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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 28 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 1er mai 2002

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 17 h 36 pour examiner les enjeux stratégiques touchant l'industrie du transport interurbain par autocar.

Le sénateur Donald H. Oliver (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue à M. Blair et à M. Saul à cette réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous poursuivons ce soir notre étude sur l'industrie du transport interurbain par autocar au Canada.

En mai 2001, le ministre des Transports, l'honorable David Collenette, a demandé à notre comité d'examiner les conditions changeantes des industries de transport par autocar extraprovinciales et interurbaines. Les industries extraprovinciales incluent l'industrie intraprovinciale et internationale. Il nous a présenté cette demande parce qu'il a remarqué que la clientèle du transport par autocar est en diminution constante depuis de nombreuses années et que ce déclin dans l'industrie pourrait signifier une diminution du service et partant des choix moindres pour les voyageurs.

Quiconque a examiné les lois provinciales et fédérales, comme l'ont fait je sais les deux témoins de ce soir, peut rapidement en venir à la conclusion que l'ensemble de règlements disparates que nous avons au Canada fait obstacle à l'industrie. Nous avons trop de lois et de règlements différents dans trop de compétences.

En septembre, le Sénat a autorisé ce comité à entreprendre une étude et à faire rapport au plus tard en décembre 2002. Cet après-midi le Sénat a adopté notre budget pour que nous terminions notre étude. Nous avons entrepris nos travaux l'année dernière et nous avons entendu des témoins d'Ottawa, de Montréal, de Halifax, de Vancouver, de Calgary et de Toronto.

Ce soir, nous accueillons la Canadian Transport Lawyers Association, un organisme national d'avocats qui travaillent dans le domaine des transports, y compris le transport par autocar. En me préparant à la séance de ce soir, j'ai remarqué qu'un des nombreux comités de l'association s'occupe précisément des questions de transport par autocar. Ce soir nous avons beaucoup de chance, honorables sénateurs. Nous pourrons en apprendre davantage sur le fonctionnement de la réglementation économique sur le terrain ainsi que sur les répercussions de ce régime tant sur le service que sur la clientèle.

Presque tous les témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant, abordent la question de savoir ce qu'est la réglementation économique et son fonctionnement. Qui est en faveur de la déréglementation et qui est contre? Nous avons entendu des arguments solides de part et d'autre jusqu'à maintenant. Les transporteurs actuels penchent en général du côté du statu quo. Ceux qui sont favorables à la déréglementation sont des entreprises qui voudraient prendre pied sur le marché ou offrir de nouveaux services à des prix concurrentiels. Parmi ceux qui y sont favorables se rangent aussi certains utilisateurs qui ne croient pas que le système actuel offre ou protège le service qu'ils aimeraient avoir ainsi que ceux qui sont idéologiquement favorables à une intervention moindre des gouvernements.

Je ne sais pas où aboutira cette étude du comité du Sénat. Il est difficile de fournir une évaluation définitive. Cependant, il est certain que la plupart des économistes estimeraient que l'efficience découlant de la déréglementation comporterait vraisemblablement des avantages pour la société. J'espère que les témoins de ce soir, outre qu'ils feront des observations sur la sécurité et d'autres sujets, aborderont cette question pour que nous puissions ainsi profiter de leurs sages conseils.

M. Dean Saul, avocat, Canadian Transport Lawyers Association: Honorables sénateurs, je travaille au sein du cabinet juridique Gowling Lafleur Henderson de Toronto. M. Blair quant à lui est membre du cabinet Gagné Letarte de Québec. Nous sommes deux des quatre membres du Comité du transport par autocar de la Canadian Transport Lawyers Association. On nous a confié la responsabilité d'apporter à ce comité le mémoire de l'association.

Comme je l'ai indiqué au début, nous n'apportons pas de mémoire en ce qui concerne la question précise de la réglementation ou de la déréglementation économique. Pendant les discussions qui ont porté sur la déréglementation du camionnage, nous avons fait un certain nombre de présentations, mais aucun d'entre elles n'était favorable à la réglementation économique comme système supérieur. Nous avons insisté sur la sécurité comme question principale et sur l'harmonisation comme autre sujet. Nous ne sommes pas ici pour dire que nous sommes favorables à la réglementation du transport par autocar pas plus que pour dire que l'industrie devrait être déréglementée. Cependant, nous aimerions faire certaines observations.

D'entrée de jeu, j'ai deux choses à dire. Premièrement, vous avez le mémoire que nous avons présenté au comité et je n'ai pas l'intention d'y revenir. Je suppose qu'il a été lu. Pour économiser du temps, nous allons répondre à certaines questions dans leurs grandes lignes, si vous le voulez bien. M. Blair et moi avons eu l'occasion de jeter un coup d'oeil rapide sur la liste des questions. Nous sommes prêts à traiter de certaines d'entre elles dans nos observations et nous serions enchantés de pouvoir toutes les aborder, si le temps le permet.

Collectivement, les membres de notre groupe possèdent une expérience très vaste de la réglementation du transport par autobus, autocar et camion dans toutes les provinces canadiennes, du rôle du gouvernement fédéral et du programme de déréglementation des États-Unis. On peut dire que notre expérience est très terre-à-terre: participation aux audiences, participation avec les fonctionnaires de divers ministères et avec les membres des commissions de transport. Nous espérons pouvoir vous être de quelque utilité dans vos délibérations.

Je vais discuter de l'industrie du transport par autocar, en séparant cette question en trois ou quatre éléments, et, en l'espace de très peu de temps, je vous dirai où j'estime qu'elle se situe tant d'un point de vue réglementaire que non réglementaire. Comme je compte plus de cheveux gris que mon collègue, je peux dire que mon expérience remonte à plus loin que la sienne. Je me souviens effectivement de la réglementation du temps où il s'agissait véritablement d'une réglementation.

L'industrie du transport par autobus scolaire est une industrie d'envergure au Canada dont une grande partie relève du domaine public, puisque les commissions scolaires gèrent elles-mêmes les autobus scolaires. Là où cette industrie relève du secteur privé, on peut dire qu'aucune des commissions provinciales n'assure de réglementation. L'Ontario est un bon exemple de la situation canadienne, puisque toutes les commissions scolaires procèdent par appel d'offres dans ce domaine. Toute personne qui désire présenter une offre pour obtenir un contrat est libre de le faire. L'offre comprend le matériel, les conducteurs, les programmes d'entretien et de sécurité et les tarifs.

Il appartient aux commissions scolaires de déterminer la durée et de désigner l'attributaire du marché. Une fois la décision rendue, le contrat est acheminé au ministère ontarien qui délivre le permis d'exploitation approprié. Personne n'exerce de surveillance réglementaire au niveau de la commission. C'est ici que la démarche se termine.

Le vice-président: Le ministre dispose-t-il d'un pouvoir discrétionnaire après que la commission scolaire lui a fait part de ses recommandations?

M. Saul: S'il dispose d'un tel pouvoir, il ne l'a jamais exercé. Le pouvoir discrétionnaire du ministre existait dans le passé dans le domaine du transport par camion et par autocar, mais habituellement, c'était dans le cadre des dispositions régissant les appels. Normalement, lorsqu'un contrat est adjugé, le ministre autorise les fonctionnaires à délivrer le permis, à moins d'allégations de fraude dans le processus d'appel d'offres. Je n'ai jamais entendu dire qu'un permis d'exploitation d'un service d'autobus scolaires se soit retrouvé sur le bureau du ministre pour une décision ultérieure ou par suite d'un appel, même dans les beaux jours de la réglementation.

Pour ce qui est des appels entendus par le ministre, je peux dire qu'en plus de 30 ans de carrière, j'en ai vu trois ou quatre.

La commission scolaire devient alors la première intéressée aux questions de sécurité, par exemple. Elle doit examiner les offres qu'elle reçoit et le programme de sécurité proposé par chacun des soumissionnaires. Les commissions ne jouent aucun rôle à cet égard. Le permis d'exploitation d'un autobus scolaire s'accompagne du droit d'affréter des autobus pour les écoles situées sur le territoire de la commission scolaire. Dans certaines circonstances, le libellé du permis est tel qu'il peut comprendre des affrètements ou des municipalités qui n'ont rien à voir avec la commission.

En règle générale, un permis qui a été délivré n'est pas annulé même si le contrat de l'exploitant n'est pas renouvelé. Avec le temps, le permis prend de l'ampleur, de même que les droits qui l'accompagnent. Peut-être n'avez-vous pas de contrat pour faire telle ou telle chose en vertu d'un permis donné, mais il est possible que vous ayez certains droits d'affrètement accessoires en vertu du permis qui continue d'exister. Il n'y a pas de réglementation dans ce sens.

