Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 7 - Témoignages du 26 février 2003
OTTAWA, le mercredi 26 février 2003
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 15 pour étudier des questions qui touchent les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain au Canada et plus particulièrement, pour examiner l'accessibilité, l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes et d'autres questions connexes.
Le sénateur Terry Stratton (président suppléant) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président suppléant: Bonsoir. Nous accueillons aujourd'hui M. Warren Crowchild, fondateur du National Native Sports Program. M. Crowchild est de l'Alberta. Je suis content de voir un autre habitant de l'Ouest ici. Nous vous cédons la parole pour votre présentation, après quoi nous poserons nos questions.
M. Warren Crowchild, fondateur, National Native Sports Program: Merci. Je suis de la Première nation Tsuu T'ina, qui vit tout juste à la limite sud-ouest de Calgary, en Alberta. Je remercie le comité de m'avoir invité. Pour moi, être invité à prendre la parole au Sénat me permet vraiment de saisir l'ampleur du travail que j'ai essayé d'accomplir depuis 11 ans, soit depuis que j'ai lancé ce programme en 1992, afin de mieux décrire les problèmes que vivent nos jeunes Autochtones dans les réserves, dans les milieux urbains, ou partout ailleurs où l'on trouve des jeunes Autochtones et que l'on traite avec eux au jour le jour.
En 1992, j'ai créé mon programme. Je me suis assis, tout comme nous le sommes en ce moment, j'ai pris une feuille de papier et une plume, j'ai couché des idées sur pied découlant de mes expériences de joueur de hockey, et j'ai décrit comment je pourrais utiliser ces expériences pour enseigner ce sport aux jeunes Autochtones. Je ne me suis pas concentré sur la recherche de fonds pour ce faire. Je pense que ce qui est le plus merveilleux au sujet de l'enseignement à des jeunes Autochtones, c'est que je suis l'un d'eux. Je viens d'une réserve indienne. Je me souviens de toutes les connaissances pratiques que j'ai dû acquérir pour m'adapter au fait d'être éloigné de chez moi et à la ségrégation qui règne au sein de la collectivité qui était la mienne. Avoir la possibilité de faire mes études dans un milieu urbain était essentiel pour me faire avancer dans la vie, non seulement en ce qui a trait à l'éducation, mais aussi en ce qui concerne toutes les compétences de base dont j'avais besoin pour aller de l'avant dans la vie.
Lorsque j'étais jeune, je voulais faire partie de la Ligue nationale de hockey. C'était mon but et mon rêve. Je n'étais pas différent des autres jeunes Canadiens qui voulaient jouer au hockey sur une patinoire extérieure à moins 30 degrés et je caressais le rêve de pratiquer un sport que j'aimais, le hockey.
Cela étant dit, ce qui m'a amené à faire ce que j'ai fait, c'était le désir de permettre aux jeunes Autochtones de faire l'expérience, par mon entreprise, de ce que moi-même j'avais vécu. Tout n'était pas positif. J'ai dû affronter beaucoup d'obstacles, beaucoup de racisme, on a beaucoup dénigré notre culture. Ces obstacles, je les retrouvais non seulement sur la glace, mais à l'extérieur de la patinoire. Je pourrais vous raconter des histoires très intéressantes, ce que je ne ferai pas aujourd'hui, mais qui sont les principales raisons pour lesquelles j'ai entrepris mon programme.
Je vous demanderais d'être indulgent à mon endroit car je n'ai pas de notes écrites.
L'élément le plus important de notre programme, c'est qu'on enseigne les connaissances pratiques aux jeunes Autochtones qui ne sont pas dans la réserve et qui sont éloignés de leur famille. Pour ce qui est du hockey, les jeunes évoluent de la ligue mineure à la ligue junior, et ensuite ils peuvent accéder au niveau professionnel. Nombre de ces connaissances ne sont pas enseignées aux jeunes Autochtones. Il y a un stéréotype affreux qui afflige les joueurs autochtones, même au niveau de la LNH: on les qualifie d'Indiens ivres qui ne respectent pas les couvre-feux, qui sont dans les bars après les heures de fermeture, qui ne fréquentent pas l'école et qui seront toujours dans le quatrième trio. Je suis certain que vous avez déjà entendu parler de ce stéréotype que doivent supporter de nombreux joueurs de hockey autochtones.
L'objectif de notre programme est de surmonter tous ces obstacles. Nous ne prétendons pas avoir toutes les réponses, mais nous sommes capables de nous mettre au niveau des enfants de nos collectivités pour au moins pouvoir les écouter. Je me rends dans les écoles, les centres communautaires, les centres d'amitié, même dans les prisons, pour y rencontrer les enfants et les jeunes contrevenants de Calgary. Beaucoup ne veulent pas écouter ce que j'ai à dire et se sentent exclus. C'est deux fois plus difficile pour un jeune Autochtone vivant en milieu urbain parce qu'il perd sa culture et son identité.
Mais comment combattre ce phénomène? Comment abordons-nous le problème? Beaucoup de jeunes vont s'identifier à leurs racines autochtones. Comment leur enseigner leur culture? Nous amenons des instructeurs à la LNH et dans les ligues juniors pour que les joueurs autochtones de tout âge puissent profiter de cet entraînement. Surtout, nous écoutons et nous essayons de comprendre ce qui se passe afin de pouvoir tenter de les aider.
Beaucoup de jeunes Autochtones vivant en milieu urbain sont nés dans ce milieu, ce qui est un avantage par rapport aux enfants nés dans les réserves. Ils apprennent à élargir leurs horizons à l'échelle sociale et sur le plan physique au contact des cercles économiques et par leurs études. C'est là certainement un avantage. Cependant, ils perdent leur identité culturelle parce qu'ils ne vivent pas cette culture.
Notre programme s'intéresse à de nombreux enfants qui ont été élevés par un chef de famille monoparentale ou par des grands-parents, des enfants qui vivent en foyer nourricier parce qu'ils ont été donnés en adoption. Ces jeunes demandent toujours qui ils sont, d'où ils viennent, et de quoi il en retourne d'être Autochtone. Nous ouvrons nos portes et nous essayons de leur faire part de récits et de discussions sur la réalité autochtone.
