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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 23 - Témoignages - Séance de l'après-midi


HALIFAX, le jeudi 21 février 2002

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 13 h 37 pour étudier les enjeux stratégiques touchant l'industrie du transport interurbain par autocar.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Notre premier témoin cet après-midi est M. Brookins.

M. George Brookins, propriétaire, Trius Tours Ltd.: Merci de m'avoir invité à comparaître. Je vais vous présenter les points saillants de notre mémoire.

Trius Tours Limited, une société de l'Île-du-Prince-Édouard, a été constituée en société en 1986. Nous avons débuté nos activités en Nouvelle-Écosse en 1990-1991 et sommes par la suite devenus un des importants transporteurs de cette province.

Au fil des ans, Trius Tours Limited s'est fait un point d'honneur à offrir un service professionnel, personnalisé et de qualité à sa clientèle, ce qui nous a valu une excellente réputation et un bon taux de satisfaction de la part des voyageurs. La première est: «Always be friendly and drive safely» (Toujours être amical et conduire prudemment). L'autre est en rapport avec le nom de notre société, Trius: «Trius, you'll like us.» (Nous essayer, c'est nous adopter.)

Le tourisme est un secteur d'activité important en Nouvelle-Écosse et dans la région de l'Atlantique. La catastrophe du 11 septembre 2001 a entraîné une reprise des activités du transport par autocar. D'après nos prévisions, notre secteur obtiendra de meilleurs résultats en 2002 qu'en 2001.

Notre parc se compose de 18 autocars modernes de 47 à 55 places, de 5 minibus-navette ou véhicules de type urbain, de 6 fourgonnettes pouvant transporter 15 passagers et de 3 fourgonnettes de luxe pour 7 passagers.

Notre société met avant tout l'accent sur la qualité de son matériel, laquelle est garantie par les normes d'inspection supérieures en vigueur dans la province de la Nouvelle-Écosse. La norme n'est pas aussi élevée à l'Île-du-Prince- Édouard. Nous avons respecté les normes élevées de la Nouvelle-Écosse et, de ce fait, la qualité de notre matériel s'est améliorée, ce qui a, en retour, accru notre clientèle.

Je crois savoir que les organisateurs de voyages de l'Île-du-Prince-Édouard sont défavorisés par le régime réglementaire en vigueur. Les sociétés d'autocar qui nous font concurrence en Nouvelle-Écosse ont librement accès au marché à l'Île-du-Prince-Édouard. Autrement dit, elle essaie d'attirer les clients de cette province, ce qu'elle est parfaitement en droit de faire. C'est une concurrence équitable. Toutefois, en Nouvelle-Écosse, les restrictions en vigueur ne favorisent pas, d'après moi, l'amélioration de l'industrie. Le client n'a pas son mot à dire quant au choix de sa société de transport par autocar. Nous sommes un élément important de l'industrie de l'autocar en Nouvelle-Écosse depuis trois ou quatre ans, et sommes toujours assujettis aux restrictions. J'y viendrai plus tard. Toutefois, je sais que nous allons maintenir notre présence en qualité d'importante société d'autocar dans cette province à l'avenir.

Nous sommes très préoccupés par les pratiques commerciales des grandes sociétés de la Nouvelle-Écosse. Elles ne veulent pas que d'autres autocaristes offrent leurs services dans la province. D'après mes renseignements, elles réussissent à pousser certains petits exploitants à la faillite.

Une saine concurrence est bonne pour les affaires. Je suis actuellement titulaire d'un permis d'exploitation en Nouvelle-Écosse du mois de mai au mois d'octobre. Il a fallu pour l'obtenir que je soumette cinq demandes à la Commission, verse 100 000 $ en frais juridiques, ce qui est très bien. Toutefois, les clients que nous avons si bien desservis de mai à octobre compteront sur nous pour leur offrir un service les six autres mois de l'année, et cela nous est impossible. Qui va y perdre? Eh bien, ce sont le client et notre société. Si nous voulions demander ce permis, cela nous coûterait sans doute 50 000 $ de plus à cause des objections des principaux autocaristes. Ils ne veulent pas d'une saine concurrence.

Dans un autre ordre d'idées, nous estimons que les droits de péage pour le pont de la Confédération sont injustes. À l'automne 2001, nous avons rencontré le vice-président exécutif et le vice-président à la stratégie de la société Vinci. Celle-ci est l'actionnaire principal ou propriétaire du pont de la Confédération et, de concert avec John Francis, directeur général de Strait Crossing Inc., et des sous-ministres du Tourisme, des Travaux publics et de la Voirie de l'Île- du-Prince-Édouard, ils établissent les tarifs. La société Strait Crossing Inc. était prête à diminuer les tarifs de 215,15 $ à environ 48 $ ou 50 $ pour les autocars. Ils ont soumis ce projet de tarif au conseil d'administration et ont obtenu son aval. Puis le ministère fédéral des Travaux publics à Ottawa a opposé un refus. D'après ce qu'on m'a dit, c'est parce que ce n'était pas justifié du point de vue politique. J'exploite une petite société d'autocar à l'Île-du-Prince-Édouard et je comprends donc bien en quoi ces droits font plus de tort au tourisme qu'à d'autres secteurs. Je suis convaincu qu'ils seront modifiés à compter du 1er janvier 2003, car il n'y aura pas d'autres réunions du conseil d'administration avant novembre 2002.

S'agissant du transport interurbain par autocar, il y a à l'heure actuelle des véhicules qui viennent de Surrey et de Summerside le matin et qui amènent des gens travailler à Charlottetown pour revenir le soir. Nous exploitons les services de transport urbain de Charlottetown. Nous avons deux véhicules qui transportent des adultes handicapés mentaux et physiques, du lundi au vendredi. Nous sommes de fervents partisans des transports publics de l'Île-du- Prince-Édouard, à l'intention des gens qui n'ont pas d'autres moyens de transport. Ils devraient avoir le droit d'avoir accès au transport public pour se rendre au travail, ou au cabinet de leur médecin, au centre commercial, et autres.

La présidente: Quelle principale recommandation souhaitez-vous faire à notre comité?

M. Brookins: Un de mes desiderata serait d'obtenir un permis pour les six autres mois de l'année en Nouvelle- Écosse.

La présidente: Nous n'avons pas beaucoup de pouvoir en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Forrestall: Et la déréglementation totale?

M. Brookins: Non, je ne pense pas que ce soit une bonne chose.

La Nouvelle-Écosse est une plaque tournante dans les Maritimes, et c'est à Halifax que tout se passe. Notre société ne pourrait pas exploiter à l'Île-du-Prince-Édouard le parc d'autocars qu'elle a aujourd'hui si elle n'était pas présente sur le marché de la Nouvelle-Écosse. J'en suis reconnaissant. Cela répond-il à votre question?

La présidente: Vous avez dit que vous ne souhaitiez pas la déréglementation totale.

M. Brookins: Non, c'est un fait. Cela supprime la concurrence.

Le sénateur Oliver: Je devrais peut-être faire état d'un conflit d'intérêts parce que la semaine dernière, j'étais dans les Maritimes avec le Comité sénatorial de l'agriculture, et nous avons loué un autocar de Trius pour nos excursions à l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Je tenais à révéler cela au comité.

Vous dites que les pratiques commerciales des gros autocaristes de la Nouvelle-Écosse vous préoccupent. Vous ajoutez qu'ils ne veulent pas de concurrents dans cette province et qu'ils réussissent à pousser à la faillite les petits exploitants grâce à une éthique commerciale injuste. Pourriez-vous me dire ce que vous entendez par là?

M. Brookins: «Éthique» n'est peut-être pas le bon mot, mais ces sociétés veulent avoir la haute main sur le marché. On peut posséder une société d'excursion et une société d'autocars, et donner un nom à la première et un nom à la deuxième. On peut également procéder à toutes sortes de manipulations avec les tarifs, et cetera. Le petit exploitant n'a pas suffisamment de latitude pour le faire. On ne peut pas toujours travailler à perte. Si une société ne possède que quatre ou cinq véhicules, elle ne peut pas moderniser son parc et rester en affaires. Les petits autocaristes de la Nouvelle-Écosse sont tous à vendre, à l'heure actuelle.

Le sénateur Callbeck: À mon avis, 100 000 $ de frais juridiques et 50 000 $ de plus me paraissent une somme exorbitante. Avez-vous parlé à d'autres personnes qui ont essayé de procéder ainsi? Est-ce que les frais juridiques qu'il vous a fallu payer sont inhabituels, ou normaux?

M. Brookins: Il faut être tout à fait préparé lorsqu'on demande un permis d'exploitation en Nouvelle-Écosse. On peut oublier d'utiliser le terme «retour» et, face à huit ou neuf avocats autour de la table, cette simple omission peut vous coûter 20 000 $. C'est de l'argent qu'on ne revoit jamais. Il faut ensuite fixer une nouvelle date d'audience et la fois suivante, il faut débourser 20 000 $ de plus. Il en a été ainsi pendant un certain nombre d'années. Au début, lorsque notre société a demandé un permis, nous pensions qu'il suffirait que nous soyons une entreprise intègre et que l'on nous considérerait comme telle d'emblée. En réalité, il faut se préparer.

Le coût n'est pas exorbitant, et je ne m'en plains pas. Je me réjouis d'avoir obtenu mon permis, mais je risque la faillite.

Pour en revenir aux six autres mois, je tiens vraiment à obtenir ce permis. J'ai fait tout ce qu'il fallait, j'ai versé les frais demandés et je suis prêt à aller de l'avant. Jusqu'ici, j'ai réussi à éviter la faillite dans l'industrie du transport par autocar.

Le sénateur Callbeck: C'est beaucoup d'argent.

Vous avez parlé du péage du pont de la Confédération. Vous avez dit que votre demande de tarif avait été rejetée, mais je n'ai pas compris ce que vous avez ajouté ensuite. Pensez-vous que la décision sera renversée? Vous avez dit qu'il doit y avoir une réunion du conseil d'administration?

M. Brookins: Lorsque j'ai rencontré les vice-présidents du marketing de la société Vinci — et le pont a ouvert en 1997 — c'était la première fois que j'avais l'occasion de discuter avec ces deux messieurs. Ce sont des commerciaux. Ils savent que le secteur des voyages organisés ne va pas fort. Les données concernant le nombre de véhicules qui empruntent le pont sont disponibles, même si on ne les publie pas. Ils étaient conscients du problème et étaient disposés à modifier le tarif. Ils m'ont demandé de leur montrer certains documents. Ils m'ont dit que les belles paroles ne suffisaient pas et que je devais fournir des preuves à l'appui de ce que j'avançais. Cela m'est impossible. Ils ne fonctionnent pas de cette façon.

John Francis, directeur général de la société Strait Crossing, m'a dit d'essayer de terminer l'année 2002 et que, en 2003, les tarifs seraient révisés. Un camion de pommes de terre de 60 pieds de long qui pèse entre 40 000 et 50 000 livres peut traverser pour 47 $ ou 48 $. D'après la ventilation qu'ils ont faite avec moi, les droits pour les camions augmenteraient de 1,50 $ et pour les autocars, seraient ramenés à 48 $. Il y aurait un manque à gagner de recettes d'environ 400 000 $ provenant du transport par autocar, mais cela serait compensé par l'augmentation du péage exigé auprès des camionneurs. Ce ne serait pas un gros problème du point de vue politique. Toutefois, cela ne s'est pas fait en 2002.

D'autres autocaristes comme SMT, dont les représentants sont ici aujourd'hui, et DRL, se sont penchés sur la question. Je pense que le péage sera modifié en 2003, grâce à votre aide.

La présidente: Notre témoin suivant est M. John Harding de DRL.

M. John Harding, directeur général adjoint, DRL: Malheureusement, je n'ai pas de mémoire écrit à vous présenter. Toutefois, j'aimerais faire certaines observations.

La société DRL est présente dans l'industrie du transport depuis environ 1922, principalement dans le secteur de la pêche avec les goélettes et dans l'industrie du camionnage pour transporter le poisson à partir des usines de conditionnement de Terre-Neuve.

En 1996, DRL a acheté le «road cruiser» du CN qui assurait le transport de passagers d'un bout à l'autre de l'île de Terre-Neuve. Ce service était exploité par le CN sous l'autorité fédérale. Ce service a remplacé le train de voyageurs en 1968, à titre de mesure provisoire. En 1969, il a été autorisé à être exploité à plein temps pour remplacer le service voyageurs interprovincial. Le service a continué d'être exploité jusqu'en 1995 et, en vertu de l'entente sur «la route au lieu du chemin de fer», les gouvernements fédéral et provincial ont décidé que le CN n'était plus tenu d'exploiter un service voyageurs d'un bout à l'autre de la province. Ce service est donc tombé sous l'égide de la province, plutôt que du fédéral, et a été mis en vente. La société DRL l'a acheté en 1996.

J'ai travaillé au CN pendant plus de 33 ans et j'ai pris ma retraite lorsque nous avons vendu le «road cruiser». Il y a deux ans et demi, je suis revenu travailler chez DRL. Pendant mes années d'activité au CN, j'ai travaillé dans toutes les divisions, notamment le marketing et la manutention mécanique, dans tous les secteurs, et j'ai été responsable du «road cruiser» de 1990 jusqu'à sa vente.

À l'époque où le service «road cruiser» était offert, j'ai fait partie du Comité consultatif sur l'accessibilité du ministre fédéral, du Pro Truckers Advisory Committee of Newfoundland et du Comité sur les économies d'énergie de la province de Terre-Neuve. Depuis que je suis chez DRL, j'occupe le poste de directeur général adjoint et travaille directement sous les ordres du propriétaire, cela va sans dire, qui est le directeur général.

Nous avons commencé en 1996 et, vers la fin de 1998, nous avons assuré le service McKenzie en Nouvelle-Écosse. Depuis cette époque, nous avons élargi nos services en Nouvelle-Écosse pour offrir un service d'autobus scolaire et un service d'excursions. Nous sommes également très présents dans le secteur des navires de croisière. À l'heure actuelle, nous exploitons près de 200 véhicules, dont 70 environ sont des autocars. En outre, nous sommes titulaires de deux permis en Ontario et exploitons un service d'autocar, Presidential Coach Lines, à partir de Miami.

Au nom de DRL, je voudrais dire, pour commencer, que nous ne sommes pas du tout certains s'il s'agit de déréglementation ou de déstabilisation. À notre avis, la déréglementation dans l'industrie du transport par autocar entraînera la déstabilisation totale sur plusieurs fronts. De notre point de vue, il y a de nombreuses raisons pour lesquelles la déréglementation serait une approche négative au Canada. Je suppose que la moins importante de toutes ces raisons serait la contribution financière que les exploitants ont déjà investie dans un secteur réglementé. Nous venons d'entendre un exploitant dire qu'il a déjà dépensé plus de 100 000 $ dans ce domaine. Si l'on tient compte de la structure du capital et de ce qu'il en coûte pour se lancer en affaires avec la déréglementation, cet argent serait perdu. Si l'on ouvre complètement le marché par une déréglementation complète, il n'y aura aucun moyen de recouvrer ce que nous avons déjà investi.

Nous n'avons aucune objection à la réglementation. Si nous pouvons faire la preuve qu'il est nécessaire d'ajouter des autocars dans le secteur, et si les autorités nous donnent la permission ou le pouvoir de les exploiter, nous n'avons aucune objection à cela. Si nous ne pouvons pas démontrer qu'il existe un besoin et que nous sommes incapables de convaincre les gens qui occupent les postes de décision qu'il y a un besoin d'autocars supplémentaires, alors peut-être que nous ne devrions pas avoir de permis.

La déréglementation aurait certaines conséquences. J'ai vécu la déréglementation à Terre-Neuve quand je travaillais avec les équipes de ligne du CN et j'ai vu ce qui s'est passé. Dans un monde déréglementé, personne ne dirait que l'exploitant doit desservir un petit hameau où il y aurait peut-être un voyageur par semaine. Ce sont pourtant des endroits qui sont actuellement desservis par beaucoup de transporteurs. Les exploitants dirigeront plutôt leurs autocars vers des marchés plus lucratifs qui sont déjà desservis par les compagnies dont nous parlons ici aujourd'hui. Ce qui est malheureux, c'est qu'avec la déréglementation, beaucoup de liaisons régulières seront très rapidement modifiées. On ne peut pas s'attendre à ce que les grandes entreprises desservent les petites localités et laissent les nouveaux arrivants choisir les destinations les plus intéressantes, faire de l'écrémage, comme nous disons. Si la déréglementation est ce qui nous attend, ce sera critique pour des endroits comme la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Dans le triangle du Canada central, les conséquences seront probablement moins importantes parce que la population est plus dense.

À Terre-Neuve, nous posons la question: «Que peut faire Mme Magilicutty, de Stephenville, quand le seul hôpital où elle peut aller est à St. John's; le seul endroit où elle peut consulter un ophtalmologiste, c'est St. John's; et le seul endroit où elle peut voir un orthodontiste, c'est encore St. John's?» Actuellement, nous desservons régulièrement Stephenville. Si la déréglementation est appliquée à Terre-Neuve, nous n'irons plus à Stephenville. Dans ce cas, comment Mme Magilicutty et les 10 000 autres personnes comme elle à Terre-Neuve pourront-elles aller à St. John's? Je suis certain que ce sera la même chose en Nouvelle-Écosse. Tout le monde voudra rouler sur la grande route entre Sydney et Halifax ou le long des grands axes de population. Avec la déréglementation, je peux vous assurer que les régions rurales de toutes les provinces, surtout dans l'est du Canada, seront durement touchées. Le service qu'elles ont actuellement ne sera plus disponible. Le service ne sera pas diminué; il disparaîtra purement et simplement. Personne ne va acheter un autocar pour aller ramasser sept jours sur sept quelqu'un dans un petit village éloigné. Nous allons maintenant dans beaucoup d'endroits qui nous coûtent de l'argent, mais cela fait partie de notre service régulier. Nous l'acceptons. Cependant, si jamais il y a déréglementation, nous n'irons plus dans ces endroits.

L'autre aspect de la déréglementation, c'est que nous dépendons de l'achalandage d'été pour compenser l'exploitation de nos liaisons régulières en hiver. Si la déréglementation entre en vigueur, les compagnies comme Coach U.S.A. et d'autres, qui ont 1 000 ou 1 400 autocars, viendront chez nous. Il y a deux semaines, j'étais dans une gare routière de Los Angeles où j'ai compté 96 autocars Renaissance qui étaient stationnés, et 160 autres de Coach U.S.A. On n'avait nulle part où les mettre. Croyez-vous que ces autocars ne viendraient pas ici si la déréglementation était adoptée? Ils viendront chez nous en été pour s'emparer de tout l'achalandage d'été lucratif, les voyages organisés et tout le reste. En octobre, ils disparaîtront. Que nous restera-t-il alors? N'allez pas croire que des compagnies comme DRL et les compagnies plus importantes garderont des autocars sur la route tout l'hiver et continueront d'offrir des services de transport réguliers sur longue distance pour le grand public dans ces régions, quand les multinationales américaines viendront s'emparer de tout le marché lucratif en été. La déréglementation leur permettra de venir. Il n'y aura aucun moyen de les en empêcher. Une fois qu'ils seront sur place, nous ne pourrons plus nous permettre d'être présents et nous ne le voudrons plus.

Nous sommes tous en affaires pour servir les gens, et nous faisons de notre mieux, mais il est certain que nous sommes aussi en affaires pour faire de l'argent. Si vous nous enlevez notre capacité de faire de l'argent en été pour compenser nos dépenses en hiver, nous fermerons tout simplement nos portes. Je parle uniquement au nom de DRL. Les autres devront bien sûr énoncer leur propre position.

À Terre-Neuve, avec le service routier «road cruiser» du CN, nous achetions deux nouveaux autocars chaque année. Nous n'avons plus jamais acheté un seul autocar neuf après la déréglementation. À l'heure actuelle, nous avons un service de transport interurbain à Terre-Neuve. Les seuls nouveaux autocars que nous avons mis en service à Terre- Neuve sont destinés à notre service de transport de ligne, parce que c'est le seul endroit où nous avons confiance de pouvoir être présents. Nous sommes protégés. Nous savons que nous serons présents et nous savons que personne d'autre ne viendra nous concurrencer.

