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VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du sous-comité des
anciens combattants

Fascicule 5 - Témoignages pour la séance du 17 avril


OTTAWA, le mercredi 17 avril 2002

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 17h30 pour examiner les soins de santé offerts aux anciens combattants qui ont servi au cours de guerres ou dans le cadre d'opérations de maintien de la paix; les suites données aux recommandations faites dans ses rapports précédents sur ces questions, et les conditions afférentes aux services, prestations et soins de santé offerts, après leur libération, aux membres de l'armée permanente ou de la réserve, ainsi qu'aux membres de la GRC et aux civils ayant servi auprès de casques bleus en uniforme dans des fonctions d'appui rapproché, et pour faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous commençons ce soir notre étude du syndrome de stress post-traumatique.

Nous avons la chance d'avoir avec nous l'ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes.

[Français]

Le président: Je vous souhaite la bienvenue. Je comprends que vous avez quelques mots à nous dire au début, et je suis certain que les sénateurs auront des questions à vous poser par la suite.

Je vous demanderais de bien vouloir nous présenter vos collègues avant de commencer.

M. André Marin, Ombudsman, ministère de la Défense nationale: Monsieur le président, c'est pour moi un grand plaisir d'être ici et je vous remercie de m'avoir invité de comparaître à ce comité.

[Traduction]

Je suis accompagné ce soir de M. Gareth Jones, directeur de l'équipe d'intervention spéciale de l'ombudsman et chef-enquêteur dans notre étude sur le SSPT; et le brigadier général à la retraite Joe Sharpe, qui a travaillé à mon bureau. Il a été le conseiller du bureau sur le SSPT. Ils ont tous les deux joué un rôle fort important dans la rédaction du rapport que je vais vous présenter aujourd'hui.

[Français]

Comme vous le savez sans doute, mon mandat est d'apporter une contribution importante à l'amélioration du bien- être des membres du ministère de la Défense nationale, des Forces canadiennes ainsi que leurs familles. Le mandat ne s'étend pas à des questions qui relèvent exclusivement de la juridiction du ministère des Anciens Combattants.

Par contre, mon bureau a toujours entretenu d'excellentes relations avec le ministère lorsque les dossiers touchent le ministère de la Défense nationale et celui des Anciens combattants.

Clairement, la façon dont le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes s'attaquent au syndrome de stress post-traumatique ou SSPT, et les enjeux reliés au SSPT avec les membres actuels, a des conséquences importantes pour les anciens combattants. Je comprends que le ministère traite un nombre grandissant de cas reliés au SSPT, et il n'y a aucun risque ou signe de ralentissement.

À mon avis, les défis que présentent le SSPT sont si profonds et étendus pour le ministère de la Défense nationale et les Forces Canadiennes et pour le ministère des Anciens combattants, que des actions immédiates, fermes et coordonnées sont nécessaires.

[Traduction]

Comme nous avons peu de temps et que nos conclusions sont exposées de manière détaillée dans le rapport spécial sur le traitement systémique des membres des CF atteints du SSPT, je ne vous présenterai pas ce rapport au complet aujourd'hui. J'ai plutôt l'intention de faire à l'intention des honorables sénateurs un bref survol des plus importantes constatations et des principales recommandations que nous avons formulées, après quoi je serai à votre disposition pour répondre à toute question connexe.

Pourquoi le dossier du SSPT est-il si important aujourd'hui? Même si nous ne disposons pas de statistiques sur le nombre de militaires et d'anciens militaires atteints de ce syndrome, il existe des preuves irréfutables montrant que beaucoup de membres actuels des Forces canadiennes et d'anciens combattants peuvent souffrir de la maladie. À la garnison d'Edmonton seulement, on estime que jusqu'à 1 000 soldats en sont atteints ou pourraient en être atteints, mais la majorité d'entre eux ne veulent pas demander de traitement.

Les coûts à la fois humains et financiers du SSPT sont effarants. Des familles sont détruites. Au sein des Forces canadiennes, des hommes et des femmes dévoués et très vaillants sont ostracisés et mis à l'écart. Des millions de dollars sont dépensés pour remplacer des militaires d'expérience qu'il n'aurait jamais fallu perdre, à mon avis.

D'innombrables soldats, marins et aviateurs atteints du SSPT ont quitté les Forces canadiennes, trop gênés pour demander des traitements. Bon nombre de ces personnes comptent aujourd'hui sur l'aide du ministère des Anciens combattants. Le rapport renferme 31 recommandations qui ont été formulées avec soin à l'issue d'une analyse complète et approfondie de la question. Ces recommandations sont suffisamment souples pour que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes puissent les appliquer en tenant compte des besoins de leur organisation.

Par exemple, nous recommandons que les Forces canadiennes mettent sur pied un projet pilote visant à établir à l'extérieur des bases l'une des cliniques de consultation post-déploiement appelées Centres de soutien pour trauma et stress opérationnel, pour voir si cet arrangement conviendrait mieux pour atteindre les objectifs de ces cliniques.

Nous avons fait cette recommandation après avoir entendu de très nombreux témoignages de membres des Forces canadiennes. Ils nous ont dit que le fait que les CSTSO soient situés sur les bases non seulement créait un obstacle important empêchant beaucoup d'entre eux de se présenter pour y être traités, mais aussi que cela nuisait sérieusement à beaucoup de soldats qui s'y faisaient traiter. Comme nous l'a dit un membre actif des forces qui se faisait traiter dans un CSTSO: «J'avais envie de me promener avec un sac en papier sur la tête». Un grand nombre de soignants ont également dit qu'ils trouvaient très dérangeant que les centres de soutien pour trauma et stress opérationnel se trouvent à des endroits aussi visibles parce que la confidentialité, si importante pour les membres qui sont atteints du SSPT ou qui pourraient en être atteints, est compromise, dans les faits ou en apparence.

Grâce à ce projet pilote, le MDN et les FC pourraient faire une comparaison rationnelle des deux façons de faire.

Par ailleurs, nous avons constaté des lacunes, parfois très graves, dans la quantité et la qualité des renseignements donnés aux militaires au sujet du syndrome de stress post-traumatique. Il en est résulté une mentalité qui est très répandue parmi les FC, selon laquelle ce syndrome n'est pas un trouble médical valide et que les personnes qui prétendent en être atteintes simulent la maladie ou cherchent à abuser du système. Comme un soldat nous l'a dit: «Beaucoup de militaires croient que le sigle anglais du SSPT, c'est-à-dire PTSD, signifie People Trying to Screw the Department, ce qui veut dire ``personne qui essaie de frauder le ministère''».

Le problème auquel sont confrontées les Forces canadiennes en ce qui a trait au SSPT est tellement grave qu'il nuit à la capacité des chefs de bien diriger les troupes. D'après des recherches récemment effectuées par les FC, les militaires n'ont pas confiance que l'on va dispenser les soins voulus à ceux qui souffrent du SSPT. Ce problème pourrait donc aller jusqu'à ébranler la capacité de combattre des Forces canadiennes.

Il ne faut pas s'étonner de constater que le problème du recrutement et du maintien des effectifs — problème qui est tellement grave que, d'après le rapport présenté hier par la vérificatrice générale, il pourrait s'écouler 30 ans avant que l'on réussisse à stabiliser la situation — est encore aggravé par la situation dans le dossier du SSPT. D'innombrables soldats — et je m'empresse d'ajouter parmi les meilleurs — s'en vont chaque année à cause du SSPT. C'est la meilleure assurance d'avoir un billet aller simple pour sortir des Forces canadiennes. Voilà une des causes du problème de maintien des effectifs à laquelle nous pouvons remédier dès aujourd'hui, pas dans 30 ans.

Nous avons formulé un certain nombre de recommandations pratiques visant à démystifier et déstigmatiser le SSPT à l'aide d'une formation et de cours. Nous recommandons une formation obligatoire sur le SSPT pour tous les soldats, quel que soit leur grade, et une formation continue tout au long de la carrière militaire. Nous recommandons de faire appel pour donner ces cours à des équipes multidisciplinaires comprenant des membres ou d'anciens membres atteints de cette maladie. Nous recommandons aussi, pour la préparation de ces cours, de mettre à contribution le personnel de tous les CSTSO.

Au point où nous en sommes, nous avons besoin non pas de belles paroles, mais de gestes concrets pour régler le problème du SSPT. On en a déjà beaucoup parlé. Depuis mars 1994, moment où les Forces canadiennes ont publié la première ordonnance administrative des Forces canadiennes traitant des problèmes liés au SSPT, beaucoup de rapports ont été publiés à ce sujet et les engagements pris par le MDN et les FC n'ont rien donné et n'ont pas débouché sur des changements.

