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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 15 mai 2000

Le comité sénatorial permanent des transports et descommunications se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier le projet de loi S-7, la Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Nous avons le plaisir ce matin d'accueillir Mmes Janet Yale et Elizabeth Roscoe, et M. Nick Masciantonio de l'Association canadienne de télévision par câble (ACTC).

Madame Yale est présidente et directrice de l'Association, et Mme Roscoe, est vice-présidente aux relations externes. Nous sommes prêts à entendre vos témoignages.

Mme Janet Yale, présidente et directrice de l'Association canadienne de télévision par câble: Je vous remercie de l'occasion que vous nous offrez de comparaître devant votre comité dans le cadre de l'examen du projet de loi S-7.

[Traduction]

L'Association canadienne de télévision par câble (ACTC) est l'organisation nationale du secteur de la télévision par câble. Nous représentons 846 entreprises de câblodistribution détentrices d'un permis fédéral qui, ensemble, dispensent des services decommunications aux Canadiens, desservant plus de 7,7 millions de résidences et plus de 500 000 clients commerciaux d'un océan à l'autre.

Les services de télévision par câble qu'offrent nos membres sont régis par le CRTC. Les permis qu'ils détiennent, les renouvellements qu'on leur accorde et les services qu'ils donnent sont tous approuvés et autorisés par le CRTC.

Le processus d'approbation des activités des entreprises de câblodistribution est administré par le CRTC. Le public peut intervenir lors des audiences du CRTC. Ces dernières années, on a modifié ce processus d'audience pour permettre une plus grande participation du public. Le Conseil a multiplié les audiences régionales et les consultations publiques et encouragé laparticipation individuelle au moyen de téléconférences et de vidéoconférences tout en facilitant l'accès du public au système de classement des documents électroniques et à l'Internet.

[Français]

L'objectif de la modification mise de l'avant dans le projet de loi à l'étude est, si nous le comprenons bien, de stimuler la participation du public et d'assurer un certain financement aux groupes de défense de l'intérêt public. La modification a pour but d'établir un mécanisme qui procurerait à ces groupes les moyens financiers de participer de plus près au débat sur les questions touchant le secteur de la radiodiffusion sur lesquelles se penche le CRTC, en leur permettant d'étayer leur intervention sur des études plus poussées.

Disons d'emblée que nous appuyons le principe que sous-tend cette modification. Il est effectivement important d'assurer un financement stable aux groupes de défense de l'intérêt public pour qu'ils participent aux délibérations touchant la radiodiffusion.

[Traduction]

Bien que nous appuyions le principe du financement accordé aux groupes de défense de l'intérêt public, nous aimerions faire des commentaires sur les moyens proposés pour assurer le financement aux intervenants. Nous nous opposons au mécanisme prévu dans le projet d'amendement en vertu duquel on établirait «par règlement les critères d'attribution des frais relatifs aux instances devant le Conseil, [lequel pourrait être autorisé] à taxer ou à fixer les frais payables par les parties».

Nous croyons qu'il y a une meilleure solution, que nous vous soumettrons ce matin. Les avantages de notre proposition sont doubles: premièrement, un financement stable accordé d'avance aux groupes de défense de l'intérêt public et deuxièmement, une réaffectation à même les ressources existantes plutôt que l'imposition d'une charge ou taxe additionnelle à notre industrie. Si vous le permettez, je vais vous expliquer brièvement notre proposition.

Conformément à la réglementation du CRTC, les entreprises de distribution de radiodiffusion sont tenues de verser des droits pour obtenir leur licence. Le Conseil impose ces droits en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications pour couvrir ses coûts. Les droits de licence de radiodiffusion comportent deux éléments. La partie I couvre les coûtsopérationnels ou réglementaires de la Direction générale de la radiodiffusion du CRTC. Quant à la partie II, elle est versée au Trésor et couvre plusieurs éléments: le loyer économique pour l'utilisation d'une ressource publique restreinte, c'est-à-dire le spectre de la radiodiffusion ainsi que les coûts et droits de gestion du spectre d'Industrie Canada en reconnaissance de l'avantage commercial que nous touchons pour détenir et exploiter une licence dans un marché donné.

En 2000, les entreprises de câblodistribution, à elles seules, ont versé 2 millions de dollars en droits de licence de la partie I et 47 millions de dollars en droits de la partie II. Au total, le secteur de la radiodiffusion a versé 22,2 millions de dollars en 2000-2001 au titre des droits de la partie I pour couvrir les coûts du CRTC et 81,1 millions de dollars de droits additionnels au titre de la partie II au Trésor. Comme je l'ai dit, les droits au titre de la partie I couvrent amplement les coûts de fonctionnement de la Direction générale de la radiodiffusion du CRTC, qui sont établis à 16,6 millions de dollars.

Ensemble, les deux composantes des droits de licence de radiodiffusion sont supérieures aux coûts de fonctionnement du CRTC. Nous soumettons qu'une légère réaffectation des droits de licence au titre de la partie II suffirait pour financer les fonds des intervenants pour les instances de radiodiffusion.

À notre avis, cette proposition comporte deux avantages. Une allocation, ne serait-ce que de un demi de 1 p. 100, des droits de licence au titre de la partie II constituerait un fonds important, soit à peu près 400 000 $, qui serait versé aux intervenants à partir des ressources existantes.

Ce fonds pourrait être établi annuellement, permettant ainsi aux groupes d'intervenants de présenter une demande d'approbation préalable de leurs programmes de recherche. Nous croyons que ce mécanisme d'approbation préalable du financement constitue une réelle amélioration par rapport au mécanisme décrit dans le projet de loi, qui prévoit rembourser les intervenants une fois qu'ils ont engagé les fonds.

[Français]

Nous encourageons le comité à discuter d'une telle réaffecta tion des fonds tirés des droits de licence de la partie II avec les autres représentants compétents du gouvernement, en particulier avec le Conseil du Trésor et le CRTC, pour voir quelle serait la meilleure façon de l'effectuer.

Comme je l'ai déjà dit, nous sommes tout à fait en faveur de l'apport d'un soutien financier aux groupes de défense de l'intérêt public, mais nous nous opposons à la modification proposée, qui instituerait un mécanisme de remboursement et imposerait des frais supplémentaires à l'industrie.

[Traduction]

Nous croyons que le secteur de la câblodistribution verse des ressources importantes au gouvernement du Canada. Comme nous l'avons signalé, notre secteur verse plus de 60 millions de dollars par année en droits de licence au titre de la partie I et de la partie II et en impôts des sociétés. En outre, les entreprises de câblodistribution versent 5 p. 100 de leurs recettes brutes pour appuyer la création d'émissions canadiennes, dont 70 millions de dollars sont versés annuellement au Fonds de la télévision canadienne. À notre avis, nous faisons notre part.