L'affrètement demeure réglementé dans la plupart des provinces, de manière minimale s'entend. Une autorisation d'affrètement confère à son titulaire le droit de transporter un groupe à affinité depuis un endroit jusqu'à n'importe quel autre, sur la base d'un billet simple. Généralement, on s'attend à ce que les membres du groupe reviennent au point de départ. Il existe d'autres formes d'affrètement, mais généralement c'est cela.

La plupart des provinces exigent que l'on remplisse une demande, laquelle est adressée à une commission des transports. En Ontario, il s'agit de la Commission des transports routiers de l'Ontario et au Québec, de la Commission des transports du Québec; il existe divers organismes dans les autres provinces.

Dans la demande, l'accent est généralement mis sur le plan d'affaires du demandeur. Les exigences sont beaucoup plus élaborées que dans le passé. Il faut fournir des plans d'entretien et de sécurité. La commission — encore une fois, je parle ici de la situation en Ontario — entreprend un examen assez rigoureux de la demande telle qu'elle est présentée. La commission doit être convaincue que la demande qu'elle a reçue est une demande qu'elle est prête à accorder si elle n'est pas contestée.

De manière générale, les demandes d'autorisation d'affrètement ne sont pas contestées et la commission les accorde telles quelles ou sous une forme modifiée, à sa discrétion.

Lorsqu'on veut présenter une demande, il suffit de rassembler une demi-douzaine de témoignages disant en substance: «Oui, j'ai besoin d'un service d'affrètement additionnel, et je donne mon appui à cette entreprise dont j'utiliserai les services si elle obtient l'autorisation nécessaire.» Il ne s'agit pas d'une déclaration sous serment, mais d'une déclaration, tout simplement.

Le vice-président: Qu'en est-il des transporteurs déjà sur le marché?

M. Saul: Le nombre de contestations a diminué considérablement à cause de la manière dont fonctionnent les commissions. En Ontario, on peut compter une demi-douzaine d'audiences par année portant sur les demandes d'affrètement. La plupart du temps, la commission accueillera favorablement les demandes, même s'il y a contestation, sans audiences publiques.

Je vous donne un exemple. Il y a un an, j'ai joué un rôle dans une demande d'autorisation d'affrètement dans le Grand Toronto. Il s'agit probablement du plus gros marché d'affrètement au Canada. Le demandeur a présenté une demande sans restriction. Un transporteur s'y est opposé. Dans sa contestation, ce transporteur affirmait qu'il offrait des services d'affrètement dans ce marché, qu'il faisait du bon travail et que l'autorisation, si elle était accordée, nuirait à ses affaires.

Après avoir reçu la contestation, la commission a répondu favorablement à la demande sans aucune audience. Aux yeux de la commission, pour qu'une objection soit retenue, il faut que la personne qui s'objecte démontre que son entreprise subira des préjudices importants, de même que le service qu'elle assure au public.

Lorsque vous avez accès au marché du Grand Toronto à partir de la demande telle qu'elle a été présentée, malgré la contestation d'un intervenant de taille et sans aucune audience publique, on peut mesurer tout le chemin parcouru par la déréglementation.

Il peut y avoir des cas où la contestation est accueillie favorablement, par exemple, lorsque la demande d'affrètement est en fait une demande mal déguisée d'offre d'un service régulier de navette. Nous pourrons revenir sur cette question plus tard, si vous le voulez bien. C'est une situation qui se produit très rarement.

Ce que je dis à propos de l'Ontario s'applique généralement aux autres provinces. Certaines, comme l'Alberta, peuvent être plus avancées que les autres pour ce qui est de la disparition de toute surveillance réglementaire. Ce qui est intéressant au sujet des demandes présentées, c'est que la commission continue d'assurer une surveillance en matière de sécurité et de perspicacité en affaires. Si la demande ne fait pas état du programme de sécurité et d'entretien de la flotte de véhicules, ou le fait, mais de manière insatisfaisante, la commission exigera du demandeur qu'il apporte les précisions exigées avant de poursuivre l'étude du dossier. Elle peut aussi rejeter la demande et motiver sa décision.

Je vais maintenant parler des affrètements extraprovinciaux. Une fois accordées, les demandes d'affrètement extraprovinciales, par exemple une demande présentée en Ontario pour desservir tout ce qui se trouve à l'ouest, à l'est ou au sud de cette province, sont habituellement acceptées et reconnues dans toutes les autres provinces. Si j'obtiens une autorisation d'affrètement en Ontario et que cette autorisation précise que je peux transporter des passagers en provenance de l'Ontario vers la frontière Ontario-Québec et au-delà, et les ramener, je n'ai même pas à en demander l'autorisation au Québec. Dans d'autres provinces, ma demande serait approuvée sur présentation. Il est très rare de voir une demande contestée. L'exploitant d'un service d'affrètement d'une province quelconque qui désire sortir des frontières de sa province et envoyer son autocar de Colombie-Britannique ou d'Alberta jusqu'au Manitoba ou en Ontario — tous les circuits touristiques qu'il offre — peut le faire assez facilement et, dans la plupart des cas, sans contestation.

Il y a une douzaine d'années, la commission de l'Ontario entendait une ou deux demandes par jour. Aujourd'hui, la commission siège de manière périodique, peut-être une fois par semaine, ou une fois toutes les deux semaines. Elle peut entendre entre six et huit demandes au cours d'une année. Habituellement, ces demandes portent sur un nouveau circuit — et il y en a très peu — ou sur les problèmes que pose le matériel.

En ce qui a trait au service régulier, la plupart des provinces appliquent les mêmes critères, dont celui des «besoins et de la commodité du public», qui existe depuis 1933. Le demandeur doit faire la preuve qu'il existe un besoin pour le nouveau service. La demande doit contenir les renseignements suivants: un plan d'affaires, le nombre prévu de passagers les premières années, les horaires, la feuille de paye des employés, le salaire des chauffeurs, le programme de sécurité, le programme de formation à l'intention des chauffeurs. S'il y a contestation, une audience sera tenue.

Il y a très peu d'audiences qui portent sur le service régulier, que ce soit en Ontario ou ailleurs au Canada. Il n'y en avait pas beaucoup non plus il y a une douzaine d'années, peut-être parce qu'il est difficile — ou même très difficile — d'obtenir l'autorisation d'offrir un tel service. Il y a toutefois un autre facteur qui doit être pris en compte: les horaires. Le service doit être assuré en fonction d'horaires, et de tarifs, établis. S'il n'y a pas de clients, l'autobus doit quand même assurer le service.

Jusqu'à tout récemment, les horaires et les tarifs étaient réglementés par bon nombre des provinces, qui exigeaient que l'exploitant soumette un rapport quand il y avait abandon de service, ou même quand un seul autobus n'assurait pas de service. Certaines provinces ont assoupli les règles. Toutefois, il reste que le service demeure très réglementé, ce qui peut entraîner des coûts énormes. On part du principe qu'il y aura des personnes qui vont prendre l'autobus. Si elles ne le font pas, les coûts devront quand même être assumés.

Les choses sont différentes dans le cas des services affrétés. Si j'estime qu'il en coûtera 900 $ pour assurer la navette entre Toronto et North Bay et qu'on m'offre 600 $ pour le service, ou si quelqu'un me dit qu'il ne peut réunir suffisamment de personnes pour le voyage, ma réponse sera la même: «Le tarif est de 900 $. Si vous n'êtes pas prêt à payer les 900 $, je n'assurerai pas le service.» Si onze personnes disent qu'elles veulent faire le voyage, mais que seulement trois d'entre elles se présentent, j'assurerai le service.

Les commissions hésitent à autoriser la mise sur pied d'un nouveau service, quand le service existant n'est pas tellement viable. Souvent, dans le passé, les services réguliers étaient conçus de manière à pouvoir être exploités comme des services affrétés. Il y avait des autobus qui partaient de nulle part et qui se rendaient vers Toronto ou London, en Ontario, alors qu'ils étaient vides. L'objectif de l'exploitant était de mettre la main sur le circuit et d'obtenir l'autorisation d'y fournir des services de transport par autobus affrété. Cette pratique n'existe plus.

Les demandes visant l'exploitation de circuits sont peu nombreuses et difficiles à obtenir.