Nous avons aussi de nouveaux autocars en Nouvelle-Écosse parce que nous sommes protégés par le règlement en Nouvelle-Écosse. Si nous avons des voyages organisés ou des nolisements à Terre-Neuve en été, nous y envoyons des autocars à partir de la Nouvelle-Écosse. C'est ce que tout le monde fait. Pour l'essentiel, les autocars de Terre-Neuve, à l'exception des trois que nous gardons sur place pour le service régulier, sont de vieux autocars. Certains ont 18 ou 20 ans. Je ne dis pas qu'ils ne sont pas en bon état. Je ne dis pas qu'ils ne sont pas entretenus. Je parle de DRL et de tous les autres exploitants. Quand la déréglementation a été appliquée à Terre-Neuve, tous ceux qui pouvaient acheter un autocar en ont acheté un. Ils les ont amenés à Terre-Neuve. Avec la déréglementation, la procédure d'inspection n'est pas aussi rigoureuse. Il suffit simplement de prouver le bon état général. Il n'y a pas vraiment d'inspection par un inspecteur, à moins qu'on se fasse arrêter à un poste d'inspection sur la route.

Dans notre secteur des voyages organisés, nous avions un parc de 22 autocars. Nous n'avions pas besoin d'un aussi grand nombre d'autocars pour le service régulier, mais nous en avions besoin pendant la période de Noël. Nous utilisions ces 22 autocars pendant les relâches de mi-trimestre et à la fermeture de l'université, et aussi pour le week-end du 1er juillet et d'autres congés fériés. Nous faisions de l'argent dans le secteur des circuits touristiques et des nolisements, et cela nous permettait de conserver des autocars sur place.

Quand nous avions deux autocars ici, un à Stephenville, trois ailleurs, quatre encore ailleurs et d'autres encore un peu partout dans l'île, des autocars d'une valeur de 25 000 $ à 30 000 $, alors ces gens-là sont venus offrir des voyages organisés et des nolisements à des prix qui étaient hors de notre portée. Ils conduisaient les autocars eux-mêmes. Ils en faisaient l'entretien eux-mêmes. Nous continuions de fonctionner avec des chauffeurs en uniforme, des contrats du CN, et tout le reste, tout ce qui fait partie des obligations d'une compagnie établie. Nous ne pouvions pas concurrencer leurs journées à 450 $ ou 500 $.

Pourquoi achèterait-on du matériel neuf si l'on doit ensuite se contenter de le stationner et espérer obtenir un contrat de voyage organisé à condition que quelqu'un d'autre l'ait refusé? C'est ce que la déréglementation nous a apporté à Terre-Neuve. Nous avons cessé d'acheter de nouveaux autocars. Nous avons commencé à prendre de vieux autocars pour les remettre à neuf. Nous avons fait cela parce que nous n'avions plus suffisamment confiance pour acheter de nouveaux autocars. La déréglementation nous a enlevé toute confiance dans les possibilités offertes par le marché.

Nous craignons que si la déréglementation est appliquée à Terre-Neuve ou n'importe où ailleurs au Canada, ce ne sera plus possible pour nous d'acheter des autocars neufs. Quand on n'a pas confiance, pourquoi achèterait-on des autocars neufs à 500 000 $ ou 550 000 $ chacun pour les stationner ensuite, en espérant avoir l'occasion de les utiliser? Il faut être capable de les mettre sur la route, de les rentabiliser, et il est certain qu'il faut être capable de les payer. Si on ne les paie pas à la fin du mois, on les perd, on ne les a plus.

La déréglementation mettra en péril ce que nous avons déjà. Il deviendra plus facile pour quiconque possède un autocar de se lancer en affaires. Il y a peut-être 500 autocars en Nouvelle-Écosse, mais ils ne seront pas là à tout jamais. Ils seront peut-être présents la première année, mais dès la deuxième année, il n'y en aura plus 500. Dès la troisième ou la quatrième année, il n'y en aura plus un seul ici parce qu'il n'y aura plus d'argent à faire. Le transport de ligne tel que nous le connaissons n'existera plus.

Quant au service régulier, qui donc va exploiter un service régulier? Personne ne va le faire si n'importe qui peut choisir d'exploiter les lignes les plus lucratives et nous laisser le reste. Cela n'arrivera pas.

Voyez ce qui est arrivé dans le secteur de la pêche à Terre-Neuve. Je suis Terre-Neuvien.

Le sénateur Oliver: Est-ce que vos activités sont surtout concentrées à Terre-Neuve, aujourd'hui?

M. Harding: Non, je dirais que de 75 à 80 p. 100 de notre chiffre d'affaires vient de Nouvelle-Écosse. Avec la déréglementation, il n'y a pas d'occasions d'affaires à Terre-Neuve. Nous n'allons pas faire d'importants investissements en capital à Terre-Neuve. Pourquoi faire? Nous pourrions avoir un autocar neuf là-bas, mais quelqu'un pourrait venir offrir un affrètement à 450 $ ou 500 $. On ne peut pas mettre un autocar neuf sur la route à 500 $ par jour. C'est impossible. Si on loue un autocar neuf à 10 000 $ par mois, c'est comme avoir une hypothèque. Divisez cela par 30 jours. L'autocar doit rapporter 800 $ par jour pendant 20 jours pour rentrer dans ses frais. Le 21e jour, on commence à faire du profit. Les autres types offrent des tarifs plus bas parce que cela leur importe peu. Un autocar neuf, c'est important seulement pour les voyagistes qui exploitent le circuit touristique. Ils exigent des autocars qui n'ont pas plus que trois ou cinq ans et ils sont prêts à payer pour avoir des autocars neufs. Par contre, c'est en été que nous mettons les autocars neufs sur la route. Ces autocars-là ne sortent pas de l'hiver.

Si nous perdons l'achalandage d'été au profit des voyagistes à cause de la déréglementation et si les multinationales viennent prendre le relais, nous n'aurons plus d'autocars neufs ici en hiver non plus et plus personne n'en aura. Nous ne pourrons plus nous le permettre.

La déréglementation, pour nous, c'est un aspect très important. Nous appuyons la réglementation.

Notre quota est lié au nombre de personnes. Nos prises, ce sont les voyageurs. Dans les pêches, le quota est fixé en quantités de poissons que l'on peut pêcher. Quand le dernier poisson a été pris, ils ont donné des permis à tout le monde, pour s'assurer que tous ceux qui travaillaient dans le secteur de la pêche fassent assez d'argent pour rentabiliser leurs bateaux, leurs filets et avoir un gagne-pain. C'est ce que la réglementation représente pour nous. La réglementation nous a donné la possibilité d'être compétitifs. Elle nous a donné la capacité de rester en affaires.

Je ne peux pas plaider la cause de la réglementation avec plus d'éloquence qu'en vous disant ce que j'ai vu arriver à Terre-Neuve. Je détesterais que la même chose arrive en Nouvelle-Écosse. Je détesterais que cela arrive n'importe où au Canada. Je pense que l'Ontario s'est rendu compte que la déréglementation n'était pas la solution et ils ont recommencé à réglementer. La province de Terre-Neuve se débat avec la déréglementation. Ils ne savent pas comment s'y prendre. Ils ont déréglementé alors que les gens avaient acheté du matériel. C'est maintenant déréglementé, alors comment peut-on revenir à la situation antérieure?

Le seul secteur de Terre-Neuve qui est réglementé, c'est le corridor, comme on l'appelle, et les 15 kilomètres situés de part et d'autre du corridor. Toutefois, ils sont incapables de faire respecter cela. Si quelqu'un va dans un petit village pour ramasser une poignée de voyageurs, ils ne sont pas censés emprunter ensuite la route qui traverse le corridor, mais ils le font et vont jusqu'à St. John's pour conduire ces voyageurs.

Une fois qu'on ouvre la porte toute grande, il n'y a plus moyen de la refermer. Une fois qu'on déréglemente, c'est grand ouvert. C'est fini. Je suis sûr que l'achalandage d'été disparaîtra, et je suis sûr que le travail d'hiver sera à prendre. Dans trois ou quatre ans, il ne restera que très peu de services d'autobus dans l'Est du Canada, sinon même pas du tout. Il n'y a aucun doute que ce sera maintenu dans le triangle d'or, parce que c'est là qu'est la population. Chacun gagnera sa vie, mais il sera impossible de gagner de l'argent dans les plus petites localités. On ne pourra pas gagner sa vie dans l'Est du Canada.

Comment inciter les gens à reprendre l'autocar? Au risque d'avoir l'air très critique, je suggérerais au gouvernement fédéral de se regarder dans la glace. Lorsque je travaillais pour le CN, un jour il y avait des subventions et le lendemain il n'y en avait plus. VIA Rail a reçu 500 ou 600 millions de dollars pour s'équiper. Combien d'argent a été donné aux compagnies d'autocars pour s'équiper? Rien. VIA Rail a reçu des subventions pour améliorer les voies, par le biais du CN. Je sais que ses trains roulent sur les voies du CN. Avez-vous une idée des subventions qui ont été versées au CN? J'en sais un peu sur ce qui s'est passé à Terre-Neuve. Les sommes étaient astronomiques. Ils ont reçu des subventions indirectes. Ils ont touché des subventions d'exploitation. Ils peuvent offrir des tarifs spéciaux, s'ils perdent de l'argent c'est le fédéral qui paie. Nous, si nous offrons un tarif spécial et qu'on y perd de l'argent, on n'a plus qu'à emprunter.

Pour ce qui est de l'industrie aérienne, j'ai deux vols au départ de St. John's. Il y en a un qui part à 10 h et l'autre à 10 h 30. Le premier c'est un vol Tango. Sur son aileron arrière il y a le symbole d'Air Canada. Le personnel navigant porte l'insigne d'Air Canada. Au lieu d'avoir un gâteau sec, on me donne un sac de cacahuètes et une boisson gazeuse. C'est la seule différence. Une place sur celui de 10 h coûte 189 $. Une place sur l'autre coûte 830 $. Il part à 10 h 30. Combien ça coûte? 830 $ ou 189 $? Peu importe. L'exercice se soldera peut-être par une perte de 100 millions de dollars mais pour le moment le gouvernement les leur donne.

Combien donne-t-il aux compagnies d'autocars? Rien. Il ne nous donne rien. Si vous voulez que les gens reprennent l'autocar, il faut que les règles soient les mêmes pour tout le monde. S'il faut 1 000 $ pour acheter un billet d'avion, le coût est de 1 000 $. S'il faut 80 $ pour acheter un billet d'autocar, le coût est de 80 $. S'il faut 200 $ pour prendre VIA, le coût est de 200 $. Pas difficile de savoir ce que choisiront les clients. Lorsque les gens ne voyagent pas pour leur travail, l'argent compte. Ils prendront l'autocar. Vous voulez savoir comment les inciter à reprendre l'autocar? Faites en sorte que les règles soient les mêmes pour tout le monde. Accordez les mêmes subventions à tout le monde.

J'ai participé à une réunion il y a quelque temps où une dame m'a dit qu'elle ne pouvait pas rivaliser avec nous avec son minibus à sept places. Je lui ai demandé: «Combien vous coûte votre minibus par siège?» Je lui ai dit que d'après moi le coût de son minibus pour huit passagers payants était d'environ 30 000 $. Cela fait 4 000 $ par siège, grosso modo. Je lui ai dit que dans nos autocars à 550 000 $, il y avait 50 places. Combien est-ce que cela fait par passager? Je lui ai dit que chaque place dans mon autocar coûtait plus cher que dans son petit minibus. La différence, c'est que mon autocar ne roule pas pendant quatre mois de l'année alors que votre minibus roule tous les jours avec des passagers. Si vous n'avez pas de passagers, vous ne partez pas. S'il vous faut deux passagers pour amortir vos coûts et que vous n'en avez pas deux, vous ne partez pas. Notre car, lui, part tous les matins à 7 h 30 de St. John's et même si personne ne monte à bord, il va quand même jusqu'à Port aux Basques. Nous avons un horaire à respecter. Tous les autocaristes d'autocars et tous les exploitants font la même chose. Avec la déréglementation, ce sera fini. Je n'aurai plus à partir à vide. Je roulerai uniquement quand je pourrai gagner de l'argent, comme tout le monde.

Nous avons fait des investissements considérables en Nouvelle-Écosse. Nous voulons être sur le marché de la Nouvelle-Écosse. Nous avons acheté 100 autobus scolaires neufs pour lancer un service de transport scolaire il y a tout juste 18 mois. C'est un investissement considérable. Nous avons un parc d'autocars. Nous nous lançons dans l'immobilier. Nous nous sommes lancés dans le commerce. Il reste que notre activité principale, ce sont les autocars. La déréglementation nous chassera de la Nouvelle-Écosse. Il est incontestable que la déréglementation n'apportera rien de bon à la population de Nouvelle-Écosse et à la population de l'Est du Canada. La population de la Nouvelle-Écosse se retrouvera dans une situation analogue à celle de Terre-Neuve.

De 1985 à 1989, l'achalandage à Terre-Neuve se situait autour de 50 p. 100. Du début des années 90 à aujourd'hui il est resté à peu près le même. Un peu plus une année et un peu moins l'année suivante. Il y en aura peut-être un peu plus cette année, mais pas suffisamment pour nous encourager à acheter un modèle dernier cri. Les chiffres fluctuent.

Du milieu des années 80 au début des années 90, il y a eu de nombreuses raisons à la diminution de notre clientèle. Ce n'est pas parce que nous coûtions trop cher. Terre-Neuve a changé la limite d'âge de scolarité obligatoire. Le gouvernement a repoussé cette limite à la 12e année. Les jeunes au lieu de partir à l'université à 16 ans et de revenir dans les jupons de maman tous les week-ends, y vont maintenant à 18 ans. Ils n'ont pas envie de rentrer à la maison. Ils préfèrent aller faire un tour sur George Street.

Ensuite ils ont combiné la première et la deuxième année d'université et toutes les écoles professionnelles, et la clientèle a vieillit encore. Pendant toute cette période, l'argent fédéral a coulé à flot et nous avons pavé toutes les routes de Terre-Neuve. Les étudiants, comme ils étaient plus vieux et en âge de conduire, ont commencé à se rendre à l'école par leurs propres moyens. Il y a eu toutes sortes de raisons qui nous ont fait perdre nos clients.

Pendant tout l'hiver, les compagnies de location de voitures offraient des week-ends à 50 $ — de 3 h de l'après-midi le vendredi à 8 h du matin le lundi. Un étudiant allant à Grand Falls peut louer une voiture pour 50 $ et demander à quatre de ses copains de payer chacun 25 $. Ça lui rapporte 25 $. Il peut rentrer chez lui avec une voiture toute neuve et promener sa petite amie pendant tout le week-end avec les 25 $ en poche qu'il a gagnés. Qu'y a-t-il de mal à ça? Où étaient passés nos passagers? On pouvait voir passer des files et des files de voitures le vendredi après-midi. Chez les concessionnaires, il n'y avait plus une voiture.

Ensuite il y a eu la crise de la pêche à Terre-Neuve et maman et papa ont reçu toutes sortes de subventions du gouvernement fédéral. Ils n'avaient rien à faire et sont donc partis se promener en voiture. C'était l'occasion ou jamais d'aller à St John's, de faire un peu les grands magasins. Ils en profitaient pour aller chercher Janey et la ramener à la maison puis la reconduire le dimanche. Où étaient passés nos passagers? Là.

Les tarifs ont peut-être eu une influence. Nos tarifs ne sont pas beaucoup plus élevés qu'ils ne l'étaient alors. Ils ont augmenté, c'est certain. Cependant, pas au point de chasser nos clients.

Ensuite il y a eu les billets d'avion «gratuits», comme je les appelle. L'aller-retour coûtait 99 $. Je pourrais céder à bon prix tous les sièges que j'ai dans mon autocar demain matin si à la fin du mois je pouvais facturer le gouvernement fédéral. Ça me paierait énormément. Tous mes autocars seraient pleins. Tous mes autocars seraient aussi neufs. Tous ceux qui voudraient les prendre les prendraient. Oui, mais chez nous, sans bénéfice, pas de compagnie.

Les plus grosses compagnies survivront parce que leurs sources de revenu sont plus diversifiées. Si je n'ai que trois autocars et que tout ce que je fais c'est du nolisé de temps à autre, je ne peux pas rivaliser avec une compagnie qui a 70 autocars et qui offre des services nolisés, des services à horaire, des voyages organisés, toute la panoplie. Ce n'est pas parce qu'ils le veulent, c'est parce que pour survivre aujourd'hui il faut offrir toutes sortes de services et diversifier ses sources de revenu. Si quelqu'un d'autre mord sur une part de votre marché, vous ne la revoyez plus.

La présidente: Je suppose que votre principale recommandation est de ne pas déréglementer.

M. Harding: C'est juste.

M. Forrestall: Avez-vous d'autres plaintes?

M. Harding: Je n'ai pas de plaintes. Je ne veux pas être déréglementé. Je ne veux pas perdre mon travail. Je veux continuer à travailler.

La présidente: C'est ce que nous espérons pour vous.

M. Harding: Je veux qu'on s'occupe de l'Est du Canada.

La présidente: Nous n'avons pas encore abouti à quelque conclusion que ce soit.

M. Harding: C'est pourquoi je suis là.

La présidente: Il faudra attendre encore un certain temps avant que nous fassions nos recommandations.

M. Harding: J'aimerais voir quelque chose avant 20 ans.

La présidente: Vous avez dit avoir une licence ontarienne.

M. Harding: Nous avons racheté deux compagnies de l'Ontario.

La présidente: Vous a-t-il été difficile d'obtenir une licence de l'Ontario?

M. Harding: C'était les licences d'une compagnie existante. Nous avons fait une demande de licence en Ontario et pendant que nous attendions une réponse, une petite compagnie avec huit licences a été mise en vente et nous l'avons achetée. Un autre type qui avait fait une demande une année avant a obtenu un certain nombre de licences mais il n'avait pas d'autocars, et il n'avait pas d'argent pour acheter des autocars. Nous lui avons acheté sa compagnie et nous avons obtenu notre propre licence. À long terme, ce n'était pas vraiment nécessaire de dépenser cet argent, mais à court terme il nous fallait protéger ce que nous voulions faire. Nous avions beaucoup de circuits organisés à partir de Terre- Neuve qui se terminaient en Ontario. Il nous fallait des droits de ramassage pour continuer à faire ce que nous faisions. Nous voulions protéger nos arrières et il est possible que nous ayons dépensé de l'argent qu'il n'était pas nécessaire de dépenser. Nous n'avons pas dépensé 100 000 $ comme d'autres l'ont fait. Nous ne sommes par riches. Il n'y a qu'une certaine secte à l'Île-du-Prince-Édouard qui a ce genre d'argent. Je crois qu'ils se servent des subventions versées par le fédéral pour la culture des pommes de terre.

La présidente: Vous n'êtes pas contre la réglementation de la sécurité.

M. Harding: Il n'y a pas plus prosécurité que moi dans le monde. Je suis à fond pour la sécurité.

La présidente: Et la réglementation économique?

M. Harding: Ça aussi. Je suis pour toutes les réglementations.

La présidente: C'est ce que je voulais vous entendre dire. Est-ce que les différences de régimes pour les autocars d'une province à l'autre désavantagent l'industrie?

M. Harding: Vous voulez parler des différences au niveau de certains règlements de conformité?

La présidente: Oui, d'une province à l'autre.

M. Harding: Vous voulez parler des règles de sécurité?

La présidente: Non, le côté économique. Cela peut varier d'une province à l'autre.

M. Harding: Oui, c'est vrai. L'environnement économique en Nouvelle-Écosse est tel que pour l'industrie du transport par autocar, on peut investir en toute confiance. La protection est là. À Terre-Neuve, il est impossible d'investir de larges sommes d'argent dans l'achat de nouveaux autocars car il n'y a absolument aucune protection. Si quelqu'un veut s'installer sur le marché demain matin et mettre 10 autocars sur les routes de Terre-Neuve, c'est tout à fait possible. Si Coach Canada veut venir s'installer l'été prochain et mettre trois autocars sur les routes de Terre- Neuve, il n'y a pas de problème. En Nouvelle-Écosse, c'est impossible. Si le marché est déréglementé en Nouvelle- Écosse, les Néo-Écossais y perdraient. Ce sont des Néo-Écossais qui perdront leur emploi. Tous ceux qui travaillent pour nous et pour les autres en Nouvelle-Écosse perdront leur emploi si une compagnie arrive de l'extérieur. Elle viendra avec ses autocars et ses chauffeurs et en octobre, à la fin de la saison, tout ce beau monde repartira. À Terre- Neuve c'est comme ça. Il est vraiment difficile de fonctionner à Terre-Neuve à cause de ces indépendants qui exploitent, conduisent et lavent eux-mêmes leur seul et unique autocar. La concurrence est farouche. En Nouvelle- Écosse, sur ce plan, les règles sont les mêmes pour tout le monde.

La présidente: Est-ce que ces différences désavantagent les voyageurs?

M. Harding: Je ne pense pas. Les deux hypothèses sont défendables. S'il y avait déréglementation en Nouvelle- Écosse, il serait probablement possible d'offrir un service nolisé pour 500 $, mais l'autocar aurait au minimum 20 ans. Tout le monde a son tarif et il faut faire payer son tarif. Il y a ici présents dans cette salle aujourd'hui des gens qui veillent à ce que je fasse payer mon tarif. Je me garderai bien de mentionner des noms.

