Délibérations du sous-comité des
anciens combattants
Fascicule 5 - Témoignages pour la séance du 24 avril
OTTAWA, le mercredi 24 avril 2002
Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit ce jour à 17 h 45 pour examiner et faire rapport sur les soins de santé offerts aux anciens combattants qui ont servi au cours de guerres ou dans le cadre d'opérations de maintien de la paix; les suites données aux recommandations faites dans ces rapports précédents sur ces questions; et les conditions afférentes aux services, prestations et soins de santé offerts, après leur libération, aux membres de l'armée permanente ou de la réserve, ainsi qu'aux membres de la GRC et aux civils ayant servi auprès de casques bleus en uniforme dans des fonctions d'appui rapproché.
Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous vous sommes très reconnaissants, général Couture, d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer ce soir accompagné du colonel Cameron, qui était à notre réunion mercredi dernier, ainsi que du major Grenier. Vous tous avez de vastes connaissances quant au sujet qui nous préoccupe pour l'heure.
Le lieutenant-général Christian Couture, sous-ministre adjoint (Ressources humaines — Militaires), ministère de la Défense nationale: Permettez-moi tout d'abord de vous remercier d'avoir invité le colonel Cameron, assis à ma gauche, le major Grenier, à ma droite, et moi-même à témoigner devant le comité.
Je vais vous dire quelques mots au sujet du syndrome de stress post-traumatique, ou SSPT, qui constitue probablement le plus connu des traumatismes liés au stress opérationnel.
Nous avons déjà fourni au comité plusieurs feuilles de renseignements sur le SSPT et nos initiatives, ainsi qu'une copie de mes remarques à l'intention du comité de la Chambre. Permettez-moi donc d'ouvrir la discussion en formulant quelques remarques sur les travaux en cours au sein des Forces canadiennes, après quoi, si vous le voulez bien, je céderai la parole au colonel Cameron qui établira un certain nombre de faits au sujet de ce traumatisme du point de vue d'un médecin pratiquant.
Comme vous le savez, cela fait plusieurs années que nous nous concentrons sur l'amélioration de la qualité de vie de notre personnel. Nous avons entrepris une sérieuse réforme de notre système de prestation de soins de santé et avons lancé plusieurs nouvelles initiatives en santé mentale, mettant tout particulièrement l'accent sur le traitement du SSPT.
Nous tenons à ce que ceux qui souffrent, que ce soit le fait de blessures ou de maladies physiques ou mentales, reçoivent de professionnels compétents le type de traitement dont ils ont besoin. Nous continuons de consacrer d'importantes ressources à la prévention et au traitement du SSPT, dans le cas à la fois des membres de la Force régulière et des membres de la Réserve.
La documentation que nous avons déjà remise au comité fait état d'un grand nombre des mesures que nous avons prises, mais je tiens à profiter de l'occasion pour mettre en relief une des autres mesures dont nous élargissons la portée. Il s'agit de continuer de mettre au point le projet de Soutien social aux victimes de stress opérationnel, ou SSVSO, afin de créer un réseau national de soutien des pairs à l'intention des militaires blessés, des anciens combattants et de leur famille. Le premier coordonnateur du soutien des pairs a achevé sa formation en mars dernier et a établi des centres de soutien à Edmonton, à Winnipeg, à Petawawa et à St. John's. Nous espérons élargir le réseau à l'échelle du pays au cours des prochains mois.
L'Ombudsman se dit préoccupé par le manque de coordination entre le MDN et Anciens Combattants Canada (ACC). Je reconnais que ce problème a déjà existé par le passé, mais j'estime que nous avons accompli des progrès considérables en vue de le résoudre.
La mise sur pied en avril 1999 d'un Centre conjoint MDN-ACC pour le soutien des militaires blessés ou retraités et de leur famille a été un pas important dans la lutte contre le SSPT.
Ce centre a lancé bon nombre d'activités et de programmes liés au transfert de certains militaires du MDN à ACC pour qu'ils reçoivent les soins appropriés, notamment l'échange de postes d'officiers de liaison en vue d'améliorer les communications et la coordination, de nombreux programmes de transition destinés à faciliter le transfert de personnel des Forces canadiennes à ACC, l'allocation par le MDN de fonds supplémentaires pour financer les nombreux programmes d'ACC, et la participation conjointe aux Centres de soutien pour trauma et stress opérationnels. Les deux ministères sont devenus des partenaires à l'égard du SSVSO et mènent des recherches conjointes sur diverses questions de santé, y compris le SSPT. Nous oeuvrons ensemble à la multiplication des possibilités de formation et d'éducation pour les travailleurs sociaux et du MDN et d'ACC. Nous participons par ailleurs conjointement à une étude sur la santé mentale et à une étude sur les dimensions humaines des déploiements et le PERSTEMPO.
D'aucuns ont pensé que le MDN se laissait distancer par le ministère des Anciens Combattants relativement au traitement du SSPT. Il n'en est clairement rien, puisque nous travaillons en étroite collaboration et partageons notre savoir-faire et nos ressources avec les Anciens Combattants par l'entremise des centres MDN-ACC, de nos agents de liaison et d'initiatives telles le SSVSO et les CSTSO, soit les Centres de soutien pour trauma et stress opérationnels qui sont répartis dans le pays.
La diffusion du rapport de l'Ombudsman sur le problème du SSPT a été bien accueillie, le rapport nous confirmant que nous sommes sur la bonne voie. Il a néanmoins renforcé notre conviction que nous avons encore du chemin à faire. Nous continuons d'ailleurs de répondre aux questions soulevées dans le rapport.
À cet égard, nous avons été amenés à élaborer un plan d'action pour donner suite aux recommandations contenues dans le rapport de l'Ombudsman qui a été approuvé par le chef d'état-major de la défense. Soit dit en passant, notre plan d'action peut vous être soumis pour information si cela vous intéresse.
Nous avons accepté toutes les recommandations contenues dans le rapport. Celle concernant l'établissement d'un centre de soutien pour trauma et stress opérationnels hors base est à l'étude. En attendant, nous sommes en train de renforcer notre partenariat avec les Anciens Combattants en vue d'améliorer les services d'évaluation et de traitement du SSPT à l'Hôpital pour anciens combattants de Sainte-Anne-de-Bellevue, dans la région de Montréal. Il s'agit en fait d'une première mise à l'essai d'un centre de SSPT à l'extérieur d'une base.
En outre, nous sommes allés plus loin que la recommandation de l'Ombudsman, qui suggérait la création d'un poste de coordonnateur de SSPT, non seulement en confirmant que je serai le coordonnateur des questions liées au SSPT pour les FC, mais également en établissant un comité directeur de SSPT, comptant des représentants des principaux groupes d'intérêt, qui sera chargé d'examiner et de coordonner toutes les questions relatives aux TSO, y compris le SSPT.
Nous avons également créé un poste de conseiller spécial en matière de SSPT auprès du CEMD. Le capitaine Harper rendra ainsi compte au CEMD des questions relatives au SSPT ainsi qu'à d'autres traumatismes liés au stress opérationnel.
La santé et le bien-être de nos militaires sont d'une importance capitale pour nous. Nous prenons ces questions au sérieux et nous continuerons de mettre sur pied des programmes et des activités pour faire avancer ces dossiers.
Nous devons, entre autres, améliorer notre capacité de prendre des mesures à l'égard du SSPT, en enseignant à nos militaires que des traumatismes liés au stress opérationnel tels que le SSPT constituent des blessures au même titre que des lésions physiques, même si elles ne sont pas visibles et que cela se soigne. Il est évident que l'Ombudsman nous a rendu service de ce point de vue, mais il nous reste encore du travail à faire.
En conclusion, monsieur le président, ce n'est pas le rapport de l'Ombudsman qui nous a fait découvrir le SSPT. Nous avons en effet pris conscience de cette réalité au cours des dernières années. Nous enquêtons sur ses causes et sur les façons de soigner ce syndrome. Nous avons néanmoins bien reçu le rapport et les recommandations qu'il renferme. Nous sommes pleinement engagés à prendre toutes les mesures nécessaires pour prendre soin de nos militaires.
Venir en aide aux hommes et aux femmes qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel n'est certes pas une mince tâche et nous sommes conscients de la nécessité de continuer d'améliorer les services destinés aux soldats. Nous sommes heureux du rapport de l'Ombudsman et de l'intérêt manifesté par le comité ici réuni en vue de nous aider à exploiter les résultats que nous avons obtenus au cours des trois dernières années.
Je pense, monsieur le président, que je vais m'arrêter là. Si vous le voulez bien, j'inviterai maintenant le colonel Cameron, médecin-chef, à vous faire un bref exposé médical sur le SSPT avant la période de questions.
Le président: Merci, général Couture.
Le colonel Scott Cameron, directeur de la politique de santé auprès de l'état-major du directeur général — Services de santé, ministère de la Défense nationale: Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) est une anormalité du fonctionnement du cerveau causée par un traumatisme psychologique. En conséquence, on considère le syndrome comme étant une maladie psychologique.
Bien que le SSPT figure dans nos dossiers depuis qu'on en tient, de nombreux aspects de cette condition n'ont pas encore été pleinement étayés par des travaux de recherche appropriés. C'est ce qui peut amener des divergences d'opinion sur certains aspects, même chez les experts de la santé mentale.
Je vais dans mon exposé résumer brièvement pour vous ce dont il est communément convenu relativement à cette maladie. Avant de discuter du SSPT, je tiens à souligner que bien qu'il s'agisse d'une très sérieuse question de santé, elle n'est pas la seule question de santé mentale à laquelle se trouvent confronter les membres des Forces canadiennes. Nombre d'autres problèmes mentaux, émotionnels, spirituels et de relations peuvent être causés ou aggravés par les stress et les traumatismes des opérations militaires. Cet ensemble de conditions a été baptisé «traumatismes liés au stress opérationnel».