Le vice-président: Vous avez parlé des «besoins et de la commodité du public». Vous avez dit, si j'ai bien compris, que ce critère existe depuis très longtemps et qu'il a été appliqué dans un si grand nombre de cas que la loi, à ce sujet, est très claire au Canada?

M. Saul: On a parlé, dès le début, des besoins et de la commodité du public. L'expression a été utilisée par la commission de coordination du commerce entre États. Plusieurs provinces l'ont adoptée.

Certaines utilisent une terminologie différente, mais le critère est le même, et ce, depuis très longtemps. Le public devait préciser que le service existant était insatisfaisant pour diverses raisons, y compris pour des raisons de fréquence, de coût ou de fiabilité, ou encore qu'il devait avoir accès à un service de transport pour pouvoir se rendre chez le médecin, par exemple. Les commissions vont tenir compte de ce genre de facteurs.

La question qu'il faut se poser est la suivante: a-t-on des motifs raisonnables de croire qu'il existe une clientèle pour ce service, ou encore ce service sera-t-il compétitif? On part du principe que les usagers seront peu nombreux et qu'il faudra aller les chercher chez un concurrent. Il s'agit là d'un facteur majeur, parce qu'il y a très peu de liaisons au Canada et aux États-Unis qui sont desservies par plus d'un transporteur exploitant un service régulier.

Les États-Unis ont déréglementé l'industrie du transport par autocar en 1982. En Ontario, on a, dans plusieurs cas, délivré un permis à un deuxième exploitant pour qu'il assure la liaison entre Toronto et London, ou entre Sudbury, Barrie, Toronto et la région de Niagara Falls. Le service a été abandonné peu de temps après parce qu'il n'était tout simplement pas viable — l'exploitant n'était pas en mesure de fixer des prix abusifs parce que les tarifs étaient réglementés — ou encore parce que les concurrents ont décidé de se regrouper dans le but de créer une seule entreprise. La concurrence a disparue parce que les transporteurs ont assuré le service en utilisant les mêmes autobus et chauffeurs, et en appliquant les mêmes tarifs.

Il y a peu de transporteurs exploitant un service régulier qui se livrent concurrence et qui offrent au public un choix entre l'option A et l'option B.

Il y a aussi le fait que le service régulier, dans plusieurs marchés canadiens, est assuré par VIA Rail, qui livre concurrence à l'industrie du transport par autocar.

Voilà un aperçu du régime de réglementation qui est en vigueur au Canada. Il existe des variantes, et M. Blair va vous en parler.

Je tiens à dire, pour terminer, qu'il existe un régime de réglementation en matière de sécurité. Je pense que Transports Canada reconnaît, ainsi que la plupart des provinces, sinon toutes, qu'ils n'ont pas atteint leur objectif, qui était d'établir un code national de sécurité et des règles de sécurité pour l'industrie du transport par autocar, règles qui engloberait, entre autres, la normalisation et l'harmonisation de la formation des chauffeurs.

Il reviendra aux membres du comité de décider s'ils doivent se pencher sur la question de la réglementation, ou s'ils doivent plutôt se concentrer sur la question de la sécurité et voir comment on peut amener le gouvernement fédéral, Transports Canada et les provinces à établir et à mettre sur pied un régime harmonisé et uniforme.

Si un tel régime était en place, nous ne serions pas ici, M. Blair et moi, en train de vous présenter un exposé, puisque c'est la réglementation économique qui est au centre du débat.

M. Blair va vous parler des différences qui existent entre les compétences, puisque cela va vous aider dans vos délibérations.

M. David Blair, avocat, Canadian Transport Lawyers Association: M. Saul a abordé les points essentiels. Je vais faire deux ou trois observations, après quoi, nous passerons aux questions.

Dans l'ensemble, on met sur pied un régime de réglementation quand on veut atteindre un objectif précis. Nous avons un régime de réglementation qui comporte un volet économique pour l'industrie du transport par autocar. La question n'est pas de savoir si nous devons déréglementer l'industrie, mais plutôt de savoir si nous devons modifier le régime de réglementation dans le but de supprimer ou de changer ce volet économique. Or, avant de prendre une telle décision, nous devons nous entendre sur l'objectif que nous voulons réaliser par le biais de ce régime de réglementation.

Le régime de réglementation a été créé dans le but d'assurer la prestation d'un service de qualité dans une région donnée. Ce régime est toujours en vigueur au sein de l'industrie du transport par autocar.

Je pense que tous les sénateurs s'entendent pour dire que la sécurité est devenue une question prioritaire. Dans quelle mesure le régime de réglementation existant met-il l'accent sur la sécurité et l'accès à des services de transport sécuritaires?

Je vais parler particulièrement du Québec où la Commission des transports du Québec a le mandat d'examiner les considérations économiques liées à l'octroi d'un permis à un transporteur. En même temps, la Commission juge très important de vérifier si le transporteur pourra offrir un service sécuritaire. Répondra-t-il aux exigences de sécurité concernant les heures de service, l'entretien des véhicules ainsi que les horaires et le reste?

Avant de décider de déréglementer ou non, nous devons définir quel est le but premier du régime de réglementation. Nous avons beaucoup entendu parler de la sécurité et des différents régimes en place. Par exemple, on vous a expliqué la présence concurrentielle sur le marché de propriétaires de fourgonnettes. Dans bien des cas, ils n'ont aucune réglementation à suivre et ils échappent aux contrôles de sécurité. Sur certains trajets, la concurrence vient d'entrepreneurs qui ne sont assujettis à aucune réglementation, ce qui représente une menace importante pour la sécurité. Il faut toujours envisager la déréglementation en fonction de la sécurité.

Autrefois, au Québec, les services nolisés et les services interurbains allaient de pair. Ceux qui offraient un service interurbain pouvaient, accessoirement, offrir des services nolisés. On a rompu les liens entre les deux genres de service au début des années 80. Depuis, le marché des autocars nolisés évolue séparément — certains entrepreneurs offrent les deux services à la fois et d'autres se sont spécialisés dans l'un ou l'autre service. Il n'y a plus de lien entre les deux. En général, sans être déréglementé, le marché des services nolisés est beaucoup plus ouvert. Il y a beaucoup de nouveaux entrepreneurs dans le domaine, et beaucoup de services nolisés sont offerts dans la province.

Voilà ce que j'avais à dire pour l'instant. Je répondrai volontiers à vos questions.

Le vice-président: Vous nous avez dit tous les deux avoir lu les témoignages et savoir ce que le ministre nous a demandé d'examiner quand il a comparu devant nous. Vous connaissez notre mandat, qui déborde la question de la sécurité.

Cela dit, j'aimerais que vous nous disiez ce que notre comité, composé de décideurs, pourrait répondre à ce que vous dites en substance à la page 21 de votre exposé:

Toutefois, on offre de plus en plus de services de transport de voyageurs non réglementés en utilisant des fourgonnettes, dont le nombre de passagers est inférieur au seuil réglementé par l'industrie. Ces services n'ont aucune obligation à respecter pour ce qui est des heures de service, de l'entretien des véhicules et des programmes de formation des chauffeurs; ils représentent collectivement un risque pour la sécurité du public.

Ce phénomène nous inquiète. Que nous conseillez-vous et quelles sont les obligations que vous proposeriez que nous recommandions, sur le plan national, au sujet des heures de service, de l'entretien des véhicules et de la formation? Que conseillez-vous précisément à notre comité de faire?

M. Saul: Honorables sénateurs, c'est la définition de ce qu'est un autocar ou, dans certaines provinces, un véhicule public qui a laissé le champ libre aux propriétaires de fourgonnettes. Les véhicules sont ordinairement définis, entre autres, en fonction du nombre de passagers qu'ils peuvent transporter, chauffeur compris, et ce nombre peut être de 10. Une fourgonnette n'est donc pas un autocar ou un véhicule commercial selon le règlement qui régit l'octroi des permis et les mesures de sécurité concernant les heures de service dans le cas des camions, des autocars ou des autobus scolaires. Je connais moi-même certains des véhicules dont on a parlé au cours des audiences. Les témoins qui ont voyagé à bord de certains de ces véhicules ayant circulé sur la route 7 entre Ottawa et Toronto ont dit qu'à trois reprises le chauffeur était tombé endormi au volant et que le véhicule avait dévié sur l'accotement ou avait traversé la ligne blanche au milieu de la route.

Le vice-président: Était-ce un problème de formation de chauffeurs ou d'heures de service?