La présidente: Vous êtes tous des amis.

M. Harding: Ce ne sont pas mes amis.

Le sénateur Oliver: J'aimerais savoir ce qu'il y a de si unique à propos du transport par autocar qui rend impossible le jeu des forces normales du marché. Par exemple, si vous voulez un hambourgeois, vous avez le choix entre Wendy et McDonald. Si vous voulez acheter une voiture, vous avez le choix entre une Chevrolet, de General Motors, une Ford ou une Toyota. Les concessionnaires sont toujours dans la même zone industrielle et ils sont en concurrence directe. Ils font quand même de l'argent. Pourquoi les besoins ne devraient-ils pas être déterminés par le marché? Pourquoi un organisme de réglementation devrait-il déterminer les besoins?

M. Harding: C'est étrange que vous disiez cela. Pendant les vacances de Noël, chez moi, je me suis cherché une nouvelle voiture. Chez tous les concessionnaires, les prix étaient pratiquement les mêmes, à 50 $ près. Quelqu'un doit veiller à ce que les prix soient les mêmes. Pour ce qui est de l'industrie du transport par autocar, je n'ai pas besoin d'un autocar de 550 000 $. Avec la déréglementation, je ne suis pas obligé d'offrir un service à horaire fixe. Personne ne l'est. Si un exploitant veut offrir un service à horaire fixe dans le Canada atlantique aujourd'hui, il faut qu'il ait la garantie que pendant l'été il pourra offrir des services qui compenseront certains des coûts de son service d'hiver.

Il y a très peu de services à horaire fixe qui ne peuvent faire que cela. Est-ce qu'un service à horaire fixe c'est un autocar, une fois par jour, dans les deux sens? Oui. C'est un service réglementé. Que se passe-t-il s'il y a 400 personnes qui se présentent? Que se passe-t-il s'il y a 350 étudiants qui veulent prendre cet autocar pour le congé de mi-semestre? Est-ce que vous prenez les 50 premiers et que vous dites aux autres de rentrer chez eux et d'essayer de nouveau demain? Que se passe-t-il quand vous vous arrêtez à chaque arrêt sur l'île, et il y en a 36, et que votre petite vieille, Mme Magilicutty, qui a fait 40 milles depuis la côte au milieu de la nuit pour prendre votre autocar et que vous lui dites: «Désolé, madame Magilicutty, il n'y a plus de place. Retournez chez vous et revenez demain»? C'est ça la déréglementation. Aujourd'hui, s'il faut quatre autocars, nous mettons quatre autocars sur la route. S'il faut sept autocars, nous en mettons sept. Quand nous nous arrêtons à Gander, que Mme Magilicutty est là et que le chauffeur nous appelle en disant: «Je n'ai plus de place pour Mme Magilicutty. Qu'est-ce que je fais?,» vous dites alors: «Qui doit descendre et où? Commande un taxi pour Mme Magilicutty et qu'il la conduise jusqu'au prochain arrêt, à nos frais. Quand tu auras un siège, tu la prends dans ton autocar.» C'est le genre de services que nous offrons actuellement. Pensez-vous que cela se ferait sur un marché déréglementé? Certainement pas.

Le sénateur Oliver: Quel genre de directive, pas de règlement, sur un marché déréglementé nous faudrait-il dans un endroit comme la Nouvelle-Écosse pour garantir à Mme Magilicutty qui habite à Pugwash, Parrsboro ou Inverness, où il n'y a pas de service d'autocar, qu'elle pourra toujours se rendre à la grande ville pour voir le médecin?

M. Harding: Une réglementation totale, c'est-à-dire ce qu'il y a maintenant, c'est ce qu'il faut.

Le sénateur Oliver: Ce n'était pas ma question. Ma question était la suivante: sans réglementation totale, mais à l'aide de certaines directives gouvernementales, quelles sortes de suggestions seraient nécessaires pour garantir à Mme Magilicutty qu'elle pourra se rendre en ville?

M. Harding: J'espère que Mme Magilicutty est assistée sociale et que le gouvernement paiera son taxi parce que ce sera son seul moyen pour s'y rendre. Aucune compagnie n'enverra un autocar pour la ramasser à 35, 40 ou 50 milles de l'arrêt. C'est certain. La compagnie n'y est pas obligée ou elle n'a pas à jouer l'assistante sociale. C'est la responsabilité du gouvernement fédéral. Si Mme Magilicutty habite une collectivité qui n'est pas desservie, c'est quelqu'un d'autre qui doit assumer la responsabilité de la transporter, tout comme lorsqu'il s'agit de sa santé ou de son bien-être.

Le sénateur Oliver: Qu'en est-il des personnes âgées, des étudiants et des personnes âgées au revenu fixe, et des personnes handicapées, qui ne peuvent conduire une voiture? Avez-vous une responsabilité à cet égard?

M. Harding: Je compatis sincèrement avec eux, et je ferais n'importe quoi pour aider les personnes désavantagées. Si je pouvais les aider, je le ferais. Si je pouvais éliminer leur désavantage, je le ferais. Mais je ne peux pas le faire. À mon avis, chaque personne au Canada devrait pouvoir voyager. La pauvreté ne devrait pas imposer des restrictions. Toutefois, l'exploitant ne peut en être tenu responsable. C'est un problème social. En fin de compte, ce sont tous les paliers de gouvernement, provinciaux, fédéral et municipaux, qui ont la responsabilité de voir à ce que l'on réponde aux besoins sociaux.

Le sénateur Oliver: Pour ma part, je considère que l'entreprise aussi est investie de certaines responsabilités sociales.

M. Harding: Nous assumons cette responsabilité.

Le sénateur Oliver: La plupart des entreprises que je connais assument leurs responsabilités sociales en aidant les personnes handicapées et celles qui ont des besoins spéciaux.

M. Harding: C'est ce que nous faisons déjà en offrant des tarifs moitié prix pour les personnes non autonomes. Le voyageur paie le plein tarif et son accompagnateur voyage gratuitement. Nous contribuons énormément. Lorsque nous achetons un car dit accessible, un MC9, nous sacrifions toute la soute à bagages. Dans les nouveaux véhicules, les H345, l'accessibilité élimine les deux tiers de la soute. Quelqu'un parlait de la livraison de colis. Nous voulons en faire parce que cela représente un complément de revenu. Le car doit faire le trajet de toute façon et si nous prenons les colis, nous sommes payés pour le faire.

Il y a un équilibre à rechercher. Un car accessible privé de soute à bagages ne peut recevoir 47 passagers, ou encore 56 passagers dans le cas du MC9. Il nous faut donc fournir deux véhicules aux heures de pointe. Voilà ce que nous contribuons.

Le sénateur Callbeck: J'ai cru vous entendre dire que l'Ontario se dirigeait vers la déréglementation, mais que l'on fait maintenant machine arrière.

M. Harding: L'Ontario avait choisi de procéder à la déréglementation. La province voulait ouvrir l'industrie aux forces du marché. On entrevoyait l'arrivée sur le marché de nombreux autocaristes. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que, en Amérique du Nord, c'est-à-dire aux États-Unis et au Canada, 53 entreprises de transport par autocar ont fait faillite l'an dernier. Si 53 exploitants sont évincés du marché, quelque chose ne va pas. Nous générons des revenus insuffisants pour faire nos frais. Si nous augmentons nos tarifs pour le service régulier, il y a tout un tollé. Si nous faisons du voyage organisé ou nolisé, tout le monde peut constater que mon car est vieux. Comment cela se fait-il que tous ces exploitants ont des véhicules neufs? C'est parce qu'ils peuvent se les permettre. Dès que nous disposons de cars neufs, nous les utilisons. Voilà comment nous contribuons. C'est ce qui se produit lorsque les voyageurs paient des tarifs plus élevés.

Beaucoup d'entreprises de transport par autocar en Ontario étaient en difficulté, c'est pourquoi on a décidé de resserrer le cadre.

Le sénateur Callbeck: La province de Terre-Neuve est-elle entièrement déréglementée?

M. Harding: Terre-Neuve n'a jamais été complètement déréglementée. On s'inquiétait énormément à propos du service régulier à Terre-Neuve. Les autorités savaient que si l'on procédait à une déréglementation du CN — j'en faisais partie à l'époque —, le service serait réduit à un aller et un retour par jour. La déréglementation sert à faire entrer de nouveaux concurrents sur le marché. Très bien. Avec la déréglementation, si quelqu'un commence à desservir la région entre Cornerbrook et Grand Falls, nous ne le ferons pas. La province a décidé de maintenir ce corridor réglementé. Toutefois, les services de voyage organisé et nolisé ont été entièrement déréglementés.

Avant cela, une entreprise de l'extérieur pouvait obtenir un permis pour exploiter trois voyages organisés dans la région annuellement. À l'époque, les grandes entreprises, Acadian Lines et Nova Charters, pouvaient obtenir trois permis par année pour un voyage organisé à Terre-Neuve, pas plus. Au même moment, c'est CN qui détenait l'essentiel du marché des voyages organisés à Terre-Neuve. Lorsqu'ils ont procédé à la déréglementation l'année suivante, nous aurions pu nous débrouiller avec 13 ou 14 cars parce que Nova et Acadian étaient présents. Il y avait constamment une nouvelle compagnie qui faisait son apparition à Terre-Neuve, ce qui ne s'était pas produit avant la déréglementation. La déréglementation de l'industrie du voyage organisé et du voyage nolisé a permis à ces entreprises de pénétrer le marché et d'y mener des activités pendant l'été. Mais combien de cars avons-nous vus dans la région après octobre? Aucun. Nous étions le seul exploitant. Puis, la province nous a dit: «Vous devez maintenir 15 cars en service. Vous avez une clientèle étudiant à desservir.» Nous avons répondu: «Pourquoi devons-nous exploiter 15 cars pour répondre aux besoins de cinq jours dans l'année? Vous avez permis à tous les autres d'entrer et d'exploiter le marché du nolisé. Pourquoi nous obligez-vous à maintenir 15 cars en service»?

Le sénateur Callbeck: La déréglementation des excursions et des services nolisés a eu lieu en quelle année?

M. Harding: C'était en 1991 environ. Ils ont tout déréglementé sauf le «couloir Trans Canada», comme on l'appelait, c'est-à-dire le service à horaire fixe. Depuis, ils ont modifié la formule trois ou quatre fois. À l'heure actuelle, je crois que le système interdit de transporter des passagers dans le couloir si vous embarquez ces passagers dans un rayon de 15 kilomètres du couloir. Je crois qu'il est également interdit de transporter des passagers à travers le couloir. Je ne sais pas si ces règlements sont impossibles à appliquer, ou encore si l'on ne souhaite pas les appliquer. Quoi qu'il en soit, on ne les applique pas à l'heure actuelle. Il y a des services de minibus et d'autobus scolaires un peu partout à Terre-Neuve. À mon avis, c'est la conséquence de la déréglementation par la province, qui ne s'est pas accompagnée du courage nécessaire pour appliquer le règlement. C'est un risque que l'on court toujours avec la déréglementation.

Le sénateur Callbeck: J'aimerais que nous parlions de sécurité. Si j'ai bien compris, vous dites que, à Terre-Neuve, il n'y a pas d'inspection de sécurité.

M. Harding: Il y a une exigence quant à la condition des véhicules. Essentiellement, mon car peut faire l'objet d'une inspection à la station-service du coin si l'exploitant de cette station détient un certificat d'inspection des véhicules automobiles. En Nouvelle-Écosse, les inspecteurs viennent dans nos garages et y inspectent nos cars, en les passant au peigne fin. Ils travaillent bien et je n'ai aucune objection. Ils contribuent à la protection de tous.

Il y a d'autres aspects liés à la sécurité que personne n'a mentionnés. Il n'y a pas d'obligation d'inspecter les minibus avant le départ. Il n'est pas obligatoire de contracter une assurance. Il n'y a pas d'inspection obligatoire par l'URB. Les conducteurs ne sont pas tenus de remplir des carnets de bord pour se conformer aux lois régissant les heures de service. Qui nous dit que le conducteur du minibus à sept passagers n'est pas au volant depuis 28 heures? La sécurité exige plus que l'inspection des véhicules. Il faut tout un régime. Les exploitants doivent se conformer à toutes les dispositions de la Motor Carrier Act. Pour les véhicules à moins de neuf passagers, conducteurs compris, aucune de ces mesures ne s'appliquent. Les conducteurs pourraient partir d'ici, se rendre jusqu'au Québec et revenir. Il n'y a aucune restriction.

Le sénateur Callbeck: Souhaitez-vous que tous ces minibus soient sujets au même type d'inspection?

M. Harding: J'aimerais que tous les véhicules transportant des passagers sur nos routes soient régis par une réglementation, en effet.

Le sénateur Callbeck: Je crois comprendre que, parce que Terre-Neuve est en partie déréglementée et est en voie de le devenir totalement, vous n'êtes plus intéressé à investir dans de nouveaux véhicules. Est-ce exact?

M. Harding: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question. Me demandez-vous si la déréglementation fait que je ne suis pas intéressé à acheter de nouveaux autocars?

Le sénateur Callbeck: Oui.

M. Harding: En effet, ça ne m'intéresse pas. À Terre-Neuve, nous achetons de nouveaux autocars parce que le service à horaire fixe est réglementé. Au moment d'acheter ces cars, nous savons que nous détenons le service régulier. Si ce service est déréglementé, nous n'achèterons pas des autocars à 550 000 $ chacun. Il y a quelques années, j'ai calculé que 82 p. 100 de nos passagers montent entre Grand Falls et St John's.

Le sénateur Callbeck: Seriez-vous intéressé à exploiter des cars et des minibus, et ainsi de suite, à Terre-Neuve, comme le fait Trius à l'Île-du-Prince-Édouard, qui est déréglementé?

M. Harding: Je ne crois pas que Trius exploite des minibus.

Le sénateur Callbeck: Ils ont des autocars et des autobus. Ils ont aussi des minibus.

M. Harding: En effet, mais vous avez aussi entendu M. Brookins dire que, sans la Nouvelle-Écosse et Halifax en particulier, son entreprise ne serait pas viable. Il a dit que le marché déréglementé à l'Île-du-Prince-Édouard créait des conditions difficiles, sinon impossibles.

Le sénateur Donald H. Oliver: (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant: Il a également dit qu'il disposait de l'autre moitié de l'année pour offrir tous les services à sa clientèle.

M. Harding: Oui, M. Brookins a un parc de 18 autocars. Certains d'entre eux sont garés pendant six mois en hiver. Chez nous, il y en a 35 de garés. Vous constaterez aussi que l'autre principal autocariste immobilise un assez grand nombre de ses véhicules. Il faut que nous trouvions des endroits où les garer, comme Miami ou ailleurs en Floride, et c'est pourquoi nous sommes là-bas, et non parce que ça nous plaît d'être aussi loin.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais vous interroger au sujet des manifestes de passagers et de votre service de colis. Avez-vous discuté avec les autorités fédérales ou provinciales de l'adoption d'un manifeste des passagers?

M. Harding: À ma connaissance, nous n'avons discuté de manifeste de passagers avec personne. Si nous fournissons le service Rollpack, c'est en raison de la législation relative au transport des matières dangereuses. On nous interdit de transporter des matières dangereuses à bord de nos autocars. Nous exigeons donc de nos expéditeurs qu'ils nous indiquent qu'ils ne nous confient aucune matière dangereuse à transporter.

Le sénateur Forrestall: C'est ce que j'avais cru comprendre de votre réponse à la question précédente.

Le sénateur Jaffer: À propos des minibus maintenant, devraient-ils se conformer à une réglementation en matière économique et de sécurité? Plus tôt, M. Pearce a parlé de lignes secondaires ou de lignes qui ne sont pas desservies. Pensez-vous que les minibus pourraient les desservir?

M. Harding: Les minibus ont certainement un rôle à jour lorsqu'il s'agit de desservir les lignes secondaires, c'est-à- dire qu'ils peuvent transporter les passagers à une gare centrale. Je n'ai aucune objection au transport des passagers par minibus, pourvu que leurs propriétaires soient tenus d'obtenir des permis auprès de l'URB, tout comme nous. Que ces entreprises se soumettent elles aussi au processus d'audience qui nous est imposé, et qu'elles établissent clairement que leur service est nécessaire. Dans sa sagesse, l'URB tranchera en leur faveur et leur attribuera peut-être même un permis. Pourvu que ces entreprises soient tenues de respecter les mêmes règles que nous, j'accepte volontiers leur concurrence.

Quelqu'un m'a interrogé au sujet de l'aspect commercialisation. Si tout le monde est régi par une autorité commune, si tout le monde suit les mêmes règles et, partant, est sur un pied d'égalité, alors je ne vois rien à redire à l'exploitation par quelqu'un d'une fourgonnette à des fins de transport de passagers.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente: Merci, monsieur Harding, d'avoir été parmi nous cet après-midi.

M. Harding: Ce fut un plaisir. Je vous remercie.

La présidente: Je tiens à répéter qu'on n'est arrivé à aucune conclusion.

M. Harding: Pourvu que vous ayez saisi mon message, tout le reste est plutôt secondaire. Continuez à réglementer le secteur.

La présidente: Notre témoin suivant est M. Brian Hicks, de la Tourism Industry Association of Nova Scotia.

M. Brian Hicks, coordonnateur à la technologie de l'information, Tourism Industry Association of Nova Scotia: Je tiens d'abord à vous transmettre les excuses de Mme Judith Cabrita, notre directrice générale. Elle est malheureusement retenue par ses engagements à l'extérieur de la ville et ne sera donc pas parmi nous aujourd'hui. On m'a demandé de la remplacer.

Je veux donc souhaiter la bienvenue au comité dans la ville de Halifax, et vous encourager tous à prolonger votre séjour si vous le pouvez. Mangez, buvez et amusez-vous, et profitez-en aussi pour faire éventuellement quelques achats.

La Tourism Industry Association of Nova Scotia est un organisme sans but lucratif créé en 1967. Sa mission est de diriger, d'appuyer, de représenter et de mettre en valeur l'industrie du tourisme en Nouvelle-Écosse. L'organisme regroupe les professionnels qui oeuvrent dans le secteur du tourisme. Il représente un front uni qui demande une plus grande compétitivité de la part des entreprises touristiques de la Nouvelle-Écosse, dans une situation de mondialisation. Il est le porte-parole et le défenseur provincial des huit sous-secteurs du tourisme. L'Association constitue également le Conseil des ressources humaines de la Nouvelle-Écosse et fait partie du Conseil acadien des ressources en tourisme. Elle participe aux activités qui appuient la mise en valeur des entreprises de tourisme. Elle soutient également les politiques favorables à la libre entreprise et les solutions qui s'en remettent à l'industrie. Le Comité des transports de la Tourism Industry Association of Nova Scotia examine régulièrement les stratégies en vigueur puis fait certaines recommandations aux diverses parties prenantes afin qu'elles améliorent les services de transport liés à l'industrie provinciale, et parfois aussi à l'échelle fédérale.

En 2002, la Tourism Industry Association of Nova Scotia va tenir une foire des voyagistes, à l'intention des entreprises nord-américaines de transport par autocar afin qu'elles s'intéressent au tourisme dans la région atlantique du Canada. L'un de nos mots d'ordre sera «Pour assurer l'avenir... L'industrie du tourisme». Le tourisme est une industrie qui profite aux régions tant rurales qu'urbaines. Or si l'on veut que notre industrie s'épanouisse, il est prioritaire de disposer d'une grande diversité de systèmes de transport collectif. Notre association appuie fermement toute initiative susceptible d'encourager la croissance du transport par autocar et qui s'inscrirait dans toute une série de moyens de transport respectueux de l'environnement.

Notre organisation a piloté et gère encore la mise en oeuvre d'une stratégie nationale visant à inciter les utilisateurs de véhicules de plaisance à respecter l'environnement dans la façon dont ils disposent de leurs déchets. Elle serait aussi tout à fait disposée à travailler de concert avec d'autres intervenants qui souhaitent renforcer l'orientation écologique du transport par autocar, industrie qui est déjà respectueuse de l'environnement de par sa nature.

L'industrie du tourisme en Nouvelle-Écosse est un véritable moteur économique, représentant des recettes de plus d'un milliard de dollars et créant plus de 35 000 emplois. C'est aussi l'un de nos secteurs les plus dynamiques; il ne bat pas de l'aile comme bien d'autres.

À l'occasion du réexamen des règlements concernant l'industrie du transport par autocar, il faut que le porte-parole de l'industrie du tourisme ait voix au chapitre. La Tourism Industry Association of Nova Scotia demande que l'on adopte une réglementation nationale uniforme régissant le transport par autocar en matière de sécurité et d'obligations des assureurs, et ce pour tous les transporteurs commerciaux de passagers, quels que soient la taille et le modèle de véhicules utilisés. La sécurité des autocars et des mesures de protection satisfaisantes en matière d'assurance sont d'une importante primordiale pour le public voyageur, qu'il s'agisse des habitants ou des visiteurs.