Il existe un certain nombre d'autres conditions médicales tout à fait légitimes affectant le personnel des FC et qui ne résultent pas d'opérations militaires. Toutes ces conditions peuvent faire l'objet de la stigmatisation évoquée dans le rapport. Si nous voulons nous occuper des besoins en santé mentale de notre personnel, il nous faudra nous attaquer à tous ces problèmes.
[Français]
Les types de traumatismes psychologiques qui peuvent causer le SSPT sont généralement issus d'expériences constituant un danger de mort, qu'ils soient vécus ou constatés comme, par exemple, le cobat, les désastres naturels, les incidents terroristes, les accidents sérieux et les assauts personnels. Ce n'est pas seulement le traumatisme psychologique mais surtout le contexte dans lequel il se produit ainsi que l'interprétationj faite par la personne qui a subi l'événement qui infleuent sur le riesquàe de SSPT.
[Traduction]
La nature exacte du processus par le biais duquel le SSPT s'installe dans le cerveau n'est pas connue. Cependant, il s'avère qu'un certain nombre de produits chimiques sont présents en quantités anormales dans le cerveau de patients souffrant du SSPT. L'on a relevé des changements dans la taille et le fonctionnement d'un certain nombre de structures du cerveau. Le fait que les mêmes symptômes du SSPT se manifestent à travers l'histoire et à travers les cultures et par suite d'une diversité de traumatismes psychologiques, ajouté à la masse croissante de preuves de changements dans les fonctions cérébrales et corporelles des personnes atteintes du SSPT, établissent le syndrome comme étant une maladie très réelle.
Le risque d'être atteint par le SSPT suite à un événement traumatisant est complexe et difficile à déterminer avec précision. La majorité des personnes exposées à un événement traumatisant vivront pendant un temps limité certains symptômes compatibles avec le SSPT. Cependant, dans le cas de la plupart d'entre elles, les symptômes se dissiperont. Le pourcentage de personnes qui souffriront de SSPT suivant un événement donné est variable, allant de 5 p. 100 à 30 p. 100.
Les symptômes du SSPT sont fonction du traumatisme psychologique et des émotions l'entourant: pensées et remémorations intrusives de l'événement traumatisant, cauchemars récurrents, insomnie, difficulté à se concentrer, dépression, crises de colère et angoisse extrême persistante. La fréquence et l'intensité de ces symptômes varient d'une personne à l'autre. Chez certaines, elles peuvent être déclenchées par un événement longtemps après le traumatisme psychologique original.
[Français]
Le SSPT est diagnostiqué à partir d'un critèere spécifique. La presence de ces critères est établie par la réponse à des questions, soit durant une rencontre avec un professionnel de la santé mentale ou par l'entremise d'un questionnaire general., Quoique certaines modifications des functions cérébrales et physiques aient été notes, aucun test n'est présentement disponible pour étudier ces changements. Cela signifie que l'évaluation du SSPT demeure un processus subjectif.
[Français]
L'incidence effective du SSPT chez les membres des FC revenant de missions militaires est inconnue et variera en fonction d'une multitude de facteurs. Bien que les estimations aient beaucoup divergé, la plupart des experts en santé mentale des FC estiment qu'environ 10 p. 100 des membres des Forces canadiennes exposés à un traumatisme psychologique seront atteints du SSPT. Le pourcentage de membres revenant d'un déploiement et souffrant du SSPT dépendra donc de la fréquence et des genres de traumatismes vécus pendant le déploiement en question.
Cette année, les Forces canadiennes vont entreprendre une étude de recherche d'envergure en vue de déterminer de façon précise le nombre de membres des Forces canadiennes souffrant de SSPT et d'autres problèmes de santé mentale. Cela nous fournira de précieux renseignements quant à la prévalence véritable de ce syndrome dans les Forces canadiennes.
[Français]
Souvent le SSPT, soit dans approximatevement 80 p. 100 des cas, se présente en association avec une multitude d'autres problèmes psychologiques. Ces problèmes peuvent apparaître avant ou après le SSPT. Il est extrêmement important que tous les problèmes presents chez un patient soient diagnostiqués avec precision et traits adéquatement.
[Traduction]
Le SSPT est une maladie chronique chez certaines personnes. Certains ne parviendront jamais à retrouver leur niveau de fonctionnement antérieur. Cependant, nombre, voire la totalité des symptômes du SSPT peuvent être traités efficacement et de nombreux patients peuvent se remettre suffisamment pour jouir d'une vie normale.
La plupart du temps, la façon la plus efficace d'aborder les besoins du patient est de recourir à une variété de traitements offerts par une équipe multidisciplinaire de prestateurs de soins. La plupart des experts conviennent que le SSPT se soigne le mieux aussi près que possible de l'environnement dans lequel le problème a surgi et que plus tôt les soins commencent meilleures sont les chances de réussite. La plupart des experts dans le domaine sont d'avis que près des deux tiers des personnes atteintes de SSPT connaissent des améliorations marquées si elles bénéficient de soins appropriés.
En résumé, le SSPT est une affection médicale très grave et très réelle. Cependant, elle n'est qu'une condition médicale très grave et très réelle parmi quantité de conditions de santé mentale très graves et très réelles touchant les membres des Forces canadiennes.
Le cerveau est l'organe le plus complexe du corps humain et ses liens avec le fonctionnement du corps ont été bien établis. L'idée selon laquelle le cerveau est à l'abri de toute maladie et que son fonctionnement relève d'un contrôle purement volontaire ne tient tout simplement pas. Le SSPT et d'autres maladies mentales figurent au nombre des plus graves problèmes de santé auxquels sont aujourd'hui confrontés les membres des Forces canadiennes.
S'attaquer comme il se doit à ces questions est un défi de taille, non seulement pour les Forces canadiennes, mais pour la société canadienne tout entière. Les services de santé des Forces canadiennes se sont vus clairement charger par la direction des FC de fournir à nos membres les meilleurs services possibles en matière de diagnostic et de soins pour ce qui est de ces problèmes complexes.
Le président: Merci, colonel Cameron. Major Grenier, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
Le major Stéphane Grenier, gestionnaire de projet — Soutien social aux victimes de stress opérationnel, ministère de la Défense nationale: Pas à ce stade-ci. Je suis certain qu'il y aura des questions.
Lgén Couture: Je ferai dévier certaines questions sur lui.
Le sénateur Day: Colonel, j'apprécie votre aide quant à la distinction à faire entre syndrome et trouble. On parle également ici de «traumatisme lié au stress opérationnel». Est-il important pour nous de commencer à établir des distinctions entre les différentes descriptions que vous nous avez fournies, ou bien cela n'est-il pas utile?
Lgén Couture: L'expression «traumatismes liés au stress opérationnel» ne fait pas partie de la terminologie médicale. Il s'agit d'un terme que nous avons inventé. En fait, mon collègue à ma droite est l'un des responsables de cette terminologie. Ce terme englobe toutes les atteintes à la santé mentale que peuvent subir les militaires dans l'exercice de leurs fonctions. Le SSPT, qui est la maladie psychologique la plus fréquente, est englobé sous ce terme.
Une chose que j'ai notée, personnellement, dans mon travail face à cette question est que si une personne souffre d'un problème de santé mentale quelconque par suite de son service militaire et que ce problème n'est pas considéré comme étant une véritable blessure mais plutôt une maladie d'un genre ou d'un autre, cela vient ajouter à la stigmatisation qu'elle vit à l'occasion. Il me faut vous dire qu'il s'agit d'une blessure réelle, même si elle n'est pas visible, contrairement à une plaie à un bras ou à une jambe.
Nous versons ces blessures dues au stress dans différentes catégories d'un point de vue opérationnel. Lorsque je parle avec mes médecins, ils sont beaucoup plus précis et utilisent des termes médicaux comme «SSPT» ou autres. J'espère que cette réponse tire un peu les choses au clair.
Le sénateur Day: Cela est utile. Le terme non médical plus large que vous utilisez est «traumatismes liés au stress opérationnel», et ces traumatismes peuvent être émotionnels, mentaux ou psychologiques.
Lgén Couture: Oui, vous avez tout à fait raison.
Le sénateur Day: Nous avons discuté avec l'Ombudsman la semaine dernière. Il nous a dit, et j'ignore si le colonel a eu l'occasion de confirmer cela ou non, que plus de 20 p. 100 des soldats qui sont déployés souffrent à un degré ou à un autre de SSPT à leur retour. Colonel, pourriez-vous confirmer ce pourcentage?
Col Cameron: La vérité est que nous ne le savons pas. Personne ne le sait. Il s'agit là d'une question au sujet de laquelle des recherches appropriées nous aideront à l'avenir. L'une des premières étapes importantes dans cette direction est l'étude qui sera entreprise cet été conjointement avec Statistique Canada. Elle portera sur un échantillon d'environ 8 000 membres des Forces canadiennes choisis en fonction de leur rang et de leur âge. La même étude va être menée avec la population canadienne dans son entier et avec celle d'autres pays. Cela nous permettra de déterminer avec exactitude combien de membres, exprimés en pourcentage, souffrent d'une variété de problèmes de santé mentale, dont le SSPT.
En tant que médecin, j'hésite toujours à donner un chiffre si je n'en suis pas absolument certain. Chacun a sa théorie quant au chiffre. Si vous prenez des personnes immédiatement après un traumatisme psychologique, un pourcentage très élevé d'entre elles manifesteront des symptômes du SSPT. Cependant, si vous suivez ce même groupe sur une période de temps donnée, les symptômes disparaîtront d'eux-mêmes dans de nombreux cas, voire dans la majorité. Quant au pourcentage de cas dans lesquels ces symptômes se maintiendront, cela dépend de plusieurs facteurs.
Le plus important est que le pourcentage est significatif, qu'il s'agisse de 5 p. 100, de 10 p. 100 ou de 30 p. 100. Ce pourcentage représente un nombre significatif de personnes qui ont besoin de diagnostics et de traitements appropriés et qui, si elles retrouvent leur pleine santé et leur pleine capacité de fonctionner, représenteront un gain considérable pour les Forces canadiennes.