M. Saul: D'après ce qu'on m'a expliqué, le chauffeur a dit qu'il était désolé, qu'il était au volant depuis longtemps. Les passagers ont pris sa place et ont conduit la fourgonnette jusqu'à Toronto.

Dans un autre cas, une fourgonnette, qui se trouvait dans la région de Cornwall, ne s'est pas rendue à destination, et il y a eu plusieurs morts. Au cours de l'enquête, nous avons fait des recherches sur les véhicules immatriculés au Québec et en Ontario. Nous avons découvert que certains véhicules ne portaient pas la plaque d'immatriculation qui leur appartenait. Les adresses des propriétaires des véhicules étaient non seulement difficiles à trouver, mais introuvables. L'office a rendu un jugement et imposé une amende à certains propriétaires, et on n'a plus entendu parler d'eux.

Or, ils sont toujours en affaires en Nouvelle-Écosse, au Québec et en Ontario. Je ne suis pas sûr de ce qui se passe dans les provinces de l'Ouest. Il reste qu'ils sont toujours en affaires. À moins qu'on demande de réglementer les véhicules de moins de 10 passagers, il faudra se pencher sur le transport urbain de passagers contre rétribution. On peut leur donner un permis de ce genre. Ce n'est pas un problème. Cependant, ce permis les oblige à respecter les heures de service et à faire inspecter et entretenir leurs véhicules.

S'ils ne peuvent pas respecter les règles, ils ne devraient pas circuler sur les routes avec des passagers. S'ils les respectent, nous n'avons rien à ajouter. Ils ne les respectent pas parce qu'on ne les oblige pas à le faire.

Le vice-président: Votre exposé de ce soir traite davantage de la sécurité que de la déréglementation économique. Ne serait-il pas plus logique que ce soit le ministère des Transports de chaque province qui s'occupe de la sécurité plutôt qu'un organisme de réglementation économique? N'est-ce pas là qu'est le problème?

Nous sommes des décideurs publics sur le plan fédéral. Le ministre des Transports nous a demandé d'examiner le mandat fédéral. Les questions que vous soulevez me semblent de compétence provinciale. Il est certain que ce sont les ministères des Transports des provinces qui devraient examiner cela plutôt que les organismes de réglementation.

M. Saul: Je ne le conteste pas. Je sais que, par le passé, les organismes de réglementation ont été très efficaces quand les permis d'exploitation étaient difficiles à obtenir. En Ontario, par exemple — et ce n'est pas seulement dans cette province — l'office détient tous les dossiers des transporteurs autorisés, que ce soit des camions ou des autocars. Si cela devient nécessaire, on peut vous avertir que vous devrez comparaître pour expliquer pourquoi votre dossier s'est détérioré et ce que vous proposez faire pour rétablir la situation. Il se peut que des véhicules aient été retirés du service, que les conditions du permis n'aient pas été respectées ou autre chose. On peut souvent rendre le permis temporaire.

Si le permis d'exploitation dont vous avez besoin pour rester en affaires est seulement temporaire, vous faites mieux d'améliorer vos performances pour ne pas le perdre. Sans permis, vous devez fermer vos portes.

Si votre objectif est de déréglementer, vous pouvez le faire. Cependant, le gouvernement fédéral doit s'entendre avec les provinces sur une réglementation uniforme en matière de sécurité.

Les véhicules circulent du Nouveau-Brunswick jusqu'en Colombie-Britannique, en passant par l'Ontario et le Québec. Il faudrait que les conditions soient assez uniformes pour que les transporteurs d'une province ne soient pas avantagés par rapport à ceux d'une autre, parce que c'est un peu plus facile dans ma province. Les mêmes critères devraient s'appliquer partout.

Je pense au témoignage de Brian Orrbine, qui a comparu devant vous au cours des audiences tenues à Ottawa. Au sujet de la sécurité, il a dit:

Avec l'adoption l'an dernier du projet de loi S-3 et l'éventuelle promulgation du règlement, l'idée est de renforcer le régime de sécurité et pour les services d'autocar et pour les services de camionnage [...]

Il ajoute ensuite que le processus a déjà commencé. Il a témoigné cette année. Il dit aussi espérer «que nous en verrons les résultats d'ici la fin de l'année». C'est ce qu'il «espère».

Si les provinces et le gouvernement fédéral élaborent un programme en espérant pouvoir dire que le régime de sécurité fonctionne dans toutes les provinces, laissons-les agir. Je ne pense pas qu'il est de mise d'«espérer» voir des résultats.

C'est ce qui me déçoit un peu. Personne ne va dire qu'il a atteint ce qu'il veut. Il y a des coûts associés à cela, et on se demande qui va payer. Les provinces sont tout à fait disposées à agir, mais elles veulent que le gouvernement fédéral paie.

Quand les gouvernements auront décidé comment partager les coûts et de ce que cela coûtera, on agira. Si ce n'est pas fait, votre comité pourra demander pourquoi ça ne l'est pas.

Je suis membre du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé depuis un certain temps. J'ai assisté à beaucoup de ses réunions. Le conseil a été en première ligne quand la déréglementation a commencé dans le secteur du camionnage. J'étais à Saint John quand le président de l'office de l'Alberta est venu demander que les avocats modifient leur scénario parce que sa province songeait à la déréglementation et voulait avoir l'avis du conseil. Nous avons eu quelques heures pour répondre. Je dirais que nous n'avons pas été favorables à la déréglementation.

Cet organisme se réunit trois fois par année. Il réunit des dizaines de responsables de la réglementation de toutes les provinces. Transports Canada est un des responsables. J'assiste à ces réunions depuis 15 ans. Je suis étonné qu'on n'ait pas encore réalisé que c'est à cet organisme qu'il appartient de définir les exigences pour que votre comité puisse avoir l'assurance que le régime de sécurité que M. Blair et moi-même jugeons nécessaire existe.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que les autobus scolaires appartiennent à des intérêts privés et qu'il n'y a pas de régime réglementaire de surveillance dans ce secteur. Vous avez dit que, pour tous les soumissionnaires, l'office prend une décision qui est soumise à l'approbation du ministre. Vous avez dit qu'il n'y a pas de régime réglementaire de surveillance, mais il doit y avoir des règles de sécurité et ainsi de suite, n'est-ce pas?

M. Saul: Dans le cas des services de fourgonnettes?

Le sénateur Callbeck: Non, des autobus scolaires qui appartiennent à des intérêts privés.

M. Saul: Les autobus scolaires sont définis comme étant des autobus et il y a des règlements à leur sujet dans toutes les provinces. Il y a toute une série de règlements sur la formation, les permis et le reste que doivent respecter les chauffeurs d'autobus scolaire. Les autobus scolaires sont plus réglementés, sur le plan de la sécurité, que peut-être n'importe quel autre service de transport terrestre de passagers au Canada.

Le sénateur Callbeck: Je vous ai mal compris à ce sujet.

Vous avez parlé des services nolisés extra-provinciaux. Le propriétaire qui a un permis en Ontario, en obtiendra un dans la plupart des provinces. Vous avez dit qu'il est rare qu'on le lui refuse. Y a-t-il des provinces qui le refuse? Dans quelles situations pourrait-on le lui refuser?

M. Saul: Je vais vous donner l'exemple réel d'un autocariste établi à Buffalo, dans l'État de New York, qui était muni d'un permis de services nolisés. On a demandé à examiner son permis parce que les 38 passagers à bord de l'autocar ne formaient pas un groupe à affinité, mais voyageaient individuellement. La publicité du service était la suivante: «Allez magasiner et vous amuser à Toronto. Les autobus partent à 8 heures et 10 heures et reviennent à 16 heures et 18 heures.» C'est donc un service individuel à horaire fixe.

On se dit alors que ce propriétaire doit demander le bon permis s'il veut exploiter un service individuel à horaire fixe. Il ne doit pas prétendre offrir des services nolisés.

Le sénateur Callbeck: Je veux revenir à la question du vice-président qui vous a demandé ce que vous recommanderiez au sujet des petites fourgonnettes. Pensez-vous qu'elles devraient avoir un permis ou être réglementées? Qu'avez-vous dit exactement à ce sujet?

M. Saul: La plupart des règlements municipaux définissent ce qu'est un taxi, qui compte moins de 10 places. Le comité peut demander qu'une fourgonnette contenant plus de six personnes — un chauffeur et cinq passagers — et assurant un service de transport interurbain contre rétribution détienne un permis. Le propriétaire pourrait obtenir un permis s'il respecte tous les règlements, y compris ceux sur les assurances. Si vous vous demandez combien paie le propriétaire d'une fourgonnette pour les assurances de ses passagers, la réponse est bien simple, rien.