Nos entreprises estiment que le gouvernement devrait être en mesure d'atteindre son objectif stratégique, qui est de faire participer les groupes publics aux délibérations du CRTC, grâce à l'attribution des ressources existantes.

Je vous remercie de nous avoir permis de comparaître devant votre comité. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

La présidente: Vous avez dit que cette proposition comporte deux avantages: une attribution d'un demi de 1 p. 100, soit environ 400 000 $. À votre avis, combien faudrait-il?

Mme Yale: Votre question est très intéressante. C'est difficile à dire. Je crois que le CRTC devrait établir des critères, en vertu du mécanisme qui serait adopté, pour décider sur quelle base les groupes pourraient obtenir de l'argent et à quelles fins.

Si vous me permettez de prendre quelques instants dès le départ, il est très important de faire une nette distinction entre les instances de télécommunications et les instances de radiodiffu sion. Comme vous le savez, les instances de télécommunications sont de nature quasi judiciaire. On y présente des preuves formelles. Dans les instances de télécommunications, les fonds accordés aux intervenants visent en réalité à couvrir les coûts de constitution des preuves matérielles et les honoraires des avocats en contre-interrogatoire et d'autres activités menées dans le cadre de ces instances.

De par leur nature même, les instances de radiodiffusion sont très différentes. Les gens rédigent des mémoires. Je ne crois pas que personne ne propose sérieusement que les gens devraient être indemnisés pour écrire une lettre de deux pages ou pour comparaître lors d'une instance sur une politique deradiodiffusion. D'après ce que je comprends, les groupes d'intervenants veulent avoir la possibilité de faire des recher ches - qui sont coûteuses en soi - surtout pour les groupes qui ne disposent pas d'importantes ressources.

Compte tenu du nombre d'instances annuelles de radiodiffusion et des quelques groupes qui veulent réaliser des études pouvant coûter de 25 000 à 50 000 $ chacune, selon l'ampleur de la recherche, on peut imaginer qu'une cagnotte annuelle de 300 000 ou 400 000 $ pour financer ces groupes seraitsuffisante. C'est pourquoi nous avons proposé un chiffre de cet ordre de grandeur.

La présidente: J'ai l'impression que le CRTC voudra établir des critères avant d'accorder de l'argent aux personnes qui comparaissent devant lui dans le secteur de la radiodiffusion.

Mme Yale: Le mécanisme que nous proposons permettrait au CRTC de disposer d'un fonds à l'avance. Par conséquent, les groupes de défense de l'intérêt public n'auraient pas à chercher ou à emprunter l'argent et espérer qu'après coup le CRTC les rembourse ou que d'autres remboursent le CRTC pour qu'on puisse leur redonner l'argent. Ils présenteraient plutôt une demande et indiqueraient qu'ils se proposent de faire telle ou telle forme de recherche en vue d'une instance. Le CRTC disposerait de critères pour évaluer si la demande est raisonnable ou non. Dans l'affirmative, les requérants se verraient accorder l'argent nécessaire pour leur projet de recherche et ils auraient la certitude d'avoir l'argent avant de faire le travail, sans se demander s'ils seront remboursés après coup.

Le sénateur Forrestall: Dans l'ensemble, je suis d'accord avec vous que nous ne devrions pas verser des sommes importantes à des gens pour qu'ils rédigent un mémoire de deux ou trois pages, qu'ils glissent à la poste ou viennent présenter lors d'une audience. Souvent, il en coûte pratiquement rien pour rédiger un mémoire. Par contre, il peut être assez difficile d'assumer les coûts de présentation. Cela dit, je suis en accord avec cette idée.

Ai-je raison de penser que la somme mentionnée dans votre mémoire est suffisante pour absorber les coûts qui semblent avoir été accordés dans le passé. Est-ce exact?

Mme Yale: Actuellement, le CRTC n'alloue aucuns frais pour les instances touchant la radiodiffusion. Nous nageons tous un peu dans le vague quant à savoir de quel ordre de grandeur seraient les demandes de financement des groupes de défense de l'intérêt public. Comme je l'ai dit, cela est très difficile à évaluer. Nous proposons que le CRTC établisse des critères selon lesquels l'argent serait versé pour la préparation ou la réalisation de recherches quantitatives qui, autrement, ne seraient pas présentées au Conseil mais qui l'aideraient dans ses délibérations.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Lorsque nous avons des instances en vue de la délivrance de licence pour une nouvelle station radio AM ou FM, une nouvelle licence de télévision ou de chaîne spécialisée, le requérant fait toujours une étude de consommation pour établir sans équivoque qu'il existe une demande incroyable pour le service qu'il propose d'offrir. Tout le monde essaie de prouver que son projet est dans le plus grand intérêt des consommateurs, et qu'il répond parfaitement aux voeux et aux attentes des consommateurs. Les groupes de défense de l'intérêt public aimeraient effectuer leurs propres études de consommation pour se faire les interprètes des consommateurs: «Voici ce que pensent les consommateurs. Ne nous faites pas dire ce que nous ne voulons pas dire.»

Vous voyez donc qu'il serait avantageux de subventionner des groupes de défense de l'intérêt public pour faire ce genre de recherche quantitative. C'est le genre de chose qu'il faudrait financer, plutôt que de donner de l'argent à quelqu'un qui enverrait son opinion par courrier et viendrait ensuite la présenter en audience, comme vous l'avez souligné. Je ne dis pas que les gens ne devraient pas faire cela. Ce type de participation ne pose aucun problème. Aujourd'hui, lorsque le Conseil tient d'importan tes audiences, il reçoit des centaines, voire des milliers de lettres des citoyens ordinaires qui expriment leur point de vue sur la question dont il est saisi.

Le sénateur Forrestall: Le fait est que vous proposez que des fonds soient accordés d'avance en fonction de critères préétablis pour financer des projets susceptibles de se révéler du plus grand intérêt pour le public. Très bien, mais il me semble qu'il s'agit là d'une fonction bureaucratique. L'organisme de surveillance pourrait être un groupe de service quasi public, comme le Bureau de la concurrence, à qui on pourrait confier ce genre de recherche.

Une telle mesure n'aurait-elle pas tendance à concentrer la recherche et, partant, l'expression des points de vue au sein de quelques organisations? Même s'il n'est pas adéquat, comme le laisse entendre l'amendement que propose notre collègue, un tel mécanisme ne favoriserait-il pas l'opinion de quelques personnes au détriment de l'opinion des divers organismes du nord, de l'est, de l'ouest et du centre du Canada?

