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Sous-comité des anciens combattants


Délibérations du sous-comité des
anciens combattants

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 5 décembre 2001

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 17 h 45 pour étudier les soins de santé offerts aux anciens combattants qui ont servi au cours de guerres ou dans le cadre d'opérations de maintien de la paix; les suites données aux recommandations faites dans ces rapports précédents sur ces questions; et les conditions afférentes aux services, prestations et soins de santé offerts, après leur libération, aux membres de l'armée permanente ou de la réserve, ainsi qu'aux membres de la GRC et aux civils ayant servi auprès des casques bleus en uniforme dans des fonctions d'appui rapproché - et pour faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Peut-être pouvons-nous commencer. Nous avons parmi nous le sénateur Wiebe, que la plupart d'entre vous connaissent. Assurément, c'est un sénateur en l'absence duquel nous ne voudrions pas commencer la réunion. Je m'appelle Michael Meighen et je suis président du sous-comité.

Je souhaite la bienvenue à tous et je vous remercie d'être présents aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fourni un mémoire que nous avons eu la possibilité de lire. Je crois comprendre que vous avez l'intention de faire une déclaration préliminaire. Je vous invite à prendre la parole.

M. Matthew Coon Come, chef national de l'Assemblée des Premières nations: Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais brosser un tableau de la situation, puis je céderai la parole au chef Perry Bellegarde et, ensuite, au chef Howard Anderson. Tony Coté, ancien combattant, M. Whiteduck et Paulette Tremblay nous accompagnent également aujourd'hui.

Honorables sénateurs, je tiens à remercier le président et les membres du sous-comité. Nous apprécions l'occasion qui nous est offerte d'aborder avec vous aujourd'hui les préoccupations graves des anciens combattants des Premières nations. Nos anciens combattants doivent se faire entendre et respecter par le gouvernement du Canada. Ils ont servi notre pays quand le besoin s'en est fait sentir. Ils n'avaient pas à s'enrôler, mais ils ont choisi de le faire.

En vertu des traités qui les lient au gouvernement du Canada, les citoyens inscrits des Premières nations sont soustraits au service militaire. Malgré cette exemption, des milliers d'hommes et de femmes se sont portés volontaires et ont mis leur vie en péril pendant la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée.

Les soldats et anciens combattants des Premières nations ont marqué la vie militaire de façon honorable, et ils en sont fiers. Les Indiens inscrits et signataires de traités comptaient pour la plus importante participation par habitant de tous les groupes ethniques du Canada pendant les deux guerres mondiales. Les anciens combattants des Premières nations ont fait de nombreux sacrifices. Certains ont même donné leur vie pour ce pays. Mais il y a eu d'autres sacrifices.

Dans certains cas, on a encouragé les anciens combattants des Premières nations à s'affranchir pour s'enrôler, c'est-à-dire à renoncer à leur statut. Certains d'entre eux ont même perdu leur statut d'Indien. Ils ont été dépouillés de tous les droits et avantages que leur conférait ce statut. Voilà un sacrifice important, de la part de nos anciens combattants, qu'on a passé sous silence.

Nos anciens combattants ont pris les armes pour protéger la Couronne et la démocratie; pourtant, ils ont systématiquement fait face à un traitement injuste à la suite des guerres. Plus particulièrement, le gouvernement fédéral a mis des avantages à la portée des anciens combattants non autochtones, auxquels les nôtres n'avaient pas facilement accès, voire pas du tout - par exemple, des terres, de la formation, du recyclage et des prêts. On a même exproprié des terres appartenant aux Premières nations pour dédommager des anciens combattants non autochtones.

Sur le champ de bataille, les soldats autochtones et non autochtones se tenaient côte à côte. Ils se battaient en égaux et, parfois même, mouraient en égaux. Toutefois, quand ils ont remis les pieds en sol canadien, les soldats des Premières nations sont vite redevenus des citoyens de deuxième classe.

Le gouvernement canadien n'avait pas l'intention de traiter les soldats des Premières nations au même titre et de leur accorder la pleine reconnaissance qu'ils méritaient tant. À titre d'exemple, les anciens combattants des Premières nations de la Seconde Guerre mondiale ont constaté qu'on les avait trompés et forcés à accepter des compensations moindres, qui se limitaient aux réserves des Premières nations, même s'ils étaient en droit de recevoir des offres plus intéressantes comme des prêts agricoles hors réserve, des sommes d'argent et des fonds d'apprentissage.

Les avantages consentis au soldat canadien moyen, en vertu de la charte des anciens combattants, n'étaient pas automatiquement accordés aux soldats des Premières nations. Prenons par exemple la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants. Les anciens combattants non autochtones pouvaient acquérir des terres auprès du Canada à l'aide d'un petit prêt du gouvernement fédéral. Par contre, les soldats des Premières nations qui demandaient un prêt se faisaient dire qu'ils n'avaient droit qu'aux certificats de possession, pour l'achat de terres de réserve.

Pas plus qu'alors, les anciens combattants des Premières nations ne parviennent à comprendre pourquoi ils devaient acheter des terres qui leur appartenaient déjà. Plusieurs anciens combattants des Premières nations de tout le Canada ont connu les mêmes injustices et pratiques discriminatoires.

Parmi les avantages refusés à nos anciens combattants, certains étaient de taille. Une étude économique menée par l'économiste Doug Klalisnakoff, de Saskatoon, en Saskatchewan, démontre que les subventions accordées aux anciens combattants non autochtones de la Saskatchewan pour l'aménagement d'une ferme valent aujourd'hui de 88 000 à 368 000 $ par ancien combattant. Dans son analyse, l'auteur estime la valeur des «occasions ratées» ou la valeur que ces avantages pourraient avoir aujourd'hui si des anciens combattants des Premières nations y avaient eu droit en même temps que leurs frères d'armes non autochtones, est entre 250 000 et 650 000 $.

L'administration des avantages des anciens combattants des Premières nations était un exercice complexe qui dépendait largement de l'agent des Indiens et faisait appel à trois ministères fédéraux dont les pouvoirs se chevauchaient. On a constaté que plusieurs agents des Indiens avaient omis de renseigner les anciens combattants des Premières nations sur toutes les options à leur disposition, pour s'en tenir à celles qu'ils jugeaient bon de mentionner. Les agents des Indiens exerçaient un contrôle quasi total sur la réinsertion des anciens combattants des Premières nations, et ils disposaient d'une grande liberté d'action, ou même d'inaction.

Aujourd'hui, l'Assemblée des premières nations a compilé une base de données de quelque 800 anciens combattants des Premières nations toujours en vie, et 1 000 époux ou épouses également en vie. Le temps presse. En général, les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ont franchi le cap des 80 ans, et ceux qui ont fait la guerre de Corée ont plus de 70 ans.

Pour ce qui est de nos anciens combattants, justice différée équivaut à justice refusée. Nous demandons au gouvernement fédéral de reconnaître l'urgence de convenir d'un règlement global pour les anciens combattants, leurs époux et épouses, et les personnes à leur charge. Il faut en faire une priorité car les anciens combattants des Premières nations avancent en âge, et ils nous quittent petit à petit.

Les anciens combattants des Premières nations sont montés au front et ils se sont battus pour le pays, pour la justice. Depuis la fin des guerres, ils se battent malheureusement pour obtenir justice et équité, au Canada. Plusieurs d'entre eux sont morts sans que justice ne leur soit rendue, et leurs veufs et veuves n'ont toujours pas obtenu réparation.

Nous devons travailler ensemble pour régler ces requêtes laissées en suspens. Nos anciens combattants ne demandent qu'un traitement juste et équitable. Le gouvernement du Canada ne peut certes pas leur refuser les mêmes avantages que ceux accordés aux autres Canadiens. Vous avez le pouvoir et l'obligation de corriger une telle injustice. Merci beaucoup.

M. Perry Bellegarde, chef, Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan et vice-chef de l'APN: Merci, monsieur le président, et bonsoir, honorables sénateurs. J'ai préparé un texte dont je vous ferai part, puis je formulerai quelques observations.

Je représente la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan et je suis vice-chef de l'Assemblée des premières nations pour la région de la Saskatchewan; en outre, je suis responsable du dossier des anciens combattants.

Je suis heureux de pouvoir m'adresser au sous-comité du Sénat pour traiter d'une question impérieuse: le dédommagement des anciens combattants des Premières nations qui, courageusement, se sont portés volontaires pour se battre au nom du Canada durant la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée.

Nombre des points que je vais soulever aujourd'hui proviennent du rapport final qui a été distribué aux membres du sous-comité. Le rapport a été rédigé par M. Scot Sheffield et a pour titre «En quête d'équité - Étude sur le traitement réservé aux anciens combattants des Premières Nations ayant combattu pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée, ainsi qu'aux personnes à leur charge».