À ce sujet, les différences observées d'une province à l'autre en matière de transport par autocar ont créé des obstacles au commerce et à la croissance, particulièrement dans la région de l'Atlantique. Ainsi par exemple, en Nouvelle-Écosse, les voyagistes de l'extérieur de la Nouvelle-Écosse sont autorisés à exploiter des véhicules quelconques, et non des autocars, et à tirer des remorques, sans être obligés de se conformer aux règlements auxquels les compagnies provinciales sont assujetties.

Il faut donc que le gouvernement fédéral prenne l'initiative de modifier la loi régissant le transport commercial des personnes et des marchandises dans toutes les régions du Canada, et qu'il veille à la mise en oeuvre de normes nationales afin de protéger le public voyageur.

En tant qu'organisation, nous sommes fermement convaincus qu'à long terme, le succès se fonde d'habitude sur une stratégie qui s'en remet aux forces du marché. La Tourism Industry Association of Nova Scotia est d'avis que les solutions conçues par le marché et axées sur la clientèle ont toujours donné lieu à une croissance durable pour toutes les industries et tous les secteurs. Nous nous rendons bien compte que l'industrie du transport par autocar continue à accuser une baisse du nombre de ses passagers. Ce dont on a besoin, c'est d'une stratégie nationale qui tire parti des avantages du transport par autocar, encourage l'amélioration du service et de la qualité et soit intégrée.

La surréglementation n'a jamais donné les résultats escomptés, quel que soit le moyen de transport. On n'a qu'à regarder le transport aérien aujourd'hui pour le comprendre. Les subventions du gouvernement fédéral aux systèmes ferroviaires ont ajouté aux difficultés de l'industrie du transport par autocar et des entreprises elles-mêmes. Il faudrait donc envisager une campagne de sensibilisation du public, qui se déroulerait en collaboration avec les intervenants afin d'encourager le transport par autocar comme solution de rechange. Ainsi par exemple, on pourrait concevoir des messages qui soulignent les avantages pour l'environnement des voyages en groupe.

Des projets de recherche lancés avec la participation des entreprises de transport par autocar et les utilisateurs du système devraient définir les obstacles à surmonter et les avantages dont on pourrait tirer parti dans le secteur privé. À mon avis, les interventions gouvernementales n'apportent pas toujours la solution à un problème. La TIAMS serait donc reconnaissante de pouvoir participer à la recherche de ces solutions.

Lorsque les touristes de pays étrangers arrivent en Nouvelle-Écosse, ils s'attendent à trouver un système de transport des personnes pratique et bien intégré. Ils sont habitués à cela chez eux. À l'heure actuelle, le transport par autocar est le seul moyen de transport disponible pour se rendre dans bien des lieux de notre province. Sur le plan du tourisme, l'offre de services de transport d'une collectivité à l'autre représenterait un avantage supplémentaire et encouragerait la croissance de certaines destinations touristiques.

En guise de conclusion, la réglementation devrait se limiter exclusivement à la sécurité du public et à la protection au moyen d'assurances. Les politiques provinciales différentes d'une province à l'autre dans un secteur aussi important que le transport par autocar n'avantagent pas le tourisme. Le gouvernement fédéral devrait donc prendre les devants et adopter une stratégie nationale susceptible d'encourager le transport par autocar comme choix multimodal, et venir en aide à l'industrie et aux provinces afin qu'elles conçoivent des solutions d'avenir et obéissant aux forces du marché. Un cadre réglementaire national qui veille à l'offre de bons services à la clientèle et élimine les obstacles sera à l'avantage de tous les Canadiens et particulièrement du public voyageur.

La présidente: Monsieur Hicks, y a-t-il, dans les différents régimes provinciaux, des différences qui soient survenues depuis une dizaine d'années avec des conséquences nuisibles pour l'industrie ou les voyageurs?

M. Hicks: Je dirais que dans certains cas, ces régimes ont nui à l'un comme aux autres. Les voyageurs s'attendent à certains niveaux de service, et ces attentes diffèrent selon le marché. Prenez un exemple. Si vous prenez l'autocar en Nouvelle-Écosse, il peut arriver que le chauffeur vous laisse sur la route, par n'importe quel temps, en vous laissant le soin de vous rendre jusqu'à votre destination ultime. Les gens qui sont originaires des grands centres urbains, là où l'industrie du transport par autocar est à la fois beaucoup plus développé, beaucoup plus rentable et beaucoup plus durable aussi profitent de niveaux de service bien meilleurs que celui-là.

En quoi cela nuit-il à l'industrie? J'imagine que dans notre domaine, les exploitants qui doivent subventionner les lignes régulières ou les dessertes lointaines à même leurs services nolisés ne peuvent pas offrir des prix aussi concurrentiels que les exploitants d'autres régions du Canada ou des États-Unis qui se limitent rigoureusement à offrir des services d'affrètement et ne doivent donc pas subventionner de réseaux de transport en milieu rural.

Dans une perspective plus lointaine, il est certain que le monde doit s'attendre à une augmentation des coûts de l'énergie. L'infrastructure, c'est-à-dire nos routes, va nécessiter d'immenses investissements. Nous essayons sans cesse de faire davantage avec des moyens moindres. Si on n'arrête pas de penser à des solutions nécessitant une aide artificielle, avec des exploitants — ce n'est pas un incitatif économique, c'est un impératif économique — qui doivent perdre de l'argent dans certains volets de leurs activités, il faut bien se demander combien de temps le secteur restera viable et où tout cela nous amènera. Au bout du compte, aurons-nous perdu tous nos protagonistes? Je pense qu'il faut un juste milieu lorsqu'il s'agit d'assurer le bien public. Le sénateur Oliver a dit, un peu plus tôt, que les gens des petites localités avaient bien le droit d'aller consulter leur médecin. Le marché pourrait offrir certaines solutions qui ne passeraient pas par l'utilisation obligée d'un autocar de 50 places. Si l'industrie peut arriver à offrir quelque chose dans un contexte équilibré, un contexte dans lequel c'est au bout du compte le client qui est le moteur, les chances de réussite seront beaucoup plus élevées que si on confiait la chose à un groupe de gens constitués en comité et qui seraient appelés à décider que telle localité aura deux autocars par semaine et telle autre n'en aura qu'un seul.

Je donne un coup de chapeau au comité étant donné que l'essentiel de ces problèmes sont du ressort des provinces. Votre comité pourrait peut-être extraire ce qu'il y a de meilleur dans le secteur réglementé, dans le secteur semi- réglementé et dans le secteur non réglementé et proposer cela comme les meilleures pratiques recommandées. À ce moment-là, chaque ministère provincial des Transports aura une idée de l'endroit où il se situe et du résultat de ses propres politiques, en d'autres termes il saurait si ses politiques nuisent à son propre secteur du transport ou entravent son développement. Si ce genre d'initiative va de l'avant, et si les conditions sont relativement uniformes partout au Canada, le voyageur en quête d'un service régulier sur de grandes distances s'en trouverait infiniment mieux. Au bout du compte, ce sera également meilleur pour les visiteurs étrangers qui voyagent par autocar et en groupe.

La présidente: Nous avons appris hier que le nombre de passagers sur les lignes régulières n'avait pas diminué, alors qu'aujourd'hui certains de nos témoins affirment le contraire et d'autres corroborent le fait. Quel est votre avis à ce sujet?

M. Hicks: Pour être réaliste, il faudrait remonter aux années 60 et au boom de l'automobile, de la construction routière et du transport interurbain. Beaucoup de gens conduisent d'eux-mêmes ou trouvent d'autres moyens pour se rendre à destination, surtout lorsque ces destinations sont très éloignées et que l'avion peut vous y amener en quelques heures alors qu'il faudrait une journée en voiture. J'ai lu un mémoire de notre ministère des Transports selon lequel le nombre de passagers transportés en Nouvelle-Écosse avait subi une série de baisses relativement marquées. Je ne pense pas qu'on puisse le contester. Il y a beaucoup de gens qui, pour une raison ou une autre, ont abandonné le transport en autocar.

Nous pourrions peut-être trouver des programmes ou des incitatifs qui encourageraient les clients à prendre l'autocar pour aller du point A au point B. Il est faux de penser que c'est le service qui coûte le moins cher qui l'emporte dans tous les cas. Cet adage n'a jamais été un modèle de marketing gagnant dans quelque secteur que ce soit. Certes, on peut se tailler une part de marché en offrant des places bon marché, mais il est impossible de conserver cette part du marché indéfiniment parce qu'on y perd sa chemise. C'est tout simplement intenable.

La présidente: Cette diminution de l'achalandage du transport aérien interurbain par autocar à horaire fixe est-elle la conséquence d'une présence plus marquée des autocars nolisés sur le marché?

M. Hicks: Non, je dirais plutôt que cela aurait davantage un rapport avec la voiture particulière, cette commodité que la plupart des gens recherchent actuellement lorsqu'ils font des plans de voyage. L'automobile permet de partir quand on veut sans être obligé de prendre l'autocar de 17 heures le mardi. Je pense que les gens qui empruntent l'autocar sont plutôt des gens qui n'ont pas de voiture. Mais ce n'est qu'une hypothèse parce que je n'ai pas fait de recherche à ce sujet.

Le sénateur Oliver: J'aurais une question d'ordre général au sujet du tourisme. L'autre jour, j'ai lu un article qui parlait de ce que les Nord-Américains recherchaient en fait de vacances. Certains d'entre eux veulent vivre une «véritable expérience à la ferme». Ils veulent pouvoir passer une journée, une fin de semaine en famille dans une ferme pour voir des porcs et des poules et vivre un peu à la campagne. Cela devient donc une destination prisée.

Vous êtes-vous demandé comment vous pourriez emboîter le pas à cette nouvelle tendance qui se dessine aux États- Unis et dans certaines régions du Canada, afin que nous puissions en bénéficier aussi en Nouvelle-Écosse? Et dans l'affirmative, comment vous y prendriez-vous pour transporter ainsi les gens vers ces destinations? Envisagez-vous d'offrir de nouveaux incitatifs à certains des exploitants de services d'autocar en Nouvelle-Écosse?

Par ailleurs, dès lors qu'on pense à la façon d'amener ainsi les gens dans les zones rurales, ne pourrait-on pas par la même occasion admettre que l'autocar peut également servir à transporter les gens des régions rurales et éloignées vers les villes?

M. Hicks: Pour ce qui est de la façon dont nous nous y prenons pour développer le produit touristique et lui apposer notre marque ici, en Nouvelle-Écosse, il y a toute une armée de gens qui s'en occupent. D'ailleurs, nous avons même des partenaires nationaux, la Commission canadienne du tourisme, qui, dans certains cas, participent à des initiatives concernant l'agrotourisme ou le tourisme autochtone, par exemple.

Les études de marché ont révélé que le tourisme d'aujourd'hui est très différent de ce qu'il était il y a 50 ans. À l'heure actuelle, les gens veulent vivre des expériences. Ils ne veulent pas se contenter de voir un beau paysage et de prendre de jolies photos, ils veulent littéralement faire partie du paysage. Nos voyagistes sont déjà nombreux à avoir découvert ce marché, et ils offrent toute la palette des services, depuis l'hébergement jusqu'au tourisme d'aventure. Nous travaillons très activement avec toute une palette d'organisations de marketing de destinations pour nous faire connaître dans ce domaine où nous sommes très forts. La Nouvelle-Écosse est un endroit assez étonnant à visiter. Notre potentiel touristique est illimité. Nous suivrons de très très près les tendances mais nous ne voulons pas de développement incontrôlé, ce qui nous intéresse, c'est la durabilité.

Le sénateur Oliver: Avez-vous prévu dans votre budget une petite caisse qui vous permettrait de subventionner certaines compagnies d'autocar afin qu'elles desservent certaines des régions les plus éloignées?

M. Hicks: Non.

Le sénateur Oliver: C'est à cela que je voulais en venir.

M. Hicks: Nous avons pensé à encourager peut-être un voyagiste à commencer à offrir des liaisons régulières à destination, mettons, de la région de Parrsboro, là où il y a d'extraordinaires gisements minéraux. Sur le plan logistique, il serait difficile de prévoir des coefficients de remplissage éminemment imprévisibles: combien de sièges faut-il réserver aux gens de l'endroit qui voudraient profiter de l'autocar pour rentrer chez eux? Du point de vue logistique, je ne pense pas que cela soit très facile à faire.

Par contre, il y a déjà je crois dans la province des entreprises de transport par minifourgonnette qui transportent des visiteurs, des touristes, et pas simplement des résidents, par exemple jusqu'à Parrsboro. On pourrait dire que, dans ce cas-là, le tourisme vient compléter le marché desservi par ces entreprises de transport. Mais demander aux gens d'offrir à la clientèle un service polyvalent a parfois pour effet de multiplier les complications et les problèmes.

Le défi que nous devons relever ici en Nouvelle-Écosse consiste à maintenir un bon service à horaire fixe dans toutes les collectivités, ou dans le plus grand nombre de collectivités possible, avec de grands autocars. Ce n'est pas facile. L'industrie du forfait contre-subventionne le coût de fonctionnement de l'autocar. Si l'entreprise offre aussi des circuits touristiques, cela aide à compenser. Ce n'est pas un problème facile à résoudre. On ne peut tout simplement pas abandonner les collectivités. Je pense qu'en raison de la situation du marché local, la solution n'est peut-être pas d'avoir un autocar de 50 passagers qui dessert certaines de ces collectivités.

Le sénateur Oliver: La fourgonnette est-elle la solution?

M. Hicks: Oui. Il s'agit de savoir qui va fournir ce service. Est-ce que ce sera l'autocariste qui aura une division minibus?Je pense qu'il s'agit là d'une initiative qui devra venir du marché. Celui qui offre le prix le moins élevé ne gagne pas toujours. C'est celui qui offre le meilleur service au client qui gagne.

Le sénateur Callbeck: Ce matin nous avons entendu M. Campbell de Atlantic Tours Grey Ligne qui nous a dit qu'à son avis l'industrie ne faisait pas un très bon travail de marketing. L'industrie des lignes aériennes dépense des millions pour promouvoir son secteur, tout comme l'industrie des paquebots de croisière. Cependant, ça ne semble pas être le cas de l'industrie du transport par autocar. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

M. Hicks: Franchement, oui, je pense que ce que vous dites est juste. Il s'agit là d'un important segment de notre produit touristique qui est en train de se développer, tout particulièrement pour desservir les grands paquebots de croisière avec des autocars. Chaque année le trafic des paquebots de croisière augmente, au point où certaines de nos ressources sont mises à dure épreuve, particulièrement lorsqu'on tente de garer 60 autocars à Peggy's Cove.

Je ne crois pas que le marché des circuits touristiques par autocar soit en baisse. Il y a tout autant de gens et peut- être même plus qu'auparavant. À mesure que nous, les babyboomers, vieilliront, nous voudrons un jour partir en vacances en autocar, faire ce qu'on appelle des «circuits à itinéraire fixe». Ce marché va continuer de croître encore pendant un moment.

Dans notre région, ce n'est pas un grand secteur. Il n'y a pas 50 autocaristes comme en Ontario. Il n'y en a qu'une poignée. Les ressources sont sans doute limitées et on peut sans doute dire que la coordination est limitée. C'est une initiative qui relève d'abord et avant tout de notre ministère du Tourisme, d'une agence, un conseil, qui s'appelle le Nova Scotia Tourism Partnership Council, qui devra déterminer s'il s'agit d'une faiblesse, et porter cette question à leur attention, et aller chercher un budget de commercialisation pour aider à corriger le problème. Dans une large mesure, ce secteur mène en réalité une guerre de tranchée. Les autocaristes se rendent dans des expositions touristiques pour rencontrer des gens, leur parler et établir des liens. Je crois que bon nombre d'autocaristes adoptent la même approche avec succès auprès des croisiéristes.

Le sénateur Callbeck: Denis Campbell, si j'ai bonne mémoire, a dit que les chiffres étaient à la baisse, mais il a dit qu'en Nouvelle-Écosse, cela ne peut pas être le cas car son entreprise a triplé en sept ans.

M. Hicks: Comme les gens l'ont dit ici aujourd'hui, il y a en Nouvelle-Écosse deux entreprises provinciales de transport par autocar. Elles disent que leurs activités ici dans la province génèrent une partie importante de leurs revenus. Naturellement, nous avons ici une industrie d'un milliard de dollars, et nous avons un produit assez solide dans le secteur des croisières.

Le sénateur Jaffer: Les événements du 11 septembre ont-ils affecté l'industrie touristique ici?

M. Hicks: Nous avons fait un sondage auprès des quelque 1 100 membres de notre association. La plupart de nos membres représentent le secteur de l'hébergement. L'impact à court terme a été important. Les entreprises ont été durement touchées sur le plan financier, certaines ont pratiquement été acculées à la faillite. L'étude que nous avons faite révèle que l'impact pour les entreprises a été immédiat mais qu'il y a eu une reprise dès le mois suivant. Pour bon nombre d'entreprises, la reprise a été plus lente. L'automne est une excellente saison pour le tourisme ici. Bien que ces événements aient eu un impact, celui-ci n'a pas été aussi important qu'il l'a été au cours des quatre premières semaines. D'importants congrès réunissant des milliers de personnes se sont tenus ici, bien que certains de ces congrès aient été annulés.

Parfois, mon travail consiste à m'occuper de notre technologie de l'information et à répondre aux besoins de notre industrie. Les statistiques pour le Web son impressionnantes cette année, et les chiffres augmentent. Le nombre de demandes de renseignements augmente. Nous prévoyons une année assez bonne. Je pense que nous avons certains avantages merveilleux. Nous sommes tout près pour bien des gens qui veulent venir nous visiter. Notre province est sécuritaire. Elle est propre, et s'il n'y pas une autre guerre et si les prix du carburant ne doublent pas et qu'il n'y a rien d'autre qui puisse avoir un impact majeur sur la tendance des gens à vouloir voyager, alors je pense que nous aurons une année assez impressionnante.

Le sénateur Jaffer: Étant donné que les gens, particulièrement aux États-Unis, ont tendance à hésiter à voyager à l'étranger, ils pourraient choisir le Canada.

M. Hicks: Oui. Les 10 000 personnes environ qui se sont trouvées en rade ici et qui ont plus tard poursuivi leur voyage, sont devenues d'excellents ambassadeurs pour notre province. Un membre de notre personnel qui se trouvait à un congrès au Nevada a rencontré deux ou trois délégués qui l'ont serré dans leurs bras parce qu'ils avaient des amis ou des membres de leur famille qui s'étaient trouvés à Halifax le 11 septembre. Le bouche-à-oreille donne d'excellents résultats.

Le sénateur Forrestall: Le gouvernement canadien a produit une publication intitulée Great Friends au sujet de ce que le Canada a fait à la suite des événements du 11 septembre.

M. Hicks: Le gouvernement aime documenter ce genre de choses.

Le sénateur Forrestall: Nous avons apporté une centaine de ces livres cadeaux, et ils avaient disparu en deux ou trois jours. Le gouvernement canadien fera fortune avec cette publication en la vendant aux États-Unis. On ne sait jamais d'où viendra la publicité.

La présidente: Merci beaucoup.

M. Hicks: J'aimerais vous rappeler à tous que Halifax est une capitale où l'on retrouve de merveilleux restaurants et d'excellents divertissements.

La présidente: C'est pour cette raison que nous revenons ici. Merci.

Les témoins suivants sont Mme Stephanie Sodero et Mme Alexandra Fischer de Ecology Action Centre.

Mme Stephanie Sodero, coordonnatrice du système TRAX et coordonnatrice du Programme aller-retour actif et sécuritaire pour l'école, Ecology Action Centre: Ma collègue, Alexandra Fischer, et moi-même travaillons pour le projet TRAX au Ecology Action Centre. TRAX signifie Transportation Halifax. Nous travaillons pour en arriver au transport durable. Par «durable» nous voulons dire le vélo, l'autobus, la marche, le covoiturage, c'est ce que nous faisons tous les jours.

On m'a demandé d'encourager les étudiants à prendre la parole aujourd'hui, mais malheureusement c'est le congé scolaire et je n'ai que deux observations écrites à lire. Est-ce que cela vous convient?

La présidente: Oui.

Mme Sodero: D'après l'information que j'ai reçue, je crois comprendre que vous avez deux principales questions: Pourquoi l'usage de l'autobus a-t-il diminué, en supposant que c'est le cas; et, comment pouvons-nous accroître l'usage de l'autobus?