Mme Yale: Je ne me suis peut-être pas exprimée clairement, parce que je n'envisage ni l'une ni l'autre de ces solutions - ni le projet d'amendement qui vous est soumis, ni notre solution de rechange - pour restreindre la participation du public. Nous essayons ici de combler une lacune avec quelque chose qui autrement ne se produirait pas.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, lorsque le CRTC tient des audiences régionales avant une instance et parcourt tout le pays pour demander l'avis des gens, comme il le fait à l'occasion, le Conseil entend des centaines de personnes et reçoit des milliers de lettres. Je pense que de façon générale, rien n'empêche les gens ordinaires de faire connaître leur point de vue. Ce que je crois comprendre, c'est que cet amendement veut combler un vide différent, si vous permettez, c'est-à-dire les ressources qui font défaut aux groupes de défense de l'intérêt public pour faire certains types de recherche.

Je peux vous faire part de ma propre expérience. J'ai été avocate générale à l'Association des consommateurs du Canada pendant quatre ans. À cette époque, notre financement provenait de deux sources. Nous recevions une allocation de base du gouvernement pour couvrir certains coûts et nous recevions d'autres sommes qui étaient destinées à des projets bien particuliers. Pour les projets que nous prévoyions, nousdemandions du financement. Parfois, cependant, le CRTC convoquait une audience sur une chose que nous n'avions pas prévue. Nous pouvions alors utiliser les fonds de base pour faire la recherche, ou financer notre participation aux instances que nous n'avions pu prévoir l'année précédente, lorsque nous avions déposé notre demande de financement. Ce financement de base est disparu pour tous les groupes de défense de l'intérêt public. Il n'existe plus.

Par conséquent, des organismes comme le Centre pour la défense de l'intérêt public et d'autres groupes de consommateurs ne sont subventionnés aujourd'hui que pour des projets bien spécifiques. Or, s'ils n'ont pas prévu telle ou telle instance du CRTC, parce qu'elle n'était pas annoncée lorsqu'ils ont présenté leur demande de fonds, ils n'ont pas d'argent pour y participer. Selon moi, cette disposition devrait permettre à ces groupes d'obtenir le financement pour participer aux instances du CRTC lorsqu'ils n'ont pas budgété ni reçu les fonds pour couvrir leur participation. Ces groupes ne disposent d'aucune autre source de financement gouvernemental pour ce faire. Il y en avait avant.

Le sénateur Forrestall: Vous utilisez un moyen pour faire ce que le gouvernement n'a pas jugé comme particulièrement utile auparavant. En réalité, nous ne faisons rien. Nous tournons en rond.

Cela dit, je suis d'accord que le financement pourrait peut-être provenir des droits excédentaires, sans l'intervention dugouvernement, et comptant sur d'autres sources de financement. Comment savoir que les éventuels pourvoyeurs ne souhaiteraient pas exercer un certain contrôle sur ce fonds?

Mme Yale: Il ne s'agit pas d'argent nouveau.

Le sénateur Forrestall: Vous versez des droits et vous dites: «Ah, qu'importe, l'argent va aller au gouvernement. Donnez l'argent aux groupes, c'est ce qu'ils veulent.» Cependant, lorsqu'on commence à utiliser une partie de ces fonds pour une cause particulière, comme vous le dites, ce que je craindrais peut-être, c'est que l'industrie exerce un contrôle sur la façon dont l'argent est dépensé. Après tout, je ne crois pas que vous souhaitiez contribuer à des études préalables qui pourraient être réalisées et qui se traduiraient par des affrontements et des difficultés prolongées dans votre secteur. Y a-t-il une quelconque assurance que les consommateurs pourraient utiliser ces fonds sans nuire à vos intérêts?

Mme Yale: Ce que vous dites est révélateur, parce que si vous regardez la modification proposée au projet de loi S-7 qui vous est soumis, de fait, elle est réellement pire pour les groupes de défense de l'intérêt public car de la façon dont le modèle fonctionne aujourd'hui dans le domaine des communications, les groupes d'intérêts demandent au CRTC de les rembourser après coup. L'argent qui sert à ce remboursement est une facture qui est envoyée à tous les requérants.

Par exemple, en télécommunications, si Bell Canada demande une augmentation de tarif et qu'un groupe de défense de l'intérêt public donne des preuves et participe à une instance du CRTC, le groupe demandera qu'on lui rembourse ses coûts. Il présente une demande au CRTC en disant qu'il a apporté une contribution utile aux résultats de l'instance et que ses coûts devraient donc lui être remboursés. Bell Canada mettra alors en doute le caractère raisonnable de cette facture parce que c'est elle qui doit la payer. Ce n'est pas le CRTC qui rembourse le groupe d'intérêts. C'est l'entreprise qui a présenté la demande qui doit rembourser le groupe de défense de l'intérêt public pour les coûts de sa participation.

À mon avis, notre proposition met vraiment une distance plus raisonnable entre les requérants et les groupes de défense de l'intérêt public. Il s'agit d'un fonds qui serait administré par le CRTC auquel les groupes pourraient puiser, contrairement au modèle qui demande aux organismes, cas par cas, de payer la facture après coup et les oblige à critiquer la légitimité de la facture qu'on leur demande de rembourser.

Le sénateur Forrestall: On peut toujours régler les choses après coup plutôt que de s'engager avant, et exercer le contrôle. Je comprends ce que vous dites. Je n'avais pas vraiment réalisé qu'il y avait effectivement un processus de recouvrement des coûts.

Mme Yale: J'ai participé à nombre de ces processus.

Le sénateur Forrestall: Nous sommes ici pour garder les avocats occupés.

Mme Yale: Nous le comprenons.

Le sénateur Forrestall: Je sais, mais vous n'avez pas fait grand-chose pour me rassurer quant au désir des gens de subir ce genre de contrôle après coup lorsqu'ils l'exercent avant, si tout ce qu'ils ont, c'est un aperçu ou une analyse a posteriori.

Mme Yale: Je ne veux pas être désinvolte. C'est très simple. Dans toutes les instances, il y a toujours une tension entre les diverses parties qui comparaissent devant le CRTC. Cette tension est là, peu importe la question à l'étude, que le CRTC examine une question de coûts ou une politique gouvernementale. Le travail du CRTC est de pondérer les opinions contradictoires sur une question, qu'il s'agisse de décider d'un recouvrement de coûts ou d'une question de politique gouvernementale. En bout de ligne, le Conseil doit être l'arbitre de la justesse de la requête qui lui est soumise, en dépit de ceux qui ont une opinion différente.

Le sénateur Forrestall: Je ne me prépare pas à jeter le bébé avec l'eau du bain et je tiens à dire que j'apprécie cette proposition concrète. Cela nous facilite la vie. J'ai encore certaines préoccupations, mais je vais passer mon tour pour l'instant.

J'ai été heureuse de noter que vous pensez que c'est une bonne idée. Avec toute l'expérience que vous avez, vous êtes bien placée pour évaluer l'importance de faire finalement preuve d'ouverture et de s'assurer que le public, les consommateurs font entendre leur voix, surtout après tout ce que nous avons observé sur la scène internationale. Nous ne voulons pas de manifestations, n'est-ce pas?

