restructuration des sous-comités sénatoriaux conformément à l'ordre de renvoi du 15 mars au Comité des privilèges, du règlement et de la procédure. On voudrait entendre nos vues sur la question. Nous allons y consacrer une demi-heure, après quoi nous entendrons nos autres témoins, à compter de 17 h 30. La séance est levée.