Si nous revenons dans le temps et nous rappelons que le Canada avait besoin d'envoyer d'urgence des membres des Forces armées pour se battre contre l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, nous devons noter que des milliers d'hommes et de femmes des Premières nations se sont portés volontaires pour combattre sur tous les théâtres où se trouvaient les Forces armées canadiennes.

Cela a aussi été le cas de 1950 à 1953, au moment où le Canada a contribué à la sécurité collective que promettaient les nouvelles Nations Unies en envoyant combattre des troupes canadiennes dans la guerre de Corée.

Les données laissent voir que des centaines d'hommes et de femmes des Premières nations se sont enrôlés pour lutter contre le communisme en Corée, et c'est avec un profond sentiment de fierté et d'honneur que je dis que les membres des Premières nations, à un moment capital, ont eu une réaction extraordinaire. Cela ne fait aucun doute, ils ont relevé le défi qui se présentait, ils se sont proposés avec dévouement et détermination à jouer un rôle capital dans l'affaire en se joignant à d'autres Canadiens pour détruire les fléaux du totalitarisme et de l'oppression. Ils ont fait des contributions et des sacrifices impressionnants pour aider le pays à rétablir la paix dans le monde. Ce sont les héros des Premières nations de notre époque.

Presque au moment du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement fédéral a commencé à planifier la reconstruction de l'après-guerre. Nombre des mesures envisagées ont été mises en place en 1944. Le filet de sécurité sociale comprenait un généreux assortiment d'avantages à l'intention des anciens combattants revenus des conflits outre-mer, et visant à faciliter leur transition à la vie civile. Grâce aux éléments prévus dans la charte des anciens combattants sur le plan de l'emploi, du soutien financier et des études, la plupart des anciens combattants canadiens - il y en avait plus d'un million - ont pu tirer des avantages considérables des trois décennies de prospérité qui ont suivi et y apporter une contribution notable aussi.

Reprenons l'analogie de l'auteur dans le rapport final:

[...] malheureusement, le train de la prospérité a quitté la gare dans les premières années suivant la guerre, mais de nombreux anciens combattants des Premières nations l'ont manqué.
Je tiens à souligner qu'ils se sont battus en égaux de l'autre côté de la grande eau, mais une fois revenus au pays, ils étaient indiens à nouveau. J'entends par cela qu'ils devenaient des Indiens aux prises avec l'agent des Indiens et victimes de l'oppression de la Loi sur les Indiens et sous le contrôle de l'agent des Indiens.

La question la plus pressante que je souhaite souligner aujourd'hui est la suivante: durant les années capitales qui ont marqué la décennie suivant 1945, à l'époque où les anciens combattants des Premières nations réintégraient la vie civile, ils ont dû composer avec un traitement injuste et avec un accès amoindri aux occasions et avantages prévus pour l'après-guerre dans la charte des anciens combattants.

Pour que soit réglée la question des mauvais traitements, des difficultés indues et des luttes des anciens combattants des Premières nations, les leaders et les anciens combattants des Premières nations ont mis en branle un processus en vue d'obtenir une offre globale de dédommagement financier de la part du gouvernement fédéral. Notre délégation est ici aujourd'hui pour obtenir votre appui à cet égard.

Nous nous sommes réunis pour la première fois en 1999, puis constamment en 2000 et en 2001. J'aimerais souligner certains des éléments principaux qui, au cours des trois dernières années, nous ont fait tendre vers l'objectif, soit un dédommagement financier au profit des anciens combattants des Premières nations, de leur conjoint et des personnes à leur charge.

En 1999, des responsables du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC), du ministère des Anciens combattants (MAC), du ministère de la Défense nationale (MDN) et de l'Assemblée des premières nations (APN) se sont réunis et ont mis sur pied dans les formes une table ronde nationale chargée d'élucider et d'étayer les allégations de mauvais traitement envers les anciens combattants des Premières nations au retour de ceux-ci de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée.

En juin 2000, un rassemblement des anciens combattants des Premières nations a eu lieu à Saskatoon, en Saskatchewan. Les anciens combattants des Premières nations ont décidé de participer à la table ronde, plutôt que d'intenter des poursuites. Ils ont convenu de prendre part à la démarche politique dont il est question ici afin que soit réglée la question du traitement inéquitable qui leur a été réservé.

En août 2000, l'Assemblée des premières nations a engagé un coordonnateur national des affaires des anciens combattants, qu'elle a chargé de créer, pour la table ronde, un comité national sur les anciens combattants des Premières nations, composé de dix représentants de l'APN dans toutes les régions du pays. Je vais vous donner le nom des personnes en question; tous sont des anciens combattants des Premières nations: de la Colombie-Britannique, M. Alec Thomas; de l'Alberta, Helen Gladue; du Manitoba, M. Dwayne Whitecloud et Mme Brenda Bignell-Arnault; de l'Ontario, M. Ray Rogers; du Québec, M. Clarence Chabot; de la Nouvelle-Écosse, M. John Pictou; et de la Saskatchewan, M. Tony Coté. La présidence a été confiée au grand chef Howard Anderson.

Ces gens ont créé une base de données nationale comportant les noms des anciens combattants des Premières nations ayant participé à la Seconde Guerre mondiale et à la guerre de Corée. Jusqu'à maintenant, on est parvenu à établir que 800 anciens combattants des Premières nations et environ 1 000 conjoints et personnes à charge sont toujours en vie.

Ils ont travaillé de concert avec les membres du comité de la table ronde, en vue d'étayer l'expérience des anciens combattants des Premières nations et ont engagé un chercheur chargé d'établir les conclusions qui se trouvent dans le rapport final. Le rapport «En quête d'équité» a été ratifié en avril 2001.

Le comité national des anciens combattants des Premières nations établi en prévision de la table ronde a également soutenu la mise en 9uvre d'une stratégie de lobbyisme visant à obtenir les appuis de la Chambre des communes, du Sénat et du grand public. Les lettres ont été envoyées aux ministres, aux députés et au comité du Cabinet sur l'union sociale.

Le rapport est un document consensuel des trois ministères que j'ai déjà mentionnés. Dans ce document, nous disons: voici les torts dont il est question, décrits noir sur blanc. Maintenant, trouvez des façons de corriger les injustices qui sont clairement décrites dans le document.

Le 19 avril 2001, le comité de la table ronde des anciens combattants des Premières nations a adopté une résolution selon laquelle il demande un dédommagement financier de 425 000 $ par ancien combattant, veuf ou veuve, conjoint, personne à charge ou succession. Notre résolution recommande que le gouvernement fédéral reconnaisse l'urgence accrue de régler la question avec célérité, étant donné l'âge des anciens combattants des Premières nations.

En juin 2001, la résolution 15/01 a été adoptée à l'assemblée générale annuelle de l'APN, à Halifax, en faveur de l'établissement d'une association nationale des anciens combattants des Premières nations. Le travail à cet égard bat son plein.

En octobre 2001, des réunions distinctes ont été tenues avec les hauts responsables du MAINC, du ministère des Anciens combattants et du MDN, des anciens combattants des Premières nations et le ministre Ron Duhamel. On a fait savoir que le dédommagement de 425 000 $ était beaucoup trop élevé. La position du gouvernement, c'était que tout dédommagement offert devrait s'apparenter à ce qui a été donné à d'autres groupes. Or, cela varie entre 15 000 et 24 000 $.

Des anciens combattants des Premières nations se sont réunis pour déterminer si un dédommagement de 20 000 à 24 000 $ serait acceptable. Ils ont décidé que cela n'était pas acceptable. Ils voulaient, bien entendu, que le dédommagement de 425 000 $ soit proposé au Cabinet. On a insisté sur le fait qu'il n'appartenait pas l'APN ni au comité national de la table ronde des anciens combattants des Premières nations de décider d'accepter ou de rejeter l'offre du gouvernement. C'est aux anciens combattants des Premières nations que revient la décision. Il leur appartenait à eux de décider quoi faire.

À cette fin, le ministre des Anciens combattants a été appelé à soutenir financièrement un rassemblement des anciens combattants, une fois l'annonce faite. Par conséquent, une proposition a été remise à son cabinet, pour examen. Le ministre Duhamel a affirmé que la date cible du 11 novembre 2001 demeurait la date à laquelle il fallait faire une annonce publique concernant l'indemnité offerte. Il a également dit que nous devions travailler ensemble pour faire progresser le dossier et qu'il était important pour tous de poursuivre les efforts de lobbyisme auprès des ministres et des sénateurs.

Je tiens à souligner que le ministre Duhamel tient toujours à ce que cette question soit réglée. Il faut passer par la filière politique habituelle: ce ne serait qu'une question de temps.

Le président: Pouvez-vous me dire pourquoi c'est la date du 11 novembre qui a été choisie?

