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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 27 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 17 avril 2002

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 17 h 32 pour étudier les difficultés rencontrées par les stratégies touchant l'industrie du transport interurbain par autocar.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Je souhaite la bienvenue à nos témoins.

[Français]

Ce soir, nous entendrons deux témoins du Secrétariat rural, un organisme du gouvernement fédéral qui, je l'espère, saura nous éclairer sur les besoins d'un important segment de la clientèle du transport par autocar et Autobus Maheux, un transporteur du Québec.

[Traduction]

Voici quelques renseignements pour nos témoins: Je veux dire quelques mots des raisons pour lesquelles on nous a demandé d'étudier le transport interurbain par autocar. Pour l'essentiel, le problème tient à la baisse de la clientèle, depuis plusieurs décennies, dans le transport interurbain par autocar. Cette diminution est très malencontreuse, car l'autocar constitue un élément important dans le transport des passagers.

L'autocar est un moyen de transport peu coûteux, il permet d'aller à peu près partout et il est écologique. Cette diminution peut s'expliquer de différentes manières. Tout d'abord, les Canadiens sont plus à l'aise financièrement et ils voyagent en voiture. Il se pourrait aussi que les gens ont plus tendance à vivre dans les grandes villes. Il se pourrait que la réglementation gouvernementale soit trop lourde et qu'elle varie trop d'une province à l'autre.

C'est ce que nous espérons apprendre dans les semaines et les mois à venir. Notre premier témoin sera le Secrétariat rural, et le deuxième, les Autobus Maheux.

Je donne maintenant la parole au Secrétariat rural.

Mme Donna Mitchell, directrice exécutive, Secrétariat rural: Madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie d'avoir invité le Secrétariat rural ici ce soir.

[Français]

C'est avec plaisir que je profite de l'occasion de faire certaines observations sur le transport et les collectivités rurales et de répondre à certaines questions.

Je suis la directrice exécutive du Secrétariat rural au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Je suis accompagnée de M. Fortin, gestionnaire de la section de l'élaboration des politiques et de la Lentille rurale.

[Traduction]

Le Secrétariat rural reconnaît que son étude sur les problèmes de transport n'est pas étendue. Nous n'avons pas la compétence technique pour commenter des problèmes comme la concentration de la propriété et les normes de sécurité des autocars. Nous n'avons pas fait non plus une analyse exhaustive de la déréglementation. Nous nous sommes concentrés sur les expériences d'autres pays applicables au Canada et sur les problèmes soulevés dans d'autres pays par les citoyens ruraux.

Nous avons noté que Solidarité rurale du Québec est le seul organisme non gouvernemental au mandat spécifiquement rural qui ait témoigné devant ce comité. Cet organisme cadre est considéré comme un porte-parole essentiel des régions rurales du Québec. Plusieurs enjeux décrits dans son témoignage correspondent à notre perspective, surtout l'importance du transport pour la santé et l'emploi des résidents ruraux et pour leur participation à la vie de la collectivité.

Cet organisme insiste également sur le sort des personnes âgées et des personnes à faible revenu. Conformément à notre point de vue et à la perspective britannique, il souhaite que les transports publics assurent la pérennité et l'essor des petites collectivités, et qu'ils permettent d'éviter l'exode de leurs résidents.

Le Secrétariat rural a pour rôle d'assurer la coordination avec ses partenaires fédéraux afin que les politiques et les programmes nationaux aient une incidence positive sur les collectivités rurales et qu'ils renforcent leur capacité au Canada. Je vais donc mettre l'accent sur l'enjeu des transports pour les collectivités rurales. Je vais parler des transports nécessaires pour se rendre au travail, pour assurer le développement économique des collectivités et pour accéder aux services de santé. Je signalerai les travaux du Secrétariat rural et les obstacles en matière de transport dont nous ont parlé des Canadiens ruraux.

Par ailleurs, le Secrétariat rural s'est donné des moyens pour être à l'écoute des gens des régions rurales. Il serait heureux de les mettre à la disposition du comité si celui-ci souhaite consulter les usagers des systèmes de transport interurbain qui vivent dans les régions rurales et éloignées du Canada.

Enfin, comme le comité s'intéresse aux expériences menées en Grande-Bretagne et aux États-Unis, je décrirai certains efforts déployés récemment dans ces pays et ferai part d'observations préliminaires à l'intention des décideurs au Canada.

Pour nous, le débat sur le Canada rural est compliqué par les nombreuses définitions que l'on donne au terme rural et par le manque de statistiques sur les petites collectivités. On emploie couramment deux définitions pour définir la notion de ruralité. Selon la définition de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), 31 p. 100 du Canada est considéré comme rural, soit une densité de moins de 150 personnes par kilomètre carré. Statistique Canada, pour sa part, qualifie de rurales les agglomérations comptant moins de 10 000 personnes, soit 22 p. 100 de la population canadienne, mais sa définition exclut les collectivités éloignées dont la population s'établit entre 10 000 et 20 000 personnes, ce que nous considérerions d'emblée comme rurales.

Le Canada est un des pays de l'OCDE dont la densité de population est la plus faible. Selon le recensement de 1996, environ 9 millions de Canadiens vivent en régions rurales et éloignées. Des données de recensement récemment publiées révèlent que la croissance démographique des régions rurales a été inférieure à 1 p. 100 entre 1993 et 2001, alors qu'elle dépassait 3 p. 100 dans les régions urbaines.

Comme nos campagnes comptent une plus grande proportion de gens âgés que les villes, les solutions au problème des transports devront tenir compte de cette réalité.

Certaines collectivités, comme North Hatley au Québec et la vallée de l'Okanagan en Colombie-Britannique, sont des pôles d'attraction pour les retraités, ce qui montre aussi la nécessité d'envisager des services et des infrastructures adaptés à ce groupe d'âge.

La géographie rurale du Canada et sa population largement dispersée posent des défis qui n'existent pas dans d'autres pays en ce qui a trait à la prestation de services publics et privés, comme le transport. La faible densité démographique fait grimper beaucoup plus haut que dans les villes canadiennes le coût par habitant de l'infrastructure de base. D'après de nombreux citoyens ruraux, l'infrastructure rurale existante est insuffisante pour soutenir le déplacement des biens et des services d'une économie en croissance.

De plus, le Canada des régions rurales et éloignées n'est pas homogène. Nous distinguerons quant à nous trois types distincts d'activités rurales, types qui sont définis en partie par leur dépendance à l'égard de l'économie urbaine ou par la distance qui les en sépare.

D'abord, il y a les collectivités rurales relativement prospères, comme Osgoode et Manotick en Ontario, qui sont voisines de centres urbains. Nous les appellerons adjacentes à une grande ville. Elles disposent d'une assiette d'imposition suffisante pour soutenir l'adaptation et attirer le partenariat du secteur privé. Leur défi en matière de transport est d'intégrer leurs besoins aux stratégies de développement urbaines de la grande ville voisine, y compris les stratégies de transport public.

Deuxièmement, il y a des collectivités rurales situées au coeur du Canada, comme celles que l'on trouve dans la vallée de l'Annapolis. Elles sont plus éloignées du noyau urbain et plus dispersées. Elles se caractérisent souvent par une économie axée sur les ressources, une forte migration des jeunes et une population vieillissante. Elles ont besoin de politiques de transport qui soient propices à une stabilité socio-économique à long terme et qui aident les collectivités à développer leur capacité humaine.

Dans les collectivités adjacentes à une grande ville ou situées au coeur du Canada, une bonne part du revenu familial vient d'emplois situés dans les centres urbains. Les habitants de ces collectivités ont besoin d'avoir accès au transport pour garder leur emploi et acheminer leurs marchandises jusqu'au marché.

Troisièmement, les collectivités éloignées, comme celles de la Gaspésie au Québec, ne sont accessibles que par un réseau routier ténu. Comme elles sont éloignées des marchés, leur développement économique est freiné par les coûts de transport, de sorte que leur viabilité et celle de leur entreprise en souffre.

Cette catégorie comprend des localités nordiques comme Rankin Inlet. Elles comptent une jeune population autochtone et courent le risque de se trouver définitivement marginalisées. Toutes les collectivités éloignées et nordiques ont besoin de solutions qui assureront leur survie socio-économique.

[Français]

Chaque type de collectivité rurale présente des défis différents en ce qui a trait au transport et chacune nécessitera des solutions qui lui sont propres.

Dans notre travail, nous rappelons qu'il faudra peut-être accorder une attention particulière à la viabilité des collectivités situées au coeur du Canada et dans les régions éloignées.

[Traduction]

Comme vous le savez sans doute, le Secrétariat rural a un mandat de coordination horizontale et il n'a pas le mandat de s'occuper du transport. Toutefois, nous travaillons régulièrement avec Transports Canada ainsi qu'avec d'autres ministères et organismes fédéraux pour les conseiller et les orienter dans la prise en compte des réalités du Canada rural et éloigné lorsqu'ils élaborent de nouveaux projets.

Par le biais des dialogues ruraux, le Secrétariat rural a communiqué avec environ 10 000 Canadiens au cours des quatre dernières années. Les dialogues ruraux permettent aux Canadiens des régions rurales et éloignées de cerner les problèmes auxquels ils sont confrontés et d'en discuter. Les participants ont déclaré que la difficulté d'accès à une infrastructure de transport fiable et abordable était l'obstacle essentiel au développement des collectivités. Pour ceux qui doivent voyager souvent sur de longues distances pour avoir accès à des soins de santé, les coûts de transport sont un véritable problème.

En 2001, un dialogue rural a eu lieu à Chapleau, en Ontario. Les participants ont discuté des défis auxquels faisaient face leurs collectivités. Un thème majeur a été la nécessité de se doter d'une infrastructure pour soutenir les possibilités de développement communautaire. Le transport en commun, en particulier, a été vu comme un élément essentiel à prendre en considération. Chapleau n'a pas de service d'autocars à horaire fixe et est considérée comme une collectivité éloignée. À l'heure actuelle, on y trouve un service d'automotrice, qui assure le service entre Sudbury et White River dans les deux sens trois jours par semaine. Selon les participants, le manque de service de transport adéquat nuit à la capacité de la collectivité de diversifier son économie et d'avoir accès à des services de santé et d'éducation. De plus, les jeunes Autochtones, surtout, ont de ce fait de la difficulté à obtenir et à garder un emploi.

Des représentants des services de santé de Chapleau ont signalé que l'accessibilité des services constituait un défi important et on suggérait l'amélioration des liens de transport avec d'autres collectivités comme solution possible.

En 2001, trois conférences rurales régionales tenues d'un bout à l'autre du Canada ont fait écho aux opinions et aux expériences des participants de Chapleau. À la conférence de la Colombie-Britannique, les participants ont souligné que les régions rurales n'avaient pas beaucoup d'options de transport. Le covoiturage est inexistant et il n'y a pas de transport en commun. Dans cette province, les participants n'ont pas manqué de rappeler les difficultés d'accès aux services de santé. Les points de service sont souvent éloignés et, pour les personnes qui sont sans moyen de transport et pour certains groupes, comme les gens âgés, les personnes handicapées et les Premières nations, il est particulièrement difficile d'y avoir accès. Pour eux, le voyage est cher, prend du temps et met à l'épreuve physiquement ceux dont la santé est déjà fragile.

À la conférence tenue en Ontario, les participants voyaient le manque de services de transport comme une menace pour leur sens communautaire.

À la conférence qui a eu lieu en Nouvelle-Écosse, les participants ont dit que les gens âgés, les familles monoparentales, les personnes handicapées, les étudiants de niveau postsecondaire, les personnes à revenu fixe ou celles qui cherchent du travail avaient besoin d'un système de transport rural adéquat et abordable.

Nous devons tous être conscients de ce que le transport signifie chaque jour pour les ruraux, en particulier ceux qui ont un revenu modeste, lorsqu'il est question de trouver et de garder un emploi, de se maintenir en santé ou de diversifier l'économie de sa collectivité pour la rendre plus prospère et compétitive.