Notre rapport conclut que l'une des plus grandes lacunes des FC dans le dossier du SSPT est le défaut de donner suite aux engagements pris relativement au traitement des soldats touchés. Par exemple, en ce qui concerne la formation des dirigeants des FC, en 1998, le rapport McLelland sur la qualité de vie dans les Forces canadiennes recommandait de donner une formation aux dirigeants des FC sur les soins à dispenser aux blessés, y compris aux personnes atteintes du SSPT. Au cours de la même année, le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants demandait que les recommandations du rapport McLelland soient adoptées le plus tôt possible et que l'on prenne d'autres mesures pour inculquer aux chefs l'importance de manifester de l'empathie. Dans leur réponse au comité, le MDN et les FC ont déclaré que le contenu des cours destinés aux dirigeants était revu pour veiller à ce qu'une formation appropriée soit donnée en matière de prestation de soins aux blessés.

Même si des plans de cours ont été élaborés, nous avons conclu dans notre rapport qu'en dépit des engagements qui ont été pris, il n'y a guère eu de progrès, voire aucun, dans la qualité et la quantité des notions sur le SSPT qui sont données aux dirigeants des Forces canadiennes en 2002. Encore aujourd'hui, le Collège militaire royal n'offre pas à la prochaine génération de dirigeants des FC de notions valables concernant le SSPT.

Il y a beaucoup d'autres exemples de déclarations bien intentionnées et de belles promesses qui ont été faites jusqu'à aujourd'hui. Pourtant, il n'y a pas eu de progrès dans la mise en oeuvre de changements. L'éducation et la formation sont essentielles pour que les attitudes changent. Comme les résultats attendus se font attendre, les préjugés et les attitudes négatives à l'endroit des personnes atteintes du SSPT continuent d'avoir cours.

Malgré l'incroyable appui que nous avons reçu du public depuis la parution de notre rapport en février, les gens continuent de douter de l'existence réelle de cette maladie. Ainsi, au lendemain de la publication de notre rapport, le Kingston Whig Standard rapportait que selon un ancien haut dirigeant des FC, on n'a jamais appelé cela un syndrome, qu'on leur disait plutôt d'arrêter de se plaindre et que, s'ils n'étaient pas contents, ils pouvaient toujours devenir livreurs de pizza, qu'ils n'étaient pas des soldats de carrière.

Comme les changements se produisent à pas de tortue, les soldats et leurs familles en souffrent. Cela ne peut plus continuer ainsi. Nous avons présenté 31 recommandations qui traitent du SSPT, des attitudes à l'égard de cette maladie, de l'éducation, de la formation liée au déploiement, des soignants et des problèmes systémiques. Même si je sais que d'excellentes initiatives sont en cours, lors de notre enquête, nous avons constaté un manque de coordination dans les efforts déployés pour traiter ce syndrome, ce qui explique l'absence de résultats valables qui permettraient de vraiment changer les choses.

Comme vous le savez, j'ai pris l'initiative, neuf mois après la publication du rapport, de m'adresser au ministre de la Défense nationale pour lui faire rapport sur la mise en oeuvre des recommandations. J'ai l'intention de rendre publique un rapport montrant dans quelle mesure l'engagement pris par les FC de donner suite aux recommandations a vraiment débouché sur des mesures concrètes. Jusqu'à maintenant, les discussions avec l'organisation se sont révélées très fructueuses.

Je vous demande tout particulièrement votre appui à l'égard d'une importante recommandation que nous avons formulée visant la création du poste de coordonnateur du dossier du SSPT. Nous recommandons la création de ce poste parce que nous avons constaté que personne, dans toutes les Forces canadiennes, n'est responsable des questions concernant le SSPT. Il y a, au sein des Forces canadiennes, une foule de gens qui s'intéressent d'une manière ou d'une autre au SSPT, que ce soit au niveau des commandements opérationnels, du personnel, des médecins ou encore de la formation et de l'éducation.

À mon avis, on ne parviendra pas à régler ce problème tant qu'on se contentera de proposer de nouvelles politiques et de nouvelles procédures. Il faudra aussi voir comment ces nouvelles politiques sont mises en oeuvre dans les unités; une personne qui relèverait du chef d'état-major de la Défense pourrait couvrir tous les secteurs de l'armée et faire vraiment avancer ce dossier. Le rôle du coordonnateur du dossier du SSPT serait comme le mortier qui tient les briques en place; le titulaire du poste veillerait à ce que les initiatives des FC concernant le SSPT se tiennent et débouchent sur des gestes concrets.

Dans l'affaire qui a fait l'objet de notre enquête, le plaignant a été abandonné, ostracisé et stigmatisé. Il n'est pas le seul dans cette situation. Beaucoup trop de ses collègues membres des FC ont été et sont encore traités comme des citoyens de deuxième classe parce qu'ils sont atteints d'une maladie invisible. Les FC perdent inutilement d'excellents officiers et militaires du rang durant une période où elles doivent faire des pieds et des mains pour conserver leurs membres et en recruter de nouveau, à grands frais. Ce n'est pas le moment d'entreprendre d'autres études ou de traiter la question comme un simple problème de relations publiques. Ce n'est pas le moment d'avoir des oeillères et de s'imaginer que ce problème relève exclusivement d'un secteur précis du MDN ou des FC. Le SSPT est une maladie qui ne connaît pas de frontières au sein du MDN et des FC. C'est la responsabilité de tous. Le temps est venu de passer à l'action.

Le président: Je vous remercie pour cet exposé très intéressant qui, j'en suis certain, suscitera bon nombre de questions.

Je voudrais profiter de l'occasion pour vous présenter le vice-président du comité, le sénateur Jack Wiebe de Saskatchewan. Il apprend vite, de sorte qu'il n'aura pas de mal à suivre, même s'il a raté le début de votre exposé.

Le sénateur Wiebe: Le syndrome de stress post-traumatique m'intéresse au plus haut point. Au Comité de la défense nationale, j'évoque le sujet chaque fois que je peux. La question que je vais vous poser n'est pas facile, mais elle doit être posée.

Le SSPT est un état pathologique nouveau, bien qu'il existe depuis le premier conflit auquel ont participé des soldats canadiens. Le seul problème, c'est qu'il était difficile à identifier. Une partie du problème lié au SSPT tient aux règles d'engagement. Nous avons d'abord commencé à remarquer le SSPT chez les soldats revenant de missions de maintien de la paix où les règles d'engagement étaient telles que leur rôle se bornait à observer des atrocités, à en faire rapport et ensuite, à demeurer passif alors que rien n'était fait pour contrer ces atrocités.

J'ai eu l'occasion de rendre visite à certaines de nos troupes en Bosnie où, selon les règles d'engagement de l'OTAN, si les soldats étaient témoins d'atrocités, ils pouvaient intervenir concrètement. Au cours des conversations que nous avons eues, ils m'ont rapporté qu'ils avaient davantage l'impression de faire leur travail. En présence d'atrocités, ils jouaient le rôle de policiers. Ils étaient efficaces. D'autres mandats ne leur permettaient pas d'être efficaces. Je comprends très bien qu'une personne assujettie à l'ancien mandat soit perturbée lorsqu'elle constate qu'elle n'est pas en mesure de corriger un problème.

J'ai une question brutale à vous poser fondée sur un élément nouveau. Lorsque je suis entré dans la pièce, vous disiez que le SSPT était le moyen le plus sûr de quitter les forces armées. Comment être sûr que certains de nos soldats ne se servent pas du SSPT comme prétexte pour quitter l'armée? Quelqu'un qui se rendrait compte que les forces armées ne correspondent pas à l'idée qu'il s'en était fait au moment où il s'était engagé pourrait-il se servir du SSPT comme excuse? Je vous ai dit que ce n'était pas une question facile.

M. Marin: Il est évident que la dynamique d'une mission de maintien de la paix est différente de celle de la guerre. Il ne fait aucun doute que l'impuissance qu'ont ressentie les soldats qui ne pouvaient intervenir dans certaines situations, puisqu'ils faisaient partie de missions de maintien de la paix, a empiré les choses pour eux. Dans certains cas, ce sentiment d'impuissance a concouru à provoquer le SSPT.

Votre question évoque aussi, de façon intrinsèque, le problème des outils dont nous disposons pour diagnostiquer le syndrome de stress post-traumatique. À l'heure actuelle, la communauté médicale a passablement bien défini les critères permettant de diagnostiquer le syndrome. On les retrouve dans le DSM4.

Certains soldats s'en servent-ils comme prétexte pour quitter les Forces canadiennes? Il en est question dans le rapport des Forces canadiennes. En bref, la réponse est non.

À bien y penser, compte tenu de la stigmatisation associée à cette maladie et à la façon dont sont traités ceux qui reconnaissent en souffrir, pourquoi quelqu'un prétendrait-il faussement en être victime? Le fait de se déclarer atteint du syndrome entraîne un tel cortège de souffrances qu'on peut difficilement affirmer que c'est un moyen facile d'abandonner les Forces armées.

Nous avons eu l'occasion de consulter des experts dans ce domaine, de même que des civils qui sont confrontés au SSPT, comme des travailleurs paramédicaux et des agents de police. Dans toutes ces professions, il y a un vaste consensus selon lequel c'est un mythe courant que certains simulent la maladie pour se défiler à leurs obligations professionnelles en raison de la stigmatisation liée au fait de se déclarer ouvertement atteint du SSPT.