M. Bellegarde: C'est une date cible que nous nous sommes fixée. Par consensus, nous allons essayer d'y arriver d'ici cette date. Nous savons que le gouvernement est lent, que le Cabinet est lent. Le ministre m'a téléphoné le 9 novembre pour me rassurer, pour me dire que nous étions près du but, même s'il n'allait peut-être pas être en mesure de faire l'annonce le 11 novembre même. Je lui ai demandé s'il devait attendre le budget ou s'il pouvait agir avant cela. Il a dit espérer qu'il pourrait le faire avant. Voilà sa réponse. C'était un travail en cours.

Le 11 novembre est passé. Plus le temps file, plus il y a cette possibilité tout à fait distincte, que l'un de nos anciens combattants membres des Premières nations ne soit pas là pour profiter de l'indemnité qui sera fournie.

Justement, hier soir, deux anciens combattants ont trépassé. Nous avons respecté une minute de silence en leur honneur à notre confédération. Un d'entre eux était mon oncle. Sandy Beardy, du Manitoba, est mort, et mon oncle Bruno Bellegarde, de la Saskatchewan, est mort aussi.

Le sénateur Wiebe: Si vous me permettez d'interrompre, le caractère urgent de l'annonce tient en partie au fait qu'une fois l'annonce faite, l'engagement est contracté. La somme prévue n'y sera peut-être pas.

Tout de même, si l'annonce avait été faite hier, avant que ne trépassent les deux anciens combattants, les successions auraient eu droit à toute somme d'argent établie. Plus nous reportons la date, plus le dossier patauge. J'espère que vous ne me reprocherez pas mon explication.

Le président: Voilà un point important. Êtes-vous au courant de quoi que ce soit qui justifierait que l'on empêche une déclaration, quelle que soit l'autorité qui est chargée de la faire, pour dire que quiconque était en vie - pas forcément hier ou demain, mais, disons, pour les besoins de la cause, il y a un an - ou sa succession y aurait droit?

M. Bellegarde: Je reviendrai là-dessus.

Selon les données qui se trouvent dans le rapport final, les anciens combattants des Premières nations semblent avoir reçu les avantages de premier niveau prévus au moment de la libération des soldats. Cela comprenait: un examen médical, un examen dentaire, un certificat de libération, une allocation vestimentaire, une allocation de réétablissement, un bon de transport et une gratification de service de guerre - gratification de base et gratification supplémentaire.

Il semble que les anciens combattants des Premières nations aient pu aussi recevoir des avantages prévus dans le troisième volet, notamment l'accès à leur ancien emploi, un emploi dans la fonction publique, une allocation d'attente de bénéfices, de l'assurance-chômage, une assurance destinée aux anciens combattants, des prestations de maladie, une pension et une allocation de chômage. Par contre, il est probable que certains anciens combattants des Premières nations qui auraient droit aux avantages en question et qui en auraient bénéficié - par exemple l'allocation d'attente de bénéfices ou l'allocation de chômage - n'étaient par exemple pas au courant de leur existence.

L'administration injuste des avantages du deuxième volet a empêché certains anciens combattants des Premières nations de profiter des occasions et des avantages de l'après-guerre. Il faut absolument noter qu'il s'agissait de trois prestations primaires visant à aider l'ancien combattant à se rétablir, à lui permettre de partir sa vie civile du bon pied. Il s'agissait notamment d'une aide à la réinstallation, d'une aide à la formation (y compris la formation professionnelle) et de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants. Le grand chef Anderson vous fournira des renseignements complémentaires sur le deuxième volet des avantages.

Le moment est venu pour le Canada de se lever et, avec honneur et respect, de reconnaître que les anciens combattants des Premières nations, à leur retour de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée, ont été traités injustement - et de leur fournir avec célérité une indemnisation juste et équitable. Le moment est venu pour le Canada d'honorer les héros des Premières nations de notre époque.

Merci de l'occasion qui nous est offerte de présenter notre point de vue sur cette mesure d'importance capitale.

Voilà pour le texte écrit, monsieur le président. Je résumerai le tout comme suit. Nos anciens combattants sont des égaux. À leur retour des conflits, ils sont tombés sous la coupe de l'agent des Indiens. J'ai affirmé qu'il y a quatre grandes questions en jeu ici. La première concerne les terres; ils ne pouvaient occuper de terre en détenant un titre à fief simple; ils ne pouvaient céder des terres à leurs enfants ou à leurs petits-enfants. On leur a accordé le droit d'utiliser des terres qui faisaient déjà partie des réserves indiennes. Or, c'était des terres occupées collectivement. Il y a maintenant une controverse quant aux terres qu'utilisaient les anciens combattants: les membres de la bande estiment que les parcelles de terre leur appartenaient à eux, qu'elles ne pouvaient être cédées aux anciens combattants. C'est une question litigieuse.

La superficie des terres est une autre question en jeu. Les anciens combattants ont reçu une allocation de 2 320 $ pour s'installer sur une terre, par opposition aux 6 000 $ que pouvaient toucher les autres anciens combattants. Dans certains cas, il ne s'est rien passé du tout: ils n'ont reçu aucune somme d'argent. Certains ont peut-être touché une somme d'argent, mais pas tous. Ils n'étaient pas au courant. Le comble, c'était la prestation de conjoint. Si j'étais en train de combattre dans une guerre outre-mer, le Canada assurerait la subsistance de ma femme au moyen d'une allocation allant jusqu'à 80 $ par mois. Or, l'agent des Indiens gardait l'argent. Il ne remettait pas l'argent au conjoint. C'est ce qui s'est passé dans la majorité des cas, car l'agent des Indiens contrôlait les cordons de la bourse. L'argent n'a jamais été remis.

Les occasions ratées et les avantages ratés par des anciens combattants qui n'étaient pas au courant de leur droit à une formation représentent un autre point litigieux. L'agent disait: tu dois t'adonner à la chasse, à la pêche, au trappage, ou tu dois cueillir des fruits. Et voilà.

Voilà la différence, si on compare la situation à celle des autres anciens combattants. Ceux-ci n'ont pas connu l'oppression de l'agent des Indiens. Ils n'ont pas eu à faire face à la discrimination et au contrôle de celui-ci. Il y a donc une grande différence entre ce que d'autres regroupements d'anciens combattants ont pu obtenir et ce que les hommes et les femmes dont il est question ici ont pu recevoir aussi.

En février 2000, les premiers paramètres ont été arrêtés. C'était le 1er février 2000. Nous avons réuni les trois ministères fédéraux, nos anciens combattants et notre organisation, pour dire: «prenons les choses en main dès maintenant.» Nous avons dit, et je l'ai dit moi-même, si bien que ce n'est pas un secret pour les bureaucrates ici: toute indemnité destinée à un ancien combattant ou à son conjoint qui périt après le 1er février devrait aller à la succession, car c'est à ce moment-là que nous avons décidé de prendre les choses en main.

Le président: Quelle est cette date, déjà?

M. Bellegarde: Le 1er février 2000. C'était notre position. J'ai demandé au ministre Duhamel de le mettre par écrit, pour que ce soit clair. J'ai toujours dit qu'il faudra du temps pour réaliser l'étude et produire le rapport. Cela est très bien. Le document consensuel se fait toujours attendre. Par contre, des anciens combattants ou leur conjoint sont en train de mourir.

L'indemnité, quelle qu'en soit la forme, s'appliquera à 1 800 personnes. Il y a 800 anciens combattants survivants et 1 000 conjoints. Peut-être que cela ira en partie à leur succession.

Je tiens à souligner l'ardeur au travail de certains bureaucrates. Il y a M. Mike Bouliane, du MDN, M. Brent Dibartello et certains hauts fonctionnaires, Mme Line Paré, d'AINC, et M. Dennis Wallace, qui n'y est plus, mais à l'époque, à titre de sous-ministre adjoint, il a joué un rôle capital pour faire progresser le dossier. Il y avait aussi M. Bryson Guptil, du ministère des Anciens combattants, ainsi que Mme Verna Bruce. Il y a aussi les gens avec qui nos responsables à nous se sont réunis. Il y en a eu d'autres, mais j'ai nommé les principaux. Il s'agit d'un document consensuel. Le moment est venu d'agir.

M. Howard Anderson, président de la table ronde des anciens combattants des Premières nations et grand chef des anciens combattants des Premières nations: Avant que nous ne commencions, je tiens à souligner que nos reproches s'adressent au MAINC et non pas à Anciens combattants Canada. La raison, c'est que le MAINC a refilé le problème à Anciens combattants. Les responsables du ministère ont dit: nous avons donné 21 000 $ aux membres de la marine marchande; c'est donc cette somme que devraient recevoir les anciens combattants des Premières nations. Nous avons été victimes de discrimination. Nous devrions affronter le MAINC; c'est lui qui devrait s'occuper du dossier, et non pas Anciens combattants Canada. Il recourt à cette ruse pour nous donner moins d'argent, ce qui ne devrait pas se faire. Encore une fois, le gouvernement pratique de la discrimination à notre égard. La question en jeu, c'est la responsabilité du ministère des Affaires indiennes et du Nord, monsieur le président. Maintenant que je me suis vidé le coeur, je poursuivrai mon exposé.

