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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 21 - Témoignages - mardi 12 février 2002


OTTAWA, le mardi 12 février 2002

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit ce jour à 9 h 35 pour examiner les enjeux stratégiques touchant l'industrie du transport interurbain par autocar.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Notre premier témoin ce matin est M. Harry Gow, président de Transport 2000. Bienvenue, monsieur Gow.

[Français]

M. Harry Gow, président, Transport 2000: Madame la présidente, j'ai l'honneur de représenter une association qui a des chapitres dans la plupart des provinces canadiennes et dont la mission est de représenter les usagers des transports publics en faisant la promotion des politiques, des programmes, des services et des actions qui sont compatibles avec le développement durable dans le domaine des transports. Notre mission se voit souvent à travers les médias comme étant surtout axée sur la sécurité aérienne, les chemins de fer et le transport en commun de ville, mais nous représentons également des usagers d'autobus et d'autocars.

[Traduction]

Notre association vise à assurer un développement durable des transports. Nous représentons les utilisateurs, et même si nous nous occupons souvent de questions de sécurité aérienne, de questions ferroviaires et de questions de transport urbain, nous représentons aussi les utilisateurs des transports publics par autocar. Cela dit, nos références dans ce domaine sont peut-être un peu plus modestes que dans d'autres domaines, mais il nous est arrivé d'y être très actifs. Par exemple, notre ancien président, Guy Chartrand, était membre du Groupe de travail spécial du Québec qui a défini divers moyens d'aider l'industrie du transport interurbain par autocar au Québec, ce qui a débouché sur une baisse assez importante des taxes sur le carburant imposées aux transporteurs interurbains et ruraux par autocar ainsi qu'à d'autres transporteurs routiers.

[Français]

Actuellement, je travaille en tant que jeune universitaire à la retraite sur la question de la désertification des campagnes. Cette désertification a été vécue de plusieurs façons: fermeture de lignes de train et de bureaux de poste, perte de lignes ou de fréquences d'autobus ou d'autocars. On peut mentionner dans la région de l'Outaouais, la perte de l'autobus local vers Wakefield ou la diminution des fréquences sur la ligne de Voyageur vers Maniwaki. Nous avons fait ce que nous avons pu dans ces dossiers, mais cela n'a pas été suffisant. Les campagnes ont tendance à perdre leurs services de tout ordre et malheureusement, ce sont souvent les services des juridictions fédérales qui délaissent les campagnes en premier. Les provinces ont tendance, mais en suivant de loin, à compenser. Finalement, les services de proximité, locaux, viennent boucher une partie de trou. Toutefois, il y a des trous qui ne sont pas «bouchables». Prenons le cas de la réduction des services de VIA Rail. Sur le graphique, la ligne démontre ce qui s'est produit dans l'Ouest canadien, dont une bonne partie est rurale, là où on a perdu la moitié des services dans le pays. Toutefois, dans l'Ouest et les Maritimes, on a perdu plus de la moitié des services. Il y a un manque de services à certains endroits. On peut parler de Maplecreek, un endroit rural qui n'a plus de train, mais ont pourrait en nommer une centaine d'autres évidemment.

Vous avez probablement déjà entendu parler des études canadiennes et américaines alors j'ai pris une étude britannique. Le sommaire en français a été préparé par le chercheur, M. B.J. Simpson qui a écrit Deregulation and Privatization: the British Local Bus Industry Following the Transport Act 1985. Je ne tenterai même pas d'en traduire le texte, mais il a un rapport avec la déréglementation et la privatisation de l'industrie des autobus locaux. M. Simpson dit que la Loi de 1985 du Royaume-Uni prévoit trois modifications essentielles pour les services locaux d'autobus: la déréglementation, le transfert au secteur privé des entreprises publiques de transport et la mise en adjudication concurrentielle pour fins de subvention lorsque cela est jugé nécessaire.

Ces trois réformes ont eu un impact négatif selon lui sur les services locaux de transport par autobus. Ces services sont moins aptes que par le passé à répondre aux espoirs d'un transfert modal à partir de l'automobile vers les méthodes de transport moins polluants comme l'autobus. M. Simpson propose aussi des modifications à la loi qui tiennent compte des réalités ainsi que de leur incidence sur le transfert modal recherché.

Enfin, notons qu'au Royaume-Uni, les passagers sur les trains ont passé de 15 p. 100. suivant une baisse d'environ 20 p. 100 des usagers d'autobus. Il y a eu un transfert modal de l'autobus vers le train suivant la déréglementation en Angleterre. En Floride, la déréglementation des autobus fut suivie de la disparition immédiate de touts les services d'autobus ruraux dans l'État. Transport 2000 voit venir la déréglementation avec beaucoup d'angoisse.

[Traduction]

Transport 2000 estime que la déréglementation actuelle permet un interfinancement des circuits locaux. Par exemple, la ligne Ottawa-Montréal des autobus Voyageur finance la ligne Ottawa-Maniwaki et au-delà, jusqu'à Val- d'Or. Transport 2000 craint que la déréglementation entraîne une érosion ou une suppression des services locaux de transport par autocar, et à cet égard j'ai mentionné la Floride et la législation britannique, la Loi sur les transports de 1985. Cette loi a imposé une déréglementation, le transfert au secteur privé d'entreprises d'autocars publiques, et la mise sur pied d'un système d'appel d'offres pour les lignes subventionnées par les autorités locales.

D'après Modern Railways, une revue qui a étudié la question en 1986, le nombre de passagers des lignes ferroviaires a augmenté de 15 p. 100 sur les trajets parallèles aux lignes d'autobus qui avaient été privatisées. D'après Simpson, ces changements ont eu diverses répercussions négatives, qu'il expose dans son étude intitulée «Deregulation and privatization» (déréglementation et privatisation). Cette étude a été publiée dans «Transport Reviews, 1996», vol. 16, no 3, p. 213-223.

Il précise que l'un des principaux objectifs de la déréglementation et de la mise en concurrence était d'éliminer l'interfinancement des services qui se traduisait par un gonflement des tarifs sur les lignes rentables. Je vous renvoie au contexte. C'était l'époque de la privatisation à tous crins en Grande-Bretagne.

La déréglementation s'est poursuive sous la houlette de l'ancien premier ministre John Major avec la privatisation de British Rail. Cette privatisation a provoqué une véritable pagaille à cause de la façon lamentable dont a découpé le réseau et de l'avarice du fournisseur d'infrastructure, Railtrack. On présente souvent ces remèdes de charlatans comme de véritables panacées. D'après M. Simpson, cela n'a pas résolu les problèmes de l'industrie du transport par autocar.

M. Simpson déclare que la déréglementation n'a pas atteint son principal objectif. Rares sont les lignes qui peuvent faire vivre plus d'un exploitant. S'il y en a plusieurs, il saute aux yeux que bien des autobus sont vides. M. Simpson estime que la déréglementation n'a pas atteint son principal objectif qui était, comme le résumait M. Nicholas Ridley, secrétaire d'État aux Transports en 1985, de mettre fin au déclin que connaissait l'industrie des transports par autocar depuis plus de 20 ans.

M. Simpson dit qu'il n'y a guère de preuves de concurrence entre grands exploitants. Permettez-moi d'ajouter ceci: faites la comparaison avec l'industrie aérienne déréglementée au Canada. Dans un mémoire publié il y a quelque temps, l'Association canadienne de l'autobus soulignait que la déréglementation des transports aériens aux États-Unis avait eu les mêmes effets.

Simpson explique qu'on constate diverses retombées de cette évolution en Grande-Bretagne. La concurrence dans les petites villes et les zones rurales a été limitée. Les compagnies d'autocars se concurrencent sur les grandes lignes comme Montréal-Ottawa et Calgary-Edmonton, mais pas sur les petits services omnibus comme Stettler-Didsbury- Olds et Wakefield-Hull.

L'absence de coopération entre exploitants s'est traduite par de mauvais liens entre les services. On le constate dans le réseau ferroviaire britannique. On peut arriver à une gare en s'attendant à pouvoir prendre le train qui assure la correspondance et s'apercevoir qu'il est parti une minute avant parce que c'est une autre entreprise qui gère cette ligne et qu'elle ne se soucie pas des besoins du client. Aux arrêts d'autobus, les clients attendent toujours un service fiable, compréhensible et stable.

Les opérateurs ont continué à faire rouler de vieux véhicules délabrés. Diverses publications consacrées aux transports ont dénoncé cette situation comme l'un des plus grands problèmes dus à la réglementation. La flotte d'autocars a vieilli et n'est pas du tout à la hauteur. Les gens de la classe moyenne évitent de prendre ces autocars s'ils peuvent trouver un autre moyen de transport comme le train, qui a plus de classe à leurs yeux. Ce comportement a des retombées néfastes sur l'industrie du transport par autocar.

La déréglementation a eu des conséquences que les représentants du secteur comme la clientèle ou le grand public s'entendent pour qualifier de regrettables. Comme vous le savez, les médias britanniques sont sans pitié pour les erreurs du gouvernement. La concurrence a entraîné un gaspillage des ressources et a nui à l'environnement. On voit rouler une pléthore d'autocars, bien souvent à moitié vides, sur des lignes excessivement desservies alors qu'il n'y a pas assez d'autocars sur d'autres lignes.

Les honorables sénateurs se souviennent de l'époque où un avion rouge d'Air Canada décollait quelques minutes avant un avion bleu des Lignes Canadien. Les deux compagnies avaient chacune un facteur de remplissage de 50 p. 100. Les deux vols reliaient Halifax à Sydney, mais ils décollaient à cinq minutes l'un de l'autre. Les deux compagnies se dévoraient mutuellement. C'est la même chose qui risque d'arriver pour les autocars.

Simpson estime qu'il y aurait beaucoup à dire en faveur de monopoles de certaines lignes pour réduire les risques d'instabilité du service et éliminer la redondance des autocars et des lignes.

Enfin, d'après Simpson, la déréglementation et la privatisation n'ont pas contribué à faire évoluer la répartition des modes de transport ni à réduire l'utilisation de l'automobile ou à accroître l'utilisation des autocars.

Ce constat est assez impitoyable. Où en sommes-nous ici actuellement? Franchement, à Transport 2000, nous sommes toujours à la recherche de la réponse. Nous pensons cependant que le dogme de la privatisation et de la commercialisation n'est pas mort au Canada et que cette menace va continuer de peser sur les passagers des autobus au cours des prochaines années si votre comité et d'autres décideurs ne prennent clairement le contre-pied de cette tendance.

Je travaille actuellement pour le Conseil régional de santé de l'ouest du Québec avec une bourse de Santé Canada.

[Français]

Ce projet de recherche doit prendre deux ans. L'objectif est de combler le vide laissé par le départ des trains et l'amenuisement des services par autocars. Nous allons combiner les services de lignes d'autobus telles que Voyageur et Thom Transport avec ceux des autobus scolaires, des taxis et des transports adaptés pour personnes handicapées. Ce projet de transports combinés se fait en collaboration avec le ministère des Transports du Québec.

Si vous déréglementez le transport par autobus, vous allez nous faire un croc-en-jambe. Pour des trajets interurbains comme la ligne Maniwaki-Ottawa, nous comptons actuellement sur le transport par autocar de la compagnie Voyageur. Si ce trajet de la compagnie Voyageur disparaissait, ou d'autres tels que Hull-Lachute, cela entraînerait de graves problèmes. Pour ce qui est d'un projet novateur, aux frais des contribuables canadiens, nous aimerions bien voir survivre nos autocars régionaux pendant quelques années encore.