Il y a trois ans, un jeune du centre des jeunes contrevenants de Calgary est venu me voir, il voulait devenir gardien de buts au hockey. Il était très grand, mais il était sur la mauvaise pente, il avait grandi dans la rue et n'avait pas de modèle de comportement à suivre. Il n'avait aucun guide ni à la maison ni à l'école pour l'aider dans ses études, dans la vie en général ou dans les sports. J'ai dit à ce jeune que je pouvais l'aider une fois qu'il aurait purgé sa peine et qu'il pouvait venir me voir après qu'il aurait parlé à ses parents. Environ une semaine après être sorti du centre, il s'est remis les pieds dans les plats. Il m'a téléphoné et il m'a dit: «Vous savez, Warren, vous aviez dit de venir vous voir et je n'y suis jamais allé. Je suis désolé, mais c'est ce que j'ai fait. Je me suis encore mis dans de beaux draps avec la loi. Maintenant, je suis un jeune adulte et je dois purger ma peine pour le crime.» Cela me dérange parce que nous essayons toujours d'être là pour chaque enfant.
Lorsque j'étais un jeune homme, j'ai voyagé de par le monde parce que j'ai joué au hockey en Europe lors de deux voyages distincts. J'ai joué dans le hockey professionnel pendant deux ans, ce qui m'a familiarisé avec le vrai monde. On voit de nombreux jeunes qui viennent des réserves et dont la vie est confinée aux limites de la réserve. Comment élargir leurs horizons? Comment les amener à comprendre que la vie a plus à offrir que ce qu'ils voient autour d'eux cette semaine et la semaine prochaine? Comment canaliser leur agressivité et leurs émotions de façon positive? Comment dépister et orienter leur volonté d'apprendre et d'avoir du succès? C'est une des choses que nous apprenons encore dans notre programme.
Je ne sais pas si mon exposé d'aujourd'hui vous aidera, mais j'y suis allé avec mon coeur. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Sibbeston: La question est très importante pour notre étude parce que nous avons beaucoup entendu parler des problèmes des jeunes dans les centres urbains. Personne ne nous a jamais parlé de sport, ce qui est une facette importante du développement sain des jeunes. J'aimerais en connaître davantage au sujet de votre organisation. En quoi consiste-t-elle, combien de personnes y participent?
M. Crowchild: J'ai fondé l'organisation et je la dirige 365 jours sur 365. J'ai un site Web dont je vais laisser l'adresse aux membres du comité s'ils veulent le consulter. Le site porte sur tous les aspects de l'organisation et on y décrit la façon dont j'offre le programme aux jeunes. Je peux dire sans risque de me tromper que je suis la seule personne directement impliquée dans l'organisation, même si j'ai de nombreux associés au Groupe de travail de la LNH sur la diversité ainsi qu'avec la NHL Players Association Goals and Dreams Fund. Cependant, le fait d'être affilié à ces gens- là ne veut pas nécessairement dire que nous avons accès à l'argent. Nous avons du personnel de soutien durant l'été pour les écoles de hockey — le programme des modèles — que nous offrons aux jeunes. C'est en quelque sorte la façon dont fonctionne le National Native Sports Program.
Nous avons une banque d'équipement pour les jeunes Autochtones. Nous offrons de l'équipement aux jeunes qui proviennent de familles à revenu unique ou à faible revenu. Vous trouverez sur notre site Web un formulaire de demande que les jeunes peuvent télécharger. C'est ainsi que la plupart des gens me contactent. Nous nous rendons dans de nombreuses collectivités des Premières nations au Canada, nous parlons aux jeunes dans les écoles et dans les collectivités pour leur dire ce qu'il faut avoir s'ils veulent relever les défis et devenir joueurs de hockey. C'est ça que ça prend. Je crois fermement que ce sont là les étapes à suivre pour avoir du succès.
Le sénateur Sibbeston: Le mois dernier, aux championnats mondiaux juniors, nous avons vu Jordin Tootoo, qui est sans aucun doute une grande inspiration pour les jeunes, en particulier les jeunes Autochtones. Je suis curieux de savoir si parmi les gens des Premières nations, il y a de jeunes joueurs qui ressortent du système et qui pourraient devenir un jour des joueurs semblables à Jordin, des jeunes qui pourraient être une inspiration pour les autres jeunes?
M. Crowchild: C'est drôle que vous me posiez cette question. J'ai rencontré Jordin Tootoo il y a quatre ans. Il avait 16 ans et il jouait avec les Wheat Kings de Brandon. À ce moment-là, j'étais en visite chez des parents à Vancouver. Je l'ai aidé à rester au camp, ses parents sont venus en avion de Rankin Inlet. Les choses n'étaient pas faciles pour eux. Nous sommes intervenus et nous avons dit: «Nous avons économisé un peu d'argent de l'école de hockey cet été. Nous allons vous aider. Nous allons vous payer les frais de motel pour une semaine.» En un sens, le National Native Sports Program vise à aider les jeunes Autochtones à maints égards, que ce soit seulement leur parler ou encore assister au match pour répondre aux questions qu'ils pourraient avoir.
Il y a des jeunes qui suivent les traces de Jordin. Je regardais un match de hockey mardi soir, et il y a un autre joueur qui a joué pour les Sharks de San José, Jonathon Cheechoo. Nous avons trois joueurs autochtones. Le troisième est un jeune homme qui joue avec les Saskatoon Blades, Wacey Rabbit.
Qu'est-ce qui fait que ces joueurs ont du succès comparativement à des centaines d'autres au niveau junior? La plus grande différence, c'est qu'ils sont sortis de la réserve pour vivre dans un milieu différent, qu'ils aient été adoptés par une autre famille ou qu'ils se soient totalement éloignés de la réserve et des choses négatives que vivent les jeunes Autochtones durant les mois d'été. Les gens et les organisations de hockey leur disent ce qu'ils doivent faire. Ils doivent s'engager pendant 12 mois de l'année pour avoir du succès à ce niveau. C'est ce que je constate chez ces jeunes hommes qui jouent à un niveau plus élevé.
Mais comment les aider? Comment aidons-nous d'autres Autochtones à suivre la même voie? Notre problème, c'est que nous n'avons pas accès aux fonds qui sont accordés aux Premières nations. Dans la zone de l'Alberta dans laquelle je vis, on n'a pas de financement. Peut-être l'argent est-il donné aux réserves, mais il ne se rend pas à des programmes comme le mien. Si nous avions le financement nécessaire pour aider notre programme à ouvrir davantage de portes à ces jeunes, vous verriez que nous pourrions vous raconter plus d'histoires à succès.