Comme je suis un des derniers anciens combattants des Premières nations ayant fait son service durant la Seconde Guerre mondiale, c'est un privilège pour moi de vous renseigner sur la manière dont les anciens combattants des Premières nations ont été traités une fois revenus au Canada, après la guerre. Je vais vous relater la situation d'un ancien combattant des Premières nations qui cherche à se réinstaller, à réintégrer sa vie civile. Le fait est que nous n'avons pas vraiment été réinstallés; le MAINC nous a réinstallés. Ce sont des constatations qui sont décrites dans le rapport final intitulé «En quête d'équité».

Il importe de se rappeler que c'est avec fierté que les anciens combattants des Premières nations ont pris part à la Première Guerre mondiale, à la Seconde Guerre mondiale et à la guerre de Corée. Nos soldats ont dû composer avec un choc culturel; dans de nombreux cas, nous n'avions jamais même quitté la réserve avant d'aller en guerre. Nos soldats ont dû contourner des obstacles culturels énormes pour bien s'adapter à la vie militaire. Pour nous, tout était nouveau. Nous nous sommes portés volontaires pour défendre le Canada, et nos soldats et nos anciens combattants ont combattu avec le courage qui caractérisait tous les guerriers qui nous ont précédés. Ils ont fait ce qu'il fallait faire. Nombre de nos frères ne sont jamais revenus des guerres. Ayant fait le sacrifice suprême, ils sont enterrés en Europe. Les anciens combattants des Premières nations de tout le Canada. Partout au pays, des anciens combattants des Premières nations soulignent leurs efforts en participant aux activités commémoratives d'associations régionales et nationales de Premières nations.

En revenant de la guerre, nous nous attendions à être traités comme sont traités les autres Canadiens. Nous nous attendions aux mêmes avantages. L'objectif de la charte des anciens combattants consistait à donner aux anciens combattants l'occasion de gagner leur vie. Toutefois, dans les faits, nous n'avons pas eu droit au même traitement quand nous avons dû nous mesurer à la tâche énorme qui consistait à se réétablir grâce aux avantages que prévoyait la charte.

Une fois libérés, les anciens combattants du Canada tombaient sous la coupe d'Anciens combattants Canada, sauf pour les anciens combattants des Premières nations. On leur a dit de regagner la réserve et de voir leur agent des Indiens au sujet des avantages prévus dans la charte. À partir de ce moment-là, les anciens combattants des Premières nations ont eu droit à un traitement discriminatoire.

Étant donné la complexité de la charte des anciens combattants et de son administration, et le fait que c'est l'agent des Indiens qui devait donner des renseignements exacts sur les programmes et fournir efficacement et en temps utile des conseils dénués de préjugés, les données montrent que les anciens combattants des Premières nations ont fait face à des inconvénients systémiques que les autres anciens combattants n'ont pas eu à affronter. Par exemple, l'agent des Indiens pouvait moduler sensiblement, limiter, voire supprimer l'accès de l'ancien combattant des Premières nations aux avantages prévus.

Les dossiers d'archives révèlent que de nombreux agents des Indiens et responsables ministériels affichaient une attitude dominante et se faisaient une idée peu reluisante des capacités des membres des Premières nations. Cela a donné des obstacles qui font que de nombreux anciens combattants des Premières nations n'ont pu recevoir pleinement les avantages prévus dans la charte des anciens combattants.

Des anciens combattants ont témoigné à propos des agissements des responsables de la direction générale des affaires indiennes, qui leur disaient ce qu'ils allaient recevoir et non pas ce à quoi ils avaient droit.

Presque tous les anciens combattants se sont entendus pour dire que le MDN ou le MAC les avait peu renseignés, voire pas du tout. Le personnel de la direction générale n'a pas agi avec constance pour ce qui est de l'idée d'établir les anciens combattants à leur avantage.

Pour la plus grande part, les cas d'injustice ont trait au deuxième volet d'avantages, conçu pour aider les anciens combattants à réintégrer la vie civile. Ils pouvaient faire une demande pour recevoir soit une aide à la réinstallation, soit une aide à l'établissement agricole, en application de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, ou à la formation - rien de tout cela n'ayant été offert aux membres des Premières nations.

La Loi de 1942 sur les terres destinées aux anciens combattants a permis aux anciens combattants qui y avaient droit de s'installer sur un lopin de terre et de devenir agriculteur à temps plein ou d'exploiter une petite ferme d'agrément pour arrondir les fins de mois. Au départ, la loi prévoyait des prêts pouvant aller jusqu'à 4 800 $. Toutefois, à la fin de la guerre, cela avait été porté à un maximum de 6 000 $. Si le prêt était remboursé intégralement et dans les délais prévus, le gouvernement renonçait à 2 320 $.

Il était possible de prendre le prêt pour intégrer le secteur de l'exploitation forestière. Des obstacles juridiques ont empêché des anciens combattants des Premières nations de se prévaloir de cette option. Par exemple, l'article 164 de la Loi sur les Indiens interdisait aux Premières nations de coloniser une terre en dehors de leur réserve; et les anciens combattants des Premières nations n'avaient pas le crédit voulu pour obtenir des prêts de cette nature.

En 1945, une modification a été apportée à la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants: en vertu de l'alinéa 35a), les anciens combattants des Premières nations pouvaient obtenir une allocation de 2 320 $ pour s'installer sur une terre dans la réserve. Pour être admissible à l'allocation, ils devaient détenir un billet d'occupation pour un lopin de terre en particulier ou une résolution de la bande confirmant leur titre de propriété sur la terre. J'ai ici un billet d'occupation qui porte la signature d'un chef et d'un conseiller.

Cela vexait les membres des Premières nations d'être exclus des dispositions en matière de prêts de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, et ils étaient sceptiques en ce qui concerne les avantages et des conditions se rapportant aux réserves. On leur donnait un lopin de terre qui appartenait déjà collectivement à la bande dont ils faisaient partie. Malgré cela, plus de la moitié des anciens combattants des Premières nations ont fini par recevoir une allocation en application de la Loi. Par contre, les anciens combattants des Premières nations avaient encore des obstacles à franchir.

Comme les terrains dans les réserves étaient limités, la superficie requise est passée de deux ou trois acres à la moitié d'une acre par ancien combattant au début des années 50. La superficie limitée de nombreuses réserves s'est révélée un obstacle grave à l'expansion des opérations, de sorte qu'il a été impossible d'édifier des exploitations agricoles prospères.

L'allocation était payée au ministre des Mines et des Ressources, qui administrait les fonds en fiducie pour le compte des anciens combattants des Premières nations. Le ministère des Mines et des Ressources était responsable de la Direction générale des affaires indiennes (DGAI), à l'époque. Les agents des Indiens pouvaient exercer une influence importante sur les décisions concernant les sommes d'argent tirées sur l'allocation que pouvaient dépenser les anciens combattants, voire même déterminer si l'ancien combattant pouvait accéder à la somme intégrale.

Nombre d'anciens combattants prétendent toujours qu'ils n'ont pas reçu le montant intégral, du fait des agissements ou des omissions de leurs agents. Des données portaient à croire à l'irrégularité de l'administration des achats, au détriment des anciens combattants des Premières nations. L'agent des Indiens détenait effectivement la clé de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants et ne laissait entrer que ceux qu'il voulait.

Les Affaires indiennes se sont donné pour politique de dissuader les anciens combattants des Premières nations d'accepter l'aide à la réinstallation, sinon elles facilitaient le remboursement de la somme consentie pour que l'ancien combattant ait droit à une allocation en application de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants.

Les agents et leurs supérieurs à Ottawa ont pris l'argent de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants comme moyen de fournir des logements aux anciens combattants, plutôt que comme mesure d'aide à l'établissement agricole.

Les anciens combattants des Premières nations sont très rares à avoir opté pour la formation technique, professionnelle ou universitaire. Des anciens combattants des Premières nations ont souligné que les agents des Indiens ne leur ont jamais dit que cette option existait, sinon ils les ont dissuadés de s'en prévaloir ou les ont empêchés d'y accéder. Malheureusement, ce sont là des occasions ratées qui ont limité la contribution éventuelle des anciens combattants des Premières nations.

Autre question qui préoccupe grandement les anciens combattants des Premières nations: le programme des allocations pour personnes à charge. Pendant sa période d'activité, le personnel militaire recevait pour les personnes à sa charge une allocation de subsistance visant à régler les difficultés des gens en question pendant qu'ils combattaient. Le ministère de la Défense nationale a créé le Bureau des allocations familiales (BAF), chargé d'administrer l'allocation en question. Toutefois, des responsables de la DGAI ont exprimé de graves réserves à ce sujet. On a recommandé que les chèques soient postés aux personnes à charge des membres des Premières nations par l'entremise de l'agent des Indiens, sinon que l'argent soit versé directement à la Direction générale des affaires indiennes, qui le conserverait en fiducie, pour les personnes à charge. Par conséquent, le Bureau des allocations familiales a posté les chèques d'allocation à l'agent des Indiens en lui donnant peu de consignes ou aucune règle comptable à respecter; cela a créé la possibilité d'une mauvaise gestion, d'un abus de pouvoir et d'une fraude. Les dossiers d'archives renferment des données circonstancielles laissant fortement croire à l'existence d'anomalies.