Les experts médicaux estiment que les imposteurs, c'est-à-dire ceux dont on a des raisons de croire qu'ils simulent la maladie, représentent entre 1 et 3 p. 100 des plaignants. Or, il s'agit là d'un pourcentage sensiblement inférieur à celui qui s'applique aux soldats simulant d'autres maladies. Il y a des gens qui s'avouent malades une belle journée comme aujourd'hui. C'est donc de 1 à 3 p. 100, soit un pourcentage très bas.

Le sénateur Wiebe: Ce même pourcentage s'applique-t-il aux agents de police, aux pompiers ou à d'autres agents de secours d'urgence?

M. Marin: Nous n'avons pas fait de comparaison élaborée. D'après ce que nous avons pu glaner auprès des experts, le pourcentage est sensiblement le même. Nous avons interviewé des spécialistes de l'absentéisme en milieu de travail dans diverses professions. Il semble y avoir un consensus.

Le sénateur Wiebe: Je n'ai pas eu l'occasion de lire votre rapport qui vient d'arriver sur mon bureau hier. Peut-être la réponse à ma prochaine question s'y trouve-t-elle.

En tant qu'ombudsman, vous a-t-il été donné de prendre connaissance de cas où l'on aurait refusé de l'aide à un soldat parce qu'on estimait que ce soldat était un imposteur?

M. Marin: Non, ce cas ne s'est pas présenté. Nous avons interviewé des centaines de personnes qui se sont ouvertes à nous. D'après nos observations, il s'agissait de cas légitimes, sans exception. Des personnes atteintes du SSPT se suicident à cause de cela. Rien n'indique que nous soyons en présence d'imposteurs.

Certains sont encore convaincus que des membres des forces armées simulent le SSPT parce que l'organisation n'a jamais conservé de données sur le syndrome. Ne rien dire, ne rien voir, ne rien entendre. On évacue tout cela.

Or, le syndrome existe depuis la Première Guerre mondiale et peut-être avant. Il y a eu des cas prouvés depuis la Première Guerre mondiale. Néanmoins, l'organisation n'a jamais conservé de données sur le nombre de personnes atteintes du SSPT ou de personnes qui ont cherché à se faire soigner. On n'a jamais conservé de données sur les suicides, les départs des forces armées ou les gens confinés à des circuits d'attente spécialisée en raison du SSPT.

L'absence de données a contribué à apporter de l'eau au moulin de certains. Étant donné qu'il n'y a pas de données, d'aucuns concluent que l'existence même du syndrome est douteuse.

D'après les experts médicaux que nous avons consultés, 20 p. 100 environ du personnel militaire qui rentre de mission souffre du SSPT. Si l'on y ajoute les problèmes liés au stress, cela pourrait grimper jusqu'à 50 p. 100. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de l'affirmer sur le plan empirique car l'organisation n'a conservé aucune donnée.

Si, au cours de mon exposé, je vous disais que 20 p. 100 des militaires qui rentrent de mission souffrent de tuberculose, vous inquiéteriez-vous du fait que 1 à 3 p. 100 d'entre eux sont des simulateurs? Certainement pas. Il ne ferait aucun doute qu'une action immédiate et urgente s'impose.

Les experts nous disent que 20, 30 ou même 50 p. 100 de nos troupes, si l'on inclut les problèmes liés au stress, souffrent du SSPT. Compte tenu des estimations que nous a fournies la communauté médicale, permettez-moi de dire au comité que la possibilité qu'entre 1 et 3 p. 100 de nos personnels soient des imposteurs ne devrait pas être notre principal sujet de préoccupation. Nous devrions plutôt nous inquiéter du sort des 25 ou 27 p. 100 qui rentrent de mission et dont nous savons qu'ils ne simulent pas la maladie et qui souffrent.

Le sénateur Wiebe: J'ignore si c'est la première fois que vous avez l'occasion de comparaître devant un comité du Sénat. Vous constaterez que certaines des questions que nous posons aux témoins sont ardues. Ce ne sont pas nécessairement des questions qui préoccupent individuellement les membres du comité qui les posent, mais nous estimons qu'elles doivent être posées.

L'une des critiques les plus courantes que l'on adresse au Sénat est aussi son plus grand avantage. Nous n'avons pas à nous soucier d'être réélus, de sorte que nous pouvons poser toutes sortes de questions. J'en ai d'ailleurs une ou deux plutôt malaisées pour vous.

Vous dites qu'entre 20 et 50 p. 100 des militaires qui rentrent de mission à l'étranger souffrent d'une forme ou d'une autre de SSPT. J'en conclus que nous ne préparons pas adéquatement nos troupes à ce qui les attend ou qu'il y a des lacunes dans le processus de sélection des soldats que nous décidons d'envoyer dans ces missions particulières.

Dans un cas comme dans l'autre, avez-vous déjà pu présenter des recommandations aux forces armées concernant les modalités qu'elles appliquent pour déterminer si une personne est apte à assumer ce genre de mission? Lorsqu'on parle de 20 à 50 p. 100 des militaires, il s'agit là de pourcentages plutôt élevés, si tant est que vos estimations sont justes.

M. Marin: Votre franchise me plaît. Je ne voulais pas laisser entendre que c'était l'opinion personnelle des sénateurs.

Monsieur le président, si nous voulons aller au fond des choses, il est important de mettre sur la place publique tous les enjeux et tous les arguments. Par conséquent, je vous remercie de vos questions. En effet, elles me donnent l'occasion d'y répondre.

J'en viens maintenant aux recommandations que nous avons faites. Notre rapport compte huit parties. À la première page, vous pourrez voir que la partie un porte sur la prévalence et ensuite, sur les questions de diagnostic et de traitement, qui se rapportent à la première question que vous m'avez posée aujourd'hui. Nous avons fait plusieurs recommandations ayant trait à la formation et à l'entraînement concernant le SSPT, plus précisément l'entraînement pré- et post-déploiement, l'éducation des membres des Forces canadiennes, les moyens à prendre pour mieux identifier le SSPT et y réagir, ainsi que les problèmes entourant les mesures administratives.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, l'organisation a pris quelques initiatives très valables. L'une d'elles a été d'ouvrir cinq centres pour trauma et stress opérationnels au Canada. C'est une excellente initiative, que nous appuyons sans réserve.

Le président: Ces centres sont-ils sur les bases?

M. Marin: Oui.

Le président: Vous avez recommandé qu'ils soient situés hors base.

M. Marin: Absolument. C'est une recommandation importante et nous nous employons à convaincre les Forces canadiennes de son bien-fondé, mais l'objection qu'expriment les détracteurs de cette suggestion — et je ne veux pas dire que c'est là la position finale de l'organisation —, c'est qu'en installant de tels centres à l'extérieur des bases, on se trouverait à envoyer les personnes atteintes du syndrome à l'extérieur de la famille militaire pour se faire traiter, ce qui aurait pour effet de les ostraciser davantage.

À l'heure actuelle, aucun choix n'est possible. Tout militaire qui se rend dans une clinique opérationnelle sur la base est immanquablement étiqueté SSPT dans une culture qui associe cela à la faiblesse, à l'imposture et à la simulation. Tant que la culture n'aura pas vraiment compris, si l'on veut vraiment soigner les personnes atteintes, il faut le faire hors base. Pratiquement tous ceux qui souffrent du syndrome nous ont dit qu'ils auraient préféré être traités à l'extérieur de leur base. Pratiquement la totalité des dispensateurs de soins, c'est-à-dire les personnes qui s'occupent de traiter les victimes du SSPT, préconisent que le traitement soit disponible à l'extérieur de la base.

Il faut dépasser l'argument selon lequel nous soustrayons ces personnes à la famille militaire, car ce n'est pas le cas. Il existe un traitement et la seule façon d'y avoir accès est de permettre aux militaires de se faire soigner à l'extérieur de la base. Nous pensons que les forces armées devraient à tout le moins en faire l'essai. Qu'ils établissent un centre à l'extérieur d'une base.

Nous appuyons vigoureusement les cliniques, mais nous invitons instamment les forces armées à faire un pas de plus et à en établir une à l'extérieur d'une base pour voir quel genre de réaction cela susciterait. Nous sommes convaincus que l'accueil serait favorable.

La deuxième recommandation, sur les 31, concerne la nomination d'un coordonnateur SSPT. Bien que de bonnes initiatives aient été prises, la coordination fait défaut, de même que le partage de l'information entre les diverses mesures. Nous recommandons que le coordonnateur du dossier du SSPT veille à ce qu'il y ait communication et échange d'informations, et l'on donnerait l'assurance que tout ordre et toute initiative promulgués par Ottawa seraient appliqués réellement sur le terrain. Ce n'est pas toujours le cas actuellement. Ce sont les deux recommandations clés. S'ajoutent à cela d'autres recommandations sur la formation et l'éducation, qui sont essentielles pour faire évoluer la culture.