[Traduction]

La présidente: Dans le rapport annuel intitulé «Les transports au Canada, 2000», on fait remarquer qu'au fil des ans le nombre d'utilisateurs des services d'autocars interurbains réguliers n'a presque pas cessé de diminuer, passant d'un maximum de 30 millions de personnes en 1982 à 10,3 millions en 1996. À quoi est dû ce recul? Pensez-vous que ce secteur des transports interurbains par autocar ait de la difficulté à répondre à la demande des usagers? Avez-vous fait des prévisions de marché ou des études sur la base d'une analyse des explications de ce déclin? Avez-vous une stratégie pour contrer ce déclin du nombre de voyageurs en partant de leurs besoins?

M. Gow: Comme tout le monde, nous avons examiné le problème, mais pas tant directement qu'en participant à des audiences ou des études de ce qui était à l'époque la Commission canadienne des transports et de son successeur. Nous avons lu toute la documentation universitaire et tous les documents de ce secteur consacrés au problème. Sans avoir mené nos propres études individuelles, nous avons néanmoins participé aux travaux d'autres groupes.

Nous avons conclu de ces lectures et de notre participation à divers comités que la cause principale de la disparition d'un grand nombre de services, et par suite de la diminution du nombre de passagers, c'est l'automobile. Sans vouloir enfoncer une porte ouverte, je dirais que nous sommes nombreux à estimer que l'automobile a détourné de nombreux voyageurs des services de transport par train ou par autocar, et que c'est elle le véritable coupable. C'est tout aussi vrai au Canada qu'aux États-Unis ou au Royaume-Uni.

Les compagnies d'autocars ont pensé pendant un certain temps que la baisse de clientèle constatée en particulier sur notre grand axe pouvait être due à la concurrence de VIA Rail. Une étude de l'Office des transports du Canada a révélé qu'il n'en était rien. Elle a démontré qu'il devait exister un autre facteur car les trains de VIA Rail coûtaient beaucoup trop cher pour aller chercher la même clientèle que celle des autocars. Nous avons fait notre propre travail empirique, c'est-à-dire que nous avons discuté directement avec les voyageurs, et nous avons constaté que beaucoup d'entre eux, s'ils n'avaient pas choisi directement l'automobile, avaient opté pour une forme de covoiturage illégal par fourgonnette. Aux côtés de Trentway-Wager et de Voyageur, nous avons travaillé pendant un an à faire fermer l'une des pires de ces entreprises de covoiturage qui s'appelait Easy Ride et qui transportait chaque jour des centaines de personnes entre Toronto et Montréal dans des fourgonnettes surchargées, parfois avec deux passagers de trop, pilotées par des jeunes de 18 ans sans permis commercial. Il y a eu des accidents de fourgonnettes qui se sont écrasées dans le fossé et qui ont été filmés par un reporter de la chaîne de télévision Global.

Nous avons conclu de nos recherches que la baisse de fréquentation des autocars était due en partie à l'utilisation de l'automobile. Les services des transports de l'Ontario et du Québec ont établi que des exploitants illégaux de fourgonnettes détournaient aussi un nombre important de voyageurs. On a réussi à réduire ce siphonnage, mais je constate qu'en Nouvelle-Écosse il existe toujours des entreprises illégales ou non autorisées de transport par fourgonnette collective. La plupart de ces entreprises se font passer pour de simples entreprises de covoiturage. Ce n'est pas du covoiturage, ce sont des exploitants commerciaux. Ce sont des véhicules illégaux et dangereux à n'importe quelle vitesse qu'il faudrait retirer de la route. Si la déréglementation permet à des gens comme cela de fonctionner en toute légalité, nous aurions intérêt à rentrer tous nous enfermer chez nous et à ne surtout pas prendre ces véhicules.

La présidente: Selon de nombreuses études, en poussant plus loin la déréglementation des services de transport par autocar, on permettrait à de nouveaux concurrents d'entrer sur le marché, ce qui créerait une concurrence dont profiteraient les usagers. Que pense votre organisation d'une telle perspective de déréglementation?

M. Gow: D'après une étude de KPMG et d'après Simpson, ce qui se passe, c'est qu'on voit apparaître sur le marché de nouvelles entreprises qui vont proposer au départ leurs services sur les lignes où il y a le plus de voyageurs à rafler, Montréal-Ottawa, Montréal-Québec, Montréal-Toronto et Calgary-Edmonton par exemple. C'est excellent pour ces entreprises.

Toutefois, on constate qu'elles ne prospèrent pas bien longtemps. Au bout de six mois ou un an, une grande partie d'entre elles ont disparu, à l'instar de plusieurs nouveaux venus sur le marché du transport aérien qui ont disparu pour les mêmes raisons: trop de sièges pour pas assez de passagers. L'entreprise la plus faible se trouve alors poussée à la faillite. Pendant ce temps, d'après les meilleures estimations en provenance de la Grande-Bretagne, de KPMG ou de diverses études américaines, 30 p. 100 des lignes rurales d'autocars disparaissent parce qu'on fait rouler les autocars sur les lignes à gros budget comme Montréal-Toronto. Environ 30 p. 100 des lignes rurales subissent une baisse de fréquence et 30 p. 100 ne s'améliorent pas. Il y a trop de services pour les grandes villes, alors que les petites villes ou les localités reculées sont mal desservies, voire pas du tout.

Pour répondre à votre question, le résultat de cette politique, c'est qu'on permet à de nouvelles entreprises de s'installer sur le marché, mais que la plupart d'entre elles n'y restent pas bien longtemps ou cannibalisent les entreprises existantes pour prendre leur place.

En Grande-Bretagne, Stagecoach est arrivée, a inondé le marché, a ruiné l'entreprise locale et a ensuite réduit le service. C'est une attitude typique de ce que les membres de Transport 2000 en Grande-Bretagne appellent les bandits de grand chemin. Les honorables sénateurs se souviennent du bandit de grand chemin de la littérature victorienne. Ces brigands ne sont pas des gens honorables.

La présidente: Pensez-vous qu'il faudrait limiter la concurrence sur les lignes rentables à forte densité pour générer de l'argent qui permettrait de subventionner les lignes à faible densité?

Une autre formule serait que le gouvernement autorise la concurrence sur les lignes à forte densité et subventionne directement les lignes à faible densité. Je crois que c'est ce que font les Américains. Est-ce que cela pourrait marcher au Canada?

M. Gow: L'Association canadienne de l'autobus estime que le Trésor fédéral devrait débourser 50 millions de dollars pour subventionner les lignes rurales d'autocars et 25 millions supplémentaires pour indemniser VIA Rail de la baisse de fréquentation entre les grandes villes du corridor de l'Est. Ce n'est qu'un modèle, mais si le gouvernement voulait maintenir le même niveau de service, j'estime que cela lui coûterait plus de 75 millions de dollars par an. Et à dire vrai, je ne pense pas qu'on maintiendrait le même niveau. Certaines lignes seraient sélectionnées, d'autres non. Pourquoi y a- t-il un train entre Sudbury et White River alors qu'il n'y a pas de liaison ferroviaire entre Montréal et Mont-Laurier? Ce sont deux localités isolées du Nord, mais l'une est desservie par le train et pas l'autre. Qu'est-ce que cela veut dire? Il y a peut-être une explication politique, qui sait? Peut-être qu'on a voulu punir Mont-Laurier pour avoir voté bloquiste ou péquiste ou je ne sais quoi. Mais laissons cela de côté. Je ne veux pas trop me mêler de politique ici.

La présidente: Vous avez raison.

M. Gow: Non, mais il y a peut-être des critères politiques et cela nous fait peur. Nous préférerions qu'on s'en tienne à des critères de service public plutôt qu'à des critères politiques. Je pourrais vous citer plusieurs lignes ferroviaires qui ont disparu pour des raisons politiques, mais je ne veux pas faire d'accroc à l'étiquette du Sénat.

La présidente: Dans votre projet de transports en commun en zone rurale, vous décrivez une grave pénurie de transports publics interurbains dans le Pontiac, juste au nord-est d'Ottawa. Vous venez de parler de problèmes avec les mini-fourgonnettes, mais pensez-vous qu'il pourrait y avoir des avantages à assouplir la réglementation pour autoriser leur utilisation dans de petits marchés comme le Pontiac, par opposition aux grands autobus interurbains traditionnels?

M. Gow: Je pense qu'il peut y avoir un avenir pour cela. Le risque, c'est que ces personnes se mettent à cannibaliser les grandes routes d'autocars. C'est pour cela que, dans le cadre de notre projet, la première entreprise à laquelle nous avons rendu visite, avant d'aller voir les compagnies locales de taxi ou les exploitants de fourgonnettes, a été Voyageur Colonial. Nous voulions nous assurer du transporteur interurbain. Nous voulons leur apporter des passagers, pas leur en voler.

À cette restriction près, notre association est tout à fait d'accord pour envisager un accroissement des services sur des lignes qui ne sont pas actuellement desservies. Il faudrait cependant régler les problèmes de formation, de normes des véhicules et d'horaires de service avant de pouvoir pleinement mettre en oeuvre un tel projet. Nous y travaillons en collaboration avec le ministère des Transports du Québec. Les gens du ministère ont trouvé deux failles qui permettent ce genre de chose. La première consiste à autoriser les taxis à utiliser des fourgonnettes au lieu de simples automobiles pour transporter plus de personnes. Ils ont une licence, un permis et ils doivent respecter certaines normes. L'autre consiste à donner accès aux véhicules de transport de personnes handicapées à des citoyens non handicapés qui ont besoin d'un moyen de transport pour des raisons de santé ou des raisons d'ordre social ou éducatif. Avec ces deux méthodes, je pense qu'on pourrait régler le problème sans cannibaliser les grandes lignes.

Le sénateur Callbeck: Dans votre mémoire, vous mentionnez plusieurs endroits où l'on a déréglementé, notamment la Floride. C'était en quelle année?

M. Gow: C'était un peu avant que les Britanniques déréglementent leur industrie en 1985.

Le sénateur Callbeck: Et que s'est-il passé? C'est le secteur privé qui a pris la relève?

M. Gow: Non. Dans des endroits comme Pensacola et Miami, il y a encore beaucoup de services d'autocars. Et dans les misérables petites localités comme Clear Springs, il n'y a plus de service d'autocars, sauf quand des foules importantes viennent assister à un festival de musique folk ou quelque chose comme cela, auquel cas ce sont des autobus affrétés.

La Floride rurale n'a pas récupéré grand-chose, à moins qu'il s'y soit passé quelque chose dont je n'ai pas entendu parler. Je lis les revues sur les transports en commun de A à Z tous les mois et je n'ai jamais entendu parler de rétablir les services ruraux d'autocars à l'échelle de l'État. Certaines autorités locales, comme à Dade County à proximité de Miami, sont intervenues, mais dans les régions purement rurales, il ne se passe pas grand-chose.

Le sénateur Callbeck: Vous dites qu'après la déréglementation en Grande-Bretagne, la fréquentation du train a augmenté de 15 p. 100 alors que le nombre de voyageurs prenant l'autocar a diminué de 20 p. 100. Quelle est l'explication? C'était les tarifs ou le temps?

M. Gow: Ce n'était pas les tarifs. Les tarifs ont eu tendance à baisser sur les lignes d'autocars à cause de la concurrence. Ces sociétés ne pouvaient pas se concurrencer sur le plan de la qualité et elles ont donc rivalisé au niveau des prix. Les gens en ont eu assez de prendre des autobus qui n'avaient pas de correspondance. Il y avait une pléthore d'autocars de diverses entreprises qui n'annonçaient pas toujours bien leurs horaires. Les autocars n'étaient pas correctement entretenus. Ils vieillissaient de plus en plus. Les passagers se sont tournés vers le train là où il y avait une ligne ferroviaire parallèle à la ligne d'autocars. Dans les régions où il n'y avait pas de chemin de fer, il n'y a pas vraiment eu de report sur un autre mode de transport puisqu'il n'y avait pas de train. Les gens ont peut-être pris leur auto; nous ne savons pas.