Quant au nombre lui-même, il n'y a aujourd'hui dans le monde personne qui puisse dire connaître le nombre exact, et je pense que c'est pour cette raison que le problème est considéré comme moins grave. La réalité est qu'il s'agit d'un pourcentage considérable. Au cours des années à venir, vous verrez aboutir un certain nombre d'études qui établiront plus clairement le pourcentage. Ce que nous savons pour l'heure est qu'il s'agit d'un problème important que nous devons résoudre.
Le sénateur Day: Pour enchaîner, et je ne veux pas vous faire subir un contre-interrogatoire là-dessus, diriez-vous que 20 p. 100 serait un chiffre irréaliste, ou bien y a-t-il des raisons de retenir 20 p. 100?
Col Cameron: La plupart des gens diraient que le risque de souffrir de SSPT après un traumatisme psychologique dépend de plusieurs choses. Un aspect important est la nature et la sévérité du traumatisme. Comptent parmi les autres facteurs le bagage culturel des intéressés, la façon dont ils interprètent le traumatisme, le degré de leur impuissance face à ce traumatisme, et cetera.
Le chiffre que j'ai le plus souvent vu est d'environ 10 p. 100, comme je l'ai dit dans ma déclaration.
Le sénateur Day: Cela nous est utile.
Général, vous avez souligné que vous êtes en train de lancer un certain nombre de projets de soutien social aux victimes de stress opérationnel, ou SSVSO, OSSIS en anglais. Il aurait peut-être fallu y ajouter un «A», car OASIS serait un joli sigle.
Lgén Couture: Nous y avions pensé, mais nous n'avons jamais trouvé de terme correspondant à la lettre «A».
Le sénateur Day: Il s'agit là du traitement par des pairs, et je vous félicite du travail que vous faites en la matière. Pour ce qui est du diagnostic, de l'évaluation du problème et des soins à donner, deux choses me préoccupent dans ce que nous avons jusqu'ici découvert dans le cadre de nos audiences. Premièrement, il ne s'agit pas ici du genre de syndrome dont un militaire voudra vraisemblablement faire état, étant donné les vues de certains selon lesquelles cela marquerait la fin d'une carrière ou serait une preuve de faiblesse qui ne cadre pas avec l'image de ce que c'est d'être un bon soldat.
Deuxièmement, du point du vue du diagnostic et de l'évaluation, nous sommes portés à croire qu'il n'y a pas sur de nombreuses bases les installations médicales, les médecins et les psychiatres nécessaires. Comment faites-vous pour établir le diagnostic et verser les personnes atteintes dans les programmes de traitement que vous êtes en train de créer?
Lgén Couture: Permettez que je traite tout d'abord du SSVSO. Il ne s'agit pas d'un traitement ni d'un outil diagnostique. Il s'agit d'un projet élaboré en mai dernier en vue d'offrir aux gens un soutien social. Je vous citerai l'exemple d'Alcooliques Anonymes, groupe au sein duquel les gens doivent s'entraider pour éviter de reprendre leurs habitudes passées.
Nous avons constaté au cours des dernières années que les personnes souffrant de blessures opérationnelles ou atteintes de SSPT se sentaient abandonnées ou stigmatisées. Vous avez mentionné le fait que cela était considéré comme un signe de faiblesse ou de refus de faire sa part. Cette réaction était là et est toujours là, car les gens ne savaient pas quoi faire face au problème. Ils ne savaient pas à quoi s'attendre ni ce qui se passait. La première chose qu'on disait au sujet de ces gens était «Eh bien, tu n'es plus un soldat», ce qui est tout à fait faux. Ces soldats souffrent de blessures qui doivent être soignées.
Ils se sentaient abandonnés et il fallait faire quelque chose pour les réintégrer dans la famille. Chaque fois qu'ils étaient confrontés à un problème auquel ils ne pouvaient pas voir la fin, il fallait qu'une personne comme eux ou qui les comprenait soit tout près, pour les appuyer.
En même temps, il nous fallait aborder la question des autres membres de l'unité militaire par rapport à ces blessures. Ils devaient être éduqués et comprendre qu'il s'agit d'une blessure réelle et non pas d'un signe de faiblesse. Il y a des personnes qui souffrent, et il leur faut comprendre cela.
Le projet SSVSO est à l'avant-garde quant à l'élaboration, en partenariat avec d'autres organisations au sein des Forces, d'un programme d'éducation destiné à informer nos dirigeants et nos membres au sujet du SSPT et d'autres traumatismes liés au stress opérationnel.
Il nous faut également éduquer les gens afin qu'ils puissent reconnaître et traiter les symptômes. Je crois pour ma part que la meilleure prévention c'est une bonne formation, la cohésion de l'unité, l'esprit de corps, une connaissance des symptômes et une intervention aussi rapide que possible une fois les symptômes relevés.
Voilà ce que vise le SSVSO. Il s'agit d'un groupe de survivants qui se sont remis de leurs blessures et qui sont capables de fonctionner. Ils peuvent offrir leur aide et leur soutien à d'autres tout en nous aidant, mes collègues et moi- même, à comprendre de quoi il retourne véritablement.
Ils travaillent en très étroite collaboration avec notre équipe médicale, qui assure non seulement le diagnostic mais également le traitement. Tout cela doit être complémentaire.
Nous avons une approche holistique, en vertu de laquelle le monde médical offre le traitement et le réseau de soutien social assure ce qu'on appelle la «réintégration dans la communauté militaire», ce non seulement pour ceux qui souffrent, mais également pour ceux qui vont les accepter.
Stéphane est lui-même un survivant et il est venu me voir avec l'idée il y a de cela quelques mois. Nous étions en train d'examiner ce qu'il faudrait faire. La lumière s'est allumée et il a été chargé de mettre cela en place. De mon point de vue, cela commence vraiment à donner des résultats. Je vais lui demander d'ajouter quelques mots au sujet du SSVSO et de répondre à la deuxième partie de votre question, si vous le voulez bien. J'espère que cela éclairera un peu votre lanterne, sénateur.
Comme je l'ai dit, nous avons cinq centres de soutien aux victimes de stress opérationnel dans lesquels est en place une équipe médicale — une équipe multidisciplinaire composée de psychiatres, de psychologues, de travailleurs sociaux, d'aumôniers, de médecins généraux, et cetera — dont le travail est non seulement de faire le diagnostic mais également d'assurer les soins. Ces équipes éduquent par ailleurs les autres.
Nous avons donc cinq centres répartis dans le pays, dans les bases principales où il y a de fortes concentrations, c'est-à-dire Edmonton, Val Cartier, Halifax, Esquimalt et Ottawa. À d'autres bases, nous avons des cliniques médicales où des médecins généralistes ont accès aux spécialistes civils locaux s'il n'y en a pas sur place ou parmi nos propres ressources. Vous avez cependant raison. Dans certaines régions du pays — et, comme vous le savez, ce n'est pas juste un problème chez les militaires — il y a une pénurie de psychiatres et de psychologues et nous avons parfois de la difficulté à trouver ces spécialistes. Cependant, dans les grands centres je pense pouvoir dire avec pas mal d'assurance que nous avons tous les spécialistes — peut-être pas en nombre suffisant, cependant — dont nous avons besoin pour assurer le diagnostic et les soins. Il nous arrive également d'envoyer de nos membres à des cliniques privées.
Col Cameron: Le marché des professionnels de la santé mentale est dans ce pays très concurrentiel. Nous avons depuis quelques années une politique en vertu de laquelle nous engageons qui nous le pouvons, là où nous le pouvons. Dans nos grands centres, les SSVSO, toutes les disciplines sont représentées. Certaines sont plus difficiles à assurer que d'autres.
D'un autre côté, il y a dans ces centres un processus en vertu duquel les cas les plus sérieux sont relevés pour traitement prioritaire, et cetera. Il s'agit d'un processus permanent et nous nous efforçons continuellement d'engager le bon genre de professionnels. Par exemple, au cours des 18 derniers mois, nous avons à l'échelle du pays engagé 18 travailleurs sociaux supplémentaires à nos bases qui ne relèvent pas de l'initiative des SSVSO.
Nous sommes en train de mettre sur pied un programme de diagnostic pour les personnes revenant d'une opération militaire. L'expérience montre que les symptômes ont tendance à se manifester deux mois après l'opération. À partir de maintenant, toute personne revenant d'une opération militaire — l'opération Apollo étant la première à être visée — aura une entrevue avec un professionnel de la santé mentale au bout de deux à trois mois, de préférence accompagné de son conjoint ou partenaire, et cette étape englobera le recours à un instrument de vérification psychologique. Cela nous aidera peut-être à dépister plus tôt les cas de SSPT, car je pense que la sagesse conventionnelle veut que, plus tôt on identifie les problèmes, meilleures sont nos chances côté intervention. Ces problèmes sont traitables si on les identifie rapidement.
Maj Grenier: Nous avons assez bien couvert ce qu'est le SSVSO. La seule chose que j'ajouterais est que ce projet a été élaboré par des survivants, pour des survivants, et qu'il fonctionne plutôt bien. Ces gars sont très forts. Ils assurent déjà la «connectivité», dirais-je, entre les unités et le monde médical. Nous avons vu cela. Nous avons lancé le projet le 1er mars, et nous avons déjà reconnecté au système environ 90 personnes, par le biais ou du système médical ou de l'assurance-invalidité. Le programme n'est en place que depuis un mois.
Il est définitivement nécessaire pour les soldats de parler avec un des leurs, de rétablir le contact avec le système et de savoir que celui-ci ne les abandonne pas. C'est le gros avantage du SSVSO. Nous employons des survivants, des personnes qui sont passées par là au milieu des années 90, et nous espérons que les soldats de demain n'auront pas à vivre ce que nous autres avons vécu.
Le ministère est en train de corriger beaucoup de choses. Nous voulons donner espoir aux gens. Il nous faut donner de l'espoir à ces gars, et le programme fonctionne.
Lgén Couture: Si vous permettez que j'ajoute un dernier commentaire au sujet de votre très importante question, notre objectif dans tout cela est de soigner les gens et de les remettre d'aplomb afin qu'ils puissent fonctionner à l'intérieur de leur unité, car ils sont de précieux éléments.