Le Secrétariat rural réalise le Partenariat rural canadien (PRC), projet d'une durée de quatre ans assorti d'un budget de 20 millions de dollars, qui a débuté en 1998 et a été renouvelé. L'un des éléments du PRC a été l'Initiative des projets pilotes, qui a financé des projets créatifs et transférables, lesquels comportaient au moins un partenaire fédéral. Après avoir examiné les résultats de plusieurs projets pilotes sur le transport, nous en avons tiré quelques conclusions.

À Antigonish et dans le comté de Guysborough, un projet a été mis au point pour aider les résidents ruraux, en particulier les personnes âgées, handicapées ou à faible revenu, à demeurer dans leur région en leur fournissant des services de transport pour obtenir des soins de santé, faire leur épicerie et visiter la famille. Dans Bellechasse, au Québec, un projet visait à intégrer des services déjà existants de transport de voyageurs et à favoriser les liens au sein de la région. Aucun des projets n'a pu être rendu viable en soi malgré la demande pour ces services. La viabilité à long terme posait problème et les usagers étaient contrariés par l'impossibilité d'adapter leurs besoins de services aux possibilités offertes.

Un autre aspect de notre travail consiste à promouvoir la recherche sur les problèmes ruraux. Dans ce processus, nous avons constaté que le transport paraissait toujours comme le facteur prépondérant parmi tous ceux qui jouaient sur la prestation des services et le marché de l'emploi dans les régions rurales.

L'École de planification et de développement rural de l'Université de Guelph a rédigé un certain nombre de rapports à ce sujet. Nous l'avons aidée dans cette recherche par l'entremise du PRC. Ses principales constatations comprennent des préoccupations exprimées par les citoyens: le transport rural est généralement vu comme le problème oublié du Canada, et l'une des raisons pour lesquelles les jeunes quittent les collectivités rurales, c'est qu'ils ont l'impression de ne pas pouvoir se rendre là où ils veulent. Les routes rurales deviennent de plus en plus importantes pour le maintien de l'économie rurale, avec le déclin du transport ferroviaire et la multiplication de nouvelles entreprises dans de nombreux paysages ruraux. Or, l'investissement dans les routes rurales n'a pas suivi l'essor de l'économie rurale.

Les programmes de transport rural qui coordonnent et mobilisent les ressources existantes au niveau local ne coûtent pas cher, mais ne sont pas faciles à gérer; des partenariats multilatéraux, tant sur le plan horizontal que vertical, sont la clé de la réussite des efforts pour améliorer le transport.

Enfin, les questions de planification et d'utilisation des terres sont au coeur du problème du transport rural; il se pourrait que le pouvoir décisionnaire en matière de transport doive passer aux administrations locales.

Nous croyons fermement en la nécessité d'informer les Canadiens ruraux et d'être informés de leur point de vue ainsi que de leurs préoccupations et de leurs intérêts. Les ministères fédéraux, comme Transports Canada, ont accès aux instruments mis au point par le Secrétariat rural pour consulter les Canadiens ruraux. Nous serions heureux d'offrir de l'aide au comité s'il voulait rejoindre les Canadiens des régions rurales et éloignées et entendre ce qu'ils ont à dire.

La lentille rurale est un instrument permettant de déterminer les répercussions des politiques et programmes fédéraux sur le Canada rural avant leur mise en oeuvre. Elle donne aussi, à titre indicatif, des conseils sur la façon de communiquer efficacement avec les Canadiens du milieu rural. Le secrétariat encourage d'autres ministères à appliquer la lentille rurale et il est disposé à travailler avec Transports Canada et d'autres ministères à l'utilisation de cet instrument pour l'étude du dossier. Quand le comité envisagera des solutions, il pourra se servir du guide d'utilisation de la lentille rurale. Nous en avons apporté des exemplaires pour que vous puissiez en prendre connaissance.

Grâce au site Web du PRC, nous pouvons établir un lien avec le site Web de votre comité, ce qui permettra aux citoyens ruraux d'avoir accès à de l'information sur votre travail et de donner leur opinion.

D'autres pays ont proposé des changements à leur système de transport rural. Mentionnons-en deux: la Grande- Bretagne et les États-Unis. En novembre 2000, le Parlement britannique a déposé un Livre blanc intitulé: «Our Countryside: The Future, A Fair Deal for Rural England». Ce projet vise à chercher des solutions au déclin des emplois traditionnels, comme l'agriculture, à la chute des revenus et à la déficience des services dans les régions rurales. La stratégie préconisée là-bas consistait à revitaliser la campagne en tentant de relever quatre défis: comment traiter équitablement les collectivités rurales dans la prestation des services; comment revigorer et diversifier les économies rurales; comment préserver et restaurer le paysage et l'environnement ruraux; et comment donner aux régions rurales et aux villages les pouvoirs et les instruments nécessaires pour façonner leur avenir.

Dans cette stratégie, on se rend compte que le transport a un rôle critique à jouer pour développer une économie rurale prospère. Selon les auteurs du document, des investissements dans l'infrastructure de transport et l'injection de fonds nouveaux dans le rajeunissement des villes-marchés permettraient aux petites villes de devenir le coeur des liens de transport et des perspectives économiques, et permettraient aux conseils locaux de jouer un plus grand rôle dans la gestion des installations locales en partenariat avec d'autres paliers de l'administration publique.

Parmi les autres solutions proposées en ce qui concerne le transport, mentionnons: réduction des taxes pour les automobilistes; promotion de clubs automobilistes, covoiturage, mise en place de services d'autobus à la demande, de taxis et de minibus grâce à des projets de partenariat, octroi de subventions aux paroisses pour qu'elles mettent au point des solutions communautaires aux problèmes de transport. Il est encore trop tôt pour évaluer les résultats de leurs propositions.

Dans leurs délibérations, les parlementaires ont aussi constaté que les campagnes anglaises comptaient une plus forte proposition de propriétés et d'utilisateurs d'automobiles que les veilles. Quatre-vingt-quatre pour cent des ménages ruraux possèdent une automobile, contre 69 p. 100 des ménages citadins, et les ruraux se servent de leur voiture pour des déplacements plus essentiels. De ce fait, le sixième de la population qui ne possède pas de voiture — surtout des jeunes, des personnes âgées, des personnes à mobilité réduite et des ménages à faible revenu — se heurtent à un problème de transport encore plus aigu pour se rendre à l'école, à l'hôpital ou au magasin d'alimentation.

L'exemple de la Grande-Bretagne, bien qu'il concerne un pays géographiquement différent du nôtre, est intéressant parce qu'on y voit le transport comme la condition et l'outil du développement de la revitalisation des économies locales. On y préconise aussi une démarche souple et un transfert accru de pouvoirs aux collectivités pour qu'elles puissent s'exprimer davantage dans les décisions qui les concernent.

Une publication récente du département de l'Agriculture des États-Unis fait le survol des problèmes de transport qu'éprouve l'Amérique rurale en ce début de XXIe siècle. Voici quelques observations que vous pourriez trouver utiles. Les États-Unis ont appliqué une démarche législative au niveau tant fédéral que des États. Dans les deux cas, des efforts ont été faits pour intégrer le développement des collectivités locales à la planification du transport. La loi exigeait que chaque État inclue les administrations publiques locales dans une telle planification, et des sommes ont été réservées à cette fin à l'Amérique rurale. Toutefois, les résultats ont été mitigés. Bien que les États et les administrations locales aient plus leur mot à dire dans les décisions en matière de planification et de financement des transports, la participation des administrations locales a varié. Il semble que l'approche américaine ait négligé de reconnaître que les collectivités locales, contrairement à leurs contreparties urbaines, n'ont pas de structure organisée pour planifier les transports. Ce n'est pas parce que leur participation était encadrée par la loi que les communautés étaient nécessairement prêtes à s'y engager. Il fallait développer leur capacité. On peut raisonnablement conclure que la législation ne suffit pas à elle seule. Pour réussir, une approche ascendante nécessite une capacité suffisante au niveau de la collectivité.

L'expérience américaine montre que les coûts pour les collectivités rurales du maintien et de l'amélioration de leurs routes se sont accrus énormément en raison de l'augmentation du débit routier, de l'Accord de libre-échange nord- américain et d'une période de prospérité dans l'industrie du camionnage. Pour mettre une stratégie canadienne, il est important de tenir compte aussi bien des pressions nouvelles que de celles qui s'exercent déjà sur l'infrastructure du transport rural. Ces pressions doivent être prises en considération lorsqu'on décide du financement.

Les États-Unis se sont efforcés d'utiliser la technologie pour améliorer la sécurité et l'efficacité du transport rural. D'un point de vue canadien, la technologie pourra aider notre pays à répondre aux problèmes de sécurité que posent notre climat et les trajets sur de longues distances à travers des régions isolées. Certaines applications, comme les systèmes d'itinéraire informatisés, pourraient aussi s'avérer des moyens rentables et efficaces de surmonter les obstacles aux déplacements sur de longues distances.

Dans l'exemple américain, nous voyons comment les collectivités rurales ont souffert pendant la période de déréglementation du service d'autocar interurbain, changement survenu à partir de 1982. En effet, moins de la moitié des agglomérations qui disposaient d'un service d'autocar interurbain en 1982 en possédaient encore en 2000, et beaucoup d'entre elles se situaient dans des régions rurales.

Lorsque les entreprises de transport par autocar n'ont plus été tenues de subventionner les trajets peu rémunérateurs avec les trajets plus lucratifs, elles ont tout simplement réduit les services offerts à de nombreuses collectivités rurales. C'est une importante leçon à tirer pour le Canada si la stratégie que nous envisageons est de nous fier au marché pour la prestation de services à des régions qui ne sont pas économiquement viables. Qui subventionnera ou réalisera ce service pour le Canada rural?

Le transport aux États-Unis souffre également de l'hétérogénéité des sources de financement. Il en résulte la création de frontières artificielles, qui font que le transport rural s'arrête aux limites d'un comté. Cela ne facilite pas le transport intra et interrégional des citoyens ruraux, situation qui est particulièrement grave pour ceux qui voyagent dans le but d'avoir accès à des services de santé. La leçon que nous pouvons en tirer est de ne pas créer de limites artificielles. Ce sont les collectivités rurales qui en souffrent.

[Français]

Comme dernière observation, l'expérience américaine montre l'importance du transport en commun pour les personnes à faible revenu ou sans revenu.

Si le système de transport public est inadéquat, il peut devenir très difficile de trouver ou de garder un emploi. Si un tel système est inexistant, ces personnes et leurs familles peuvent ainsi être privées de la capacité de travailler.

Bien que le Secrétariat rural n'ait pas de données sur les revenus des utilisateurs du transport en commun dans les régions rurales du Canada, il est essentiel d'en tenir compte quand on élabore des solutions concernant la nécessité des pauvres de subvenir eux-mêmes à leurs besoins économiques.

[Traduction]

Le transport fait partie intégrante de la vie des Canadiens ruraux, de leur système de santé, de leur emploi et de la viabilité de leur collectivité. Les politiques et les programmes que conçoit le gouvernement fédéral influeront sur les résultats auxquels pourront s'attendre les collectivités et sur la croissance de ces dernières. Cette réalité souligne la nécessité de renforcer la coordination entre les gouvernements en matière d'affaires rurales pour tenir compte des préoccupations de ses collectivités rurales.

[Français]

Le Secrétariat rural travaille à mettre au point un cadre national sur les politiques rurales qui facilitera la coordination entre les paliers supérieurs de l'administration publique qui, à long terme, constituera un instrument pour soutenir les collectivités dans leurs efforts pour surmonter les obstacles structurels et les aider à s'adapter aux difficultés auxquelles elles font face.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Mitchell, pour cet exposé intéressant et réaliste.

Quelle est l'importance des services de transport public en milieu rural à notre époque où les gens se servent de plus en plus de leur automobile privée?

Mme Mitchell: Je vous répondrai en vous parlant de l'expérience du Royaume-Uni, où environ un sixième de la population est rurale et ne possède par d'automobile. Les Britanniques ont constaté que ces personnes n'ont généralement pas les moyens d'avoir une automobile, ce qui limite leurs options. Il est donc important dans ces conditions de leur fournir un mécanisme leur permettant de mener une vie normale, de faire leurs courses, de rendre visite à leurs parents ou d'accéder à des services.