Le sénateur Sibbeston: J'aimerais savoir ce que vous pensez de la situation du sport chez les peuples des Premières nations en particulier. Est-ce qu'il y a beaucoup de Premières nations qui ont des programmes d'athlétisme qui peuvent être un incitatif, des programmes de perfectionnement pour les jeunes?
M. Crowchild: Honnêtement, oui et non. Oui, en ce sens que nous avons les Jeux autochtones d'Amérique du Nord où toutes les Premières nations se font concurrence. Le défi que l'on a avec les peuples autochtones, c'est de voir comment se rencontrer au niveau national, non seulement dans le domaine du hockey, mais dans tous les aspects des sports, y compris les Jeux olympiques, le football, le baseball, le basket-ball, peu importe le sport. Je mets toujours les jeunes au défi d'accéder à un niveau supérieur. Nous n'avons pas beaucoup de succès à cet égard.
Je me suis impliqué dans un championnat à Cornwall, en Ontario. J'y ai participé l'an dernier. Le premier match a eu lieu en avril dernier. Le Cercle sportif autochtone a fait des progrès dans la bonne direction en matière de hockey. Toutes les provinces ont le droit d'inscrire les meilleures équipes de jeunes garçons et filles de 15 à 17 ans à ce championnat.
Je les ai toujours encouragés et ils me demandent: «Que pouvons-nous faire pour élargir et amplifier ce programme de hockey?» Je leur réponds: «Vous poussez les bons boutons et vous vous impliquez auprès de l'Association canadienne de hockey.» Ainsi, l'ACH reconnaît le programme au même niveau qu'elle le ferait pour la Coupe Air Canada, la Coupe Memorial ou tout programme national qui vient de l'ACH. Je constate que cela est en train de se produire avec le Cercle sportif autochtone.
Dans le domaine du hockey, je réalise aussi qu'il se fait des progrès. Cela ne va pas se produire du jour au lendemain, les choses changent lentement, cependant, sachant ce que j'ai fait depuis plus de 11 ans et ce que le Cercle sportif autochtone fait maintenant, alors là, je leur lève mon chapeau.
Le sénateur Christensen: J'aimerais en savoir un petit peu plus au sujet du National Native Sports Program. Vous dites que vous en êtes le fondateur. A-t-il des locaux? Avez-vous un bureau? Où gardez-vous votre équipement? Vous dites ne pas recevoir beaucoup de financement. D'où provient votre financement?
M. Crowchild: Le financement que l'on obtient chaque année est minimal. Je suis de la nation Tsuu T'ina. Nous avons un local où nous pouvons tenir une école de hockey. J'ai effectivement un bureau dans la réserve. J'ai accès à un télécopieur, à un bureau et à un ordinateur où je peux obtenir de l'information, mais nous n'avons pas de local comme tel.
Cela est possible. J'ai toujours talonné le Groupe de travail sur la diversité de la LNH et même le Goals and Dreams Fund. Il nous faut un bureau national. Nous avons besoin de quelque chose pour ce programme. Notre programme a fait des progrès énormes depuis 11 ans, depuis sa création en 1992. Beaucoup de choses ont été accomplies, mais comment être reconnu? Je ne suis probablement pas la bonne personne pour dire les bonnes choses ou pour pousser les bons boutons au bon moment afin d'avoir accès à ce financement. L'argent est là, dans les Premières nations. C'est peut-être du racisme au sein de notre peuple. On ne canalise pas les fonds vers des programmes comme le mien. Je peux parler aux gens ad nauseam du National Native Sports Program, mais je leur laisse le soin de m'inviter à des événements, comme je le fais ici ce soir. Cela nous met davantage en évidence.
Nous avons effectivement un local. L'équipement est rangé dans le sous-sol de mon père. Les huit enfants de la famille ont tous quitté cette grande maison.
Le sénateur Christensen: Il a beaucoup d'espace.
M. Crowchild: Nous avons un équipement de hockey complet pour 20 jeunes. Nous n'avons pas l'argent pour acheter de l'équipement CCM ou Cooper. Nous sommes là pour aider les jeunes, mais nous n'avons pas d'argent pour tous les aider.
Le sénateurs Christensen: Vous avez l'équipement, et vous tenez une école de hockey à l'endroit où vous vivez?
M. Crowchild: Oui.
Le sénateur Christensen: C'est la seule école de hockey que vous dirigez, à moins que vous soyez invité ailleurs? Est- ce que d'autres organismes de sport vous invitent à venir aider des écoles de hockey?
M. Crowchild: Oui, mais pas tellement pour les écoles de hockey. Pour le championnat de hockey qui se tient à Cornwall, j'ai été invité en tant qu'évaluateur. Sept provinces canadiennes sont représentées au tournoi. Je suis un éclaireur pour le hockey junior. J'ai évalué les 20 premiers joueurs qui participeront au programme national à Thunder Bay.
Peut-être devriez-vous vous informer au Cercle sportif autochtone qui tient un championnat qui aura lieu à la fin d'avril.
Le sénateur Christensen: Vous appelez votre programme le National Native Sports Program, mais il me semble que ce soit seulement pour le hockey. Y a-t-il d'autres ports?
M. Crowchild: Si les jeunes ne me demandent pas de jouer au hockey, ils veulent faire du rodéo. Le rodéo est très populaire auprès des jeunes Autochtones, tout comme le basket-ball. Nous avons une jeune fille qui joue pour le Saint Trojans dans l'ACAC en Alberta, et elle se posait des questions. Comment acquérir parfaitement toutes les connaissances de base dont j'ai besoin pour avoir du succès? Quand on me pose ce genre de question, je peux adapter à d'autres compétences ce que j'enseigne au hockey.
Le sénateur Christensen: Comment recrutez-vous les jeunes à votre école de hockey? Comment peuvent-ils vous trouver s'ils n'ont pas d'ordinateur?
M. Crowchild: On fait beaucoup de publicité — on utilise des affiches, on passe des annonces dans le Windspeaker ou dans le Native Sweetgrass en Alberta. J'ai été interviewé par CBC Territoires du Nord-Ouest il y a trois ans, et beaucoup de gens m'ont vu à la télé. Si vous faites une recherche sur une page Web et que vous inscrivez mon nom, vous allez m'y trouver. Beaucoup de gens cliquent là-dessus. En fait, j'ai reçu un appel d'un homme des Territoires du Nord-Ouest qui cherchait une école de gardiens de buts pour son fils; je lui ai répondu par courrier électronique en lui parlant du programme que nous aurons en mai.