Sur les gros marchés comme Glasgow-Londres, les compagnies d'autocars ont essayé de prendre des passagers au chemin de fer, mais Stagecoach a fini par abandonner et affréter des wagons dans les trains. Les trains britanniques vont à peu près deux fois et demie plus vite que les autocars qui étaient incapables de parcourir aussi rapidement la distance Glasgow-Londres, c'est-à-dire nettement plus de 350 milles.

Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé de manque de coopération des exploitants. Pourtant, on a l'impression qu'ils auraient intérêt à collaborer.

M. Gow: Il y avait une disposition pernicieuse dans la loi britannique qui disait que les compagnies n'avaient pas le droit de coopérer parce que ç'aurait été de la collusion en vertu de l'équivalent britannique de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. C'est ridicule. C'est vraiment pousser le dogmatisme un peu loin, mais nous savons tous ce que Maggie pouvait faire quand elle était mal lunée, et justement elle était mal lunée à ce moment-là.

Le sénateur Callbeck: Avez-vous fait une étude comparative des tarifs pratiqués par les compagnies d'autocars et les compagnies ferroviaires au Canada?

M. Gow: Oui. L'Office des transports du Canada a passé à peu près un an à les étudier et a conclu que les billets de train coûtaient tellement plus cher que les billets d'autocar sur la plupart des corridors qu'on a une segmentation du marché et non une concurrence. VIA Rail a délibérément gonflé ses tarifs, en partie pour protéger les compagnies d'autocars qui se plaignaient des tarifs économiques. À partir de 1990, la compagnie VIA Rail a tellement augmenté ses tarifs que des personnes comme moi y réfléchissent maintenant à deux fois avant de prendre le train.

Le sénateur Callbeck: Et c'est vrai dans tout le Canada?

M. Gow: À peu près. Il y a quelques endroits où, pour des raisons sociales, les tarifs ont pu rester assez raisonnables. Par exemple, ils sont beaucoup moins élevés entre Halifax et Vancouver qu'entre Toronto et Vancouver. Entre Toronto et Vancouver, il y a ce qu'on appelle la classe Bleu d'Argent. C'est une classe qui s'adresse aux voyageurs internationaux qui ont de l'argent et du temps à perdre, alors que le service des Maritimes est un service de nuit à vocation utilitaire. Les gens du marché haut de gamme voyagent beaucoup en wagon-couchette, mais ils ne sont pas aussi payants que les voyageurs qui vont à Winnipeg ou à Vancouver.

Le sénateur LaPierre: Votre association dépend-elle du gouvernement ou est-elle indépendante? Qui la finance?

M. Gow: Autrefois, elle était moins indépendante que maintenant. Durant les premières années, après une prise de contact de Warren Allmand, on nous a invités à soumettre une demande de financement annuel. Pendant les 13 ou 14 premières années de notre existence...

[Français]

Nous avons reçu un montant variant de 18 000 à 50 000 dollars par année. Une autre association semblable située à Montréal, Transport 2000 Québec, reçoit une subvention de 40 000 dollars par année du ministère des Transports du Québec.

Mais en 1990, M. Valcourt a coupé notre subvention parce qu'il n'aimait pas le fait qu'une association s'oppose à une politique gouvernementale. Cette politique, établie à l'époque de M. Brian Mulroney, visait à diminuer de moitié le nombre de trains de voyageurs au pays. L'association l'a férocement contestée et dans un article du journal Le Droit, rédigé par Michel Vastel, on pouvait lire que nous fûmes punis pour nous être opposés à cette politique.

Depuis ce temps, l'association fonctionne grâce aux dons provenant des membres et de quelques commanditaires corporatifs.

[Traduction]

Le sénateur LaPierre: Une compagnie d'autocars, par exemple?

M. Gow: Les compagnies d'autocars ne versent pas grand-chose. Il y en a quelques-unes parmi nos membres, mais ce n'est pas un secret que l'essentiel de notre financement vient des compagnies ferroviaires et aériennes ainsi que d'entreprises du domaine général qui veulent bien nous octroyer quelques centaines ou quelques milliers de dollars. Environ 20 p. 100 de notre budget provient de dons de sociétés et 80 p. 100 de dons de particuliers.

Le sénateur LaPierre: Qui est propriétaire des gares routières?

M. Gow: Dans la région ici, ce sont les restes de Voyageur. Dans d'autres régions du pays, ces gares routières appartiennent à divers propriétaires, la Saskatchewan Transportation Company, les descendants de Scotia Bus Lines et des lignes Irving au Nouveau-Brunswick, ou Greyhound. Je dirais que c'est Greyhound le plus gros propriétaire. Il y a quelques gares qui appartiennent au public.

Le sénateur LaPierre: Est-ce que je me trompe si je dis qu'il y en a très peu qui appartiennent au grand public?

M. Gow: Vous avez raison. Le Vancouver Intermodal Terminal appartient au gouvernement du Canada, mais la plupart de ces gares routières sont propriété privée et sont financées par les exploitants.

Le sénateur LaPierre: On nous a dit que certaines provinces réglementaient le secteur alors que d'autres ne le faisaient pas.

M. Gow: Certaines provinces ont une réglementation moins rigoureuse.

Le sénateur LaPierre: Voyez-vous un avantage marqué à l'une ou l'autre de ces formules...

[Français]

... pour desservir les régions rurales du pays?

M. Gow: Transport 2000 préfère clairement la réglementation.

Le sénateur LaPierre: Est-ce que vous voyez des différences?

M. Gow: Ce sont des différences difficiles à comparer. Nous nous comparons à l'Angleterre et aux États-Unis et nous en sommes ravis. Cependant, nous comparons le Québec à l'Alberta et nous sommes désolés.

Le sénateur LaPierre: L'Alberta est-elle réglementée?

M. Gow: Elle est déréglementée.

Le sénateur LaPierre: Et le Québec est réglementé, n'est-ce pas?

M. Gow: C'est exact.

Le sénateur LaPierre: Est-ce qu'on a un meilleur service rural au Québec parce qu'il est réglementé ou si on a le même résultat en Alberta dans une situation déréglementée?

M. Gow: Les comparaisons sont toujours difficiles à faire mais disons que personnellement, je préfère le modèle québécois. Il dessert davantage de villages et offre moins de concentration sur l'aéroport à Banff à tout prix comme en Alberta et Calgary-Edmonton à tout prix. Dans le cas de l'Alberta, oublions Wataskewin parce que si je le compare à Banff, qui se situe sur la même ligne que Wataskewin, il n'y a pas de comparaison possible.

Au Québec, on a réussi à maintenir une bonne partie du réseau. Il y a beaucoup d'opérateurs au Québec. En Alberta, bien sûr, la population est moins dense mais les étendues sont semblables et à mon sens, le Québec a mieux réussi à tirer son épingle du jeu.

[Traduction]

Le sénateur LaPierre: Sachant que le but d'ensemble est d'assurer le service aux Canadiens, qu'ils vivent en ville ou en milieu rural, le prix de la déréglementation doit-il être l'octroi par le gouvernement fédéral ou par les gouvernements provinciaux de subventions aux personnes ou entreprises qui exploitent des autocars dans ces régions rurales qui ne sont pas desservies à l'heure actuelle ou qui risquent de ne plus l'être?

M. Gow: Dans un monde idéal, ce serait effectivement le prix à payer. Si le gouvernement se souciait vraiment du bien-être des Canadiens, je pense que c'est ce qu'il ferait. Toutefois, d'après ce que j'ai pu lire, par exemple, dans le mémoire de l'Association canadienne de l'autobus et dans l'étude de KPMG, le gouvernement fédéral se soucie actuellement en priorité des grandes villes. La plupart des subventions à VIA Rail sont destinées aux services des grandes villes. Il y en a très peu pour les petites villes, et elles sont de moins en moins nombreuses à être desservies.

Pas plus tard que cette année, Maxwell, Prescott et deux autres localités de la région ont perdu leur desserte ferroviaire. Autrement dit, il y a de moins en moins de services dans les zones rurales alors qu'il y en a de plus en plus dans des endroits comme Montréal et Ottawa. Dans un monde idéal, le gouvernement fédéral verserait 50 millions de dollars aux exploitants d'autocars en zones rurales et il verserait encore 20 ou 25 millions de dollars à VIA Rail pour l'indemniser de sa perte de clientèle entraînée par la déréglementation, mais en réalité je pense qu'il n'en sera rien. Comme d'habitude, les Canadiens des zones rurales vont être laissés pour compte.

Le sénateur LaPierre: Si je vous comprends bien, le gouvernement fédéral domine les pires intervenants.

M. Gow: Oui, d'après ce que nous avons pu constater. Par exemple, le gouvernement du Québec a au moins réduit les taxes sur le carburant pour les autocars et il a pris d'autres mesures pour encourager l'industrie des autocars interurbains. Je n'ai pas constaté ce genre de générosité dernièrement chez le gouvernement fédéral.

Le sénateur LaPierre: Après le 11 septembre, les gens ont cessé de prendre l'avion, et ils se sont tournés vers le train. Les autorités de VIA Rail ont alors déclaré qu'elles voulaient concurrencer directement le secteur des autocars en mettant au point des trains rapides qui mettraient une heure et demie pour aller à Montréal, par exemple, à peu près pour le prix d'un billet d'autocar, ou peut-être même à un prix légèrement inférieur pour grignoter de plus en plus de parts de ce marché. La grande débâcle du 11 septembre leur a fait prendre conscience de l'importance de ce marché pour eux. Vous l'avez remarqué?

M. Gow: J'ai entendu cette rumeur. Je l'ai entendue 25 fois. Elle revient régulièrement tous les ans depuis 1976, mais il ne s'est jamais rien passé. La tragédie du 11 septembre a amené à VIA Rail tellement de nouveaux clients, qui avaient peur de prendre l'avion et de faire la queue pendant une heure ou deux, que cette compagnie n'a même pas besoin d'essayer de concurrencer les autocars. Vu les tarifs qu'elle pratique, je ne crois pas que la compagnie VIA Rail puisse concurrencer les autocars, sauf sur quelques rares tronçons, et je ne pense pas que ce soit ce qu'elle souhaite faire. Je rencontre souvent des cadres supérieurs de VIA Rail. La compagnie baissera peut-être ses tarifs quand elle aura augmenté sa capacité. Elle a acheté 139 nouveaux wagons et elle a l'intention d'en mettre 120 en exploitation au cours des deux prochaines années, ce qui accroîtra sa flotte de près d'un tiers, de sorte qu'il y aura fatalement un certain rajustement à la baisse des tarifs. Mais les tarifs de VIA Rail sont tellement plus élevés que les tarifs des autocars que cette compagnie ne risque pas de concurrencer les compagnies d'autocars. Elle va concurrencer l'automobile privée et l'avion. Je crois que c'est cela, l'objectif de VIA Rail.

Le sénateur LaPierre: Vu l'état d'esprit que vous venez de nous décrire, à savoir que tout le monde se moque éperdument des personnes qui vivent en milieu rural et des pauvres — la plupart des gares d'autobus sont sales comparées aux aérogares — avez-vous l'impression que nous sommes en train de perdre notre temps? Quel que soit le temps que nous consacrerons à cette étude, personne ne changera quoi que ce soit. Les décisions sont déjà prises. Les gens s'en fichent.