Les soldats des Premières nations et les personnes à leur charge ont souligné qu'ils éprouvaient des difficultés à obtenir tout l'argent qui leur était dû, et certains ont affirmé que l'agent ne remettait pas les sommes en question.

Le moment est venu pour le Canada de faire son devoir au nom des anciens combattants des Premières nations. Le moment est venu d'écrire le chapitre final, la fin du récit de cette longue visite menée pour la reconnaissance et l'indemnisation. Il faut que ce soit une fin positive qui nous honore tous.

Le président: Merci. Y a-t-il d'autres observations? Nous commencerons donc par le sénateur Wiebe.

Le sénateur Wiebe: Ma première question s'adresse à M. Coon Come. À la page 3 de votre exposé, vous dites que certains anciens combattants des Premières nations ont même perdu leur statut d'Indien quand ils se sont joints à l'armée.

Pouvez-vous expliquer comment cela est arrivé? La plupart des membres des Premières nations qui se sont joints à l'armée ont pu conserver leur statut d'Indien. Pourquoi certains d'entre eux n'ont-ils pu le faire?

M. Coon Come: Il y avait à l'époque une politique appelée émancipation. Afin de pouvoir toucher des prestations ou participer à la guerre, les gens étaient encouragés par les responsables de s'émanciper, sans savoir qu'ils perdaient leur statut. Une fois revenus du champ de bataille, ils ne seraient pas en mesure de bénéficier. C'est pourquoi Howard Anderson a décrit brièvement les avantages ainsi perdus. C'est malheureux, c'était un abus de pouvoir.

Le sénateur Wiebe: Cela ne fait aucun doute qu'ils ont perdu leurs avantages. Le rapport le laisse voir de manière évidente. Perdre son statut d'Indien, c'était assez grave. Je crois que c'est nettement pire que toute perte d'avantages. Vous me l'apprenez. Si cela est bel et bien arrivé, je tiens certainement à le savoir.

M. Anderson: J'ai au bureau un dossier sur un ancien combattant de Montreal Lake qui a perdu son statut.

M. Bellegarde: C'était une politique d'émancipation de la part de l'AINC. Par exemple, si j'obtenais un diplôme, je perdais mon statut. Si je devenais ministre du culte, je perdais mon statut en application de la Loi sur les Indiens. Dans certains cas, l'agent des Indiens avait le pouvoir à cet égard. On devenait comme les autres Canadiens en tant que soldats. Cela est arrivé. Il faut le noter en bonne et due forme. La perte de statut est une autre question. Il faudrait faire une autre étude pour savoir combien de personnes l'ont demandé.

Le sénateur Wiebe: Cela me dérange de savoir que c'est peut-être arrivé. D'après vos observations, ce n'est pas tout le travail du MDN, du MAC ou de la DGAI, mais plutôt celui de l'agent des Indiens.

M. Anderson: Tout à fait. C'est dommage qu'il ait eu tant de pouvoir. Il décidait de l'émancipation de quelqu'un, mais il était censé faire vérifier ça à Ottawa. Personne ne l'a jamais fait. Un ancien combattant a acheté une maison. Deux semaines plus tard, l'agent des Indiens se présente et affirme que le type a commis un acte illégal parce qu'il a acheté une maison dans la réserve.

Le sénateur Wiebe: Chef Bellegarde, je vous prie de m'envoyer ça.

M. Anderson: Oui.

Le sénateur Wiebe: En faisant des recherches sur cette question - et cela met en lumière le rôle de l'agent des Indiens - j'ai constaté qu'il y avait à peu près huit membres des Premières nations qui ont eu droit au prêt de 6 000 $ et ont pu acheter des terres en dehors de la réserve. La politique était correcte, c'est l'agent des Indiens qui était le problème. Autre problème dont vous n'avez pas parlé aujourd'hui, mais que j'ai noté à la lecture de ce livre, nos anciens combattants des Premières nations, une fois de retour, n'avaient pas le droit de se joindre à une association d'anciens combattants.

M. Anderson: Oui, parce que nous ne pouvions boire de bière.

Le sénateur Wiebe: La plupart des renseignements sur les avantages consentis aux anciens combattants non autochtones étaient donnés dans les associations d'anciens combattants, partout au Canada. Le fait qu'on ait empêché les Indiens de se joindre à ces associations les mettait à l'écart d'une information à laquelle ils auraient autrement eu accès.

M. Tony Coté, coordonnateur du dossier des anciens combattants, Saskatchewan Indian Veterans Association: Les sections locales de la Légion étaient censées aider les ex-militaires une fois ceux-ci libérés. Elles ne le faisaient pas dans le cas des anciens combattants indiens; j'ai essayé d'obtenir leur aide. Dès que vous arriviez dans une section locale de la Légion et que les gens voyaient votre visage brun, ils disaient: «Vous êtes indien. Vous n'avez pas le droit d'être ici», parce qu'on servait des boissons alcoolisées. Comment étions-nous censés découvrir les avantages qui nous étaient offerts en tant qu'ancien combattant? Les avantages prévus pour les soldats après la guerre ont-ils été consentis aux anciens combattants non indiens?

Nous ne pouvions obtenir ces renseignements. L'agent des Indiens ne savait pas quelle formation professionnelle nous était offerte. Je voulais me recycler, mais je n'ai pu le faire parce que je me suis brouillé avec l'agent des Indiens et avec l'instructeur agricole. Je n'ai pu aller plus loin.

L'autre chose qu'ont reçue les anciens combattants non indiens, c'est un traitement de faveur au sein de la population active. Comment pouvions-nous obtenir ce traitement de faveur? Nous ne pouvions le faire parce que nous étions pris dans une réserve. Il fallait obtenir un permis pour quitter la réserve en vue d'aller chercher du travail.

Le président: À part l'agent des Indiens, quelqu'un d'autre pouvait-il retirer à quelqu'un le statut d'Indien?

M. Anderson: L'agent devait s'adresser au gouvernement. Il devait se rendre à Ottawa, à la DGAI, et dire: j'ai mis ce type dehors. Il était censé faire approuver cela à Ottawa.

Le président: On vous envoyait une lettre?

M. Anderson: La seule lettre était celle qu'envoyait l'agent des Indiens, qui vous mettait dehors.

M. Coté: La demande était censée être transmise à l'administration centrale, pour que le premier responsable du dossier donne son approbation.

Le président: Y a-t-il encore des agents des Indiens? Je ne sais plus s'ils sont disparus. En reste-t-il encore?

M. Coon Come: Il y a encore aujourd'hui des agents des Indiens, et ils possèdent tous les pouvoirs voulus pour agir.

M. Anderson: Quand nos gens ont été libérés de l'armée, ils ont rassemblé tous les anciens combattants dans une grande salle, une salle d'exercices, et ont commencé à leur dire ce qui était offert. Une fois qu'ils le leur ont dit cela, ils les ont divisés en groupes et leur ont dit: allez ici, allez là. Tous les Indiens visés par un traité se sont fait dire d'aller voir leur agent. Ils n'ont jamais entendu parler de ce qui était offert parce qu'on les a fait sortir de la salle. C'était partout pareil au Canada.

Il y avait un gars sur l'île de Vancouver qui a affirmé qu'il voulait se servir de mes 2 320 $ pour aller à l'université. On ne lui a pas permis de le faire. On lui a acheté un bateau et on lui a dit d'aller à la pêche, parce qu'il faudrait qu'il quitte la réserve pour fréquenter l'école, et on ne lui permettait pas de le faire.

M. Coté: Le grand chef fait allusion ici aux services d'information à l'intention des soldats non indiens. Dès qu'ils voyaient qu'il y avait des anciens combattants des Premières nations, ils leur demandaient de quitter la salle. C'est une autre raison pour laquelle nous n'avons jamais vraiment su ce qui nous était offert.

Le président: J'imagine que, en principe, c'est l'agent des Indiens qui était censé donner toutes les explications voulues.

M. Anderson: Oui.

Le président: Si je comprends bien, ce n'est pas arrivé.

M. Coté: L'autre chose dont personne ne parle, c'est que les agents des Indiens étaient d'ex-militaires, et c'est pourquoi il y avait une discipline stricte dans les réserves. Ils avaient une vision très régimentée de la vie. Quand on est dans les forces armées, on marche droit. C'est comme cela qu'ils ont traité les Indiens. La discipline était stricte. Si on les affrontait, on ne valait rien. «Ne reviens pas me voir avec tes remontrances». Nous n'avons rien obtenu.

