Délibérations du sous-comité des
anciens combattants
Fascicule 2 - Témoignages (séance de soirée)
OTTAWA, le mercredi 28 novembre 2001
Le Sous-comité des affaires des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense s'est rencontré à 17 h 47 pour examiner, en vue de faire rapport, les soins de santé offerts aux anciens combattants qui ont servi au cours de guerres ou dans le cadre d'opérations de maintien de la paix, les suites données aux recommandations faites dans ses rapports précédents sur ces questions, et les conditions afférentes aux services, prestations et soins de santé offerts, après leur libération, aux membres de l'armée permanente ou de la réserve ainsi qu'aux membres de la GRC et aux civils ayant servi auprès de casques bleus en uniforme dans des fonctions d'appui rapproché.
Le sénateur Jack Wiebe (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président: Nous sommes le Sous-comité des affaires des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Le nom de sous-comité veut dire que les membres de ce comité sont en fait des membres du Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense. Le Comité sénatorial nous a demandé d'examiner certains aspects des affaires des anciens combattants, en particulier celles qui concernent le rapport que le Sénat a présenté il y a quelques années au ministère des Anciens combattants, en vue de déterminer quelles sont les recommandations du rapport sénatorial qui ont été adoptées et mises en oeuvre.
Nous allons entendre ce soir deux témoins qui représentent la Merchant Navy Coalition for Equality et le Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada. Je vais demander à Mme Muriel MacDonald de la Merchant Navy Coalition for Equality de présenter en premier son exposé.
Mme Muriel MacDonald, directrice exécutive, Merchant Navy Coalition for Equality: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je vous présente George Henderson, le président de Merchant Navy Coalition for Equality. Il a été élu au mois de mai. Il est également président de la Canadian Merchant Mariner Association.
Je vous présente Foster Griezic, professeur d'histoire canadienne à l'université Carleton. C'est le conseiller et le consultant bénévole de la coalition. Il travaille depuis 14 ans à rétablir l'histoire, souvent oubliée, de la marine marchande canadienne en temps de guerre. Il a restauré la fierté des anciens combattants de la marine marchande.
En 1999, la coalition a réussi à modifier certaines dispositions législatives pour que les lois fédérales sur la guerre s'appliquent aux vétérans de la marine marchande. Après 60 ans, ils ont obtenu l'accès à des soins de santé subventionnés auxquels ont droit tous les anciens combattants.
Il est un peu paradoxal de constater qu'ils arrivent à un moment de leur vie, marquée par la guerre, où ils ont davantage besoin de soins de santé à cause de leur âge et où ils font face à un régime d'assurance-maladie en état de crise. Les Anciens combattants, le «troisième niveau de gouvernement», n'exercent aucun contrôle sur les régimes de santé déréglementés et décentralisés des dix provinces et des trois territoires. Les services de santé destinés à la population générale et aux anciens combattants sont de moins en moins différenciés. Le nombre des anciens combattants qui, à cause de leur âge, utilisent les régimes d'assurance-maladie et les soins prolongés offerts par les provinces augmente.
Honorables sénateurs, votre sous-comité des anciens combattants ne relève pas du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Cependant, depuis décembre 1999, ce comité est chargé d'examiner l'état du système de santé canadien et le rôle joué par le gouvernement fédéral dans la prestation des soins de santé aux Canadiens. Les services de santé représentent un aspect de la vie très réel pour les vétérans âgés ou blessés qui ont participé à des conflits mondiaux et qui ont payé des impôts toute leur vie. Ils se heurtent toutefois à un obstacle très grave lorsqu'ils demandent un accès juste et équitable aux soins de santé, et cet obstacle se trouve ici.
Ce comité, présidé par le sénateur Michael Kirby, est étroitement lié à l'industrie des soins de santé privés. Il fait partie de plusieurs conseils d'administration, notamment de celui qui a annulé des mesures adoptées par le Canada et d'autres pays dans le domaine de la santé. Le sénateur Michael Kirby possède des intérêts dans les sociétés suivantes, ce qui le place manifestement en situation de conflit d'intérêts, et je demande pour cette raison que le sénateur Michael Kirby démissionne du Comité sénatorial permanent qui examine les soins de santé.
Le sénateur Kirby est un administrateur d'Extendicare. En 1993, Extendicare a reporté plus de 34,2 millions de dollars d'impôts sur les sociétés.
Le vice-président: Permettez-moi de vous interrompre, le sénateur Kirby n'est pas membre de notre comité et notre comité ne fait pas rapport au comité du sénateur Kirby. Je me dois de déclarer inacceptables les commentaires qui concernent directement ou indirectement le sénateur Kirby. Si vous avez des questions à poser au sujet du sénateur Kirby, il serait préférable de les lui poser ou de les poser au comité dont il est président.
Mme MacDonald: Je sais qu'il n'est pas membres de votre comité. L'année dernière, au cours de la dernière session parlementaire, il a toutefois siégé au Sous-comité des affaires des anciens combattants et je propose à la fin une recommandation qui expose certaines recommandations que votre sous-comité pourrait présenter au Comité sénatorial permanent de la sécurité et de la défense ainsi qu'aux Anciens Combattants, étant donné la situation de crise dans laquelle se trouve l'assurance-maladie.
Le vice-président: Le Sous-comité sénatorial des anciens combattants relève du Comité de la défense nationale et de la sécurité qui relève à son tour du Sénat du Canada. Nous n'avons pas le pouvoir de faire rapport à un autre comité. Si vous souhaitez soumettre ces éléments au Comité de la santé, je vous suggère de les exposer au sénateur Kirby.
Je sais que certaines personnes ont déjà exprimé l'opinion dont vous faites état dans votre exposé. Je tiens toutefois à signaler qu'à la suite des questions qui lui ont été posées, M. Kirby, a communiqué avec M. Wilson, le conseiller en éthique, et je crois savoir que vous avez eu la possibilité d'examiner cet échange de correspondance. Nous pourrions vous remettre ces lettres ce soir, mais le conseiller en éthique a clairement indiqué que le sénateur Kirby ne se trouvait pas en situation de conflit d'intérêts.
Si vous le permettez, je vais lire la déclaration qu'a faite le sénateur devant le Sénat le mardi 27 novembre:
J'ai reçu l'opinion de M. Wilson la semaine dernière. En voici le dernier paragraphe:
Il n'y a pas de doute que le travail du comité, une fois terminé, aura d'importantes incidences sur le débat public concernant le système canadien des soins de santé. Toutefois, comme le rapport ne liera évidemment pas le gouvernement fédéral, je ne trouve pas que vous soyez en situation de conflit d'intérêts.Notre comité aimerait entendre vos commentaires sur les aspects du système de santé qui vous préoccupent et nous pouvons ensuite présenter des recommandations au Sénat, après quoi, nous aurons la possibilité d'avoir un débat en chambre sur ces questions.
Le sénateur Kenny: J'ai lu ce document. Notre sous-comité est une tribune privilégiée et il se fait ici des déclarations concernant M. Kirby, qui devraient, je pense, être faites dans un lieu public, de façon à permettre au sénateur Kirby d'exercer, le cas échéant, des recours judiciaires. Il est tout à fait inacceptable de faire ici de telles déclarations.
Mme MacDonald: Les renseignements que vous contestez proviennent de la base de données du Report on Business d'InfoGlobe. Ils sont, je crois, de notoriété publique. Tout le monde peut avoir accès à la base de données d'InfoGlobe. Par contre, si vous voulez garder vos oeillères, pour utiliser ce mauvais cliché, je n'y peux rien.
Le sénateur Forrestall: Un instant, madame MacDonald. N'essayez pas de m'accuser ou de porter contre moi des accusations de ce genre parce que j'ai bien mieux à faire que d'entendre ce genre de choses. Si vous avez quelque chose à reprocher à Michael Kirby, faites-le directement. N'essayez pas de le faire par notre intermédiaire. Vous dites que, d'après vous, je suis aussi malhonnête que lui. Je ne pense pas qu'il ait fait quoi que ce soit de répréhensible, et, de toute façon, il a fait la déclaration qu'a mentionnée le président. Vous vous trompez d'adresse. Ce n'est pas à nous que vous devriez parler de tout cela.
Mme MacDonald: Je connais des gens qui ont essayé de prendre la parole devant le comité du sénateur Kirby, mais ils n'y sont pas parvenus. Par exemple, la Canadian coalition on health care n'a pas réussi à le faire. Il y a eu un grand forum sur les soins de santé, il n'y a pas très longtemps, en 1995 ou 1997. Je crois que cela était simplement déposé.
Quoi qu'il en soit, les vétérans de la marine marchande veulent ce que la plupart des Canadiens veulent, c'est-à-dire un régime de soins de santé amélioré. Ils ont besoin de soins de première ligne, auxquels ils n'ont pas accès. Ils veulent être admis dans les hôpitaux. Ils veulent des services de convalescence. Ils veulent des soins à long terme. Ils veulent des médicaments à prix abordable. Je vous renvoie à la page 6.
La coalition recommande notamment que le Sénat étudie de près de nouvelles orientations qui auraient pour effet d'améliorer les soins de santé à l'échelle nationale et les règles actuelles en matière de commerce.
Les médicaments sont un de ces aspects. En moyenne, les médicaments coûtent aux Canadiens plus de 1 000 $ par an. Ce coût est encore plus élevé pour les personnes âgées et les anciens combattants. Il y en a beaucoup qui s'en passe. Le premier ministre Mulroney a fait adopter le projet de loi C-91 qui protégeait les brevets des sociétés pharmaceutiques pendant 20 ans, et par la suite, le coût des médicaments a augmenté de 93 p. 100 entre 1987 et 1996. Je cite Matthew Sanger, l'auteur de Reckless Abandon: Canada, the GATS and the Future of Health Care:
Depuis lors, les États-Unis ont contesté le système canadien d'homologation obligatoire, en soutenant qu'avant 1989, la protection des brevets appartenant aux compagnies pharmaceutiques était incompatible avec les obligations du Canada aux termes de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ADPIC.
M. Sanger a ajouté:
En septembre 2000, l'organe d'appel de l'OMC a confirmé une décision antérieure prise par un groupe spécial, qui obligeait le Canada à protéger les brevets pendant une période de 20 ans à partir de la date du dépôt de la demande de brevet. Les fabricants de médicaments génériques ont affirmé que si le Canada prolongeait la protection accordée à ces brevets, les consommateurs seraient obligés d'assumer un coût supplémentaire de 200 millions de dollars pour se procurer des médicaments. Le Canada n'a pas encore fait savoir s'il entendait prolonger la protection des brevets en question ou faire face à des représailles commerciales.J'aimerais revenir au document initial que j'ai remis au greffier du comité. Je vais aborder les problèmes des marins marchands.
L'Ontario est la province canadienne qui est la plus peuplée et la plus riche. C'est un exemple de province qui a privilégié les soins de santé privés fournis par des entreprises à but lucratif par rapport aux soins publics. Cela annonce le genre de services de santé dont pourront bénéficier les anciens combattants à l'échelle nationale lorsque les régimes d'assurance-maladie auront disparu.
À quel genre de soins médicaux peut avoir accès un ancien combattant âgé ou blessé qui a participé à toute une série de conflits mondiaux? Pendant la guerre qui a été livrée au cours des années 90 contre le déficit, le centre médical de la Défense nationale a connu de graves restrictions budgétaires qui ont compromis les soins fournis aux patients. Une demande d'accès à l'information m'a permis d'apprendre que l'hôpital militaire avait été obligé de fermer son bloc opératoire en 1998, parce que les bactéries s'y multipliaient et causaient des infections aux patients. Il a été rapporté en février 2001 que l'armée loue une salle d'opération et cinq lits sur le campus civic de l'hôpital d'Ottawa.
Je peux vous dire que mon père est mort en 1992 au centre médical de la Défense nationale. Il avait 91 ans et avait fait partie du Royal Flying Corps pendant la Première Guerre mondiale.
En 1996, le gouvernement ontarien a commencé à réduire les budgets affectés aux soins de santé et cet hôpital universitaire est un des neuf hôpitaux d'Ottawa qui a été restructuré sous le gouvernement du premier ministre Mike Harris. Les listes d'attente sont longues, la salle d'urgence est surpeuplée, il y manque des lits, les services sont annulés ou réduits. D'après le rapport spécial préparé par Mohammed Adam publié dans le Ottawa Citizen du 29 octobre 2001, les autres hôpitaux «sont gravement sous-financés et sont ballottés d'une crise à l'autre.»