Cet aspect-là m'a plu. Votre idée est originale, mais je crois que la décision sur la façon de rembourser revient au CRTC. Votre témoignage aujourd'hui nous donne une excellente idée sur la façon de nous y prendre.

Considérant la conviction de Revenu Canada sur lerecouvrement des coûts, j'ai également l'impression que je suis en désaccord avec cette question. Si vous faites du recouvrement des coûts, vous n'avez pas à accumuler ni à faire des recettes.

Je crois comprendre qu'il y a un différentiel de près de 70 millions de dollars que le Trésor obtient à même le recouvrement des coûts, supposément de par les droits au titre des parties I et II. J'espère que le CRTC pourra négocier avec le gouvernement et recouvrer certains de ces fonds.

Ce qui m'a inquiétée, en vous entendant, n'est pas la réflexion ni le concept, mais son caractère pratique, pour deux motifs. Premièrement, vous devez être en mesure d'évaluer si l'exposé des intervenants et les rôles qu'ils ont joués sont raisonnables et ont apporté une contribution appréciable au processus décisionnel du CRTC, et ont donné aux entreprises qui interjettent appel matière à orienter les négociations. Deuxièmement, il y a toute la question d'encourager une plus grande participation du public. Le CRTC doit avoir le droit de décider si une présentation est valide, si elle ajoute à la discussion et si elle a eu un impact qu'il vaut la peine de prendre en considération. Je crois que les interventions du sénateur avant moi indiquent une préoccupation à cet égard.

Je ne crois pas particulièrement qu'il y ait une grande différence dans ce que vous faites du côté destélécommunications. Il ne s'agit que de détails.

La notion voulant que le consommateur qui paie la note de câblodistribution ait ou non le droit d'influencer une décision est importante. Il est aussi important que nous fassions des interventions régionales ou que nous tenions des audiences régionales.

Cependant, si vous regardez l'argent déboursé et les coûts qui sont accordés, je constate qu'en 1998, au total, pour toutes les instances de télécommunications du CRTC, les coûts ont été remboursés dans seulement 16 cas, mais ils s'élevaient à 552 683 $. En 1999, quatre coûts ont été remboursés pour les instances de télécommunications, et ils s'élevaient à 155 000 $. Les montants sont différents, selon les audiences.

Certaines années, les discussions seront très complexes, comme c'est le cas de l'audience qui se tient actuellement au sujet de CTV et Global. Nous discutons des répercussions sur les consommateurs. Il se produit un phénomène tout à fait nouveau parce qu'il y a maintenant des entreprises complexes qui offrent des services médiatiques de toutes formes et de tous genres, pas seulement des services de radiodiffusion.

Je pense que prendre des dispositions préalables dans un mécanisme de remboursement fait problème. J'espère que le CRTC en tiendra compte et en discutera avec le gouvernement du Canada pour voir comment financer ce genre d'intervention.

Madame Yale, ce qui m'a inquiétée dans votre présentation, bien honnêtement, découle de votre expérience avec l'Association des consommateurs du Canada, quand vous dites quel'Association n'a plus ce financement de base, qu'il s'agisse du Centre de défense de l'intérêt public, de Dignité rurale Canada ou de la National Association of Professional Organizers, NAPO. Ce sont là de véritables problèmes.

J'aimerais sincèrement que les règles de procédure soient différentes, conçues de la même façon mais différentes pour la radiodiffusion et pour les télécommunications. Ce n'est pas à moi d'en décider non plus.

Vous avez déjà été commissaire du CRTC, conseillère juridique, et vous avez travaillé à l'Association des consomma teurs du Canada. Est-ce que vous conseilleriez au CRTC de rédiger les règles de procédure que prévoit le projet de loi afin que les intervenants appropriés soient remboursés comme il se doit? Ce n'est pas pour tous les intervenants, mais seulement pour ceux dont l'intervention est jugée appropriée. À votre avis, ce que vous proposez répondrait aux besoins de ces associations?

Mme Yale: C'est beaucoup à la fois. Permettez-moi de dire au départ qu'il existe une différence importante entre les télécommu nications et la radiodiffusion. Du côté des télécommunications, il n'y a que les droits de licence au titre de la partie I. Les seuls droits de licence versés par les entreprises de télécommunications visent à couvrir les coûts d'exploitation directs du CRTC. Aucun excédent n'est généré. Les droits de licence couvrent exactement les coûts d'exploitation de la Direction générale destélécommunications du CRTC, rien de plus. Il s'agit d'un régime de recouvrement des coûts.

Les choses sont différentes du côté de la radiodiffusion. Les droits au titre de la partie I couvrent les coûts directs de fonctionnement du CRTC pour ce qui est de la radiodiffusion. Les droits au titre de la partie II génèrent un excédent important. Toutes les entreprises de radiodiffusion, de radio et de télévision de même que les entreprises de câblodistribution génèrent un surplus important qui est versé au Trésor. Cela n'existe pas du côté des télécommunications. Il n'y a aucune autre cagnotte que les frais accordés.

Comme je l'ai fait remarquer dans mon exposé, pour l'an 2000-2001, les droits au titre de la partie I s'élevaient au total à 22,2 millions de dollars qui servent à payer les coûts de fonctionnement directs du CRTC pour le volet radiodiffusion. Les droits au titre de la partie II s'élevaient à 81 millions de dollars, c'est-à-dire 81 millions de dollars en plus des coûts directs de fonctionnement du CRTC. Si les chiffres dont nous parlons actuellement sont exacts, soit quelque 150 000 à 500 000 $ annuellement, il me semble qu'il n'est pas juste de demander aux mêmes parties qui génèrent 81 millions de dollars de recettes additionnelles pour le gouvernement du Canada et de leur dire: «Ce n'est pas suffisant. Nous devons vous taxer à nouveau pour couvrir les coûts de la participation des groupes de défense de l'intérêt public à ces instances.»

À ce sujet, nous croyons fermement que le secteur de la radiodiffusion est différent de celui des télécommunications parce que nous versons des sommes additionnelles beaucoup plus importantes que celles que versent les entreprises detélécommunications. Voilà pour le premier point que, de toute évidence, nous débattons très fortement.

Pour ce qui est du côté pratique, le fait est que peu importe le mécanisme mis en place, le CRTC devra examiner qui obtient l'argent, combien d'argent on accorde et sur quelle base. Cela existe, peu importe le mécanisme que vous mettiez en place. Il devra faire cette évaluation.

Le sénateur Finestone: Comment sauriez-vous ce dont vous avez besoin à l'avance?

Mme Yale: Il me semble que les critères que le CRTC mettrait en place, qui pourraient être des critères soit a posteriori, soit a priori, pourraient être centrés sur la recherche. Comme je l'ai dit, je crois que les fonds devraient être versés pour financer la participation qui autrement n'existerait pas. Autrement dit, il s'agit de recherche quantitative ou matérielle qui, de par sa nature même, aiderait le Conseil à comprendre les enjeux.