Le sénateur Atkins: Je m'interroge au sujet de la recommandation sur le coordonnateur. Quels seraient le grade et la profession de cette personne? Quelle procédure envisagez-vous pour la reddition de comptes et la présentation des rapports? Il me semble que, si la recommandation est acceptée, ce coordonnateur doit être crédible et influent, surtout si l'on tient compte des doutes et des problèmes que vous nous avez décrits parmi les militaires quant à la respectabilité d'une personne qui se dit atteinte du SSPT. Comment visualisez-vous cette personne?

M. Marin: Le problème actuel est que le SSPT est un problème qui transcende tous les éléments dans les Forces canadiennes. Des événements comme l'écrasement du vol de la Swiss Air peuvent créer de sérieux problèmes de SSPT parmi les membres de l'équipe d'intervention de la marine sur la côte Est, et il y a des soldats envoyés en mission de maintien de la paix qui reviennent d'outre-mer et qui souffrent du SSPT. C'est un problème qui est également présent dans l'armée de l'air, dans la réserve et c'est un problème opérationnel mettant en cause le vice-chef d'état-major de la Défense. Cela nuit au recrutement et au maintien des effectifs. Par conséquent, cela touche le vice-chef d'état-major de la Défense. Cela touche toutes les composantes. Quand vous prendrez une décision sur le SSPT, vous devez vous rappeler que toutes les entités sont touchées: l'armée de l'air, l'armée de terre, la marine et même l'élaboration des politiques à Ottawa. Voilà le problème.

Nous avons recommandé de créer un poste de coordonnateur du dossier de la SSPT, mais nous nous sommes contentés de formuler une recommandation générale, pour que l'organisation puisse vous aider à arrêter les détails.

Le coordonnateur serait quelqu'un dont l'autorité s'étendrait sur tous les éléments et qui pourrait déterminer les mesures à prendre dans toutes les entités touchées. Par exemple, supposons que la marine ne donne pas suite à un ordre donné par le chef d'état-major de la Défense au sujet de la formation sur le SSPT préalable au déploiement. Le coordonnateur aurait le pouvoir d'intervenir. Il relèverait du chef d'état-major de la Défense. Autrement dit, il incomberait ultimement au chef d'état-major de la Défense, par l'intermédiaire du coordonnateur du dossier du SSPT, de veiller à l'exécution des ordres et des décisions prises à Ottawa dans le dossier du SSPT.

Le sénateur Atkins: Ce serait un militaire.

M. Marin: Oui.

Le sénateur Atkins: Il faudrait que ce soit un officier haut gradé.

M. Marin: Oui. Le grade de colonel conviendrait.

Le sénateur Atkins: Il faudrait que cette personne se fasse respecter au même titre que le chef d'état-major.

M. Marin: Absolument.

Le sénateur Atkins: Autrement, il ou elle crierait dans le désert.

M. Marin: À l'heure actuelle, le chef d'état-major de la Défense est titulaire des postes de conseiller spécial sur les affaires internationales et sur le personnel. Les questions relatives au personnel dans les affaires internationales ont été désignées comme un domaine exigeant une attention particulière. Cela pourrait servir de modèle. Nous ne voulions pas imposer une camisole de force à l'organisation en étant trop précis. Nous esquissons le concept, et ce n'est pas sans précédent. La question mérite un examen approfondi et une attention suivie. Vous avez tout à fait raison de dire que le coordonnateur doit être respecté par le chef d'état-major de la Défense, ainsi que par toute l'organisation.

Nous avons besoin de quelqu'un qui est capable d'imposer ses vues. Un colonel ne peut pas donner des ordres à un général, mais le coordonnateur serait l'intermédiaire entre le chef d'état-major et les troupes; il veillerait à ce que l'on obéisse aux ordres. Cela s'applique bien sûr à toutes les entités touchées, en ce sens que le coordonnateur serait en mesure de prendre des mesures d'application immédiates.

Le sénateur Atkins: Je soupçonne que pour mener à bien cette initiative, il faudrait un colonel de haut rang. Cette personne doit être perçue comme le bras droit du chef d'état-major. Autrement, je pense que vous auriez du mal à atteindre votre objectif.

M. Marin: Je prends bonne note de votre avis. Certains seraient d'accord avec vous, d'autres pas. Je ne suis pas un expert en affaires militaires. Nous avons exposé le problème au ministre de la Défense et au chef d'état-major. Nous avons présenté un plaidoyer convaincant en faveur de la création de ce poste spécial. Je compte sur le chef d'état-major qui saura, je l'espère, trouver le grade approprié, le bon candidat, et donner au titulaire du poste le mandat et les outils nécessaires pour bien faire le travail. Nous serons de retour dans neuf mois pour faire rapport sur le succès de l'opération.

Le sénateur Atkins: Je suis un peu au courant du problème des invalidités non visibles. C'est difficile de convaincre les gens qui n'en sont pas atteints que certaines personnes en souffrent effectivement, surtout si les personnes en question semblent normales. Ce serait le cas des gens qui souffrent du SSPT.

Existe-t-il un test médical permettant de diagnostiquer chez une personne le SSPT?

M. Marin: Je ne suis pas médecin. Depuis la publication du rapport, j'ai reçu des mémoires de médecins qui affirment être capables de déterminer la présence du SSPT par une analyse sanguine. D'autres prétendent pouvoir le guérir en dix minutes.

Le sénateur Atkins: Avec un médicament quelconque?

M. Marin: Je ne suis pas expert en médecine et je ne suis donc pas en mesure de répondre à cette question.

Nous avons fait un bref examen des outils diagnostiques, et il semble que l'on s'entende sur la manière de déceler le SSPT. Il ne semble pas y avoir de controverse quant aux outils permettant de déceler ou de diagnostiquer le syndrome. À part cela, je ne pense pas pouvoir répondre à la question.

Le sénateur Atkins: Cela ne m'étonne pas que la question ne soit pas abordée dans le cadre du cours dispensé au CMR. Il me semble que pour les cadets ou ceux qui revêtent l'uniforme militaire pendant l'été, il y aurait peut-être la possibilité de leur dispenser une formation là-dessus.

Je suis d'accord avec vous pour dire que les missions confiées à nos militaires pour le maintien de la paix sont effectuées dans des circonstances tout à fait différentes.

J'espère que vos recommandations sont prises au sérieux.

M. Marin: Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, et je tiens à insister sur ce message que je veux transmettre au comité, mon organisation a eu des discussions avec les Forces canadiennes depuis la publication du rapport le 5 février. Ces discussions ont été très fructueuses. J'ai eu des entretiens en tête-à-tête avec le chef d'état-major de la Défense. Nous sommes satisfaits des progrès accomplis jusqu'à maintenant. Nous ne touchons pas encore au but, mais j'ai bon espoir que nous pourrons vous annoncer, à vous et au grand public, que toutes les recommandations ont été acceptées.

Le sénateur Atkins: À titre d'ombudsman, considérez-vous que votre rôle est pris au sérieux par les militaires? Estimez-vous que vous avez un bilan positif depuis que vous occupez votre poste, que vous avez été en mesure d'accomplir une grande partie des tâches que vous vous étiez donnés pour mission d'accomplir?

M. Marin: Dans plus de 90 p. 100 de nos interventions, nous avons réussi à obtenir le résultat recherché. Je pense que le bureau a progressé énormément pour ce qui est de son influence dans l'organisation. Un phénomène intéressant se produit dans les forces armées. Je pensais qu'après un certain temps, puisque le bureau existe maintenant depuis quatre ans, après des promotions successives, les gens monteraient en grade dans les forces armées et se rendraient compte que le bureau, bien qu'il soit indépendant des forces armées, en est effectivement un élément constituant. On célèbre le 20e anniversaire de la Charte et l'on dit qu'elle est inscrite dans la conscience collective. J'espère que le bureau est accepté comme une partie constituante des forces armées et que les gens qui montent en grade se rendent compte qu'il faut en tenir compte.

Malheureusement, il arrive que des gens, après avoir été promus, décident que leur prédécesseur a «capitulé devant l'ombudsman» et se lancent dans une lutte à finir contre l'ombudsman. Parfois, une personne qui a pas mal d'ancienneté doit recommencer, après avoir été promue, de livrer les vieilles batailles d'il y a un an ou deux. J'espère qu'à mesure que le bureau continuera d'intervenir dans les dossiers graves, je serai en mesure de dire, lorsqu'il y a une promotion, que nous sommes tous en meilleure posture et qu'il y a une plus grande collaboration. Il me semble toutefois, malheureusement, que trop souvent, lorsqu'il y a une promotion, nous devons recommencer la lutte pour reprendre ce qui avait été acquis auparavant.

Tout compte fait, je suis content de la collaboration que nous obtenons. Si je devais faire une évaluation globale, je dirais que je suis très content et que nous avons fait un bon bout de chemin.

Le sénateur Atkins: Ai-je raison de dire que vous n'avez pas l'impression d'être perçu par les militaires comme un apologiste des forces armées ou comme le serviteur de leurs causes?