Quand nous avons étudié les migrations, nous avons constaté que ce sont les jeunes qui n'ont pas la possibilité de se déplacer dans leur collectivité et de profiter des ouvertures culturelles et éducatives sur place qui s'en vont. On dira que c'est dans une certaine mesure naturelle, que les jeunes veulent partir chercher une expérience ailleurs.

Les personnes qui immigrent dans ces localités sont généralement des adultes qui peuvent avoir une famille, et ensuite on constate de nouveau un phénomène d'émigration chez les gens de plus de 65 ans ou 70 ans. Là encore, on peut imaginer, même si je ne suis pas sûre qu'on puisse le prouver, que cela vient de la difficulté d'évoluer dans une collectivité qui ne permet pas à ces personnes de se déplacer facilement.

La présidente: À votre avis, quelle pourrait être la cause du déclin de la fréquentation des autocars interurbains?

[Français]

M. Christian Fortin, gestionnaire, Lentille, Secrétariat rural: On assiste depuis une trentaine d'années à un déclin constant de la population rurale dans différentes régions du pays. Ce déclin de la population a un effet sur l'usage des modes de transport collectifs. On a aussi observé une augmentation de l'usage ou de la propriété d'automobiles qui affecte également, dans une certaine mesure, l'usage des modes de transport collectifs. Donc, l'un influence l'autre. On le constate au Canada comme on l'a constaté dans d'autres pays industrialisés.

L'autre facette de la dynamique, c'est qu'on retrouve une certaine population qui n'a pas nécessairement accès à une automobile. Ils doivent nécessairement utiliser le transport en commun ou limiter la circulation de leurs déplacements. Plus les collectivités rurales se trouvent dans une situation de déclin de leur population, plus il est difficile de trouver des solutions pour parer à l'absence de transport en commun. On voulait mettre en lumière ces situations. De fait, il y a un lien direct entre la décroissance de la population d'une région et l'usage et la fréquence du transport.

L'élément qu'on doit examiner est la place que prend le transport en commun dans le maintien de la viabilité de la qualité de vie de ces communautés.

[Traduction]

La présidente: Madame Mitchell, vous avez dit que vous pouviez nous donner accès à la voix rurale. Comment pourrions-nous d'après vous entendre la voix du secteur rural à propos de ses besoins en matière de transport?

Mme Mitchell: Nous tenons régulièrement des réunions dans la collectivité. Nous appelons cela des dialogues ruraux. Ils portent souvent sur l'actualité. Ce sont les gens de la localité qui choisissent dans certains cas les sujets à approfondir. Dans notre cas, nous leur proposons un sujet et nous tenons des ateliers de discussion. Nous pouvons certainement faire du travail dans le cadre de ces dialogues ruraux.

En outre, nous invitons des représentants élus et nous serions heureux de pouvoir inviter des membres du comité et d'autres sénateurs en tant qu'observateurs de ces dialogues.

La présidente: Nous serions heureux de pouvoir y assister car nous souhaitons pouvoir poser nos questions directement aux utilisateurs. Nous avons rencontré bien des gens, mais nous voudrions rencontrer les utilisateurs et avoir leur point de vue.

Le sénateur Oliver: Votre rapport est excellent, car vous nous donnez de nombreuses statistiques et informations que nous pourrons reprendre dans le nôtre. Je vous en remercie. Par exemple, l'OCDE mentionne que 31 p. 100 des Canadiens vivent en milieu rural. C'est une statistique très utile. Le fait que toute localité de moins de 10 000 habitants corresponde à une collectivité rurale montre que nous sommes très nombreux dans cette catégorie. J'ai appris avec intérêt que North Hatley était une zone rurale. Il n'y a plus beaucoup de personnes qui vivent dans ce contexte.

Le Canada est un pays immense avec d'énormes défis géographiques. Il y a une foule de collectivités éloignées, notamment dans le Grand Nord, qui n'ont pas de routes ou de rivières permettant un accès régulier, et cetera. Si nous devions élaborer un programme de transport pour toutes les personnes handicapées, les personnes âgées, les enfants, et cetera, je ne vois vraiment pas comment nous pourrions avoir un programme national pour tout le monde.

Êtes-vous de cet avis? Dans l'affirmative, que suggériez-vous au comité pour faire face à ces énormes différences géographiques au Canada?

Mme Mitchell: Il est stupéfiant de constater que le Canada est le plus rural des pays de l'OCDE. Nous ne nous imaginons pas toujours comme cela. C'est un énorme défi. Plus nous parlons avec des Canadiens ruraux, plus nous avons l'impression que la solution fondamentale, c'est dans leur volonté et leur capacité d'améliorer leur collectivité qu'on la trouvera. Je ne suis pas sûre que ce soit à Ottawa ou dans les provinces qu'on doive chercher les solutions. Il faut que les Canadiens ruraux se penchent sur leur propre situation, qu'ils fassent le point des actifs de leur collectivité et qu'ils déterminent s'ils ont la possibilité et les moyens de progresser. C'est à eux de nous dire, en tant que représentants du gouvernement, ce que nous pouvons faire pour les aider à mettre en oeuvre leurs propres solutions.

Nous revenons de notre deuxième conférence rurale nationale à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, qui s'est tenue du 4 au 6 avril. Le Canada rural a beaucoup changé depuis la conférence de Magog il y a deux ans. À cette époque-là, les gens étaient assez cyniques et disaient: «Et alors, qu'est-ce que le gouvernement fait pour nous?» Cette année, ils ont été sidérés par l'échange de bonnes solutions et de bonnes formules concrètes pour relancer leurs collectivités. Ils ont relevé leur défi et ils ne demandent plus au gouvernement maintenant de régler leurs problèmes, mais simplement de les aider à concrétiser les solutions qu'ils trouvent eux-mêmes.

C'est une démarche tout à fait compatible avec la démarche à partir de la base qu'ont suivie le Secrétariat rural et le secrétaire d'État, M. Mitchell. Si nous pouvons élaborer des politiques qui aideront les ruraux, nous pourrons apporter des solutions diverses à partir de la base et faciliter leur mise en oeuvre.

Le sénateur Oliver: Vous nous avez parlé de ce projet pilote sur le transport rural, le projet d'Antigonish, et vous nous avez dit que c'était un échec, qu'il ne pouvait pas être rentable. Quelles leçons en avez-vous tirées?

Mme Mitchell: Nous avons constaté que même si la collectivité en avait le souhait et si certains services et certaines options étaient disponibles, même si ces collectivités étaient prêtes à essayer essentiellement sur la base du volontariat de mettre sur pied un projet, le plan une fois mis sur pied ne répondait pas aux attentes ou qu'il n'y avait pas suffisamment d'aide financière même si la clientèle était là. Le plan s'est donc révélé non viable. Nous en avons cependant conclu que si nous avions écouté ce genre de conseil et mis en oeuvre une politique nationale coûtant des millions de dollars, elle n'aurait pas marché non plus. Si un petit projet local appuyé par une clientèle qui le désire vraiment ne fonctionne pas, nous en avons au moins conclu qu'une politique nationale reposant sur les mêmes principes serait aussi probablement vouée à l'échec.

Le sénateur Oliver: Imaginons qu'il y ait un service d'autocar. Quel serait le meilleur moyen de s'assurer que la compagnie pratique des tarifs équitables tout en restant rentable? Ou faudra-t-il que l'État subventionne ces transports. Faut-il subventionner ces projets, des projets comme celui qui a échoué alors que c'était la population locale qui avait essayé de l'organiser avec ses propres ressources, pour qu'ils puissent réussir? Les gens ont tout de même droit à des transports.

Mme Mitchell: Oui. Les perspectives à long terme sont peut-être différentes de celles à court terme. C'est le genre de questions sur lesquelles votre comité et d'autres décideurs doivent se pencher.

Il faudrait peut-être subventionner le service jusqu'à un certain niveau de croissance de la collectivité en question. Lors de la même conférence, nous avons parlé avec les représentants de ces collectivités des moyens d'attirer et de retenir les gens. Mais il ne suffit pas de faire venir des gens. Il faut qu'il y ait une base économique à développer, une qualité de vie, une vie culturelle et des ouvertures sur la plan de l'éducation.

Si l'on ne considère qu'un seul type de transport, il est difficile de savoir ce qui va marcher. En revanche, si l'on a une vision à long terme et si l'on essaie de fournir à la collectivité les outils et la capacité de croissance en tenant compte de tous ces ingrédients, à ce moment-là les transports pourront peut-être devenir rentables grâce à tous les autres progrès qui se réaliseront en même temps.

Le sénateur Oliver: Vous nous avez fait découvrir le livre blanc sur le transport rural en Angleterre. Pourriez-vous nous donner le site Web ou nous dire où nous pourrions nous procurer un exemplaire de ce très important rapport?

Mme Mitchell: Certainement.

Le sénateur Oliver: Vous nous avez aussi parlé d'un rapport américain sur les problèmes de transport dans l'Amérique rurale au XXIe siècle. Il a été publié au cours des 12 derniers mois?

Mme Mitchell: Le rapport américain a été publié durant l'hiver 2002. Il est tout récent.

Le sénateur Oliver: Le rapport britannique?

Mme Mitchell: Ils ont mis sur pied leur initiative en 2000, donc c'est depuis 2000.

Le sénateur Oliver: Pourriez-vous dire à nos attachés de recherche où ils peuvent se procurer ces rapports?

Mme Mitchell: Certainement.

Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé des conférences et dit que les personnes qui y participent insistent sur l'importance des transports ruraux. Vous en parlez en abondance dans votre mémoire. Vous avez parlé de deux projets qui ont échoué, et auxquels le sénateur Oliver a fait allusion. Vous avez dit qu'il y avait un besoin mais que ces projets n'étaient pas viables.

Vous êtes-vous demandé si les gouvernements devraient subventionner ces secteurs?

Mme Mitchell: Nous avons surtout constaté que certaines collectivités éloignées du Nord présentent probablement certaines caractéristiques qui font qu'il n'est pas possible d'avoir de tels transports sans une aide publique. J'imagine qu'il y a au Canada des régions qui ont ce besoin mais qui n'ont pas les moyens d'assurer leur transport sauf si ces transports sont considérés comme un bien public et par conséquent subventionnés.

Le sénateur Callbeck: Est-ce le cas dans les deux projets que vous avez cités?

Mme Mitchell: Je ne voudrais pas dire aujourd'hui que ce serait forcément les régions que nous choisirions. Il y a un besoin qui est décrit. Quant à savoir s'il est prioritaire, il faudrait examiner le dossier pour déterminer les options du Canada.

Le sénateur Callbeck: Vous avez mentionné les propositions contenues dans le livre blanc anglais. Elles incluent la promotion du voiturage, des taxis et des minibus. Vous avez dit qu'il n'y a toujours pas de statistiques. À quand remonte cette proposition?

Mme Mitchell: La proposition britannique remonte à l'an 2000, elle est donc relativement nouvelle. La phase d'application n'est pas terminée. Il est trop tôt pour avoir des résultats. Il est probable qu'il n'y a pas encore d'évaluation publiée des résultats. C'était les propositions qui leur semblaient pouvoir aboutir à des solutions.

Le sénateur Callbeck: Si le gouvernement optait pour la déréglementation, y a-t-il un certain nombre de services que pourrait assurer le secteur privé avec des minibus ou d'autres véhicules de transport, à votre avis?

Mme Mitchell: Le travail que nous faisons ne me permet pas de vous répondre.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais demander une ou deux petites précisions. Quel est votre financement annuel et qui vous le donne?

Mme Mitchell: Nous sommes un organisme du gouvernement fédéral; nous faisons partie d'Agriculture Canada. Nous sommes financés par Agriculture Canada et par le Partenariat rural canadien, programme spécifique de 20 millions de dollars sur quatre années. Il a été renouvelé pour cette année financière pour 11 millions de dollars.

Le sénateur Forrestall: Qu'est-ce que vous allez faire pour nous pour 31 millions de dollars?

Mme Mitchell: Je dois dire que les 20 millions ont déjà été dépensés. Cette année, nous travaillerons avec d'autres ministères fédéraux pour veiller à ce qu'ils comprennent les problèmes des Canadiens ruraux; pour veiller à ce que dans leurs nouvelles politiques, leurs nouveaux programmes et leurs nouveaux services ils prennent en compte le Canada rural.

Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Il y a deux ans le Conseil du Trésor a créé Services Canada pour offrir à tous les Canadiens un accès aux services du gouvernement. C'était un projet pilote. Dans le dernier budget, le financement pour cette année a été coupé. En coupant ce service, nous avons remarqué qu'en vertu de la proposition qui avait été faite, si vous aviez un centre avec beaucoup de volume d'appels, votre centre pouvait être maintenu.

Nous avons dit aux responsables de ces décisions que cela aurait probablement pour conséquence de toucher de manière excessive le Canada rural car il y a moins de gens dans le Canada rural et ils sont beaucoup plus éparpillés. Nous leur avons dit que le Canada rural serait touché, qu'un plus grand nombre de bureaux canadiens ruraux qui soutiennent nos services seraient fermés. C'était la proposition.

S'il y a deux centres à Toronto, pour accéder à un centre vous pouvez prendre le métro et quelle que soit la direction ou la distance, ça coûte la même chose. Le Canadien rural n'a pas ce choix.

Nous avons réussi à les faire changer d'avis, et 122 des 280 centres ne seront plus touchés par leur décision de réorganisation de la prestation de services aux Canadiens. Quarante pour cent des services offerts au Canada le sont dans le Canada rural et au moins 30 p. 100 dans chaque province. Nous sommes arrivés à les faire revenir sur leur décision, prise en toute bonne foi, pour épargner le Canada rural.

Il y a les dialogues ruraux, le dialogue avec les Canadiens ruraux qui leur fait comprendre qu'ils sont écoutés et qu'ils sont pris en compte lors de l'élaboration des programmes.

Nous avons des équipes rurales dans chaque province qui travaillent avec leurs homologues provinciaux et les ministères fédéraux, et très souvent il nous arrive d'être en contact avec 15 ou 30 ministères responsables des prestations de services au niveau provincial. Nous voulons nous assurer qu'ils coordonnent leurs activités, comprennent la situation du Canada rural et optimisent les produits du gouvernement fédéral pour les Canadiens ruraux.

C'est ça notre travail. C'est un travail de coordination. Nous avons un programme pilote ou l'initiative de développement rural, mais ce n'est qu'un petit aspect. Il nous permet de faire asseoir nos représentants aux tables de négociation et de recueillir de l'argent supplémentaire auprès du secteur privé et des autres ministères gouvernementaux afin que les collectivités puissent proposer et inventer des solutions au niveau local, comme celles dont je vous ai parlé à propos des transports. C'est ce que nous faisons avec l'argent qu'on nous donne.

Le sénateur Forrestall: Sauf votre respect, je suis né sur une ferme, et j'habite un endroit qui s'appelle Musquodoboit Harbour, un centre urbain dynamique à 50 kilomètres à l'est de Halifax. Je n'ai jamais entendu parler de vous. Nous n'avons pas de vrais problèmes dans l'agréable région où j'habite et j'en suis fort content.

Par contre, nous avons des problèmes très réels au niveau des transports sur lesquels le ministre nous a demandé de nous pencher, tout particulièrement en ce qui concerne l'accessibilité et la disponibilité. Vous avez parlé de la possibilité, et de toute évidence il a dû y avoir des discussions ou il y a des exemples — s'il y en a, je vous saurais gré de me les faire connaître — d'en confier la solution aux gouvernements locaux. Premièrement, qu'entendez-vous par gouvernement local, provincial ou municipal?

Mme Mitchell: Les gouvernements locaux au niveau municipal avec participation des citoyens. Les exemples britanniques et américains parlent de gouvernements locaux. Notre travail se fait souvent par l'intermédiaire des agences de développement rural étant donné qu'ils travaillent quotidiennement avec la population pour mobiliser les ressources communautaires, s'assurer que la population apprenne à travailler ensemble et à prendre des décisions communes, comprendre quels genres de problèmes sont importants pour tout le monde — et ils peuvent être très efficaces au niveau de la compréhension de ce qui est réellement important pour la collectivité et s'assurer de la présence d'un soutien pour les projets proposés.

Le sénateur Forrestall: Quand vous avez parlé d'une partie de la taxe sur les carburants, est-ce que vous en suggériez la moitié? C'est comme cela que je l'ai compris quand vous avez dit: prendre cet argent d'une main pour la mettre dans l'autre.

Mme Mitchell: Nous n'avons pas pour rôle de conseiller au gouvernement certaines méthodes de financement, par les taxes sur les carburants ou autre chose. Je ne pourrais pas vous donner d'avis sur ce point.

Le sénateur Forrestall: D'accord. Bonne chance dans votre travail. Nous aurions dû attendre que vous ayez fini avant de vous faire venir. Je suis certain que vous aurez beaucoup d'idées à nous transmettre.

Le sénateur Gustafson: Vous trouverez peut-être mes commentaires à connotation beaucoup trop rurale, mais c'est de là que je viens.

D'après le dernier rapport que j'ai reçu de Statistique Canada, nous sommes le pays le plus urbanisé du monde. Les pêches, le bois, les ressources, le gaz et le pétrole, l'agriculture, les céréales et les oléagineux, la potasse et les ressources minières, tout cela vient du Canada rural. Quelqu'un n'a-t-il jamais pensé à laisser une partie de cette richesse sur place plutôt que de tout regrouper au centre puis de recourir à des méthodes très onéreuses pour redévelopper le Canada rural? Si nous découvrions la méthode pour y arriver, nous aurions la réponse à la question. Il y aurait suffisamment de fonds pour les transports, la voirie, et cetera, et la taxe sur les carburants mentionnée par le sénateur est un aspect très important. Une toute petite partie de cette taxe sert à l'infrastructure routière. Certaines provinces ont la chance d'avoir suffisamment de revenus pour construire de bonnes routes, alors que d'autres ne sont pas aussi chanceuses. La Saskatchewan, par exemple, a pratiquement autant de milles de route que le reste du Canada mis ensemble. Il est impossible de rendre le gouvernement provincial responsable de ce genre de dépenses quand il n'en a pas les ressources. Je vous le dis pour que vous y réfléchissiez et que vous l'intégriez dans votre rapport.

En revanche, nombre de nos régions rurales n'ont plus de services d'autocar depuis 20 ans. Dans d'autres régions, il y avait un service parce que l'autocar reliait Saskatoon à Regina, par exemple, et il ramassait qui le voulait le long de la route. Par contre, si vous étiez à l'écart de cette route principale, c'était tant pis pour vous. Il est certain que si on pouvait faire quelque chose de positif dans ce domaine, ce serait tout bénéfice.

Mme Mitchell: Merci de votre enthousiasme pour le Canada rural; cela nous aide. Nous avons fait dernièrement pas mal de recherche pour essayer de faire comprendre non seulement aux Canadiens ruraux mais aux Canadiens urbains à quel point nos économies sont interreliées. Oui, vous avez raison, sénateur, le Canada rural compte actuellement pour 24 p. 100 de notre PIB et il compte aussi pour 40 p. 100 de nos échanges commerciaux. Malgré cette richesse, cette création de richesse, on voit que les emplois créés ne sont pas proportionnels à la valeur du PIB dégagé par le Canada rural. Le Canada rural continue à contribuer à l'économie, mais il n'en recueille pas les bénéfices sur le plan de l'emploi. En l'absence de cette base économique personnelle, il est difficile d'envisager que la population reste dans le Canada rural.

L'économie du Canada rural est fondée sur les ressources et cela restera une réalité économique encore longtemps. C'est une réalité qui a une importance encore stratégique pour le Canada. Nous essayons de trouver des moyens d'aider les collectivités à comprendre qu'il y a des moyens de faire revenir les emplois dans le Canada rural autour des industries axées sur les ressources et dans la nouvelle économie axée sur le savoir. Si ces collectivités travaillent à la marge et continuent de contribuer aux innovations des industries axées sur les ressources, il y aura peut-être place pour la croissance.

Si nos collectivités agricoles, par exemple, se lancent dans des productions à valeur plus élevée ou dans des marchés bien définis au Canada dans le contexte d'une politique agricole positionnée différemment, la situation des collectivités du monde agricole s'améliorera et il y aura plus d'emplois — tout au moins il y aura création d'emplois en conséquence. C'est le genre de questions sur lesquelles nous nous penchons dans nos recherches.

Le sénateur Gustafson: Quand j'ai été élu une première fois, j'ai réussi tout seul — certains ne seront peut-être pas d'accord — à sauver le chemin de fer alors que je ne l'aurais pas dû pour des raisons politiques. Lors d'une réunion d'agriculteurs, les compagnies céréalières ont dit que si le chemin de fer restait, les silos à grains resteraient. Les propriétaires des silos ont dit que si les chemins de fer restaient, les silos resteraient. Je me souviens que nous faisions des discours et que M. Ralph Goodale était là. Je crois que je l'ai battu grâce à cette réunion, mais les conséquences étaient telles que si les gens n'avaient pas soutenu la ville, tout aurait disparu. La ville a fait ce qu'il fallait.

C'est ça qui est important dans ce que vous dites, madame Mitchell. À condition d'avoir une vision, certaines collectivités ne disparaîtront jamais. Il faut qu'il y ait une vision commune du gouvernement, de l'industrie et de la collectivité. Je vous remercie donc de votre suggestion pour toutes ces collectivités.

La présidente: Merci, madame Mitchell et monsieur Fortin. Discuter de ces questions avec vous aujourd'hui nous a beaucoup instruits.

[Français]

Bienvenue monsieur Maheux. Vous êtes le vice-président d'Autobus Maheux. Vous avez distribué votre document et nous vous écouterons avec plaisir. La parole est à vous.

M. Pierre Maheux, vice-président, Autobus Maheux: Comme mes deux acolytes et moi venons d'une région éloignée ou rurale, nous avons pris soin de bien encadrer sur la carte l'Abitibi-Témiscamingue où est située notre entreprise, ainsi que la population qu'elle dessert, dans les secteurs de Val-d'Or et Rouyn-Noranda, et en relation aux services du côté ontarien, North Bay, New Liskeard, Kirkland Lake et Timmins.

Les tracés en rouge sont les routes que nous desservons en transport interurbain. Les carrés bleus sont les endroits où nous avons des centres de services. Les pointillés indiquent les autres transporteurs avec qui nous sommes en transfert. Ce n'est fait à l'échelle. On est en ligne directe sur Montréal, sur Toronto et sur le Saguenay-Lac-Saint-Jean, jusqu'à Chibougamau.

Vous avez entre les mains un porte-document dans lequel vous trouverez un dépliant promotionnel qui vous donne une idée des services, des véhicules et des installations. Vous trouvez également le texte dont je vais me servir aujourd'hui. Vous trouverez des horaires de routes que nous desservons en transport interurbain, et une carte qui est la réplique identique de celle que nous avons devant nous.

J'ai assisté à la journée d'audiences de votre comité à Montréal. Il y avait eu des questions sur les tarifs. J'ai cru bon de joindre une liste de certains tarifs pour pouvoir comparer le coût au kilomètre d'un tel service interurbain au pays.

Nous sommes heureux de vous dire que desservir un territoire, côtoyer la clientèle, vivre avec elle la problématique du service, et réfléchir au dilemme de la rentabilité n'est pas sans nous permettre d'avoir une certaine connaissance de l'état de la situation. Ce n'est pas un mémoire exhaustif mais bien un aide-mémoire aux fins de la présentation. Dans les semaines qui viennent, nous aurons peut-être l'occasion de présenter le texte d'un vrai mémoire pour compléter notre présentation et la réponse à vos questions.

En 1958, notre entreprise a obtenu un premier autobus scolaire, à Sainte-Rose-de-Poulariès, un petit village qui est situé au nord de Rouyn-Noranda. Dans les années 1960, père et fils ont développé l'entreprise en ajoutant quelques autobus scolaires. En 1976 et en 1979, mon frère Roger et son épouse ont investi dans la compagnie et on a développé une flotte dans le secteur de La Sarre. Dans les années 1980, mon frère Marc-André et moi nous sommes joints à Roger pour l'expansion à Rouyn-Noranda et l'année suivante à Val-d'Or. En 1991, on a obtenu un contrat de transport urbain à Rouyn-Noranda.