Quelles sont les chances des anciens combattants démunis d'obtenir des soins de longue durée dans la capitale du Canada? Ils doivent s'inscrire sur une longue liste d'attente. En fait, il y a une quinzaine de jours, on rapportait que plus de 1 500 personnes attendaient un lit d'hôpital. Lorsqu'une de ces personnes est acceptée, elle doit s'assurer qu'un parent ou un ami pourra l'aider.
En 1996, le gouvernement de l'Ontario a transformé en une institution caritative le Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants, qui était auparavant un hôpital. Cette institution a perdu plus de la moitié de son budget annuel provincial de 31,5 millions de dollars, 300 postes à plein temps ont été coupés et tous les soins infirmiers de base ont été supprimés. Cette même année, d'après le communiqué de presse de la Ontario Health Coalition du 14 septembre 2001:
La province a discrètement supprimé deux règlements qui fixaient des normes minimums en matière de personnel dans ces établissements. Un règlement exigeait que les patients bénéficient d'au moins 2,25 heures de soins par jour. L'autre obligeait les établissements à avoir au moins une infirmière autorisée de service, 24 heures par jour, sept jours par semaine. Toutes ces normes minimales légales ont été supprimées.Le Centre Perley-Rideau a été étudié par le sous-comité sénatorial.
Que peuvent faire les gens? Il y a le Centre d'accès aux soins communautaires d'Ottawa-Carleton. Il est devenu un centre d'orientation. Les seuls frais de thérapie augmentent de 830 000 $ par an par rapport à ce qu'ils coûteraient s'ils étaient fournis par le personnel de la santé publique. Le gouvernement ontarien refuse de payer cette facture supplémentaire. Le 8 novembre 2001, le gouvernement a annoncé qu'il nommerait à l'avenir tous les membres des conseils des centres d'accès aux soins communautaires de l'Ontario. Cette décision sonne le glas de la collaboration communautaire qui existait entre les agences sans but lucratif. Paul Leduc Browne a écrit dans «From Sacred Cow to Chopped Liver: Medicare in Ontario Savaged by Funding Cuts, Privatization» (De vache sacrée à viande hachée: l'effet brutal des coupures budgétaires et de la privatisation sur le régime ontarien d'assurance-maladie), paru dans le CCPA Monitor, de septembre 2001:
Pour réduire les dépenses et les impôts, le gouvernement ontarien a choisi de détruire des milliers d'emplois dans le domaine de la santé et a obligé de nombreux travailleurs de ce secteur à abandonner leur profession et leur province [...] Si l'on compare les dépenses publiques et privées dans le domaine de la santé en Ontario, on constate que les dépenses ont augmenté beaucoup plus rapidement dans le secteur privé que dans le secteur public. Entre 1980 et 1999, les fonds publics affectés à la santé ont augmenté de 135 p. 100 alors que les dépenses privées augmentaient de 333 p. 100.Dans le cas de l'Alberta, le premier ministre Ralph Klein a poussé encore plus loin la privatisation. Comme vous le savez, de nombreux rapports fiables et objectifs, préparés tant aux États-Unis qu'à l'étranger, démontrent que l'arrivée du secteur privé dans le domaine de la santé n'a pas pour effet d'améliorer les services de santé.
Je pourrais peut-être également ajouter qu'en 1999, le vérificateur général du Canada, qui fait rapport au Parlement, a signalé un grave manque de contrôles. Il a mentionné que le Parlement n'était pas vraiment en mesure de savoir si les provinces et les territoires respectaient les conditions et les dispositions de la Loi canadienne sur la santé.
La crise du régime d'assurance-maladie ne date pas d'hier mais elle est arrivée secrètement, sans que la population en ait eu connaissance ou soit consultée. Progressivement, les gouvernements ont modifié les lois, plafonné, gelé et réduit les paiements de transfert destinés aux provinces, les ont ramenés à un pourcentage inférieur à celui de la croissance de l'économie et les ont remplacés par des points d'impôt à titre de paiement fédéral.
Je cite une monographie de l'ancienne ministre libérale de la Santé, Monique Bégin, intitulée: «The Future of Medicare: Recovering the Canada Health Act» qu'elle a présentée en août 1999 aux Justice Emmett Hall's 2nd Memorial Lecture. Elle a déclaré: «Je ne suis pas certaine que nous puissions réviser la Loi canadienne sur la santé... car je crains qu'elle ne puisse être ensuite réadoptée. Les forces qui s'opposent au régime d'assurance-maladie, même si elles sont composées de groupes d'intérêt spécialisés et sectoriels, sont encore, d'après moi, suffisamment puissantes pour l'empêcher.»
Le rapport intérimaire du Sénat intitulé: «La santé des Canadiens - Le rôle du gouvernement fédéral, volume un - Le chemin parcouru», qui en fait état brièvement, mentionne que Mme Bégin a suggéré:
[...] qu'une nouvelle loi similaire à la Loi canadienne sur la santé soit établie pour régir l'utilisation des nouveaux transferts fédéraux. Cette nouvelle loi pourrait inclure des conditions additionnelles, comme la reddition de compte et la viabilité.Les conditions que pourrait prévoir, selon Mme Bégin, une nouvelle loi dans ce domaine pourraient exiger l'administration publique des services de santé, un des cinq principes de la Loi canadienne sur la santé devenu lettre morte. L'administration publique des soins est un principe qui est essentiel au respect des quatre autres.
Dans sa monographie, Mme Bégin critique l'approbation officielle qu'a donnée le gouvernement fédéral aux 12 principes provinciaux sur lesquels repose le régime de santé de l'Alberta, le 17 mai 1996.
Les Canadiens ne sont pas au courant de l'importance qu'a pris le secteur privé des soins de santé. Dans sa monographie, Mme Bégin mentionnait que les médias rapportaient qu'il existait plus de 1 000 cliniques privées en Ontario seulement et que... les contribuables devaient être informés des raisons à l'origine de cette tendance, et savoir la direction que prenait cette tendance et quelles étaient les règles applicables.
On parle beaucoup d'utiliser des primes, des tickets modérateurs et d'augmenter les impôts pour sauver le régime d'assurance-maladie. Les anciens combattants âgés qui ont un revenu fixe ne peuvent assumer le coût de ces mesures. Cela va-t-il se traduire par l'appauvrissement des vétérans par ce troisième niveau de gouvernement? J'ai fait remarquer que les Anciens combattants, le troisième niveau de gouvernement, ne disposaient d'aucun pouvoir. Le vérificateur général et d'autres l'ont très bien souligné.
Il est temps de restructurer le système fiscal fédéral actuel parce qu'il est injuste et qu'il autorise les abus. Les sociétés et les riches se servent des lacunes des lois fiscales et ils demandent constamment que l'on réduise les impôts.
En 1995, il y avait 90 415 sociétés qui ne payaient aucun impôt sur le revenu. Statistique Canada rapporte que le total des bénéfices enregistrés par ces sociétés en 1995 s'élevait à 18,5 milliards de dollars. Deux rapports internes de Revenu Canada qu'a obtenus la presse canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information montrent que la plupart des entreprises paient peu ou pas de taxes. On peut lire ceci dans le numéro de juillet-août du CCPA Monitor:
Près de deux tiers de toutes les entreprises canadiennes ayant des revenus annuels de moins de 15 millions de dollars - il y en a près de 716 000 - n'ont pas payé un sou d'impôt fédéral sur le revenu entre 1995 et 1998. C'est également le cas de 41 grandes sociétés ayant des revenus annuels de plus de 250 millions de dollars.
Quarante pour cent des filiales de ces grandes sociétés - ce qui représente environ 2 664 sociétés - n'ont payé aucun impôt.
Une de ces études portait sur les impôts fédéraux payés par les banques et les autres institutions financières entre 1996 et 1998. Elle a permis de constater qu'en 1998, le montant total des impôts payés par ces établissements a diminué d'un montant «surprenant» de 1,6 milliard de dollars - soit une chute de 44 p. 100.
Cette chute marquée des recettes fiscales provenant des banques était attribuée dans le rapport à «une planification fiscale agressive» rendue possible par «la complexité des produits, institutions et transactions financières.»Honorables sénateurs, je ne suis pas une fiscaliste, mais il ne me paraît pas déraisonnable de demander, par exemple, que les sociétés qui font plus d'un million de bénéfices et qui paient peu ou pas d'impôt versent annuellement un pour cent de leurs bénéfices pour les soins de santé ou remettent au gouvernement fédéral le montant des intérêts sur les impôts reportés.
Les anciens combattants se souviennent de l'époque où il n'y avait pas d'assurance-maladie et ils se souviennent de l'époque où il y en avait une. Les anciens combattants de la Première Guerre mondiale demandaient la justice sociale. Ce sont les vétérans de la Seconde Guerre mondiale qui ont repris le flambeau pour faire avancer leur cause, ce qui a entraîné une approche collective aux programmes sociaux. Cela a été bon pour tous les Canadiens. Je vais citer un passage de l'ouvrage de Mel Hurtig, intitulé The Betrayal of Canada (Le Canada un pays trahi):
À l'époque où le gouvernement fédéral exerçait une forte influence sur l'administration provinciale de la santé dans un régime auquel participaient toutes les provinces, la santé des Canadiens s'était sensiblement améliorée.Le Dr Marc Baltzan, ancien président de l'Association médicale canadienne, a résumé la situation de la façon suivante:
En une dizaine d'années, entre 1974 et 1987, le risque de mourir de maladie ou d'accident a chuté de 2,5 p. 100. Cela a épargné un grand nombre de vies: 45 000 Canadiens sont en vie alors qu'ils seraient morts autrement. Cela représente le nombre total des soldats canadiens qui ont été tués au cours de la Seconde Guerre mondiale.Il attribue la chute de la mortalité à l'arrivée massive de progrès importants dans la médecine clinique, la médecine préventive jouant un rôle moindre.
La chute de la morbidité est une autre explication. L'implantation de lentilles, les hanches et les genoux artificiels, la fréquence moindre des angines de poitrine, tout cela a réduit le taux de mortalité et amélioré la qualité de vie.Honorables sénateurs, serait-il juste de priver de tout cela les anciens combattants d'aujourd'hui et de demain? Je serais heureuse de répondre à vos questions.
Le vice-président: Merci. Je vais utiliser le privilège qui s'attache à la fonction de président pour poser la première question.
Les partenaires qui constituent le groupe, la Merchant Navy Coalition for Equality, ont environ 2 000 membres. Avez-vous une idée du nombre des anciens combattants de la marine marchande qui ne font pas partie de cette coalition?
Mme MacDonald: C'est comme si on demandait à la Légion combien y a-t-il d'anciens combattants qui n'en font pas partie. Je ne suis vraiment pas en mesure de vous fournir ce chiffre.
Le vice-président: Je vous pose cette question parce que les vétérans de la marine marchande sont souvent plus âgés que les anciens combattants en uniforme et, par conséquent, ont un plus grand besoin de lits dans des établissements, de lits dans des établissements de soins infirmiers et pour malades chroniques. Avez-vous une idée du pourcentage approximatif des membres de la coalition qui sont dans des établissements de soins infirmiers ou pour malades chroniques?
Mme MacDonald: M. Griezic peut répondre à cette question parce qu'il a été consulté par les Anciens combattants sur cette question.
M. Foster Griezic, consultant, Merchant Navy Coalition for Equality: Les chiffres que nous possédons soulèvent toutes sortes de problèmes. Nous pouvons vous fournir les chiffres que nous avons trouvés. Si je peux revenir sur la question que vous avez posée plus tôt au sujet du nombre des anciens combattants qui ne sont pas représentés par cette organisation, j'ai toujours dit qu'il y en avait au moins deux fois plus à l'extérieur de l'organisation, ce qui est assez comparable à la situation de la Légion.
La difficulté vient du fait que le ministère des Anciens combattants ne possède pas non plus de statistiques complètes, et ce n'est que grâce au mécanisme récemment créé par la loi que le ministère a découvert qu'il y avait d'autres marins marchands, autrement dit, des anciens combattants répondant aux normes et aux conditions établies par le ministère.
Comme le reconnaissent les personnes qui s'intéressent aux services de santé destinés aux vétérans, la réalité est qu'il est impossible de le savoir et que je ne peux vous fournir statistique simple et directe à ce sujet.
Cela s'explique en partie par la position qui a été adoptée au départ à l'égard des vétérans de la marine marchande. Ils ont toujours été désignés à tort comme des civils, ce que nous sommes tous. Même avec les changements apportés aux dispositions législatives en 1992, ils se sont retrouvés dans une catégorie intermédiaire, celle des «quasi-vétérans». Ils étaient encore qualifiés de civils. Ce n'est qu'en mars 1999, qu'ils ont obtenu la désignation officielle de vétéran. Même par la suite, le ministère des Anciens combattants envoyait des lettres à des civils, et non à des vétérans, pour parler précisément de cette difficulté.