M. Marin: Je ne pense pas que personne m'ait jamais accusé d'être l'apologiste des militaires. Je ne pense pas que nous soyons non plus des critiques des militaires. Nous devons maintenir la plus stricte impartialité. Quand nous sommes saisis d'une plainte, nous ne présumons pas au départ qu'elle est fondée ou non fondée. Nous ne présumons de rien. Nous ne nous sentons pas obligés de défendre le système ni de le démolir. J'espère que ce message est bien clair quand nous publions des rapports. Nous essayons de faire ressortir les éléments positifs. Nous ne sommes pas un organisme négatif par nature. Nous n'avons pas exclusivement pour tâche de trouver des défauts; nous devons aussi recenser ce qui se fait de bien. C'est bien dit dans le rapport et je suis convaincu que ma déclaration d'ouverture d'aujourd'hui donne fidèlement cette impression.

Nous essayons de présenter le point de vue le plus équilibré et impartial en tenant compte des vues du plaignant et de l'organisation.

Le sénateur Day: Je vous félicite, votre groupe et vous-même, pour votre rapport. Ce sera un document important dans toute cette affaire.

Mes questions vont trahir mon manque de connaissance approfondie de ce sujet. Je vous demande votre indulgence, si l'on a déjà répondu dans la documentation à certaines questions.

Pour commencer, il me semble me souvenir que nous appelions cela auparavant un «syndrome», alors que vous l'appelez maintenant un «rouble». N'a-t-on jamais appelé cela un «syndrome»?

M. Marin: C'est un syndrome.

Le sénateur Day: Le trouble, c'est ce dont on souffre quand on a été diagnostiqué?

M. Marin: Je voulais dire syndrome. C'est un syndrome. C'est considéré comme une lésion opérationnelle. Le sigle SSPT signifie Syndrome de stress post-traumatique.

Le sénateur Day: Comment est-on passé de syndrome à trouble? Quelle est la différence? J'ai entendu des gens parler du syndrome de stress post-traumatique. Est-ce la manifestation du trouble? Quelle est la différence entre les deux?

M. Marin: Je ne suis pas certain d'être qualifié pour répondre à cela. J'ai entendu les deux mots utilisés de façon interchangeable.

Le sénateur Day: Peut-on le faire?

Le président: Il dit qu'il ne le sait pas.

M. Marin: J'ai entendu les expressions «trouble», «syndrome» et «lésion».

Le président: Dans votre esprit, ces mots sont interchangeables.

M. Marin: Oui, ils le sont.

Le sénateur Day: Je peux donc utiliser l'un ou l'autre.

M. Marin: Le chef du service de santé est ici.

Le sénateur Day: J'apprécierais que quelqu'un vienne me dire, aujourd'hui ou la semaine prochaine, s'il y a une différence et, dans l'affirmative, ce que je devrais en penser. Il pourrait être utile, monsieur le président, de régler tout de suite cette question simple.

Le président: Auriez vous l'obligeance? Pourriez-vous nous donner des précisions là-dessus?

Colonel Scott Cameron, chef du service de santé des Forces canadiennes, ministère de la Défense nationale: De mon point de vue, la nomenclature est différente dans la profession médicale, par opposition aux profanes. Pour nous, il y a une différence précise entre le syndrome et le trouble, ce qui n'est pas pertinent pour vos préoccupations.

Peu importe que vous parliez de syndrome, de trouble ou de lésion, c'est une véritable maladie et elle a de nombreuses causes, dont les traumatismes que les gens subissent pendant les opérations. De ce point de vue, c'est bel et bien une lésion, et c'est pourquoi nous parlons maintenant de «lésion psychologique».

Un «syndrome», dans le jargon médical, c'est un ensemble de symptômes et d'états pathologiques qui se retrouvent dans un groupe particulier d'individus et qui définissent ce que nous appelons un «syndrome médical». Un «trouble», c'est exactement ce que le mot indique: c'est un mauvais fonctionnement, si l'on veut, d'un certain système de l'organisme. Dans les deux cas, il y a quelque chose qui ne va pas. C'est probablement la meilleure définition pour vous; vous ne devriez pas vous attarder trop à la différence.

La confusion vient du fait que les gens ont parfois tendance à appeler syndrome n'importe quel phénomène d'ordre médical. Nous ne faisons pas cela. Pour les médecins, le mot «syndrome» a une définition précise, correspondant à un état que l'on retrouve chez plusieurs individus. Le mot «syndrome» est parfois utilisé à mauvais escient. Le mot «trouble» est probablement préférable, simplement parce que son sens est plus précis dans la profession.

Le sénateur Day: Si le trouble est diagnostiqué de façon précoce chez une personne, est-il plus facile d'y remédier, du point de vue médical? Mettez de côté pour l'instant les autres coûts et dommages qui peuvent être causés par quelqu'un qui est atteint de ce trouble, s'il n'est pas diagnostiqué, pour une raison quelconque. Du point de vue du rétablissement médical, si le diagnostic est fait de façon précoce, le rétablissement est-il plus rapide?

M. Marin: C'est assurément ma compréhension de la situation. Si le trouble est décelé et traité précocement, cela prévient aussi d'autres types de circonstances négatives qui en découlent. Dans le cas du caporal McEachern, qui a fait l'objet de l'enquête, cette personne a été accusée d'une infraction à la suite d'un incident; il aurait conduit son VLT dans la garnison d'Edmonton en faisant déraper ses roues, et il a lancé des meubles et de l'équipement par la fenêtre. Une longue suite d'incidents avaient précédé ces gestes.

Dans cette affaire, si le trouble avait été décelé et traité plus tôt, nous aurions pu prévenir de nombreux événements qui se sont produits par la suite. Il est certain que le fait de déceler et de traiter ces cas de façon précoce, non seulement est bon pour le bien-être de la personne, mais empêche aussi l'escalade des problèmes familiaux et autres problèmes personnels qui peuvent résulter du SSPT.

Le sénateur Day: J'essayais d'aller au fond des choses du point de vue médical. Je comprends que d'autres choses peuvent arriver si le SSPT n'est pas diagnostiqué et que la personne continue à vivre avec ce syndrome.

D'après vous, le diagnostic précoce entraîne un rétablissement plus rapide, par opposition à la situation qui perdure si le diagnostic n'est pas posé et que le trouble s'installe pendant un certain temps.

M. Marin: En effet.

Le sénateur Day: Y a-t-il d'autres soldats qui sont revenus d'un déploiement après avoir souffert d'une autre blessure corporelle? Je songe au cas du major Bruce Henwood, par exemple, qui a subi des blessures dans l'explosion d'une mine terrestre. A-t-on établi une corrélation entre ce syndrome post-traumatique et d'autres blessures corporelles?

M. Marin: Il y a des exemples des deux. Il y a des cas où c'est associé à des blessures corporelles.

Le sénateur Day: Une personne qui a subi une blessure corporelle a-t-elle plus de chances de souffrir du SSPT? Cela résulte-t-il d'un événement déclencheur à l'extérieur de l'organisme dans la plupart des cas, par exemple le fait d'être proche d'un blindé qui a explosé? Ce ne sont pas tous ceux qui se font tirer dessus qui sont atteints de ce trouble. Par contre, le fait d'avoir vu un blindé incendié dans lequel se trouvait un cadavre à moitié carbonisé a déclenché le syndrome dans certains cas. Est-ce le résultat d'un stimulus extérieur à l'organisme, un traumatisme visuel qui déclenche la plupart du temps le SSPT?

M. Marin: Le général Sharpe a fait beaucoup de travail dans ce domaine précis et je vais lui demander de répondre.

Brigadier-général (à la retraite) Joe Sharpe, conseiller spécial sur le Syndrome de stress post-traumatique auprès de l'ombudsman, ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, je ne suis pas médecin, mais je peux vous faire part de mes impressions générales.

Beaucoup de cas de causalité — si je peux utiliser cette expression — du SSPT découlent du sentiment d'impuissance. En fait, vous en avez parlé tout à l'heure. Si quelqu'un est en mesure de poser un geste concret au sujet d'une situation, il est moins probable, tout au moins du point de vue empirique, qu'il en découle des problèmes psychologiques durables.

Pour parler franchement, les Canadiens, qui sont élevés, éduqués et entraînés comme nous le sommes dans une société qui est juste et équitable et dans laquelle tout le monde est bien traité, deviennent très vulnérables aux aspects négatifs auxquels ils peuvent être confrontés dans certaines situations. Nous ne sommes pas habitués à voir des enfants massacrés le long des routes et autres situations épouvantables. Les Canadiens sont en fait plus vulnérables, en toute probabilité, que bien d'autres qui viennent de sociétés où les valeurs sont moins respectées. Il est certain qu'il y a cet aspect de vulnérabilité psychologique.

Notre expérience et les éléments de preuve non scientifiques que nous avons recueillis nous amènent à conclure que ceux qui ressentent le plus vivement la douleur des autres sont les plus vulnérables. Dans une certaine mesure, c'est extérieur à la personne, à bien des égards.