Vous pouvez décider que c'est acceptable, mais votre chauffeur doit respecter certaines heures de service et votre véhicule doit répondre à certaines normes. Le ministère a le droit de vérifier vos livres — vos registres sur les heures de travail des chauffeurs, l'entretien des véhicules et les assurances — et, si tout est en règle, vous aurez pris les mesures nécessaires pour protéger la sécurité du public. Vous pourrez avoir un permis sans rien demander à personne. Si vous suivez ce régime, vous n'aurez pas de problème avec les responsables de la réglementation.

Le vice-président: Vous préconisez un régime très réglementé.

M. Saul: Il n'y a pas de règles sur le plan économique sauf qu'il suffit de payer ce qu'il en coûte pour répondre aux exigences de sécurité. Vous ne pourrez pas assurer de service si vous n'êtes pas en mesure de respecter les exigences en matière de sécurité, de frais d'assurance et d'entretien.

Le chauffeur qui fait le trajet Ottawa-Toronto deux fois par jour ne vous coûtera pas aussi cher que les deux ou trois chauffeurs d'autocar à qui vous devez offrir un salaire raisonnable.

Le sénateur Callbeck: À la page 15 de votre exposé, vous dites qu'en Nouvelle-Écosse un nouveau permis a été accordé pour un service de transport entre Charlottetown et Halifax. Est-ce un permis de transport interurbain par autocar? Que voulez-vous dire au juste?

M. Saul: Depuis la construction du pont, les services de traversier ont été remplacés en grande partie par des services d'autocar. Ainsi, de nouveaux permis ont été délivrés pour offrir un service qui n'aurait pas pu exister sans le pont.

Le sénateur Callbeck: Il y avait un service d'autocar entre Halifax et Charlottetown mais, après la construction du pont, il a fallu obtenir un autre permis en remplacement du bateau. Est-ce exact?

M. Saul: L'Île-du-Prince-Édouard est maintenant déréglementée et la Nouvelle-Écosse examine quoi faire au sujet des fourgonnettes, entre autres. Avant la construction du pont, on ne délivrait pas de permis pour assurer un service d'autocar entre la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard étant donné que l'autocar devait de toute façon emprunter le traversier. Le service aurait été assuré par le traversier et l'autocar. Les autocars nolisés auraient emprunté les traversiers à destination de Terre-Neuve.

Après la construction du pont, personne n'avait de permis pour le traverser. Je ne sais pas exactement combien de nouveaux services ont été créés, mais on a délivré de nouveaux permis pour assurer un service de transport de passagers sur le pont.

Le sénateur Forrestall: Vos titres de compétence sont remarquables.

M. Saul: Ma mère serait heureuse de vous l'entendre dire.

Le sénateur Forrestall: Toutefois, je ne sais pas vraiment qui vous représentez.

Le vice-président: Je crois que nous le savons maintenant.

Le sénateur Forrestall: Nous en savons un peu plus, mais je ne suis pas encore certain.

Vous êtes ici pour collaborer avec nous ou vous êtes ici pour défendre les intérêts de certains groupes de l'industrie? Comment devons-nous interpréter l'information que vous nous donnez?

M. Blair: D'abord, nous parlons au nom des entreprises de transport par autocar. Notre rôle dans l'industrie est de représenter ces transporteurs.

Le sénateur Forrestall: Laissez-moi préciser quelque chose. Vous n'êtes pas leur porte-parole ce soir.

M. Blair: C'est exact.

Le sénateur Forrestall: Comme je ne suis pas avocat, je ne sais trop comment cela fonctionne. Si je commets un impair, veuillez m'en excuser, mais j'aimerais savoir si vous êtes ici à vos propres frais ce soir?

M. Saul: Oui.

M. Blair: M. Saul est ici à ses propres frais. Votre comité a gentiment accepté de payer mes frais de transport à partir de Québec. Lorsque la Canadian Transport Lawyers Association intervient auprès d'une agence gouvernementale lors d'une audience comme celle d'aujourd'hui, elle fournit principalement une opinion juridique à propos des questions à l'étude sans se prononcer en faveur d'une partie ou d'une autre. Nous avons pour principe de vous informer des conséquences de vos décisions. Nous sommes ici pour vous fournir un service, c'est-à-dire que vous pouvez nous poser des questions qui nous permettront de vous renseigner sur les incidences des décisions que vous pourriez prendre.

M. Saul: En ce qui concerne l'industrie, je ne représente aucune entreprise de transport par autocar en particulier. J'ai déjà représenté Voyager Colonial, mais cette entreprise a été vendue il y a longtemps. Je ne représente donc aucun client dans le secteur du transport par autocar. Si je participe à une audience, c'est que des gens m'ont téléphoné à la dernière minute parce qu'ils avaient un empêchement. Pour ce qui est de la demande de service de transport par autocars affrétés dont je vous ai parlé, j'ai fourni des conseils à l'entreprise pendant une demi-journée, et la demande a été acceptée.

En ce qui concerne les membres de notre association, dont un certain nombre provient des États-Unis, très peu de nos activités se rapportent à des demandes relatives aux services de transport par autocar. Je n'ai participé qu'à deux ou trois demandes de la sorte au cours des cinq dernières années.

Nos activités dans le secteur de la réglementation du transport par autocar sont très limitées parce que le transport par autocars affrétés est largement déréglementé et que les demandes reliées aux services de transport régulier sont très peu nombreuses. Je connais en Ontario un conseiller juridique qui s'occupe probablement de plusieurs cas de ce genre. Toutefois, si vous questionnez des conseillers juridiques de différentes régions du Canada, vous découvrirez que la plupart de nos membres n'ont rien à gagner en appuyant la réglementation et qu'ils ne traitent pas ce genre de cas. Nous ne sommes certainement pas ici au nom d'un organisme autre que notre association.

À vrai dire, lorsque le conseil d'administration et l'exécutif ont examiné nos propositions, ils ont cru que l'association présenterait le mémoire de la manière habituelle. Nous ne nous prononcerons pas en faveur de la réglementation ou de la déréglementation. Nous ne voulons que répondre aux questions qui nous seront posées.

Nous avons déjà discuté de la réglementation à plusieurs occasions et, en toute vérité, nous étions d'avis que certains programmes de réglementation présentés étaient stupides parce que, d'un point de vue procédural, ils ne répondaient pas aux attentes du ministre. Nous avons alors suggéré des options en tenant compte de la manière dont on voulait procéder, non pas pour modifier le but visé, mais plutôt pour fournir des conseils appropriés et une opinion judicieuse en matière de procédure.

Le sénateur Forrestall: J'en suis conscient. Le mandat du comité est d'examiner la baisse de la clientèle et ses causes. Nous devons aussi déterminer si cette baisse peut être freinée par la réglementation ou la déréglementation.

Le transport public au Canada peut-il encore exister en toute sécurité et en toute efficacité pendant encore 20, 30, 40 ou 50 ans? Devons-nous dire au ministre qu'il a raison de se préoccuper de cette question?

M. Blair: Que je sache, la prétendue baisse de la clientèle au cours des quatre ou cinq dernières années n'est pas vraiment fondée. Toutefois, tous semblent convenir qu'il y a eu une baisse de la clientèle. En fait, nous avons assisté à un changement des tendances et des habitudes chez la clientèle pour diverses raisons, par exemple en raison du changement apporté au service urbain, qui est maintenant presque entièrement fourni par des agences gouvernementales, et aussi en raison du «service suburbain». Par exemple, au Québec, le Conseil intermunicipal de transport, ou le CIT, fournit un service dans le cadre d'un marché passé entre un transporteur privé et un groupe de municipalités. Au Québec seulement, 16 contrats de ce genre ont été passés pour assurer le transport de 13 millions de passagers par année. Toutefois, jusqu'à récemment, Statistique Canada ne tenait même pas compte de ces passagers parce qu'ils étaient exclus des données.

Si j'ai bien compris, d'autres témoins vous ont aussi indiqué que la baisse de la clientèle n'est pas vraiment fondée. Nous avons constaté un changement des tendances et des habitudes dans le secteur du transport des passagers, mais nous ne constatons pas vraiment de baisse.