Parmi les événements qui nous ont affectés, nous avons eu un incendie majeur au garage de La Sarre. Au fil des ans, on a fait différentes acquisitions, principalement des acquisitions de transport scolaire avec des permis nolisés.

On a fait aussi du transport minier. Il s'agit du transport du personnel des compagnies minières entre le site minier et les résidences avoisinantes. Au fil des ans, s'est jointe une relève qui sont les enfants de Roger, Sylvie et Dominique.

En 1992, la Commission du transport nous a accordé des points de services complémentaires. On détenait déjà des permis de nolisé pour les principales villes de la région. En 1992, on a obtenu les points de service qui comprenaient la grande majorité des localités de l'Abitibi-Témiscamingue.

En 1994, nous avons obtenu auprès de la Commission du transport du Québec le réseau interurbain de l'Abitibi- Témiscamingue. Ce réseau relevait auparavant de la compagnie Voyageur.

On a des installations de bureau et de garage à La Sarre, Rouyn-Noranda et Val-d'Or. On a aussi le garage familial à Sainte-Rose-de-Poulariès. On a aussi un autre garage pour la flotte scolaire à Malartic. On a deux terminus pour notre flotte, un à Rouyn-Noranda et un à Val-d'Or. Vous avez une petite idée de celui de Rouyn-Noranda sur les photos du dépliant promotionnel. Ce sont des terminus adaptés.

En 1996-1997, lorsque l'Office des personnes handicapées avait fait un relevé de l'accessibilité des terminus, il y avait déjà quatre terminus accessibles au Québec, dont deux en Abitibi.

Au fil des ans, on a continué à faire des investissements pour améliorer les infrastructures et les bâtiments, pour l'achat de nouveaux véhicules, pour avoir des nouveaux terminus, des nouveaux garages et des bureaux plus fonctionnels et plus efficaces.

On appuie la communauté. À chaque année, des milliers de sollicitations nous parviennent et la famille Maheux supporte des centaines d'organisme au coût de 20 000 $ environ par année, soit en argent ou en services. Le personnel est impliqué et dédié: nos directeurs, nos adjoints, nos répartiteurs et nos contremaîtres sont, dans la majorité des cas, avec nous depuis 15 ou 20 ans.

Le bénévolat est une des caractéristiques des dirigeants de l'entreprise dont je fais parti. Au début des années 80, mon frère Roger a présidé l'Association des propriétaires d'autobus du Québec; mon frère Marc-André est actuellement membre du comité des finances de cette Association, l'APAQ et je suis administrateur de l'APAQ depuis 1985, c'est-à-dire depuis 17 ans. J'ai été président deux ans. Je dirige les destinés du transport scolaire à l'APAQ depuis ce temps, et je suis toujours vice-président de l'APAQ.

Je suis également membre de la Fondation de l'Université de l'Abitibi-Témiscamingue et je suis membre du Conseil de vérification d'une caisse populaire. Je fais du bénévolat auprès d'une équipe de hockey mineur. Je suis aussi membre de dizaines d'organismes et je suis président d'honneur du Salon des vins et des saveurs régionales de Rouyn-Noranda. Je vous y invite les 3 et 4 mai à Rouyn-Noranda.

À l'heure actuelle, Autobus Maheux compte près de 200 employés. Nous possédons 135 véhicules, six ateliers et entrepôts, trois sites de bureaux, deux terminus et près d'une trentaine d'agences exclusives à notre réseau. Nous effectuons du transport scolaire pour quatre commissions scolaires, et donc pour des dizaines de dirigeants, pour une cinquantaine d'élus, pour une centaine de directeurs d'écoles et pour des milliers d'élèves tous les jours.

Nous effectuons du transport nolisé local et régional en autobus scolaire, du transport nolisé en autocar qui, de loin, est le domaine ou le marché qui s'est le plus développé dans les dernières années ou qui est le plus utilisé. Il y a, bien sûr, dans ces voyages nolisés toutes les catégories de groupes sportifs, culturels et autres. Au niveau du voyage nolisé, la clientèle autochtone est particulièrement importante pour nous.

On ne le voit pas sur la carte devant vous, mais la route Amos-Matagami monte jusqu'à Radisson-Baie de James et les travaux d'Hydro-Québec que vous connaissez.

Nous effectuons du transport urbain à l'intérieur de la ville de Rouyn-Noranda depuis 22 ans, et depuis 1991 nous sommes en sous-contrat pour la ville. Nous opérons deux véhicules. C'est une petite flotte mais nous transportons environ 80 000 passagers par année. Le transport interurbain représente à lui seul la moitié de nos activités et cela a fait l'objet de toute un processus en Abitibi-Témiscamingue en 1993-1994. Sur deux mois d'audiences publiques, on a fait les manchettes à peu près tous les soirs et cela s'est terminé par l'obtention de permis par Autobus Maheux. La pierre angulaire du débat et l'objet principal de l'argumentation du Conseil régional de développement que vous avez entendu à Montréal en février dernier, était justement la question de l'interfinancement.

Le transporteur en place avait été autorisé à garder la ligne principale et à se défaire des lignes déficitaires. Toutefois, il n'a pas respecté les délais et il a perdu le permis. La commission a tenu des audiences pour attribuer ces permis et nous les avons obtenus, avec l'engagement et l'obligation d'opérer plusieurs trajets régionaux déficitaires soutenus financièrement par la principale ligne Abitibi-Montréal. La principale ligne est donc Rouyn-Noranda-Val-d'Or et les Laurentides vers Montréal. Tous les jours, nous avons six départs, trois dans un sens et trois dans l'autre. C'est la ligne principale, qui dessert environ 50 000 passagers par année.

Nous opérons cette ligne principale avec la permission d'opérer les lignes suivantes qui apparaissent sur la liste: Rouyn-Noranda, La Sarre, avec ici dans un sens le matin et dans l'autre sens le soir; Rouyn-Noranda-Témiscamingue- North Bay, toute la région du Témiscamingue, dans le cœur de Ville-Marie jusqu'à North Bay en transfert avec Guelph et Ontario-Martland, qui repart vers le Nord pour desservir tout le Nord; le trajet Val-d'Or et Amos aller-retour et Val- d'Or-Matagami aller-retour; Val-d'Or-Rouyn-Noranda, service local tous les jours; Amos-Rivière-Héva, c'est le transfert avec les autres véhicules qui sont assez nombreux; et Val-d'Or-Chibougameau, qui lui-même est en transfert avec Intercar qui s'est porté acquéreur de la ligne Chibougameau-Saint-Phillisien et on est en lien avec celui-ci.

À notre connaissance, Autobus Maheux est le seul transporteur par autocar au Canada à opérer des permis interurbains qui sont conditionnellement reliés entre eux, c'est-à-dire dont l'interfinancement est obligatoire devant la Commission des transports du Québec. Nous ne pouvons intervenir, interrompre ou changer sans mettre en cause la question des autres permis. Il y a d'autres entreprises qui font de l'interfinancement.

Avec l'autorisation de la Commission des transports du Québec, deux lignes régionales ont été abandonnées récemment: en 2000, Rouyn-Noranda-Kirkland Lake, qui évitait d'aller jusqu'à North Bay pour remonter car c'était bien sur très peu achalandé et aussi la ligne de service La Sarre-Amos. Sur le tableau cette ligne est en bleue parce qu'elle n'est plus desservie depuis l'année passée. On a reçu l'autorisation de la Commission des transports de l'interrompre en 2000, mais comme on a de la difficulté à arrêter de donner des services à notre clientèle, on amis un an avant de le faire.

Pour opérer ce réseau, Autobus Maheux possède un effectif de 27 chauffeurs qui, avec 14 autocars, effectuent tous les jours de semaine, un minimum de 24 départs par jour. Uniquement sur la liaison Montréal, deux chauffeurs de base y sont affectés, et ils sont plus nombreux durant le temps des Fêtes et à l'été.

Comme tous les transporteurs interurbains du Québec, nous offrons des escomptes à une bonne partie de notre clientèle. Les rabais peuvent aller de 25, 30, à 50 p. 100. Nous avons également une entente avec l'OPHQ pour les personnes handicapées ayant besoin d'un accompagnateur qui peuvent, eux, voyager gratuitement.

Nous faisons partie des pionniers qui ont mis en place un réseau accessible d'autocars. Les gens peuvent réserver, en Abitibi ou à partir de Montréal, un autocar muni d'un élévateur. Compte tenu de la distance, ce service n'est pas beaucoup utilisé par les personnes handicapées, mais nous avons l'équipement et nous répondons à la demande.

De plus, pour les enfants de 8 à 11 ans, on a mis sur pied un processus qui sécurise les parents. Nous offrons d'autres produits spéciaux, dont les laissez-passer touristiques Route-Pass, qui permettent à une clientèle touristique nationale et internationale de se déplacer à volonté pour un prix fixe. Et sur le plan national, Autobus Maheux a également mis en place une «Econopass» pour permettre aux étudiants, surtout les étudiants du cégep, de l'Abitibi-Témiscamingue de voyager en région tout en bénéficiant d'un escompte de 50 p. 100. Le transport «par abonnement», comme on l'appelle au Québec, comprend tout ce qui n'est pas compris dans les autres permis, c'est-à-dire le transport minier, le transport à contrat privé, qu'on a surtout effectué pour des compagnies minières.

Actuellement, nous avons deux services sur ces permis: un avec une entreprise de forage où on transporte, à toutes les deux semaines, les foreurs de Val-d'Or jusqu'à Red Lake au nord-est de l'Ontario, tout près des frontières manitobaines; et au autre avec un organisme fédéral pour le transport d'Autochtones adultes de deux communautés amérindiennes ayant accès à la formation des adultes à Val-d'Or et à Amos.

Pour nous, adresser la question des transports par autocar sur l'angle strict de la nécessité ou non d'avoir une réglementation, c'est simpliste et inadéquat. Il faut savoir pourquoi la réglementation a été implantée et pourquoi elle doit demeurer ou non. S'il y a un questionnement gouvernemental sur le maintien ou non d'une structure réglementaire d'une activité économique, en l'occurrence, le transport, on doit conclure qu'il y a une volonté politique d'améliorer la situation dans ce domaine. Et je pense que c'est cette volonté que le ministre vous a chargé d'enquêter et d'en corriger les lacunes, s'il y en a. Nous tenons pour acquis qu'une réflexion d'une telle importance n'est pas uniquement un exercice de consultation pour trouver quelque part une raison de déréglementer, soit parce que c'est la mode ou parce qu'il y a un vent de libéralisme, ou parce qu'on l'a fait dans les secteurs du camionnage et de l'aviation ou, pire encore, parce qu'on l'a déjà fait ailleurs. Si pour de bonnes raisons, il est préférable de déréglementer, faisons-le. Sinon, maintenons la réglementation.

Pour ce qui est de l'aviation, on peut être certain d'une chose: l'expérience de l'aviation est tellement catastrophique, en particulier pour les régions, qu'il est invraisemblable que cela puisse servir d'exemple pour les autocars. Le défi consiste à identifier le problème ou encore à identifier parmi les problèmes soulevés celui qu'il faut avant tout résoudre, pour le plus grand bénéfice de la population. Si un ministre, quel qu'il soit, nous invite à nous questionner sur un sujet donné, c'est parce qu'en tant que ministre responsable, il veut résoudre le problème. Si l'État dit qu'il doit intervenir et que l'industrie est en déclin — ce qu'on peut croire en lisant des documents préparatoires — parce qu'il l'a constaté et que plusieurs s'en plaignent, cela se précise. On pourrait dire: enfin on va savoir quel est le problème. Cependant, l'entreprise en difficulté s'est-elle fait entendre? Existe-t-elle? Aussi, dans l'industrie, y a-t-il une association qui, plus qu'une autre, demande et surtout motive une déréglementation?

À Montréal, où j'ai pu assister à certaines audiences, les quatre associations canadiennes n'ont pas dit que la réglementation était bonne ou non. Ils n'ont surtout pas dit qu'elle devait tomber. Ils ont soulevé des problèmes. Si la réponse n'est pas claire à savoir si on déréglemente pour déréglementer ou s'il y a des problèmes, on peut se demander quel est le problème. Nos associations soulèvent des problèmes et suggèrent des interventions. Comme je suis impliqué dans une de ces associations, je vous confirme qu'Autobus Maheux y souscrit. Nous souhaitons vivement que le comité tienne compte des commentaires et recommandations des associations.