M. Gow: Je connais des gens au gouvernement fédéral dont l'opinion est faite. Il m'arrive de discuter avec eux. Je dois dire cependant qu'il y a divers points de vue qui s'affrontent au gouvernement, au ministère des Transports. On peut essayer de montrer que les Canadiens ruraux méritent quelque chose, de montrer que les pauvres et les gens dans le besoin ont aussi besoin de services, essayer de montrer que l'État a un devoir in loco parentis, pratiquement, le devoir de répondre aux besoins de ceux qui sont dépendants et n'ont pas de ressources sur lesquelles se replier. Le Sénat peut contribuer utilement à renforcer l'action de ceux qui ne sont pas d'accord avec le principe de la...

[Français]

... économie libérale, marché libre, déréglementation...

[Traduction]

... à tous crins. C'est un rôle que votre comité pourrait jouer. Nous avons pu constater que cette déréglementation des services d'autocars qui devait se produire il y a déjà assez longtemps a été reportée grâce aux réserves de personnes comme vous.

Le sénateur LaPierre: Je n'en ai aucune. Merci.

Le sénateur Atkins: Merci. Bienvenue. En fait, je suis un mordu de l'autocar.

M. Gow: Moi aussi.

Le sénateur Atkins: Sur la ligne Montréal-Ottawa, combien coûte un billet en classe économique sur VIA Rail par opposition à l'autocar?

M. Gow: Le billet en classe économique coûte plus de 50 $. Mon beau-frère a pris le train à Dorval, ce qui lui a permis d'économiser quelques dollars, pour venir à Ottawa faire le marathon de Buckingham à Lachute vendredi. Comme il n'avait pas fait sa réservation à l'avance, il n'a pas pu bénéficier de la réduction pour réservation cinq jours à l'avance. Je me souviens qu'il a payé plus de 50 $.

Le sénateur Atkins: Pour le train?

M. Gow: Il voyageait sur VIA Rail. Pour l'autobus, si vous avez un aller-retour, je ne me souviens pas du tarif exact, mais le trajet Montréal-Ottawa vous coûte au maximum dans les 30 $, et c'est moins cher si vous faites l'aller-retour dans la journée.

Le sénateur Atkins: J'ai une réduction pour personne âgée, j'ai payé mon billet 29 $.

M. Gow: Je ne suis donc pas bien loin avec mes 30 $.

Le sénateur Atkins: Je me souviens de l'époque où les compagnies d'autocars faisaient la publicité de leurs services. On savait qu'il y avait un autocar toutes les heures entre Montréal et Ottawa, par exemple. J'ai l'impression que ces compagnies ont renoncé à faire de la publicité.

Pour revenir sur ce que disait le sénateur LaPierre, j'ai aussi l'impression que les compagnies d'autocars ne se sont pas vraiment adaptées à la réalité du marché contemporain, que l'on parle des gares routières ou de la configuration des autocars.

J'ai constaté que quand on compare un car touristique aux autocars qui font la liaison Ottawa-Montréal, on a des niveaux de luxe très différents, mais je me trompe peut-être. Le transport en autocar n'est pas très affriolant. En fait, je pense qu'on pourrait faire de la publicité pour attirer une certaine catégorie de clientèle et améliorer cette image.

Je me souviens d'avoir voyagé en autobus Grey Coach entre Toronto et Hamilton. Je sais que Go Transit a attiré une bonne partie de la clientèle qui voyageait sur cette compagnie. Je crois que la ligne de Grey Coach suivait la côte du lac et que c'était pratique pour les voyageurs qui vivaient dans les petites villes situées entre Toronto et Hamilton.

Il est aussi exact que la gare routière de Toronto n'est pas à la hauteur de la gare ferroviaire. Par contre, elle est en plein centre-ville.

J'ai l'impression que les compagnies d'autocars sont en train de rater une occasion de faire la promotion de leurs services.

Les autocars sont pratiques pour transporter des colis, mais les compagnies ne se coupent-elles pas du marché en pratiquant des tarifs prohibitifs? Que se passe-t-il, à votre avis?

M. Gow: Beaucoup de choses. Je ne peux pas parler au nom des compagnies d'autocar, mais je peux vous en parler. Il y a apparemment un problème d'investissement. L'industrie américaine des autocars a notamment connu une période difficile après la déréglementation, mais elle a retrouvé son équilibre grâce aux investissements d'une entreprise canadienne, Laidlaw, qui a racheté Greyhound, qui possède maintenant la compagnie américaine. Si vous pensez que les choses vont mal ici, allez jeter un coup d'oeil chez nos voisins du Sud.

Les compagnies ont diminué leur publicité etc., mais en période de difficulté économique, elles cherchent à utiliser leur argent de la façon la plus efficace possible. Elles ont remplacé certains autocars fatigués. Avec l'aide du gouvernement fédéral, elles ont acheté des autocars qui ont été adaptés pour permettre l'accès aux fauteuils roulants. Les passagers peuvent aussi téléphoner au répartiteur. Ce service est à leur disposition. Il y a eu des améliorations.

Dans l'ensemble, les autocars nolisés sont plus luxueux, probablement parce qu'ils ne sont pas mis à aussi maltraités et qu'ils transportent une clientèle plus choisie, par exemple des retraités qui vont en voyage à Cap-de-la-Madeleine ou à Sainte-Anne-de-Beaupré. Ce sont des personnes plus âgées, polies et calmes.

Au fond de l'autobus moyen de Voyageur ou de Trentway-Wagar, on peut couramment voir un individu avec un appareil radio-cassette branché sur les oreilles, mais que vous entendez aussi. Il peut très bien avoir ses grosses bottes posées sur le siège. Il monopolise trois places. Toutes les filles se sont groupées à l'avant pour être loin de ce monstre. Les personnes âgées hochent toutes la tête. Il y a peut-être de la gomme sur le siège, etc. Les passagers de ce genre détériorent les autocars. Cela dit, les compagnies d'autocars ont quand même investi là où elles le pouvaient ces dernières années, dans un contexte financier assez peu favorable. Néanmoins, je reconnais qu'on pourrait en faire plus.

Quand la population américaine s'est plainte des gares routières, l'État fédéral et les gouvernements des États ont construit des gares de transport intermodal. Je n'entends personne se plaindre de la gare routière de Voyageur à Montréal ou de la gare routière d'Ottawa. J'y passe très souvent à l'occasion de mes missions à Montréal, et je trouve que ces deux gares sont du niveau d'une bonne gare ferroviaire.

Là où ces gares n'étaient pas à la hauteur, par exemple à Québec, la municipalité et le gouvernement fédéral ont lancé une initiative de recyclage de la gare du Palais, sous la direction du maire de l'époque, Jean Pelletier, et il y a maintenant là une superbe gare d'autocars. Toutefois, elle est alimentée collectivement par la compagnie ferroviaire, la compagnie d'autocars, la commission de transport, la ville, le gouvernement fédéral et la province. C'est cela, la voie de l'avenir. On fait la même chose à Vancouver.

En ce qui concerne Toronto, on va bientôt adjoindre une nouvelle gare routière à la gare de VIA Rail. Cela va améliorer la situation. C'est l'avenir.

En ce qui concerne les colis, je n'ai pas de commentaires.

Le sénateur Atkins: J'ai l'impression que c'est au niveau des tarifs que se joue la concurrence. Par exemple, l'aller- retour Halifax-Fredericton coûte 120 $. Quand j'ai entendu cela, ma première réaction a été de trouver que c'était cher.

M. Gow: C'est ce que cela coûte. C'est un problème. Les compagnies aériennes sont suffisamment puissantes pour proposer des prix d'appel sur certains tronçons. J'ai vu annoncer la liaison Montréal-Halifax pour 79 $. La compagnie aérienne qui avait lancé cela n'existe plus. Si les compagnies d'autocars appliquaient le même genre de tarifs que les compagnies aériennes, elles seraient aussi peu rentables. Une sommité des États-Unis a récemment déclaré que si l'on faisait le total de tous les bénéfices réalisés par les compagnies aériennes depuis le vol des frères Wright à Kitty Hawk, on obtiendrait un résultat négatif. Les compagnies d'autocars ne peuvent pas se permettre ce genre de chose.

Les compagnies aériennes sont une affaire de vanité. Les riches qui veulent dorer leur image ont envie de posséder par exemple la Persian Royal Airlines — j'invente un titre de compagnie — ou B.C. Tourist Prestige Air. Ils ont l'impression que le fait de posséder une merveilleuse compagnie aérienne va rehausser leur masculinité.

Les compagnies d'autocars doivent être un peu plus terre-à-terre. Ce n'est pas la même chose que les compagnies aériennes. Elles ne peuvent pas se permettre de gaspiller l'argent d'autrui ni le leur. Elles doivent trouver des moyens de gagner un peu d'argent en servant le public honnêtement, et elles font généralement payer le prix coûtant, et pas plus. Les compagnies aériennes, avec leurs tarifs à 79 $, jettent de l'argent par les fenêtres. Personnellement, cela ne m'intéresse pas de voir des sociétés au tribunal de la faillite, et je ne recommande donc pas ce genre de chose.

Le sénateur Atkins: Est-ce que les minibus et les fourgonnettes empiètent sur la clientèle des services d'autocars réguliers?

M. Gow: Oui. Nous avons étudié les déplacements des personnes en Nouvelle-Écosse. Depuis qu'on a supprimé les liaisons ferroviaires un peu partout dans la province, sauf pour Halifax, Truro et à destination de Moncton, les habitants de la région ont recours à des expédients désespérés comme le transport en fourgonnette. Heureusement, en Nouvelle-Écosse, les conducteurs ont le sens des responsabilités communautaires. Les gens connaissent les conducteurs de ces fourgonnettes. En revanche, au Québec et en Ontario, ces services détournent chaque jour des milliers de personnes des lignes d'autocars. Les exploitants de ces entreprises ne semblent pas avoir beaucoup de conscience professionnelle. Je n'ose pas dire qu'ils n'en ont aucune.

Le sénateur Atkins: Sont-ils régis par la même réglementation?

M. Gow: Ils n'ont que faire de la réglementation. Ils n'engagent pas de chauffeurs qualifiés. Ils ne respectent pas les limites de temps autorisé au volant. Quand j'enseignais à l'Université d'Ottawa, j'avais des étudiants qui racontaient que ces conducteurs s'endormaient au volant. L'étudiant se précipitait sur le volant pour ramener le véhicule sur la route. La Commission des transports routiers de l'Ontario est intervenue pour enrayer ce genre d'activité et le ministère des Transports du Québec a fini par s'y intéresser aussi. Il était au courant, mais il n'avait rien fait. C'est seulement lorsqu'il y a eu un accident entraînant la mort de plusieurs personnes — le Ottawa Citizen du 18 juillet 2000 titrait: «Accident effroyable sur la 401: cinq morts dans la fourgonnette» — que tout cela a pris brutalement fin. Avant cela, on avait supprimé Easy Ride. Après, on a dit même à Allo Stop de cesser toute activité en Ontario, car je pense que la Commission des transports routiers de l'Ontario s'est dit que cette compagnie volait des passagers à la ligne d'autocars. Donc, quand vous me demandez si ces groupes de fourgonnettes prennent des passagers aux compagnies d'autocars, la réponse est oui.

Le sénateur Atkins: Est-ce que ce n'est pas parce qu'ils proposent le service à meilleur marché?