Il n'est évidement pas facile pour nous de vous dire exactement combien il y en a, alors que le ministère lui-même ne le sait pas. Nous comptons simplement le nombre des membres qui font partie de nos organisations et nous ajoutons le nom des personnes que nous connaissons et qui n'en font pas partie. Je ne peux pas être plus précis que cela.
Le vice-président: Cela est compréhensible; cependant, j'imagine que votre organisme informe ses 2 000 membres des services offerts, de ceux qui n'existent pas, des allocations que verse le ministère, et cetera.
Avez-vous une idée de l'identité des 2 000 personnes que vous avez prises en charge, si je peux utiliser cette expression, qui se trouvent dans des établissements de soins infirmiers ou pour malades chroniques, où est-ce que vous avez choisi un peu au hasard ce chiffre de 2 000 personnes?
M. Griezic: Non, ce n'est pas ce que nous avons fait. Il est par contre difficile que dire que nous les avons prises en charge. La direction de notre association est composée de bénévoles. Nous ne sommes pas comme la légion qui a des organisateurs rémunérés, du personnel, nous n'avons pas de fonds. Tout est fait par des bénévoles. Je le fais depuis 15 ans. Cela m'a coûté beaucoup d'argent, mais il y avait là une injustice qui fallait corriger. Cela a été fait.
Nous avons toutefois un agent d'aide sociale, par exemple, qui va à l'Hôpital Sainte-Anne et l'ancien sous-ministre des Anciens combattants a confirmé officiellement que nous avons été obligés de communiquer avec lui pour faire entrer à Sainte-Anne un ancien combattant de la marine marchande. Nous avons été obligés de lui signaler ce cas pour que cet ancien combattant soit admis à l'hôpital et obtienne les soins dont il avait besoin, parce qu'ils l'avaient placé dans la catégorie des civils. Cela a été corrigé.
En 1998, j'ai rencontré pour la toute première fois un prisonnier de guerre qui fait maintenant partie de notre organisation. C'est moi qui, en fait, lui a fait connaître notre organisation, et il s'y est joint par la suite. C'est une histoire intéressante et j'allais vous parler de ce cas. Il est malheureusement décédé aujourd'hui. Pendant toutes ces années, il n'a rien reçu du gouvernement. Il n'a pas reçu un sou du gouvernement. J'ai signalé son cas aux Anciens combattants et trois semaines après, il a commencé à recevoir de l'argent. À l'époque, il se trouvait dans un foyer et c'est sa famille qui assumait ces frais. Il est mort en 1999, un an après que je l'ai rencontré.
C'est là le vrai problème. Notre organisation essaie simplement de les faire se rencontrer, de leur faire savoir ce qui se passe - ils reçoivent une revue trimestrielle - nous leur disons ce qui existe et quelles sont les démarches à faire.
Il y a un autre problème, même sur cet aspect. Je pourrais vous citer les noms de marins marchands qui ne veulent rien savoir du gouvernement, c'est aussi simple que cela. Depuis 1945, chaque fois qu'ils ont essayé de communiquer avec les autorités pour savoir ce qui se passait et ce à quoi ils avaient droit - je pourrais vous montrer de la correspondance, parce que j'ai fait des photocopies aux archives; peu importe que ces lettres aient été adressées à C.D. Howe ou à d'autres membres de la hiérarchie - ces gens n'ont pas eu droit aux allocations que recevaient leurs camarades de guerre, après la guerre. Ils sont devenus amers. Ils ont renoncé. Ils refusent tout. Je connais une femme noire, qui vit maintenant à Vancouver, qui aurait dû recevoir une allocation. Elle m'a dit «Je ne veux plus m'en occuper» et il n'y a rien que je puisse lui dire. Vous le pouvez peut-être, mais moi je ne peux pas parce qu'elle ne croit pas que l'on fera quelque chose pour elle. Je ne sais pas comment l'on pourrait changer cette attitude.
Le vice-président: Cela me paraît difficile.
Pour en revenir à votre coalition, vous avez mentionné que vous donnez tous les deux votre temps de façon bénévole, et que votre coalition comprend quatre organisations. Est-ce que l'une d'entre elles s'appelle les Anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne?
M. Griezic: Non, c'est la Merchant Mariner Association.
Le vice-président: Est-ce que l'Association de la marine marchande canadienne en est une autre?
M. Griezic: Oui, c'est exact.
Le vice-président: Est-ce que la Canadian Merchant Navy Prisoners of War Association en est une autre aussi?
M. Griezic: C'est exact.
Le vice-président: La Company of Master Mariners of Canada en est une autre?
M. Griezic: Elle s'est retirée de la coalition lorsque nous avons obtenu des allocations et une nouvelle loi.
Le vice-président: Est-ce que ces organismes et associations ont un personnel rémunéré?
M. Griezic: Pas que je sache.
Le vice-président: Vous dites que le ministère des Anciens combattants a du mal à déterminer si une personne est un civil ou un marin marchand.
M. Griezic: C'est exact, un membre de la marine marchande.
Le vice-président: Quelle est la meilleure façon d'obtenir cette désignation?
M. Griezic: C'est un procédé simple et je pourrais faire une suggestion. Il faut commencer avec le ministère des Transports. Avant 1995, le ministère des Transports était le dépositaire de tous les dossiers concernant le personnel de la marine marchande. Après cela, le ministère des Anciens combattants s'est chargé de ces dossiers et les a transférés à Charlottetown. Il existe encore des copies originales aux Archives nationales. Le ministère a ces dossiers. Il possède des copies de tous ces dossiers. Il n'existe aucun élément qui l'empêche de déterminer le nombre de ces personnes.
La définition de vétéran de la marine marchande soulève toutefois un problème; cela dépend des activités de ces marins et il faut déterminer s'ils ont navigué, pendant la guerre, dans des eaux dangereuses. Nous avons toujours soutenu que toutes les mers étaient des eaux dangereuses. Les pêcheurs n'entrent pas dans cette catégorie. Il a toujours été difficile d'obtenir du ministère des Anciens combattants qu'il examine tous ces dossiers et pour qu'il sache quelles sont les personnes dont il doit s'occuper. Je dis simplement que les Anciens combattants sont responsables de ces choses et non pas notre organisation, parce que toutes ces personnes, comme Mme MacDonald l'a fait remarquer, relèvent du gouvernement fédéral. Elles étaient aux ordres du gouvernement fédéral pendant la guerre de la même façon que le personnel militaire. Elles relevaient du juge-avocat général de la marine. Elles suivaient les ordres de l'Amirauté lorsqu'ils naviguaient. On leur disait sur quels navires elles devaient naviguer, qu'il s'agisse d'un navire canadien ou pas. Le gouvernement fédéral était responsable de ces personnes et les dossiers lui ont été transmis. Il aurait dû prendre le temps de les étudier.
Nous savons tous que le gouvernement a connu des difficultés financières et ce n'est que récemment qu'il a réussi à équilibrer les budgets et à débloquer des fonds pour ce genre de choses. Nous avons demandé au gouvernement d'affecter du personnel à ce travail pour qu'il examine les dossiers en vue d'identifier et de retracer les marins marchands.
Je peux vous reparler du nombre de prisonniers de guerre que j'ai trouvé. Je ne suis pas rémunéré pour le faire. Je ne fais pas partie du gouvernement fédéral et ma famille n'est aucunement reliée à ces questions. C'est au gouvernement fédéral qu'il appartient de rechercher ces personnes. Nous faisons ce que nous pouvons et disons au gouvernement que nous avons retrouvé des marins marchands. Je peux vous donner des exemples précis de noms que j'ai fournis au gouvernement en lui disant: «Faites tout ce que vous pouvez pour ces gens, ce sont des prisonniers de guerre.» Il y a aussi ceux qui n'ont pas été capturés et qui ont simplement navigué.
Le vice-président: Le ministère des Anciens combattants a-t-il élaboré une définition de vétéran de la marine marchande?
M. Griezic: Le projet de loi C-61 qui a été adopté le 26 mars 1999 définit cette catégorie. Des lignes directrices ont modifié cette définition. Elles ont été introduites lorsque le gouvernement a accepté d'effectuer des versements en 2000, et il y a eu certaines modifications apportées à ces définitions, mais les définitions de base existent depuis 1999.
Le vice-président: Est-ce que votre association est satisfaite de cette définition?
M. Griezic: Oui, nous le sommes, parce que nous avons participé à la rédaction du projet de loi. C'est la première fois que des membres de la marine marchande participent à l'élaboration d'un projet de loi. Le gouvernement nous a offert en 1997 de participer à des discussions au sujet de l'adoption d'un projet de loi qui accorderait aux marins marchands le statut que possèdent leurs camarades de l'armée. Nous avons été très heureux d'entendre cela, parce que c'est un grand progrès que de finalement reconnaître cette égalité. Le gouvernement a en fait reconnu, en n'ayant pas agi plus tôt, que les marins marchands ont effectivement fait l'objet de discrimination.
Le sénateur Forrestall: J'ai été en mer pendant des années sur des pétroliers et il y a des gens qui pensent que je connais un peu la mer. Je connais un peu les hommes et les femmes qui naviguent sur ces bateaux. Mon fils est capitaine et j'ai travaillé dans la salle des machines de plusieurs pétroliers pendant de nombreuses années pour cette vieille société canadienne, Imperial Oil. Cela remonte aux années 40 et 50.
C'est une lutte que je mène sans bruit depuis 36 ans. J'ai connu des milliers d'hommes et de femmes. Il n'en reste qu'une poignée. On retrouve des opinions très variées chez les vétérans. Je connais des marins marchands qui correspondent exactement à la définition de «vétéran» et qui en retirent tous les avantages qui en découlent. J'en connais également beaucoup, comme vous l'avez dit Mme MacDonald, pour qui ce n'est pas le cas.
Je vous demande donc clairement: de quels services ont besoin ces hommes et ces femmes? Il serait utile d'expliquer au comité ce qui existe, ce qu'ils obtiennent, sans se demander immédiatement ce qu'il faut faire pour que ces personnes aient facilement accès à ces services. J'ai toujours aimé l'attitude de George Hees: «Pour l'amour de Dieu, en cas de doute, donnez-leur ce qu'ils demandent.» Nous avons résolu beaucoup de problèmes pendant cette brève période. Nous avons résolu davantage de problèmes que nous en avons créés. Pourriez-vous me dire ce dont ils ont besoin.
Mme MacDonald: Leur âge moyen est de 81 ans et celui des prisonniers de guerre de 91 ans. Il faut que je vous dise que la ligne qui sépare les services de santé destinés aux vétérans, tel que prévu par les Anciens combattants...
Le sénateur Forrestall: Pourrions-nous les examiner un par un? La santé en Nouvelle-Écosse et dans la plupart des autres provinces...
Mme MacDonald: Je ne connais pas la situation de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Forrestall: Le régime est universel, comme il l'est dans les autres provinces, d'après ce que je sais.
Mme MacDonald: D'après les études du Centre canadien de politiques alternatives, il existe une crise dans les régimes d'assurance-maladie des différentes provinces. Il y a de graves problèmes d'accès. Le régime n'est plus universel, il n'est plus possible de passer d'une province à l'autre. En Ontario, on a même du mal à se faire admettre dans les hôpitaux à Ottawa.
La différence qui existait entre les soins de santé destinés aux vétérans et ceux qui visaient la population générale s'est estompée. Les gens de cet âge ont principalement besoin de soins de première ligne, parce que, comme me l'a dit un vétéran: «Quand on vieillit, les pièces s'usent.» Les médecins de famille qui soignaient les anciens combattants sont souvent décédés. Les vétérans ont besoin de soins de première ligne et parfois, de soins hospitaliers. Il y a toujours des files d'attente. Ils ont besoin de services de convalescence mais ces services ne sont plus offerts. À une certaine époque, le ministère des Anciens combattants avait des lits prioritaires dans les hôpitaux publics, mais cela a été supprimé.
Ils ont besoin de soins de longue durée, mais dans des établissements réglementés. Il y a eu beaucoup d'histoires d'horreur sur la façon dont on entreposait des gens dans certains établissements de soins prolongés. Le Centre Perley-Rideau en est un exemple. J'ai mentionné dans mon mémoire que la Légion avait beaucoup fait pour ces personnes. L'aide d'une personne de la famille est quand même toujours nécessaire.