Pour répondre d'abord à la première question, c'est-à-dire pourquoi l'usage de l'autobus a diminué, ma famille a une maison à Whycocomagh, au Cap-Breton qui, comme bon nombre d'entre vous qui y sont allés le savent, est de toute beauté. On peut y faire du canot et de la natation. Les membres de ma famille s'y rencontrent tous les étés. Comme je ne conduis pas de voiture et que je ne suis pas propriétaire de voiture, je veux me rendre là-bas pour mes vacances et je veux passer le moins de temps possible à faire le trajet. En autocar, il me faut cinq heures et demie pour m'y rendre au coût de 48,59 $. Si je prends une fourgonnette qui fait la navette, il me faut seulement quatre heures au coût de 40 $. Vous demandez pourquoi l'usage de l'autobus a diminué? Voilà une réponse. Il y a concurrence dans d'autres secteurs, non pas entre les usagers d'autocars. Je prends la fourgonnette pour m'y rendre. C'est plus rapide et c'est moins coûteux. Le service est plus individualisé. Je me fais parfois déposer à la porte. Je me fais déposer plus près de là où je vis, et c'est encore plus agréable de faire le voyage en fourgonnette. Les gens ont tendance à se parler davantage entre eux tandis qu'en autocar, je trouve que les gens ont plutôt tendance à rester dans leur coin. C'est sûr.

Je lisais le témoignage de M. Gow de Transport 2000 qui a fait certaines observations lors d'une séance précédente au sujet de la sécurité. D'après mon expérience en Nouvelle-Écosse tout au moins, les fourgonnettes, qui font la navette sont très sécuritaires.

Sur le plan environnemental, et c'est de ce point de vue que je parle, une fourgonnette pleine c'est mieux qu'un autocar à moitié vide. Au fait, le service est le même pour les autocars et les fourgonnettes disons pour le trajet de Whycocomagh à Halifax. Nous avons six ou sept fourgonnettes qui font tous les jours la navette entre le Cap-Breton et Halifax. Cependant, il est sans doute préférable d'avoir un autocar plein plutôt que six ou sept navettes, mais les navettes sont plus commodes et offrent un plus grand choix pour ce qui est des heures de départ et des endroits où elles peuvent venir vous chercher et vous laisser descendre.

Il y a un problème de prix, peu importe que l'on parle des autocars ou des minibus. Comme je travaille pour un ONG, je ne me déplace peut-être pas autant que je le voudrais en raison du coût.

Cependant, sur le plan environnemental, ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Le témoin précédent parlait du tourisme et a dit qu'il voulait que les gens voyagent. Sur le plan environnemental, nous encourageons les gens, s'ils voyagent, disons, pour aller en vacances, de rester un peu plus près de chez eux plutôt que de prendre l'avion pour se rendre à l'autre bout du monde. Plus on va loin, plus grand est l'impact environnemental.

Je suis allée à une conférence à Tatamagouche en Nouvelle-Écosse il y a quelques semaines. Il m'était impossible de m'y rendre sans une voiture. Il n'y avait pas d'autocar ni de train ni de service de minibus. Je n'avais pas le choix. J'ai eu la chance de pouvoir faire du covoiturage avec une autre personne. Cependant, du point de vue de l'équité sociale, une personne qui n'aurait pas les moyens d'avoir une voiture serait mal prise.

Vous examinez par ailleurs la question de la concurrence et si la déréglementation augmenterait l'achalandage du transport par autocar. Je vais vous expliquer ma façon rudimentaire de comprendre la question. J'ai l'impression que la concurrence ne se fait pas entre les autocars mais entre les autocars et les voitures, ou entre les autocars et les fourgonnettes, ou les autocars et les avions. Les voitures sont plus confortables, plus pratiques et plus coûteuses mais, lorsqu'on est arrivé à destination, les avantages l'emportent souvent sur les coûts.

Cependant, les voitures constituent le mode de transport le moins durable du point de vue de l'environnement. En Nouvelle-Écosse, les coûts en soins de santé liés à l'utilisation de la voiture s'élèvent à 200 millions de dollars par an. Seulement 33 p. 100 des jeunes de la Nouvelle-Écosse sont en bonne forme physique. Les voitures émettent des gaz à effet de serre qui réchauffent la planète et contribuent au changement climatique. Elles causent la pollution par le bruit et la pollution de l'air, la perte de l'habitat et une série d'autres problèmes.

Comment pouvons-nous accroître l'utilisation de l'autocar? Naturellement, il faut se demander si nous devrions accroître l'utilisation de l'autocar. Sur le plan de l'équité sociale et environnementale, il devrait y avoir une façon de se déplacer qui ne soit pas fondée sur l'utilisation d'une voiture. Étant donné cette réponse, comment pouvons-nous accroître l'utilisation de l'autocar?

Dans mon cas en particulier, la fourgonnette offre un meilleur service. Les autocars pourraient peut-être commencer à offrir de tels services. Les fourgonnettes pourraient desservir les routes plus rurales et ensuite alimenter les routes plus importantes.

Pour ratifier le protocole de Kyoto, nous pourrions mettre en place toute une série de mesures d'incitation pour accroître la conservation de l'énergie, réduire la consommation des combustibles fossiles et réduire la taxe sur les carburants pour les autocars ou les fourgonnettes. On le fait au Québec. Nous pourrions investir dans le transport interurbain. Lorsque je me rends dans une ville, je rencontre habituellement quelqu'un qui peut me conduire d'un endroit à l'autre, mais ce serait bien s'il y avait un réseau d'autobus fiable dans la ville.

Si on veut encourager l'utilisation de l'autocar, il faut décourager l'utilisation de la voiture. Une façon de le faire serait d'augmenter le coût de conduite d'une voiture afin de refléter le coût réel. Un professeur d'ingénierie de Dalhousie, Larry Hughes, estime qu'il faut ajouter 3 340 $ par véhicule au coût de chaque véhicule en Nouvelle-Écosse pour refléter les coûts sociaux et environnementaux qui ne sont pas compris dans le prix qu'un conducteur paie. Cela pourrait se faire entre autres en augmentant la taxe sur le carburant, et en imposant une taxe plus élevée sur les véhicules qui polluent davantage, notamment les VLT.

En conclusion, pour assurer l'équité sociale et environnementale, il faut instaurer des services de transport en commun dans toutes les régions, urbaines et rurales. Il importe peu de savoir si on utilisera des fourgonnettes, le train ou l'autobus. La solution réside probablement dans une combinaison des trois.

Il n'y a pas de concurrence entre les entreprises de transport par autobus, mais bien entre l'autobus et la voiture, si bien que si l'on veut augmenter le nombre d'usagers des autobus, il faut sortir les gens de leur voiture. C'est le meilleur moyen d'y arriver.

Nous avons reçu deux textes. Alex lira le premier.

Mme Alexandra Fischer, coordonnatrice de TRAX, Programme aller-retour actif et sécuritaire pour l'école: Il s'agit d'un texte que nous avons reçu d'un étudiant au doctorat au Département d'économie de l'université Acadia, qui m'a demandé de transmettre au comité ses brèves observations. Il écrit:

De temps en temps, je prends l'autobus de la Acadian Lines pour me rendre de Wolfville à Halifax. Je préfère l'autobus à ma voiture parce que je peux travailler un peu à bord de l'autobus. Étant donné que je suis universitaire, mon travail est suffisamment portable pour me permettre de faire cela. Cependant, le service est loin d'être idéal.

Voici ce que je reproche au service:

1) Le coût. À 30 $ l'aller-retour, il m'en coûte plus cher de prendre l'autobus que de conduire ma voiture. Ce coût élevé fait que les seules personnes qui prennent l'autobus sont celles qui n'ont pas les moyens de s'offrir une voiture, ou qui ont des justifications comme les miennes, c'est-à-dire la possibilité de travailler ou de dormir en voyage.

2) Incommodité de l'horaire. Pour des personnes comme moi-même, l'accès à l'Aéroport international de Halifax est important. Pour se rendre à l'aéroport à partir de Wolfville ou pour en revenir, il faut attendre la correspondance à Halifax. Il faut trois fois plus de temps pour se rendre à l'aéroport en autobus que si l'on conduit ou si l'on loue une limousine, et encore là, ce n'est possible qu'à des moments où il n'y a pas de départs d'avion.

3) Emplacement de la gare routière. Il n'est pas facile de se rendre de la gare routière jusqu'à l'université Dalhousie ou en ville (mes destinations à moi). Il faut marcher environ 45 minutes pour se rendre en ville, et à peu près une demi-heure pour se rendre à l'université. On ne semble pas faire le moindre effort pour coordonner les autobus de la ville avec l'horaire des autobus de la Acadian Lines, ou même pour fournir un autobus de la ville qui faciliterait l'accès à la gare routière. Il faut donc attendre Robie, peu importe le temps qu'il fait, et il faut souvent attendre longtemps pour prendre un autobus municipal.

4) Le manque de confort. Les sièges sont trop étroits et rapprochés. Ce n'est pas agréable lorsque l'autobus est plein. C'est moins confortable qu'un avion bondé, et on est plus secoué.

En ma qualité d'économiste-écologue, j'affirme que l'on exploitera l'avantage écologique de l'autobus que si les usagers de l'autobus sont subventionnés par ceux qui causent plus de tort à l'environnement. Il faut remarquer que l'usage de l'autobus présente toute une série d'autres avantages.

On pourrait instaurer des péages sur les grandes routes, solution facile sur le plan pratique, mais non politique. On pourrait utiliser une part des revenus ainsi générés pour subventionner le transport par autobus (ou par train). Cela augmenterait le coût du voyage en voiture et réduirait le coût du voyage en autobus.

La déréglementation efficace et sécuritaire du transport par autobus serait une solution plus difficile. L'autobus doit être sécuritaire, mais il faut aussi qu'il y ait concurrence. J'ignore ce qu'il en est en Nouvelle- Écosse, mais je sais qu'en Ontario, les entreprises de transport par autobus ont des monopoles sur des circuits en particulier, et elles ont même pu faire interdire le covoiturage organisé, que l'on considérait être en violation de la Loi sur les transports routiers.

La solution la plus difficile réside dans les plans d'aménagement urbain à long terme qui préviendraient l'étalement et donneraient les densités critiques voulues pour rendre les transports en commun efficaces (tous les modes). C'est probablement la solution qui s'impose le plus, mais aussi la moins susceptible d'être adoptée.

Il y a aussi une solution technologique. Le mode de transport le moins cher par personne, lorsqu'il est employé à pleine capacité, c'est le train. Cependant, le train n'est pas efficient lorsque la densité démographique et l'achalandage sont faibles. Si le train est attrayant, c'est entre autres parce qu'il est beaucoup plus confortable. Les villes utilisent en ce moment des autobus articulés sur les circuits achalandés. Pourrait-on appliquer cette technologie aux autobus de long parcours? J'imagine un «train routier» qui ressemblerait largement à ce qui se fait dans le transport par camion. Imaginez deux ou trois autobus articulés qui emprunteraient exclusivement les grandes artères. Pour que ces autobus soient efficaces, il faudrait bâtir des gares de correspondance sur les grandes routes et assurer des correspondances de ces gares au centre-ville.

En outre, toute solution qui vise à promouvoir le transport par autocar doit aussi le protéger de l'engorgement des routes. Sur les autoroutes à quatre voies ou plus, il faut réserver une voie au transport par autobus ou par VFDO.

«VFDO» désigne un véhicule à forte densité d'occupation. Il poursuit:

Si l'autobus doit affronter même encombrement que l'automobile, l'automobile est alors préférable, particulièrement si elle coûte moins cher, si elle est plus propre, plus spacieuse et peut vous conduire directement à l'endroit où vous voulez aller.

Chose certaine, ce n'est pas le marketing qui va augmenter le nombre d'usagers du transport par autocar. Le nombre d'usagers des autobus (ou du train ou du transport en commun) n'augmentera que si les personnes y trouvent leur compte. Rares sont les gens qui ont une conscience écologique telle qu'ils renoncent à la commodité pour le bien de l'environnement, surtout quand les effets de ce choix louable sont minimes. Nous devons défavoriser activement les usages de la voiture en les obligeant à payer le coût intégral de cet usage.

Mme Sodero: Nous avons reçu un deuxième mémoire d'un autre étudiant en doctorat. Je lui ai demandé ses commentaires et il m'a envoyé un texte de huit pages, mais je n'en lirai que les principaux passages. Wayne Groskzo a été récemment engagé à titre de premier coordonnateur de la circulation cycliste et piétonnière pour la ville de Halifax. Il s'emploie à faire le tracé des bandes cyclables et à encourager le cyclisme.

Même si les statistiques révèlent une baisse du nombre d'usagers des autocars par rapport aux décennies antérieures, j'ai le sentiment qu'on peut inverser cette tendance.Je peux affirmer, pour l'avoir constaté, qu'il semblait y avoir un nombre de personnes à bord des autobus, partout au pays, l'été dernier. De manière générale, mon expérience du transport par autobus a été très positive. Cela était attribuable en partie à la gentillesse et à la courtoisie d'un grand nombre d'autocaristes mais c'est surtout parce que j'ai rencontré des tas de gens intéressants à bord des autobus, avec qui j'ai eu d'intéressantes conversations.

Le sénateur Oliver: Avez-vous des copies de ce texte que nous pourrions distribuer à tous?

Mme Sodero: Je n'en ai pas. Désolée.

La présidente: Vous pouvez nous en donner lecture.

Mme Sodero: Je lirai seulement deux paragraphes de ces huit pages. J'espère que Wayne ne m'en voudra pas.

J'ai du mal à imaginer comment une «concurrence» accrue nous aiderait à fournir un meilleur transport interurbain par autocar. Est-ce que plusieurs entreprises différentes desserviraient les mêmes destinations? Je ne crois pas qu'il soit très raisonnable que deux ou plusieurs entreprises de transport routier se rendent au même endroit. En théorie, ces entreprises offriraient-elles des prix différents et donc moins élevés? Est-ce qu'elles auraient simplement des horaires différents? Dans tous mes voyages en Amérique du Nord, et je n'ai été témoin de cette situation qu'une seule fois, avec Greyhound et Red Arrow, qui desservent toutes deux Edmonton et Calgary. Je crois que des entreprises différentes vont se démarquer surtout par des parcours différents. Je ne peux donc pas dire si la réglementation ou l'absence de réglementation a beaucoup d'effet sur la concurrence d'une manière ou d'une autre.

Voici l'autre paragraphe:

Je prends souvent l'autobus pour de longs parcours, et c'est généralement une expérience agréable. J'ai déjà fait valoir certaines de mes idées à ce sujet.

J'ajouterai que j'emporte souvent un vélo avec moi à bord de l'autobus ou du train, et que je me sers de ce vélo pour me déplacer une fois arrivé à destination. Il y a plusieurs obstacles à cela: on est obligé de démonter le vélo, de le mettre dans une boîte, il y a des frais supplémentaires et des tracas. J'ai réglé moi-même une bonne partie du problème en faisant l'acquisition d'un «vélo de voyage», qu'on téléscope et range dans un petit sac de hockey. Même à cela, si l'autocariste remarquait que ce sac contient un vélo, conformément à la politique de l'entreprise, il serait obligé de me demander un peu plus pour le transport de cette «bicyclette», même si ce sac ne diffère en rien des sacs marins ou de hockey dont on se sert communément. Ce n'est pas juste.

Je crois que les compagnies ferroviaires et les autocaristes pourraient attirer une autre catégorie de voyageurs en se montrant plus accueillantes envers les cyclistes. Il ne serait pas très difficile de monter un support à bicyclettes à l'arrière de l'autocar.

La présidente: Quelle perception ont les gens du transport en commun?

Mme Sodero: Du transport interurbain?

La présidente: Nous savons ce que vous en pensez. Mais comment les gens régissent-ils envers le transport en commun?

Mme Fischer: De manière générale, les gens que je connais à Halifax le trouvent relativement cher et incommode pour ce qui est des horaires. On apprendrait beaucoup de choses en sondant les usagers pour déterminer si les horaires répondent à leurs besoins. Je me suis rendue récemment de Moncton à Halifax, et l'heure de retour était à midi le dimanche. On pourrait peut-être ainsi connaître les besoins des usagers qui se rendent aux grandes destinations comme Halifax et leur permettre de profiter d'un dimanche à cette destination. Cela pourrait être une solution. Les gens ont tendance à croire qu'il faut plus de temps pour se rendre quelque part, que ce n'est pas commode et que c'est plus cher.

La présidente: Votre projet TRAX fait la promotion des modes de transport autres que la voiture à passager unique. Comment avez-vous travaillé jusqu'à présent, et dans quelle mesure avez-vous réussi?

Mme Fischer: Nous avons deux grandes approches. Premièrement, nous travaillons de concert avec les grands employeurs de la municipalité régionale de Halifax, et nous mettons en oeuvre ce que nous appelons des «programmes de réduction des voyages», où nous faisons la promotion des modes de transport alternatifs, non pas en mettant l'accent sur les avantages pour l'environnement, mais en mettant en place des incitatifs concrets. Nous avons mis en place des mesures comme la vente de billets d'autobus sur place. Nous réclamons des déductions automatiques à la source pour l'achat de laissez-passer d'autobus. Nous n'y sommes pas encore parvenus, mais c'est l'un de nos buts.

Pour ce qui est du covoiturage, nous offrons un service gratuit de concordance aux employés et nous tâchons d'obtenir des places de stationnement désignées pour les covoitureurs.

Nous faisons également la promotion du transport actif grâce à un programme que nous mettons en oeuvre de concert avec les infirmières, où nous mesurons les avantages pour la santé que les gens peuvent retirer en devenant plus actifs. Pour vendre le transport actif, nous travaillons aussi avec le secteur de la santé.

L'autre aspect de notre travail, parallèlement au programme de réduction des voyages, est simplement l'éducation du grand public, la sensibilisation, et nous prenons aussi une part très active à un certain nombre de comités, comme le Bike Ways Task Force, le Comité du transport de la Chambre de commerce, et un certain nombre de divers comités liés au transport.

Pour ce qui est de notre taux de succès, je crois que nous sommes considérés comme une voix importante pour le transport viable à Halifax. Nous travaillons en étroite collaboration avec la commission de transport et les responsables, de la circulation et des transports en général. Nous sommes très présents dans les médias aussi, et nous faisons beaucoup d'éducation du public. Chose certaine, nous avons à surmonter un grand nombre d'obstacles étant donné le manque de politiques d'encouragement et la structure asymétrique qui favorise la voiture. Avec nos programmes de réduction des voyages, nous commençons à implanter de nouvelles idées dans les Maritimes. C'est une chose qu'aucune autre organisation n'a encore faite ici. Les choses vont lentement, mais je crois que nous commençons à faire des progrès constants.

La présidente: Croyez-vous que l'augmentation des taxes sur le carburant vont vraiment convaincre les gens de cesser de circuler en voiture? En Europe, par exemple, l'essence coûte parfois trois fois plus cher qu'ici au Canada, et je ne crois pas que cela décourage les gens de se servir de leur voiture.

Mme Fischer: D'après nos statistiques, le nombre de voitures à passager unique est beaucoup plus élevé en Amérique du Nord. Je crois qu'on se sert de la voiture pour se déplacer dans 80 p. 100 des cas, et c'est quelque chose comme 60 p. 100 en Europe. Certaines statistiques semblent démontrer que le prix du carburant a pour effet d'abaisser le nombre de déplacements en voiture à passager unique.

Le cyclisme pour 1 p. 100 des déplacements au Canada, et dans certains pays comme le Danemark, cela va jusqu'à 20 et 30 p. 100. Je crois que l'augmentation des taxes sur le carburant pourrait avoir un effet important.

La présidente: Voulez-vous nous envoyer les statistiques que vous venez de citer?

Mme Fischer: Volontiers.

La présidente: À votre avis, quel rôle doit jouer l'industrie du transport par autocar dans la stratégie globale du Canada visant à remédier aux problèmes environnementaux relatifs au transport?

Mme Fischer: Pour ce qui est de mettre en oeuvre le protocole de Kyoto relativement aux gaz à effet de serre ou simplement aux effets sur l'environnement de manière générale?

La présidente: Les deux.

Mme Fischer: Je pense que ce rôle est critique. Le transport est la source numéro un des émissions de gaz à effet de serre, il est donc essentiel de s'attaquer à la question des transports. Le transport en commun ne peut faire concurrence à la voiture que si on y investit beaucoup plus. Il a été très difficile de vendre l'idée du covoiturage, et la bicyclette, soyons réalistes, ne peut attirer qu'un faible nombre de gens. Je crois que le transport en commun est l'une des solutions cruciales pour remplacer la voiture. Je crois qu'il sera très important d'investir dans le transport en commun si l'on veut que le Canada respecte ses engagements de Kyoto.

La présidente: Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Sodero?

