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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 22 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 2 octobre 2003

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel est renvoyé le projet de loi C-6, Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, ce matin, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-6 et de toutes conséquences que pourrait avoir la décision de la Cour suprême dans l'affaire R. c. Powley.

Je tiens à rappeler aux sénateurs les conditions de la motion adoptée par le Sénat. Le projet de loi, tel que modifié, n'est pas soumis à une troisième lecture; plutôt, il est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, dont la tâche consistera à étudier l'impact de la décision récente de la Cour suprême qui reconnaît le peuple métis en tant que nation autochtone distincte sur le projet de loi. C'est cette question, et uniquement cette question, qui nous est confiée.

Je vous remercie d'être venu à si bref préavis, monsieur Schwartz.

M. Bryan Schwartz, conseiller spécial, Assemblée des Premières nations: Madame la présidente, j'aimerais formuler quelques observations préliminaires.

Cela ne surprendra personne de savoir que l'Assemblée des Premières nations se soucie de la substance du projet de loi C-6 et est en désaccord avec la démarche du Sénat jusqu'à maintenant. Néanmoins, je vous remercie encore une fois de nous donner l'occasion de discuter avec vous. Notre point de vue sur le fond fait bien l'objet de désaccords très nets, mais nous avons toujours eu droit ici à des audiences marquées par la courtoisie, ce qui n'est pas toujours le cas dans les dossiers de cette nature.

L'arrêt R. c. Powley est un élément d'au moins trois décisions importantes de la Cour suprême qui s'appliquent aux décisions qui vous reviennent en rapport avec ce projet de loi. L'affaire Blais et l'affaire Lovelace sont les deux autres causes dont je parle. Une fois mon exposé terminé, je serai heureux de discuter avec vous de ces deux affaires. Cela se comprend, le comité a toujours hâte de franchir l'étape de la déclaration préparée d'avance pour passer aux questions le plus rapidement possible.

Madame la présidente, j'apprécie et je respecte les observations préliminaires que vous avez formulées — quand vous avez dit qu'il s'agit non pas de rouvrir le débat entier, mais plutôt de se limiter à l'affaire Powley. Pour que vous puissiez saisir le point de vue de l'APN sur la place de l'arrêt Powley dans tout cela, je vais faire quelques observations à propos du projet de loi. Avec votre permission, madame la présidente, je lirai pour le compte rendu une courte lettre du chef national. Permettez-moi de vous rassurer sur un point: je sais que nous sommes là surtout pour discuter de l'arrêt Powley.

Le sénateur Harb: Cette lettre aurait été distribuée aux membres du comité. Puis-je proposer qu'elle soit réputée lue pour le compte rendu, ce qui permettra à notre témoin de parler plus longuement du contenu de la lettre ou d'autres questions.

Le sénateur Stratton: J'aimerais entendre l'exposé.

La présidente: Il est très important que la lettre soit lue aux fins du compte rendu, car elle vient du chef national.

M. Schwartz: Merci. Une fois la déclaration du chef national lue, je serai heureux de faire de mon mieux pour répondre aux questions précises que vous poserez.

Je tiens à souligner d'abord que, malgré l'impression d'omniscience qu'essaient de dégager, en particulier les universitaires, il s'agit de questions complexes et de décisions récentes. Je ferai de mon mieux pour répondre aux questions, mais je ne sais pas si j'aurai toutes les précisions voulues à ma disposition.

La lettre se lit comme suit:

Madame le sénateur, mesdames, messieurs, membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones,

L'APN est invitée aujourd'hui à commenter les répercussions possibles de l'arrêt Powley sur le projet de loi C- 6. Par contre, quelques remarques préliminaires s'imposent. Avant de commenter l'arrêt, il faut préciser le contexte où il s'inscrit — les questions globales entourant le projet de loi.

Depuis plusieurs années, l'APN et des responsables fédéraux font partie d'un groupe de travail mixte chargé d'envisager ce qu'il faudrait exiger d'un organisme de règlement des revendications particulières qui se veut efficace. Fort d'un esprit de partenariat sans précédent, le groupe de travail mixte a produit un modèle de système viable et efficace. L'exercice aurait dû servir d'exemple à suivre en fait de coopération à l'élaboration de politiques.