Mon mari, qui est décédé, était un marin marchand. En 1979, il a eu le cancer et a été traité à l'Hôpital Civic d'Ottawa. Le ministre provincial de la Santé était à l'époque Dennis Timbrell. Les hôpitaux publics n'avaient pas le droit d'aménager de petits centres d'achat comme ils le font actuellement et qui leur permettent de se procurer quelques fonds. Ils avaient uniquement le droit de montrer quelques oeuvres d'art.
Vous auriez dû voir ce qui se passait dans la salle des cancéreux. Il y avait tout le temps des gens qui pleuraient. Il n'y avait pas suffisamment d'infirmières. Ce sont les épouses et les familles qui apportaient le linge propre. J'avais la chance d'avoir les moyens de me procurer des services et des infirmières pour la nuit. Le plus difficile pour les malades hospitalisés, c'est la nuit. C'était en 1979.
Le sénateur Forrestall: Les vétérans doivent avoir accès à des soins de santé prolongés, notamment à des soins palliatifs et à des traitements médicaux.
Mme MacDonald: Nous devons en fait revenir aux cinq principes de la Loi canadienne sur la santé. Nous devons revenir à la situation dans laquelle les provinces assumaient la moitié des coûts et le fédéral, l'autre moitié. Nous avons besoin de fonds supplémentaires. On m'a dit qu'il y avait des personnes qui proposaient que le gouvernement fédéral assume 25 p. 100 de ces coûts. Je voudrais que l'on prévoie un financement provisoire. C'est pourquoi je suggère dans mon mémoire que les sociétés qui font plus d'un million de dollars de bénéfices par an paient une taxe correspondant à un certain pourcentage des taxes reportées, qui serait affectée à la santé, à titre de financement provisoire.
Le sénateur Forrestall: C'est la première chose, le secteur des soins de première ligne.
M. Griezic: Aux soins de première ligne, viennent s'ajouter, d'après les renseignements que m'a fournis le ministère des Anciens combattants, le problème des soins prolongés, qu'ils soient de niveau 2, 3 ou 4, et il y a ensuite, les soins infirmiers et les soins de longue durée. Vous avez cette liste. Le grand problème, comme vous le savez, est qu'il y a un seul hôpital pour les anciens combattants au Canada. C'est l'Hôpital Sainte-Anne au Québec.
Le sénateur Forrestall: Et l'Hôpital Camp Hill?
M. Griezic: L'Hôpital Camp Hill s'occupe des vétérans mais il n'est plus administré par le ministère des Anciens combattants.
Le sénateur Forrestall: Cela fait effectivement un certain nombre d'années que ce n'est plus le cas, mais il y a encore une aile qui leur est réservée.
M. Griezic: C'est exact, mais pour obtenir cette aile spécialisée...
Le sénateur Forrestall: Je voudrais continuer sur cet aspect. Chaque province n'a-t-elle pas un établissement dont une partie des lits sont réservés aux anciens combattants?
M. Griezic: Certaines provinces sont tenues d'aménager des salles pour les anciens combattants où ces derniers sont admis en priorité. Cela est tout à fait vrai. Cela ne se produit pas toujours, pour la simple raison qu'il n'y a pas toujours suffisamment de lits. Lorsque ces lits sont déjà pris, on ne met pas les malades dehors.
Par exemple, j'ai eu du mal à obtenir du gouvernement de la Colombie-Britannique des renseignements sur la situation des anciens combattants. Le ministère des Anciens combattants m'a avoué qu'il ne connaissait pas vraiment la situation. Il procède par évaluation approximative.
Nous avons un peu de mal à savoir ce que l'on peut offrir à ces gens et quels sont les établissements que nous pouvons leur recommander. Il faut ensuite demander à un conseiller d'intervenir. Cela est une excellente chose, parce que ces conseillers peuvent fournir des conseils qui correspondent exactement à ce que souhaite Charlottetown, alors que nous ne sommes pas en mesure de le faire. Cela devient très difficile.
J'ai la liste complète, que m'a remise le ministère de Anciens combattants, des hôpitaux qui doivent normalement fournir des soins aux vétérans. Certains d'entre eux doivent conserver un lit pour les vétérans. Comment savoir quel est ce centre hospitalier lorsque quelqu'un a besoin d'être admis à l'hôpital? Allons-nous demander aux vétérans de sillonner la région de Vancouver pour trouver l'hôpital qui peut les admettre? Comment pourraient-ils le découvrir? Cela devient un vrai dilemme pour eux.
Il y a également le problème des médicaments pour les vétérans qui n'ont pas obtenu la carte des anciens combattants. Cela est très inquiétant pour eux parce que le coût des médicaments augmente très rapidement. Bien souvent, les vétérans s'occupent davantage de cet aspect plutôt que des problèmes d'admission à l'hôpital, à cause du coût des médicaments dont ils ont besoin.
Le sénateur Forrestall: Je crois que l'on peut dire que notre gouvernement a changé d'attitude dans ce domaine depuis quelques années. Cela n'a pas été sans peine, et cela a pris du temps, mais on a pris au moins certaines mesures, notamment on a reconnu qu'il y avait beaucoup d'anciens combattants à qui l'on devait de l'argent. Il y a aujourd'hui davantage de marins qui ont une meilleure opinion du gouvernement que ce n'était le cas pendant des années.
Quelle est la prochaine étape? Vous insistez sur les soins médicaux. Ne faudrait-il pas travailler sur les avantages qu'on accorde aux anciens combattants mais que l'on refuse aujourd'hui aux marins marchands parce qu'ils ne rentrent pas dans cette catégorie? Quelle est la situation des Canadiens qui ont servi à bord des navires de Sa Majesté la Reine? Quelle est celle des Canadiens qui ont servi sur l'immense flotte des pétroliers et des navires de la victoire américains? Savons-nous qui ils sont? Savons-nous où ils sont?
Je me souviens avoir connu de petits groupes de gens qui se réunissaient parce qu'ils étaient tous des Canadiens qui avaient navigué, pas nécessaire sous pavillon canadien, mais qui avaient néanmoins fait la guerre sur des navires. Nous avons trouvé des façons d'identifier les vétérans dans ce genre de situation. Qu'ont-ils obtenu?
Mme MacDonald: En 1999, la loi a été modifiée. Tous ces gens sont visés par elle. Ils peuvent tous bénéficier de la Loi sur les allocations aux anciens combattants et d'autres lois comparables. Finalement, en 1999, la Loi sur les anciens combattants leur est devenue applicable. Ils ont droit aux allocations prévues par cette loi.
Le sénateur Forrestall: Quelles sont ces prestations?
Mme MacDonald: Il y a l'allocation d'ancien combattant, une aide financière. M. Griezic devrait vous parler des difficultés qu'ont les prisonniers de guerre de la marine marchande, qui ont été détenus 15 mois en moyenne, à obtenir une pension d'invalidité. Cette allocation s'arrête à 36 mois, ce qui est ridicule. On arrête de leur verser leur pension. M. Griezic connaît mieux cette question que moi. Cette bataille n'est pas terminée.
M. Griezic: D'une façon générale, les marins qui ont navigué sur des navires norvégiens ou sur des navires de débarquement américains ont droit à une allocation, et au bénéfice de ces lois. Mme MacDonald a fait allusion à un problème réel, à savoir que les indemnités versées après la guerre ont été gravement réduites de sorte que ces personnes ont maintenant droit à des prestations dont le montant a beaucoup diminué. Ce n'est pas la situation idéale, mais c'est tout de même mieux que rien. Nous avons tant lutté pour que ces personnes aient droit à des allocations.
Parallèlement, pour ce qui est des anciens prisonniers de guerre, la situation est tout à fait illogique. La Légion nous appuie sur cette question et nous luttons pour obtenir des allocations depuis 1988, et même avant. En fait, tout a commencé en 1988, lorsque le gouvernement a décidé de supprimer la pension à laquelle avaient droit les militaires qui avaient été prisonniers de guerre pendant 50 mois. Tout d'un coup, le gouvernement a déclaré: «Et bien désormais, nous allons calculer l'indemnité en tenant compte de 30 mois d'incarcération.» Qu'est-ce qui arrive aux 20 autres mois pour ceux qui ont été incarcérés pendant 50 mois. Il faut tenir compte de cela.
Le gouvernement a au moins accepté de parler de cet aspect. Comme je l'ai dit, heureusement que nous avons la Légion qui nous appuie sur cette question, parce que certains de ses membres appartiennent également à cette catégorie. C'est cependant dans la marine marchande que l'on retrouve le plus fort pourcentage de prisonniers de guerre à long terme. On supprime leur pension après 30 mois et ils perdent les autres 20 mois. Cela est tout à fait injuste.
Le sénateur Forrestall: Ils n'ont jamais eu droit aux avantages qu'accordait la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants.
M. Griezic: C'est exact. De plus, ils n'ont jamais eu droit à l'assurance des anciens combattants, aux prêts commerciaux des anciens combattants, et à ce genre de choses.
Le sénateur Forrestall: Ont-ils été indemnisés pour tout cela?
M. Griezic: Ils viennent tout juste de l'être. Cela était compris dans le paiement à titre gracieux.
Le vice-président: Pour mon information, à combien s'élevait ce paiement?
M. Griezic: Voulez-vous la répartition? Pour les prisonniers de guerre, il était de 24 000 $.
Le vice-président: L'indemnité maximum était donc de 24 000 $?
M. Griezic: Oui, mais il fallait être un ancien prisonnier de guerre pour l'obtenir.
Le vice-président: Je veux revenir sur quelque chose dont nous avons déjà parlé, mais il est évident qu'il est difficile de savoir qui est un vétéran de la marine marchande. Vous avez indiqué que cette responsabilité incombait au ministère. Avez-vous des suggestions à faire sur la façon dont le ministère devrait déterminer le statut d'ancien combattant de la marine marchande?
Mme MacDonald: Je ne pense pas que cela soit un problème. Lorsque le gouvernement a fait savoir qu'il offrait une indemnité, un grand nombre de marins marchands se sont fait connaître. Le projet de loi C-61 définissait la catégorie des anciens combattants de la marine marchande.
Le vice-président: J'avais l'impression que vous n'aviez aucune idée du nombre des anciens combattants de la marine marchande qui ne faisaient pas partie de vos 2 000 membres.
M. Griezic: Il n'existe pas de nombre exact. Je suis désolé si j'ai donné cette impression. Nous ne savons pas exactement quel est leur nombre. Comme l'a mentionné Mme MacDonald au sujet de l'indemnité, la perspective de recevoir de l'argent peut avoir des conséquences bizarres et excellentes. Il y a toutes sortes de gens qui ont demandé cette indemnité alors qu'ils n'y avaient absolument pas droit. Il y a d'autres personnes qui auraient dû la demander et qui ne l'ont pas fait mais, de toute façon, nous avons une bien meilleure idée du nombre de ces anciens combattants; même si nous ne connaissons pas toujours leur nombre exact.
Le vice-président: Connaissons-nous ceux qui auraient dû demander une indemnité mais ne l'ont pas fait? Est-ce que le ministère connaît l'identité de ces personnes et dans le cas contraire, comment communiquer leur nom au ministère?
M. Griezic: Le ministère a repoussé le délai accordé pour les demandes.
Le sénateur Forrestall: Il y en avait beaucoup.
M. Griezic: Lorsque nous rencontrons ces gens, nous leurs demandons: «Avez-vous présenté une demande?» Ils répondent: «Eh bien non, nous ne l'avons pas fait parce que nous ne pensions pas que nous allions recevoir quoi que ce soit.» Ces personnes étaient parfois dans un hôpital et ne savaient pas comment faire. Nous leur disons: «Envoyez une demande de toute façon.» Le ministère examine ces demandes.
En ce moment, le ministère examine environ 750 demandes. Je ne peux pas vous dire exactement combien il y en a. Il y a également le fait que le gouvernement nous donne des chiffres différents, en partie parce qu'il ne sait pas très bien quels sont les chiffres réels. On m'a remis des statistiques la veille d'une réunion avec des représentants du gouvernement, et ces gens les ont écartées le lendemain. J'ai cité des statistiques que m'avait remises le ministère le lundi et le mardi, on m'a dit: «Ces chiffres ne sont pas exacts. Il faudrait ajouter 13 personnes.» Lorsque j'ai téléphoné le lendemain à la personne que je connais à Charlottetown, pour savoir ce qui se passait vraiment - c'est un de mes anciens confrères d'université - il m'a dit que les statistiques que l'on m'avait remises au cours de cette réunion n'étaient pas exactes non plus.
Que pouvons-nous faire? Nous avons beaucoup de mal à établir le nombre exact de ces personnes, à savoir ce qu'elles font et comment nous pouvons les contacter et les aider.