Le sénateur Christensen: Est-ce que la plupart des jeunes qui s'inscrivent à votre école sont de milieu urbain, des réserves ou s'ils viennent de partout?
M. Crowchild: De partout. J'ai des jeunes du Québec.
Le sénateur Christensen: Est-ce que vous pouvez les loger?
M. Crowchild: Non, comme dans toutes les autres écoles de hockey, ce sont les jeunes qui doivent s'occuper de cela. Nous leur conseillons fortement d'être accompagnés de leurs parents. C'est comme des vacances pour eux de venir à Calgary et de s'intéresser à une école de hockey pendant une semaine. Ils doivent trouver leur propre hébergement dans la ville. Nous avons un programme de jour, où on offre le petit déjeuner et le lunch, et une fois la journée terminée, les parents sont là pour s'occuper de leurs jeunes.
Lorsque nous avons commencé en 1993, je crois, nous avions eu cette idée magnifique de monter des tentes et d'accueillir 80 jeunes dans des tipis. Eh bien, cela voulait dire nous occuper des jeunes 24 heures sur 24, sept jours sur sept, qui étaient partout. L'atmosphère était merveilleuse. Nous avons demandé à des aînés de venir parler aux jeunes de nos racines autochtones. Nous avons accueilli Jarome Aginla, de même que Sandy McCarthy, Norm Maracle, Gino Odjick et d'autres.
Il y avait une autre école de hockey qui faisait à peu près la même chose à Lloydminster. Elle s'appelait la Role Models Hockey School. Je crois que c'est le chef éclaireur des Canucks de Vancouver, Ron Delorme, qui administre ce programme.
Le sénateur Christensen: Avez-vous pensé vous tourner vers le secteur privé pour obtenir du financement — des fournisseurs d'équipement, certaines équipes de la ligue nationale, entre autres?
M. Crowchild: Lorsque j'ai commencé, j'ai envoyé une lettre à tous les clubs de la LNH. Je leur ai dit que je ne demandais rien: je voulais simplement qu'ils sachent que le programme existait et ce que nous tentions de faire. Une des entreprises à laquelle je m'intéresse s'appelle Graph, elle est affichée sur notre site Web, elle donne un escompte sur les patins, comme on offre aux joueurs de la LNH. Cette entreprise est un fournisseur majeur des joueurs de hockey professionnels, elle nous a vendu beaucoup de patins au prix coûtant pour nos jeunes. Cela nous a beaucoup aidés parce qu'une année, nous avons dû leur acheter environ 120 paires. Nous avons quand même fait l'achat, mais nous n'avons payé que la moitié du prix.
J'ai frappé à toutes les portes. En 1998, j'ai eu du financement du Secrétariat à la jeunesse, dirigé par Mme Blondin- Andrew. J'ai étiré l'argent autant que j'ai pu cette année-là, et nous avons pu respecter notre budget. Si vous tenez une école de hockey, il faut acheter de la nourriture, des fournitures, que ce soit des chandails, des t-shirts, des ensembles d'entraînement ou peu importe. Il faut payer la glace, le logement et le salaire des instructeurs. Ça fait beaucoup d'argent.
Le sénateur Christensen: Les jeunes doivent-ils payer pour s'inscrire à votre école?
M. Crowchild: Pas encore.
Le sénateur Christensen: Comment une mère célibataire pourrait-elle payer ce coût?
M. Crowchild: Sur notre page Web, nous avons une option pour les mères célibataires qui ont deux enfants. Elles peuvent se renseigner sur notre programme, sur la façon dont nous pouvons lui obtenir quelque chose pour ses deux enfants, que ce soit le partage des coûts ou qu'on paie 50 p. 100. Nous offrons cette communication aux gens pour leur permettre de dire: «J'ai deux fils. Je ne peux payer que pour un.» Comme vous m'avez fait part de ce problème, peut- être allons-nous pouvoir accueillir vos deux fils pour le prix d'un.
Le programme essaie vraiment de ne refuser personne. Je n'ai jamais refusé un jeune de ma vie. Si nous avons une mère célibataire avec trois enfants, et qu'elle puisse se permettre de payer 100 $, nous allons prendre ces enfants parce que nous ne voulons pas leur dire non. Ce qu'on fait de plus important dans notre école de hockey, c'est de faire que ces gens-là se sentent importants, leur inculquer de l'espoir.
C'est ce que j'essaie d'enseigner dans les écoles où je vais prononcer des discours devant les jeunes. Oui, il y a tous les obstacles auxquels il faut faire face dans le monde du hockey — j'ai choisi le hockey parce que c'est le sport que j'ai pratiqué — mais il faut acquérir les connaissances de base qui n'ont rien à voir avec le jeu. Vous jouez au hockey deux heures par jour. Que faites-vous les 22 autres? Il y a des connaissances que je veux enseigner. Avec les instructeurs que nous engageons, nous leur donnons une idée préalable de ce sur quoi nous nous concentrons pour enseigner aux jeunes qui viennent à l'école de hockey.
Le sénateur Chaput: Si je comprends bien, vous enseignez également les connaissances de base à ces jeunes par l'intermédiaire du hockey. À votre avis, combien de jeunes réussissez-vous à joindre en une année?
M. Crowchild: En une année — écoles, écoles de hockey, conférences — je dirais près de 2 500.
Le sénateur Chaput: Dans quel groupe d'âge se situent-ils?
M. Crowchild: Je me suis entretenu avec des enfants de la maternelle, pas tellement pour leur dire: «Voici ce que vous allez faire.» J'ai des enfants moi-même et j'essaie de participer à l'éducation de mes propres fils. Lorsque je m'adresse à des enfants de la maternelle, j'amène la mascotte des Flames de Calgary, ou je leur montre une vidéo sur le hockey et je leur dis: «C'est ça le hockey. C'est ça que font les joueurs de la LNH. C'est ça que vous voulez accomplir.» Je me réfère toujours au hockey, parce que c'est la base de notre programme, mais nous y avons aussi greffé de nombreux autres domaines.
J'ai parlé avec des jeunes de la maternelle jusqu'à la 12e année, et à quelques collèges également — l'Université de Lethbridge, le Mont Royal College de Calgary, le Centre autochtone du SAIT, le Southern Alberta Institue of Technology. Même nos jeunes adultes ont ces questions auxquelles j'espère pouvoir répondre, sinon, au moins je peux les écouter.