Le sénateur Day: J'espère que vous allez me pardonner si mes questions semblent assez élémentaires. J'essaie de me renseigner sur la question. Ce que vous avez dit est utile à savoir, et il est décevant et scandalisant d'entendre dire que ce genre de choses s'est produit. Plus vous pouvez en faire pour me renseigner et donner des précisions sur mes questions, mieux ce sera: n'hésitez pas.

Savez-vous combien de membres des Premières nations, au total, se sont joints à l'armée pendant la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée?

M. Coté: Il y en a eu 4 000 pendant la Première Guerre mondiale, 4 000 pendant la deuxième, et plusieurs centaines pendant la guerre de Corée. Au total, quelque 15 000 membres des Premières nations ont combattu au sein des forces armées. Tous ne se sont pas joints à l'armée; certains ont fait partie de la force navale et de la force aérienne.

M. Anderson: Un Indien pouvait seulement se joindre à l'armée pendant la Première Guerre mondiale. Il ne pouvait se joindre à la force navale ou aérienne.

Le sénateur Day: Est-ce dans les réserves ou en dehors des réserves?

M. Coté: Je parle des Indiens inscrits partout au Canada.

Le sénateur Day: Savez-vous si le gouvernement canadien s'est rendu dans les réserves pour y recruter des soldats?

M. Anderson: Il est passé par l'agent des Indiens. Cela me peine de dire que l'agent des Indiens faisait tout. L'agent des Indiens disait: si tu entres dans l'armée, ta femme aura de l'argent. On n'a jamais obtenu d'argent. On n'a jamais trouvé cela. Les responsables ont dit qu'ils ont mis l'argent dans un fonds en fiducie au moment de l'achat d'obligations pour la guerre. Nous n'avons jamais trouvé de fonds en fiducie au MAINC. Nous n'avons jamais trouvé l'argent que les agents des Indiens devaient garder pour nous. Tout ce qu'on a eu, c'est des bons.

Le sénateur Day: Croyez-vous que l'agent des Indiens, à titre d'agent du gouvernement canadien, a vraiment encouragé les Indiens inscrits des réserves à s'enrôler?

M. Coté: Oui.

M. Anderson: Nous avons un rapport que nous pouvons vous remettre. C'est l'étude réalisée par Alastair Sweeney en 1979, intitulée: «Government Policy and Saskatchewan Indian Veterans».

Le sénateur Day: Ce qui me semble assez important, c'est le début du contrat conclu avec le Canada. On vous demande d'aller faire quelque chose et on vous fait des promesses, puis on ne respecte pas le contrat.

M. Anderson: Ils nous ont dit: «Ta femme aura de l'argent si tu te joins à l'armée».

Le président: Le sénateur Day est un très bon avocat.

M. Coté: Nous avons étudié les questions en jeu, et l'allocation pour personnes à charge est une question importante à nos yeux. Un des agents des Indiens a envoyé une lettre qui disait qu'une Indienne ne valait pas le montant intégral de l'allocation pour personnes à charge. Il a écrit qu'il préférait nettement que la somme pour l'Indienne soit de 20 $ par mois, alors que la femme blanche obtenait 79 ou 80 $ par mois.

Le sénateur Day: Nous avons cela. Cela sera utile à vos négociations.

M. Coté: Cela se trouve dans le rapport Sweeney.

Le sénateur Day: Le cas du type de Montreal Lake qui a perdu son statut représente-t-il un grand enjeu?

M. Anderson: C'était à Montreal Lake, en Saskatchewan. Dans le nord du Manitoba, les anciens combattants sont nombreux à avoir perdu leur statut.

M. Coté: Il y en a plus d'un.

Le sénateur Day: C'est donc un enjeu?

M. Bellegarde: C'est une autre question à laquelle nous pouvons travailler.

M. Coon Come: Il y en a ici et là, partout au Canada.

Le sénateur Day: Parmi les soldats des Premières nations qui avaient le statut d'Indien et vivaient dans une réserve avant de s'en aller en guerre, puis qui ont perdu leur statut à leur retour, croyez-vous que certains n'ont pas reçu le même traitement que d'autres soldats revenant de la guerre?

M. Anderson: Certains ont pu faire rétablir leur statut. Les Métis n'ont pas été traités mieux que nous. Si vous aviez la peau assez brune pour passer pour Indien, on vous considérait comme un Indien visé par un traité, et on vous disait d'aller voir l'agent des Indiens. De nombreux Métis ont vécu le même problème.

Le sénateur Day: Parmi ceux qui sont revenus, mais qui n'ont pas eu le droit de réintégrer la réserve et n'ont pu rétablir leurs droits en tant qu'Indiens inscrits - ont-ils joui des mêmes droits que les autres combattants de retour de la guerre?

M. Coté: Oui. Une fois émancipé, on participait et on avait droit à l'ensemble des avantages prévus après la guerre.

Le sénateur Day: Il est utile de le savoir.

Je veux me pencher sur la statistique, les 800 anciens combattants des Premières nations qui demeurent en vie et les 1 000 conjoints survivants auxquels le grand chef a fait allusion. Ce chiffre représente-t-il les conjoints ou représente-t-il les conjoints et les personnes à charge?

M. Coté: Ce sont les conjoints.

Le sénateur Day: Il y a eu 1 800 soldats qui ont combattu outre-mer.

M. Bellegarde: Il y a eu 1 800 combattants et 1 00 conjoints.

Le sénateur Day: Est-ce le chiffre dont vous parlez avec le ministre?

M. Bellegarde: Oui.

Le sénateur Day: Êtes-vous d'accord sur ce chiffre?

M. Anderson: Nous n'en avons pas idée. Personne ne nous a jamais rien dit.

M. Bellegarde: Ce sont les chiffres que nous employons, à compter du 1er février.

Le sénateur Day: Est-ce le 1er février 2000?

M. Bellegarde: Oui.

Le sénateur Day: J'aimerais savoir jusqu'où en sont rendues les démarches que vous faites auprès du ministre. Le ministre vous a-t-il déjà dit qu'il est question ici de 1 800 personnes?

M. Bellegarde: Non.

Le sénateur Day: Savez-vous s'il va accepter cette statistique?

M. Bellegarde: Non, nous ne savons pas s'il va l'accepter.

Le sénateur Day: Les 425 000 $, le chiffre auquel vous êtes arrivé, est-ce un chiffre que le ministre a indiqué, même de façon tacite, qu'il accepterait?

M. Bellegarde: Non. En octobre, on a dit que cela semblait élevé et, dans mon exposé, j'ai dit qu'ils essayaient de faire baisser cela. C'était fondé sur l'étude d'un économiste, qui dit que si les soldats avaient eu droit à tout cela durant les années 40,le montant représenterait aujourd'hui 425 000 $. C'est l'approximation la plus élevée. Selon leurs prévisions financières à eux, ce serait autour de 125 000 $. Il y a donc un écart.

Le président: Est-ce écrit quelque part, les 125 000 ?

M. Bellegarde: Ce chiffre est mentionné dans l'étude.

Le sénateur Day: Je ne sais pas où j'ai vu ce chiffre.

M. Larry Whiteduck, coordonnateur des anciens combattants, Développement social, Assemblée des premières nations: Deux économistes ont préparé des rapports distincts; il y a Doug Kalisnakoff, qui a préparé une étude pour notre compte, puis il y a l'autre étude, commandée par le gouvernement fédéral, je crois par le ministère des Anciens combattants. C'est le rapport d'un autre économiste. C'est le rapport d'un économiste commandé par le gouvernement.

Le sénateur Day: Les chiffres que je regarde se trouvent à la page 4 du mémoire du chef Bellegarde, là où il est question de 20 000 à 24 000 $.

M. Bellegarde: Il en a été question officieusement durant notre réunion avec le ministre et certains des bureaucrates du ministère des Anciens combattants. Ils ont dit que certains des anciens combattants membres de la marine marchande ont reçu entre 20 000 et 24 000 $. Nous avons reconnu cela. C'est le montant de l'indemnité à laquelle le gouvernement est arrivé pour satisfaire notre demande.

Pour ce qui touche les anciens combattants des Premières nations, comment faire valoir la cause autrement? Pourquoi les anciens combattants indiens devraient-ils en obtenir plus que les anciens combattants membres de la marine marchande? Nous nous adressons à l'agent des Indiens en application de la Loi sur les Indiens. D'autres anciens combattants n'ont pas subi cette oppression, ni cette forme de contrôle ou de domination. Personne n'a subi cela et personne ne devrait avoir à le subir.