Le vice-président: J'imagine que ce chiffre change. Il doit être difficile de vous fournir un chiffre exact, parce que, comme vous le dites, il y en a qui auraient dû présenter une demande et qui ne l'ont pas fait et avec la prorogation du délai, le ministère va recevoir de nouvelles demandes. Il y a aussi le fait qu'en raison de leur âge, disons de 81 à 91 ans, certaines de ces personnes vont décéder. Je peux comprendre ces difficultés. Pensez-vous que le système actuel va éventuellement permettre d'identifier toutes les personnes qui ont droit à ces indemnités?
M. Griezic: Nous demandons simplement que le ministère nous consulte. Avant 1997, nous n'étions pas consultés. Nous avions des réunions. Le ministère ne reconnaissait pas notre organisation, ce qui a suscité de graves difficultés parce que nous essayons de travailler sur un aspect, le ministère travaillait de son côté sur un autre, en fait, il essayait d'exclure les marins marchands.
En mars 1999, nous avons remporté une grande victoire pour les marins marchands lorsque la direction de la Légion a finalement accepté d'appuyer les efforts que nous déployions pour que les marins marchands soient considérés comme des anciens combattants et aient droit à une allocation. La Légion avait toujours affirmé qu'elle appuyait les marins marchands mais j'ai prouvé qu'en fait, elle ne le faisait pas. Depuis lors, nous travaillons en collaboration. Nous avons rencontré des représentants de la Légion en 1994 et c'est à cause d'un comité parlementaire qu'elle a accepté de nous rencontrer parce que j'ai insisté pour que des politiciens utilisent leur pouvoir pour obliger la Légion à nous rencontrer. Malheureusement, Mme MacDonald s'occupait d'un cancer à l'époque et n'a pas pu y assister. Ils ont affirmé après cette réunion qu'il ne serait pas nécessaire de se réunir à nouveau avec des représentants de l'organisation des marins marchands. Nous avons enregistré tout cela.
Le vice-président: Autrement dit, la Légion n'a pas offert de mettre un organisateur rémunéré à votre service.
M. Griezic: Non.
Le vice-président: Vous avez mentionné les problèmes de santé qui touchent, d'après vous, l'ensemble du Canada. Êtes-vous convaincu que les anciens combattants ont droit aux mêmes genres de soins infirmiers ou de longue durée que les autres Canadiens?
Mme MacDonald: Avez-vous dit «que les autres Canadiens?»
Le vice-président: Prenez-moi comme exemple. Je ne suis pas un ancien combattant. Si je devais aller dans un centre de soins prolongés, serais-je traité mieux ou moins bien qu'un ancien combattant?
Mme MacDonald: Si c'est un foyer privé commercial, vous seriez traité de la même façon - mais n'oubliez pas d'amener un membre de votre famille ou quelqu'un avec vous.
Le vice-président: Il y a de l'incertitude, mais j'aimerais avoir une idée du temps qu'un ancien combattant doit attendre avant de pouvoir obtenir un lit, lorsqu'il en a besoin. J'imagine que nous devrions utiliser les statistiques qui concernent le régime national d'assurance-maladie. Est-ce une hypothèse valable?
Mme MacDonald: Oui, c'est une hypothèse valable.
M. Griezic: La situation n'est guère meilleure pour eux, parce qu'il y en a qui doivent attendre plus longtemps. C'est en fait une situation impossible pour eux. Normalement, ils ont priorité. Normalement, et je souligne cela. Cela n'est pas toujours le cas et d'ailleurs, les gouvernements provinciaux et le ministère des Anciens combattants le reconnaissent. Cela ne devrait pas se produire.
Le vice-président: Nous avons consacré la plus grande partie de notre temps aux questions de santé qui touchent les vétérans, et cela est important si l'on tient compte de l'âge qu'ont les vétérans de nos jours. Les soins de santé sont certainement la principale préoccupation. Y a-t-il cependant d'autres domaines qui ne sont pas reliés à la santé et que nous devrions examiner par rapport aux besoins des vétérans, autres qu'en matière de santé? Ont-ils été traités de la même façon que les anciens combattants qui ne sont pas des anciens combattants de la marine marchande?
M. Griezic: Ils le sont depuis 1999. Le ministère s'est efforcé de leur accorder le même traitement. Le ministère n'a agi de cette façon parce que nous lui avons constamment rappelé qu'il était nécessaire d'accorder le même traitement aux marins marchands. Je pourrais toutefois faire certaines suggestions qui se rapportent à l'aspect que vous avez soulevé.
J'ai parlé d'une famille en particulier, mais il y a d'autres conjointes qui ont perdu leur mari au cours des deux dernières années. La plupart d'entre elles ont plus de 80 ans. J'invite le comité à examiner la possibilité de recommander au ministère d'accorder à ces conjointes le droit de recevoir les mêmes soins que recevaient leurs maris anciens combattants. Je vous le demande pour plusieurs raisons. Comme vous le savez, les conjointes n'ont pas toujours les moyens financiers qu'ont leurs conjoints. Il arrive que la veuve ait besoin de lunettes ou d'appareils auditifs. Je connais deux cas en Colombie-Britannique des personnes qui ont besoin de nouveaux appareils auditifs, mais qui ne reçoivent aucune aide pour se les procurer.
Nous savons que les femmes se retrouvent bien souvent dans la même classe d'âge. Elles ont besoin de soins à domicile. Elles ont besoin de quelqu'un qui vienne les aider chez elles. Elles peuvent demander l'aide de membres de leur famille, mais je ne pense pas qu'elles devraient être obligées de le faire. Elles ont vécu avec leur conjoint, leur mari, maintenant défunt, pendant une cinquantaine d'années. Elles se retrouvent d'un seul coup seules et elles doivent faire leur ménage. Pourquoi ne pas leur donner la possibilité d'avoir quelqu'un qui s'occuperait du déneigement, si elles sont en Ontario, ou du ménage, ou d'autres choses, ou des problèmes dus à la pluie, si elles vivent à Vancouver, pour que ces gens aient une vie plus facile? Elles ne vont pas vivre très longtemps. Cela ne coûterait presque rien, parce qu'elles ne sont pas nombreuses.
Le vice-président: Est-ce que vous demandez cela au nom des conjointes de tous les anciens combattants ou uniquement au nom des conjointes des marins marchands? Est-ce là un traitement qui est accordé à l'heure actuelle aux autres anciens combattants?
M. Griezic: Non, ce n'est pas le cas. Comme nous l'avons fait pour les anciens combattants qui étaient d'anciens prisonniers de guerre, nous avons demandé que les fonds qui vont rester après le versement de l'indemnité, qui vont représenter entre six et huit millions de dollars, soient utilisés pour verser l'allocation maximale, y compris aux anciens combattants militaires. C'est la recommandation que notre organisation a présentée au ministère. Cela ne coûterait à celui-ci que trois millions de dollars environ. Cet argent est destiné aux marins marchands. Cela fait déjà plusieurs années que nous luttons pour cette cause. Le ministère a reconnu que cela était possible, mais à cause des événements du 11 septembre, il craint maintenant d'avoir à assumer d'autres frais. Cela ne me paraît guère logique. Les fonds sont là. On peut les utiliser de façon positive, pourquoi donc ne pas le faire?
Nous demandons à votre comité, si cela est possible, de recommander au ministère d'utiliser ces fonds supplémentaires pour verser l'allocation maximale à toutes les personnes qui relèvent de lui. Comme je l'ai dit, la Légion est favorable à cette mesure, tout comme l'Association nationale des prisonniers de guerre. Cela devrait être fait.
Le vice-président: Je vous remercie du temps que vous nous avez consacré ce soir. Vous avez présenté d'excellentes remarques?
Quelqu'un veut-il proposer une motion pour que les documents qui nous ont été remis ce soir, au nom de la Merchant Navy coalition, soient déposés à titre de pièce auprès du comité?
Le sénateur Kenny: J'émets quelques réserves au sujet de la déclaration, monsieur le président, et je me demande s'il convient vraiment de déposer ces documents auprès du comité.
M. Griezic: Pourrais-je savoir exactement ce à quoi vous vous objectez? Je sais qu'il y a des différences d'opinion et cela ne me dérange pas. Quel est l'aspect particulier qui vous incite à refuser cela?
Le vice-président: Nous allons suspendre la séance pour cinq minutes et je serai très heureux de vous en parler après.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Conseil national des associations d'anciens combattants au Canada. Il y a un témoin qui a comparu devant notre comité au début de l'année et nous lui avions dit à l'époque que s'il voulait revenir ajouter quelque chose par la suite, nous l'entendrions avec plaisir. Il s'agit de M. Clifford Chadderton.
Bienvenue une nouvelle fois à notre comité.
M. Clifford Chadderton, président, Conseil national des associations d'anciens combattants au Canada: Monsieur le président, j'ai remis un mémoire que je n'ai pas l'intention de lire et que je ne commenterai pas non plus. Il a été produit à l'assemblée générale annuelle qu'ont tenue récemment les 39 organismes qui représentent les vétérans pour qui je parle aujourd'hui.
J'avais l'impression que le comité souhaitait en fait aborder les questions découlant du rapport du comité intitulé «Relever la barre: une nouvelle norme de soins de santé pour les anciens combattants.» Il n'y a qu'une seule question importante et il s'agit, bien entendu, des soins de santé de longue durée. C'est une question dont nous avons parlé à plusieurs reprises devant le sous-comité sénatorial.
Je suis tout à fait conscient que ce sujet fait l'objet d'analyses et de discussions dans les médias à l'heure actuelle et je suis également conscient du fait que c'est une responsabilité qui relève en partie des provinces. Je vais néanmoins faire porter mes commentaires sur ce que je considère être la responsabilité du gouvernement fédéral dans ce domaine et aborder immédiatement cet aspect, de façon à donner aux sénateurs le temps de poser des questions, s'ils le souhaitent. J'attire votre attention sur ce document. Ces chiffres ont été mis à jour il y a deux jours.
À la page 2, nous avons dressé la liste des principaux établissements où les anciens combattants peuvent recevoir des soins de longue durée. C'est le chiffre que j'ai fourni au comité la dernière fois que j'ai comparu, il y a un an environ. Nous avions mentionné que les longues listes d'attente auxquelles faisaient face les vétérans qui avaient droit à des soins, soit en vertu du règlement ministériel sur la santé ou de la Commission des pensions du Canada, nous inquiétaient énormément.
On trouvera à la page 1 la situation telle qu'elle existe aujourd'hui. J'attire votre attention sur le fait qu'il y a un an le chiffre des personnes figurant sur la liste d'attente des principaux établissements de soins s'élevait à 677. La liste d'attente est passée cette semaine à 814, ce qui constitue l'indication la plus claire que je puisse donner à votre comité du fait que nous sommes en train de perdre la bataille.
Je ne suis pas ici pour désigner les responsables mais il existe un certain nombre de dispositions qui accordent aux vétérans le droit à des lits où ils peuvent recevoir des soins de longue durée. La première catégorie comprend les anciens combattants qui souffrent d'une affection ouvrant droit à pension, comme une maladie reliée à une blessure par balle et ce genre de choses. Le deuxième groupe regroupe les anciens combattants au revenu admissible. Autrement dit, ce que nous appelons l'allocation aux anciens combattants est versée aux personnes qui, pour diverses raisons, ne peuvent subvenir à leurs besoins avec leur seul revenu.
Il existe une troisième catégorie, et je suis très reconnaissant au gouvernement de l'avoir créée, que l'on appelle «Assimilé aux anciens combattants». Je vois des sourires lorsque j'entends cette expression, mais il y a des gens qui, même en accumulant une très petite pension de retraite, l'allocation d'ancien combattant et la pension de sécurité de la vieillesse, sont encore en dessous du seuil de la pauvreté. C'est pourquoi le ministère de Anciens combattants les regroupe dans une troisième catégorie qui donne droit à des soins prolongés. Le quatrième groupe comprend les anciens combattants ayant servi outre-mer, qui ont droit à des lits pour soins prolongés s'ils remplissent certaines conditions relatives au revenu.
L'ampleur du problème n'a pas changé. Je vous renvoie au rapport du vérificateur général du Canada, selon lequel il y aurait de 50 à 60 000 anciens combattants dans ces quatre catégories. Les lits pour lesquels le ministère des Anciens combattants a un «accès prioritaire» sont au nombre de 9 200 environ. Nous sommes donc très loin d'être en mesure de fournir des soins prolongés aux personnes pour qui le Parlement a adopté ce projet de loi.