Ceci m'amène à vous parler des paradoxes. De façon plus particulière sur notre territoire et touchant spécifiquement notre entreprise et notre population, il est clair que sans «interfinancement» découlant de la réglementation ou sans éventuel financement direct, plusieurs territoires ou localités et leur population se retrouveraient sans service, sans mobilité ou encore en diminution de services ou avec une mobilité limitée.

Toutefois, ce qui est encore plus clair, c'est le constat que des situations régionales et des contextes semblables, certaines personnes ont accès à un service de transport interurbain ou même à un programme d'aide permettant d'en organiser un, et d'autres pas. Certains résidants n'ont même pas à se demander s'ils ont besoin d'un service, ils l'ont malgré eux, grâce à un organisme public qui donne le service interurbain alors que d'autres citoyens, dans un contexte semblable, n'ont même pas accès à une porte où frapper en espérant un quelconque service. Notre problématique en est une de principe de mobilité des citoyens canadiens. Voilà pourquoi nous parlons de paradoxe. Cette contradiction organisationnelle et structurelle ne permet pas à la population canadienne d'être traitée équitablement. Voilà, pour nous, un vrai problème pour le comité sénatorial et pour le ministre: l'inégalité dans l'accessibilité de la mobilité des citoyens du Canada. Bien sûr, on parle du transport en région.

Par définition, nous pouvons affirmer que le transport de personnes est un service public. Pour beaucoup de gens, il s'agit même d'un service essentiel. Pour ce qui est du transport par autobus interurbain, ce service essentiel est souvent assuré par le secteur privé et le seul critère pour que le secteur privé assure le service est la rentabilité.

Nous, «transporteurs privés du public» sommes paradoxalement mais particulièrement bien placés pour connaître les besoins de nos clients, leurs besoins essentiels de transport, leur isolement, leurs habitudes de déplacement et leurs craintes de ne plus pouvoir faire ces déplacements. En même temps, nous connaissons le risque que la population peut avoir de perdre un service à cause du manque de rentabilité ou à la suite d'une décision politique. Nous, transporteurs des régions, sommes des gens d'affaires, en principe avisés, qui souhaitons que l'entreprise prospère, qu'elle génère de bons salaires, de bons revenus et de bons rendements pour les propriétaires. En même temps, nous sommes citoyens de cette région. Nous utilisons nos propres services. Nous connaissons les gens presque individuellement; un oncle, un ami, un client ou un collègue de hockey. Nous sommes aussi cette population. Nous sommes un paradoxe car nous sommes déchirés entre le fait que nous croyons à l'entreprise privée, qui est la plus efficace pour donner un service, même public, mais le public a droit à un service dans une région même si elle est loin des grands centres.

Il est difficile de comprendre que dans un pays aussi magnifique et aussi bien coté mondialement, nous ayons deux et même trois catégories de citoyens par rapport à l'accessibilité à la mobilité. Il est peut-être vrai que certains pays ont pris le parti de la mobilité des personnes mais cela n'a pas été vérifié. Je fais allusion à certains pays européens, en particulier les pays nordiques, qui ont fait des choix et pris le parti de la mobilité des personnes en rendant inacceptable, voire même illégal, le fait que des personnes n'aient pas accès à un service de déplacement. Au Canada, on est bien loin du compte.

Je suis porté à faire un parallèle avec la santé et l'éducation. Au Canada, nous pouvons être fiers de notre système de santé. Toutefois, même s'il n'est pas sans connaître des soubresauts, il manque d'argent, semble-t-il. Il en requiert beaucoup. Le coût et l'engorgement des services de santé sont tels que plusieurs proposent l'utilisation de services privés. Malgré une hypothétique privatisation des soins de santé, peu de personnes sont disposées à abandonner le principe de l'universalité des soins de santé. Et avec raison.

Qu'en est-il alors de l'universalité de l'accès aux soins de santé? Les gens qui vivent en région, dans des villages, doivent trouver un ami, un cousin, un oncle, un frère pour les conduire au centre de santé le plus près ou pour prendre l'avion pour obtenir des soins spécialisés à Montréal.

Qu'en est-il de l'universalité de la mobilité des personnes au Canada? Quelle est l'opinion du comité du Sénat, l'opinion du ministre? Ce sont des questions que je pose, des questions importantes. Les réponses peuvent être complètement opposées, en étant soit une solution pour les régions ou une solution qui ne sert que la majorité.

C'est la même chose dans le domaine de l'éducation. Au Canada, l'éducation est obligatoire et les moyens sont pris pour que cette éducation soit dispensée partout. Au Québec, une province que nous connaissons davantage, chaque commission scolaire fournit le transport pour assurer l'accès à cette éducation obligatoire. Le transport n'est pas obligatoire légalement, mais toute commission scolaire ou toute école, même privée, serait bien malvenue d'interrompre l'accès à cette éducation en n'offrant plus le transport. C'est un choix. Même là, il y a des lacunes. Il y a beaucoup de jeunes de 16 ou 17 ans qui n'ont pas accès à un service de transport.

En matière de transport public, c'est un choix qui a un prix, nous en convenons. Le gouvernement fédéral est-il prêt à mettre un prix pour corriger les iniquités? Indépendamment du prix à payer, le législateur doit au moins, il nous semble, se demander: «Dans ce pays où je légifère et dont le transport relève de ma compétence — et que je partage avec les provinces — comment se fait-il qu'il y a des régions où la population n'a pas accès à un programme d'aide minimale permettant le déploiement d'un service de mobilité? Comment se fait-il que la mobilité des personnes soit différente d'un endroit à l'autre? Comment expliquer que le transport interurbain au Canada soit devenu l'une ou l'autre des réalités suivantes: premièrement, dans certaines provinces, le service est opéré par le secteur privé sans aide financière — et là je parle toujours de transport interurbain. Deuxièmement, dans une même province, le service est soit offert par le secteur privé sans interfinancement et sans aide financière ou bien il est opéré par le secteur privé avec interfinancement sans aide financière, ou encore le service est offert par la société publique, donc avec de l'aide financière, et opéré par le secteur privé.

Dans une autre province, le service est soit opéré par le privé, sans financement ou interfinancement, ou bien il est offert et opéré par une société publique. Dans la plupart des provinces, des services sont abandonnés faute de programmes d'aide et dans certains cas, faute de clientèle.

C'est le chemin de fer qui a permis de rassembler toutes les terres en un seul pays, le Canada. Le chemin de fer a été une force économique et de développement technologique de l'époque pour permettre la mobilité des biens et des personnes. Il y avait un objectif, il y avait un esprit, il y avait une philosophie.

Aujourd'hui, les moyens se sont diversifiés, mais une chose demeure, on a besoin de se déplacer. Les moyens de déplacement se sont beaucoup développés parce que la population canadienne accorde beaucoup d'importance à la mobilité, à la sécurité et au confort. La mobilité au Canada est plus importante que jamais. En matière de mobilité des personnes, le Canada a-t-il encore un système fiable de péréquation ou s'il n'en a que pour la majorité? Pendant qu'on tente de convaincre que la déréglementation du transport aérien est un succès alors qu'il y a peu de concurrence, les prix des billets d'avion sont exorbitants: 600 $ ou 1 000 $ pour aller travailler ou se faire soigner pour la minorité en Abitibi-Témiscamingue: le billet Abitibi-Montréal coûte 600 $ et le billet pour Québec en coûte 1 000.

Le transcontinental dont on parlait tantôt, c'est l'image du lien qui a uni de le Canada. C'est aussi sur ce tronçon, que lorsque les villes étaient pauvres, lorsqu'on avait une crise, lorsque la masse des gens dans les villes avaient de la difficulté, on a décidé de profiter de ce tronçon pour occuper le territoire, de carrément donner des terres et de dire aux gens: «Allez habiter ce territoire, nous allons vous aider dans les services publics.»

Il y a eu un mouvement de masse. Lorsque les grandes villes vont bien, quelle est la préoccupation qui prédomine? Les régions, qui s'en soucie? La minorité est là et aujourd'hui, c'est une minorité qui est née sur place, qui tient à son territoire et qui est tout à fait consciente que les métaux, le bois, l'agriculture, toutes ses ressources naturelles s'en vont dans les grands centres. C'est sûr qu'en termes de produit intérieur brut régional, il n'y a pas de retour en services publics suffisants et équivalents.

Pendant que tous ces moyens sophistiqués se développent, le transcontinental, qui passait ici en Abitibi, à Senneterre, à Amos, à Tachereau, à LaSarre, à Dupuis et qui s'en va vers l'ouest, est disparu. Les services interurbains par autobus ont aussi beaucoup diminué.

Dans le secteur de La Sarre, il y a près d'une trentaine de localités, soit une population d'environ 30 000 personnes, et la même chose à Amos. Cette région compte 145 000 de population et l'accessibilité à la mobilité est loin d'être représentative.

Que doit faire le Canada en matière de transport interurbain? La première chose qu'on suggère, c'est que le gouvernement canadien fasse le choix d'assurer la mobilité des personnes au pays et qu'il prenne les mesures qui s'imposent pour le faire. Pour assurer la mobilité, il faut affirmer ce choix et donner des outils et des devoirs au milieu. C'est le cri du coeur que je voulais vous transmettre aujourd'hui.

Le Canada doit faire ce choix. Si le gouvernement devait faire passer ce choix par l'abandon de la réglementation, cela serait possible. Par contre, cette mobilité ne serait alors disponible que pour la majorité. C'est exactement le contraire de ce que les gens en région croient, c'est-à-dire que le Canada est un système de péréquation servant les minorités.

Tout geste d'abandon de la réglementation est un peu un geste d'abandon des régions, à ce niveau. Si c'est le choix du gouvernement canadien de laisser tomber la réglementation, cela ne peut pas être un geste canadien, à moins qu'il soit accompagné, de façon minimale, de mesures franches et immédiates permettant à des populations d'être toujours, et voire même à nouveau, desservies par le transporteur en place ou par tout autre transporteur. On veut contribuer, aussi, à ce service.

Je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente: Merci, monsieur Maheux. Dans un système réglementé, comment pourrions-nous offrir des services là où il n'en existe pas présentement?

M. Maheux: Répondre à votre question demande qu'on puisse déterminer qu'il y a un nombre minimal de passagers pour offrir un service au public. On n'opérera pas un autobus de 45 ou 56 passagers dans un endroit où il n'y a plus de service et où personne ne s'engage à l'utiliser. Il n'y a pas de chiffre magique. On a été obligé d'abandonner Rouyn- Noranda-Kirkland Lake, puisqu'on on opérait ce corridor de façon déficitaire avec une moyenne de moins de deux passagers par jour. On a abandonné le trajet La Sarre-Amos l'an passé avec une moyenne de 2,1 passagers par jour.

On dessert actuellement Matagami avec à peu près les mêmes moyennes quotidiennement, c'est-à-dire autour de trois passagers. L'ensemble de l'opération de ce réseau doit être rentable pour nous, mais ce n'est pas sans sacrifices. Nous trouvons cela difficile d'abandonner un service. Par contre, il est impensable dans notre conception des choses d'opérer un système avec peu de passagers mais dont les gens auraient quand même besoin, alors qu'à côté de ce tronçon, une société publique de l'Ontario opère un système offrant tous ces services et coûtant, de toute façon, une somme importante à l'état ontarien. C'est la même chose en Saskatchewan: le service d'autocars interurbain à l'intérieur de cette province est un service public.

Je me suis égaré mais je reviens à la question. Comment donner un service là où il n'y en a plus? Il faut d'abord avoir des gens qui ont besoin de ce service et des gens qui sont intéressés à le donner.

Lorsqu'elle est passée à Montréal, Mme Mitchell, de Solidarité rurale, a soulevé à juste titre que la mobilité des personnes ne dépend pas nécessairement que du service par autobus.

Je ne prêche pas pour ma paroisse en disant cela, mais c'est quand même la réalité. Elle a mentionné autre chose qu'on vit quotidiennement. Malgré le manque de services, c'est tout à fait vrai qu'à certains endroits, le transport adapté offrira un service par appel, c'est-à-dire qu'un taxi ira sur un budget de transports de la Régie de la santé et qu'un transport scolaire passera.