Certains de nos membres souffrent plus que d'autres. Il se pourrait qu'à un moment donné ils ne soient pas en mesure de récupérer et de fonctionner comme il se doit à l'intérieur de l'unité militaire. Il nous faudra les mettre à part, et c'est ici que la relation Anciens combattants-MDN est la plus importante, s'agissant de veiller à ce que la transition entre vie militaire et vie civile soit bien gérée par Anciens Combattants Canada et tous les autres programmes.
Notre but est de les réintégrer dans une opération d'exécution au sein de la famille militaire.
Un soldat qui a subi une blessure n'est pas moins un soldat. Il ne fonctionnera peut-être pas aussi bien qu'avant, mais il est toujours un soldat.
Le sénateur Day: J'ai une question supplémentaire pour le colonel Cameron. Je suis toujours préoccupé par ces 10 p. 100 à 20 p. 100. Ai-je bien compris que vous êtes en train de mettre en oeuvre un programme en vertu duquel tous les soldats revenant d'un déploiement subiront une évaluation psychologique? Et c'est ainsi que vous serez en mesure de dépister rapidement les cas afin de pouvoir traiter les gens plus rapidement?
Col Cameron: C'est exact. En bout de ligne, comme je l'ai indiqué dans mes remarques liminaires et comme l'a souligné le major Grenier, c'est un gros pas en avant pour les gens de s'identifier à tout cela. Trouver des moyens de rendre cela plus acceptable et plus facile pour l'individu est tout un défi qui comporte plusieurs étapes.
L'une de ces étapes est de donner aux gens cette tribune privée, si vous voulez, cet entretien avec un professionnel de la santé mentale afin de lui permettre de discuter de ces questions en toute franchise. On devrait au moins donner aux gens cette possibilité. Nous espérons que cela aidera.
Le sénateur Day: Merci à vous deux. Je vous félicite pour votre travail.
Le sénateur Kenny: J'ai une question supplémentaire pour le lieutenant-général Couture. Le major Grenier a plusieurs fois mentionné que les programmes fonctionnent bien. Quels critères utilisez-vous pour mesurer cela?
Lgén Couture: J'examine les soldats blessés lorsqu'ils sont de retour dans leur unité. Une fois que les soldats sont de retour, c'est déjà un progrès. Le nombre de personnes à diagnostiquer, ou en tout cas à faire voir par des médecins, a augmenté au cours des dernières années. Le nombre de personnes dans la chaîne de commandement, du plus bas niveau au plus élevé, et qui ont une meilleure connaissance des blessures dues au stress personnel et du syndrome de stress post-traumatique a augmenté. C'est cela que je tente de cerner lors de mes examens.
Le sénateur Kenny: Vous me donnez là une réponse très vague. Vous devriez certainement pouvoir nous fournir des indices meilleurs et plus spécifiques. Il doit y avoir des mesures, des dossiers et des méthodes que vous utilisez pour déterminer le coût, le nombre de personnes qui reviennent et à quel niveau.
Lgén Couture: Oui, je n'avais pas compris que vous vouliez des chiffres précis.
Le sénateur Kenny: Je ne veux pas tant des chiffres précis que savoir quelle méthodologie vous utilisez pour déterminer si cela fonctionne bien ou non. Vous avez dit, en gros, que l'impression est bonne et que cela fonctionne donc. J'aimerais que vous m'expliquiez de façon plus détaillée comment vous en arrivez à cette conclusion.
Le président: Vous pourriez peut-être également mieux mettre cela en contexte en nous disant depuis quand l'on tient des statistiques. D'après ce que nous avons compris, c'est une chose très récente.
Lgén Couture: Vous avez raison. Nous sommes en train de mettre en place des systèmes informatiques dans le but de saisir ces données afin d'avoir de bien meilleures mesures.
Comme cela a été mentionné après la question précédente, nous ne connaissons pas le nombre précis de personnes qui souffrent. Nous sommes cette année en train de préparer un sondage sur la santé mentale qui nous donnera des repères à partir desquels mesurer de façon plus exacte l'amélioration ou la régression, selon le cas.
Nous savons de façon très précise combien d'argent nous investissons dans le système et le nombre de personnes qui se trouvent dans nos cliniques. Je n'ai pas ces chiffres sous la main, mais nous les avons tout récemment compilés. Nous pensions qu'il nous fallait un système nous permettant de faire une juste évaluation de la qualité de nos efforts.
Nous avons recueilli des réactions auprès de patients et dans le cadre de sondages. Du côté médical, le colonel Cameron a lui aussi recueilli des retours d'information.
Col Cameron: Oui, monsieur. Je devine que la question porte sur la mesure du rendement côté soins de santé.
Le sénateur Kenny: Oui. Quels sont les indices d'amélioration?
Col Cameron: Comme vous le savez, tous les aspects des soins de santé au Canada sont en train d'évoluer. Les services de santé des Forces canadiennes sont au beau milieu d'une refonte en profondeur du système tout entier. Une part importante de cette réforme porte sur la gestion, et il s'agira notamment d'établir des mesures de rendement fiables et reproductibles pour tous les aspects de notre système de soins de santé, y compris santé mentale.
À l'heure actuelle, nous n'avons pas beaucoup de statistiques sur, par exemple, le pourcentage de personnes qui reprennent leur service. Nous savons que c'est là une faiblesse dans notre système et nous investissons du temps et de l'argent en vue de corriger le problème. Il le sera au cours des quelques prochaines années. Il y a certaines initiatives en cours à l'heure actuelle, côté traumatismes liés au stress opérationnel, en vue de pouvoir recueillir rapidement des données sur format papier.
Nous avons par exemple eu un programme de ce que nous appelons des «visites d'appui en personne» ou inspections à nos Centres de soutien pour trauma et stress opérationnels, ou CSTSO. Nous aurons une autre ronde d'inspections en 2003 pour assurer une norme uniforme en matière de diagnostic et de traitement qui cadre avec les meilleures pratiques en soins de santé au Canada.
Il y a également un groupe de travail au sein des CSTSO qui oeuvre à l'élaboration d'un ensemble approprié de mesures acceptables et défendables pour montrer au public et à ceux et celles que nous servons que le programme est efficace. Cela cadrera avec ce qui va se faire au sein de notre système de soins de santé des Forces canadiennes au cours des quelques années à venir.
Le sénateur Banks: Merci, messieurs, d'être venus comparaître devant le comité. Lorsque le colonel Cameron a décrit les symptômes, je me suis souvenu de m'être senti précisément comme cela l'autre soir lorsque je faisais ma déclaration d'impôt.
Je vous félicite du fait que vous sembliez avoir cerné le problème et que vous y faites véritablement quelque chose. Parle-t-on ici de ce qui, il y a 50 ans, était connu sous le nom de traumatisme dû au bombardement ou d'autres termes encore plus désobligeants ou dédaigneux? Il est triste qu'il ait fallu tout ce temps pour commencer à comprendre de quoi il s'agit.
Lieutenant-général, vous avez utilisé le mot «stigmatisation» et souligné à quel point il est important d'éduquer les gens afin de réduire cela. Je sais que lorsqu'on parlait de traumatisme dû au bombardement, d'épuisement au combat et d'autres choses du genre, et que l'on ne savait pas de quoi il s'agissait, le stigmate commençait sur la ligne. Personne ne voulait admettre souffrir de ce qu'on appelait cela à l'époque. Il me semble que le plus important serait tout d'abord de confier à mes camarades — les gars de mon équipe — que j'ai besoin d'aide ou que je compte demander de l'aide, pour qu'ensuite le message soit filtré jusqu'aux personnes avec lesquelles je travaille chaque jour.
Je vous pose la question car j'ai connu plusieurs personnes à la fin des années 40 et dans les années 50 qui ont vécu cela, et c'était l'enfer pour eux.
Je sais que vous ne disposez pas encore d'une mesure précise, mais à votre avis, dans quelle mesure réussissez-vous à éduquer les gens afin qu'ils comprennent qu'il ne s'agit même pas d'une maladie, mais bien d'une blessure? Commence- t-on à faire quelque progrès en ce sens?
Lgén Couture: Ce que vous appelez «traumatisme dû au bombardement» est aujourd'hui connu sous le nom de SSPT, et cela remonte encore plus loin en arrière.
Dans les Forces canadiennes, nous avons redécouvert le SSPT ou les blessures mentales au milieu des années 90. Nous connaissons la paix depuis la Guerre de Corée. Il n'y a pas eu à l'ère de la guerre froide beaucoup d'activités susceptibles de causer ce genre de blessures. Les missions de maintien de la paix que nous avons entreprises ne présentaient pas les mêmes défis ni les mêmes scènes dramatiques que l'on a vues dans les Balkans.
Le sénateur Banks: Il y avait toujours parmi nous des personnes qui en souffraient.
Lgén Couture: Absolument. Je réponds ici à votre question au sujet de l'éducation.
Lorsque nous avons pour la première fois vu cela, nous ne savions pas de quoi il s'agissait, et nous avons donc commencé à apprendre par nous-mêmes pour ensuite éduquer les autres. Bien sûr, l'éducation que nous fournissions n'était pas efficace, car il y a encore aujourd'hui des gens qui ne comprennent pas qu'il s'agit d'une blessure et des victimes qui continuent d'être ostracisées et stigmatisées. Il nous faut amener un changement culturel.
C'est pourquoi nous évaluons, du point de vue éducatif, ce qui se fait à l'heure actuelle pour déterminer si cela est ou non efficace, là où il nous faut changer les choses et de quelle façon procéder. C'est ce qui est en cours à l'heure actuelle.
Les dirigeants des Forces canadiennes et ceux qui s'occupent du problème croient fermement que la connaissance de cette blessure est essentielle pour aider ceux qui en souffrent à récupérer. Les victimes doivent accepter qu'elles sont blessées et ne pas avoir peur de le dire. Ceux qui les entourent doivent comprendre cette blessure et offrir leur aide. Les dirigeants doivent être en mesure de reconnaître les symptômes et d'orienter l'intéressé vers les autorités médicales.