Le sénateur Chaput: Combien de «visites» recevez-vous sur votre site Web en une année à votre avis?
M. Crowchild: Je n'ai pas cette technologie, même si je sais que certains sites Web sont conçus pour enregistrer le nombre de visites. Cependant, beaucoup de gens semblent me trouver sur cette page Web, et ils veulent m'inviter pour parler à leurs jeunes. Que ce soit une classe de 20 à 30, ou seulement un enfant, je vais prendre le temps de le faire.
Le sénateur Chaput: Vous n'avez jamais refusé un enfant?
M. Crowchild: Jamais.
Le sénateur Chaput: Est-ce que vous avez eu du succès la plupart du temps dans vos rencontres avec les jeunes?
M. Crowchild: Oui, je regarde ce que je peux faire avec ce que j'ai entrepris. Si nous avions du financement pour ouvrir plus grand nos portes, je suis certain que nous pourrions aider beaucoup plus de gens, même aider beaucoup plus les jeunes. C'est pourquoi je dois répéter que, à mon avis, le Cercle sportif autochtone offre un programme qui va dans la bonne direction pour les sports. Si je pouvais établir moi-même un réseau et m'affilier au Cercle sportif autochtone, cela élargirait le champ d'action, créerait de plus en plus de possibilités.
Au fil des ans, c'est ce que j'ai fait, même lorsque je jouais moi-même au hockey, j'ai entendu beaucoup de gens dire que c'était ce dont on avait besoin. Il y a tellement de grands joueurs de hockey, alors comment pouvons-nous les aider? Mais rien n'a jamais été fait. En quelque sorte, j'ai décidé qu'il fallait faire quelque chose. Autrement dit, même si on n'a pas l'argent, on a le rêve.
Le sénateur Chaput: Que se passe-t-il alors pour échafauder ce rêve si quelque chose vous arrive? Est-ce que vous préparez la relève?
M. Crowchild: Voilà une autre bonne question. Certains joueurs qui sont passés par chez nous ont accédé à des carrières au niveau junior. Je les ramène comme instructeurs, pour toujours leur rappeler comment je les ai aidés quand ils avaient 13 ans, alors qu'ils sont aujourd'hui de jeunes hommes de 20 ans ou plus. Au cours de ces six ou sept ans, un héritage leur a été laissé et ils doivent s'en occuper, soit dans le cadre du National Native Sports Program, soit dans le cadre d'un autre programme affilié qu'ils pourraient vouloir lancer dans leur collectivité. Au moins, ils savent comment j'ai structuré ce que j'ai fait et comment je les ai aidés. Je pense qu'en un sens, cela les a guidés dans l'aide qu'ils ont apportée à d'autres jeunes.
Le sénateur Chaput: Si je comprends bien, cette école est en Alberta?
M. Crowchild: Oui.
Le sénateur Chaput: À votre connaissance, y a-t-il des écoles semblables dans d'autres provinces?
M. Crowchild: L'an dernier, je n'ai pas tenu mon école de hockey. Nous n'avions pas le financement et j'avais des comptes en retard. J'ai parlé de la Role Models Hockey School, mais cette école a également abandonné son programme de hockey. Je ne peux pas parler au nom de ces gens-là, mais je sais qu'ils n'ont pas offert leur école de hockey parce qu'ils n'avaient pas l'argent pour le faire.
Le sénateur: Merci.
Le président suppléant: Monsieur Crowchild, depuis le début, vous insistez sur l'importance d'enseigner des compétences de base aux jeunes Autochtones. Vous avez abordé certains aspects de la question, mais pourriez-vous donner un peu plus de détails? Il ne s'agit pas simplement de leur enseigner les modes de vie autochtones. Vous avez aussi dit clairement que ces compétences servaient à faire la transition vers la société urbaine ou vice versa, pour renseigner les gens sur leurs traditions. Si vous voulez nous aider, peut-être pourriez-vous donner plus de détails sur ce dont vous avez besoin pour enseigner aux jeunes les compétences de base afin qu'ils puissent survivre et réussir?
M. Crowchild: Je sais que lorsque j'étais jeune et que je jouais au hockey, ce dont on se rendait compte comme joueur, c'était ce qu'il nous fallait faire, comment il fallait agir pour respecter certains critères, et ce qu'il nous fallait pour être au même niveau que quelqu'un qui avait une couleur de peau différente de la nôtre. Vous me posez la question. Ce dont je suis fier dans mon travail d'aide auprès des jeunes, si vous prenez le rôle que joue un sport, par exemple le hockey, c'est qu'il n'y a pas seulement certains critères à respecter, mais certaines choses par-dessus lesquelles il faut passer, compte tenu du stéréotype que vous traînez avec vous si vous êtes Autochtone. Vous devez être à l'école à 8 heures le matin. Vous devez respecter le couvre-feu à 22 heures le soir. Vous devez vous éloigner des mauvaises influences. Vous adoptez une façon de faire pour ce que vous voulez faire, c'est-à-dire jouer au hockey. Je le sais très bien, parce que j'ai déjà enfreint ces règles comme joueur. Comment est-ce que j'aide les gens à changer leur façon de voir pour qu'ils aient du succès? Est-ce de bouche à oreille? Est-ce que je leur dis ceci: «Si vous voulez jouer au hockey pour les Hitmen de Calgary dans la Ligue de hockey de l'Ouest, ils vont vouloir que vous fassiez ceci ou cela? Ils veulent que vous soyez à la maison à 20 heures lorsque le couvre-feu est imposé. Ils voudront que vous fréquentiez l'école, que vous soyez dans la collectivité. Ce sont là les compétences que ces jeunes apprennent de moi. Tout comme ce jeune garçon de 12 ans qui veut jouer Bantam AA au hockey, on va peut-être me demander ce qu'il faut faire. Je lui dis ceci: Vous devez cesser de faire la fête. Lorsque vous aurez fini votre école de hockey durant les mois d'été et que vous serez dans la réserve, vous allez assister aux pow-wows, vous allez courir après les filles, obtenir des numéros de téléphone et veiller jusqu'à 5 heures du matin. Ça, il n'en est pas question. Dans le monde du hockey, il faut aller dans un gymnase. Il faut être à la maison à une certaine heure. C'est ainsi qu'est le hockey aujourd'hui. S'il en est, je veux enseigner à ces jeunes — et peut-être que cela leur permettra d'accéder au prochain niveau pour aller dans la Ligue nationale de hockey ou quelque chose du genre — le hockey devient une entreprise. Ces gens d'affaires investissent leur argent dans vous. Quel genre de personnes êtes-vous lorsque vous n'êtes pas en train de jouer? Il s'agit d'enseigner ces compétences de base. Ce sont les compétences de base que je sais que je peux enseigner. Ce n'est pas seulement en ce qui concerne le hockey, mais pour les autres sports.