Sous le régime de la Loi sur les Indiens, les Indiens n'ont pas eu le droit de vote avant 1961. Nous sommes devenus officiellement des citoyens canadiens au moment où nous avons exercé notre droit de vote. Nous n'avions pas accès aux services d'un avocat. En 1957, si j'essayais de recourir aux services d'un avocat, l'avocat qui acceptait de me conseiller moi, un Indien inscrit, était expulsé du barreau. En vertu du régime des permis, nous ne pouvions quitter la réserve. Si je voulais tuer ma propre vache, je ne pouvais le faire sans obtenir un permis de l'agent des Indiens. Si je voulais aller voir ma petite amie dans la réserve à côté, j'avais besoin d'un permis. Je ne pouvais aller en ville, mais je devais sortir de la ville avant que le soleil ne se couche. Nous n'avions pas le droit d'entrer dans les locaux de la Légion canadienne. Les anciens combattants des Premières nations se faisaient expulser.

Il y a une différence énorme entre les membres de la marine marchande et les anciens combattants des Premières nations. Les gens doivent comprendre cela et saisir la différence. C'est ce que nous avons essayé d'expliquer au ministre Duhamel et à son personnel.

Je l'ai dit clairement: il n'y aura pas de cri de joie si jamais on nous offre 20 000 ou 25 000 $. Nous croyons avoir fait le travail de lobbyisme voulu et nous estimons que le cabinet a été mis au fait de notre dossier. Nos rapports avec ces gens ne posent aucune difficulté, mais à quoi ressemblera le montant? Je ne le sais pas.

Nous disons que le montant doit être équitable. Notre étude dit 425 000 $. Leur étude dit 125 000 $, ou environ, l'étude commandée par le gouvernement. Je ne me souviens plus de quel ministère ni du nom de la personne qui a établi ce chiffre. Nous pouvons obtenir ce renseignement pour vous, par contre.

Avec tous les avantages prévus, par exemple, les prestations de conjoint de 80 $ par mois, conjuguées aux avantages manqués et aux occasions ratées, certains de nos anciens combattants auraient pu être avocats ou médecins. Nous n'avions pas accès à ces fonds. Pour établir le chiffre, nous avons tenu compte de la perte de ces avantages.

Le sénateur Day: Notre président vous a posé une question sur la date, soit le 1er février 2000. Je ne vois pas pourquoi vous auriez choisi cette date, le comité de la table ronde des anciens combattants des Premières nations n'ayant adopté la résolution pour les 425 000 $ que le 19 avril 2001. Pourquoi ce geste rétroactif, pourquoi revenir au 1er février 2000?

M. Bellegarde: C'est notre recommandation. Encore une fois, c'est ce que nous disons aux responsables gouvernementaux parce que c'est la première fois que les trois ministères se sont réunis autour d'une table pour discuter de la question.

Le sénateur Day: À quel moment votre expert-conseil a-t-il établi le chiffre de 425 000 $. Sur quelle date cela est-il fondé?

M. Coté: L'étude a été réalisée relativement à la Loi de 1942 sur les terres destinées aux anciens combattants. Nous avons toujours dit que, pour que notre cause soit dûment reconnue, l'indemnité devrait s'appliquer à compter du jour où cette loi est entrée en vigueur.

Le sénateur Day: Je comprends. Vous avez pris ce chiffre et vous l'avez reporté pour établir une date.

M. Coté: Tout à fait, la Loi de 1942 sur les terres destinées aux anciens combattants.

Le sénateur Day: Quelle est cette date? Elle représente les 425 000 $. Nous devrions peut-être essayer de trouver cela. Vous pourriez faire les recherches et me communiquer cette date.

M. Coté: Oui, monsieur le président.

Mme Paulette Tremblay, agente de liaison nationale pour les chefs de la Saskatchewan, Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan: À la page 43 de notre rapport, «En quête d'équité», il y a au bas de la page une note qui donne le nom de la personne qui a été chargée de l'étude économique, en l'an 2000, par Anciens combattants Canada.

La société Patrick Grady Global Economics Limited a préparé le rapport intitulé: «Estimates of Veterans' Benefits for First Nations Veterans». Nous pouvons vous trouver un exemplaire de ce rapport. C'est là que se trouve l'estimation fixée à 125 000 $.

Pour ce qui est de l'estimation de 425 000 $, si on regarde au haut de la page, on voit que le rapport est le fruit du travail de Kalesnikoff, Kingdon and Associates Financial Investigators, réalisé pour le compte de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan. Nous pouvons également obtenir pour vous un exemplaire de ce rapport. En outre, le grand chef Howard Anderson m'a demandé de trouver pour vous le rapport Sweeney. J'en transmettrai un exemplaire au sénateur Day, et un autre au sénateur Wiebe.

Le sénateur Wiebe: Si vous en envoyez un à la greffière, elle se chargera d'en faire des copies pour tout le monde.

Mme Tremblay: Je peux le faire.

Le sénateur Day: Si je poursuis la lecture du même paragraphe, je constate qu'on a établi la valeur de cela pour la fin de l'année 2000 en ajoutant l'intérêt afin de tenir compte de la valeur de rendement de l'argent. La fin de l'année 2000 est probablement le 1er février.

Mme Tremblay: C'est exact.

M. Bellegarde: Le 1er février 2000, soit le jour où nous avons obtenu que les trois ministères se réunissent. C'est la raison pour laquelle cette date a été choisie. Les gens faisaient des pressions depuis un certain temps sur le MAINC, mais le dossier n'avançait pas beaucoup là, ni au ministère des Anciens combattants.

M. Coon Come: Le sénateur Day a posé une question précise sur les 1 800 personnes en question, qui représentent 800 anciens combattants et 1 000 conjoints. Nous avons ici une étude qui détermine que 15 000 membres des Premières nations ont participé aux guerres. Nous pourrions finir par trouver des milliers d'anciens combattants qui sont toujours en vie, sans compter leur conjoint. L'étude est en cours.

Le sénateur Day: Je crois que le chiffre établi pour la négociation est de 1 800 personnes, c'est bien ça?

M. Bellegarde: Pour quiconque est mort depuis cette date, oui.

Le sénateur Atkins: Je prie les invités d'excuser mon retard, et j'espère que mes questions n'ont pas déjà été posées. Qu'est-il arrivé aux dossiers médicaux au moment où l'armée a libéré les membres des Premières nations?

M. Anderson: C'est le MAINC qui les a, et j'essaie de les obtenir pour qu'ils puissent être transférés au ministère des Anciens combattants. Je leur ai donné de la documentation pour qu'ils puissent voir ce qui est arrivé. Je leur ai donné ce papier qui porte deux signatures: la signature du chef et celle d'un conseiller. Ils auraient dû consulter les membres de la bande pour voir si je pouvais acquérir ces terres. Ils n'auraient pas dû faire cavalier seul. Dans une autre réserve, la DGAI a dit: nous allons leur donner des terres. Deux chefs ont été démis de leurs fonctions parce qu'ils n'adhéraient pas à la volonté de la DGAI. La plupart des renseignements que vous cherchez à obtenir se trouvent au MAINC.

Le sénateur Atkins: Les anciens combattants des Premières nations ont-ils droit au même traitement que les autres pour ce qui est des soins de santé?

M. Anderson: Nous y avons droit aujourd'hui; ce n'était pas le cas à l'époque. Nous y arrivons. Les fonctionnaires d'ACC ne se rendent toujours pas dans les régions - ils demandent: «Si nous allons dans la réserve, vos chiens vont-ils nous mordre?» Je ne blague pas. On m'a déjà posé la question. Je dis: «Tout ce que vous avez à faire, c'est de vous rendre au bureau de la bande, où on vous montrera ce qu'il faut.» Vous ne savez pas du tout où j'habite. Je n'ai jamais rencontré un fonctionnaire d'Anciens combattants Canada sur la réserve de Gordon. Pour parler à un tel fonctionnaire, je me rends à Punnichy, où ils se trouvent au bureau de poste.

M. Coté: Les services de santé à l'intention des anciens combattants des Premières nations s'améliorent. Nous avons dû les convaincre que nous y avions droit tout autant que les anciens combattants non indiens. Je connais un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale qui, aujourd'hui, est tout à fait sourd, il l'est depuis cinq ans. Normalement, nous tenons tous les ans une célébration du jour J le 6 juin, et nous invitons les gens du ministère à y assister et à donner un exposé sur tous les services qu'ils fournissent aux anciens combattants.

J'ai parlé au directeur général régional et je lui ai dit: «Regardez ce type. Il a 80 ans; il est sourd; et il n'obtient rien pour son handicap.» Il n'a répondu: «Eh bien, nous allons devoir lui faire subir un examen auditif.» Le type est allé subir l'examen en question et, aujourd'hui, il obtient une pension pour sa déficience auditive. Qu'en est-il de tout l'argent auquel il n'a pas eu accès au fil des ans? C'est un peu après la guerre qu'il a commencé à prendre l'ouïe.