Il nous faut intégrer dans nos cours de leadership à tous les niveaux une meilleure sensibilisation et une meilleure éducation relativement à ce problème. Une telle composante figure déjà dans les cours de leadership qui sont offerts, mais cela ne suffit manifestement pas, car j'entends toujours dire que le SSPT n'existe pas ou n'est pas reconnu.
La division du Soutien social aux victimes de stress opérationnel s'est vue charger d'examiner tous les programmes éducatifs et de déterminer ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et ce qui doit être fait.
J'ai dit plus tôt que la meilleure prévention c'est une bonne formation en prévision d'une mission, une bonne cohésion au sein de l'unité et la reconnaissance des symptômes. Il faut qu'il y ait une formation en matière de traumatismes liés au stress opérationnel pendant la formation préparatoire avant le déploiement en vue d'une opération — portant sur le risque, l'incidence, l'effet, les symptômes, et ainsi de suite — et les dirigeants doivent se faire rappeler quelles sont leurs responsabilités à ce chapitre.
Le sénateur Banks: La formation de base donnée aux soldats vise-t-elle une reconnaissance égale des blessures physiques et des blessures mentales?
Lgén Couture: À l'heure actuelle, l'instruction donnée aux soldats porte sur les blessures physiques. L'instruction quant aux blessures mentales est insuffisante.
Le sénateur Banks: Ne serait-il pas une bonne idée de commencer là?
Lgén Couture: Il faut que l'éducation se fasse à tous les niveaux. Toutes les personnes en uniforme doivent être au courant. Vous avez tout à fait raison de dire que le meilleur endroit où commencer est à l'école de recrutement. Même s'il se fait à l'heure actuelle une certaine formation à ce niveau, je ne pense pas qu'elle soit suffisante. Nous nous y penchons.
Le sénateur Banks: Pourrez-vous corriger cela?
Lgén Couture: Oui.
Le sénateur Banks: Vous allez mener une enquête portant sur 8 000 membres de la Force régulière et sur 5 000 réservistes. Des personnes formées de Statistique Canada mèneront des entrevues de 90 minutes pour déterminer le passé des gens, et cetera. Combien d'employés chez Statistique Canada savent reconnaître les symptômes de ce genre de blessure?
Lgén Couture: Je ne peux pas répondre à cette question. On me dit que l'enquête sera effectuée de telle sorte que des personnes compétentes interpréteront les résultats. C'est tout ce que je puis dire car je ne suis ni statisticien ni expert en matière de sondages.
Col Cameron: Les intervieweurs auront reçu une formation spécialisée dans la cueillette et l'interprétation des réponses et les entrevues seront confidentielles. Comme je l'ai mentionné dans mes remarques, cette étude n'est pas limitée aux Forces canadiennes; elle s'inscrit dans une étude plus vaste à l'échelle du pays. Ce ne sont pas des gens des Forces canadiennes qui mèneront les entrevues, alors la question de disposer d'un nombre suffisamment d'intervieweurs ne pose pas problème. J'ignore combien d'intervieweurs seront affectés au volet Forces canadiennes de l'enquête. Nous pourrons obtenir le nombre pour vous, si cela vous intéresse, mais la qualité de la formation des intervieweurs n'est pas un problème. Je pense que nous pouvons supposer sans risque d'erreur que ces personnes auront reçu une formation adéquate.
Le sénateur Banks: Savez-vous combien de temps il faudra pour obtenir les résultats initiaux du sondage?
Col Cameron: La collecte des données est censée commencer d'ici quelques semaines et durer jusqu'en décembre. L'échantillon sera un groupe de personnes représentatif de différents groupes d'âges, rangs, et cetera. L'échantillon a été choisi au hasard parmi ces différents groupes. Trouver ces personnes et arranger des entrevues est assez compliqué sur le plan logistique.
Le sénateur Banks: Interviewer 13 000 personnes pendant 90 minutes chacune demandera 20 000 heures, soit environ trois années, en travaillant 24 heures sur 24 sans pause-déjeuner.
Col Cameron: Il y a un assez bon nombre d'intervieweurs. D'après ce que j'ai compris, ils ont relevé 13 000 noms, mais l'échantillon sera de 8 000 étant donné qu'ils ne seront pas en mesure de trouver tout le monde. D'autre part, il se pourrait que l'entrevue demande un peu moins de 90 minutes.
Il s'agit sans conteste d'une entreprise de taille et je pense que cet exercice nous donnera de très bons renseignements.
Le sénateur Banks: Il y a eu une séance de formation de coordonnateurs des pairs à Mississauga entre le 18 février et le 1er mars de cette année.
Avez-vous constaté une quelconque résistance face au lancement de telles initiatives? Cela rejoint en quelque sorte le SSVSO, n'est-ce pas? Il s'agit de formation de soutien.
Lgén Couture: Oui, il s'agit bien du SSVSO.
Le sénateur Banks: Ma réaction d'ensemble à ce que vous nous dites ici aujourd'hui est de dire que c'est formidable. Il aurait mieux valu que cela soit arrivé il y a bien longtemps, mais Dieu merci, vous vous en occupez maintenant. Pourquoi faisons-nous cela graduellement? Vous dites «Nous avons tenu une séance à Mississauga en février». Y a-t-il une résistance de l'intérieur? Pourquoi ne pas tout simplement foncer en avant? Nous savons que nous avons besoin de cela, nous savons que c'est un problème réel — nous le savons depuis une cinquantaine d'années environ — et il nous faut maintenant y faire quelque chose. Rencontrez-vous de la résistance quelque part?
Lgén Couture: Le cours a été donné à Mississauga pour une raison bien précise. Je vais demander au major Grenier de répondre, car c'est lui qui s'en est occupé. Il y aura toujours un peu de résistance. Lorsque nous lançons quelque chose de nouveau comme ceci, nous faisons oeuvre de pionniers.
Je n'ai constaté aucune résistance de la part des dirigeants supérieurs de la force. Ils nous appuient pleinement et nous encouragent. Oui, il y a une certaine résistance au niveau inférieur. Il nous faut éduquer les gens.
Pourquoi procédons-nous de la sorte? Premièrement, il nous faut identifier les coordonnateurs des pairs et les former. Il nous faut nous occuper d'eux également, car ce sont des survivants. Nous voulons faire les choses comme il faut, et c'est pourquoi nous avançons plus lentement dans le cadre d'un projet de type pilote. Nous avons jusqu'ici instauré le programme à Terre-Neuve, à Edmonton, à Winnipeg et à Petawawa. Nous aurons une évaluation du projet d'ici l'automne et nous pourrons sur la base des résultats obtenus apporter les rajustements nécessaires puis étoffer encore le programme. Nous voulons être certains de faire la bonne chose et de la faire comme il se doit. J'aimerais que les choses avancent plus vite, mais je ne peux pas davantage accélérer les choses à cause des participants. Ce n'est pas une question d'argent et de ressources. J'ai tout l'argent qu'il me faut pour ce projet. Ce sont les gens — il faut les trouver, les former, et ainsi de suite.
Maj Grenier: Une chose importante à souligner ici est qu'il s'agit d'un domaine très dangereux dans lequel se lancer. Je le reconnais, tout comme mes collègues qui jouent le rôle de coordonnateurs du soutien des pairs.
Le sénateur Banks: Dangereux de quelle façon?
Maj Grenier: Dangereux en ce sens que cela ne s'inscrit pas dans des méthodes traditionnelles. Je suis un patient et je vois un spécialiste chaque semaine. Il est tout à fait non traditionnel de confier le soin de certaines personnes à des patients, c'est-à-dire à des personnes qui souffrent à un degré ou à un autre du même problème. En conséquence, la dernière chose que je veux faire c'est placer mes collègues dans une situation risquée sans d'abord en évaluer le potentiel.
Cela fera peut-être un peu la lumière sur la question posée plus tôt quant à la façon dont vont les choses. Nous sommes en train d'établir une base de données. Nous recueillons des données et suivons l'évolution de la situation des gars depuis le jour où nous avons commencé.
Anciens Combattants Canada commence à beaucoup s'investir dans la validation et dans l'évaluation de la réussite du programme. Je préfère avancer à petits pas pour être bien certain de ne pas me tromper. Si nous nous trompons, nous ne pourrons pas continuer. Je ne peux en un sens pas exposer d'anciens combattants à un risque, si ce programme ne va pas déboucher.
Nous n'avons à l'heure actuelle pas de données à vous montrer, mais je peux vous dire que le programme fonctionne très bien jusqu'ici. Voilà pourquoi nous procédons de la sorte. Nous allons mener un projet pilote pendant neuf mois pour ensuite voir comment vont les choses et élargir nos activités à partir de là.
Le sénateur Banks: Vous avez utilisé l'adjectif «subjectif»lorsque vous avez parlé du diagnostic. Est-ce toujours le cas? Peut-on espérer qu'on en arrive à des diagnostics objectifs?
Col Cameron: Je pense qu'il vous faut comprendre le contexte dans lequel j'utilise le terme «subjectif», et il ne s'agit pas de faire de l'imagerie médicale ou de mesurer le taux de SSPT dans le sérum du patient. Il y a, si vous voulez, des critères objectifs. M. Morin les a évoqués la semaine dernière. En tout cas, les critères sur lesquels on fonde un diagnostic de SSPT sont très clairement établis. C'est juste que l'interprétation donnée par l'intervieweur aux réponses de l'intéressé établit le diagnostic par opposition à...
Le sénateur Banks: L'intervieweur A posera les mêmes questions et en arrivera à la même conclusion que l'intervieweur B, grosso modo.
Col Cameron: Grosso modo. Je ne peux pas dire que c'est ce qui arrive dans chaque cas.
Le sénateur Kenny: Le gros de la discussion ce soir a porté sur les soins à donner et sur l'éducation en vue de changer la culture afin que les gens puissent, primo, identifier le problème et, deuxio, le traiter comme étant une blessure et non pas quelque chose d'inavouable.