Selon moi, l'industrie du transport interurbain se porte très bien, merci, qu'elle ne connaît pas de baisse de sa clientèle. Au contraire, les voyageurs choisissent de plus en plus l'autocar. En fait, nous constatons une hausse de l'utilisation des services urbain et suburbain de transport par autocar puisque les autocars constituent un moyen beaucoup plus efficace de se déplacer que les véhicules privés par exemple.

Le sénateur Forrestall: C'est intéressant. Si les services contractuels et les services publics étaient exclus du transport urbain et du transport des écoliers, quel groupe représenterait principalement les 13 millions de voyageurs dont vous parlez?

M. Blair: Je ne comprends pas le sens de votre question.

Le sénateur Forrestall: Vous avez indiqué que 13 millions de passagers n'avaient pas été inclus dans la statistique.

M. Blair: Auparavant, ces passagers auraient été des utilisateurs du service de transport interurbain par autocar sur de courtes distances. Toutefois, puisque ces transporteurs ne pouvaient plus demeurer en affaires et être efficaces sur un marché privé non subventionné, des organismes comme le CIT au Québec ont été créés afin de fournir aux passagers des services de transport en commun et des services suburbains. Le nombre de ces passagers est de 13 millions au Québec.

Le sénateur Forrestall: Qui paie le service? Les passagers?

M. Blair: Ce sont les passagers qui en paient les frais, mais le gouvernement accorde des subventions. Il ne s'agit pas d'un risque commercial pour le transporteur puisqu'il est payé conformément au contrat, peu importe le nombre de passagers.

Le sénateur Forrestall: Si le gouvernement n'était pas intervenu de la sorte, pouvez-vous décrire le genre de service qui serait fourni aujourd'hui?

M. Blair: Il est probable que le service serait inexistant ou que sa qualité aurait grandement diminué.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que ce serait le genre de service fourni aux personnes âgées, aux gens qui doivent se rendre dans une autre localité pour y obtenir des soins de santé ou des services professionnels par exemple?

M. Blair: Ce serait plutôt le genre de service offert aux gens qui doivent se déplacer chaque jour en utilisant le transport en commun, c'est-à-dire qu'il serait adapté aux besoins des travailleurs.

Le sénateur Forrestall: Est-ce l'avenir réservé aux organismes non gouvernementaux? Est-ce ce qui attend Greyhound?

M. Blair: Greyhound fournit un certain type de service. Ce genre de service est différent puisqu'il est en grande partie conçu pour encourager les gens à ne pas utiliser leurs véhicules personnels et à utiliser les autocars afin de réduire les embouteillages sur les autoroutes. Les services de transport interurbain sont fournis à un marché différent de celui qui est exploité par Greyhound.

Le sénateur Forrestall: Si le programme de subvention n'existait pas, les gens feraient du covoiturage ou, comme dans la région de l'Atlantique, utiliseraient les services de mini-fourgonnettes. Ils n'utiliseraient pas leurs véhicules personnels; ils choisiraient une autre forme de transport.

M. Blair: Oui.

Le sénateur Forrestall: C'est une solution de loin préférable pour ce qui est du nombre de véhicules qui utilisent les routes et des coûts qui en découlent?

M. Blair: Nettement.

Le sénateur Forrestall: Il semble évident que ce service répond à un besoin, qu'il n'a pas été créé sans raison. Est-ce qu'on constate une tendance semblable en Ontario, en Alberta ou en Colombie-Britannique?

M. Saul: En Ontario, les services offerts par OC Transpo ont pris de l'expansion. Un groupe nommé Chaterways fournissait des services de transport public économiques entre Richmond et Ottawa. Puis, OC Transpo a commencé à exploiter ce circuit à un tarif moins élevé ou plutôt, devrais-je dire, à un tarif subventionné, et cela a précipité la fin de Charterways. Par la suite, Charterways a obtenu l'autorisation de la Commission d'abandonner le service qu'elle offrait puisqu'elle ne pouvait plus concurrencer avec le tarif à moitié prix offert par OC Transpo, sans que cela ne porte atteinte à son permis de transport par affrètement à Ottawa.

Lorsque GO Transit a commencé à offrir des services au nord de Toronto, un certain nombre de petits transporteurs offraient des services de transport régulier dans cette région. Lorsque GO Transit s'est lancée sur ce marché, elle a tout d'abord passé des contrats de service avec des transporteurs. Lorsque les contrats sont venus à échéance, elle a commencé à utiliser ses propres véhicules et ses propres employés. Ensuite, elle a eu recours à des sous-traitants jusqu'à tout récemment, lorsque ses services ont une fois de plus pris de l'expansion grâce à l'appui financier fourni par M. Harris.

Ce genre de service est en expansion et ce, en tant que service gouvernemental. En fait, il est plus attrayant pour les clients puisqu'ils paient directement une partie du coût et qu'ils ne paient l'autre partie que le 30 avril de chaque année.

Prenons l'exemple de VIA Rail. Quelqu'un a déjà dit que si les 13 millions de passagers qui utilisaient les autocars pouvaient bénéficier de la subvention annuelle accordée à VIA Rail, tous ces passagers pourraient voyager gratuitement. Les subventions sont un élément important. L'industrie du transport par autocar, comme toute industrie, ne peut pas concurrencer avec le gouvernement lorsque ce dernier décide d'assumer les coûts. Je ne dis pas qu'il ne doit pas le faire, puisque cela est peut-être dans l'intérêt public, mais il faut reconnaître le fait.

Le sénateur Jaffer: Vous avez parlé des autobus scolaires. Durant les échanges, je me posais des questions sur l'utilisation de ces autobus pour les travailleurs agricoles. Je viens de la Colombie-Britannique et, comme vous le savez, le transport a connu de graves problèmes dans cette province où des travailleurs agricoles immigrants ont été victimes de nombreux accidents de la route. Avez-vous connu des problèmes semblables? Avez-vous examiné la question relative au transport par autocar des travailleurs?

M. Blair: Je sais que chaque année, au Québec, des autobus scolaires sont utilisés pour le transport de travailleurs agricoles. Je n'ai pas entendu parler de problème de sécurité. Tous les exploitants d'autobus scolaires au Québec sont assujettis à des programmes de contrôle de la sécurité qui s'appliquent à tous les transporteurs par autocar. En général, qu'ils transportent des travailleurs agricoles pendant l'été ou des enfants pendant l'année scolaire, ils sont assujettis au même programme de contrôle de la sécurité.

Le sénateur Jaffer: J'ai lu votre document avec beaucoup d'intérêt. À la page 21, au dernier paragraphe, vous dites que les règlements de sécurité devraient constituer une question nous concernant tous. Vous avez parlé de sécurité tout au long de vos exposés. Mais lorsque vous parlez de sécurité, utilisez-vous une liste de vérification? Je ne parle pas de la vérification du moteur d'un véhicule. Ce n'est pas ce que je veux dire. Lorsque vous parlez de sécurité, que voulez-vous dire au juste? Pouvez-vous nous donner une définition?

M. Saul: Je vais essayer de répondre à votre question. Transports Canada effectue des études à ce sujet depuis 1994 et même depuis plus longtemps, et ces études ont défini une série d'éléments qui doivent être vérifiés. Un grand nombre de ces éléments ont trait à la sécurité. De plus, bon nombre de ces études soulignent l'importance de rassembler des renseignements exacts afin que, lorsque des décisions seront prises au sujet de l'avenir de l'industrie du transport par autocar, de l'information exacte soit disponible et un programme de sécurité soit compris et mis en place. Si l'on considère que cette question doit être réglementée puisqu'elle est d'intérêt public, Transports Canada sait quels règlements doivent être établis, quelles en sont les incidences et à qui ils doivent s'appliquer.

Je connais bien ce rapport. Si j'en avais le temps, je pense que je pourrais en extraire les recommandations. Toutefois, j'ai l'impression que beaucoup des recommandations faites à Transports Canada sont demeurées sans suite ou n'ont pas porté fruit.

J'aimerais revenir sur l'information concernant les données relatives à la clientèle de voyageurs. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les documents fournis par le témoin de Statistique Canada. Les données d'enquête sur les autocars ont dû être modifiées. Certaines ont été perdues. Il y aurait 30 passagers dans un autocar, chiffre qui passerait tout d'un coup à 20, et 20 voyageurs auraient emprunté le réseau GO, mais on n'en aurait pas tenu compte, et ensuite on se retrouverait avec 40 passagers (pas 30), mais les données font état d'une diminution.

Franchement, je pense que Statistique Canada est en train de dire qu'il nous reste beaucoup de travail à faire — à nous, Transports Canada et à l'industrie — avant de vous présenter des chiffres qui ont un sens et de pouvoir dire: «Oui, on observe une baisse» ou «La baisse n'est pas si apparente. En fait, il y a une augmentation».