Par exemple, un psychiatre nous a dit que si nous voulions prévenir le SSPT chez nos soldats, nous devrions recruter des sociopathes, parce qu'ils n'ont aucun sentiment et ne se sentent nullement visés. Le revers de la médaille, c'est qu'on ne voudrait probablement pas envoyer ces gens-là représenter notre pays où que ce soit. Il y a de nombreux facteurs externes qui vont bien au-delà d'une simple explication médicale.

Le sénateur Day: On songe à la situation dans laquelle s'était trouvé le général Dallaire et à son impuissance au Rwanda, par opposition au stress et à la dépression consécutive à une blessure corporelle dont a souffert par exemple le major Bruce Henwood, après avoir perdu les deux jambes. Ce serait là une dépression, par opposition au stress post- traumatique.

M. Sharpe: Le Dr Cameron peut expliquer cela mieux que moi. En fin de compte, le major Henwood a communiqué avec nous après le début de l'enquête. Nous avons discuté de ses blessures corporelles. Je ne vois aucun lien entre la lésion corporelle et la lésion psychologique.

Le SSPT n'est généralement pas associé à la peur ressentie par une personne quant à sa sécurité personnelle, du moins d'après les cas que nous avons recensés. Il semble que ce soit plutôt associé à l'incapacité de faire ce que l'on a appris à faire ou d'empêcher que se produisent les situations épouvantables auxquelles on est confronté.

Le sénateur Day: Il y a quelque temps, des témoins des Affaires des anciens combattants nous ont dit qu'ils sont très fiers du travail qui se fait à Sunnybrook, à Toronto, et à Ste-Anne, à Montréal, au sujet de ce trouble.

Monsieur Marin, les anciens combattants ne font pas partie de votre mandat, n'est-ce pas?

M. Marin: C'est exact, je ne suis pas mandaté pour m'occuper des anciens combattants.

Le sénateur Day: Pendant que les gens sont dans les forces armées, ils hésitent beaucoup à demander à se faire soigner, parce que la mentalité les amène à penser: «Ce serait le début de la fin; du moment que je dis que je souffre de ce mal, je vais me faire renvoyer de toute manière». Cependant, étant donné que l'on a étendu la définition «d'anciens combattants», ceux-ci ne subissent pas les mêmes pressions machistes les incitant à éviter le médecin. À titre d'anciens combattants, ils correspondent à la définition de l'ancien combattant qui peut se faire soigner parce qu'il s'agit d'un problème continu dont on pourra facilement établir l'existence, ce qui leur permettra, si je comprends bien, de recevoir des traitements, aux termes d'un programme établi, pour soigner une blessure, un trouble, un syndrome ou un problème quelconque qu'ils éprouvaient avant de quitter les forces armées.

Avez-vous un dialogue avec les Affaires des anciens combattants? Comprennent-ils qu'ils pourraient être confrontés à un problème financier et médical de grande ampleur?

M. Marin: Oui, nous avons régulièrement des entretiens avec les Affaires des anciens combattants. Il y a un comité qui se penche sur ce dossier et d'autres questions relatives à la qualité de la vie, et nous avons des représentants là-bas. La communication est ouverte dans les deux sens entre les anciens combattants et notre bureau.

Le sénateur Day: C'est très important. Je m'attends à ce que notre comité donne suite à ce dossier.

Ma dernière question, pour l'instant, porte sur le traitement des familles des militaires canadiens. Quand notre comité a visité des bases des forces armées, nous avons appris, premièrement, qu'en bien des endroits, c'est difficile pour les membres des forces armées de communiquer avec des spécialistes. Je suppose qu'en pareil cas, il faut pour poser le diagnostic un médecin spécialisé, probablement un psychiatre. Nous avons aussi appris qu'il est quasi impossible pour leur famille d'avoir accès à des médecins spécialistes parce que les forces armées ne fournissent pas les soins médicaux aux familles. Les membres de la famille pourraient donc également éprouver de sérieux problèmes.

Je comprends qu'il y a d'autres ressources à la disposition des familles et que l'on s'en occupe. Nous l'avons appris avec plaisir. Êtes-vous convaincu que les membres des forces armées et leurs familles bénéficient d'un soutien suffisant, du point de vue médical? Nous avons trouvé que le niveau des soins variait sensiblement d'une région à l'autre du pays. Je crois qu'à un moment donné, les services médicaux étaient à la disposition des familles des militaires canadiens, mais que ce n'est plus le cas. Quand ils déménagent dans une nouvelle ville, ils s'aperçoivent souvent en arrivant qu'il n'y a aucun médecin qui peut prendre de nouveaux patients. Êtes-vous convaincu que les soins sont satisfaisants pour ceux qui en ont besoin et qui en veulent?

M. Sharpe: Pour répondre à votre premier point sur les familles, l'une des recommandations fermes que nous formulons dans ce rapport traite de l'éducation, de la formation et du soutien des familles. Les membres de la famille sont souvent les premiers à remarquer ces problèmes, parce que les gens essayent de le camoufler et il ressort sous forme de problème de gestion de la colère, de troubles familiaux, et cetera. Les familles sont souvent traumatisées bien avant que le soldat cherche à se faire soigner.

L'autre point que vous avez soulevé est très valable. La présence des militaires dans une région peut influer considérablement sur le niveau de service disponible. Dans les petites villes, où sont situées la plupart de nos bases, les militaires accaparent une bonne partie des services spécialisés disponibles. Je songe à Gagetown, par exemple.

Le sénateur Day: Je songeais aussi à Gagetown.

M. Sharpe: Nous avons été préoccupés dès le début par le fait que nous appliquions une norme communautaire pour déterminer les soins convenables pour les militaires, mais lorsque les militaires s'installent dans une ville, la norme communautaire en est automatiquement modifiée. C'est un cercle vicieux. Il y a eu des progrès importants — je suis certain que le colonel Cameron vous en parlera la semaine prochaine — et des normes sont établies indépendamment de l'influence locale à laquelle le soldat peut être exposé. Les normes deviendront assez simples et uniformes d'un bout à l'autre du pays. Je crois que c'est de l'ordre de deux mois entre le moment où le soldat se présente au CSTSO pour le diagnostic et le traitement, ce qui est une amélioration considérable par rapport à ce qui se faisait dans le passé.

Le sénateur Day: Merci, messieurs.

Le président: Il reste du temps pour d'autres questions, si vous en avez.

Le sénateur Wiebe: Le Canada s'est toujours targué de faire de son mieux pour résoudre toute situation à laquelle il est confronté. Parfois, nous nous en tirons très bien, mais parfois, nous n'agissons pas assez vite. Notre problème, au Canada, tient en partie au fait que nous avons tendance à être beaucoup trop modestes quant à nos réalisations. Si j'ai fait ce petit préambule, alors que nous abordons un dossier qui est relativement nouveau, c'est que j'aimerais savoir comment nos forces canadiennes se comparent aux forces de Grande-Bretagne, de la France et d'autres pays qui font des missions de maintien de la paix? Comment les autres pays réagissent-ils au SSPT? Avons-nous quelque chose à apprendre de ce qui se fait ailleurs, ou bien les autres ont-ils quelque chose à apprendre de nous?

M. Marin: Nous avons examiné ce qui se fait dans les forces armées d'autres pays. Dans ce domaine, nous n'avons pu discerner de chef de file; ce n'est pas un domaine dans lequel nous sommes nécessairement en retard par rapport aux autres forces armées. Dans une certaine mesure, nous pouvons nous en consoler. Nous avons aussi examiné ce qui se fait dans d'autres organisations paramilitaires comme la police et les services ambulanciers, et eux sont bien en avance sur les Forces canadiennes.

Si vous utilisez les forces armées comme base de référence, alors nous ne sommes pas en avance, mais nous ne sommes pas en retard non plus; nous sommes à peu près à égalité. Si vous comparez plutôt les organisations paramilitaires, nous avons du retard. Quand un policier décharge son arme à feu et tue ou blesse grièvement quelqu'un, un comité de soutien des pairs est mis sur pied pour donner un soutien immédiat et durable à l'agent en cause. Il se fait de la formation dans ce domaine dans les collèges de police d'un bout à l'autre du pays depuis 10 ou 20 ans. La police a beaucoup d'avance sur les militaires.

Le sénateur Wiebe: Je suis heureux de l'entendre. Pourquoi nos militaires n'ont-ils pas tiré les leçons des succès obtenus par nos policiers et nos pompiers?

M. Marin: C'est une bonne question. Le manque de données brutes, comme je l'ai dit tout à l'heure, a renforcé l'impression que ce n'est pas un véritable problème dans les Forces canadiennes. J'espère que le rapport et les résultats de notre examen approfondi de la question aideront à faire prendre conscience qu'il s'agit d'un grave problème.

Nous avons aussi recommandé que les Forces canadiennes commencent à recueillir des données sur les anciens militaires et les militaires actuels. Nous devons cerner l'ampleur du problème de la façon la plus empirique possible. J'ajoute que les militaires ont en général une culture macho qui fait que, si l'on ne voit pas la blessure, c'est qu'elle n'existe pas. «Vous êtes des soldats, vous êtes des durs, alors vous n'avez qu'à passer à travers».