Nous avons fait cette proposition parce que nous estimions qu'il serait préférable que les groupes de défense de l'intérêt public obtiennent les fonds avant le fait plutôt qu'après. Notre mécanisme ou notre proposition visant à mettre une cagnotte de côté pourrait être aussi bien administré après coup qu'avant. Il n'y a rien d'inhérent dans le mécanisme que nous proposons.

L'élément clé de notre proposition est de mettre de côté de l'argent provenant des excédents des droits de licence au titre de la partie II, d'où vient l'argent. Si l'on veut faire l'évaluation après le coup, parfait. À notre point de vue, c'est sans importance. Nous nous sommes dit que parce qu'on a l'argent à l'avance, on a la liberté de l'accorder avant les faits alors que lorsqu'on impose une taxe, il faut l'appliquer après coup et montrer qu'on a contribué de façon importante aux travaux du Conseil et que par définition, on obtient cet argent seulement a posteriori.

Notre proposition a l'avantage suivant: on peut, si on veut, donner l'argent avant, mais ce n'est pas obligatoire. C'est vraiment le financement des intervenants qui est essentiel. La façon dont on accorde le financement est très importante.

Je pense que c'est beaucoup plus simple. En 1999, il n'y a eu que quatre instances de télécommunications qui ont entraîné des remboursements de coûts. Du côté de la radiodiffusion, si vous prenez la différence dans le nombre de décisions, qui sont prises annuellement, entre les télécommunications et la radiodiffusion, c'est probablement un ratio de dix ou vingt pour un. Il y a beaucoup plus d'instances, parce qu'il y a la radio, la télévision, le câble, la télévision payante, les chaînes spécialisées et les satellites. Il y a beaucoup plus d'instances.

Lors d'une instance du CRTC sur une politique deradiodiffusion, comment décider sur qui répartir les coûts? Si un groupe de défense de l'intérêt public participe et fait une recherche, ce n'est pas une demande. C'est une instance sur une politique gouvernementale.

En théorie, toutes les entreprises de câblodistribution, tous les radiodiffuseurs, les services de télévision payante et les chaînes spécialisées devraient être tenus d'aider à financer les groupes de défense de l'intérêt public. Il pourrait y avoir 50 ou 60 parties auprès desquelles on retirerait de l'argent - et compte tenu des nombreuses instances, le CRTC pourrait se retrouver à faire de la facturation et de la perception de comptes. Je ne suis pas certaine qu'il veuille s'engager là-dedans. Pour ce qui est du côté pratique, établir une cagnotte à partir d'argent qu'on a déjà versé sous forme de droits de licence est beaucoup plus simple et beaucoup plus pratique, justement.

Le sénateur Forrestall: Mais il ne faut pas oublier d'où provient la cagnotte.

Le sénateur Finestone: De tous les consommateurs.

Le projet de loi S-7 n'assure pas de financement, mais prévoit le remboursement des coûts des intervenants, ce que ne prévoit pas la loi actuelle sur la radiodiffusion. Tout ce que prévoit le projet de loi, c'est de payer les intervenants parce qu'il est normal, dans la société d'aujourd'hui, que le consommateur, la personne qui paie son abonnement mensuel au câble ait le droit d'être entendu. Nous avons cette obligation d'entendre ces gens tout comme les grandes sociétés. Nous avons besoin de gens compétents qui présentent des documents bien étoffés.

À mon avis, les deux notions s'opposent l'une à l'autre et il est important de modifier la Loi sur la radiodiffusion afin que le CRTC puisse ensuite négocier.

Le sénateur Rompkey: Je suis toujours intéressé par les modèles et par ce que nous pouvons apprendre de situations semblables ici ou ailleurs. Avez-vous des exemples de cas semblables? Y a-t-il des solutions aux États-Unis ou dans un autre pays? Y a-t-il un modèle quelconque? La question doit sûrement avoir été abordée ailleurs. Que pouvons-nous apprendre des autres?

J'aimerais poser une deuxième question. Savez-vous comment le CRTC dépense les 81 millions de dollars?

Le sénateur Spivak: L'argent est versé au Trésor.

Le sénateur Rompkey: Je comprends. L'argent appartient à Paul Martin, lequel est élu par les contribuables qui sont des intervenants auprès du CRTC et des sociétés de câblodistribution. C'est bonnet blanc, blanc bonnet.

Mme Yale: Le principe fondamental est qu'il n'y ait pas de nouvelles taxes. Nous sommes déjà suffisamment imposés par les droits que nous versons au titre de la partie II. À notre avis, la cagnotte est amplement suffisante.

Le sénateur Rompkey: Avant que M. Martin renfloue le Trésor, il en siphonne un peu.

Mme Yale: Nous ne demandons qu'une mince portion.

Le sénateur Rompkey: Mon autre question concernait les modèles.

Mme Yale: Vous devriez poser la question aux personnes les plus compétentes, soit les groupes de défense de l'intérêt public. Demandez-leur sur quoi ils se sont fondés pour proposer ce mécanisme spécifique plutôt qu'un autre.

Le sénateur Spivak: Madame la présidente, je pense qu'on essaie de nous endormir. Je n'avais aucune idée à quel point la question est importante pour deux raisons. Premièrement, une démocratie ne peut fonctionner s'il y a déséquilibre du pouvoir dans la prise de décisions. Deuxièmement, la question de l'information et du traitement de cette information est également fondamentale pour le fonctionnement d'une démocratie. Je n'avais aucune idée à quel point cela était important.

Qu'ont pu faire les groupes de défense de l'intérêt public? Y a-t-il des exemples où ils auraient influé sur des changements de politique? Je suis frappée de voir que c'est presque toujours le secteur de la câblodistribution qui obtient gain de cause.

Mme Yale: Mes membres ne seraient pas du tout d'accord. Je réfute totalement cette évaluation.

Le sénateur Spivak: Est-ce qu'il vous arrive de lire Matthew Fraser à l'occasion?

Mme Yale: Pour quelque raison que ce soit - et je ne sais pas pourquoi il en est ainsi - les groupes de défense de l'intérêt public au Canada se sont concentrés sur les télécommunications, parce que les procédures dans ce secteur demandent lacompétence d'avocats qui doivent rechercher les faits et donner de l'information. Ce sont des procédures quasi judiciaires en soi.

Les groupes de consommateurs ont eu un impact majeur durant toutes les années 80 et 90 en minimisant les augmentations de tarifs pour les consommateurs, tant pour le service téléphonique local que pour leur lutte au sujet de la concurrence pour les interurbains. Ils ont empêché CNCP, aujourd'hui Unitel, et ensuite AT&T Canada de s'immiscer dans le domaine des interurbains parce qu'ils voulaient éviter des augmentations de tarifs à l'échelle locale. Ces groupes ont été extraordinairement efficaces. Pour leur avoir consacré quatre ans de ma vie, je peux vous dire que pour ce genre de questions, ces groupes ont exercé une influence incroyable.