En tant qu'avocat, j'aurais beaucoup aimé procéder à un contre-interrogatoire. Le témoin n'a vraiment rien dit. Je ne le critique pas pour cela. Je dis tout simplement que le système mis en place n'a pas été conçu pour apporter des réponses à vos questions. Je ne pense pas que vous en ayez retiré beaucoup de données précises et fiables permettant de conclure que l'industrie s'effondre; il y a tellement de lacunes.

J'ai parlé plus tôt du CCATM. Je me suis beaucoup intéressé aux questions de sécurité. En 1998, le ministre Collenette a proposé de déréglementer l'industrie des autocars. À cette époque, le ministre avait envoyé une lettre aux provinces leur demandant de lui dire ce qu'elles en pensaient. J'ai pu voir quelques-unes des réponses fournies par les provinces. J'ai celles de la Colombie-Britannique, du Manitoba et de la Saskatchewan. Dans bien des cas, les réponses étaient très précises. La Saskatchewan disait clairement que 300 collectivités étaient en train de perdre tous leurs services réguliers de transport par autocar ou presque. C'est sans doute malheureux, mais c'est peut-être une étape nécessaire à franchir.

Ce qui est intéressant, c'est que lorsque les représentants de Transports Canada ont comparu — et j'ai parlé du CCATM — le sénateur Jaffer a demandé, étant donné que certaines provinces sont soumises à une réglementation et d'autres pas, si le transport devait être réglementé ou déréglementé dans toutes les provinces. La réponse a été qu'on ne voulait pas exprimer d'opinion personnelle. Je comprends bien.

On a demandé aux témoins quelles en seraient les conséquences pour l'industrie, si conséquences il y avait. Puis on a ajouté que c'était ce que le ministère cherchait à savoir, par l'intermédiaire du comité. Le sénateur Jaffer a alors demandé s'ils avaient quelque idée des conséquences d'une déréglementation. Voici quelle a été la réponse:

[...] le comité avait prévu des rencontres avec les représentants des provinces. Je pense que vous voudrez connaître l'incidence de la réglementation dans les provinces qui en ont une. Vous pouvez aussi évaluer l'incidence dans les provinces où il y a une déréglementation partielle. Il vaut mieux s'adresser directement aux provinces pour leur demander si la déréglementation a eu des effets.

Voilà donc ce qui aurait été dit un peu plus tôt cette année.

En 1998, lorsqu'on a parlé de déréglementation, le Manitoba a soulevé la question de la sécurité; la Saskatchewan et la Colombie-Britannique étaient contre la déréglementation. Le CCATM continue sur sa lancée, comme je l'ai dit.

J'aurais pensé que l'examen des répercussions relevait de Transports Canada — compte tenu des rencontres qu'ils organisent trois fois par an avec leurs collaborateurs des quatre coins du pays. Si je devais proposer la déréglementation et si j'avais rencontré ceux qui sont pour ou contre cette déréglementation, j'aurais recueilli des informations sur le sujet.

Ils ont raté l'occasion de présenter cette information lorsqu'ils ont comparu. Ils ne devraient pas dire maintenant que le comité devrait s'adresser aux provinces pour l'obtenir, alors qu'il y a des échanges constants entre toutes ces personnes depuis des années, échanges à partir desquels ils auraient pu extraire toute l'information disponible et vous la livrer aujourd'hui.

Le sénateur Jaffer: Je suis sûre que vous pouvez avoir ces renseignements. Je vous demanderai donc de les obtenir pour les membres de ce comité; ce serait très apprécié.

Le sénateur Phalen: J'aimerais abonder dans le sens de ce qu'a dit le sénateur Callbeck à propos des fourgonnettes. En Nouvelle-Écosse, ils disent préparer une réglementation concernant les fourgonnettes. Y a-t-il d'autres provinces ayant mis en place une réglementation semblable?

M. Blair: Je peux parler pour le Québec. Un véhicule qui transporte moins de 10 passagers n'est pas considéré comme un autocar et, par conséquent, échappe totalement à cette réglementation. Je sais que la question a été soulevée à plusieurs niveaux.

M. Saul: Il vous est peut-être arrivé de voir des fourgonnettes qui semblent avoir un pli tout autour et qui ont l'air plus longues que les autres. Plusieurs de ces fourgonnettes sont utilisées en Ontario. Elles peuvent accueillir au maximum 12 passagers. Elles sont exploitées par des services de navette qui desservent l'aéroport. Si vous allez de London à l'aéroport Pearson, vous emprunterez ces véhicules. Ils sont tout à fait conformes puisqu'ils répondent maintenant aux critères en vigueur.

Si vous ne faites pas partie de ce groupe, la seule question que vous devez vous poser, à ce stade-ci — et vous vous la posez déjà — concerne le type de licence requis pour desservir les aéroports, mais c'est une autre question.

Le sénateur Phalen: En Nouvelle-Écosse, nous parlons de fourgonnettes ayant une capacité de sept passagers. C'était un problème. Ils envisagent de soumettre ces véhicules à une réglementation. Y a-t-il d'autres provinces ayant adopté une réglementation pour les fourgonnettes de sept passagers?

M. Saul: Je pourrais envoyer de l'information sur cette question à votre greffier. L'Ontario a établi une définition pour les «voitures de service communes». Il existe une voiture de service commune entre Barrie et Toronto. Elle est, je pense, financée en partie par le gouvernement. En réalité, un groupe de personnes achète une fourgonnette et le gouvernement lui octroie une subvention. Cette fourgonnette accueille un groupe de passagers réguliers qui paient le service de transport et s'assurent adéquatement. D'une certaine manière, ceux qui exploitent ce genre de véhicule ne tombent pas sous le régime de délivrance des licences. Toutefois, ils doivent se soumettre au système établi par l'Ontario pour l'exploitation de tels véhicules. Ils ne sont pas nombreux. Il s'agit de regrouper sept voisins qui travaillent plus ou moins dans le même secteur. En me rendant au travail tous les matins, je vois, sur le trajet, des gens descendre de ce type de véhicule.

Le sénateur Phalen: Ceci diffère légèrement de ce dont je parlais.

M. Saul: Effectivement. J'aimerais que la Nouvelle-Écosse s'oriente sur cette voie. Tout le monde ne sera pas content, mais je pense que c'est une étape importante.

Le vice-président: J'aimerais revenir, encore une fois, sur le service de fourgonnettes. Ce soir, vous avez fait remarquer, à plusieurs reprises, que les fourgonnettes devaient être considérées comme des autocars. C'est ce que vous avez dit tous les deux et c'est probablement une bonne idée. Seriez-vous également en faveur d'un régime en vertu duquel le seul test d'entrée sur le marché serait celui de l'aptitude?

M. Saul: Je n'y vois aucun inconvénient. La question est de savoir ce qu'on entend par «aptitude»?

Le vice-président: En tant qu'avocat spécialisé dans le domaine, j'aimerais que vous me donniez une bonne définition du terme «aptitude».

M. Saul: Les rôles se renversent très rapidement.

Je crois que pour démontrer son aptitude, un candidat doit être capable de prouver qu'il a la capacité financière de mettre le service proposé en place et de le maintenir au niveau requis, dans l'intérêt de la population et en respectant pleinement les normes de sécurité.

Le demandeur doit prouver qu'il connaît les normes de sécurité, c'est-à-dire, savoir que les chauffeurs doivent être formés, que les véhicules doivent être entretenus et qu'il faut respecter des règles concernant les heures de service. Pour être jugé apte, le demandeur doit savoir toutes ces choses. Si tel est le cas, on peut dire qu'il répond à tous les critères exigés pour transporter des voyageurs sur la route, moyennant paiement.

Le vice-président: Il doit satisfaire aux critères du statu quo. C'est très bien tant que le test d'aptitude ne constitue pas une barrière à l'entrée.

M. Saul: Je ne vois pas cela comme une barrière. Je considère simplement qu'il s'agit d'une exigence de sécurité publique qui, si elle est respectée, permet au demandeur d'obtenir une licence.

Le vice-président: L'aptitude peut tout à fait avoir une définition propre.

M. Saul: Le test d'aptitude est essentiellement celui qui est utilisé pour l'exploitation des camions au Canada, mais il est de plus en plus difficile de le passer avec succès. Les règles sont plus strictes. Je pense qu'ils se rendent compte que le nombre d'heures de service constitue un problème. On peut lire partout qu'ils n'arrivent pas à se décider sur les heures de service.