M. Gow: J'ai travaillé avec des adolescents toute ma vie. Il y a dans leur esprit ce qu'on appelle la «pensée magique». Je vous parle en tant que travailleur social professionnel. Pourquoi tant de jeunes filles de 16 ans tombent-elles enceintes? «Ça ne m'arrivera jamais. Je l'ai fait seulement une fois avec mon petit ami». Pourquoi pensez-vous qu'autant de jeunes fument? Pourquoi croyez-vous qu'autant de jeunes se tuent? Ils croient, quelque part, que leurs actes n'auront pas de répercussions et qu'ils vont simplement régler leurs problèmes. Ils ne pensent pas que leur famille va porter le fardeau de leur deuil pendant un demi-siècle. La plupart des gens qui voyagent dans ces fourgonnettes sont des jeunes. La «pensée magique» leur permet de ne pas envisager les conséquences d'une action dangereuse. Ce genre de pensée ne se modifie que lorsque les étudiants obtiennent leur diplôme au collège ou à l'université et commencent à se rendre compte de l'énormité de leurs responsabilités vis-à-vis de leur famille, de leur mari ou de leur épouse et de leurs enfants. Il est assez extraordinaire que notre société autorise des jeunes de 18 ans qui n'ont aucune expérience du public ou de la conduite automobile à piloter une fourgonnette sur l'autoroute 401 à 120 kilomètres/heure, et ne finisse par leur interdire de le faire qu'une fois qu'il y a eu tous ces morts. Pour en revenir à votre question, bien sûr que les gens vont risquer leur vie pour économiser de l'argent puisqu'ils ne se rendent pas compte des risques qu'ils prennent. Malheureusement, quand l'accident arrive, c'est trop tard.

Le sénateur Atkins: Cela sonne comme un bon slogan publicitaire.

La présidente: N'est-il pas exact que vous êtes en faveur d'un service de fourgonnettes à condition qu'il y ait un bon régime de permis et une bonne réglementation de la sécurité?

M. Gow: À partir du moment où ces fourgonnettes en arrivent à respecter les normes des exploitants d'autocars interurbains, elles deviennent pratiquement des autocars elles-mêmes, et dans ce cas je serais d'accord. Je ne serais pas d'accord pour qu'elles concurrencent ouvertement les autocars réglementés sur les autoroutes. Si elles doivent desservir de nouvelles routes, d'accord, mais à condition qu'elles soient tout de même réglementées. Au Québec, nous sommes en train de faire cette expérience. Comme nous traitons avec des compagnies de taxi agréées et des exploitants de fourgonnettes agréés, nous pensons avoir trouvé un moyen de contrôler cette situation. Mais nous allons commencer à avoir des sueurs froides le jour où Joe Manouk de Gracefield va entasser 10 personnes dans un véhicule conçu pour n'en transporter que sept et va foncer sur la route à 105 ou 110 kilomètres/heure. Il y a des limites.

Le sénateur LaPierre: À propos de cet incident avec la fourgonnette en juillet, il me semblait qu'il s'agissait d'immigrants — des personnes nouvellement arrivées au Canada qui allaient rendre visite à leur famille à Toronto.

M. Gow: Il y avait parmi eux des personnes très jeunes, dont plusieurs ont été tuées. Il y avait des immigrants parmi eux. Je ne l'ai pas précisé. Quand on parle de ce genre de questions, même en tant que travailleur social, on a parfois peur de faire des remarques discriminatoires.

Le sénateur LaPierre: Dans la foulée de la question de la présidente, il me semble que s'il n'est pas rentable de desservir des endroits comme le lac Mégantic avec de gros autocars et qu'une fourgonnette plus petite ou une mini- fourgonnette correctement réglementée devrait pouvoir assurer ce service avec une meilleure fréquence qu'un gros autocar. Par conséquent, les gens du lac Mégantic qui ont des parents à Sherbrooke pourraient aller leur rendre visite. Ce serait plus facile et ce serait acceptable sur le plan social.

M. Gow: C'est le genre de dispositif sur lequel nous travaillons. Il y a une limite à la viabilité financière de ce genre de chose. Le chauffeur qui transporte 40 personnes va gagner plus que s'il n'en transporte que 10. L'un des problèmes du transport en fourgonnette collective, c'est que le salaire du conducteur, l'entretien et le coût du carburant ne sont guère différents de ceux d'un autocar plus gros. Voyageur a par exemple mis à l'essai un autocar plus petit sur le trajet Ottawa-Maniwaki. Nous allons certainement faire ce genre d'expérience aussi dans notre projet de transport rural dans l'ouest du Québec.

Le sénateur LaPierre: C'est un adulte qui avait donné les clés de l'autocar à ce jeune de 18 ans qui conduisait. En dernière analyse, ce sont des adultes qui profitent de la crédulité des jeunes pour gagner de l'argent sur leur dos. C'est aussi la faute du gouvernement et de la société qui n'ont pas réglementé tout cela plus tôt. Ce que je voudrais, c'est que nous comprenions bien que les jeunes rêvent peut-être, mais que dans bien des cas ils sont les victimes de l'avidité des adultes qui les entourent. Je suis sûr que vous, qui êtes un éminent travailleur social, vous êtes d'accord avec moi.

M. Gow: Vous avez parfaitement raison. Pour revenir à votre question sur les immigrants, je ne pouvais pas vous répondre parce que je ne savais pas comment répondre sans avoir l'air de faire de la discrimination. Dans les deux cas, vous avez mis le doigt sur un problème réel. Quand certains groupes sociaux sont nouveaux dans cette existence ou sont nouvellement arrivés dans ce pays, l'État a le devoir de les protéger de l'avidité des adultes qui ne demandent qu'à exploiter la crédulité d'adolescents ou de nouveaux venus au pays pour se faire de l'argent. Notre pays a le devoir de protéger ses citoyens les moins privilégiés ou ses nouveaux arrivants.

Le sénateur Jaffer: On nous a dit qu'il y avait une hausse du nombre d'immigrants au Canada et je crois qu'on a évoqué la thèse selon laquelle ils gagneraient moins d'argent parce qu'ils sont nouveaux dans ce pays. Pensez-vous que les gens qui gagnent moins d'argent vont avoir tendance à prendre l'autocar? Comme notre population d'immigrants va s'accroître, j'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.

M. Gow: C'est une excellente remarque. Au cours de mes voyages, j'ai remarqué que dans certains véhicules de transport public, les membres de groupes minoritaires avaient tendance à représenter une plus grande partie de la clientèle que les personnes dont les ancêtres sont arrivés ici il y a 300 ans. Il suffit de prendre le 95 ici pour constater qu'une grande partie des jeunes sont d'origine somalienne ou antillaise ou viennent d'Europe de l'Est, à en juger par la langue qu'ils parlent. C'est certainement de bon augure pour les transports publics. Les nouveaux venus n'ont pas nécessairement pour priorité d'acheter une automobile. Ils vont plutôt chercher à améliorer leur situation pour régulariser leurs papiers et pouvoir se trouver un bon travail ou un bon appartement. Actuellement, j'aide un jeune originaire d'Afrique centrale. Il prend les transports en commun et marche si un ami ou moi-même ne lui propose pas de l'emmener. Il me dit qu'il n'envisage pas d'avoir une automobile avant deux ou trois ans. C'est réaliste, et c'est vrai pour de nombreux nouveaux venus au Canada, mais pas tous. C'est en tout cas le cas en dehors peut-être de la bordure du Lower Mainland de Colombie-Britannique. Je viens de la Colombie-Britannique. Il y a peut-être certaines différences là-bas, mais à l'échelle du pays, il y a effectivement une clientèle dont se réjouissent les transporteurs publics. On pourrait peut-être en faire plus.

Le tarif est un gros problème. Quand je vois des personnes appartenant à des minorités visibles voyager avec Easy Ride, cela m'attriste. Mon bureau est un petit peu plus loin que celui d'Easy Ride dans le même couloir. Des personnes originaires d'Éthiopie, de Somalie et de divers autres pays africains et asiatiques viennent me demander quel recours ils ont contre Easy Ride qui les a escroqués ou maltraités ou mis en danger. Ils m'expliquent qu'ils n'ont pas les moyens de faire des voyages fréquents en utilisant les transports réguliers. Il faudrait peut-être mettre sur pied un programme pour aider les nouveaux arrivés à surmonter leurs problèmes de transport. On pourrait peut-être leur décerner un laissez- passer pour les premières années, comme on le fait quelquefois pour les chômeurs à Ottawa-Carleton. Comme dans le cas des personnes âgées, il faudrait leur accorder des tarifs réduits pour leur permettre d'aller se chercher un emploi, et cetera, au cours de leurs premières années au Canada.

Le sénateur Jaffer: Vous avez déjà mentionné cela tout à l'heure, mais j'aimerais en savoir un peu plus sur la situation des autocars adaptés pour transporter des personnes handicapées. Pouvez-vous nous en parler?

M. Gow: J'ai passé beaucoup de temps à étudier cette question. J'ai rencontré à maintes reprises des personnalités et des exploitants pour en discuter, en particulier tout récemment dans le contexte de notre projet dans l'ouest du Québec. Les compagnies d'autocars et VIA Rail ont fait un gros effort pour mieux servir les personnes handicapées, que ce soit en adoptant une signalisation plus visible, en aménageant des sièges spéciaux, en installant des ascenseurs pour fauteuils roulants ou, dans le cas des autobus urbains, en mettant en service des autobus à plancher surbaissé ou encore en ayant des wagons à accès de plain-pied, par exemple dans le cas du train léger d'Ottawa ou aussi dans le cas de Calgary ou d'Edmonton. Je suis personnellement optimiste. Je crois qu'on servira de mieux en mieux les personnes handicapées à l'avenir, mais il reste encore des obstacles. Une récente friction entre VIA Rail et le Conseil des Canadiens avec Déficiences illustre bien ce problème.

Pour ce qui est des exploitants d'autocars sur une ligne, je crois que l'accroissement du nombre d'autocars adaptés pour les personnes handicapées nous permet de voir la lumière au bout du tunnel.

Le sénateur Callbeck: Nous parlions des tarifs et du fait que les prix pratiqués par VIA Rail sont beaucoup plus élevés que ceux des compagnies d'autocars. Les étudiants et les personnes âgées sont deux des principales composantes de la clientèle des autocars. Je crois que ces deux groupes bénéficient de tarifs spéciaux. Dans ce cas, l'écart de prix ne doit plus être si important globalement?

M. Gow: Les compagnies d'autocars font la même chose. Tout le monde propose des tarifs réduits aux aînés et aux étudiants, que ce soit OC Transpo, la compagnie ferroviaire ou n'importe qui. On réduit ainsi l'écart, mais on ne le fait pas disparaître.

Un étudiant peut acheter un carnet de billets ou obtenir une réduction de 40 p. 100 ou quelque chose comme cela auprès d'une compagnie de transport. Il y a toujours quelque chose pour attirer les étudiants, on leur propose toujours une bonne affaire. N'oubliez pas que les étudiants sont d'excellents clients pour les transporteurs car ils peuvent souvent voyager en dehors des heures de pointe. Ce sont donc des clients qui permettent à VIA Rail et aux compagnies d'autocars de remplir des sièges au lieu de voyager à vide. C'est avantageux pour les deux groupes. Je ne crois pas que VIA Rail en fasse plus pour les étudiants ou les personnes âgées que n'importe quel autre transporteur. J'utilise beaucoup tous ces moyens de transport en commun et, maintenant que j'ai 63 ans, j'ai droit à ces réductions. Franchement, c'est encore l'autocar qui me coûte le moins cher, même avec les tarifs réduits de VIA Rail.

Le sénateur Callbeck: Vous dites que vous préférez le service d'autocars du Québec à celui de l'Alberta. Est-ce que vous le préférez à ceux de toutes les autres provinces?

M. Gow: En Ontario, le service est assez proche. Ils ont une forme de déréglementation où les compagnies d'autocars participent à la réglementation. C'est une espèce d'autoréglementation qui fonctionne assez bien. Pour l'instant, la situation est assez semblable en Ontario et au Québec, mais je cite le Québec parce que c'est là que je vis et que j'utilise le plus ce système. Je vais plus souvent à Montréal et à Québec qu'à Toronto. Ce n'est pas une question de parti pris. Ce sont simplement les villes où je me rends le plus souvent professionnellement.