Pour ce qui est de la radiodiffusion, les procédures sont passablement différentes. Par exemple, si le CRTC examine des demandes de licences, comme il l'a fait l'an dernier, pour des services nouveaux de télévision ou de nouveaux services de télévision spécialisés et qu'il y a 100 requérants qui se disputent 16 licences seulement, comment un groupe de défense des consommateurs décidera-t-il lequel appuyer? Cela dépend des goûts individuels des consommateurs pour déterminer quels sont les services qu'une collectivité pourrait préférer.

Les groupes de défense des consommateurs ne veulent pas toujours intervenir au nom d'un requérant en particulier. Ils s'intéressent plutôt au cadre général. Autrement dit, lesconsommateurs devraient avoir un plus grand choix. Les gens devraient avoir le droit de choisir les services qu'ils veulent et dans quels blocs ils veulent les obtenir. Là-dessus, les groupes de consommateurs s'expriment de façon claire et nette. De fait, le cadre de délivrance de licences du CRTC, pour le lancement qui aura lieu cet automne, a favorisé l'approche axée sur les consommateurs pour fixer la façon dont les services seront lancés et offerts.

Les intérêts du public sont bien représentés. Il n'y a pas de problème majeur à régler de ce côté, pas de lacune grave à combler. Je crois que le Conseil prend la peine de demander l'opinion des citoyens ordinaires lors de ses instances principales et régionales. Je ne crois pas qu'il y ait de lacune grave.

Le sénateur Spivak: Merci. Je suis contente d'entendre cela. Cependant, pour de vastes questions comme la concentration et la propriété des différents types de médias, les groupes de consommateurs sont-ils en mesure d'intervenir à ce sujet et comment? Le CRTC se débat avec ces problèmes. Pourriez-vous répondre à cette question?

Mme Yale: Pour quelque raison que ce soit, les groupes de consommateurs portent leurs efforts sur l'énergie et la tarification. En général, ils luttent pour maintenir les prix au plus bas pour les consommateurs. L'impact de leur intervention est assez facilement mesurable si on essaie de présenter une demande de financement gouvernemental pour notre participation. Nombre de ces groupes disposent d'un financement gouvernemental pour la plupart de leurs interventions.

Les enjeux stratégiques en matière de radiodiffusion, qui sont à l'avant-scène cette année, pourraient bien être la cible des recherches de ces groupes. Ils voudront engager des spécialistes pour les aider à évaluer les répercussions de la concentration sur les consommateurs, plutôt que de se limiter à la tarification en tant que telle, qu'ils ont déjà parfaitement bien cernée avec l'aide de fortes subventions.

C'est pourquoi je me déclare en accord avec le principe d'un financement pour certains types de recherche, mais je ne suis pas d'accord avec la conclusion que les consommateurs n'ont pas eu l'occasion de participer aux instances du CRTC. Je crois que la preuve indique tout à fait le contraire.

Le sénateur Spivak: Ma question portait cependant sur les grandes décisions en matière de politique.

Mme Yale: Comme je l'ai dit, les instances pour la délivrance de licences numériques et les instances générales sont les instances les plus avantageuses aux consommateurs. Bienfranchement, c'était dans notre intérêt de le proposer parce que nous sommes régulièrement coincés entre les deux. Le CRTC, au nom de la politique gouvernementale, nous oblige parfois à faire des choses que les consommateurs réprouvent, que ce soit la prestation de certains services ou la réduction des blocs de services, et nous acceptons de faire notre part. Mais il arrive que les consommateurs se demandent pourquoi ils doivent se résigner à avoir certains services afin d'en obtenir d'autres, et pourquoi leur forfait de base leur impose des choses qu'ils ne veulent pas. Les règlements du CRTC ont un rôle à jouer dans ces restrictions. Dans le monde du numérique, le Conseil veut se fonder sur les marchés, en réponse à la demande des consommateurs, pour connaître quels services font leurs frais et quels services font défaut. Je crois que c'est une grande victoire pour lesconsommateurs.

Le sénateur Spivak: Êtes-vous en train de dire que peu importe le financement accordé, les groupes de défense de l'intérêt public n'ont pas tellement de problèmes à exprimer leurs opinions?

Mme Yale: Dans l'ensemble, votre évaluation est assez juste. Les indications du côté des télécommunications montrent que même avec la possibilité de se faire rembourser des coûts, les consommateurs n'ont pas exercé d'énormes pressions financières au cours des dernières années. Je ne crois pas que cela implique beaucoup d'argent.

Le sénateur Finestone: Pour faire suite à la question du sénateur Spivak, je vous rappelle que l'ACTC bénéficie de millions de dollars et de personnel juridique compétent tout autant que l'Association canadienne des radiodiffuseurs. On a vu des gens intervenir et la décision rendue n'était pas en leur faveur. Je pense ici à mon ex-compagnon de pupitre, le sénateur Jean-Ro bert Gauthier, qui est intervenu au nom de TVO et la décision rendue n'était pas dans son intérêt. Cela lui a coûté des centaines de milliers de dollars et on ne lui rembourse pas un sou. Il est important que l'intervenant qui fait une intervention substantielle soit remboursé même s'il n'obtient pas gain de cause.

Mme Yale: Nous acceptons le principe, mais pas l'idée d'une taxe additionnelle.

Le sénateur Callbeck: J'aimerais préciser une ou deux choses. En matière de télécommunications, les intervenants peuvent obtenir du financement ponctuel. Si le CRTC décide que Bell Canada doit payer un million de dollars pour financer des intervenants et que Bell Canada pense que c'est exorbitant, peut-elle alors en appeler?

Mme Yale: Ça ne fonctionne pas tout à fait comme cela.Par exemple, avant, Bell Canada présentait une demande d'augmentation de tarifs. Les groupes de consommateurspréparaient leur preuve, s'opposant à certains éléments bien particuliers de la cause en cours. Par exemple, ils avaient souvent des experts financiers qui intervenaient pour discuter du taux de rendement ou du taux de profit que Bell Canada demandait.

Il fallait payer pour que ces spécialistes financiers et les avocats préparent leur preuve et comparaissent devant le CRTC. Les groupes de défense de l'intérêt public disposent de spécialistes et d'avocats. Leurs propres avocats se présentaient aux instances du CRTC, consignaient le temps qu'ils affectaient à la cause, exactement comme lorsque je faisais ce travail pour les associations de consommateurs et que je demandais lerecouvrement des coûts en leur nom.