Pourriez-vous nous renseigner un peu plus sur l'aspect prévention? Il me semble que la médecine préventive est la méthode la meilleure et la moins coûteuse. Quels changements dans la doctrine militaire sont nécessaires pour diminuer l'incidence du problème? Que faudrait-il faire différemment au sein des unités dans le cours normal des opérations afin que les gens ne soient pas blessés de la sorte?
Lgén Couture: Je vais demander à mon médecin de vous parler de la prévention d'un point de vue médical. J'ai déclaré au début que la meilleure façon de prévenir est d'assurer une formation appropriée à l'unité, de veiller à la cohésion de l'unité, d'offrir un solide leadership, puis d'éduquer.
Le sénateur Kenny: Si vous permettez que j'interrompe, que voulez-vous dire par «formation appropriée de l'unité»? Je suppose que vous offrez à l'heure actuelle aux unités une formation appropriée. De quels genres différents de formation d'unité parlez-vous?
Lgén Couture: De formation axée sur la mission. De formation qui est aussi réaliste que possible, et c'est ce que nous assurons à l'heure actuelle. Je ne dis pas que nous ne faisons pas la formation appropriée. Au contraire, je dis que lorsque les gens sont prêts à être déployés et à fonctionner de façon collective, chacun sachant ce qu'il doit faire, cela assure une meilleure cohésion au niveau de l'unité. Avec une meilleure cohésion d'unité, les gens s'occupent les uns des autres. Il nous faut également amener un changement culturel.
Le sénateur Kenny: Permettez que je vous arrête un instant ici. J'aimerais vous suivre pas à pas dans cette explication. Pourriez-vous nous décrire l'actuelle cohésion au niveau des unités? Dans dix ans, quelle différence verriez- vous si vous avez eu un programme efficace? En d'autres termes, je ne comprends pas des mots comme «meilleur»car je ne sais pas quels genres de changements cela suppose.
Lgén Couture: Je travaille dans le monde du personnel et cela fait longtemps que je suis loin de la formation. Cependant, lorsque vous préparez une unité pour une mission, il vous faut tout d'abord faire une analyse détaillée de ce que sera la mission et de ce qui doit être accompli. Vous formez ensuite les soldats, étape par étape, en vue de l'accomplissement de cette mission, en commençant par le niveau le plus bas, et vous aurez réussi lorsque vous aurez insufflé dans les troupes la confiance dont elles auront besoin pour faire le travail.
C'est ainsi que se faisaient les choses il y a de cela de nombreuses années. L'on continuera de faire les choses de la même façon dans quelques années car c'est la seule façon de préparer des troupes pour le combat ou pour d'autres opérations. Tous les éléments qui viennent renforcer la cohésion des unités demeureront les mêmes.
Nous avons redécouvert des problèmes comme le SSPT au fil du temps. Nos pairs savaient ce que c'était dans la Deuxième Guerre mondiale, mais nous n'avons pas vécu cela pendant les années 70 et 80, ni au début des années 90.
Il nous a fallu réapprendre à y faire face. Il faut que cela soit inscrit dans la formation individuelle puis dans la formation des unités. Il faut que ce soit appuyé par un système médical approprié, un réseau de soutien social adapté et un programme de transition.
Le sénateur Kenny: J'ai de la difficulté avec les réponses. Je ne comprends pas les mots tels «approprié» ou «meilleur» ou autres. Je ne vous suis pas, général. J'entends ce que vous dites. Je sais ce que signifient ces mots. Si je sortais de cette salle et que quelqu'un me disait: «Très bien. Que fait l'armée à l'heure actuelle pour changer sa formation afin de réduire l'incidence de ce problème?», je dirais «Eh bien, elle fait mieux les choses». C'est la meilleure réponse que je pourrais donner en ce moment.
J'aimerais que vous m'aidiez. Je ne sais pas si d'autres membres du comité sont confus. Moi, en tout cas, je suis confus, car à ce stade-ci, je n'ai pas la moindre idée de la façon dont la formation militaire va changer au cours des dix prochaines années en vue d'empêcher ou de réduire l'incidence de ce problème.
Le président: Peut-être que le colonel Cameron pourrait finir par nous aider en nous disant s'il existe des données quant au type de personne qui est plus susceptible de souffrir d'une telle blessure et quant aux causes possibles. Si nous savions cela, nous pourrions vraisemblablement prendre des mesures ou pour éviter que de telles personnes entrent en contact avec la cause ou trouver une autre solution au problème.
Je pense que nous éprouvons des difficultés parce que, d'après ce que j'entends dire, il s'agit d'une question au sujet de laquelle on ne dispose pas de beaucoup de solides données. Nous avons certaines preuves anecdotiques. Nous avons certains critères médicaux. Il reste cependant un grand nombre de zones grises. Je ne suis ni médecin ni soldat. Je trouve votre question très pertinente, sénateur Kenny.
Le sénateur Kenny: Si tout est si vague, je ne vois pas pourquoi il y a autant d'optimisme. Il me faut quelque chose d'un peu plus précis que ce qu'on m'a jusqu'ici livré aujourd'hui pour être optimiste.
Le président: Comprenez-vous la question du sénateur Kenny comme je pense, moi, la comprendre? Lorsque nous quitterons cette salle, on nous demandera: «Que l'armée fait-elle différemment aujourd'hui?»
Lgén Couture: Je pense ne pas avoir saisi le sens de la question du sénateur Kenny.
Il nous faut demander à l'armée exactement ce qu'elle fait. Je travaille du côté de l'organisation du personnel, et non pas de l'armée. Je vous dis ce que moi, je ferais. Stéphane, aimeriez-vous ajouter quelque chose sur ce dont nous avons discuté l'autre jour?
Maj Grenier: J'ai parlé de la vision de nombreux anciens combattants. J'en ai parlé avec des anciens combattants de la Corée, de la Deuxième Guerre mondiale, du Vietnam, ainsi qu'avec un grand nombre de plus jeunes anciens combattants, de notre génération. Le général Couture a approuvé ce qui est aujourd'hui une vision du point de vue formation. Cela peut nous aider sur la voie de ce que j'entrevois pour les Forces canadiennes. Je veux parler ici d'habiletés d'adaptation très tangibles pour nos soldats.
Lorsque je n'arrivais pas à m'endormir le soir au Rwanda, je ne savais pas ce qui m'arrivait. Mes collègues ne savaient pas ce qui m'arrivaient. Je ne savais pas non plus ce qui arrivait à mes collègues.
Les médecins vous confirmeront que plus tôt le traitement d'une personne commence, plus il y a de chances que le traitement réussisse. Si vous attendez sept ans, comme moi, alors le traitement ne fonctionnera peut-être pas aussi bien.
Ce que je veux dire ici est que ma vision, notre vision est d'essayer de fournir aux soldats davantage d'habiletés d'adaptation. Comment allons-nous nous y prendre? Comment apprendre à un caporal d'infanterie, à un commandant de section, d'être davantage sensible à ce qui se passe dans la tête de ses soldats après un bombardement? C'est cela qu'il nous faut leur apprendre. Y sommes-nous? Bien sûr que non. Le SSVSO a pour objet de favoriser cela. Pourquoi? Parce que nous avons maintenant ce réseau non pas, malheureusement, d'anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, mais d'anciens combattants du Vietnam, ainsi que du Timor oriental. Certains types qui reviennent d'Afghanistan se joignent déjà au réseau.
Nous apportons une approche pratique, pragmatique, à ce que les soldats considèrent comme étant nécessaire. Nous en sommes à l'heure actuelle à l'étape de l'analyse des besoins. Je discute avec d'anciens caporaux et gens de l'infanterie. Nous sommes en train de développer ce qui manquait dans tout cela, ce en vue de soumettre des recommandations à l'armée. Cependant, nous n'y sommes pas encore.
Nous espérons que d'ici dix ans nos soldats seront en mesure de composer avec la menace de stress de la même façon qu'avec la menace de froid. Nous pouvons faire cela en reconnaissant très tôt les symptômes et en ayant en place un système de copains en vertu duquel les gens ne resteront pas seuls dans le théâtre à ruminer et n'attendront pas, à leur retour, cinq à sept pour se faire soigner, comme moi.
D'après ce que nous savons, cela vaut certainement la peine d'être exploré. C'est ce que nous visons grâce au SSVSO. Il s'agit là d'un projet vivant, qui bouge et qui respire. C'est la voie sur laquelle nous avançons en ce moment.
Le sénateur Kenny: Colonel, du point de vue médical, y a-t-il des choses en matière de formation qui pourraient être faites mais qui ne le sont pas à l'heure actuelle et qui permettraient de réduire le risque?
Col Cameron: Comme vous le savez sans doute, on ne peut pas à l'heure actuelle ouvrir un journal ou un livre et en tirer une stratégie fondée sur des preuves axée sur la prévention du SSPT. Selon la documentation disponible, il existe des preuves qu'une meilleure cohésion au sein des unités réduit l'incidence du syndrome.
Avant d'aller plus loin là-dedans, notre directeur de la santé mentale des Forces canadiennes est ici avec nous. Il pourrait certainement répondre mieux que moi à votre question quant à la documentation qui existe à l'heure actuelle.
Le colonel Randy Boddam est un psychiatre des Forces canadiennes.
Le colonel Randall Boddam, directeur des services de santé mentale, Basde des Forces canadiennes Borden, ministère de la Défense nationale: La seule façon d'empêcher le SSPT est d'empêcher l'exposition au traumatisme. C'est là la clé. Nous ne pouvons pas avoir une force armée dont les membres ne risqueront pas d'être exposés à des traumatismes.
Comme avait commencé à l'expliquer le colonel Cameron, nous appuyant sur notre compréhension historique du problème et sur ce qui se passe en Israël et dans d'autres pays qui sont régulièrement exposés à des traumatismes, il semble qu'il y ait des facteurs de protection ou de limitation des dégâts. Cependant, aucune protection n'est efficace à 100 p. 100. Je pense que c'est cela qui doit être le point de départ.