Mme Sodero: La seule chose que je veux ajouter a trait au transport interurbain par autocar. Cuba sera en mai prochain l'hôte d'un sommet de la jeunesse qui traitera surtout de questions écologiques, je crois donc que c'est déjà un progrès si ce pays s'estime sensibilisé aux problèmes écologiques.

Le sénateur Oliver: Ma question s'adresse à Stéphanie. Si j'ai bien compris votre témoignage, vous parlez essentiellement de fourgonnettes, de covoiturage en fourgonnettes et d'utilisation de lignes rabattues. Vous nous avez dit que lorsque vous vous rendez à la propriété familiale au Cap-Breton, vous préfériez la fourgonnette, qui est plus petite, à l'autocar parce que cela est plus commode et que cela vous permet de causer avec les autres passagers. Vous avez dit également que c'est un mode de transport plus rapide et économique. Vous représentez ici le Ecology Action Centre, je voudrais donc savoir si ce véhicule que vous trouviez plus commode, moins coûteux et plus rapide, consommait du gazole ou de l'essence?

Mme Sodero: Très bonne question. J'ignore la réponse. Je n'ai pas posé cette question. Mais je peux le savoir, si vous voulez.

Le sénateur Forrestall: Devrait-il consommer un combustible fossile?

Le sénateur Oliver: Toute la question est là.

Mme Fischer: On accomplirait des progrès importants si l'on s'orientait vers les véhicules dotés d'un moteur à hydrogène, ce genre de choses. Cela nous aiderait beaucoup à respecter nos engagements de Kyoto, mais je crois aussi que ce n'est qu'un élément de la solution. Les nouvelles technologies vont résoudre bon nombre de problèmes locaux relatifs à la qualité de l'air, mais elles ne régleront pas les problèmes résultant du fait que notre population n'est pas suffisamment active. Elles ne remédieront pas au problème de congestion ou de maladies respiratoires. Elles ne réduiront pas non plus les coûts des accidents de voiture. Je pense que la technologie est sûrement un élément de la solution, mais ce n'est pas une solution complète en soi.

Le sénateur Oliver: Ma deuxième question s'adresse encore à Stéphanie: combien y avait-il de passagers dans cette fourgonnette dont vous nous avez parlé, et y avait-il une toilette à bord? Est-ce qu'on vous a offert à manger?

Mme Sodero: Je crois qu'il y avait une dizaine de personnes à bord. Il n'y avait pas de toilette dans le véhicule à ma connaissance, et le repas que j'avais emporté était tout ce que j'avais à manger. C'était tout de même confortable, et il y avait des arrêts en chemin. Nous nous sommes arrêtés à des Tim Horton, et on avait donc accès à leurs services et à leurs toilettes.

Le sénateur Callbeck: Stéphanie, vous avez dit qu'il vous avait coûté moins cher de prendre cette fourgonnette. Lorsque vous vous êtes rendue à votre maison d'été, quelle était la différence de prix entre la fourgonnette et l'autocar?

Mme Sodero: Il en coûtait 40 $ pour la fourgonnette et 48,59 $, aller seulement pour l'autocar, donc 8 $.

Le sénateur Callbeck: C'est 20 p. 100.

Mme Fischer: Si l'on veut comparer le prix de l'autocar et du train, je me suis rendue récemment à Moncton, et cela m'a coûté 89 $ pour l'autocar, alors que le prix aurait été de 105 $ par train. L'autocar était moins cher, mais la fourgonnette coûte encore moins.

Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé de déréglementation, et vous avez dit qu'à votre avis, la concurrence se situait entre l'autocar, d'une part, et la voiture et l'avion, d'autre part. Êtes-vous favorable à la déréglementation ou non?

Mme Sodero: J'ai essayé de comprendre le document que j'ai reçu par courrier électronique, mais il dépasse mon entendement. Pour moi, déréglementation et privatisation, c'est la même chose. L'objectif essentiel de la privatisation est de gagner de l'argent, mais comme les routes rurales ne sont pas rentables, les localités rurales ne seront pas desservies. Le nombre de voyageurs va augmenter grâce à la privatisation, puisque les entreprises vont desservir les routes les plus rentables qui, de toute façon, sont déjà desservies. J'aurais plutôt tendance à opter pour la réglementation, et du moins, pas pour la privatisation.

La présidente: Merci, Stéphanie et Alexandra. Nous apprécions beaucoup votre présence parmi nous aujourd'hui.

Notre témoin suivant représente la Fédération des personnes âgées de l'Île-du-Prince-Édouard: c'est Mme Olive Bryanton. Le Senior College of Prince Edward Island sera représenté par M. Ron Irving, qui en est le président, et le Seniors Active Living Centre, par sa présidente, Mme Connie Auld. Nous entendrons également Mme Joan Lay, la présidente de la Corporation canadienne des retraités intéressés de Nouvelle-Écosse. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité.

Mme Olive Bryanton, coordinatrice de la Fédération des personnes âgées de l'Île-du-Prince-Édouard: Je vous remercie de nous donner l'occasion d'intervenir au nom des personnes âgées de notre province. Nous serons trois à présenter notre exposé et chacun d'entre nous mettra l'accent sur un thème différent.

Je vais parler principalement des tendances démographiques et économiques de l'Île-du-Prince-Édouard et de la région atlantique. Connie parlera de la situation actuelle dans l'Île-du-Prince-Édouard en ce qui concerne les transports d'un point A à un point B, tandis que Ron mettra l'accent sur la réglementation provinciale et sur la façon dont de bons services d'autocar pourraient régler certains problèmes d'environnement.

La fédération est un organisme provincial qui a pour principal objectif d'informer les personnes âgées, les décisionnaires et toutes les personnes intéressées au problème du vieillissement, d'informer les organismes décisionnaires gouvernementaux et autres sur les questions qui concernent les personnes âgées et de dissiper les stéréotypes et les mythes négatifs concernant les personnes âgées et le vieillissement.

Je vais donc parler des tendances démographiques et économiques, du vieillissement de la population, des principales tendances démographiques et économiques et de la planification.

La population du Canada atlantique connaît un des taux de vieillissement les plus rapides au monde. Dans moins de 40 ans, près d'une personne sur trois aura 65 ans ou plus. Notre population va vieillir progressivement jusqu'en 2011, puis elle va augmenter très rapidement jusqu'en 2036, après quoi le vieillissement de la population devrait se niveler. L'essentiel, c'est que le vieillissement de la population ne se produit pas du jour au lendemain. Nous savons que le phénomène va se produire et nous avons le temps de nous y préparer.

L'une des tendances démographiques essentielles de cette région du pays, c'est le déclin de la croissance de la population. La population du Canada atlantique augmente beaucoup plus lentement que celle de l'ensemble du Canada, et cette tendance devrait se maintenir pendant la deuxième et la troisième décennies du nouveau millénaire. Les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses.

En 2011, lorsque les premiers babyboomers atteindront 65 ans, la population vieillissante va augmenter très rapidement. En 2036, les personnes âgées représenteront près d'un tiers de la population du Canada atlantique. D'après des estimations de l'an 2000, les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard âgés de plus de 65 ans représentent 13,1 p. 100 de l'ensemble de la population. D'après le recensement de 1996, la proportion la plus élevée de personnes de 65 ans et plus, à savoir 13,8 p. 100, se trouve dans le comté de Kings; à Queens, elle est de 12,7 p. 100 et à Prince, de 13 p. 100. Dans ces trois comtés, les femmes âgées sont plus nombreuses que les hommes âgés. Les premiers rapports du recensement de Statistique Canada de 2001 indiquent que la population de l'Île-du-Prince-Édouard a augmenté, et que les personnes de 65 ans et plus en forment 13,3 p. 100. Le nombre des jeunes diminue. Depuis 30 ans, la proportion des jeunes de moins de 20 ans diminue rapidement dans la région et devrait continuer à diminuer au cours du prochain siècle.

Les vieux sont de plus en plus vieux. La proportion des personnes de plus de 80 ans augmente rapidement. Au cours des 30 dernières années, alors que la proportion des plus de 65 ans augmentait lentement, celle des plus de 80 ans a presque doublé. En 2036, un dixième de la population aura 80 ans ou plus.

Il y a davantage de femmes âgées seules. Le nombre des femmes de plus de 80 ans est en forte augmentation. D'ici 2011, il y aura deux fois plus de femmes que d'hommes de 80 ans et plus. Actuellement, dans l'Île-du-Prince-Édouard, les femmes de plus de 80 ans sont trois fois plus nombreuses que les hommes du même âge et représentent 66,8 p. 100 de cette tranche de population. Comme les femmes vivent généralement plus longtemps que les hommes, la plupart des femmes de plus de 80 ans sont seules.

La population rurale vieillit rapidement. Les personnes âgées sont attirées par les villes et les villages qui constituent des centres de service pour les régions rurales. Les plus petites localités, dont la population se situe entre 1 000 et 10 000 habitants, connaissent les taux de vieillissement les plus élevés.

La main-d'oeuvre active est plus réduite et plus âgée. Dans l'Atlantique, sa croissance est plus lente que dans le reste du Canada et elle devrait continuer à diminuer. La migration des jeunes travailleurs en quête d'un emploi accentue cette tendance.

Je vais maintenant parler du rapport de dépendance, car certains s'inquiètent du vieillissement de la population et se figurent que nous allons mener notre pays à sa perte. Je voudrais vous rassurer sur ce point. Le rapport de dépendance de la population de la région atlantique est en diminution depuis 40 ans. Il a atteint un sommet en 1956 avec 2,2 p. 100 lorsque les babyboomers étaient enfants et dépendaient totalement de la société. Actuellement, le rapport de dépendance de la population est très bas, à 1,6 p. 100. Il devrait évoluer très peu au cours des 15 ou 20 prochaines années, puis il passera à 1,9 p. 100 en 2036, lorsque les babyboomers quitteront la population active. Ce rapport indique que si le coût total de la forte population de personnes âgées pour la société publique et privée est appelé à augmenter, le coût total de prise en charge d'un plus petit nombre de jeunes va diminuer. Le défi ne sera non pas de gérer le coût d'une population vieillissante, mais plutôt de gérer le passage progressif de la prise en charge des jeunes à la prise en charge des personnes âgées.

Je vais maintenant parler des tendances économiques. La base économique est en évolution. L'économie des collectivités rurales de la région atlantique était traditionnellement axée sur les ressources naturelles comme la pêche, l'exploitation forestière et minière ainsi que l'agriculture. Ces activités ont connu récemment des difficultés et sont progressivement remplacées par des emplois dans les secteurs du savoir et des services, que l'on trouve à proximité des centres urbains et qui nécessitent des niveaux de formation plus élevés. La croissance de la productivité est faible. La croissance globale de la productivité et de l'économie est en déclin depuis 1960, aussi bien dans notre région que dans l'ensemble du pays. Le nombre des hommes qui travaillent diminue, tandis que celui des femmes qui travaillent augmente. Celui des hommes a diminué constamment depuis 1970. La retraite anticipée est de plus en plus courante, alors que la proportion des femmes dans la main-d'oeuvre active a augmenté constamment pendant la même période.

Les emplois ordinaires à plein temps sont de moins en moins nombreux. Ils diminuent depuis 20 ans, alors que les emplois occasionnels, à temps partiel, contractuels ou autonomes sont en augmentation. Ce changement en faveur des formes inhabituelles d'emploi s'accompagne d'une diminution des revenus et des avantages sociaux.

La croissance des revenus est plus lente et les inégalités augmentent. La moyenne du revenu disponible a diminué et les taux d'épargne personnelle étaient à peu près nuls en 1997. Depuis le milieu des années 70, les gains des travailleurs aux plus faibles salaires ont diminué constamment, tandis que ceux des travailleurs aux salaires les plus élevés ont continué d'augmenter.

D'après la dernière étude statistique du gouvernement provincial, le groupe de population le plus important dans la tranche de revenu inférieure est celui des personnes seules, où l'on compte de nombreuses femmes âgées; 49,1 p. 100 des personnes seules ont un revenu annuel inférieur à 15 000 $. En outre, 63,5 p. 100 des personnes seules ont un revenu inférieur à 20 000 $.

En revanche, on constate que 17 p. 100 seulement des familles de deux personnes ont moins de 20 000 $ par an. Dans les familles de trois personnes, la proportion est de 8,6 p. 100 et dans les familles de quatre personnes, elle est de 3,2 p. 100. Les personnes seules sont les plus pauvres de notre société.

À l'inverse, parmi les familles de quatre personnes, 42,4 p. 100 ont un revenu de 50 000 $ ou plus, alors qu'on ne trouve que 3,8 p. 100 de personnes seules dans cette tranche de revenu. Le revenu individuel moyen dans l'Île-du- Prince-Édouard représente 79,1 p. 100 de la moyenne canadienne.

Le chômage est en augmentation. Le taux moyen de chômage a augmenté constamment au cours des dernières décennies. Les travailleurs connaissent de plus longues périodes de chômage et le taux de chômage est particulièrement élevé dans les régions rurales, parmi les jeunes, chez les travailleurs âgés et chez ceux qui ont un faible niveau d'études.

Quelles en sont les conséquences pour notre économie? L'assiette fiscale diminue. C'est la population en âge de travailler qui apporte à l'État l'essentiel de ses recettes. Avec l'augmentation des départs à la retraite, l'assiette fiscale d'où proviennent les recettes de l'État va diminuer.

La demande de biens de consommation va diminuer également. La demande de produits alimentaires, de vêtements, de logement, d'ameublement, de formation scolaire et d'aménagement de loisirs est plus forte dans la population jeune. La demande générale de biens de consommation ne devrait pas revenir aux niveaux des années 60 et 70 et notre économie va dépendre davantage des ventes sur les marchés d'exportation.

Tandis que les industries de biens destinés aux jeunes familles risquent de souffrir du vieillissement de la population, les nouvelles industries de biens destinés à une population plus âgée vont être en expansion.

Le vieillissement de la population va réduire sensiblement les effectifs de la population active et on peut craindre qu'il n'entraîne une réduction de la capacité de productivité de notre région.

Le vieillissement de la population fait également vieillir la population active. Si les travailleurs plus âgés sont appréciés pour leur expérience, leur stabilité et leur maturité, les travailleurs plus jeunes sont appréciés pour la qualité de leur formation récente, pour leur énergie et pour leur mobilité. En définitive, notre région va avoir une main- d'oeuvre active moins nombreuse et plus âgée, ce qui devrait avoir pour effet de maintenir des travailleurs plus âgés au travail et de contrecarrer la récente tendance aux retraites anticipées.

En conclusion, qu'est-ce que tout cela signifie? Les tendances économiques ne sont pas indépendantes des tendances démographiques. Le vieillissement de la population va constituer un défi pour la prospérité économique au moment même où la fragilité de l'économie va menacer notre aptitude à prendre en charge une population vieillissante. Si l'amélioration de la croissance économique est essentielle à la prise en charge des prochaines cohortes de personnes âgées, le maintien d'une population âgée saine, active et dynamique est essentiel à la prospérité de l'économie. Des personnes âgées actives et en bonne santé peuvent participer à la main-d'oeuvre active. Elles peuvent contribuer à la vie de la collectivité grâce au bénévolat et réduire la demande de soins et de traitement en établissement.

Bien souvent, les personnes âgées ne peuvent rester actives et participer à la vie de la collectivité que si elles disposent de moyens de transport. Certaines d'entre elles renoncent à la voiture, parce qu'elle coûte trop cher et que l'intensification de la circulation pose trop de problèmes. Si notre prospérité future dépend de la santé et de l'activité des personnes âgées, il est temps de commencer à planifier l'avenir. L'un des aspects les plus positifs du vieillissement de la population, c'est son caractère prévisible. On peut prévoir dès maintenant les services et les ressources dont on aura besoin plus tard en fonction de ce que l'on sait déjà de la population et des personnes âgées.

Nous savons que l'une des priorités de la planification en fonction du vieillissement de la population consiste à trouver de nouveaux moyens de transport en commun dans les zones rurales. La planification est essentielle pour les petites villes et les collectivités rurales, dont la population vieillit plus rapidement. C'est dans ces régions que les services et les transports en commun font déjà le plus défaut.

Mme Connie Auld, trésorière et présidente de Seniors Active Living Centre: C'est la première fois que je fais un exposé, et je ne savais pas à quoi m'attendre. Je suis très impressionnée par les micros et tout le reste, mais je vous remercie de me donner la parole.

Le sénateur Forrestall: Madame, c'est nous qui vous remercions.

Mme Auld: Je voudrais parler principalement des transports interurbains et interprovinciaux. Dans l'Île-du-Prince- Édouard, les transports interurbains n'existent pratiquement pas. Il n'y a plus de liaisons par autocar entre Charlottetown et Tignish. Il y avait autrefois une navette entre Charlottetown et Cornwall, mais elle a été abandonnée parce que les utilisateurs trouvaient qu'elle coûtait trop cher. Une fois par mois, il y a un autocar qui va de Montague à Charlottetown.

Le sénateur Forrestall: Qui l'emprunte?

Mme Auld: Il est difficile de se renseigner sur ce service. Le seul exploitant est SMT, Scotia Motor Transit, qui ramasse des passagers et les dépose avant de traverser pour rejoindre le continent. Une compagnie de navettes a essayé d'établir un système de transport dans l'île mais elle n'a pas trouvé les fonds nécessaires, alors que 60 p. 100 des appels qu'elle reçoit proviennent de personnes qui voudraient se rendre dans une autre partie de l'île. La demande augmente considérablement pendant la saison touristique.

Récemment, la Ville de Charlottetown a fait appel à des experts-conseils qui doivent proposer un réseau de transport urbain viable que l'on pourrait étendre par la suite. Les résultats de cette recherche doivent être annoncés en mars 2002.

Il existe également deux fourgonnettes ou minibus de 15 places de l'entreprise P.E.I. Enersave, qui vont de Surrey à Charlottetown et de Summerside à Charlottetown; ils transportent matin et soir des travailleurs et s'arrêtent à certains endroits sur chaque itinéraire. Ce service coûte 140 $ par mois et il y a des listes d'attente. Les passagers doivent néanmoins se rendre en voiture au point de ramassage et s'organiser pour y laisser leur voiture.

Les gens de l'île doivent utiliser leur voiture ou des taxis, ou s'organiser avec un parent ou un ami s'ils veulent se déplacer dans l'île ou emprunter un autre moyen de transport en dehors de l'île.

Comme nous n'avons plus de train, nous ne pouvons quitter l'île que par avion, par l'autocar SMT ou par la navette, à moins d'utiliser une voiture ou un taxi. L'autocar SMT quitte Charlottetown chaque jour à 14 h 20; il passe par Hunter River, Kensington, Summerside et Bordon et arrive à Moncton, au Nouveau-Brunswick, à 17 h 20. Pour ceux qui veulent se rendre jusqu'à Halifax, il n'y a pas de correspondance avant 20 h 30, ce qui implique trois heures d'attente et une arrivée très tardive, à 23 h 55, c'est-à-dire tout juste avant minuit.

Le vendredi, le samedi et le dimanche, l'autocar quitte Charlottetown à 8 heures et arrive à Moncton à 10 h 45, ce qui facilite la correspondance pour Halifax, où l'on arrive à 14 h 40 par l'express ou à 18 h 15.

Il y a aussi un service ferroviaire de Moncton à Halifax, mais je n'ai pas de renseignements à ce sujet.

On peut rejoindre d'autres villes à partir de Moncton par autocar, mais j'ai choisi l'exemple de Halifax parce que les gens doivent souvent s'y rendre pour différentes raisons. Il est évidemment impossible de revenir le jour même, à cause de la difficulté de la correspondance et de la durée du trajet. Il n'est donc pas étonnant que l'utilisation du service d'autocar ait diminué d'au moins 20 p. 100 depuis deux ans.

En outre, il faudrait apporter des améliorations aux gares d'autocars pour répondre aux besoins des passagers, en particulier à Charlottetown, mais aussi à Moncton et à Halifax.

À part l'autocar, on peut emprunter le service de navette, que personnellement, je trouve excellent. Il existe actuellement quatre services privés de navette qui font l'aller-retour entre Charlottetown et Halifax. L'une des compagnies a deux véhicules, de 18 et de 14 places. Square One Shuttle a deux autobus qui vont à Halifax et un qui va à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Cette compagnie envisage d'étendre ses activités à Saint John au Nouveau- Brunswick. Elle assure un service de porte-à-porte dans l'île, c'est-à-dire que l'autobus vient vous chercher chez vous et vous y reconduit, si vous habitez dans les limites de la ville. À l'arrivée à Halifax ou à Moncton, il vous laisse aussi près que possible de votre destination, toujours dans les limites de la ville.