Ensuite, à la fin de la cause, on présentait une facture qui décrivait tous les coûts engagés pour participer à cette instance: le coût des spécialistes de l'extérieur, le temps consacré par l'équipe interne au dossier, et les frais de déplacement si l'audition était dans une autre ville, et ainsi de suite. On additionnait tout cela, présentait la demande et le requérant - Bell et d'autres, c'est selon, qui avait un intérêt dans la cause - avait la possibilité d'examiner tout cela, et le CRTC approuvait ce qu'il estimait être un montant raisonnable. Il y avait des lignes directrices, tout comme dans les autres tribunaux où les coûts sont remboursés, pour indiquer combien on peut demander par jour pour le temps d'un avocat, et ainsi de suite. Il existe une série détaillée de lignes directrices.

En bout de ligne, la facture pouvait atteindre 100 000 ou 75 000 $. Si vous calculez ce que nécessite la préparation de la preuve, le genre de coûts qui peuvent être engagés au cours d'une instance de deux semaines est bien en deçà d'un million de dollars. Comme l'a fait remarquer le sénateur Finestone, en 1998, 16 remboursements de frais ont totalisé 552 000 $. Les coûts impliqués seront de l'ordre de 50 000 ou 100 000 $.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que la décision met fin aux procédures?

Mme Yale: Toutes les décisions du CRTC peuvent faire l'objet d'appel et il existe des mécanismes à cette fin. Le CRTC rend sa décision. Comme pour toute autre chose, il publie uneordonnance. L'ordonnance constitue la décision du CRTC et doit être respectée. Dans ce cas, la partie qui assume les dépens paie la facture directement à la personne qui a demandé le financement.

[Français]

Le sénateur Gill: Le projet de loi S-7 permettra-t-il aux gens qui vivent en régions éloignées, dont les populations autochtones, d'être mieux représentés au CRTC, s'ils ne le sont pas actuellement?

Mme Yale: Le CRTC établit les critères qui déterminent dans quelles circonstances les intervenants sont payés pour comparaître devant lui. Si le CRTC tient une audience publique en région, il sera possible pour des individus de comparaître devant le CRTC.

Cependant, si l'audience publique se tient seulement à Hull, il est évident que c'est plus difficile pour les individus en région éloignées de se déplacer pour comparaître. Dans de telles circonstances, ce sont plutôt des groupes de défense d'intérêt public qui se présentent devant le CRTC pour soumettre leurs revendications concernant la politique publique en question.

En ce sens, cela peut aider les groupes dans les régions éloignées, s'il s'agit d'un des critères établis par le CRTC. Notre organisme adopte les mêmes critères.

Le sénateur Gill: Selon votre expérience, est-ce que cela a permis d'avoir une bonne représentation?

Mme Yale: Oui, dans le sens que le CRTC croit qu'il est très important d'avoir des audiences publiques, occasionnellement, dans toutes les régions du Canada. Cela donne la chance aux individus qui vivent dans les régions éloignées de comparaître. C'est une très bonne expérience.

Le sénateur Gill: Vous représentez tous les câblo-distributeurs au Canada, y compris ceux situés en régions éloignées?

Mme Yale: Oui, du Canada entier.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck: J'aimerais clarifier quelque chose dans votre mémoire. Vous parlez de permettre aux groupesd'intervenants de présenter une demande et d'obtenir une approbation au préalable. En réponse à une question, je vous ai entendu dire que vous feriez une concession sur ce point, et que vous accepteriez que l'on procède après coup.

Mme Yale: Oui, nous insistons sur la provenance des fonds, pas sur la façon dont ils sont engagés.

Nous soulignons cependant que l'avantage de notre mécanisme pour les groupes de défense de l'intérêt public est que la cagnotte soit disponible dès le début de l'année parce qu'elle est attribuée à même le Trésor. Les groupes pourraient quand même faire leurs interventions en obtenant l'argent à l'avance plutôt qu'a posterio ri, s'ils n'ont pas les ressources pour financer leur intervention. Le mécanisme du projet de loi S-7 ne prévoit pas cela.

Le sénateur Callbeck: Si vous aviez l'approbation préalable, y aurait-il un mécanisme d'appel?

Mme Yale: Il faudrait qu'il y ait des mécanismes pour s'assurer que l'argent est bien dépensé. Les critères permettant de déterminer qui obtiendrait l'argent et dans quelles circonstances seraient assez rigoureux. Le Conseil devrait de toute façon établir ces critères, qu'il s'agisse d'une évaluation a priori ou a posteriori.

La présidente: Les groupes qui satisfont aux critères, qui obtiennent l'argent pour présenter leur mémoire et dont le mémoire est refusé peuvent-ils interjeter appel? Si la décision est négative, même après qu'ils ont obtenu l'argent, qu'ils ont présenté leur cas et les arguments devant le CRTC, les groupes pourraient-ils en appeler de cette décision si l'argent a déjà été versé?

Mme Yale: Je crois que la loi prévoit des droits d'appel, et ces droits ne seraient pas déniés par le mode de financement qui permettait aux groupes de comparaître en premier lieu. Je ne vois pas de problème.

Le sénateur Finestone: Vous êtes une femme d'expérience. Je m'interroge sur l'application des règles de procédure. Avez-vous participé à certaines de ces décisions? Est-ce que les règles de procédure, telles qu'établies dans le règlement du CRTC, sont efficaces? Devraient-elles être modifiées ou ajustées? Que le CRTC négocie avec le gouvernement pour obtenir les fonds à même le Trésor ou peu importe comment, moi je pense qu'il faut que ces fonds soient disponibles. D'après votre expérience, y a-t-il des choses que le Conseil devrait ou ne devrait pas faire et que vous aimeriez mettre en lumière?

Mme Yale: Faites-vous allusion au processus grâce auquel les intervenants obtiendraient leur argent?

Le sénateur Finestone: Oui.

Mme Yale: Je dois dire que d'après mon expérience personnelle - et c'est de ma propre expérience que je parle ici - le plus gros obstacle était d'avoir à attendre d'obtenir l'argent après coup. Nous ne savions jamais si nous allions être remboursés. Si vous engagez un témoin expert, qu'est-ce que vous faites si vous n'avez pas l'argent pour le payer? Vous n'avez pas l'argent si vous êtes un groupe de défense de l'intérêt public.

En toute franchise, je suis surprise que les groupes de défense de l'intérêt public n'aient pas pensé à cela. L'idée d'avoir l'argent à l'avance, d'avoir cette certitude et de ne pas avoir à se préoccuper du remboursement, c'est énorme. Le seul obstacle d'importance pour les groupes de défense de l'intérêt public qui participent à certaines causes, c'est l'incertitude de savoir s'ils auront ou non l'argent. Les groupes ne peuvent se permettre d'intervenir s'ils n'ont pas cet argent.

Le sénateur Finestone: D'après votre expérience, avez-vous déjà participé à une cause où la recherche avait été faite, et qu'on ait refusé de rembourser les honoraires d'avocats et des témoins experts?