Autrement dit, ce n'est pas qu'il n'y a pas d'argent qui circule, mais l'argent n'est pas canalisé. Le service de taxi pourrait assurer un service minimal dans un secteur donné, même si ce n'est qu'à une dizaine de personnes.

Par contre, si ces gens n'ont pas les moyens de se payer un taxi, quelle est la solution? Quelle est la solution lorsqu'on parle de faire du taxi sur 50 kilomètres? C'est un peu comme l'exemple des sociétés publiques de transport par autobus. Dans le document, je faisais allusion à un autre exemple au Québec. Les usagers qui veulent rentrer à Montréal et qui demeurent à Joliette ou dans les paroisses environnantes doivent faire de l'interurbain. Ils passent d'une ville à une autre ville pour se rendre au travail. Ce service est opéré par le secteur privé, mais il existe à l'intérieur d'un programme d'aide. C'est le même programme d'aide qui permet à la ville de Rouyn-Noranda de donner un service public de transports en commun et de le faire opérer de façon privée. Les municipalités sont obligées, dans ce programme, de faire appel au secteur privé pour opérer le service.

Il y a des situations, des aberrations, qui font que des municipalités non identifiées — sur le tronçon bleu ici — telle que la ville de Taschereau et plusieurs autres villes n'ont plus de services. On parle de municipalités de 2 000 habitants et les autres sont plus petites.

Dans les régions, la différence entre opérer une ligne pour qu'elle se supporte elle-même ou l'aider pour qu'elle puisse au moins s'autofinancer n'est jamais une histoire de millions. Tous les gouvernements provinciaux ont des programmes d'aide aux sociétés de transport public, et surtout, de transport urbain. Cela coûterait quelques millions pour soutenir des réseaux en région.

La présidente: Seriez-vous d'accord pour que d'autres puissent essayer, sur les routes que vous avez abandonnées ou que vous avez laissé tomber, de nouveaux services? Est-ce que vous vous objecteriez à une application ou demande faite par d'autres pour une demande de nouveaux services?

M. Maheux: Même si on abandonne un service, on aurait préféré continuer à le fournir. Il faut prévoir d'autres solutions. Prenons comme exemple notre service Rouyn-Noranda-Kirkland Lake. Il y avait un transporteur ontarien qui faisait qui faisait Virginia Town et Kirkland Lake avec un véhicule de type scolaire. Ce transporteur avait arrêté ce service pendant plusieurs années. Quand nous avons, à notre tour, discontinué le service, il a recommencé à le donner. Il a du l'abandonner de nouveau parce que nous avons tous le même problème.

Pour assurer le service, la différence entre le revenu provenant de la clientèle et le coût d'opération des véhicules de d'autres catégories n'est pas grande.

Il y a un élément important qui me dérange quand on parle de régions rurales, donc de densité de population plus faible. Les gens qui ont parlé avant moi ont mentionné que les régions ne devraient pas être l'exception. Ces dernières années, la population en région a beaucoup diminué, et les gens sont donc moins nombreux à utiliser un service de transport en commun. Parce qu'ils sont moins nombreux et un peu isolés, on a parfois l'impression qu'on peut leur demander de voyager «n'importe comment». Je fais attention à ce que je dis, mais je ne suis pas d'accord de demander aux gens qui ont une mobilité réduite, qui doivent aller chez le médecin, qui sont avancés en âge, de s'asseoir dans un autobus scolaire pour faire 35 kilomètres. Je suis très fier de mes autobus scolaires, ils sont très confortables, mais ce sont quand même des autobus scolaires. Lorsqu'on a 10 kilomètres à faire, cela peut aller, mais quand on doit aller plus loin, ce n'est pas évident. Si on ne veut pas que le service diminue encore plus, il va bien falloir offrir plus de confort aux clients.

La présidente: Un phénomène nous a surpris à cause de son ampleur: c'est le phénomène des enfants qui voyagent seuls. On en a parlé à Montréal. Est-ce que vous connaissez le même phénomène dans votre région où des enfants qui auraient, par exemple, un père en Abitibi et une mère à Montréal, voyageraient seuls?

M. Maheux: Oui. C'est pour cela qu'on a développé le système d'identification de la personne qui confie l'enfant et de celle qui le récupère à l'autre bout. Je n'ai pas les statistiques pour toutes les villes. Je sais qu'à Rouyn-Noranda, dans la dernière année, 232 accompagnements d'enfants voyageant seuls ont été effectués dans le groupe des 8 à 11 ans. Il y en a probablement autant dans la catégorie des 12 à 14 ans, mais je parle de ceux pour lesquels on complète un formulaire pour l'accompagnement. Donc, 232 enfants, juste à Rouyn-Noranda. Cela doit être sensiblement le même nombre à Val-d'Or, de même que dans la catégorie d'âge un peu plus élevée. Les enfants plus âgés demandent quand même un coup d'oeil particulier de la part du chauffeur. Même s'il n'ont pas de formulaire d'enfant voyageant seul, les jeunes adolescents seront invités à s'asseoir en avant, pour être plus près du chauffeur.

La présidente: Est-ce que vous transportez des colis? Il y a des endroits où on dit que le fait de transporter des colis peut aider au financement de la compagnie et aider à donner plus de services.

M. Maheux: Oui, nous transportons des colis. Dans le réseau interurbain, chez nous, c'est d'ailleurs un apport plus qu'important. Cela comprend un pourcentage important de nos opérations. J'ai partagé cela avec quelques transporteurs. Si le sujet est soulevé comme étant un élément de solution pour permettre à des services de transport de personnes de perdurer, cela pose problème.

La présidente: C'est informatif.

M. Maheux: Je sais que cette question a été soulevée dans les documents préparatoires. Pour nous, c'est un élément chatouilleux et je vais vous expliquer pourquoi. En 1987, le gouvernement canadien a choisi de déréglementer le transport des marchandises au Canada. Le gouvernement a dit qu'il ne s'occupait plus de la question des paquets et de la messagerie et qu'il déréglementait. Si aujourd'hui, dans un marché de milliards de dollars, l'autocar réussit à aller chercher quelques grenailles — je pense qu'au Québec c'est environ 2 p. 100 du volume de colis — tant mieux. Mais si on fait du service de colis dans une région comme la nôtre, c'est parce qu'on a réussi à déjouer les concurrents et à aller chercher ces revenus. Il ne faudrait surtout pas sous-entendre que ces revenus sont une solution pour supporter le transport de personnes. Aujourd'hui, en Abitibi-Témiscamingue — c'est gros ce que je dis là, je ne voudrais surtout pas faire la manchette demain matin dans un hebdo régional —, on peut dire que les revenus de colis sont suffisamment importants pour faire la différence entre l'abandon de d'autres services ou pas. C'est clair. Le service de colis est un domaine très compétitif et on en fait partie.

[Traduction]

Le sénateur Oliver: Vous avez parlé de subventions et d'interfinancement. Vous avez indiqué ne pas pouvoir poursuivre vos activités sans interfinancement et sans subventionnement. Je suppose que lorsque vous offrez une liaison Waswanipi-Chapais-Chibougamau, elle ne vous rapporterait rien s'il n'y avait pas cet interfinancement et ce subventionnement; c'est bien ça?

[Français]

M. Maheux: Je suis content de votre question parce qu'elle me permettra de faire des précisions. Je vous ai donné l'exemple de la ligne Val-d'Or-Chibougameau. Nous l'avons obtenue deux ans après avoir obtenu l'ensemble du réseau. Cette ligne ne fait pas partie de l'entente selon laquelle on doit opérer même si c'est déficitaire. À titre d'information, la ligne Val-d'Or-Chibougameau, aller-retour, une fois par jour, est la seule ligne dite régionale, autre que celle de Montréal. C'est la seule ligne de notre réseau qui s'autofinance. Elle est rentable, elle se supporte elle- même. Si, effectivement, il n'y a pas d'interfinancement possible, nous ne pouvons faire autrement que de remettre en cause les lignes déficitaires ou en tout cas, une partie de celles-ci, soit en diminuant la fréquence des trajets, soit en abandonnant la ligne complètement. C'est clair.

Vous avez entendu M. Brunet du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue qui, à la réunion du conseil à laquelle j'ai assisté, faisait une observation concernant Autobus Maheux et concernant la possible déréglementation et le possible abandon de services. Il disait: «Que la réglementation soit maintenue ou non, chez Autobus Maheux, ils sont passablement aguerris et ils prendront, le moment venu, les décisions qui s'imposent pour passer à travers.» Il avait raison. Je m'explique.

Si les permis continuent à être réglementés et que «l'interfinancement» demeure, on s'accommodera avec quelque chose qui ressemble à ce qu'on fait aujourd'hui. À la limite, il faut que ce soit globalement rentable. Ceci nous oblige, à l'occasion, de couper certains services sur des lignes très peu achalandées.

Si, à l'inverse, il y a déréglementation, ce n'est pas Autobus Maheux qui en souffrira le plus; je ne suis pas ici pour vous dire qu'on fera pitié en tant que transporteur s'il y a une déréglementation. S'il y a une déréglementation, on pense qu'il y a des transporteurs dans le bas de la province qui, demain matin, seront intéressés à faire le transport en Abitibi- Témiscamingue sur la ligne principale.

On répond à cela en demandant qui est mieux placé que nous pour faire la concurrence sur cette ligne, puisque c'est nous qui avons les terminus en région. Peut-être qu'au lieu de faire le trajet vers Montréal trois fois par jour, on le ferait seulement deux fois. J'opérerais peut-être seulement une ligne avec deux fréquences au lieu de trois, puis je ne perdrais probablement pas tant de clientèle que cela parce que les gens encouragent notre entreprise régionale. Pour ce qui est des autres lignes régionales, ce n'est pas grave. L'entreprise peut être tricotée serré avec sa population — comme nous le sommes — ou elle peut ne pas l'être du tout, mais elle fera toujours des choix qui feront en sorte qu'elle s'en sortira le mieux possible. Ce n'est pas la même chose en ce qui a trait à la population.

[Traduction]

Le sénateur Oliver: Ma dernière question concerne la concurrence. L'été, il doit y avoir beaucoup de gens souhaitant prendre un autocar nolisé ou un autocar de tourisme qui suit nombre de ces itinéraires. Est-il difficile aux autres compagnies d'offrir ce genre de service?

[Français]

M. Maheux: La clientèle des voyages nolisés chez Autobus Maheux est uniquement une clientèle de l'Abitibi- Témiscamingue. Autrement dit, notre entreprise ne fait pas ce que nos collègues font en grand nombre dans le bas de la province, à Ottawa, Hull, Montréal, Toronto et partout ailleurs. On ne fait pas du service réceptif, des Français, des Espagnols, des Japonais, des Allemands et tout cela. On a un gros volume de transport nolisé, mais il s'agit exclusivement de gens de l'Abitibi-Témiscamingue qui sortent de la région pour une activité particulière.

Comme je le mentionne dans le texte, les équipes sportives, surtout les équipes de hockey, utilisent nos services, que ce soit les équipes de juniors ou majeures. La clientèle autochtone, les personnes préretraitées et de l'âge d'or en excursion à l'extérieur de la région, les tournées aux cabanes à sucre et diverses autres tournées ont augmenté notre achalandage. On offre les destinations comme Vancouver, Halifax, Nouveau-Brunswick, New York ou Nashville aussi, mais ce sont des gens de l'Abitibi-Témiscamingue qui utilisent ces services. Cela représente et occupe chez nous l'utilisation de trois ou quatre autocars. La difficulté est toujours la même: une fin de semaine, on a besoin de huit autocars et la fin de semaine suivante, trois autocars restent dans la cour, et ainsi de suite.

Cela m'amène à parler de la déréglementation dans le transport nolisé. L'industrie québécoise, l'APAQ, a pris, il y a plusieurs années, une certaine décision. On en a convenu qu'on était capable de vivre avec une déréglementation dans le transport nolisé en région, mais que ce n'était pas la situation idéale. On peut avoir de la concurrence dans une région. Je suis un transporteur à Rouyn-Noranda et j'ai décidé d'avoir un autocar. Mon collègue de Val-d'Or, qui a lui aussi des autobus scolaires, a décidé d'avoir son autocar et c'est la même chose pour mon collègue qui a des autobus scolaires à Amos.