Le gros avantage de cette formule, c'est qu'il permet de faire un aller-retour le même jour. Par exemple, la navette quitte Charlottetown à 8 h et arrive à Halifax à midi. Elle repart de Halifax à 16 h 30 et arrive à Charlottetown à 20 h 30. Pour tous ceux qui vont à des réunions, veulent faire des achats, ont un rendez-vous ou doivent subir des traitements, c'est l'idéal.

Il y a aussi la navette express de l'Île-du-Prince-Édouard en provenance de Dartmouth ainsi que la navette Gold Van qui relie la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard, toutes deux circulant entre Halifax et Charlottetown. Les fourgonnettes au minibus qui transportent moins de sept passagers n'ont pas besoin de permis spécial, donc n'importe qui peut les exploiter. Ce type de véhicule est principalement utilisé pendant la saison touristique.

Depuis quatre ans, le service de navette a connu une expansion en raison de la demande. Square One, par exemple, transporte en moyenne 500 passagers d'âges divers chaque mois. Ses chauffeurs sont très sympathiques et serviables. Ils prennent grand soin des personnes âgées et des jeunes en s'assurant que quelqu'un est toujours prêt à les accueillir. Le service est pratique, les passagers arrivent à destination à l'heure pour un prix inférieur à celui d'un service d'autocar. On voudrait voir le nombre de ces minibus augmenter, mais la Commission des services publics de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick est réticente à accorder de nouveaux permis.

Je n'ai pas parlé de George Brookins ou de Trius Tours parce que leur service ressemble davantage à un service nolisé; leur horaire n'est pas fixe.

Le service de navette est indispensable pour le transport interurbain à l'extérieur de l'île, et il y aurait certainement place pour un service semblable sur l'île. Le côté négatif de l'affaire, c'est qu'étant donné que le service est privé, la qualité du service dépend des propriétaires. Les exploitants du service croient que des règlements devraient être élaborés, surtout pour ce genre de véhicule, afin de s'assurer que les passagers sont en sécurité et qu'ils sont satisfaits. Tout événement fâcheux a une incidence sur chacun d'entre eux.

En conclusion, il y a un besoin criant de moyens de transport dans notre province. Il faut mettre en place des incitatifs pour créer des formes de transport novatrices pour les résidents de l'île. Pendant la période estivale, un grand nombre de touristes atterrissent à notre aéroport pour y découvrir qu'aucun mode de transport en commun n'est disponible. Comme bon nombre d'entre eux ne conduisent pas, ils trouvent en mode.

M. Ron Irving, président, Seniors' College of Prince Edward Island: Je suis un ancien directeur artistique du Théâtre de l'Île-du-Prince-Édouard et j'enseigne au théâtre de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard.

Comme le M. Bryanton l'a dit lorsque nous avons discuté de participer à votre enquête, nous avons choisi de séparer nos exposés de sorte que chacun d'entre nous se concentre sur un thème en particulier. Nous avons tous les trois participé à l'examen d'un système de transport urbain dans le Grand Charlottetown en cours à l'heure actuelle. Toutefois, ce n'est pas de cela dont il est question aujourd'hui.

Puisque le document contextuel démontrait un intérêt dans la déréglementation du transport interurbain, et comme l'Île-du-Prince-Édouard est l'une des deux provinces où cette déréglementation existe, j'ai demandé au responsable du ministère des Transports et Travaux publics de m'expliquer ce qu'il croyait être les conséquences de la déréglementation. M. Wilf MacDonald du ministère croit que l'Île-du-Prince-Édouard est trop petite pour être représentative des incidences de la déréglementation. À titre d'information contextuelle, il m'a expliqué que la déréglementation a été mise en oeuvre en 1994 lorsque la Motor Carrier Act a été abrogée. Cette loi avait une allure économique. On octroyait des permis en vertu de cette loi et l'on pouvait remettre en question la validité d'une proposition auprès de la commission de l'octroi de permis de réglementation si l'on doutait de la viabilité économique de ladite proposition. Cette loi ne causait pas beaucoup de remous. En d'autres termes, le marché n'était pas très actif.

En 1988, le Code national de sécurité a été adopté par toutes les provinces. M. MacDonald a avoué que l'on croyait à l'époque que les politiques de réglementation appuyées sur des bases économiques seraient abrogées par quatre ou cinq gouvernements provinciaux. C'est ce qui s'est produit à l'Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve. M. MacDonald croit que conséquences négatives de la déréglementation aux États-Unis, par exemple, l'augmentation des accidents par manque de standardisation de l'équipement, la limite des heures de conduite, et cetera, ont pu influencer les décisions prises à l'égard de la déréglementation dans bien des provinces. Il croit que notre Code national de sécurité tient compte de ces préoccupations et les traite adéquatement.

Comme l'a indiqué Mme Auld, les services de navette en minibus deviennent de plus en plus populaires dans l'île mais dès qu'on essaie d'élargir ces services sur le continent, on fait face à une certaine résistance du principal autocariste. C'est là évidemment que la réglementation au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse entre en jeu. Il ne fait aucun doute que les navettes sont devenues des concurrentes efficaces. On espère que le résultat sera une amélioration des transports par autocar. D'ailleurs, il y a un autocar nolisé, et Connie vient d'en parler. Nous avons rencontré M. Brookins dans l'entrée et nous savons donc que vous êtes au courant de la compagnie Trius. M. MacDonald a indiqué qu'ils n'ont pas besoin de se présenter aux stations de pesage sur les routes.

Il y a un aspect de votre étude qui m'intéresse particulièrement, à savoir l'aspect environnemental. Je parle uniquement comme Canadien intéressé. J'ai commencé à m'occuper des questions de transport après avoir participé au Forum national sur le changement climatique organisé par la table ronde nationale sur l'économie en 1998. Il s'agissait de sensibiliser le grand public aux questions du changement climatique et de faire participer les citoyens au débat. Certains ont peut-être entendu parler de la déclaration qui a suivi ces séances.

Parmi les nombreuses impressions que j'en ai retirées, il y avait la difficulté de parvenir à un consensus entre les différents ordres de gouvernement et la réalisation que les plus grands succès face à ce problème sont attribuables aux municipalités. Cela n'est pas seulement vrai pour notre pays mais pour d'autres régions du monde. La difficulté à parvenir à un consensus fut encore une fois évidente la fin de semaine dernière lorsqu'aux réunions commerciales de Moscou, les premiers ministres provinciaux ont déclaré, à l'exception du Québec, qu'ils n'acceptaient pas l'engagement du gouvernement fédéral à atteindre les cibles du protocole de Kyoto. Toutefois, j'ai pris le National Post tout à l'heure en arrivant, et il semble que l'unité des premiers ministres provinciaux face à Kyoto semble se détériorer. Autrement dit, M. Clyne ne parlait pas au nom des premiers ministres, et notamment pas au nom de notre premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard que l'on voit sur la photo. Néanmoins, il semble évident qu'il soit difficile de parvenir à un consensus sur bien des sujets.

En outre, dans le numéro de samedi du Globe and Mail, il y avait un encart du gouvernement canadien intitulé «Think Climate Change» que vous avez probablement tous vu. Un chapitre à la dernière page était intitulé: «Dix moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre» comportait au numéro 7 la mention suivante: «Laissez votre voiture à la maison. Marchez ou allez à bicyclette pour les courtes distances. Pour aller plus loin, prenez l'autobus. Un autocar plein de voyageurs permet de laisser 40 voitures à domicile, ce qui économise 70 000 litres de carburant, 175 tonnes d'émission de dioxyde de carbone et 9 tonnes de polluants par an.»

C'est important.

Cela revient à la question contenue dans votre document contextuel: «Serait-il possible d'exploiter davantage les avantages environnementaux des autocars?» La réponse est évidemment positive mais je crois que cela en vaille l'effort et l'investissement. Il faut que les Canadiens sachent que nous luttons pour limiter les gaz à effet de serre et que nous sommes tous concernés. Réduire l'utilisation de l'automobile en voyageant par autocar, localement et pour les trajets plus longs, est une des choses que l'on peut faire.

Les gourous de la publicité peuvent beaucoup pour changer la perception que l'on a des voyages en autobus. On ne voit jamais de publicités à ce sujet dans notre région. Je me rappelle les publicités que l'on voyait dans les revues il y a des années qui nous montraient un conducteur souriant de Greyhound nous invitant à le laisser conduire. C'était un visage auquel on pouvait faire confiance. Il faut changer l'image que l'on a des voyages. Des programmes d'incitation qui encouragent à moderniser les véhicules, les gares et les services pourraient être envisagés tout comme des incitatifs pour le public voyageur.

Ceux d'entre nous qui s'inquiètent de l'environnement croient qu'une utilisation accrue des autocars sera avantageux pour notre avenir sur cette planète. J'espère que votre étude vous permettra de trouver des moyens de donner au transport par autocar l'importance qu'il mérite. Au nom de mes petits-enfants, je vous remercie de m'avoir écouté.

Le sénateur Forrestall: Comment retirer ces voitures à mes petits-enfants?

Mme Joan Lay, présidente, Corporation canadienne des retraités intéressés, Nouvelle-Écosse: La corporation canadienne des retraités intéressés de la Nouvelle-Écosse, a le plaisir de présenter cet exposé au nom des retraités néo- écossais.

Malheureusement, nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour nous préparer et nous n'avons pas pu rédiger un rapport sur les recommandations de nos membres. Nous avons toutefois pris contact avec un certain nombre d'organismes auxquels nous avons demandé leur avis, notamment aux autocaristes et au gouvernement, à qui je parlais encore vendredi à 17 heures.

La question des transports interurbains par autocar a été étudiée par des organismes fédéraux et provinciaux et, en 2001 encore, des modifications ont été apportées à la loi de 1954 sur les véhicules à moteur. Il est évident que l'on en a beaucoup parlé, qu'il s'agisse du secteur public ou du secteur privé des autocars ainsi que des groupes de défense du citoyen, tel que Transport 2000, la Fédération des municipalités canadiennes, l'Alberta Urban Municipal Association ou la B.C. Old Age Pensioners Organization. Votre comité demande l'avis d'autres groupes.

Nous nous efforcerons de suivre les questions que vous nous avez indiquées dans notre exposé. Nous estimons que la déréglementation est au coeur du problème et nous estimons que si l'on en juge par les résultats qu'elle a donnés dans d'autres secteurs, nous ne croyons pas que la population canadienne gagnerait à ce qu'on l'impose aux transporteurs interurbains par autocar.

D'autre part, le changement est à la mode depuis quelques années et l'on peut s'attendre à d'autres changements, surtout dans le domaine de l'environnement, qui est très touché par toutes les formes de transport.

Pour essayer de freiner le déclin de transport par autocar, on pourrait, indépendamment d'une baisse des tarifs, envisager l'utilisation d'autres formes de carburant, reconnaître que l'environnement dicte de modifier la façon dont on envisage les transports, d'utiliser moins les véhicules particuliers et de faire des autocaristes un élément de la solution. S'il vous est arrivé récemment de suivre un autocar, vous avez constaté que les émanations ne sont pas très agréables, à moins que l'on conduise avec un masque à oxygène.

Dans le monde moderne, la réglementation est nécessaire si l'on veut partir d'une bonne base et, selon la situation économique, il peut être nécessaire de subventionner certains secteurs. J'essayais de deviner ce que signifiait interfinancement quand un gars du gouvernement me l'a expliqué. Je ne sais pas si cela pourrait continuer à fonctionner.

La concurrence n'a pas forcément été la solution. Les tarifs peuvent être abaissés mais les normes aussi et ce n'est pas acceptable. Je n'ai rien contre la concurrence mais en Nouvelle-Écosse, les normes n'ont pas été relevées du fait de la concurrence.

La concentration du capital engendre à des bagarres entre les grandes compagnies, ce qui peut à court terme avantager les consommateurs mais qui, de façon générale, mène à une augmentation des tarifs à long terme. Une partie de la population qui en profite sont les actionnaires de ces sociétés mais les voyageurs, dans leur ensemble, ne trouvent aucun avantage dans les tarifs, les horaires, la santé et les questions de sécurité. Je suis sûre que vous avez vu cela dans le commerce de détail, en tout cas, nous nous l'avons constaté à Halifax. Nous avons Wal-Mart, nous avons Zellers, nous avons Superstore, nous avons Sobeys et ils se bagarrent tous pour avoir leur part du marché. Cela n'a pas à ma connaissance améliorer les prix ni servi le consommateur. Ils semblent tous réussir à maintenir des prix élevés tout en s'efforçant d'obtenir plus de consommateurs, ce qui ne me semble pas très malin mais, si vous lisez les journaux, vous constaterez que c'est ce qui se passe. Je pense que ce serait la même chose pour les autocaristes si Greyhound ou certaines des autres compagnies ontariennes arrivaient ici. Je ne suis pas sûre que nous, les consommateurs, en profiterions.

Les questions de service d'autocar dans les régions rurales et éloignées et les avantages environnementaux que présente l'autocar nous ramènent à la question de l'environnement et du document Canada Action 2000 qui a été présenté aux Canadiens la fin de semaine dernière. J'espère que le gouvernement fédéral, s'il l'a mis dans nos journaux, l'a également placé dans tous ceux du Canada et que cela signifie qu'il considère le réchauffement de la planète comme un problème auquel il faut s'attaquer de façon urgente. Tous les Canadiens, et notamment les autocaristes, doivent faire leur part, et il est donc nécessaire que le comité sénatorial envisage l'avenir dans cette perspective. Cela peut être la toute première priorité. Le fait que les autocars créent moins de pollution en transportant plus de monde est certainement un aspect positif. Toutefois, la pollution de leur carburant n'est pas négligeable.

L'importance des méthodes de sécurité, des méthodes d'entretien et des services aux petites localités fait l'objet de règlements et ceux-ci doivent être maintenus. Autrement dit, les autocars interurbains en Nouvelle-Écosse doivent s'arrêter à des endroits clés. Bien que l'on puisse réaliser des économies en ayant recours à des sources de transport non réglementé qui transportent moins de passagers, je crois que c'est dangereux. Je pense aux deux accidents de minibus que nous avons eus en Nouvelle-Écosse. Ce fut catastrophique. Il y avait des retraités. On n'exige pas de permis pour ces minibus. Toutefois, le gouvernement m'a dit que d'ici deux mois, on exigerait des permis et qu'ils seraient inspectés. Il leur faudra satisfaire à certaines normes d'entretien. Cela nous inquiétait beaucoup parce que nous voulons que les personnes âgées aient le moins possible recours au régime de santé et, si l'on ne contrôle pas les normes, il peut y avoir des problèmes de santé. En Nouvelle-Écosse, il semble qu'il y ait de plus en plus d'accidents de gros véhicules. Heureusement, il n'y a pas encore eu trop d'accidents d'autocars. J'espère que c'est parce qu'on respecte des règlements de sécurité et parce que ces autocars sont bien entretenus. Les dispositions du Code de sécurité devraient être révisées et régulièrement mises à jour, au moins tous les ans ou tous les deux ans.

Faute de recherche, nous ne pouvons répondre à certaines de vos questions. Toutefois, il ne semble pas que les voyages par autocar aient été victimes de la tragédie du 11 septembre. Il semblerait au contraire que les gens continuent à emprunter ce moyen de transport. Évidemment, on ne tombe pas de trop haut quand on tombe d'un autocar.

Pour finir, nous voulons dire que dans les régions rurales, nombre des problèmes semblent liés à la difficulté d'atteindre le point de départ des autobus interurbains. Ce n'est pas un problème pour eux, mais cela touche certainement un certain nombre de personnes à faible revenu qui utiliseraient l'autocar si elles pouvaient y accéder. La population du comté de Guysborough est probablement à 40 milles de l'arrêt d'autobus à Antigonish. Beaucoup de ces gens-là ont beaucoup de mal à se rendre au point de départ. Cela s'applique aux localités rurales de toute la Nouvelle- Écosse qui ne sont pas bien desservies par les autocars. Il est évident que les autobus ne peuvent pas aller ramasser tout le monde sur les chemins de campagne. C'est un problème pour le gouvernement et pour les personnes âgées.

Quant à votre question à propos des autobus scolaires, tout le monde le sait que ce sont les activités qui rapportent le plus de recettes auxquelles on prête le plus d'attention. Il est donc nécessaire, pour le public voyageur et pour le pays, que votre comité recommande des mesures positives modernes pour le transport en autocar.

La présidente: Une des préoccupations du comité est, évidemment, la mobilité des personnes âgées et l'accessibilité des services de transport. Jugez-vous que les services d'autocar interurbains réguliers dans votre région sont suffisants ou satisfaisants pour les personnes âgées? Les autocaristes nolisés ou privés, en général, offrent-ils un meilleur service aux personnes âgées?

Mme Auld: Certainement. Le service d'autocar, à l'heure actuelle, est insatisfaisant pour beaucoup de personnes âgées et d'autres qui doivent aller soit jusqu'à Moncton soit jusqu'à Halifax pour des traitements médicaux. Ils aimeraient revenir le même jour après leur rendez-vous chez le médecin. Il leur est impossible de prendre l'autocar régulier. Ainsi les navettes offrent-elles un excellent service. D'autre part, elles déposent les gens à l'hôpital et les reprennent au même endroit, ce qui est un avantage. Elles essayent de leur mieux de couvrir cette niche, parce que c'est nécessaire.

Récemment, j'ai entendu dire que des patients étaient maintenant envoyés à Moncton parce que l'on en envoyait trop à Halifax. On envisage d'étendre le service de navette à Moncton et à Saint-Jean pour permettre aux gens d'aller se faire soigner là-bas.

Ce n'est pas la seule utilisation que l'on fait de la navette. Beaucoup d'étudiants vont et viennent, et l'on utilise aussi la navette pour aller à l'aéroport. C'est très commode.

La présidente: Si les personnes âgées avaient le choix de prendre leur voiture ou de prendre l'autocar, que choisiraient-elles?

Mme Auld: Dans bien des cas, les personnes âgées ne conduisent plus. Lorsqu'elles vont se faire soigner ou qu'elles font un court voyage, elles préfèrent prendre la navette plutôt que de conduire. Si elles prennent la voiture, il leur faut trouver une place de stationnement et, en réalité, cela leur coûte moins cher de prendre la navette.

Mme Bryanton: Il nous faut quand même trouver une solution à notre grand problème, à savoir qu'il est beaucoup plus facile de quitter la province que de se déplacer à l'intérieur de celle-ci. Notre province compte un pourcentage très élevé de personnes âgées, ainsi qu'un pourcentage très élevé de personnes à faibles revenus. Ces personnes ne peuvent se permettre une voiture. Certains ne veulent pas avoir de voiture parce qu'ils se soucient de l'environnement. Vous demandez: «La personne âgée choisirait-elle la voiture ou l'autocar?» En fait, elle n'a pas le choix. Elle dépend de ses amis ou de ses voisins pour se déplacer, ou alors elle doit prendre un taxi, ce qui coûte très cher. Les personnes âgées n'ont aucun choix.

La présidente: Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a des connaissances à exploiter au sein de la population âgée. Vous donne-t-on l'occasion de promouvoir le changement dans le secteur des transports de votre province?

Mme Bryanton: Nous essayons d'y contribuer.

La présidente: Avez-vous l'occasion de vous exprimer?

M. Irving: Nous pouvons nous exprimer, mais je ne suis pas sûr que l'on nous écoute.

Mme Bryanton: Nous avons pris part à toutes les réunions portant sur la question du transport. Nous avons rencontré des membres du gouvernement qui étudiaient la question du transport dans l'ensemble de la province. Nous avons également rencontré des représentants de la ville de Charlottetown pour discuter du transport dans la ville. La province étudiait la question du transport, mais du point de vue du transport en commun, et du point de la synchronisation des feux de circulation pour améliorer le flot des voitures. Les autorités provinciales ont affirmé, cependant, qu'elles réfléchissaient également à la question du transport en commun pour l'ensemble de la province. Récemment, nous avons reçu de la province un communiqué affirmant que, puisque la ville de Charlottetown étudiait la question, la province elle n'avait pas à le faire. Or, la ville de Charlottetown n'étudiait pas les besoins provinciaux en matière de transport en commun.

La situation est très complexe. Il n'est pas facile de convaincre les autorités qu'il faut considérer le transport en commun comme un élément d'infrastructure dont nos collectivités ont besoin. La question du transport en commun est tout aussi importante que la construction d'une nouvelle autoroute. Je ne vois pas pourquoi il est si difficile de voir qu'il représente un service aux citoyens.

Mme Lay: Comme vous le savez peut-être, Halifax est la ville canadienne qui connaît la croissance démographique la plus rapide. Cela est notamment imputable au fait que tous nos aînés quittent le milieu rural pour déménager à Halifax, et cela en raison de services des transports insuffisants. Ils ne peuvent respecter leurs rendez-vous à moins de passer la nuit.

La présidente: Les personnes âgées se sentent-elles plus en sécurité dans la grande ville?

Mme Lay: Non. C'est tout simplement une question de transport.