Pour revenir à la jeune fille qui a décidé de faire du basket-ball à l'Université de Calgary, elle se posait aussi ces questions. Je lui ai dit de respecter son entraînement. Ce qu'elle fait durant les mois d'été, c'est qu'elle s'entraîne et qu'elle mange bien, mais si ses amis veulent aller traîner dans un bar pendant quelques heures, peut-être dira-t-elle non. Il faut beaucoup insister pour se détacher de la mentalité qu'on trouve dans les réserves indiennes, parce qu'il y a beaucoup de grands athlètes dans tous les sports qui viennent d'une collectivité autochtone, mais qui ne savent pas comment surmonter cet obstacle, comment faire tout ce qu'il faut pour y parvenir. Si nous avions plus de programmes qui pouvaient se concentrer sur l'aide à apporter à ces jeunes, je pense qu'il y aurait plus de jeunes qui entreraient dans les sports.
Le président suppléant: D'après ce que vous dites, il faudrait que vous soyez cloné à quelques reprises. C'est dans les réserves que ce travail doit véritablement se faire? Est-ce votre avis?
M. Crowchild: En ce qui concerne les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain, leurs horizons sont beaucoup plus larges que ceux des jeunes qui vivent dans les réserves parce que là on doit composer avec le négativisme à l'égard des Blancs. Il faut faire face à leur ségrégation, même dans le système scolaire. Je dois dire ceci au nom de ma réserve: en quelque sorte, ce qui est enseigné par nos aînés, c'est que les Blancs sont mauvais. Ils nous ont mis dans des pensionnats, ils ont fait ceci ou cela. Comment dire: «Je te pardonne»? Comment dire: «Je veux réussir dans le sport»? Il faut dire: «Voilà, ça suffit, les blessures. Essayons d'aider ces jeunes Autochtones».
À mon avis, c'est un obstacle majeur. Je ne parle pas en mal contre les aînés ou contre les Autochtones en général, qui vivent dans les réserves au Canada, parce qu'en un sens, je pensais comme ça lorsque j'étais jeune moi aussi. Cependant, j'ai réfléchi: «Je veux devenir joueur de hockey. Je veux avoir du succès. Voici ce que je dois faire. Je dois adapter ma façon de penser et m'éloigner de la réserve pour avoir du succès.»
Le président suppléant: Est-ce que vous essayez d'enseigner aux jeunes à rêver?
M. Crowchild: Oui. J'ai été agent de police pendant cinq ans après avoir terminé ma carrière de joueur de hockey professionnel. Quand vous vous retrouvez dans la réserve, que vous avez des jeunes qui vous injurient parce que vous portez un insigne, que vous avez une arme à feu et que vous êtes là pour arrêter leur père, c'est vraiment frappant. Même dans nos sociétés d'aujourd'hui, dans les collectivités autochtones, bien des choses qui se passent au tiers monde et que l'on voit en Afrique ou ailleurs se passent dans notre propre cour. Je n'ai pas peur de le dire. Je ne dis pas que j'ai les réponses, mais je sais qu'il faut que ça change.
Le président suppléant: Si l'on pousse la discussion un cran plus loin et qu'on parle de la situation dans le milieu urbain, de la façon de traiter les jeunes qui vivent leurs rêves, qu'est-ce que vous recommanderiez? Nous recommanderiez-vous d'aider ces jeunes à vivre ce rêve et à acquérir ces compétences de base?
M. Crowchild: J'aimerais vraiment pouvoir vous répondre honnêtement.
Le président suppléant: Qu'en est-il de votre propre expérience?
M. Crowchild: Ma propre expérience? C'est une question à laquelle je dois réfléchir. Je sais ce que je veux dire, mais la question est de savoir comment le dire. J'ai vu tellement d'initiatives pour les jeunes qui ont été mises à l'essai et qui se sont avérées un échec. À mon avis, je sais ce que je peux faire. Il s'agit simplement d'enseigner aux autres de suivre le même chemin.
Le président suppléant: Si je puis vous interrompre, monsieur Crowchild, c'est la même réponse. Nous devrions vous cloner, parce que vous êtes un exemple de rêve vivant pour ces jeunes. Vous leur enseignez à vivre ce rêve, et vous leur enseignez la discipline pour y parvenir. C'est ce que je pense que vous êtes en train de dire. Soyez bien à l'aise de me corriger si vous avez l'impression que je ne décris pas les choses comme il se doit. Si vous deviez faire quelque chose pour aider les jeunes dans les milieux urbains, il faudrait qu'il y ait quelqu'un comme vous dans le programme que ces jeunes pourraient admirer, quelqu'un qui a l'expérience. Est-ce que c'est ce qui devrait être fait?
M. Crowchild: Oui.
Le président suppléant: C'est ce que vous êtes en train de nous dire. Vous êtes en train de nous raconter votre expérience de vie et comment vous avez réussi avec ces jeunes. Ils ont besoin de héros et vous êtes un exemple pour eux.
M. Crowchild: Oui. Je ne suis pas la crème de la crème, mais j'ai voyagé suffisamment pour savoir que lorsque je regarde en arrière dans ma vie, j'ai eu du succès. C'est dommage que beaucoup de leaders autochtones ne partagent pas cette orientation. Je souhaite toujours que plus d'athlètes jouent un rôle plus important dans ces milieux. Ce ne sont pas tous les athlètes autochtones qui viennent d'une réserve. Certains proviennent de centres urbains, même de notre nation métisse.
Avant de mourir, mon grand-père m'a dit ceci: «Warren, il ne faut jamais mépriser quelqu'un qui a de notre sang. Certaines personnes n'aiment pas les Métis, mais ils sont membres des Premières nations, comme toi. Ne sois jamais raciste dans ce type de réflexion.»