Le sénateur Atkins: Il est bon d'apprendre que nous nous occupons maintenant de ces cas. La raison pour laquelle j'ai posé la question, c'est qu'au moment où les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre de Corée sont revenus au Canada, nombre d'entre eux avaient si hâte de quitter l'armée qu'ils ne se sont pas soumis à un examen médical en bonne et due forme pour obtenir une libération dans les formes. Les dossiers passent sous silence les éléments dont ils ont su, plus tard, que c'était probablement le résultat de leur service militaire. Je sais que d'autres anciens combattants éprouvent aujourd'hui beaucoup de difficulté à obtenir les prestations qu'ils méritent vraiment en cas de déficience. J'aimerais bien savoir si c'est le cas.

M. Coté: Plusieurs anciens combattants ont dû composer avec cette situation. Ils n'ont pas prêté attention à la chose; ils voulaient simplement s'en aller chez eux, point final. Ce n'est que des années plus tard qu'ils ont constaté qu'ils commençaient à avoir des problèmes de santé. Il n'y avait pas de bouchons pour les oreilles des soldats au moment de la Seconde Guerre mondiale ou même de la guerre de Corée. Il n'y avait pas de bouchons pour celui qui se servait de son fusil ou faisait partie de l'artillerie; de ce fait, ils sont nombreux à être devenus sourds. Ils n'ont jamais reçu d'allocation pour leur surdité.

Le sénateur Atkins: Y en a-t-il qui ont été libérés après avoir combattu, mais après la guerre de Corée? Ont-ils reçu l'attention voulue du ministère des Anciens combattants et des ministères de la Santé?

M. Coté: Quiconque aurait pris part à l'opération Tempête du désert ou à d'autres missions de maintien de la paix est encore assez jeune, mais au moins, il sait à quel genre de prestations il aura droit si jamais il a des problèmes de santé après avoir été libéré.

Le sénateur Atkins: Vous jugez donc la situation satisfaisante?

M. Coté: Nous ne recevons pas de plaintes des jeunes casques bleus ou de ceux qui ont fait partie des forces armées.

Le sénateur Atkins: Il est bon de le savoir. Merci, monsieur le président.

Le sénateur Forrestall: Nous avons accueilli la semaine dernière les membres encore actifs de la marine marchande canadienne. Ils sont sur la même voie que vous, mais ils accusent encore un certain recul. Quand vous allez vous arrêter pour aller manger, ils vont peut-être vous rattraper. J'en doute toutefois. Vous allez tous être morts.

Je tiens à signaler deux choses. Si vous voulez d'excellents conseils sur les problèmes comme celui-là, vous devriez étudier les décisions de la section révision et appel du Tribunal des anciens combattants et non pas celles d'Anciens combattants Canada. Je crois que vous allez pouvoir y puiser des renseignements très utiles. À ce sujet, connaissez-vous quelqu'un qui se serait adressé à la section des appels du Tribunal des anciens combattants pour faire modifier une décision du ministère?

M. Anderson: Il n'y en a pas, autant que nous le sachions.

M. Bellegarde: Je vais donner une réponse partielle à cette question. Cela vient de notre cause devant un tribunal qui n'est toutefois pas la section d'appel du Tribunal des anciens combattants. Il y a de cela des années, nous avons appuyé les anciens combattants des Premières nations de la Saskatchewan quand ils ont présenté une déclaration en bonne et due forme à la cour.

Nous avons constaté que l'affaire n'intéressait pas seulement la Saskatchewan; les anciens combattants des Premières nations, d'un océan à l'autre, ont eu un sort semblable. Alors, nous avons élargi la portée de l'action. Nous avons fait tout le travail en Saskatchewan, et nous étions sur la bonne voie. Nous avions intenté une action et nous savions que la justice connaît de longs délais; pendant ce temps, les anciens combattants mouraient. Nous nous sommes donc tournés vers l'appareil politique pour essayer de redresser les torts qui ont été causés.

C'est à ce moment-là que nous avons commencé à sensibiliser les ministres et sous-ministres et bureaucrates à la question ainsi qu'à exercer des pressions. Et voilà que le mandat des trois ministères qui se sont réunis en février il y a quelques années est arrêté. Nous avons «commandé» un mandat national pour que nous puissions faire cela dans tout le pays. Voilà le résultat.

Nous voulions passer outre au processus judiciaire, mais nous voulions que les torts causés soient redressés. Le Canada a ici une dette. Nous avons fait pression sur le Cabinet, nous avons écrit des lettres. Cette question figure au programme du Cabinet; cela ne fait aucun doute. Nous nous sentons bien. Une partie du lobbying consiste à faire pression sur les sénateurs. Vous êtes un élément clé dans l'effort qui vise à faire en sorte que ces anciens combattants et leur conjoint obtiennent justice.

Nous n'avons pas emprunté la filière judiciaire pour défendre les anciens combattants, mais nous allons peut-être être obligés de le faire si jamais le processus politique ne nous permet pas d'obtenir justice.

Le sénateur Forrestall: Il y a une bonne bibliothèque ici. Vous pouvez étudier les décisions des tribunaux. Il y a peut-être des gens qui éprouvent aujourd'hui des difficultés, mais qui ne sont pas au courant de leurs droits. Comme vous l'avez dit, leur état tient peut-être à des événements qui ont eu lieu il y a 30 ou 40 ans, même s'ils commencent à peine à se manifester. C'est un problème très réel.

Je vous incite à prendre conscience de cela. Fait encore plus important, vous devez accéder à toutes les formes d'aide qui sont offertes. Quand vous aurez terminé, penchez-vous sur le cas des pauvres membres de la marine marchande, et montrez-nous comment vous avez fait. Nous ne faisons aucun progrès nous-mêmes et nous avons besoin d'aide.

M. Coté: Avez-vous déjà entendu parler de la Loi d'Établissement de Soldats de 1917? Cette loi est entrée en vigueur au moment où les soldats de la Première Guerre mondiale sont revenus d'Europe. Elle disait que des terres seraient mises à la disposition des anciens combattants non indiens. Les terres en question avaient été cédées par de pauvres anciens combattants indiens. On a donné aux anciens combattants indiens leur propre terre à cultiver. On a enlevé à de petites bandes indiennes des milliers d'acres qui ont été remis à des anciens combattants non indiens.

Voilà pourquoi nous luttons pour cette cause. Nous voulons obtenir des terres en dehors des réserves parce que, trop souvent, les réserves sont trop petites. Elles sont surpeuplées. J'aurais aimé obtenir un quart de section de terre en dehors de la réserve, mais je ne pouvais pas.

Le président: Sans qu'il y ait émancipation?

M. Coté: Il aurait fallu que je perde mon statut, oui.

M. Anderson: La famille du grand chef qui m'a précédé lui a offert un quart de section de terre en dehors de la réserve. L'agent des Indiens lui a dit qu'il lui fallait être émancipé pour l'accepter. Par conséquent, il n'a jamais rien obtenu.

Le sénateur Forrestall: Cela me fait penser à une histoire très célèbre. C'est de triste mémoire, ce qui fait que je me sens obligé de la relater. Quand le très honorable député de Prince Albert a voulu faire entrer au Parlement les Autochtones du Canada, il a entre autres, posé la question fondamentale suivante: valez-vous 4 000 $? Le chef a répondu: non, mais donnez-moi dix minutes.

Cela met en valeur ce que vous disiez. Il n'a pu le faire. Récemment, un buste a été installé en son honneur ici au Sénat. Tout de même, cette histoire fait ressortir le problème en question. Il n'avait pas de terre parce qu'il savait ce qui se passerait s'il essayait de devenir propriétaire. C'est sa famille qui m'a relaté l'histoire.

Merci d'être venu. Comme tout le monde, cela fait 36 ans que je vous vois faire votre chemin en franchissant toutes sortes d'obstacles. J'espère que la fin est proche. Espérons que nous n'ayons plus jamais à revoir cela, que nous avons bien appris la leçon.

Le président: Merci à chacun d'être venu. Quel que soit le résultat du budget ou les annonces post-budget, le sous-comité sera ici. Nous allons, je l'espère, pouvoir discuter avec vous de détails à ce sujet. Dans le pire des cas, c'est-à-dire celui où il faudrait tout recommencer, nous vous tendrons une oreille sympathique. Cela fait partie de notre travail de veiller à ce que justice soit faite.

Le sénateur Day: Si vous recevez une réponse du ministre, pouvez-vous nous le faire savoir?

Le président: Oui. Honorables sénateurs, nous devons régler une question de régie interne.

Êtes-vous d'accord pour que la documentation remise par l'Assemblée des premières nations soit remise à la greffière et classée dans les formes?

Des voix: D'accord.

Le président: Le groupe des anciens combattants de l'armée, de la marine et de la force aérienne qui a décliné notre invitation ou qui n'a pu venir témoigner ce soir a également déposé un mémoire. Êtes-vous également d'accord pour que ce mémoire soit déposé dans les formes?

Des voix: D'accord.

La séance est levée.


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