J'ai entendu ce commentaire tout au long des témoignages des militaires. Un militaire dira: «Oui, mais la police, c'est des civils. Nous, nous sommes des soldats.» Sur qui avons-nous compté principalement depuis 10 ou 15 ans pour assurer l'essentiel de nos missions de maintien de la paix? Nous comptons sur les réservistes qui sont issus de tous les milieux de la société. Les gens qui reviennent de mission souffrent du SSPT. Essentiellement, la culture militaire a fait obstacle à l'évolution des mentalités au sujet du SSPT. Nous espérons toutefois que cela va changer à la suite de notre rapport.

Le sénateur Wiebe: Cette réponse m'amène à poser une autre question. Les forces armées s'efforcent d'avoir un effectif de réservistes présents dans toutes les missions de maintien de la paix. On me reprendra si je me trompe, mais je pense que le maximum est de 30 p. 100. Je pense que dans la plupart des cas, c'est seulement 7 p. 100 environ. Êtes-vous en train de dire que la majorité de ceux qui souffrent du SSPT sont des réservistes?

M. Marin: Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis seulement que les réservistes ont été touchés en nombre disproportionné par le SSPT parce qu'ils n'ont pas le même réseau de soutien quand ils reviennent chez eux. Ils ne font pas partie de l'institution de la même manière, ils ne jouissent pas du même niveau de soutien. Ils ont été très durement touchés par le SSPT. Je ne connais pas les chiffres exacts parce que — on en revient toujours au premier point — il n'existe aucune donnée.

Le sénateur Wiebe: Merci.

Le président: Le sénateur Michael Forrestall, de Nouvelle-Écosse, vient de se joindre à nous.

Le sénateur Forrestall: Je veux aborder un problème dont j'ai été saisi hier à mon bureau. Un réserviste qui revient tout juste de deux périodes de service consécutives au Moyen-Orient a dit qu'on ne lui avait pas gardé son emploi. Il ne pouvait pas réintégrer son emploi à son retour. Il travaillait pour un gouvernement provincial et il se retrouve sans emploi.

Alors qu'a-t-il fait aujourd'hui? Il a demandé à retourner au Moyen-Orient.

Quelle mesure prenons-nous pour les réservistes à leur retour d'une période de service? Leur offrons-nous de l'aide ou une protection? La collectivité s'occupe-t-elle d'eux?

C'était un gouvernement provincial. Je trouve inexplicable qu'un gouvernement provincial ne redonne pas son poste à un soldat.

Le président: Sénateur Forrestall, le témoin est libre de faire part de son opinion. Je ne crois pas que cela relève de notre enquête sur le SSPT, bien que cela puisse être une cause.

Le sénateur Forrestall: Je m'excuse si ma question n'est pas pertinente.

Le sénateur Atkins: Il est l'ombudsman.

Le sénateur Forrestall: À qui pourrais-je m'adresser pour remédier à un tel problème, sinon à l'ombudsman? J'ai quitté un autre comité pour venir ici parce que je savais que ce témoin serait présent.

Le sénateur Wiebe: De quelle province s'agit-il?

Le sénateur Atkins: La Nouvelle-Écosse.

M. Marin: C'est une question légitime. Venez me voir. Nous allons examiner l'affaire. Nous avons parlé au début de l'impartialité de mon bureau. La clé, pour y parvenir, c'est de ne jamais présumer qu'il y a eu faute ou qu'il n'y en a pas eu.

Sénateur Forrestall, je suis tout à fait disposé à m'en charger et à demander à l'un de mes collaborateurs de communiquer avec vous pour obtenir les détails afin d'aller au fond des choses, mais, malheureusement, je ne peux pas vous donner une réponse tout de suite. Nous allons examiner l'affaire et nous reprendrons contact avec vous.

Nous avons des enquêteurs partout au Canada. Notre bureau a un effectif de 60 personnes. Ce que vous avez exposé est un cas typique; nous enquêtons tous les jours sur des cas semblables. Nous examinons 1 300 cas par année.

Je vais demander à l'un de mes collaborateurs de communiquer avec vous pour faire le suivi. Nous irons au fond des choses.

Le sénateur Wiebe: Si je peux me le permettre, monsieur le président, je voudrais éviter un peu de travail au témoin. Avant ma nomination au Sénat, j'ai été président provincial du Conseil de liaison des Forces canadiennes. Chaque province du Canada, à l'exception du Québec, a signé un protocole d'entente et a adopté une loi qui garantit aux réservistes qu'ils pourront reprendre leur emploi à leur retour. La Nouvelle-Écosse est l'une des provinces qui a signé cette entente.

Le sénateur Forrestall devrait communiquer soit avec le président du Conseil de liaison des Forces canadiennes de cette province, soit avec l'agent de liaison de la réserve. Ces derniers communiqueront en conséquence avec les autorités gouvernementales. Si cela ne fonctionne pas, alors adressez-vous à l'ombudsman.

Le Conseil de liaison des Forces canadiennes a un très bon bilan pour ce qui est de traiter avec les employeurs qui ont signé l'entente. Il s'agit simplement de porter ce dossier à l'attention du gouvernement provincial et du président du Conseil de liaison de la province. L'affaire pourrait être réglée assez rapidement.

Le sénateur Forrestall: Merci. Je vous en suis reconnaissant. Je savais que vous auriez la solution.

Le sénateur Day: Vous avez dit qu'environ 20 p. 100 des soldats des Forces canadiennes qui reviennent au pays pourraient avoir certains symptômes du SSPT et pourraient souffrir de ce trouble.

On nous a expliqué que nous avons depuis un an un grave problème. À cause de la faiblesse des effectifs des forces armées, surtout en terme de personnel qualifié que nous pouvons envoyer à l'étranger et dans les différents domaines d'activité dans lesquels nous sommes présents, la fréquence des missions à l'étranger est malsaine. Les soldats sont envoyés en mission trop souvent.

Vous dites que peut-être 20 p. 100 de chaque groupe qui revient au pays pourrait souffrir de ce trouble. Si les soldats s'en vont à l'étranger deux ou trois fois par année, nous pourrions avoir 50 p. 100 des Forces canadiennes qui souffrent à un degré quelconque de ce trouble. Est-ce bien ce que vous nous dites?

M. Marin: C'est possible, oui. Je dis que nous n'avons aucune donnée précise. Ce sont là des estimations faites par des spécialistes du monde médical. Il y a des membres des Forces canadiennes qui ont le SSPT, qui souffrent d'une forme aiguë de SSPT et qui s'en vont, ce qui aggrave le problème de maintien des effectifs. C'est un scénario possible.

Le sénateur Day: Les forces armées font-elles des entrevues de départ pour savoir pourquoi les gens s'en vont, afin d'établir s'il y a un lien avec le SSPT? Vous devriez être en mesure d'obtenir cette statistique.

M. Sharpe: Nous avons rencontré un grand nombre de soldats qui ont demandé et obtenu leur libération pour d'autres raisons, sans reconnaître qu'ils souffraient du SSPT, et qui ont ensuite demandé de l'aide dans le civil. Très souvent, ces gens-là ne signalent pas qu'ils souffrent de ce problème au moment de leur libération. Ils obtiennent leur libération pour d'autres raisons. Pendant notre enquête, nous nous sommes rendu compte que des gens ont été exclus de l'armée pour des raisons disciplinaires, alors que le problème était plutôt le SSPT. Dans d'autres cas, des gens ont été exclus parce qu'ils avaient un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie, alors que le problème sous-jacent était le SSPT.

Le sénateur Day: Ce sont des chiffres considérables.

M. Sharpe: Ce sont des chiffres considérables.

L'une des statistiques que je trouve intéressante, du point de vue opérationnel, c'est que les Américains ont subi de plus lourdes pertes, en nombre de pertes de vie, sous forme de suicides de soldats de retour du Vietnam, qu'ils n'ont perdu de soldats sur le terrain en Asie du Sud-Est. Les suicides étaient associés au SSPT et à d'autres problèmes liés au stress. Ce sont des chiffres très élevés.

Le sénateur Atkins: Par définition, les gens qui quittent le service sont des anciens combattants. Ils s'adressent ensuite à un hôpital privé pour se faire soigner. Ils ont un dossier médical. Qu'arrive-t-il ensuite s'ils demandent l'aide des Affaires des anciens combattants? Est-il possible pour les anciens combattants d'accepter un dossier médical privé?

M. Sharpe: Très franchement, le ministère des Affaires des anciens combattants a été excellent dans toute cette affaire. Ils ont accepté des soldats comme anciens combattants souffrant du SSPT, en dépit du fait qu'on leur avait refusé une libération pour raisons de santé dans les Forces canadiennes. C'est arrivé dans un nombre important de cas.