Assurément, il y a une question de masse critique et de marché, et la population est moins bien servie par trois transporteurs d'une seule compagnie, que par un transporteur de trois compagnies différentes. Pour être efficace, je ne dis pas que cela ne prend pas de concurrence, au contraire, parce que la concurrence nous tient alertes, mais il y a aussi une question de marché, et cela prend un minimum de marché. Ce qu'il y a de merveilleux dans le processus de la réglementation, c'est qu'elle assure des volumes d'affaire à des entreprises pour permettre de donner un service de qualité.

Le sénateur LaPierre: Nous avez-vous dit que le trajet de Val-d'Or à Chibougameau est payant?

M. Maheux: C'est rentable.

Le sénateur LaPierre: Vous avez deux routes rentables sur lesquelles vous avez un monopole?

M. Maheux: Oui.

Le sénateur LaPierre: Vous avez un monopole entre Val-d'Or et Montréal et en raison de ce monopole, vous devez desservir d'autres régions moins rentables n'est-ce pas?

M. Maheux: C'est exact, mais j'apporterais une petite nuance. Le trajet Val-d'Or-Chibougameau est rentable, un point c'est tout. Le trajet Rouyn-Noranda-Montréal est rentable et finance tous les autres. Le trajet Val-d'Or- Chibougameau ne finance rien d'autre, il se suffit à lui-même.

Le sénateur LaPierre: L'entreprise privée est censée être une entreprise privée. Si l'État s'occupe de toutes les éventualités et des difficultés de l'entreprise privée, l'État est aussi bien de le faire lui-même. Je vais vous poser deux questions qui m'impatientent énormément. Recevez-vous vos permis du gouvernement provincial?

M. Maheux: Oui.

Le sénateur LaPierre: Alors votre dialogue devrait être tenu avec le gouvernement provincial, et pas avec nous. Ces problèmes régionaux de transport ne devraient-ils pas découler de la province de Québec ou des autres provinces, et non du gouvernement fédéral? Pourquoi le gouvernement fédéral se mêlerait-il de ces affaires?

M. Maheux: Je suis content que vous finissiez votre question par ces mots, parce que dans une région comme la nôtre, un transporteur avait, dans un temps pas si lointain, décidé de ne garder que la ligne payante qui finance les autres et d'abandonner les lignes déficitaires, parce qu'il avait justement l'intention d'ignorer «l'interfinancement» et de garder seulement ce qui était profitable. Lorsque, dans une région comme la nôtre, les entreprises et le conseil régional de développement constatent que le gouvernement fédéral questionne une réglementation qui nous permet d'avoir des services dans des localités, notre réaction est de nous demander ce que le gouvernement fédéral questionner qui pourra nous affecter. Toutefois, je suis d'accord avec vous, c'est avec le gouvernement provincial qu'on transige. Le gouvernement provincial émet les permis et c'est avec lui qu'on gère la question de la sécurité. Mais le gouvernement fédéral, à moins que je sois un ignare, chapeaute le domaine du transport. Le transport relève du gouvernement fédéral, et il laisse les provinces gérer les permis et les détails techniques dans chaque province.

Le sénateur LaPierre: D'un autre côté, nous avons un système d'éducation dans lequel le gouvernement fédéral met beaucoup d'argent à tous les niveaux. Il est géré par les provinces, et le gouvernement fédéral ne dit pas aux provinces: «Vous allez enseigner l'histoire du Canada à partir de la deuxième année jusqu'à la dixième année.» Il m'apparaît évident que nous pouvons recommander au gouvernement fédéral de se mêler de ses affaires. Que toute l'affaire du transport interurbain relève des provinces et qu'elles s'arrangent avec cela. Le gouvernement fédéral ne s'en occupera pas du tout, à moins de créer un réseau national.

M. Maheux: Le gouvernement fédéral ne peut pas décider d'envisager l'éventualité de déréglementer, et donc, de laisser le libre-échange décider que des populations rurales n'auront plus de service en disant que cela ne le regarde pas.

Le sénateur LaPierre: Le problème, c'est que cela coûtera de l'argent. Si on veut que le gouvernement fédéral s'en mêle, il faudra qu'il paie un montant d'argent pour créer un réseau national. S'il crée un tel réseau, il devra avoir des ententes avec les gouvernements provinciaux pour déterminer plusieurs choses. Lorsqu'on a des juridictions conjointes, c'est toujours la bagarre et les personnes qui en souffrent le plus, ce sont les contribuables.

Les sénateurs ne prennent pas l'autobus. Le gouvernement fédéral ne prend pas l'autobus. On l'a fait pour aller à Montréal, oui, et ce sera probablement la seule fois qu'on l'aura fait dans notre vie. Je pense à cela sérieusement et je me demande qui devrait réglementer? Qui devrait avoir l'autorité? Comment créer un réseau national à partir des autorités provinciales? C'est là le défi de la Confédération et du fédéralisme.

Il serait peut-être intéressant que les gens qui prennent l'autobus dans les régions rurales puissent déduire de leurs revenus les coûts de transport qu'ils doivent défrayer. À Montréal, on n'a pas besoin de cela parce qu'il y a le métro. Combien coûte le billet pour aller de Val d'Or à Chibougamau?

M. Maheux: Entre 40 et 50 dollars.

Le sénateur LaPierre: La personne qui le fait deux ou trois fois par mois, disons 16 fois par année, pourrait déduire ces coûts de ses revenus. Cela vous aiderait?

M. Maheux: Certainement. Toute mesure qui pourrait inciter les gens à utiliser le transport par autobus est intéressante.

Le sénateur LaPierre: Mais d'un autre côté, on ne peut pas forcer. «You can lead a horse to water, but you cannot make him drink.» C'est la même chose avec les gens qui ont décidé qu'ils n'utiliseraient pas votre service.

M. Maheux: Ce n'est pas que les gens n'utilisent pas le service. Lorsqu'on regarde une MRC comme en Abitibi- Ouest, avec près de 30 000 habitants, ils utilisent le service. Pour rentabiliser un service, il faut des clients. Ce qui m'irrite, c'est qu'on pense que, parce qu'il est question d'argent, il ne faudrait pas que le gouvernement fédéral s'en mêle. D'un autre côté, on verse combien de millions à VIA Rail pour s'être retiré de l'Abitibi, qui donne un service dont les revenus de la clientèle ne représentent même pas 50 p. 100 du coût d'opération?

Le sénateur LaPierre: Je n'ai pas de problème avec cela.

M. Maheux: C'est deux poids deux mesures.

Le sénateur LaPierre: Je crois que la mobilité des gens est un droit fondamental. C'est dans la Charte. C'est soit à l'État fédéral, à l'État provincial ou à l'État régional de déterminer comment réaliser ce droit des citoyens. À toutes les fois que trop de personnes se mêlent des problèmes, il y a des conflits juridictionnels et les gens en souffrent.

M. Maheux: Je suis d'accord. Si on veut éviter des conflits juridictionnels entre les provinces et le Canada, le jour où on prendra une décision sur la réglementation du transport par autocar au Canada, on prendra également une décision sur la qualité des services dans les petites municipalités au Canada. Le Canada ne peut pas être sourd à cela.

Le sénateur LaPierre: Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Biron: Votre territoire est réglementé. Est-ce que vos tarifs, tant pour le service régulier que pour le service nolisé, sont réglementés? Est-ce que vos tarifs sont fixés?

M. Maheux: Au Québec, nous relevons de la Commission des transports du Québec. Tous les transporteurs par autobus du Québec, que ce soit dans le secteur interurbain ou dans le secteur nolisé, ont le même exercice à faire lorsqu'ils veulent faire une modification de tarifs. Ils doivent faire un dépôt de tarifs auprès de la Commission des transports du Québec qui, elle, a le pouvoir de dire si cela a du bon sens ou non. Si on exagère, on se le fait dire, mais habituellement, on suit le coût de la vie.

D'ailleurs, vous verrez que nous avons inclus une grille de tarifs dans la trousse. J'aimerais attirer votre attention sur quelques éléments de ce document. Vous y trouverez des exemples. Le premier, c'est notre route principale, Rouyn- Noranda-Montréal. La deuxième colonne donne le prix, avant les taxes, tel qu'il paraît dans les répertoires. La troisième colonne donne le kilométrage, c'est-à-dire la distance entre le point d'origine et le point de destination, et la dernière colonne, la plus intéressante à mon point de vue, donne le tarif au kilomètre.

Comment se traduit le tarif au kilomètre pour le client qui utilise l'autobus? Il y a un principe logique qu'il est important de connaître. Si un client prend l'autobus pour faire seulement 30 kilomètres, c'est certain que le prix au kilomètre sera beaucoup plus élevé. Il faut demander un tarif minimum, ne serait-ce que pour l'impression du billet. Lorsque le client monte dans l'autocar, cela coûte au moins quatre dollars en partant et c'est régressif. Lorsque la distance est assez longue, par exemple 100 ou 200 kilomètres, on commence à avoir des points de comparaison.

Nous avons ensuite les trajets Winnipeg-Regina, Calgary-Edmonton, Penticton-Vancouver. Regardons la dernière colonne. Les tarifs au kilomètre augmentent. On voit que pour l'avant dernier, Rouyn-Noranda-La Sarre, le taux est très élevé, mais on parle d'une distance de seulement 87 kilomètres. Pour une distance courte, il est certain que le coût va être plus élevé. Cela ne coûte que 14 dollars pour faire 90 kilomètres. Ce n'est pas nécessairement très dispendieux, mais au kilomètre, il est certain que c'est plus élevé.

Je veux attirer votre attention sur le dernier élément. Le Montréal-New York qui est un service en concurrence entre Greyhound et Adirondak. Aux États-Unis, le transport par autocar est déréglementé. Cela a permis à Adirondak de rentrer sur cette ligne. M. Jean Blais, un agent du ministère des Transports du Québec, a fait certaines études, et il a constaté qu'aux États-Unis, on a déréglementé le transport par autobus, et outre le fait que certaines régions et dans certains États ont perdu des services, le prix, lui, n'a pas baissé.

Aux États-Unis, le prix n'a pas baissé malgré la concurrence. Aujourd'hui, avec un million de dollars, on ne peut pas même acheter deux autocars parce qu'ils coûtent 550 000 dollars chacun.

Cela démontre bien que la concurrence n'a pas permis de diminuer les prix. Les compagnies de transport essaient d'être concurrentielles dans le but d'augmenter leur clientèle. Au niveau de nos coûts d'opération et du prix demandé à la clientèle, cela nous permet de nous comparer avantageusement avec l'ensemble du réseau au Canada.

Le sénateur Biron: S'il y a Greyhound et Adirondak pour le même nombre de clients, ils chargent 17 cents. Cela se résume-t-il à 8,5 cents par compagnie, étant donné qu'elles sont deux?

M. Maheux: Oui, le revenu par client est vraiment partagé. Vous avez raison. Auraient-ils deux fois plus de clients s'ils étaient seuls? Le prix baisserait peut-être. On vit tout un dilemme. En Abitibi-Témiscamingue, il n'y a pas si longtemps, on prenait l'avion et on payait assez cher un billet pour se rendre à Québec ou à Montréal. On ne s'imaginait pas que le prix augmenterait, mais aujourd'hui les services sont réduits et les prix sont exorbitants.

Qu'a permis la réglementation dans le secteur de l'aviation? Elle a permis que dans le corridor Montréal-Toronto, des compagnies puissent se concurrencer avec un prix aussi bas que 159,95 $ tandis que les gens de l'Abitibi- Témiscamingue payent encore 1 000 $ pour aller travailler à Québec. C'est ridicule.

La présidente: Nous n'en sommes pas encore aux solutions.

M. Maheux: Je comprends.

La présidente: Les membres du comité ont apprécié votre présentation et vous remercient pour les réponses que vous avez apportées à leurs questions.

Sénateurs, la prochaine réunion aura lieu le mercredi, 1er mai 2002, à 17 h 30. Elle sera présidée par le sénateur Oliver car je dois me rendre en France.

La séance est levée.


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