Nous avons tenté, au cours des années, de corriger la situation. La solution est très claire. Nous avons communiqué avec pratiquement tous les gouvernements provinciaux, à l'exception du Québec, ce qui n'était pas nécessaire puisque ce problème ne se pose pas vraiment dans la province du Québec. Nous avons communiqué avec les gouvernements provinciaux qui sont responsables des soins de santé à long terme et qui fonctionnent tous, d'une façon ou d'une autre, conformément à des ententes à long terme conclues avec AAC et qui prévoient un plafond pour le nombre de lits réservés aux anciens combattants.
Comment résoudre cela? Si l'on renégociait les ententes conclues entre AAC et les provinces, on pourrait fournir aux vétérans qui y ont droit des lits pour des soins prolongés dans ce qu'on appelle les «hôpitaux communautaires». Pour ce qui est du poste budgétaire, il est important que le comité sache qu'il n'est pas nécessaire d'adopter de nouvelles mesures législatives pour fournir des lits supplémentaires dans les différentes provinces. Le règlement sur les soins de santé prévoit que lorsqu'un vétéran est admis à recevoir des soins de longue durée dans une institution relevant d'une province, le budget du ministère des Anciens combattants prévoit le versement de 150 $ par jour au-delà de ce que la province verse pour ce type de lit.
Lorsque des lits sont libres - et là, c'est un aspect à régler avec les provinces - cela devient une simple question de mathématiques. Si nous prenons l'exemple de Halifax, il y a 130 anciens combattants sur la liste d'attente à Halifax - 114 pour l'Hôpital Camp Hill, que nous connaissons tous très bien, et 11 pour le Soldiers' Memorial Hospital de Yarmouth. Que pouvons-nous faire pour donner des lits à ces 130 personnes?
Pour le moment, le nombre de lits que l'on peut offrir aux vétérans, conformément à la loi et aux contrats qui ont été signés par AAC et la province, en vertu desquels AAC paie un montant supplémentaire de 150 $, est plafonné. Ce plafond est artificiel. Je suis convaincu, parce que nous en avons parlé ensemble récemment, que le directeur de l'hôpital de Yartmouth serait très heureux de mettre de côté un lit à accès prioritaire pour un vétéran - je ne veux pas dire qu'il serait prêt à le lui donner immédiatement, je veux simplement dire qu'il le mettrait en tête de la liste d'attente. L'hôpital serait tout à fait disposé à le faire si le gouvernement fédéral versait une somme de 150 $ correspondant au coût de «l'incarcération», si je puis utiliser cette expression, du vétéran, comme le prévoit la loi.
Cependant, les bureaucrates et peut-être les dirigeants politiques du ministère ont dit: «Non, nous allons fixer un plafond pour chacune des provinces.» Pour ce qui est des lits à accès prioritaire, il faudrait que AAC renégocie ses accords avec les provinces, peut-être en supprimant carrément tous les plafonds, je ne sais pas. Il faut de toute façon augmenter le nombre des lits auxquels les anciens combattants ont un accès prioritaire.
Franchement, j'ai du mal à comprendre pourquoi ce problème perdure. Cela fait de nombreuses années que je comparais devant le comité parlementaire. Le sénateur Kenny se souvient peut-être que je connais M. Gordon Blair depuis une trentaine d'années. J'ai du mal à comprendre que certains de ces lits soient vides. J'ai du mal à comprendre pourquoi nous avons 814 vétérans qui ont droit à ces soins. Puis-je demander à Jean McMillan quelle est la durée moyenne de l'attente? Il me paraît important de le mentionner.
Mme Jean McMillan, directrice adjointe, Bureau national des services, Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada: La durée d'attente moyenne va bien souvent jusqu'à deux ans, ce qui est très long pour nos anciens combattants et leurs familles.
M. Chadderton: Elle ne devrait pas être supérieure à 30 jours dans la plupart des cas. Nous avons ici le problème de 814 anciens combattants qui ont obtenu un certificat médical indiquant qu'ils ont besoin d'être hospitalisés. Bien souvent, il y a de la place mais la province demande: «Pourquoi devrions-nous accorder la priorité à un ancien combattant par rapport aux autres?» La seule raison pour laquelle la province serait prête à le faire est que le gouvernement fédéral est en mesure de leur verser une somme de 160 $ par jour. Nous savons tous que le financement des soins prolongés - les médias en parle aujourd'hui - est un problème grave pour nous.
Nous pensons que, si les anciens combattants n'ont pas accès aux soins de longue durée qui pourraient leur être fournis, c'est à cause des ententes conclues entre AAC et les divers ministères provinciaux de la Santé. Je serais très surpris que cela soit un problème. J'ai parlé à de nombreux responsables provinciaux de la santé au cours de mes voyages - et je vais en voir quelques-uns en Alberta la semaine prochaine - qui disent: «Le gros problème, c'est le financement» et j'ajoute «mais pas pour les lits des anciens combattants.» Si l'on admet un ancien combattant à Swift Current, cet établissement reçoit non seulement le montant de 185 $ par jour que lui verse le gouvernement de la Saskatchewan, mais en plus un montant de 150 $ par jour qui vient du gouvernement fédéral. C'est une situation que je ne peux vraiment pas m'expliquer.
Je devrais vous dire que j'ai signalé la chose à l'ancien sous-ministre, M. David Nicholson, et au sous-ministre actuel, l'amiral Larry Murray. Nous avons également saisi de cette question le Conseil consultatif de gérontologie, un comité qui fait partie du ministère des Anciens combattants, mais jusqu'ici, nous n'avons vu personne qui soit prêt à faire quelque chose.
Le vice-président: Merci beaucoup, monsieur Chadderton.
Le sénateur Forrestall: Permettez-moi de poser une brève question pour clarifier une chose: vous avez parlé du Soldiers' Memorial Hospital de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, mais ne pensez-vous pas qu'il s'agit plutôt de Middleton?
M. Chadderton: Oui, vous avez tout à fait raison, l'hôpital de Yarmouth est celui dont je parlais. Est-ce que votre chiffre concernait le Soldiers' Memorial Hospital?
Mme McMillan: Oui.
M. Chadderton: Je suis désolé. J'ai fait une erreur. Merci de l'avoir corrigée.
Le vice-président: Je vais commencer par demander de précision. Il n'y a qu'un seul hôpital pour anciens combattants au Canada - au Québec - qui est administré par le ministère des Affaires des anciens combattants. Les arrangements concernant les lits destinés aux vétérans sont pris avec les gouvernements provinciaux et visent les hôpitaux provinciaux.
M. Chadderton: C'est exact.
Le vice-président: Disons, par exemple, que le ministère des Anciens combattants conclut une entente avec le gouvernement de la Saskatchewan, prévoyant que 150 lits seront mis à la disposition des vétérans. Si l'un de ces lits devient libre, est-ce que l'ancien combattant qui se trouve au milieu de la liste d'attente passe devant tous les autres et se voit attribuer ce lit?
M. Chadderton: Ce n'est pas ce qui se passerait à l'heure actuelle.
Le vice-président: Prenons un hôpital où il y a 150 lits réservés aux vétérans. Il y a des vétérans sur la liste d'attente mais aucun vétéran n'est en tête de la liste, est-ce que ce serait un civil qui occuperait un lit réservé en principe aux vétérans?
M. Chadderton: Oui, c'est exact. Par exemple, à Regina, la liste d'attente de l'Hôpital Wascana pour les lits destinés aux vétérans contenait 23 noms, cette semaine.
Le vice-président: Avez-vous une idée du nombre des lits réservés aux vétérans qui sont occupés par des gens qui ne le sont pas?
M. Chadderton: Il y a 23 vétérans sur la liste d'attente et il y a, à Wascana, environ 160 lits qui sont réservés aux vétérans. Le Deer Lodge Hospital est un autre exemple.
Le vice-président: Cette réponse me surprend et cela me dérange. Par exemple, s'il y a 100 lits réservés à Wascana, je peux comprendre que, si un lit se libère et qu'aucun vétéran ne figure sur la liste d'attente, il soit attribué à un civil. Cependant, si le lit qui s'est libéré est réservé aux vétérans et qu'il y a un vétéran sur la liste d'attente dont le nom figure en dessous d'un civil, j'aurais pensé que le vétéran aurait automatiquement accès à ce lit. Est-ce que ça fonctionne de cette façon?
M. Chadderton: C'est tout à fait exact. À Wascana, il y a 23 vétérans sur cette liste d'attente qui ont besoin d'un lit.
Le vice-président: Lorsqu'un lit se libère, cela veut dire que le vétéran dont le nom figure sur la liste d'attente y a accès.
M. Chadderton: Non. Pour commencer, il n'y a pas de lits vides. Ils sont toujours occupés.
Le vice-président: Pas nécessairement. Si un lit se libère parce que le malade est décédé, cela fait un lit vide. Reprenons notre exemple d'un hôpital où il y aurait 100 lits réservés aux vétérans, et qui se retrouverait à ce moment-là avec 99 vétérans occupant 99 lits. Il y a toutefois dix vétérans sur la liste d'attente et devant ces dix vétérans, il y a deux civils. Lorsque le lit de ce vétéran se libère, est-ce que c'est la personne qui se trouve en haut de la liste qui l'occupe ou est-ce le premier vétéran dont le nom apparaît sur cette liste?
M. Chadderton: Si c'est un lit à accès prioritaire, il pourrait y avoir sur la liste dix personnes qui ne sont pas des vétérans et dix autres qui en sont. Les non-vétérans vont attendre et la première personne qui se trouve sur la liste d'attente des vétérans, qui comprend 23 noms pour Wascana à l'heure actuelle, sera rayée de cette liste et aura accès à ce lit.
Le vice-président: Supposons qu'il y a trois vétérans sur la liste d'attente et dix civils qui sont devant eux. S'il y a dix lits libres - et il y a seulement 90 vétérans dans les 100 lits désignés - est-ce que cela veut dire qu'un civil peut occuper un des lits réservés? Est-ce bien exact?
M. Chadderton: Oui, parce que les accords signés entre AAC et l'établissement prévoient que lorsque des lits sont vides, ils peuvent être occupés par des civils. Cependant, dans le cas où un lit se libère, et il y a des vétérans sur la liste d'attente, c'est un vétéran qui va occuper ce lit.
La raison en est fort simple: il ne faut pas refuser un lit de soins prolongés à un civil pour la seule raison qu'aucun vétéran ne veut l'occuper.
Le vice-président: S'il y a un vétéran qui souhaite occuper ce lit, et qu'un civil figure sur la liste avant le vétéran, c'est quand même lui qui aura le lit.
M. Chadderton: Oui, c'est exact.
Le sénateur Forrestall: Cela vient du fait qu'il existe d'autres lits d'hôpitaux destinés aux civils et auxquels le vétéran n'a pas nécessairement accès.
Le sénateur Kenny: Monsieur Chadderton, je suis heureux de vous revoir. J'aimerais vous poser quelques questions pour replacer ces choses dans leur contexte.
J'aimerais savoir quel est le pourcentage que représente le nombre total des vétérans qui occupent des lits pour soins prolongés par rapport à ceux qui sont sur une liste d'attente?
M. Chadderton: Il y a environ 92 vétérans dans deux types de lits ministériels, dont certains ont été désignés lorsqu'ils faisaient partie de l'ancien établissement, ou qui se trouvent dans un nouvel établissement, comme le Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants. Il y a d'autres lits réservés, par exemple, dans la région d'Ottawa, comme à Smith's Falls. Au total, il y a environ 150 lits dans le Centre Perley-Rideau et peut-être 150 autres lits dans la région, dont cinq se trouvent à Smith's Falls, et les autres dans la région.
Le sénateur Kenny: Permettez-moi de reformuler la question. Au Canada, il y avait à la date à laquelle la liste a été établie, 814 vétérans qui attendaient un lit.
M. Chadderton: C'est exact.
Le sénateur Kenny: Combien y avait-il de vétérans qui occupaient des lits à cette date?
M. Chadderton: Il y avait 9 200 vétérans qui occupaient des lits.
Le sénateur Kenny: Comment évolue ce chiffre, demeure-t-il relativement stable ou varie-t-il de jour en jour ou de mois en mois?
M. Chadderton: Je suis content que vous ayez posé cette question. Il y a cinq and, nous avons attiré votre attention sur la question du vétéran fantôme. Nous savons qu'il existe, mais nous ne savons pas qui il est. Nous savons qu'il a fait la Seconde Guerre mondiale. Il est revenu au Canada. Il est certain que s'il continue à vivre, il aura besoin d'un lit pour soins prolongés et c'est de là que vient le chiffre un peu nébuleux de 50 000 vétérans qu'a fourni le vérificateur général.