Mme Yale: Oui. Le Centre pour la défense de l'intérêt public a engagé les professeurs Booth et Berkowitz lors de nombreuses instances du CRTC pour présenter des preuves sur le taux de rendement lors d'une cause touchant Bell Canada. Ces témoins avaient déjà été remboursés lors d'instances antérieures, il n'y donc avait aucune raison de penser qu'ils ne le seraient pas. Lors d'une instance en particulier, le CRTC a déterminé que ces témoins n'avaient pas apporté une contribution majeure à sa compréhension des enjeux et les a refusés. Le Centre pour la défense de l'intérêt public n'a pas été remboursé pour le coût de ces experts dans cette cause. Je le sais parce que j'y ai participé. J'ai travaillé dans le domaine des télécommunications pendant de nombreuses années. Le CRTC n'a peut-être pas aimé la preuve ou ne l'a pas jugée utile, mais le fait est que la preuve a été retenue. Le groupe avait été remboursé pour ces témoins dans des causes antérieures. En pareils cas, que faites-vous? Personnellement, d'après mon expérience, c'est un grave problème.

Le sénateur Finestone: Je suis contente de vos précisions. Le CRTC devrait être prévenu. Je ne crois pas qu'une telle décision soit acceptable. Si cela se passe à nouveau, le Sénat devrait être saisi de la question.

Mme Yale: Mais lorsque vous êtes remboursé après coup, c'est ce qui arrive. Le Conseil doit faire cette évaluation.

Le sénateur Finestone: Peut-être les commissaires auront-ils vent de nos délibérations et verseront l'argent avant. Je ne sais pas. C'est au Conseil de le faire.

Le sénateur Milne: Madame Yale, je suis nouvelle au comité et je ne suis pas tellement au courant de cela. Ma question sera peut-être idiote. Cependant, au moment de payer, que ce soit avant ou après, ou d'établir qui peut intervenir devant le CRTC, il me semble que c'est un processus qui relève des règlements plutôt que de la loi elle-même, n'est-ce pas?

Mme Yale: Tout à fait.

Le sénateur Milne: En réalité, la loi n'a rien à voir avec le moment où le paiement est effectué.

Mme Yale: Non, sauf qu'il est beaucoup plus difficile, lorsqu'il faut rembourser, de forcer les groupes à payer à l'avance. Comment s'y prendre? Le mécanisme prévu dans le projet de loi S-7 concerne les télécommunications. Par définition, on prévoit le remboursement après coup parce qu'il n'y a pas de cagnotte où puiser pour obtenir le remboursement a priori. Comme je l'ai dit, il faut présenter un mémoire de frais. Le CRTC approuve ce mémoire et demande ensuite aux requérants ou aux parties qui reçoivent ce mémoire de payer. Commentpouvons-nous demander à ces parties de payer avant?

Le mécanisme devrait prévoir le paiement avant ou après. Le mécanisme prévu dans le projet de loi S-7 n'est qu'un mécanisme après coup. Et c'est une des raisons - pas la principale - pour lesquelles nous pensons que ce mécanisme n'est pas aussi bon que celui que nous proposons.

Le sénateur Milne: Le règlement pourrait-il être changé afin que les intervenants puissent au moins savoir à l'avance qu'ils vont probablement être remboursés si leur intervention est conforme aux normes?

Mme Yale: Comme je l'ai dit, je crois que les meilleures personnes à qui il faudrait poser la question, ce sont les groupes de défense de l'intérêt public. Mon expérience personnelle auprès de l'Association des consommateurs du Canada m'indique que notre mécanisme serait plus efficace. Pourrait-il l'être? Je suppose que tout est possible.

Le sénateur Forrestall: Je veux utiliser le terme «ingénieux», mais je ne le ferai pas. C'est très intéressant. Votre mécanisme ne grugerait pas tellement la différence entre ce que vous payez au Trésor et ce que le Trésor devrait débourser. Dans votre imagination sans bornes, avez-vous d'autres idées quant à la façon dont nous pourrions dépenser cet argent?

Mme Yale: Je ne réponds pas à cette question.

Le sénateur Rompkey: En ce qui concerne les 81 millions de dollars et quant à savoir si l'on devrait puiser à même cet argent, s'il est versé au Trésor, on peut supposer qu'il s'ajoute au surplus. Le gouvernement est en train de décider comment répartir les surplus dont il dispose. Toute la question, en ce qui concerne l'argent, est de savoir si on augmente les impôts ou si on coupe les programmes. Pour ce qui est des 81 millions de dollars, la question s'applique. Si vous ne receviez aucun argent nouveau et que vous puisiez plutôt à même les 81 millions de dollars, vous allez puiser dans de l'argent qui fait partie des recettes du gouvernement. Et c'est le gouvernement qui décide comment dépenser ces recettes.

Prenons l'exemple d'un groupe autochtone dans l'Arctique. Est-ce qu'un témoin choisirait qu'on lui rembourse ses coûts de transport à Yellowknife pour comparaître devant le CRTC, ou qu'il y ait plus de lits dans les hôpitaux de la région? Ce n'est peut-être pas aussi simple que cela, mais en un sens, il s'agit de choisir comment le gouvernement répartit les recettes qu'il perçoit.

Or, il se trouve qu'il reçoit 81 millions de dollars du CRTC. Vous demandez alors à M. Martin: «Voulez-vous donner de l'argent au groupe d'Autochtones de Hay River pour venir comparaître à Yellowknife ou si vous voulez qu'il y ait plus de lits dans l'hôpital ou si vous voulez engager une infirmière de plus?» Ces 81 millions de dollars n'existent pas en tant que tels. Il ne s'agit pas d'une cagnotte spéciale à partir de laquelle on puise des recettes. L'argent va au Trésor. Tout le monde est en train de discuter comment les surplus gouvernementaux devraient être dépensés.

La présidente: Nous pourrions envoyer un exemplaire de nos délibérations au ministre des Finances.

Le sénateur Spivak: C'est la question: Est-ce un fonds spécial? Regardez ce qui se passe avec le fonds d'assurance-emploi, il sert à réduire la dette.

Le sénateur Rompkey: Oui, mais sur papier seulement. C'est un exercice comptable.

Le sénateur Spivak: Cette question touche effectivement le projet de loi S-7 parce que, comme vous le dites, si cet argent fait simplement partie du Trésor, on ne peut pas vraiment concevoir utiliser ces 81 millions de dollars. Ces 81 millions de dollars, qui sont une taxe, représentent-ils un fonds destiné à une fin spécifique?

Le sénateur Rompkey: C'est une bonne question.

La présidente: Je crois que cette question devra être posée une autre journée.

[Français]

Je vous remercie de votre participation. Nous avons vraiment apprécié certains des conseils que vous nous avez donnés ce matin.

[Traduction]

Votre contribution a été très appréciée. Merci d'être venus témoigner.

Honorables sénateurs, la prochaine réunion aura lieu le 29 ou le 30 mai.

La séance est levée.

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