Mme Bryanton: Les gens quittent même l'Île-du-Prince-Édouard pour s'installer à Halifax parce qu'il n'y a pas de transport pour les aînés.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que vous parlez des personnes qui doivent consulter des spécialistes?

Mme Bryanton: Le transport adéquat est important dans la vie de tous les jours. Les gens quittent l'Île-du-Prince- Édouard parce qu'il n'y a pas de transport en commun. Par exemple, lorsque l'un des deux membres d'un couple meurt, l'autre ne veut pas se retrouver isolé. Il arrive que ces personnes n'aient jamais appris à conduire. Elles quittent la province parce qu'il n'y a pas de système de transport en commun.

Le sénateur Oliver: Joan, avez-vous des statistiques à l'appui de ce que vous venez de dire?

Mme Lay: Je peux probablement vous les obtenir, sénateur.

La présidente: Je vais demander au greffier de communiquer avec vous et nous ferons parvenir ces statistiques aux membres du comité.

Quel est le meilleur moyen de faire en sorte que les tarifs pour le voyage en autocar vers les petites collectivités demeurent abordables?

Mme Bryanton: Notre province est très petite, mais c'est également la plus densément peuplée au Canada. Puisque notre population est petite, il nous faut innover pour assurer le transport en commun.

Ma propre mère s'est égarée du droit chemin et a déménagé en Ontario.

Le sénateur Forrestall: Grands dieux non!

Mme Bryanton: Lorsque je lui rends visite, je prends l'avion jusqu'à Toronto, puis la compagnie de messagerie Owen Sound vient me prendre à l'aéroport et me dépose à Medford, en Ontario, là où ma mère habite. Voilà un moyen de transport très novateur. Cette entreprise transportait des colis, mais il y avait de la place à bord pour des passagers; on a donc décidé d'augmenter les revenus en prenant des passagers. C'est une très autre bonne solution pour faciliter les déplacements. J'ai également emprunté le système de transport en commun. Le trajet est long et pénible. Nous avons des services de messageries chez nous, c'est donc un mode de transport que nous pourrions envisager. Si quelqu'un veut offrir un service de transport en commun, il pourrait peut-être y ajouter un service de messageries pour arrondir ses recettes.

Mme Lay: Si les lignes d'autocar de la Nouvelle-Écosse adoptaient une approche globale, elles pourraient également offrir un service de transport par minibus en plus du service d'autocar. Il y a une demande accrue de transport par minibus au fourgonnette chez nous, à condition que le gouvernement assure un cadre législatif pour le bon entretien de ces véhicules et pour faire en sorte que les mesures de sécurité soient respectées. La demande chez nous est aussi criante qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, parce que notre territoire est légèrement plus grand et que nous comptons tout autant de régions rurales. C'est un problème de taille.

Le sénateur Oliver: Les autobus scolaires sont stationnés jusqu'à la fin des cours. On les utilise ensuite pour ramener les enfants à la maison. Pendant la soirée, la matinée et l'après-midi, ces autobus sont, pour la plupart, inutilisés. Hier, à Montréal, l'une des questions que nous avons posées est celle-ci: n'est-il pas possible d'utiliser les autobus scolaires qui desservent les régions rurales pour transporter les personnes handicapées ainsi que les personnes âgées qui n'ont pas de voitures? Ces véhicules sont-ils inconfortables?

Mme Bryanton: Ils sont atroces.

Mme Auld: Et ils sont très difficiles d'accès. Ces véhicules sont inaccessibles aux personnes handicapées.

Mme Bryanton: Il nous faut examiner des solutions de transport pour toute la population. Les gens doivent se rendre au travail et rentrer à la maison ensuite. Les autobus scolaires ne seraient pas disponibles aux heures où l'on se rend au travail et où l'on quitte le travail. De plus, ils comptent parmi les véhicules les plus inconfortables qui soient.

Le sénateur Oliver: Et ils ne sont pas munis de ceintures de sécurité.

On parle constamment des navettes à l'Île-du-Prince-Édouard. Combien de passagers peuvent-elles accueillir?

Mme Auld: Il s'agit d'un véhicule à 14 ou à 18 passagers.

Le sénateur Oliver: Est-ce un autocar standard?

Mme Auld: Oui.

Mme Bryanton: Ce sont des minibus, et non des autocars.

Le sénateur Oliver: Les sièges sont-ils confortables?

Mme Auld: Oui.

Mme Bryanton: Et ils sont munis de ceintures de sécurité.

Le sénateur Oliver: Les sièges sont-ils disposés deux par deux?

Mme Auld: Non, ce sont des banquettes à trois places. Ce ne sont pas des sièges individuels. Dans la plupart des cas, ces véhicules n'accueillent que 11 passagers, soit deux par banquette et un à l'avant.

Le sénateur Oliver: Y a-t-il des toilettes à bord?

Mme Auld: Non, mais le véhicule s'arrête au besoin. Voilà un autre avantage pour les passagers. Les autocars standards ont des arrêts fixes. Il y a des toilettes à bord, mais elles sont très difficiles à utiliser pour une personne âgée ou une personne handicapée lorsque l'autocar est en marche. C'est impraticable. En fait, c'est dangereux.

Le sénateur Oliver: Je présume qu'il n'y a ni magnétoscope, ni téléviseur, ni chaîne stéréo ni ordinateur à bord.

Mme Auld: Non, parce que les trajets sont de courte durée. Il faut quatre heures pour se rendre à Halifax depuis l'île- du-Prince-Édouard. Toutefois, en autocar, il faut d'abord passer par Moncton avant de se diriger vers Halifax. Si vous empruntez la navette, le trajet est direct, donc beaucoup moins long. Cela prend quatre heures, tout dépend du temps qu'il fait. Généralement, il y a un arrêt au moins, sinon deux. S'il est nécessaire de s'arrêter plus souvent pour le confort des passagers, le véhicule s'arrêtera.

Le sénateur Oliver: Des témoins précédents nous ont dit qu'il était peu pratique d'emprunter un autocar moderne à 57 sièges pour se rendre dans les petites collectivités comme Parrsboro et Inverness. Ils affirment que ces régions devraient être desservies par des minibus à six ou neuf places, qui achemineraient les passagers vers les axes principaux, et de là, les voyageurs monteraient à bord d'un autocar. Ce type de système fonctionnerait-il sur l'Île-du-Prince- Édouard?

Mme Bryanton: Oui. Il faudrait que ces minibus soient petits parce que notre population n'est pas nombreuse.

Le sénateur Oliver: Que pensez-vous des véhicules à six places?

Mme Bryanton: Non, pas aussi petit que ça. Peut-être qu'un minibus à neuf places ferait l'affaire. Voici un autre exemple de système de transport. Je rends visite à mon fils, qui habite dans les Caraïbes.

Le sénateur Oliver: Vous lui rendez probablement visite en janvier et en février.

Mme Bryanton: Là-bas, ils utilisent des minibus à 12 places et des taxis. Au besoin, les véhicules peuvent recevoir jusqu'à 16 personnes pour de courts trajets. La formule fonctionne assez bien. Les taxis et les minibus se ressemblent. Un jour, j'ai fait signe à un véhicule de s'arrêter. Je croyais que c'était le minibus, mais il s'agissait d'un taxi. Je l'ai donc partagé avec une dame. Cela a été avantageux pour moi parce que je suis arrivé à destination et, pour payer mon écot, j'ai remis à la dame l'équivalent d'un tarif de minibus.

M. Irving: Les navettes sont la nouvelle formule à la mode. Elles n'existent que depuis quatre ans et ont déjà suscité un commerce florissant. Il est raisonnable de croire que ce marché va s'accroître. Avec la concurrence, on verra probablement s'ajouter les équipements dont vous parliez, comme les connexions pour ordinateur portable. Quand le public voyageur bénéficiera d'un service élargi, la clientèle augmentera.

Mme Bryanton: L'île-du-Prince-Édouard est aussi désavantagée du fait que le transport aérien y coûte très cher. Demain, je dois rentrer chez moi, mais je n'étais pas disposée à débourser le prix d'un billet d'avion aller-retour.

Le sénateur Oliver: Combien en coûte-t-il pour l'aller-retour Charlottetown-Halifax?

Mme Bryanton: Généralement, le prix oscille autour des 500 $.

Le sénateur Oliver: C'est un vol de 20 minutes.

Mme Bryanton: Oui. C'est une honte. Nous n'avons pas les services dont nous avons besoin. Si nous ne pouvons nous permettre l'avion, il nous faut utiliser un autre mode de transport comme un service régulier nous permettant de nous déplacer sur l'île et de quitter l'île.

Le sénateur Callbeck: Je vous remercie tous de vos exposés. Manifestement, vous avez bien réfléchi à la question. Vous nous avez fourni beaucoup de statistiques intéressantes, qui semblent bien illustrer qu'il y aura à terme beaucoup de changements. Vous avez dit qu'il était plus facile de quitter l'île et d'y revenir que de se déplacer sur l'île elle-même, et je suis d'accord. Il nous faut trouver des solutions de transport novatrices. Vous en avez déjà proposées. Y en a-t-il d'autres que vous voudriez verser au compte rendu?

Mme Bryanton: Lorsque l'on parle de créer un système de transport en commun sur l'île-du-Prince-Édouard, on dit en général que ça ne fonctionnera pas parce que les personnes sont trop attachées à la leur voiture. Ce ne serait pas le cas s'il y avait un autre moyen de transport disponible. Je vis à la campagne. Pour me rendre au travail, j'aimerais bien pouvoir laisser ma voiture à North River Corner et prendre un autocar. Toutefois, je n'ai pas la possibilité de le faire.

Pour nous rendre ici aujourd'hui, nous avons décidé de voyager tous ensemble. Ron était notre pilote. J'ai garé ma voiture à North River. J'ai presque été obligé de les supplier, à la station-service, pour qu'ils me permettent de stationner pour la nuit. Il y a des blocs de ciment et des barrières un peu partout.

Il est nécessaire de tenir un débat public vigoureux sur la question du transport en commun, et il nous faut aborder ce débat avec une attitude positive. Notre province est petite et la population n'y est pas très dense. Comment pouvons- nous faire en sorte qu'une personne habitant à Tignish puisse descendre à Summerside ou à Charlottetown?

L'assurance-automobile augmente à tel point que les personnes âgées ne peuvent plus se permettre d'assurer leurs véhicules. Elles sont obligées de renoncer à leurs voitures. Nous isolons nos aînés. Ils tombent malades parce qu'ils ne peuvent pas sortir faire leurs courses. Nous devons encourager les collectivités, peut-être au moyen d'incitatifs, à assurer des services de transport. Que ces services soient assurés par la collectivité ou par un individu, ils devraient être reconnus comme un service nécessaire et, à ce titre, devraient être subventionnés. Bien sûr, ce service ne devrait pas coûter trop cher.

Le sénateur Callbeck: Les personnes âgées qui ont dû renoncer à leurs voitures en raison de l'augmentation de l'assurance sont-elles très nombreuses?

Mme Bryanton: Les aînés commencent à le faire, en effet. Ils doivent composer avec une hausse du coût de l'assurance et de l'essence. Les personnes âgées ont un revenu fixe, mais le coût de la vie, lui, augmente sans cesse. À chaque fois qu'il y a une augmentation, même s'il ne s'agit que d'un dollar ou de quelques cents, cela s'accumule; pendant ce temps-là, les personnes âgées essayent de survivre avec un revenu fixe, et constatent qu'elles ne peuvent plus se permettre de rouler en voiture. Si vous ne pouvez pas vous permettre d'avoir une voiture, vous ne pouvez certainement pas vous payer un taxi. Les aînés commencent à être en danger.

Le sénateur Callbeck: Bien sûr, les taux d'intérêt sur les investissements sont plus faibles aujourd'hui que ne le prévoyaient certaines personnes âgées en prévision de leur retraite.

Mme Bryanton: Non, lorsque les personnes âgées ont planifié leur retraite, elles s'attendaient à toucher un certain revenu de leurs investissements; or, cela ne se réalise pas.

Le sénateur Callbeck: Colleen, dans votre premier paragraphe, vous dites que la navette entre Charlottetown et Cornwall n'a pas été maintenue parce qu'elle coûtait trop cher. Quel était le tarif?

Mme Auld: Il en coûtait 15 $ aller-retour pour un trajet très court.

M. Irving: C'est une paisible petite bourgade aux abords de Charlottetown.

Mme Bryanton: Vous vous imaginez quelqu'un qui paierait 15 $ pour aller au travail et en revenir?

Le sénateur Callbeck: Dans votre mémoire, vous dites également qu'il n'est pas étonnant de constater une baisse de fréquentation de 20 p. 100 ou plus depuis des deux ans, pour le service d'autocars. Où avez-vous obtenu ces données? Je vous le demande parce que certains témoins nous ont dit qu'il y avait déclin dans la fréquentation des autocars, tandis que d'autres nous ont dit qu'il n'y avait pas eu de baisse, mais bien une augmentation.

M. Irving: Nous avons lu cela dans vos documents.

Mme Auld: Je tiens ces renseignements du service de navette parce que j'ai constaté qu'il était presqu'impossible d'obtenir des renseignements des autocaristes. Ils ont un numéro 1-800, mais il est très difficile d'obtenir quelque information que ce soit. La compagnie de navette tire son estimation des échanges d'information effectués avec la ligne d'autocars et du fait que le nombre de passagers qu'ils transportent quotidiennement a énormément augmenté. J'ai envoyé en autocar de Charlottetown à Moncton, par le passé, et je peux vous dire que l'on avait généralement un siège vide à côté de soi. L'autocar n'était jamais plein sauf pendant les fêtes, quand les étudiants rentraient à la maison. C'était avant l'arrivée du service de navette.

Le sénateur Callbeck: Croyez-vous que ces minibus, qu'ils transportent un seul passager ou 16, devraient être inspectés?

Mme Auld: Oui, très assurément.

Le sénateur Callbeck: Ron, je suis curieuse à propos de la promotion et de la publicité par les autocaristes. Je trouve bizarre qu'il y ait si peu de promotion de la part des autocaristes. Comme vous le dites, nous nous souvenons tous des pubs qui étaient autrefois diffusées.

M. Irving: Oui, je pense qu'on voit le transport par autobus comme l'apanage des cols bleus, des étudiants et des personnes âgées. On ne se préoccupe plus des voyageurs. Les entreprises n'essaient pas d'attirer la clientèle en offrant des installations attrayantes ou en améliorant leur matériel. Or, il est important de le faire, et je pense qu'on devrait encourager à la fois les voyageurs et les autocaristes.

Le sénateur Callbeck: À votre avis, quelles mesures d'encouragement devrait-on offrir au public voyageur?

M. Irving: Entre autres choses, des tarifs intéressants. On pourrait aussi offrir le remboursement du prix du billet à un voyageur par déplacement. On offre déjà ce genre de chose dans l'industrie et le monde des affaires à l'occasion de campagnes publicitaires. Les génies de la publicité pourraient nous donner des idées sur la façon de procéder.

L'essentiel, c'est que le voyage en autocar doit être une expérience agréable, et plus agréable qu'elle ne l'est maintenant.

Mme Bryanton: Il serait bien qu'on songe au service à la clientèle. À l'heure actuelle, les navettes offrent déjà des incitatifs. Certaines d'entre elles offrent un huitième voyage gratuitement, tandis que d'autres le font pour le dixième.

Le sénateur Callbeck: J'aimerais savoir si vous avez songé à autre chose qu'à une réduction des tarifs.

M. Irving: Je pense qu'il faut aussi donner une autre image des voyages par autocar interurbains afin qu'ils attirent davantage de personnes.

Sénateur Oliver, les navettes jusqu'à Halifax coûtent 45 $, tandis qu'à lui seul, le péage exigé sur le pont coûte 37,50 $. On voit donc qu'il est tout à fait avantageux de laisser sa voiture à la maison.

Le sénateur Oliver: C'est la compagnie de navette qui paie le péage.

M. Irving: Oui.

Le sénateur Oliver: Et si elles offraient aussi un sandwich?

M. Irving: Ce serait un autre incitatif.

Le sénateur Callbeck: Il a été question de transporter les gens des régions rurales jusqu'à un point central, où on pourrait les ramasser. Je suis sûre que ces problèmes se posent partout au Canada, et pas seulement à l'Île-du-Prince- Édouard et en Nouvelle-Écosse.

Mme Lay: Oui, c'est vrai. Si les autocaristes étaient disposés à transporter les gens jusqu'à un point central, ils pourraient aussi offrir le service de prise en charge à domicile. Tout le monde qui vit à la campagne dans le comté de Guysborough est obligé de se rendre sur l'autoroute à Antigonish pour prendre l'autocar. Un service de prise en charge à domicile pourrait être une des solutions.

Le sénateur Jaffer: Je viens de Colombie-Britannique, mais je crois comprendre vos problèmes, car mon fils est allé suivre des cours de cornemuse à Summerside, et là-bas, il s'est trouvé sans le moindre moyen de transport.

Le sénateur Oliver: Elle lui a acheté une voiture.

Le sénateur Jaffer: J'ai été renversée d'apprendre qu'il n'avait trouvé aucun moyen de transport pour se promener. Il était obligé de marcher.

Cela dit, ma question porte sur les personnes qui sont en fauteuil roulant. Comment font-elles pour voyager dans les navettes? Sont-elles adaptées?

Mme Bryanton: Nous offrons des services de transport aux personnes en fauteuil roulant, mais encore une fois, cela est très coûteux. Il faut aussi réserver le véhicule d'avance, ce qui n'est pas très pratique. Lorsque nous aurons notre propre système de transport à l'Île-du-Prince-Édouard, il faudra qu'un certain nombre de véhicules soient accessibles aux fauteuils roulants. C'est faisable.

Le sénateur Jaffer: En Colombie-Britannique, nous avons ce qu'on appelle le «Handy Dart Bus». Est-ce qu'il y a des navettes spéciales à Halifax ou dans l'Île-du-Prince-Édouard?

Mme Bryanton: Non. Il y a cependant des véhicules conçus expressément pour le transport des fauteuils roulants, et qu'on appelle «Donna's Transport» ou «Pat and the Elephant». Les passagers réguliers ne les empruntent pas.

Le sénateur Forrestall: Étant donné que Le sénateur Callbeck connaît Baddeck, pourrait-elle nous dire quel genre de service on y offre pour aller à Summerside ou à Charlottetown?

Le sénateur Callbeck: Il n'y en a aucun.

Le sénateur Forrestall: Qu'en est-il de la région près de Overton? Qu'est-ce qu'il y en a là-bas?

Le sénateur Callbeck: Rien.

Le sénateur Oliver: Est-ce qu'on peut prendre le train?

Le sénateur Callbeck: On peut toujours marcher sur la voie ferrée.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous déjà envisagé d'autres solutions? Y avez-vous songé?

Le sénateur Callbeck: On a envisagé d'autres solutions, mais c'est une question d'argent. Ce service est quand même nécessaire.

Mme Bryanton: Dans le passé, lorsqu'on considérait le transport par autobus, nous envisagions toujours des véhicules à 40 places. Ça n'est tout simplement pas approprié. Nous commençons à songer à d'autres solutions, plus viables et novatrices, qui permettraient à quelqu'un de Baddeck à se rendre à Summerside en très peu de temps.

M. Irving: Il y a des précédents. La crise du pétrole des années 70 a favorisé beaucoup d'idées novatrices, y compris l'utilisation de fourgonnettes ou minibus dans la province pour transporter les gens. À l'époque, il y avait une volonté politique d'agir et de réduire le plus possible la circulation-automobile. C'est faisable.

Le sénateur Oliver: Aujourd'hui, la plupart des grands autocaristes ont en service de grands autocars à 47 et 52 places, mais ils exploitent aussi des mini-fourgonnettes et des autobus scolaires. La plupart de ces grandes entreprises sont très diversifiées aujourd'hui et sont en mesure de répondre aux besoins des régions rurales.

M. Irving: Pas dans notre province.

Mme Bryanton: Des compagnies comme Trius pourraient envisager d'offrir un certain genre de services, car elles disposent d'un parc de véhicules de tailles diverses. Elles concentrent leurs activités dans les services nolisés et les excursions. Toutefois, je le répète, elles ont d'autres véhicules, et elles pourraient offrir un service spécialisé. Elles ne peuvent tout faire, mais elles pourraient certainement participer à l'offre de transport en commun.

Le sénateur Forrestall: Pour avoir essayé personnellement les autres formes de transport, je peux vous dire que le trajet en autobus scolaire a été très éclairant. Nous étions assis dans des sièges conçus pour des enfants, et ils étaient très inconfortables.

La présidente: Nous ne sommes pas allés à l'Île-du-Prince-Édouard. Heureusement pour nous, les témoins sont venus nous rencontrer ici. Merci de vos exposés.

La séance est levée.


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