L'un des facteurs qui semblent être les plus importants est la question de savoir si la personne a des antécédents psychiatriques. Cela étant dit, une personne ayant déjà souffert de désordre ou de maladie psychiatrique antérieure peut être exposée à un traumatisme et ne pas être atteinte de SSPT. Ce ne sont pas toutes les personnes souffrant de SSPT ou d'autres traumatismes liés au stress opérationnel comme le stress de combat, les troubles d'adaptation, et cetera, qui ont des antécédents psychiatriques.
En ce qui concerne le fonctionnement des unités et le type et la nature de la mission, comme le général Couture a commencé à l'expliquer, la compréhension qu'ont les gens de leurs tâches et de leur capacité d'exécuter leurs tâches est très importante. Placer des personnes dans un environnement dans lequel elles se sentiront désarmées ou incapables d'accomplir leurs tâches est une recette pour la catastrophe. Il s'agit là d'un cas extrême. Je ne dis pas que c'est ce que nous faisons, mais c'est là un facteur. Partant, la nature de la mission est importante.
L'affiliation ou l'affinité des dirigeants et de l'unité sont tout aussi importantes, pour les mêmes genres de raisons.
Nous autres, et nos alliés, par exemple les Américains, ont identifié la capacité de l'individu — et je pense que c'est de cela qu'a commencé à parler le major Grenier — de reconnaître et d'utiliser des comportements d'auto-assistance comme étant un processus très important. En fait, dans le cadre de la restructuration des services médicaux dont a parlé le colonel Cameron, nous sommes en train d'apprendre aux gens à gérer le stress et à acquérir des stratégies d'adaptation.
Ainsi, lorsqu'ils seront placés dans une situation stressante, ils auront des techniques d'auto-assistance très fondamentales auxquelles ils pourront recourir.
La forme physique est elle aussi un facteur très important pour plusieurs raisons en dehors de la possibilité de surmonter les rigueurs physiques et de bien réagir au stress. Cela peut également montrer aux soldats qu'ils ont la capacité de faire face à des situations stressantes. La capacité de communiquer est très importante. Nous utilisons l'expression «cohésion de l'unité». Que cela signifie-t-il? Il existe de solides preuves, non seulement dans le milieu militaire mais également chez les pompiers, par exemple, selon lesquelles si vous avez l'impression de travailler avec un groupe de personnes qui vous appuie et que vous appuyez, des personnes avec qui vous pouvez parler et auprès desquelles vous pouvez vous laisser être vulnérable, votre capacité de faire face à des situations stressantes sera meilleure. Ce sont ces genres de choses qui sont importantes.
Le sénateur Kenny: Le colonel vient de nous donner une liste de quelques-uns des indicateurs. De quelle façon le programme de formation sera-t-il modifié afin d'intégrer ces aspects-là? Qu'est-ce qui sera différent d'ici dix ans compte tenu des facteurs que le psychiatre vient d'énumérer?
Lgén Couture: Je ne pense pas que ma boule de cristal me permette de voir ce qui existera dans dix ans, mais je peux vous dire que j'ai demandé au groupe de SSVSO d'examiner, bien que nous formions les gens pour qu'ils soient plus forts physiquement et qu'ils soient à la hauteur des exigences physiques qui leur seront imposées, comment l'on s'y prend pour les former à être plus fort mentalement? Existe-t-il une activité ou un exercice qui aide à améliorer la résistance mentale et à apprendre à composer avec ce genre de chose? Je n'ai pas encore eu de réponse. Nous sommes au courant de ce qu'a soulevé le médecin, mais il nous faut déterminer exactement comment élaborer le même genre de «programme d'exercices», si vous me permettez l'expression, que pour la santé physique. Je n'ai pas la réponse mais nous nous renseignons là-dessus.
Le sénateur Kenny: J'ai de la difficulté avec les témoignages, monsieur le président. Par exemple, d'après ce que j'ai compris, les exigences physiques dans les forces armées sont en train de reculer au lieu d'augmenter. D'après ce que j'ai compris, les normes pour les tests physiques sont en train d'être abaissées plutôt que haussées. Le témoin nous dit que ce n'est pas vrai, et j'aimerais donc qu'on me fournisse de la documentation pour étayer cela. Cela me ferait grandement plaisir.
Cependant, je ne comprends pas comment vous pouvez comparaître devant nous, ni pourquoi vous comparaissez devant nous, si vous n'êtes pas en mesure d'expliquer de façon précise le lien entre le problème décrit par le major, les facteurs qui ont été énumérés par le colonel, et les façons nouvelles de faire les choses que l'on va mettre en place, si cela est possible, afin de mettre les gens à l'abri du problème.
Il me semble qu'il est vraiment important que l'on s'occupe maintenant des personnes déjà blessées. Je trouve cela formidable, et il m'apparaît que c'est là-dessus que se concentre en gros le réseau. Cependant, nous sommes en train de penser à la génération suivante, à la prochaine décennie, et si vous ne voulez pas regarder dix ans plus loin, vous pouvez au moins regarder cinq ans plus loin. Quels sont les plans pour faire les choses différemment? Je n'ai pas beaucoup entendu parler de cela.
Lgén Couture: Je regrette, sénateur, mais je ne sais pas ce qui vous satisferait. Si ce que vous souhaitez voir est un programme détaillé de plan de formation, je n'en ai pas ici avec moi. Je ne peux pas vous montrer cela. Ce que je dis est que tout ce que nous avons appris au sujet des traumatismes liés au stress opérationnel est en train d'être intégré dans la formation de nos militaires. Il nous faut examiner la façon dont cela a évolué dans le temps.
J'ai par ailleurs demandé à mon spécialiste en éducation et à mon spécialiste en formation de voir comment l'on pourrait élaborer un programme visant à améliorer la résistance des gens au SSPT, et tous les facteurs que le médecin a mentionnés vont être intégrés dans cette étude. Lorsque j'aurai cette réponse, je serai en mesure de rédiger un programme détaillé.
Oui, la capacité des militaires de faire face à ces situations doit être améliorée. Je suis d'accord avec vous. Par exemple, il nous faut veiller à ce qu'ils aient la formation physique appropriée, le matériel approprié et la formation de combat appropriée en fonction de leur mission. Il nous faut veiller à ce qu'ils disposent de tous les renseignements dont ils ont besoin et à ce qu'ils soient bien dirigés. Tous ces facteurs contribuent à diminuer le risque qu'ils subissent ces blessures.
Cela ne va cependant pas éliminer complètement notre problème. Je ne pense pas que nous puissions jamais faire cela, même si j'en rêve. Nous faisons néanmoins de nombreuses choses qui auront une incidence. Je ne dispose pas de statistiques montrant que la mission X a occasionné X blessures et que l'on en a relevé un nombre différent dans le cas de la mission Y. J'aimerais beaucoup pouvoir vous fournir de tels chiffres, mais je ne le peux pas à l'heure actuelle.
Nous sommes en train d'examiner tous les aspects de la formation militaire donnée aux personnes qui sont sur le point d'être déployées dans le cadre d'une mission en tenant compte de tous les risques auxquels elles se trouveront confrontées, y compris les traumatismes qui ont été mentionnés. Nous apprenons au fur et à mesure et nous nous améliorons. Ce qui fonctionne est conservé et ce qui ne fonctionne pas est éliminé. Je regrette, mais je ne peux pas vous fournir un plan de formation détaillé, ligne par ligne. Il semble que ce soit là ce que vous voudriez.
Le sénateur Kenny: Non, je voudrais mieux comprendre la façon dont les questions qu'a décrites le colonel sont transmises à Saint-Jean ou à Gagetown ou à d'autres endroits où se fait la formation, et comment les instructeurs font pour intégrer cela dans leur travail. Je ne suis pas particulièrement intéressé par un programme détaillé. Ce qui m'intéresse est de savoir s'il y a un processus en place pour cela et s'il existe des critères de mesure. Je ne suis pas très rassuré lorsque j'entends dire que les choses s'améliorent mais que l'on ne dispose pas de critères pour mesurer les améliorations apportées. Je préférerais que vous me disiez que vous ne savez pas encore mais que vous verrez si les choses se sont améliorées parce que vous allez les mesurer de telle ou telle façon et que si ces mesures ne fonctionnent pas, alors vous ferez telle autre chose. Je ne vois pas les liens.
Lgén Couture: Il me faut vous présenter des excuses. J'étais passé complètement à côté de votre question. Je la comprends maintenant.
J'ai dit tout à l'heure en réponse à certaines questions, que nous avons des renseignements — je vais pour l'heure parler de «renseignements» car je suis convaincu que ce n'est pas suffisant — au niveau recrutement sur les blessures mentales. Il y a des aspects éducation et formation qui ont été intégrés aux cours de leadership assurés aux écoles de Gagetown et de Borden. Le Département de psychologie du Collège militaire royal du Canada offre quelques cours en la matière, mais ce que je dis c'est que cela ne suffit pas, car cela n'apporte pas les changements qui sont selon nous nécessaires pour corriger ces problèmes. Nous sommes en train d'analyser le contenu des renseignements fournis aux troupes à Saint-Jean, à Gagetown et à Borden.
Nous sommes en train de voir ce que nous pourrions faire pour améliorer les choses. Une équipe multidisciplinaire est en train d'effectuer ce que nous appelons une «analyse des besoins» portant sur ce qui devrait être couvert dans le cadre de la formation en plus de ce que nous faisons déjà. Nous y avons intégré des gens du SSVSO, des psychiatres, des psychologues, des spécialistes et autres.
Chaque centre de SSVSO a ce que nous appelons une «équipe d'extension» qui peut être envoyée à n'importe quelle base au Canada qui a besoin d'un type d'éducation d'un genre ou d'un autre pouvant être assuré par un spécialiste. Nous pourrions parler de cela. Voilà ce que nous faisons en ce moment. C'est là-dessus qu'il nous faut travailler et apporter des améliorations, et je songe ici tout particulièrement à l'école à Saint-Jean et à l'école de leadership.