Le sénateur Callbeck: Le réseau d'autocars du Québec est subventionné, n'est-ce pas?

M. Gow: Uniquement les transports en commun urbains et certains services de transport de personnes handicapées en zone rurale. Le service d'autocars interurbains n'est pas subventionné, il est simplement protégé par la réglementation. L'exploitant de la ligne Ottawa-Montréal gagne beaucoup d'argent, mais il doit en consacrer une partie à assurer le service sur la ligne Ottawa-Maniwaki. Il n'y a pas de subventions directes. Il y a une ristourne sur le prix du carburant, mais c'est à peu près tout.

Le sénateur LaPierre: C'est une espèce d'échange.

M. Gow: C'est cela. C'est un échange de bons procédés.

Le sénateur Callbeck: Qu'en est-il des subventions dans les autres provinces?

M. Gow: Il n'y en a pas beaucoup. Il y en a un peu à Terre-Neuve où le service d'autocars est subventionné parce qu'il a remplacé le service de VIA Rail, qui avait remplacé le CN. Mais en général, les entreprises d'autocars interurbains sont très peu subventionnées. Je crois qu'elles sont un peu aidées en Saskatchewan où il me semble qu'il s'agit d'une société d'État. La Saskatchewan Transportation Company est probablement déficitaire, bien que je n'ai pas vu son dernier rapport annuel. Je crois que le gouvernement l'aide un peu, mais l'essentiel de cette aide se manifeste par exemple par l'obligation pour des fonctionnaires de prendre les autocars de la STC pour aller de Regina à Saskatoon par exemple au lieu de prendre leur propre véhicule. Mais c'est quelque chose de courant ailleurs aussi.

Le sénateur Atkins: J'aimerais bien avoir votre avis sur la configuration des autocars interurbains. Que pensez-vous de l'idée d'avoir trois sièges de front au lieu de quatre? Les Nord-Américains aiment avoir de l'espace. L'un des problèmes bien souvent avec ces autocars, c'est qu'on y est vraiment à l'étroit. Les compagnies d'autocars envisagent- elles ce genre de chose?

M. Gow: J'ai constaté une amélioration de ce que l'on appelle le pas entre les sièges sur les autocars Voyageur de la ligne Montréal-Ottawa. C'est peut-être une simple impression, mais je ne crois pas. Je mesure six pieds, et j'ai des problèmes dans beaucoup d'avions et d'autocars interurbains, mais j'ai constaté une amélioration dans les nouveaux modèles d'autocars.

Je pense que Prevost, Motor Coach Industries et tous ces gens-là s'efforcent de répondre aux désirs des compagnies d'autocars qui veulent offrir un peu plus de confort.

Pour ce qui est de la configuration deux et un, il y a eu à une époque un autocar aménagé en voiture-salon, avec un siège de chaque côté je crois, qui assurait la ligne Ottawa-Montréal et Montréal-Québec. Je l'ai souvent pris, ainsi que mes amis. Finalement, le système a périclité parce que ce car n'était pas aussi économique que les autocars classiques d'une quarantaine de places. C'est dommage. En proposant un service plus luxueux, ils attiraient peut-être une partie de la clientèle de VIA Rail. C'est un exemple de situation où ils ont été en concurrence directe avec VIA Rail, mais cela n'a pas marché. Sur les lignes qui ne sont pas desservies par VIA Rail, par exemple entre Edmonton et Calgary, il y a eu des expériences de mise en place de meilleurs autocars. Dans l'ensemble, cela a donné d'assez bons résultats.

Le sénateur Atkins: Les autobus qui desservent une ligne toutes les heures sont-ils toujours remplis?

M. Gow: Non, seulement pendant les heures de pointe, c'est-à-dire environ de 6 heures à 8 heures du matin et de 3 à 6 heures de l'après-midi. En général, en dehors de ces heures, ils ne sont pas pleins. Le problème, c'est d'avoir moins de sièges à proposer pendant ces heures creuses. Les voyageurs ont tendance à s'étaler et à monopoliser trois ou quatre fauteuils. Quand l'autocar est vide, les voyageurs ont tendance à occuper tout l'espace.

Le sénateur Atkins: American Airlines parle beaucoup plus d'espace.

M. Gow: Cette compagnie a effectivement augmenté le pas de ses fauteuils de deux pouces environ. Cela lui a permis de gagner le respect et la fidélité d'une solide clientèle.

La présidente: Merci pour votre exposé, monsieur Gow.

Nous allons maintenant accueillir nos témoins suivants, M. Michael Colborne et M. Mark Hannah, de Pacific Western Transportation.

M. Michael J. Colborne, directeur de l'exploitation, Pacific Western Transportation: Le groupe des entreprises Pacific Western est un des plus importants réseaux de transport détenus et exploités par des intérêts privés au Canada; il s'étend sur la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario. Mon père a lancé cette entreprise en 1957 et nous avons plus de 40 ans d'expérience du transport de passagers. Nous sommes la huitième flotte d'autocars de l'Amérique du Nord, avec 1 880 véhicules et largement plus de 2 000 employés.

Nous sommes vraiment convaincus que nous sommes à la pointe de l'innovation et du service. Nous avons été la première entreprise de transport par autocar à installer des télévisions et des magnétoscopes dans nos autocars. Notre service Red Arrow permet aux voyageurs de réserver leur siège à l'avance. Nous avons reçu le Prix d'excellence de l'OTC pour l'innovation dans le service à la clientèle.

Notre vision et notre volonté sont de fournir le meilleur service en Amérique du Nord, de dépasser les attentes de notre clientèle et d'être les pionniers de notre secteur dans le domaine de la technologie et de la conception de nouveaux produits. L'un de nos objectifs les plus importants est de participer et de contribuer au succès des collectivités que nous desservons.

Nos services de transport sont variés: transport interurbain, service régulier en banlieue, autocars affrétés, transport d'employés, transport à contrat, service de navettes, tourisme, excursions, transport scolaire et transport à destination.

Voici quelques statistiques sur nos services: nos navettes aéroportuaires transportent chaque année 3,8 millions de passagers et nos services de transit plus de 6 millions de passagers; nos autocars nolisés et de tourisme parcourent plus de 5,8 millions de kilomètres par an; nous transportons plus de 2,1 millions de passagers par an dans le cadre de nos contrats de transport d'employés industriels; nos autobus scolaires transportent 33 000 élèves chaque année, et nos autocars interurbains et de banlieue en transportent 300 000.

M. Mark Hannah, directeur général, Pacific Western Transportation: Nous modifions la perception des voyages en autocar au moyen de solutions novatrices axées sur les demandes et les expériences de nos clients, en nous engageant pleinement dans notre secteur et en offrant un produit attrayant au marché actuel tout en prospectant constamment de nouveaux marchés.

Nos véhicules sont confortables, pratiques, sûrs et fiables. Nous avons la plus grande flotte d'autocars entièrement accessibles du pays. Nous allons vous présenter en détail le contenu des divers services de Pacific Western.

M. Colborne: En 1979, après 70 jours d'audiences sur les transports publics, on nous a autorisés à lancer le service Red Arrow sur la ligne Calgary-Edmonton, qui est aujourd'hui reconnue comme étant incontestablement le meilleur service interurbain de toute l'Amérique du Nord.

Tous nos véhicules sont en configuration deux et un, avec un fauteuil séparé d'un côté et deux de l'autre. Notre tout dernier autocar, que vous voyez ici, coûte 650 000 $. Les sièges sont entièrement en cuir. Les passagers peuvent réserver un siège particulier. Il y a un office à l'arrière de l'autocar où les voyageurs peuvent se servir en rafraîchissements. Tous nos fauteuils ont des prises pour ordinateur portable et il y a des télécopieurs à bord. Les voyageurs peuvent aussi regarder des films en utilisant des écouteurs personnels.

Nous sommes extrêmement fiers de notre service. Nous fonctionnons depuis 1979. Nous faisons constamment la promotion de ce service et nous sommes convaincus qu'il n'a pas son pareil dans toute l'Amérique du Nord.

M. Hannah: Nous assurons une liaison exclusive par autocar entre l'Aéroport international Pearson et le centre de Toronto. Chaque jour, nous faisons 42 voyages dans chaque sens, 365 jours par an. Nous ne sommes pas subventionnés. Nous payons les autorités aéroportuaires pour avoir ce privilège.

La capacité actuelle est de 1,5 million de passagers par an et nous pouvons l'augmenter encore en mettant en service des véhicules supplémentaires.

Nous avons proposé au gouvernement de l'époque d'aménager une voie réservée aux autocars pour assurer la liaison entre l'Aéroport international Pearson et le centre de Toronto. Le ministre Collenette voudrait maintenant que ce service soit assuré par une ligne ferroviaire. Nous avons répondu que nous acceptions cela, tout en étant convaincus qu'il faudrait en fait que cette liaison soit assurée par des véhicules sur pneumatiques et non une voie ferrée.

Nous avons des autocars «à thème» pour trouver une nouvelle clientèle, sensibiliser le public à nos produits et ainsi accroître nos revenus. Le véhicule que vous voyez dans notre documentation a été conçu en collaboration avec Mirvish Productions, et l'intérieur comme l'extérieur de l'autocar sont conçus sur le thème du Roi Lion. Nous avons un ainsi accru les recettes et la fréquentation de cet autobus express sur la ligne Toronto-Aéroport Pearson.

M. Colborne: Depuis 1963, nous avons des contrats de transport d'employés dans la région de Fort McMurray, en Alberta. Nous transportons actuellement les employés de Syncrude, de Suncor et d'Albion Oil Sands, c'est-à-dire le Groupe d'entreprises Shell. Nous emmenons 25 000 personnes au travail chaque jour, 365 jours par an, avec 255 autocars. Dans la documentation que vous avez sous les yeux, nous précisons que nous couvrons plus de 27 000 kilomètres de route. Les conditions dans cette région sont difficiles, mais chaque jour nous amenons ces personnes à leur lieu de travail en toute sécurité. Nous sommes extrêmement fiers de ce contrat.

M. Hannah: Pacific Western dessert les employés des lignes aériennes et de l'Aéroport international Pearson. Nous desservons aussi les aires de stationnement. En tout, notre service fonctionne 24 heures sur 24, sept jours par semaine et assure plus de 1 150 trajets par jour en transportant 10 000 passagers. Nous le faisons avec 17 véhicules et 49 chauffeurs.

M. Colborne: Nos services d'autocars scolaires transportent 33 600 élèves. En outre, nous transportons 3 400 élèves ayant des besoins spéciaux, et nous parcourons ainsi 19 millions de kilomètres par an. Nous sommes présents à Calgary, Red Deer, Edmonton et Fort McMurray, en Alberta, ainsi qu'à Fort Nelson, Maple Ridge et Chetwynd, en Colombie-Britannique.

Nous assurons un service municipal de transport à Prince George depuis le début des années 60, à Whistler depuis 1992, à Fort McMurray depuis les années 70 et dans Strathcona County depuis les années 80. Richmond Hill, en Ontario, est notre plus récent contrat et il remonte à trois ans. Nous transportons 6,2 millions de passagers par an.

M. Hannah: Au cours de l'an 2000, les personnes effectuant des voyages à forfait ont dépensé 9,5 milliards de dollars pour leur transport vers des destinations canadiennes. Généralement, ces voyages se font en totalité ou en partie par autocar. On peut citer comme exemple de ce type de déplacements les excursions touristiques, la visite des casinos, les visites à des amis et à des parents, les voyages entrepris pour assister à des réunions, des manifestations et des congrès.