[Français]

Le sénateur Biron: En résumé, vous dites que les ventes devraient être contrôlées par le service d'autobus ou contrôlées comme le sont les taxis?

M. Blair: Le problème, c'est qu'ils se situent entre les deux. Ils sont libres de tout contrôle, de sorte que les services ne sont pas contrôlés. Les heures de service, le contrôle mécanique, les régimes réglementaires ne sont pas contrôlés et ils peuvent opérer à un tarif beaucoup moins élevé que les services d'autobus normaux. Dans la plupart des marchés d'autobus, l'attrait principale du client c'est de voyager au tarif le moins cher possible. Celui qui voyage en avion utilise ce moyen de transport parce qu'il veut arriver à destination plus vite. Celui qui voyage en limousine le fait parce qu'il veut le confort. Celui qui voyage en autobus généralement, le fait parce que c'est le moyen le plus économique pour voyager. S'il y a un service encore plus économique qui n'est pas légal, il y aura un marché instantané pour y répondre.

Le sénateur Biron: La diminution du nombre de passagers se perçoit beaucoup plus dans la zone rurale, n'est-ce pas?

M. Blair: Oui, selon l'information que j'ai pu recevoir. Toutes sortes de facteurs influencent le portrait rural. Plusieurs secteurs de l'économie rurale sont en crise en raison de problèmes économiques qui font en sorte que les gens quittent ces régions. L'utilisation de la voiture est également un facteur. Le service en place offert par une compagnie dans certains secteurs est rentable, comparé à d'autres. Les services ruraux sont non rentables et dans l'ensemble sont préservés. Si on impose une compétition dans les secteurs rentables, ils vont délaisser le secteur rural non rentable.

[Traduction]

Le vice-président: Le sénateur Bacon est absente; elle est en Europe. Si elle était ici, elle poserait la question suivante, à laquelle j'aimerais que vous répondiez: En vertu de l'actuel régime économiquement réglementé, de nombreux endroits du Canada ne bénéficient d'aucun service (d'après les renseignements que nous avons examinés jusqu'à présent — cartes routières, horaires, et cetera). Comment pourrait-on desservir ces endroits dans le cadre de l'actuel régime économiquement réglementé? Quel est votre avis sur la question?

M. Saul: Je pense que beaucoup des endroits non desservis actuellement ne le seraient pas non plus dans un régime déréglementé. La seule façon d'offrir ces services serait au moyen d'un régime subventionné.

Il y a des cas, tout simples, où il faut se rendre à 12 milles du réseau. C'est problématique pour un chauffeur d'autocar d'aller et venir de façon régulière et de ne prendre personne en chemin.

Avec le temps, mon expérience me dit que la clientèle des autocars est très imprévisible. J'ai travaillé sur une application destinée à relier Blenheim à Chatham. C'est une région agricole très riche. Blenheim n'est pas une petite collectivité et Chatham est une sorte de centre dans le comté de Kent. Des douzaines de personnes s'étaient réunies pour appuyer la mise en place d'un service de transport régulier. L'exploitant retenu pouvait avoir un permis d'affrètement à Chatham, ce qu'il n'aurait pas obtenu autrement.

Dans les semaines qui ont suivi, l'exploitant mécontent, qui en avait appelé de la décision et avait perdu, avait suivi l'autocar sur tout son trajet. Pendant cette période de deux semaines, il avait découvert que le nombre moyen de passagers par navette était de 1,73. Le fait est que Mme Jones avait été très honnête en disant qu'elle avait besoin de se rendre à Chatham pour consulter son médecin, mais le jour où elle devait prendre l'autocar, son cousin l'avait emmenée en voiture. Cela devient un problème pour l'exploitant.

Ça me rappelle une autre histoire concernant un transporteur qui offrait des services entre Collingwood et Toronto. Il passait par Ottawa et Duntroon et se rendait jusqu'à Angus, un trajet au cours duquel on a peine à imaginer qu'il peut y avoir des voyageurs. Le fait est que presque personne n'est monté dans l'autocar, mais l'exploitant allait affréter son autocar à Toronto.

Peut-on offrir des services en sachant que personne ne va les utiliser? La réponse est oui, on peut, mais à perte.

Le vice-président: Quelles obligations avons-nous, en tant que décideurs publics, de veiller à ce que tous les Canadiens, quel que soit leur lieu de résidence, aient accès à une forme de transport en commun?

M. Saul: Vous devriez demander à M. Martin dans quelle mesure il est prêt, lui et les autres argentiers du pays, à appuyer cette proposition.

La Saskatchewan dispose d'un service de transport étendu, conçu pour répondre autant que possible aux besoins. Ce service coûte cher à la province. Au Manitoba, ils ont recours à Greyhound et à d'autres sociétés affiliées à Greyhound, comme Grey Goose qui dessert les collectivités jusqu'à Flin Flon et va même dans le nord de la province.

Pour ce qui est de la proposition de 1998, on pense que s'il devait y avoir une déréglementation, ce ne serait peut-être plus qu'une question de mois ou de semaines avant que ces services ne disparaissent. Si les exploitants n'avaient plus l'obligation de fournir ces services, eh bien, comme n'importe quel autre homme d'affaires, ils cesseraient de les offrir — surtout s'ils sont assurés de perdre de l'argent — sauf si c'est pour faire de la promotion. Mais, si malgré ces sacrifices, ils ne rentrent pas dans leurs frais, que voulez-vous faire? Vous leur dites: «Notre pays nous oblige à garantir que chaque Canadien a accès à un service de transport en commun. C'est vous qui avez été choisi pour fournir ce service, peu importe ce que cela coûtera.» Ça ne marche pas et ça n'a jamais marché.

On a mis en place de nombreux services dans des secteurs qui sont desservis par un autocar le vendredi soir à l'aller, et un autre le samedi matin, au retour. Deux voyages par semaine, au lieu de cinq par jour comme on l'avait prévu.

Le sénateur Forrestall: Est-ce qu'une partie du problème ne tient pas à l'incapacité des provinces de se mettre d'accord sur une approche uniforme? Les régimes diffèrent d'une province à l'autre, que ce soit pour les heures de service, les licences ou les normes.

M. Saul: Vous devriez regarder les chiffres. C'est là qu'on se rend compte à quel point ils sont importants. Cela vaut pour n'importe quelle province. Par exemple, regardez quel est le nombre de passagers par autocar en Colombie- Britannique. Regardez combien de personnes qui empruntent un autocar en Colombie-Britannique commencent et finissent leur voyage à l'intérieur de la province. La Colombie-Britannique a un problème de réglementation. Quel est le pourcentage de passagers prenant l'autocar en Colombie-Britannique qui se rendent en Alberta? Tant que vous ne regarderez pas ces chiffres, vous croirez que cela tient à un manque d'harmonisation, au moins en partie, tenant au fait que chaque province doit s'occuper d'un grand nombre de voyageurs.

Le vice-président: Cela dépasse les 15 heures de service, également.

M. Saul: C'est clair. Les fourgonnettes ne font pas cela, j'imagine. Cela peut être un des problèmes. Je connais la clientèle des autocars. Ce sont des gens qui empruntent le réseau GO et le CIT, et il y a énormément de personnes qui parcourent de courtes distances. Ce sont des intérêts qui concernent le Québec ou l'Ontario. L'harmonisation entre le CIT et le réseau GO est véritablement sans conséquence.

Le sénateur Forrestall: Sauf qu'il y en a une du point de vue fédéral.

M. Saul: C'est le transport interurbain qui a davantage de conséquences de ce point de vue.

Le sénateur Forrestall: J'ai été ravi de vous entendre prononcer le mot «sain» et dire qu'on aurait peut-être quelques difficultés à recueillir les données voulues et à les conserver adéquatement. L'analyse et la divulgation de ces données sont importantes si nous voulons tirer les bonnes conclusions quand viendra le temps de faire nos commentaires, si nous ne sommes pas capables d'en arriver à un accord commun.

Je vous remercie d'être venus et d'avoir partagé avec nous les expériences de toute une vie.

Le vice-président: Monsieur Saul et monsieur Blair, ceci met fin à nos délibérations de ce soir. Je tiens à vous remercier tous les deux d'être venus. Vos interventions nous ont beaucoup aidés. Nous nous inspirerons certainement de vos réponses lorsque nous rédigerons le rapport pour le ministre.

La séance est levée.


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