Voilà ce dont je m'occupe. Ma réponse a été un peu longue, mais je n'avais pas compris ce à quoi vous vouliez en venir. Ai-je maintenant bien compris votre question?
Le sénateur Kenny: Oui, vous avez répondu à ma question, merci.
Le président: Dans quelle mesure examinons-nous les pratiques suivies par d'autres pays, notamment les pays de l'OTAN, pour traiter de ce problème?
Col Cameron: L'OTAN a un certain nombre de groupes de travail médicaux oeuvrant dans différentes sous- spécialités, et nous y participons. Le colonel Boddam est membre du groupe de travail chargé des questions de santé mentale.
Il y a par ailleurs des liaisons permanentes et étendues entre experts dans les différents domaines. Au cours des 18 derniers mois, le colonel Boddam s'est rendu dans plusieurs pays et y a établi des liaisons avec leurs spécialistes oeuvrant dans le domaine.
Il existe une assez vaste documentation publiée principalement par des experts médicaux militaires, mais également par d'autres experts médicaux, et portant sur ces questions. Le processus de partage d'information sur les questions médicales, diagnostiques et de traitement est très large.
Le président: Pourriez-vous nous situer très franchement nos efforts dans le classement général? Sommes-nous dans le peloton, en tête de peloton ou bien tirons-nous de l'arrière?
Col Cameron: Le colonel Boddam participe directement à ce travail et je vais donc lui renvoyer la question.
Col Boddam: Nous sommes bien sûr au premier rang.
Le président: Quelle est votre évaluation, bien honnêtement?
Col Boddam: À bien des égards, nous sommes sans doute les meneurs. Nous avons présidé le groupe de travail à Ottawa en 1999. Nous avons fait venir un expert des États-Unis et avons eu une discussion très franche au sujet du traitement du SSPT. Il était intéressant de constater que différents pays ont différentes approches, allant d'un bas niveau d'acceptation qu'il s'agit d'une véritable maladie à la reconnaissance qu'il s'agit en effet d'un trouble très grave. Dans les trois années qui se sont écoulées depuis, la plupart des gens ont fini par convenir qu'il s'agit d'un trouble significatif et qui a une incidence sur nos troupes.
Au fil de mes discussions avec d'autres sur ce que nous faisons et des nombreuses présentations que je fais au groupe de travail, je reçois en retour des renseignements qui confirment que ce que nous faisons cadre avec ce que font d'autres. Nous donnons des conseils à d'autres.
J'aimerais beaucoup dire que nous sommes au premier rang. J'ignore si nous le sommes véritablement, mais nous sommes du côté positif de la courbe.
Le président: Général Couture, vous ai-je entendu dire qu'en ce qui concerne les 31 recommandations de l'Ombudsman, vous pensez les avoir appliquées ou en tout cas êtes en train d'y travailler ou les avez toutes acceptées, à l'exception, peut-être de celle concernant l'emplacement des centres de SSVSO sur les bases ou à l'extérieur des bases?
Lgén Couture: Contrairement à vous, je ne parlerai pas au passé. Nous nous en occupons. Nous avons accepté toutes les recommandations. Nous travaillons sur toutes les recommandations et sommes en train de mettre en place un plan visant certaines questions précises et plus générales.
Il y a deux différences. Premièrement, les centres de SSVSO à l'extérieur des bases. Il nous faut étudier dans le détail la façon d'aborder cela. Nous ne voulons pas fermer un centre bien établi sur une base pour l'installer ailleurs, car cela ne serait pas productif. Cela stigmatiserait encore davantage nos militaires qui penseraient peut-être qu'ils ont été versés dans une autre catégorie.
Dans l'intervalle, nous travaillons avec Anciens Combattants Canada relativement à l'Hôpital de Sainte-Anne-de- Bellevue, près de Montréal: ils y voient certains de nos patients ambulatoires.
Les services médicaux sont en train d'étudier les recommandations en vue de déterminer comment nous devrions procéder et quel type de base nous devrions envisager. Je ne peux pas vous dire où nous en sommes dans cette étude, mais le processus est en cours.
L'Ombudsman a recommandé qu'il y ait un coordonnateur en matière de SSPT, une personne qui rendrait directement compte au chef d'état-major de la Défense et qui suivrait tout le dossier du SSPT. Nous sommes allés au- delà de la recommandation. L'Ombudsman avait parlé de la coordination du traitement du SSPT, des soins de santé, des prestations, du soutien familial, de l'éducation, de la formation individuelle, et ainsi de suite. Tous ces aspects relèvent de ma responsabilité.
Nous avons créé un comité directeur que je vais présider et qui englobera le commandant adjoint de la force terrestre, de la force maritime et de la force aérienne ainsi que tous les responsables de la politique en matière d'éducation et de la prestation de soins de santé. Le colonel Boddam est un conseiller. Nous allons poursuivre une approche holistique. Le fait d'avoir à la table des hauts dirigeants des armées de terre, de mer et de l'air facilitera la mise en oeuvre du rapport.
Par ailleurs, le chef d'état-major de la Défense a nommé un conseiller en matière de SSPT, un officier du rang de capitaine de la marine, qui rend directement compte au chef d'état-major de la Défense et qui donnera des conseils quant à l'évolution à suivre non seulement en vue de la mise en oeuvre des recommandations du rapport mais également du traitement du SSPT.
Le président: Nous avons entendu certains témoignages au sujet des difficultés que vit la personne qui est renvoyée pour raison disciplinaire ou non médicale et dont on découvre plus tard qu'elle souffrait de SSPT. Comment ce militaire fait-il pour obtenir un renvoi pour raison médicale? Travaillez-vous là-dessus?
Lgén Couture: Lorsqu'un soldat a été renvoyé et que l'examen médical est fait après-coup, et que l'on découvre que le renvoi aurait dû être fait non pas pour raison administrative mais bien pour raison médicale, nous apportons le changement. Certains dossiers récents ont été modifiés.
J'ignore si vous songez à un cas précis, mais il y a en place des procédures et politiques telles que l'on peut modifier la raison indiquée s'il y a eu erreur. Par le passé, nous avons changé cela, passant d'un 4-A à un 3-B. C'est un long processus, mais c'est possible.
Le sénateur Banks: Pour enchaîner sur la question du président, si je quitte le service pour la vie civile, mais non pas par suite de mesures disciplinaires, j'imagine que je passe sous l'égide des AC. Est-ce que c'est un gros saut? Est-ce que je vais vous perdre?
Si vous êtes mon médecin, est-ce que vous allez continuer de me suivre?
Lgén Couture: Oui, si vous êtes atteint du SSPT.
Le sénateur Banks: Dans quelle mesure est-ce un gros saut?
Lgén Couture: C'était un saut énorme. Nous nous efforçons de l'émonder au maximum pour qu'il ait l'air plus petit.
Avant que vous ne soyez libéré des forces pour raison médicale, vous participez à un programme de réhabilitation. Ce programme vous permettra d'apprendre un nouveau métier dans lequel vous pourrez travailler et grâce auquel vous pourrez gagner votre vie. Vous serez transféré aux Anciens Combattants avec l'aide de gestionnaires de cas et de coordonnateurs de transition que nous avons dans certaines de nos grosses bases au Canada.
Si vous souffrez du SSPT, il y a en place un arrangement en vertu duquel vous pouvez continuer de voir les mêmes médecins. Ce n'est pas encore parfait, mais si vous comparez ce que nous faisons aujourd'hui à ce que nous faisions il y a cinq ans, c'est le jour et la nuit.
Le sénateur Banks: Si j'ai une blessure à la colonne, si je souffre d'une blessure physique et non pas du SSPT, vais-je obtenir le même niveau de soins auprès de l'administration des AC?
Lgén Couture: Oui, de mon point de vue.
Col Cameron: La première chose dont il vous faut vous rappeler est que si vous avez une blessure à la colonne, vous serez soigné dans un centre de soins tertiaires très sophistiqué. Les médecins qui s'occuperont de vous par la suite ne seront pas des médecins des Forces canadiennes. Ce seront des médecins spécialistes civils. Lorsque vous passez des Forces canadiennes au monde civil...
Le sénateur Banks: Et je recevrai le même niveau de soins?
Col Cameron: Vous aurez le même médecin parce que Anciens Combattants n'a pas ces médecins-là non plus. La différence est que le régime de prestations ne sera plus celui des Forces canadiennes mais celui des Anciens Combattants.
Le sénateur Banks: Y offre-t-on, au moins ostensiblement, le même niveau de service?
Col Cameron: Oui, serait la meilleure réponse à la question. À certains égards, les avantages qu'ils offrent sont supérieurs à ceux que nous nous offrons. Il y a eu au cours des dernières années une importante initiative visant à harmoniser les prestations que reçoivent les gens.
Je pense que votre question visait tout particulièrement la situation des personnes qui passent par les CSTSO. Une initiative d'envergure a été lancée en vue d'éliminer ce «saut» en faisant en sorte que les services soient parallèles. Les CSTSO sont «codotés», si vous voulez, de telle sorte que vous continuerez d'être suivi par le même prestateur de soins.
Il y a un mythe selon lequel les gens dans ce pays ont un seul médecin. Je pense que vous conviendrez tous que les gens ont de nombreux médecins, selon le problème.
Lgén Couture: Si vous êtes un ancien militaire et que vous vous trouvez en difficulté, vous appelez le centre d'ACC et on vous aidera.
Le sénateur Colin Kenny (président suppléant) occupe le fauteuil.
Le sénateur Kenny: J'aimerais vous présenter les excuses du sénateur Meighen. Il a dû quitter le fauteuil pour aller prendre l'avion. Il n'avait pas prévu être si intéressé par vos propos devant nous ce soir, et la réunion a duré un peu plus longtemps que prévu.
J'aimerais donc, au nom du sénateur Meighen et du Sous-comité des anciens combattants, vous remercier du travail que vous avez fait et du temps que vous avez pris pour venir nous expliquer ce que vous faites et la direction dans laquelle vous avancez.
La séance est levée.