Cette activité emploie directement 169 000 Canadiens. À Pacific Western Transportation, nous effectuons 5,8 millions de kilomètres par an pour desservir toutes les destinations nord-américaines dans des autocars ultramodernes. Nous pensons que l'image de marque est importante, mais nous considérons également que c'est à nous qu'incombe la responsabilité de promouvoir l'utilisation de l'autocar. L'autobus que vous voyez dans le document que nous avons fourni cible des groupes d'étudiants et des groupes effectuant des voyages éducatifs. Nous nous servons de l'extérieur de l'autocar pour attirer ce segment du marché.

Nous avons des contrats importants avec des voyagistes, des établissements d'enseignement, des équipes sportives, des groupes de loisirs et des entreprises.

Comme nous nous sommes rendu compte du potentiel que représentaient les conférences et les congrès dans le contexte actuel au Canada, nous avons mis sur pied une entreprise de gestion à destination offrant un service complet afin d'assurer une intégration latérale avec nos sociétés de transport. Cette organisation s'occupe de conférences, de réunions, de diverses manifestations et de voyages de motivation. Ses services incluent un transport de haute qualité pour les conférences et les manifestations. À titre de société nationale de gestion de destination, Pacific Western a fait le choix stratégique de créer cette société séparément, et nous avons pris de très grands engagements. Nous avons actuellement des employés en Grande-Bretagne pour être présents sur ce marché particulier et proposer le Canada comme destination aux entreprises qui décident de récompenser leurs employés par un voyage de motivation.

M. Colborne: Notre point de vue sur la réglementation économique est facile à comprendre. Nous pensons que c'est un produit des années 20 — une relique du passé. La réglementation économique étouffe l'innovation, alourdit le coût des activités de l'entreprise et empêche la croissance dans l'industrie du transport-passagers. La réglementation économique va à l'encontre de la philosophie des entreprises et des principes du marché dans l'économie mondiale d'aujourd'hui. La réglementation économique va à l'encontre de l'orientation et de la politique gouvernementale. L'alinéa 5b) de la Loi sur les transports au Canada stipule que:

[...] la concurrence et les forces du marché soient les principaux facteurs en jeu dans la prestation de services de transport viables et efficaces

M. Hannah: Malgré la réglementation économique, de nombreuses localités canadiennes ont perdu des services réguliers qui n'étaient pas rentables. Le principe économique de l'interfinancement s'est érodé avec le temps au fur et à mesure que l'on a accordé des permis de transport nolisé indépendants des services réguliers. La politique et les lois gouvernementales doivent suivre l'évolution de la démographie, de l'économie, de la technologie et des préférences des voyageurs. Les nouveaux services novateurs et élargis qui pourront être offerts dans un environnement déréglementé seront dans l'intérêt des collectivités et des marchés.

La présidente: Merci, messieurs.

Quand on examine la documentation présentée aujourd'hui au comité, il est clair que le comité se trouve devant des opinions très contrastées. Tandis que certains rapports préparés par des institutions gouvernementales semblent indiquer que le secteur du transport interurbain régulier par autocar est en déclin, d'autres études semblent indiquer le contraire.

L'un des principes de base dans un système de marché libre veut que l'on compte sur les bénéfices pour inciter les gens à investir des capitaux et des ressources humaines. Quelle est votre position sur les trajets non rentables? Nous n'avons pas encore entendu votre point de vue sur le problème des régions rurales et éloignées qui ont besoin de services.

M. Colborne: Nous croyons sincèrement, et nous avons vu plusieurs cas au Canada où les services ruraux sont importants, que s'il y a un marché, quelqu'un va fournir le service. Ce service peut se faire avec des petites camionnettes ou être assuré par l'exploitant local d'autobus scolaires. Si l'on déréglemente le transport interurbain, les principaux transporteurs abandonneront les routes rurales. Oui, il y aura sûrement des départs dans l'industrie mais nous croyons aussi que le marché réagira, que ce soit avec de petites fourgonnettes ou avec l'exploitant d'autobus scolaires local, dont les frais généraux seront inférieurs à la moitié de ceux d'une compagnie de la taille de Laidlaw ou de Greyhound. S'il y a un marché, quelqu'un viendra combler le besoin. S'il n'y a pas de marché, il n'y aura pas de service.

La présidente: Pensez-vous qu'il y ait un marché dans les régions rurales éloignées?

M. Colborne: Je pense que dans certaines régions rurales, il y a un marché et dans d'autres il n'y en a pas.

La présidente: La plupart des personnes de votre secteur reconnaissent que les services nolisés pourraient être déréglementés. Êtes-vous d'accord sur ce point?

M. Hannah: Je suis tout à fait d'accord, absolument, mais on ne peut pas déréglementer uniquement les services nolisés. La déréglementation économique doit se faire simultanément dans le secteur des voyageurs réguliers et dans celui du transport nolisé.

La présidente: D'après vous, dans quelle mesure est-il important d'avoir une réglementation uniforme dans l'ensemble du pays?

M. Hannah: À l'heure actuelle, notre secteur n'est pas en bonne santé. Cela est dû en partie au coussin de sécurité qui nous protégeait avec la réglementation. Si l'on déréglemente dans l'ensemble du pays, notre secteur d'activité devrait pouvoir, espérons-le, s'attaquer aux problèmes auxquels il est confronté. Il est important que la situation soit la même partout.

La présidente: Que pensez-vous de l'idée d'autoriser une concurrence accrue dans les services réguliers? Y a-t-il de la place pour cela?

M. Colborne: Absolument. Le principal problème au Canada actuellement c'est qu'il n'y a pas de concurrence. Pourquoi n'y a-t-il pas de commercialisation ou de service novateur? C'est une société en faillite qui exploite nos services interurbains réguliers au Canada. Elle n'a ni l'argent ni les ressources nécessaires du point de vue de la mise en marché pour faire la promotion du service, et d'ailleurs elle ne le veut pas. C'est pour cela que le nombre de passagers diminue. Il n'y a pas de concurrence. C'est un monopole. Les gens refusent de prendre des cars sales qui n'arrivent pas à l'heure.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que vous étiez maintenant actifs dans trois provinces et que vous aviez comme objectif de fournir le meilleur service en Amérique du Nord. Quel est votre plan sur cinq ou 10 ans?

M. Hannah: Nous voulons vraiment venir dans l'Est. Le problème, c'est que pour obtenir notre premier permis, nous avons dû engager un avocat pendant 100 jours. Nous devons peser le pour et le contre pour savoir si le risque et les résultats justifient que l'on dépense de telles sommes pour pénétrer le marché, c'est-à-dire étouffer des petits transporteurs régionaux et créatifs pour pénétrer le marché du service à horaire fixe.

Le sénateur Callbeck: Vous n'avez aucun plan concret pour l'instant, n'est-ce pas?

M. Colborne: En tant qu'entreprise, nous avons vraiment une vision. M. Hannah dirige nos opérations en Ontario et il a une vision. Je sais où je veux amener la compagnie dans son ensemble.

Le sénateur Callbeck: Savez-vous si vous continuerez sur cette lancée? Vous avez dit que vous aviez dû embaucher un avocat.

M. Hannah: C'est très décourageant de devoir dépenser tout cet argent uniquement pour voir si l'on peut pénétrer ce marché. Par exemple, pour amener le service Red Arrow de Toronto à Ottawa ou de Toronto à Montréal, il faut passer 100 jours à essayer d'obtenir un permis et avec les audiences de la Commission des transports, il faut littéralement se mettre à nu, présenter ses plans d'entreprise et son financement. On doit témoigner et étaler toutes ses informations devant ses concurrents. Le processus n'est pas très inspirant.

Le sénateur Callbeck: Si l'industrie était déréglementée, où souhaiteriez-vous être dans 10 ans?

M. Hannah: Nous serions l'un des grands joueurs en matière de transport interurbain au Canada.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que ceci comprendrait les États-Unis?

M. Hannah: C'est possible.

Le sénateur LaPierre: À Charlottetown?

Le sénateur Callbeck: Je l'espère.

Quel est le coût de votre service par rapport au train ou à l'avion?

M. Colborne: Le seul service interurbain que nous ayons est celui du corridor Calgary-Red Deer-Edmonton-Fort McMurray. Autrement, nous nous occupons d'autobus scolaires et municipaux et de voyages organisés. Voulez-vous parler de service inter-villes?

Le sénateur Callbeck: Oui.

M. Colborne: Dans le corridor de l'Alberta, il n'y a pas de service VIA Rail. Les tarifs WestJet, si vous pouvez les avoir, sont comparables aux nôtres. Nous coûtons environ 4 $ de plus, pour un aller, que Greyhound. WestJet coûterait la même chose que le bus régulier.

Notre compagnie n'a pas cessé de grandir chaque mois comparativement au mois correspondant de l'année précédente. Nous n'avons jamais eu autant de passagers dans nos autocars.

Le sénateur Callbeck: Quelle est la solution pour les régions rurales? Vous avez dit que la déréglementation allait ouvrir la porte au secteur privé. Or, le témoin précédent nous a dit que le secteur privé n'était pas entré sur le marché en Floride ou en Angleterre.

M. Hannah: Depuis 1930, la compagnie Greyhound s'est construite dans un environnement de monopole. Ses syndicats le savent et ses coûts sont plus élevés que ceux des entreprises locales. Un service qui peut ne pas être rentable pour la Greyhound peut l'être pour un petit transporteur ayant une orientation locale. Il y a des exemples à Uxbridge, en Ontario, où le transport a été subventionné par GO Transit. Ce service a été abandonné et il a été repris par une entreprise privée, Trentway-Wager.

Le sénateur Callbeck: Je pense que c'est ce qui se produirait. À l'Île-du-Prince-Édouard, le secteur privé a pris le relais pour assurer non pas 100 p. 100 du service mais en tout cas une grande partie. Pourquoi cela ne s'est-il pas fait en Floride ou en Grande-Bretagne?

M. Hannah: La Grande-Bretagne n'est pas un bon exemple pour comparer la déréglementation à cause de la privatisation. Ceci a introduit un nouveau paramètre. Je ne peux pas vous parler de la situation de la Floride. Nous avons passé beaucoup de temps avec les transporteurs américains à étudier la déréglementation, parce que nous nous préparions à cela en Ontario. Nous avons vu de bonnes entreprises devenir plus fortes et des mauvaises disparaître.

Le sénateur Callbeck: Pensez-vous qu'avec la déréglementation il y ait un avenir prometteur pour le secteur des autocars au Canada?

M. Hannah: L'avenir ne semble pas se trouver dans le système actuel. Le nombre de passagers diminue. Quelques compagnies se sont mises sous la protection des lois de la faillite aux États-Unis. Ce n'est pas une situation saine. Quelque chose doit changer. Nous devons créer de nouveaux marchés, aborder les marchés d'une façon différente et prendre plus de risques au plan de la créativité.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que vous consacriez du temps et de l'argent à la commercialisation. C'est quelque chose que l'on ne fait pas ici ni dans ma région. Annoncez-vous votre produit dans les journaux ou à la télévision?

M. Hannah: Nous commençons à avoir des autocars à thème, pour aller directement vers les marchés et nous faisons des campagnes d'envoi direct. En fait, nous avons des employés qui vivent en Grande-Bretagne. Ils vont frapper aux portes, étudient des segments de marché particuliers et cherchent à trouver une façon de les pénétrer. Autrefois, il suffisait pour faire de la promotion de mettre une annonce dans les pages jaunes. Cela ne fonctionne plus aujourd'hui.

M. Colborne: Pour notre service inter-villes Red Arrow, nous avons des annonces à la radio, à la télévision, et sur des panneaux d'affichage. Nous faisons des annonces dans les guides des étudiants. Nous avons des affiches dans les centres pour personnes âgées et nous faisons des envois postaux.