Pour utiliser l'Alberta en exemple, l'Alberta Metis Association lutte pour être partie aux Traités 6, 7 et 8 pour obtenir de l'argent et des crédits. On le voit aujourd'hui. J'ai parlé du championnat à Cornwall. Je pense que toutes les provinces y seront présentes sauf l'Alberta. Pourquoi? Parce que le hockey autochtone de l'Alberta est dirigé par un groupe de Métis et les Premières nations et les nations dirigées par le Traité 7 ne sont pas d'accord. Elles se battent pour l'argent et même sur les équipes à envoyer au championnat de Cornwall. Tout le monde doit être sur la même longueur d'onde, tout le monde doit travailler ensemble. C'est là notre problème. J'ai vu des programmes qui ont été lancés et abandonnés. J'ai vu le programme des modèles de comportement — pardonnez-moi l'expression — avec de beaux objectifs, mais qui ne les a pas atteints. Je peux dire sans risque de me tromper que c'est ce que j'ai vu, c'est ce que je fais.
Je n'arrête pas de vous dire que je n'ai pas toutes les réponses, mais si les gens veulent écouter ce que j'ai à leur dire, je vais alors m'expliquer. Vous devez réaliser que lorsque je vais dans une école et que je parle aux enfants, ils sont très motivés, ils veulent faire quelque chose. Je voudrais tellement faire beaucoup plus, mais mon programme est limité. La question n'est pas de me donner de l'argent ce soir. Ce n'est pas ce dont j'ai besoin. Peu importe ce qui résultera de notre réunion ce soir, nous allons continuer de travailler avec des gens comme les membres de votre comité pour trouver des réponses aux problèmes au Canada.
Si j'avais attendu qu'on me donne de l'argent il y 11 ans, j'attendrais encore. J'attendrais encore un chèque dans le courrier. Je ne voulais pas attendre. J'ai tout simplement poursuivi mes rêves pour ces enfants.
Le sénateur Léger: D'abord, excusez-moi d'être en retard. J'avais une autre séance de comité qui s'est terminée à 18 h 30. J'ai manqué le début de votre présentation, mais c'est la première fois que j'entends dire que les aînés ont dit, par exemple, tout le tort que «nous» avons fait. Chaque fois que j'écoute les témoins, j'entends parler de tout ce que «nous» disons. Tout à coup, mes oreilles entendent que le tort est partagé. Il faut panser les plaies des deux côtés. On dit souvent que nous sommes ceux qui pensent que les Autochtones sont paresseux et ainsi de suite, toutes ces choses que je ne veux pas dire. Moi je répète, renseignons-nous mutuellement. Enseignons l'histoire dans les écoles. Nous devons mieux nous connaître. Ce soir, j'ai entendu pour la première fois comment c'est la même chose de l'autre côté. Nous sommes des êtres humains, nous sommes tous les mêmes. Je l'ai apprécié.
M. Crowchild: Merci. Je n'étais pas en retard. Si j'ai appris quelque chose du hockey, c'est la ponctualité. Je suis toujours une heure à l'avance.
Pour reprendre ce que vous avez dit, j'ai entendu de ma propre famille, même de mon père qui a 73 ans, qui est allé dans les pensionnats, ma mère aussi, dire: «Oui, nous pouvons être fâchés. Nous pouvons blâmer les autres. On peut rappeler la crise d'Oka dans les années 90, rappeler Wounded Knee et ce qui est survenu à nos peuples autochtones lors du dernier siège de Custer. Peu importe. Mais il est temps de passer l'éponge.»
L'an dernier, j'ai été pressenti par un comité de pensionnat à l'extérieur d'Ottawa, que l'on appelle l'Aboriginal Foundation ou quelque chose du genre. Ce comité établit des programmes pour régler les problèmes du pensionnat. Ils m'ont pressenti pour donner un atelier dans le sud de l'Alberta sur la façon d'obtenir du financement pour lancer des programmes pour commencer à panser les plaies. J'ai poliment apporté toute l'aide que j'ai pu. Certains de nos aînés se sont impliqués dans notre collectivité.
Je dois respecter le fait qu'ils ont vécu cette expérience mais pas moi. Peut-être que lorsque je suis arrivé de la réserve pour poursuivre mes études dans un milieu urbain, cela m'a aidé plus que cela n'est en train d'aider notre système scolaire de Premières nations au Canada.
Lorsque nous avons ouvert nos écoles dans la bande indienne de Sarcee, dans la nation Tsuu T'ina d'où je viens, les jeunes de la ville sont venus s'inscrire dans les écoles de la réserve. En un an, je dirais que 60 p. 100 sont retournés dans les écoles de la ville parce qu'ils n'obtenaient pas l'éducation voulue. En neuvième année, ils apprenaient ce qu'on apprend au niveau de la sixième. Pourquoi voudraient-ils apprendre dans une école indienne quand ils peuvent fréquenter une école blanche et apprendre ce qu'ils ont à apprendre?
Le sénateur Léger: Vous avez parlé des pensionnats. Toutes les personnes qui ont vécu cette expérience en sont sorties blessées et fragilisées. Y en a-t-il qui ne l'ont pas été?
M. Crowchild: Actuellement, j'en suis une preuve vivante. Mon père a appris dans les pensionnats à acquérir les compétences de base qu'il n'a pas acquises dans la réserve. Cela a permis à huit d'entre nous, moi-même et mes frères et soeurs, de terminer nos études secondaires. Nous avons eu une réunion de famille avant Noël. Mon père a dit qu'on parle beaucoup du tort causé par les pensionnats, mais jamais de ce qu'on en a tiré.
Le sénateur Léger: Il en est donc ressorti quelque chose, alors?
M. Crowchild: Oui, il y a eu du bon et du mauvais. Mon père a eu la chance de ne pas être dans la deuxième catégorie. Je suis probablement ici la preuve vivante que l'on peut tirer quelque chose des pensionnats. Je ne ferme pas les yeux en disant qu'il n'y a pas eu de torts, parce qu'il y en a eu, mais nous avons guéri. Nous devons guérir pour aider ces jeunes. Dans 60 ans, je ne serai probablement pas ici. Je serai six pieds sous terre. Nous devons commencer à laisser un héritage maintenant. C'est ce que je pense avoir fait en 1992 et que je vais continuer de faire. Je ne fermerai jamais la porte et je ne dirai jamais à personne que je ne veux pas l'entendre.