Nous avons constaté dans le cadre de notre enquête que les Affaires des anciens combattants sont beaucoup plus souples et font preuve de plus de compréhension que les Forces canadiennes, pour ce qui est du processus administratif, de modifier les motifs de libération, passant de raisons personnelles ou disciplinaires à un dossier médical. Les Affaires des anciens combattants ont fait du bon travail dans ce domaine.

Le président: À titre de Sous-comité des anciens combattants, nous sommes heureux de l'entendre.

Le sénateur Day: J'essaie de circonscrire ce problème. Évidemment, vous ne diagnostiquez pas beaucoup de gens et vous devez donc faire une estimation quand vous dites que 20 p. 100 ont le SSPT. Ils n'ont pas tous été diagnostiqués directement comme souffrant de ce trouble. Y en a-t-il qui se guérissent eux-mêmes avec le temps, sans aucun traitement?

M. Marin: Peut-être temporairement, mais en général, cela revient. Pour certains, cela prend des mois, tandis que pour d'autres, il peut s'écouler des années avant que les symptômes n'apparaissent.

Le sénateur Day: Il y a diverses manières de soigner ce trouble, comme vous nous l'avez exposé. Si un soldat ne suit aucun programme de traitement, alors il est peu probable qu'il puisse s'en remettre?

M. Marin: C'est bien cela.

Le sénateur Day: Une fois que le diagnostic est posé et que le soldat a suivi un programme de traitement de huit semaines, ou peu importe la durée, les forces armées ont-elles ensuite un programme de retour au travail à temps partiel? Dans l'affirmative, comment cela fonctionne-t-il? Comment ces soldats sont-ils perçus par leurs collègues de travail?

M. Sharpe: Je n'essaierai pas de vous donner une réponse complète, mais il y a un groupe au sein des Forces canadiennes qui s'appelle Liste des effectifs du personnel non disponible. Les gens qui sont dans l'impossibilité d'être envoyés en mission et d'accomplir toutes les tâches qu'on leur demande sont inscrits sur cette liste pendant un certain temps, pendant qu'ils suivent des programmes de traitement. Dans certains cas, ils sont rayés de cette liste et réinsérés dans leur emploi normal, tandis que dans d'autres cas, ils sont rayés de la liste pour être libérés de l'armée parce qu'ils sont incapables de reprendre leur emploi normal. Certains traitements sont couronnés de succès.

Par contre, l'un des problèmes du SSPT, à cause du stigmate et de la répugnance à s'identifier comme victime de ce problème, c'est que beaucoup de gens tardent à reconnaître le problème, jusqu'à ce qu'il soit presque trop tard pour les réintégrer à la population active. Un pourcentage élevé de patients souffrant du SSPT attendent plusieurs années avant qu'on découvre leur mal. En fait, nous avons constaté que beaucoup de soldats qui ont été déployés en Croatie en 1993, ce qui a fait l'objet d'une autre enquête il y a peu de temps, commencent tout juste maintenant à se manifester et à demander de l'aide, sept, huit ou neuf ans plus tard. Bien souvent, c'est très difficile de réintégrer au marché du travail une personne qui a atteint ce stade. Pour quelqu'un qui signale son cas plus tôt, les programmes de retour au travail sont plus efficaces.

Il y a aussi des programmes de transition au travail, des programmes de thérapie par le travail, et cetera, et je suis sûr que le Dr Cameron vous en parlera, des programmes qui ont beaucoup de succès pour les personnes dont le cas a été décelé assez tôt pour qu'on puisse les aider.

Nous avons entendu un certain nombre de psychiatres qui nous ont dit que des personnes qu'ils voient, une sur trois et peut-être même une sur quatre souffre du SSPT. Ils croient qu'ils traitent peut-être 25 p. 100 des gens qui ont le SSPT. Les autres se soignent eux-mêmes ou essaient de passer au travers.

Le sénateur Wiebe: Comment le pourcentage de militaires souffrant du SSPT se compare-t-il au pourcentage des membres de la GRC, des services de police provinciaux, et des services de pompier? Y a-t-il une constante, ou bien la profession exercée influe-t-elle sur le pourcentage des gens atteints du SSPT?

M. Marin: Nous n'avons pas obtenu de chiffres pour les services de police ou d'autres professions dans le cours de notre enquête. Nous n'avons pas examiné cette question précise.

Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de la coordination entre Anciens combattants Canada et la Défense nationale? Vous avez signalé l'importance de cette coordination. Nous sommes assurément d'accord avec vous là-dessus et nous ferions tout en notre pouvoir pour la favoriser. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?

Enfin, voyez-vous un rôle pour les anciens combattants et leurs organisations pour ce qui est d'aider à traiter ceux qui souffrent du SSPT?

M. Sharpe: Je vais répondre à votre deuxième question en premier. Y a-t-il un rôle? Absolument. L'une des manières la plus efficace de traiter le SSPT, c'est de faire suivre le patient par quelqu'un qui a survécu à des opérations du même genre et qui est encore là pour parler de son expérience. En fait, c'est l'une des initiatives les plus positives que le ministère de la Défense nationale ait prise, à savoir de faire appel aux services d'anciens combattants pour travailler avec les patients dans certaines localités.

En ce sens, il y a un très grand nombre d'anciens combattants qui souffrent. Peut-être qu'on donnait à ce mal un nom différent après la Première Guerre mondiale ou après la Deuxième Guerre mondiale, mais en fait, c'est très semblable. Cette communauté d'anciens combattants est importante pour l'encadrement et le rétablissement à long terme de ces gens-là. Très franchement, je dirais que c'est très positif.

Pour ce qui est de la coordination entre Anciens combattants Canada et le MDN, le seul commentaire que je vais faire est que si ACC a déterminé qu'un soldat est un ancien combattant souffrant du SSPT et qu'il mérite une pension pour cette blessure, je trouve frustrant que le ministère de la Défense nationale décrète souvent que la même personne n'a pas droit à une libération pour raisons de santé. Le fait d'avoir obtenu sa libération pour raisons de santé comporte des avantages considérables pour ce qui est d'avoir accès à la formation et à d'autres programmes.

C'est un domaine où il n'y a pas de coordination à l'heure actuelle. Anciens combattants Canada est le chef de file à cet égard. J'espère certes qu'ils continueront dans la même voie, mais j'aimerais que le ministère de la Défense nationale coordonne ses motifs de libération avec les anciens combattants. Si les anciens combattants sont convaincus que quelqu'un souffre du SSPT, alors cela devrait être suffisant pour en convaincre le ministère de la Défense nationale.

Le président: Avez-vous dit que, pour le ministère de la Défense nationale, ce n'est pas toujours suffisant pour justifier une libération pour raisons de santé?

M. Sharpe: Absolument, ce n'est pas toujours accordé.

Le président: Est-ce parfois jugé suffisant pour justifier une libération pour raisons de santé?

M. Sharpe: Ils examinent les dossiers au cas par cas. Les motifs de libération peuvent changer. À l'heure actuelle, cela ne se fait pas assez rapidement; et, pour la majorité des gens, cela n'arrive pas du tout.

M. Marin: Je partage ce point de vue.

Le président: Enfin, monsieur Marin, j'aimerais savoir si j'ai bien compris: vous devez faire une évaluation neuf mois après avoir publié le rapport initial, ce qui nous mènerait à novembre prochain?

M. Marin: Oui.

Le président: À qui ce rapport serait-il remis?

M. Marin: C'est un rapport que je vais remettre au ministre et que je rendrai public également.

Quand nous publions un rapport de ce genre, on craint souvent qu'il ne s'empoussière sur une tablette quelque part et qu'on n'y donne pas suite. Notre mandat nous permet aussi de revenir à la charge et de vérifier si l'on a donné suite aux recommandations. En l'occurrence, nous avons décidé d'annoncer que nous examinerions de nouveau la question neuf mois plus tard pour faire le point sur le dossier du SSPT. Dans l'intervalle, il faut espérer que cela aura encouragé l'organisation à travailler avec nous pour passer aux étapes suivantes. Chose certaine, nous estimons que le SSPT mérite un effort intensif. Nous reviendrons à la charge en présentant un autre rapport neuf mois plus tard.

Le président: Merci beaucoup. Nous suivrons évidemment le dossier avec beaucoup d'intérêt. J'espère que vous vous rendez compte que vous pouvez compter sur l'appui de notre comité dans vos efforts. Nous vous félicitons pour le travail que vous avez fait jusqu'à maintenant. Je crois que nous trouvons tous encourageant que, d'après votre analyse générale, le dossier évolue de façon positive.

M. Marin: C'est vrai. Il faut espérer que cela va continuer.

Je voudrais remercier tous les membres du comité pour l'intérêt, l'énergie et l'enthousiasme qu'ils ont manifestés dans ce dossier. Ce fut un véritable plaisir de témoigner ici, monsieur le président.

Le président: Merci à chacun d'entre vous. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir consacré de votre temps.

Honorables sénateurs, nous allons mettre fin à la partie officielle de la réunion, mais je vous demanderais de rester pour une brève réunion à huis clos.

La séance se poursuit à huis clos.


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