Le sénateur Callbeck: Quel pourcentage de vos recettes consacrez-vous à la promotion?

M. Colborne: Pour le Red Arrow, notre service interurbain, le chiffre est de 4 p. 100.

Le sénateur Atkins: Êtes-vous rentables?

M. Hannah: Oui.

M. Colborne: Absolument.

Le sénateur Atkins: Quel pourcentage de vos bénéfices réinvestiriez-vous dans votre matériel?

M. Colborne: Pratiquement chaque dollar que nous gagnons est réinvesti dans la société. Elle a pris beaucoup d'importance. Au cours des cinq dernières années, nous avons augmenté nos recettes d'encaisse de nettement plus de 50 p. 100. Notre industrie exige beaucoup de capital. Un nouvel autocar coûte 650 000 $. Par conséquent, nous sommes sans cesse en train d'acheter de l'équipement neuf et du matériel roulant et d'améliorer nos installations.

Nous tenons en tant que propriétaires de la compagnie à être fiers de notre entreprise. Cela fait partie de notre philosophie générale. De ce fait, nous prélevons moins de bénéfices dans notre entreprise parce que nous voulons être fiers de la présentation de nos employés, de notre matériel et de nos installations. C'est un élément important de nos opérations en Ontario. Les conducteurs du service express à l'aéroport sont les meilleurs du secteur. Ils sont bien habillés. Notre matériel est impeccable. C'est important pour nous.

Le sénateur Atkins: Avez-vous entendu certaines de mes questions pendant l'exposé précédent?

M. Colborne: Oui.

Le sénateur Atkins: Est-il vrai que si l'équipement est de la meilleure qualité qui soit et immaculé, les personnes qui prennent votre autobus ne mettront pas de gomme sur les sièges et ne causeront pas de détérioration en dehors de l'usure normale?

M. Hannah: C'est une excellente question. Il faut savoir quel est le segment du marché que l'on recherche. Il n'y a pas de gomme à mâcher sur nos sièges, mais nous faisons beaucoup de voyages nolisés avec des groupes d'étudiants ou des personnes faisant des voyages éducatifs. Il faut s'y attendre. Nous achetons ces autocars pour les utiliser. Si cela se produit, il suffit de régler le problème. On nettoie l'autobus. On intervient à temps. Tout le personnel y veille, que ce soit les chauffeurs, les mécaniciens, les nettoyeurs, les gestionnaires ou les répartiteurs. Il faut que la volonté soit là.

Le sénateur Atkins: Monsieur Hannah, si vous deviez reprendre la ligne Toronto-Hamilton, que feriez-vous?

M. Hannah: Vous voulez savoir ce que ferait la société?

Le sénateur Atkins: Oui.

M. Hannah: Je commencerais par m'assurer qu'il n'y a pas de concurrents subventionnés par le gouvernement, comme GO Transit. Nous examinons le marché. Il est clair que beaucoup de gens d'affaires vont à Toronto. Il faut faire une étude de marché pour savoir s'ils veulent des sièges séparés, des sièges placés deux par deux, ou un car de luxe. Il faut savoir si l'on veut se concentrer avant tout sur le prix, savoir quel produit le marché veut acheter. Il faut aller demander à la clientèle ce qu'elle veut avoir.

Le sénateur Atkins: Est-ce que la configuration a un rôle à jouer? Le train GO s'arrête à la gare GO, alors que l'autocar va au centre-ville, et c'est quelque chose qui peut être pratique pour un homme d'affaires qui vit à Oakville.

M. Hannah: En plus, nous ne sommes pas obligés de nous arrêter à la gare routière car cette tranche particulière de clientèle n'a pas nécessairement envie de s'arrêter là. Ce sont des gens qui veulent peut-être s'arrêter à First Canadian Place, là où se trouvent leurs bureaux. Il faut leur proposer quelque chose d'attrayant, quelque chose de pratique pour eux. Il faut les convaincre de ne pas prendre leur voiture.

Le sénateur Atkins: Pour réussir, vous devez vous adapter au marché et au contexte contemporains.

M. Hannah: Absolument, c'est le client qui commande.

Le sénateur Atkins: Je vous félicite pour ce que vous faites. Je trouve que c'est fantastique.

M. Hannah: Merci.

Le sénateur LaPierre: Avez-vous une ligne interurbaine en Colombie-Britannique comme vous en avez une entre Calgary et Edmonton?

M. Colborne: Notre secteur est réglementé en Colombie-Britannique. En fait, les transports interurbains sont réglementés partout au Canada. Le document d'information donne à tort l'impression que l'Alberta, l'Ontario et certaines provinces de la côte Est sont déréglementées. C'est peut-être vrai pour les autocars nolisés, mais si nous voulions concurrencer Greyhound et étendre notre service Red Arrow ou faire quelque chose en Colombie- Britannique, nous ne le pourrions pas. On ne nous autoriserait pas à le faire. Nous devrions passer par tout un processus d'audiences publiques.

Le sénateur LaPierre: Vous n'avez pas d'activités en dehors de l'Alberta, à l'exception de vos services spécialisés.

M. Colborne: C'est exact. Nous avons des activités au niveau régional, mais pas de liaisons d'une région à l'autre, et nous ne le ferions pas même si on nous y autorisait. Nous estimons que pour les tronçons de plus de 230 milles, les autocars ne sont pas rentables ni efficaces face à l'avion. Nous estimons qu'une entreprise de transport urbain par autocar est la plus compétitive sur des trajets inférieurs à 220 milles.

Le sénateur LaPierre: Je pense tout de même que vous pourriez concurrencer GO Transit. Je crois qu'ils ont les véhicules les plus inconfortables qui puissent exister. Je sais que les gens d'Oakville ont beaucoup d'argent et qu'ils seraient très heureux de voyager à bord de vos superbes autocars.

M. Hannah: Nous sommes convaincus qu'il y a effectivement un marché là.

Le sénateur LaPierre: Vous le pensez, malgré les subventions dont bénéficie GO Transit.

M. Hannah: Là encore, nous devrions viser un marché différent, proposer une autre catégorie de produits qui attirerait une clientèle différente.

Le sénateur LaPierre: Il est certain qu'il n'est pas possible de déréglementer complètement. Il faudrait conserver la réglementation concernant les permis et l'état de vos autocars. Il faut protéger le public.

J'ai beaucoup travaillé à la télévision. Quand nous avons créé le code sur la violence, le gouvernement et tout le monde savait exactement de quoi on avait besoin, mais on a laissé les radiodiffuseurs assumer la responsabilité de leur réglementation auprès du CRTC. Les choses seraient-elles plus faciles pour vous si vous pouviez vous autoréglementer dans le cadre d'une charte quelconque?

M. Hannah: Premièrement, nous recommandons une déréglementation économique. Pour nous, il n'est pas question de jouer avec la sécurité. On ne peut pas laisser des exploitants de fourgonnettes ou des personnes qui ne respectent pas des normes rigoureuses d'entretien des véhicules, de formation des chauffeurs et de respect de toutes les dispositions venir concurrencer les autres entreprises. Je pense que le meilleur système serait une forme de vérification régulière des installations pour s'assurer que les entreprises respectent parfaitement les normes de sécurité.

Le sénateur LaPierre: Qu'entendez-vous par déréglementation économique?

M. Hannah: L'octroi de la licence, le fait de prouver dans un tribunal public qu'il y a un besoin public et que c'est un service d'utilité publique.

Le sénateur LaPierre: Toronto ne peut pas laisser des cow-boys de l'Ouest débarquer avec leurs autocars interurbains sans savoir au moins de qui il s'agit.

M. Hannah: C'est arrivé. C'est comme cela que Pacific Western est arrivé à Toronto. Ils ont acheté une licence, qui coûtait très cher.

Le sénateur LaPierre: Vous souhaitez une déréglementation économique et vous voulez pouvoir vous positionner sur le marché partout où vous le souhaitez, c'est bien cela?

M. Colborne: C'est exact.

Le sénateur LaPierre: Vous ne voulez pas être obligés de passer par toute une procédure longue et coûteuse. Vous voudriez pouvoir aller donner à la Commission la garantie que vous allez faire certaines choses.

M. Hannah: Il s'agirait uniquement de sécurité.

Le sénateur Biron: Est-ce que vous desservez des zones rurales ou de petites villes?

M. Colborne: Oui. Nous assurons de nombreux services qui sont plus ou moins des services de banlieue, par exemple entre Okotoks et Calgary ou Cochrane et Calgary. Lorsque nous avons constaté qu'il y avait une demande dans la région que nous desservons, nous avons mis sur pied ce genre de service de banlieue entre la collectivité rurale et la ville.

Le sénateur Biron: C'est plutôt un service de banlieue qu'une liaison entre petites localités comme Gaspé et Rimouski?

M. Colborne: En effet.

Le sénateur Biron: Est-ce que cela coûterait trop cher de fournir ce service par autocar?

M. Colborne: Ce n'est pas nécessairement le facteur coût qui pose problème; c'est simplement que ces localités ne rapportent pas.

Le sénateur Biron: Vous pensez que le gouvernement devrait subventionner les zones rurales?

M. Colborne: Non. Nous croyons sincèrement aux forces du libre marché. Dans une collectivité rurale, il peut très bien y avoir un service de taxi et un mécanicien. Il y a toutes sortes d'entreprises dans les collectivités rurales et du moment qu'il y a un marché, il y a quelqu'un pour assurer le service.

La présidente: Avez-vous des problèmes à cause du poids et des dimensions de ces très gros autocars? Les ministères de la Voirie ont-ils des inquiétudes?

M. Hannah: La Colombie-Britannique a mené une opération éclair il y a trois ans: on obligeait les véhicules à s'arrêter sur le bord de la route pour les peser et contrôler le poids sur chaque essieu. Mais à ma connaissance, c'est le seul endroit d'Amérique du Nord où l'on ait fait cela.

Le sénateur Callbeck: Je crois que vous avez dit que toutes les provinces étaient toujours réglementées pour ce qui est des services d'autocars réguliers?

M. Colborne: C'est exact.

Le sénateur Callbeck: Alors, quand vous parlez de déréglementation dans certaines provinces, vous parlez des services nolisés?

M. Colborne: Uniquement cela.

Le sénateur Callbeck: Ça veut dire qu'on peut faire rouler un véhicule nolisé dans la province en question sans faire la moindre demande aux autorités?

M. Colborne: Il faut suivre une certaine procédure administrative pour obtenir une licence. En gros, on doit prouver qu'on a des locaux, un programme d'entretien et du matériel au nom de la compagnie. Vous devez montrer dans le cadre d'une procédure administrative plutôt que d'une procédure d'audience publique qu'il y a un besoin dans le public et que vous proposez un service d'utilité publique.

Le sénateur Callbeck: Je croyais que la déréglementation était totale.

M. Colborne: Non, bien que ce soit ce que laisse entendre le document d'information. En fait, ce n'est pas exact.

Le sénateur Atkins: Vos employés sont-ils syndiqués?

M. Colborne: Oui. Nous avons six syndicats.

Le sénateur Atkins: Ai-je donc raison d'en conclure que vous concurrencez d'autres organisations de transport syndiquées?

M. Colborne: Oui, mais nous sommes très avantagés parce que nos employés font vraiment partie d'une équipe et que nous avons une bonne collaboration avec nos syndicats. Nous répondons donc mieux aux attentes de nos clients et nous faisons un meilleur travail, ce qui est tout à notre avantage.

La présidente: Monsieur Colborne et monsieur Hannah, merci beaucoup d'être venus comparaître à notre comité.

La séance est levée.


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