Nous ne savons pas vraiment combien il y en a, mais je crois que je pourrais répondre à votre question de la façon suivante: nous avons dit à votre comité, il y a quatre ans, qu'une crise était imminente. Elle ne s'est pas encore concrétisée parce que nous avons réussi à trouver des lits pour les vétérans ou à leur faire verser une allocation pour qu'ils puissent rester chez eux. Nous avons toutefois signalé que cette situation ne durerait pas. La crise va nécessairement s'aggraver. C'est pourquoi nous avons attiré l'attention du comité sur ces deux chiffres. La situation s'est aggravée, lorsque le chiffre est passé de 677 à 814 en un an.
Le sénateur Kenny: Vous lisez sûrement dans mes pensées, Monsieur Chadderton, parce que vous répondez à ma troisième question. Ma deuxième question était la suivante: L'évolution qui s'est produite en un an a-t-elle été constante ou a-t-elle évolué d'un jour ou d'un mois à l'autre?
M. Chadderton: C'est plutôt d'un mois à l'autre, d'après les dossiers. Le fait que le nombre de vétérans qui figure sur la liste d'attente, d'après le ministère, est passé de 677 à 814 aujourd'hui en dit long sur la situation.
Le sénateur Kenny: Je me demandais si ce chiffre était passé de 677 à 814 pour retomber ensuite à 700? Est-ce qu'il varie beaucoup?
M. Chadderton: Non, pas du tout. Il y a des sommets et des creux, mais il augmente constamment.
Le sénateur Kenny: Pour ce qui est des caractéristiques démographiques de ce groupe - et je crois que vous étiez sur le point d'en parler il y a un instant - dans quelle mesure peut-on prévoir la demande? Pensez-vous qu'elle va augmenter sensiblement pendant un certain temps? On s'attendrait qu'à un moment donné cette demande diminue au lieu d'augmenter. Il est toutefois possible qu'il y ait un accroissement rapide de la demande avant qu'elle ne diminue.
Connaissons-nous bien l'aspect démographique de cette question et quelle sera la demande future?
M. Chadderton: Les Anciens combattants connaissent bien cet aspect parce qu'ils disposent de statistiques suffisamment précises pour pouvoir affirmer que si le chiffre était de 600 il y a un an et qu'il est passé aujourd'hui à 814, dans un an, il sera d'au moins 1 000. Le ministère ne devrait avoir aucune difficulté à en arriver à ce chiffre puisque l'âge moyen de l'ancien combattant dont nous parlons est de 81 ans. Naturellement, la seule issue pour les maladies qu'apporte l'âge est la mort ou des soins prolongés en institution. C'est la raison pour laquelle nous avons essayé de dire au ministère des Anciens combattants qu'il ne fallait attendre que ce problème se transforme en crise.
Je vais remonter un peu dans le temps. Le même phénomène s'est produit avec les pensions d'invalidité de guerre. Les membres qui formaient votre comité à l'époque ont vu qu'il y aurait une crise. C'est ce qui a amené le ministère, avec l'aide des rapports préparés par votre comité, à élaborer ce que l'on a appelé une «réforme des pensions». Avec cette réforme, le traitement des demandes de pension a été ramené de trois ans à huit mois. Nous nous trouvons dans une situation comparable.
Je ne parle pas des pensions, je parle d'apporter une solution à un problème, qui est celui des soins de longue durée. J'estime - et je ne veux pas faire de la dentelle - que le ministère des Anciens combattants a déjà beaucoup trop étudié cette question. Il a fait des études et il a des rapports. Il a créé le Comité consultatif de gérontologie dont tous les membres qui représentaient des organismes d'anciens combattants viennent de démissionner aujourd'hui, je vous le signale en passant. Ils l'ont fait parce qu'ils ont décidé qu'ils ne pouvaient pas s'en remettre à un groupe d'universitaires pour leur dire quel était le problème.
Le problème est là et les bureaux de district le connaissent. Je dirais qu'il est temps que le ministère examine les résultats concrets de ces «études de cas», comme il les appelle, qu'il examine les chiffres et affirme qu'il ne peut rien faire. La solution est pourtant là. S'il n'y avait pas de lits disponibles dans les provinces, je dirais qu'il n'y a pas de solution, mais nous savons que, même si les provinces n'ont pas des milliers de lits et si certains établissements provinciaux ont été fermés, il y a des lits, que l'on refuse aux vétérans à cause des plafonds artificiels prévus par les contrats.
Le sénateur Kenny: Je veux continuer à poser quelques questions sur le contexte, M. Chadderton. Je sais que la province a reconnu que les anciens combattants étaient une catégorie méritante mais pouvez-vous nous aider à comparer cela avec les listes d'attente des civils pour les soins de longue durée?
M. Chadderton: Non, je n'en suis pas capable. Je peux uniquement vous dire que lorsque la construction d'un établissement a été financée en partie par la province et en partie par le fédéral - je peux vous donner deux exemples: Broadmead, qui est situé près de Victoria, en Colombie-Britannique, et le Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants à Ottawa - le ministère des Anciens combattants et les provinces concluent une entente prévoyant des lits prioritaires pour les anciens combattants, les autres lits pouvant être utilisés par les civils.
Le sénateur Kenny: Le Québec est différent. Pouvez-vous nous indiquer pourquoi?
M. Chadderton: Oui. J'ai suivi cette question de près. Le ministère a décidé, et il a peut-être de bonnes raisons de l'avoir fait, de ne plus s'occuper des hôpitaux. Cela remonte à 1953. Il a conservé un seul hôpital, l'Hôpital Sainte-Anne, près de Montréal. Il l'a conservé parce qu'il n'a pas pu s'entendre avec la province du Québec sur la nature des améliorations à y faire, notamment. C'est ce qui explique que tout récemment le gouvernement fédéral ait accepté de construire une autre aile.
La raison pour laquelle il n'y a pas de problème au Québec est que le ministère a conservé l'Hôpital Sainte-Anne et que c'est donc un hôpital pour anciens combattants. Lorsqu'il y a une liste d'attente, les représentants des Anciens combattants demandent aux anciens combattants s'ils préfèrent rester à Sainte-Anne-de-Beaupré ou être transférés à l'hôpital Sainte-Anne. Dans la plupart des cas, ils choisissent l'Hôpital Sainte-Anne. Il arrive qu'ils préfèrent un hôpital communautaire parce que dans la province du Québec, le ministère des Anciens combattants est en mesure d'absorber un grand nombre de vétérans. Je pense qu'il y a au Québec 2 600 lits.
À Toronto, il y a l'aile George Hees et l'aile Kilgour, qui font partie de Sunnybrook & Women's. Ces ailes fonctionnent, mais la difficulté vient du fait que l'accord qui a été conclu avec l'ancien hôpital Sunnybrook prévoyait que son administration serait confiée à l'Université de Toronto mais qu'un certain nombre de lits seraient réservés aux anciens combattants. L'université voulait faire de Sunnybrook un hôpital d'enseignement, et non pas un établissement de soins de longue durée. C'est pourquoi nous avons des listes d'attentes à Toronto. Il y a des gens qui disent qu'il y a l'Hôpital Sunnybrook, qu'il a beaucoup de places, mais c'est aussi une région très peuplée. Je crois qu'il y a également une liste d'attente à Sunnybrook.
Le sénateur Kenny: Si j'ai bien compris ce que vous avez déclaré tout à l'heure, le système peut fonctionner pourvu que lorsqu'un lit se libère, un ancien combattant puisse passer devant les autres, et occuper le lit, si celui-ci est un lit réservé.
M. Chadderton: Absolument.
Le sénateur Kenny: Le système ne fonctionne pas correctement, d'après vous, parce que, malgré le supplément de 150 $ par jour que verse le ministère des Anciens combattants, celui-ci refuse de verser cette somme aux provinces. Le ministère a, de façon arbitraire et non prévue par cette loi, plafonné le montant des fonds pouvant être versé aux provinces.
M. Chadderton: Une légère correction, sénateur Kenny. Il a plafonné le nombre de lits pouvant être qualifiés de lits à accès prioritaire dans les hôpitaux communautaires. Cela revient au même. L'autre problème vient du fait que, si une province déclarait que, par exemple, elle ajouterait à l'Hôpital de Smith's Falls 12 lits réservés supplémentaires, le bureau de district du ministère des Anciens combattants pourrait alors faire admettre 12 vétérans de plus dans cet hôpital.
Le sénateur Kenny: Je ne suis pas un spécialiste économique des soins hospitaliers, mais si l'Hôpital de Smith's Falls peut recevoir un montant de 150 $ du gouvernement fédéral, qui vient s'ajouter à ce que lui verse Queen's Park, est-ce que cela ne devient pas une source de bénéfice et ne serait-ce pas dans l'intérêt de cet hôpital de décider de lui-même d'ajouter des lits?
M. Chadderton: Je ne sais pas s'il serait rentable d'ajouter des lits si vous voulez dire de les construire. Cependant, je sais que les directeurs d'hôpitaux doivent fonctionner avec des budgets très serrés. S'ils obtiennent 200 $ de Queen's Park pour un lit, mais s'ils peuvent obtenir 350 $, lorsqu'il y a un vétéran dans ce lit, il serait logique que cela réjouisse un directeur d'hôpital. Il me semblerait également logique que les gens qui s'occupent du financement des hôpitaux dans la province soient également satisfaits d'un tel système. Cela veut dire qu'il y aura des lits occupés pour lesquels l'hôpital obtiendra un supplément de 150 $ par jour.
C'est pourquoi j'ai dit, monsieur le président, que c'était une énigme. Je ne prétends pas la comprendre parce qu'il faut modifier les ententes entre les provinces et le fédéral pour augmenter le nombre de lits à accès prioritaire, ce qui permettrait au ministère de faire admettre dans ces hôpitaux une partie de ses 814 anciens combattants.
Le sénateur Forrestall: Je voudrais d'abord faire une correction: On ne peut pas dire que les anciens combattants passent avant les autres. Ils ne font en fait qu'exercer leur droit.
M. Chadderton: Je me suis mal exprimé.
Le sénateur Kenny: Non, c'est moi qui me suis mal exprimé.
Le sénateur Forrestall: Je voulais simplement apporter cette correction au compte rendu. Je n'aimerais pas que les gens pensent que les vétérans passent devant tout le monde.
Nous savons que l'année dernière, il y avait près de 9 000 personnes sur ces listes d'attente, qui faisaient partie des quatre catégories dont nous avons parlé. Ces personnes ont le droit d'être admises dans un établissement et tôt ou tard, nous devrons nous en occuper. J'aimerais savoir à quel moment cette courbe va atteindre un sommet et commencer à redescendre.
Depuis que le Halifax Herald a commencé à signaler les décès d'anciens combattants en Nouvelle-Écosse, cette question suscite un intérêt énorme. J'ai reçu des douzaines et des douzaines d'appels et de lettres. Je ne sais pas si les autres grands journaux le font aussi, mais cela reflète la rapidité avec laquelle nous perdons nos anciens combattants.
J'aimerais savoir à quel moment cette courbe va atteindre un sommet et commencer à redescendre. Quand allons-nous arriver à ce plateau? À l'heure actuelle, le chiffre est de 814. Pensez-vous que dans cinq ans ce chiffre va passer à quatre, cinq ou 6 000?
M. Chadderton: Je vais vous donner une réponse rapide: Cela va se produire bientôt, disons dans deux ou trois ans. Si ma mémoire ne me trahit pas, je dirais que les prévisions qui figuraient dans le rapport du vérificateur général étaient fondées sur des études actuarielles. C'est le seul facteur que l'on peut utiliser, parce que ces gens étaient tous en bonne santé. Ils ne rentrent pas dans la catégorie normale de vieillissement pour des gens qui sont entrés dans l'armée sana avoir à passer un examen médical pour démontrer qu'ils étaient en bonne santé.
Cela va sans doute se produire dans trois ou quatre ans. Il existe trois études sur cette question et j'ai pris la moyenne des trois études. J'ai également utilisé les chiffres que les représentants du vérificateur général ont fournis à M. Forbes et à moi lorsque nous nous sommes rencontrés. J'hésite à utiliser ce mot: «crise», mais je prévois que, dans trois ans, nous connaîtrons une crise lorsque l'âge moyen des anciens combattants sera de 85 ans.
Le sénateur Forrestall: Est-ce que cette crise pourrait durer deux ou trois ans? Si je me souviens bien de l'étude, il y aurait d'abord une crise - cela fait longtemps que nous avons abordé cette question - et qu'une fois que nous serions arrivés à un plateau, nous pourrions nous attendre à ce que la situation dure encore deux ou trois ans.