J'ai de la chance que vous m'ayez invité à venir ici ce soir. Ça n'a pas été facile, mais je suis là. Dans mon coeur, je suis content d'être ici. Après 11 ans, quelqu'un reconnaît le National Native Sports Program comme un endroit où on peut demander des conseils et peut-être trouver des solutions aux problèmes que nous avons.
Le sénateur Christensen: Nos témoins ont beaucoup parlé des pensionnats. Les enjeux culturels et le racisme mis à part, il y a eu perte dans l'apprentissage des compétences d'éducation des enfants pour les gens qui ont fréquenté ces écoles. C'est une des raisons pour lesquelles tant de jeunes ont des problèmes; leurs parents ont perdu cette compétence à l'école.
Vous dites que vos deux parents ont fréquenté les pensionnats. Ils ont eu huit enfants. Vous me paraissez un enfant bien éduqué.
Est-ce qu'ils en ont déjà parlé? Est-ce qu'ils avaient l'impression peut-être de ne pas avoir acquis ces compétences? Pourriez-vous nous donner des détails?
M. Crowchild: Ma mère est une Blackfoot d'hérédité pure de la Nation siksika en Alberta. Mon père est un mélange de Cri, de Sioux et de Sarcee, Tsuu T'ina. On dit Tsuu T'ina, mais pour moi c'est Sarcee. Dans notre culture, nous n'utilisons pas le foin d'odeur, nous ne prions pas le Grand Esprit. Le Grand Esprit pourrait être le mal. Quand je prie, je prie le Saint-Esprit. Nous sommes devenus des adeptes de l'Église anglicane et c'est ce qu'on a appris en tant que jeunes adultes.
Je ne dis pas que notre famille est un modèle à suivre, mais nous avons tous obtenu notre diplôme d'études. Mon frère a obtenu sa maîtrise de la Washington State University en éducation physique. C'est de lui que j'ai trouvé l'inspiration nécessaire pour m'adonner aux sports. Il a été récipiendaire de la bourse Tom Longboat en 1979. Il a aussi fait le triathlon Ironman à deux reprises. Ce sont là des choses qui parlent et que nous suivons dans notre famille. Notre famille parle de choses comme celles-là. On peut s'asseoir chez mon père le soir et en parler. Il n'y a pas beaucoup de familles autochtones qui peuvent le faire, s'il y en a.
Je dois être honnête ici. Maintenant que vous avez soulevé la question, peut-être que les succès dont s'inspire mon programme m'empêchent d'obtenir du financement dans ma propre collectivité, parce que les gens fuient ceux qui réussissent et préfèrent garder leurs rejetons dans l'infériorité. Parfois, je dois mettre mon poing sur la table et dire: «C'est moi qui vais être le chef ici parce que ma réserve serait plus autonome.» Nous avons le plus gros problème à Calgary actuellement parce que nous n'avons pas de chemin d'accès. Nous essayons de survivre malgré les coupes dans le financement, l'éducation, la santé, peu importe. Lorsque je dois amener mon fils à l'hôpital, je dois payer les ordonnances. C'est une coupe. Il s'agissait de droits ancestraux qui avaient été accordés à nos Premières nations.
Mais comment pouvons-nous aider? Je frappe continuellement à la porte du chef et du conseil pour que ce changement économique se réalise. Comment allons-nous survivre en tant que réserve et Première nation? Prenez sur vous de créer des possibilités de développement économique. Le plus gros problème à Calgary actuellement, c'est que nous n'avons pas de route d'accès pour le corridor sud-ouest de la ville au nord. La limite s'arrête tout juste à la réserve. J'ai dit: «Utilisons mon frère et faisons de l'imagerie sur ordinateur pour montrer la route à nos gens et laissons-les prendre la décision.» Il y a trop d'enjeux cachés. Peut-être que mes succès et la raison pour laquelle j'ai lancé mon programme il y a 11 ans sont la cause de mon rejet par les miens, et pourquoi ils disent: «On ne peut pas donner de l'argent à Warren. Il s'imagine tout savoir.» Je pense que c'est la façon dont ils me perçoivent.
Le président suppléant: Y a-t-il d'autres questions? Sinon, je vous remercie beaucoup, monsieur Crowchild. Ce que vous aviez à nous dire ce soir a été très apprécié.
Est-ce que votre réserve est dans le nord-est ou le sud-ouest?
M. Crowchild: Dans le sud-ouest.
Le président suppléant: C'est ce que je pensais. J'y suis déjà allé.
M. Crowchild: Juste à côté de la ville.
Le président suppléant: Nous devons continuer encore un peu. Nous pouvons toutefois nous ajourner pour les caméras de télévision. C'est simplement une question d'affaires courantes.
Nous avons une nouvelle vice-présidente du comité, et il nous faut adopter une motion à cet effet, si vous êtes d'accord. Le sénateur Janis Johnson a accepté, en date du 3 mars, d'être notre vice-présidente. D'accord?
Des voix: D'accord.
Le président suppléant: Adopté.
Les comités ont beaucoup voyagé ces derniers temps, alors, comme d'habitude, de notre côté de la Chambre, on manque d'argent pour les déplacements. Cependant, je crois savoir que du 17 au 21 mars, le comité se rendra à Winnipeg, Vancouver et Edmonton. Ça va pour deux de ces endroits, c'est-à-dire que nous aurons Winnipeg et Vancouver, mais nous aurons probablement un problème à Edmonton parce que personne n'a besoin d'aller là. Il nous faut un quorum de quatre, il nous faut quelqu'un de l'autre côté pour avoir ce quorum. Il est important que nous ayons quorum, et nous ne l'aurons peut-être pas. C'est ce qui me préoccupe. J'espère que vous serez tous là, et c'est facile pour moi de le dire.
Le comité est saisi de la motion suivante:
Que les restrictions concernant la tenue des réunions en vue de recevoir et d'imprimer les preuves sans quorum, tel qu'il est précisé dans la décision du comité en date du 30 octobre 2002, soient suspendues du 17 au 21 mars 2003 inclusivement.
Cela nous permet de siéger sans avoir le quorum, ce qui veut dire avec moins de quatre membres. Quelqu'un veut-il intervenir?
Le sénateur Christensen: Pouvons-nous faire cela?
Le président suppléant: Oui, nous pouvons. Nous ne pouvons tout simplement pas prendre le vote.
Le sénateur Christensen: J'appuie la motion alors.
Le président suppléant: D'accord?
Des voix: D'accord.
Le président suppléant: Motion adoptée.
La séance est levée.