M. Chadderton: Oui, cela va continuer jusqu'en 2010.
Le sénateur Forrestall: Il faudra attendre 2010 avant que la courbe ne commence à descendre. Elle va continuer à descendre jusqu'à l'arrivée des anciens combattants de la Corée, des vétérans du maintien de la paix. Quel est le nombre des lits supplémentaires dont nous aurons besoin pendant cette période de crise?
M. Chadderton: Je crois que j'ai parlé dans mon mémoire de près de 10 000.
Le sénateur Forrestall: S'agit-il de nouveaux lits?
M. Chadderton: Ce ne sont pas des lits qu'il faut construire, mais des lits supplémentaires.
Le sénateur Forrestall: Des lits disponibles.
M. Chadderton: Oui. Permettez-moi d'ajouter que, si je devais faire une erreur sur une question aussi grave, je préférerais pécher du côté de la prudence. Il est possible que ce chiffre soit seulement de 6 000. D'un autre côté, ce n'est pas comme si nous construisions de nouveaux hôpitaux. Ces lits seront réservés, ils seront utilisés et ils seront accordés en priorité aux anciens combattants. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
Le sénateur Forrestall: Et tous ceux qui s'occupent de ces personnes, les fournisseurs de soins, les médecins, les infirmiers, les techniciens qui prennent des radios et font des prises de sang? Nous sommes déjà dans une situation délicate et dans deux ou trois ans, ce sera une situation de crise. Quel est le nombre des nouveaux médecins dont nous aurons besoin? Avez-vous eu l'occasion d'examiner cet aspect? Je ne me souviens pas avoir vu d'étude à ce sujet, mais je suis sûr que cet aspect a été examiné. Pouvez-vous nous parler de cette question?
M. Chadderton: Bien sûr. C'est ce qui explique que les autorités provinciales dans le domaine de la santé nous aient dit au cours des discussions:
Si les Anciens combattants nous demandent de fournir 2 500 lits supplémentaires dans la province de la Colombie-Britannique, ne vous attendez pas à ce que nous le fassions immédiatement, nous serons en effet obligés de renforcer nos capacités en matière de formation des fournisseurs de soins.J'ai appris quelque chose en étant membre du Comité consultatif de gérontologie, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des personnes très spécialisées. Il faut des gens qui sont motivés à fournir des soins.
Vous avez mis le doigt dessus. J'ai peut-être donné l'impression - en fait c'est bien ce que j'ai fait - que l'on pourrait régler ce problème d'un trait de plume. Ce trait de plume, ce serait une nouvelle entente entre les Anciens combattants et les provinces, ce qui serait un premier pas. Les provinces auront besoin d'un certain délai parce qu'il faut qu'elles forment des gens.
Il est déjà arrivé que l'on soit obligé de fermer des salles par manque de personnel. Je sais que nos confrères de la Légion royale canadienne s'intéressent beaucoup à la question des soins, et qu'ils vous en ont parlé lorsqu'ils sont venus ici. C'est pourquoi je ne l'ai pas abordée. Le comité est tout à fait au courant de cette question.
En fait, des membres de votre comité ont voyagé au Canada pour l'étudier sur place. On ne règle pas le problème des soins en quelques minutes. Je dois vous dire, sénateur Forrestall, que personne n'a fait quoi que ce soit au sujet de ce plafond artificiel. J'en suis convaincu.
Cela fait quatre ans que nous avons présenté notre gros rapport au comité du sénateur Phillip et que ce comité l'a utilisé pour préparer le rapport «Relever la barre: Les nouvelles normes de soins de santé pour les anciens combattants» qui a été remis au ministère des Anciens combattants, mais rien n'a été fait. Le seul changement s'est produit au moment où George Baker était ministre et qu'il a assisté à un congrès de la Légion royale canadienne à Halifax, il y a un an et demi. Il a déclaré: «Nous allons vous donner 2 600 lits de plus.» Je crois qu'il faut apporter une précision. Cela ne voulait pas dire que l'on construirait 2 600 lits de plus. Cela voulait dire exactement ce que je proposais au comité: les Anciens combattants étaient disposés à signer une entente avec la province de la Nouvelle-Écosse prévoyant l'attribution de 2 600 lits à accès prioritaire aux vétérans. On m'a dit que c'était un pas dans la bonne direction.
Le sénateur Forrestall: Cela veut dire 2 600 lits dans cette région.
M. Chadderton: Oui, mais je ne pense pas que cela ait été précisé.
Le sénateur Forrestall: Le sénateur Johnson, avant de nous quitter, avait l'habitude de me parler de loger les anciens combattants. Il utilisait ce terme pour parler de les admettre dans les hôpitaux. Une des dernières choses qu'il m'ait dites était: «Bon Dieu, il ne faudrait tout de même pas que tout ce que le sénateur Phillips et moi avons fait s'arrête. Reprenez le flambeau.»
Je crois que nous nous en occupons, mais nous ne sommes pas très durs. Nous avons l'intention de faire quelque chose, parce qu'il le faut. Le sénateur Phillips, la sénatrice Johnson et les autres qui ont participé, jusqu'à M. Lawless, nous ont laissé toute une série d'instructions et de directives. Je suis désolé que notre président ne soit pas ici parce qu'il se serait référé à ce document.
Quoi qu'il en soit, c'est le premier pas. En plus des fournisseurs de soins qui n'ont pas toujours reçu une formation en soins palliatifs, que faisons-nous pour ces soins palliatifs? Devons-nous prévoir des salles spéciales? Devrions-nous laisser les anciens combattants entre eux? Que devrions-nous faire?
M. Chadderton: Je crois qu'à l'étape des soins palliatifs, nous pouvons nous en remettre aux établissements qui fournissent les soins, parce qu'ils sont en mesure de fournir divers types de soins jusqu'au niveau dont nous parlons en ce moment, celui des soins prolongés.
Le niveau suivant, ce sont les soins palliatifs. Cela dépend de l'établissement concerné. Le malade est parfois envoyé dans un hôpital où on peut lui donner d'autres médicaments contre la douleur et lui fournir un cadre pour passer ses derniers jours.
Je ne veux pas mélanger les choses. Il faut bien comprendre que le sujet principal est celui des soins prolongés. Qu'arrive-t-il ensuite? Il peut y rester sept jours ou 70 jours, avant de mourir, mais c'est un grave problème.
Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Je me trouvais à l'hôpital Broadmead de Victoria, une semaine avant que le sénateur Phillips ne le visite. J'ai tout de suite deviné la position qu'allaient adopter les administrateurs. Ils allaient dire: «Ne serait-il pas merveilleux d'avoir de beaux jardins pour que ces gens puissent prendre le soleil et tous ces accessoires coûteux qui vont avec les soins prolongés?» Je pense, sénateur Forrestall, que cela ne me paraît pas être un rêve réaliste.
SI vous connaissez bien l'Hopital Sunnybrook, comme c'est mon cas, vous savez qu'il y a un jardin où les gens peuvent se rendre en chaise roulante, mais c'est tout, ils ne font rien d'autre. Un hôpital comme celui de Deer Lodge est complètement entouré d'édifices. Il est très bien mais on ne réussira jamais à en faire un hôpital comme Broadmead. Broadmead est le meilleur.
J'espère avoir bien montré que ce besoin existe: Il faut des lits avec un personnel compétent prêt à fournir des soins de qualité. Je ne dis pas que le niveau des soins est satisfaisant, loin de là, mais je vous dis que, tant qu'il n'y aura pas de lits, on ne pourra jamais résoudre ce problème.
Le sénateur Forrestall: J'hésite à aborder d'autres points. Nous parlions il y a un instant avec des gens qui s'inquiétaient de la situation des marins marchands. Avez-vous des objections à ce que ces personnes figurent sur vos listes d'attente? Si j'examinais ces listes, est-ce que je trouverais quelques marins marchands qui s'y trouvent parce que ce sont des vétérans?
M. Chadderton: Non. Ce serait un très petit nombre. Lorsqu'ils ont obtenu le statut d'ancien combattant, le ministère en a tenu compte dans ses chiffres. Ils pourraient certainement s'inscrire sur ces listes d'attente, mais ce sont d'anciens combattants. Aucun groupe d'anciens combattants ne pose de problème particulier, sauf celui des anciens combattants de sexe féminin.
Le sénateur Forrestall: Vraiment?
M. Chadderton: Absolument. J'ai discuté de ce problème avec la Nursing Sisters' Association of Canada à Charlottetown pendant quelques temps, il y a deux ans et demi. Le lit pour soins prolongés que l'on trouve dans un établissement ordinaire dans une petite ville convient parfois très bien à un ancien combattant endurci, mais les femmes ont des besoins spéciaux quand elles avancent en âge. Elles ont divers problèmes qui ne touchent pas les hommes et dont il faut bien s'occuper.
Les soeurs infirmières pensent que l'on peut placer un ancien combattant dans une salle où il y en a six autres et cela, sans créer de problème, au contraire, il y aura de la solidarité et de la camaraderie dans cette chambre.
Les anciens combattants de sexe féminin sont peu nombreux. Ce sont des soeurs infirmières, membres du Overseas Red Cross Corps et de l'Ambulance Saint-Jean. Elles ne sont pas très nombreuses mais ce sujet était prioritaire à l'assemblée de la Nursing Sisters' Association tenue à Halifax. Elles ont dit: «Ne vous imaginez pas que vous allez tout simplement nous mettre dans une salle et que nous serons contentes.» Je n'ai aucune difficulté à parler de cet aspect, et je crois que c'est quelque chose que nous comprenons tous.
Le sénateur Forrestall: Oui, nous comprenons.
M. Chadderton: Je peux comprendre. Mon père s'est retrouvé dans un hôpital pour anciens combattants mais je n'aurais jamais voulu que ma mère s'y retrouve.
Le sénateur Forrestall: Est-ce que cela vaut également pour les WACS et les WRENS?
M. Chadderton: Oui, certainement. Je n'ai pas les chiffres pour elles. Elles n'ont pas d'association comme la Nursing Sisters Association et la Red Cross Corps (section outre-mer). J'ai une assez bonne idée de ce qu'elles pensent de ces questions. Il faudrait en tenir compte dans les chiffres.
Encore une fois, je critique peut-être trop les établissements hospitaliers. Deer Lodge se trouve à Winnipeg, là où je vis. J'y étais il y a deux semaines et cet établissement réussit très bien à répondre aux besoins spéciaux. Lorsqu'un ancien combattant y est soigné, et que sa femme l'est aussi, l'établissement essaie de les placer dans la même chambre. Voilà le genre de choses qu'ils font.
Il ne faut pas être un génie pour comprendre que les soins prolongés destinés aux femmes sont légèrement différents. C'est peut-être un problème de formation. C'est peut-être à cela que pensent les provinces. Elles pourraient peut-être former un groupe de femmes pas trop sensibles qui seraient chargées de s'occuper des anciens combattants. Les établissements peuvent déplacer les gars et faire circuler les bassins, mais les femmes ne voudraient pas voir ça. Elles veulent quelque chose d'un peu mieux. Je manquerais à mes obligations si je ne le signalais pas au comité. J'entretiens des rapports étroits avec elles, en particulier grâce à la Nursing Sisters' Association.
Le vice-président: Monsieur Chadderton, nous vous avions promis que nous vous garderions qu'une demi-heure. Cela fait maintenant plus d'une heure que vous parlez. Vous avez dit beaucoup de choses auxquelles nous allons devoir réfléchir. Merci d'être venu.
Avant de lever la séance, nous avons une petite question à régler. Êtes-vous d'accord pour que les documents présentés par le Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada soient déposés à titre de pièce?
Des voix: D'accord.
M. Chadderton: Puis-je ajouter quelque chose? Cela fait de nombreuses années que je comparais devant les comités. Je voudrais répéter publiquement cette déclaration: Le travail qu'accomplit le Sous-comité des Affaires des anciens combattants a fait avancer la cause des anciens combattants. Il a fait naître chez les anciens combattants un regain de fierté envers leur pays. Les rapports que ce comité a préparés, monsieur le président - et je ne dis pas cela parce que c'est la chose à dire - sont des bijoux. Les gens citent souvent le rapport intitulé «Relever la barre» et ceux du comité du sénateur Marshall. S'il le fallait, je viendrais moi-même à genoux ici. Je suis profondément convaincu que ce comité peut faire avancer les choses, alors que celui de l'autre chambre s'occupe davantage de choses comme la défense nationale. C'est très bien, mais votre comité m'a toujours donné l'impression que pour lui, les anciens combattants étaient une priorité.
Le vice-président: Merci. J'espère que nous allons réussir à relever la barre de quelques crans.
La séance est levée.