Le gouvernement fédéral, quant à lui, a rejeté le modèle proposé par le groupe de travail mixte et a mis fin à la consultation. Il a produit un projet de loi qui maintient, plutôt qu'il ne règle, les problèmes connus par le passé, notamment l'atermoiement et le conflit d'intérêts de la part du gouvernement fédéral.

L'APN a lancé des appels répétés en faveur d'une reprise des discussions directes Canada-APN, pour que nous ayons un projet de loi qui est vraiment équitable et efficace. Jusqu'à maintenant, cela ne s'est pas fait.

Il n'est pas trop tard. Malgré tout ce qui s'est produit, si le gouvernement fédéral souhaite revenir à un dialogue constructif qui est respectueux des deux parties et qui est axé sur les résultats, il constatera la bonne volonté de l'APN en tant que partenaire.

Non seulement le projet de loi est mal avisé du point de vue de la politique gouvernementale, mais, en plus, il est incompatible avec les principes de justice naturelle, dont la nécessité pour un organisme d'arbitrage d'être vraiment indépendant. Le titulaire d'une obligation fiduciaire doit non seulement éviter les conflits d'intérêts, mais aussi régler dans un délai raisonnable les cas où il y a manquement aux obligations envers les Premières nations, sans exclure arbitrairement des catégories entières de demandeurs des Premières nations, par exemple ceux à qui on a promis unilatéralement des réserves sans jamais respecter cette promesse.

Sauf tout le respect que je vous dois, disons que le Comité sénatorial des peuples autochtones ne reconnaît pas adéquatement ces questions ni ne les règle. Sur certains points, il semble encore y avoir des malentendus très fondamentaux.

Il y a plus d'un an, l'APN a déposé publiquement une analyse juridique détaillée du projet de loi. Les préoccupations qu'elle a formulées à ce moment-là demeurent. Elles reposent sur une jurisprudence tout aussi importante que celle de Powley. Il serait malheureux que les Premières nations découvrent que seuls les tribunaux sont aptes à réagir de manière constructive aux préoccupations ainsi formulées. Le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles devrait avoir toute la latitude voulue pour étudier les questions soulevées et envisager un règlement constructif. Si le ministère de la Justice conçoit des mesures «techniques» qui s'appliquent à la situation, il faut que celles-ci soient dûment notées et rendues publiques, pour que les gens puissent les examiner et les commenter.

Les modifications apportées par le Sénat jusqu'à maintenant ne sont pas adéquates. L'APN n'a jamais eu l'occasion de les commenter devant un comité sénatorial.

Une modification en particulier permet à des demandeurs individuels de suggérer les membres de la Commission, mais c'est le ministre qui a toujours le pouvoir de les nommer.

Aucun rôle législatif n'est attribué à l'APN, organisme national auquel est délégué le pouvoir qu'ont les Premières nations de coordonner les suggestions et d'agir en partenariat avec le gouvernement fédéral pour s'assurer que seules des personnes qualifiées et impartiales sont nommées.

La modification aurait pour effet de faire passer de 3 à 10 millions de dollars le maximum applicable aux revendications individuelles. C'est une modification qui est bonne, mais qui est par trop modeste. La plupart des revendications, toutes les prévisions indépendantes et dignes de foi le montrent, ne seraient pas admissibles.

Une autre modification encore touche à un aspect extrêmement limité de la question du conflit d'intérêts. L'emprise fédérale sur les nominations et le renouvellement du mandat des personnes nommées demeure, tout comme l'accès privilégié aux fonctionnaires fédéraux, mais non pas aux membres des institutions des Premières nations, aux postes qu'offrent ces nouveaux organismes.

Une autre modification permet aux revendicateurs qui se trouvent devant la commission de s'adresser au tribunal, pour demander une citation à comparaître. Or, cette mesure ne convient pas comme substitut d'un droit qu'on enlève aux revendicateurs, soit d'obtenir que la commission procède à une enquête publique sur une revendication, avec le rapport public que cela suppose par la suite. C'est une minorité qui pourra accéder enfin au tribunal. Ceux dont la revendication est supérieure à la limite établie ne disposeront d'aucun moyen efficace pour faire pression sur un gouvernement fédéral qui, déraisonnablement, emploie des tactiques dilatoires ou oppose son refus à une revendication.

Le gouvernement fédéral peut encore se réunir avec l'APN, rétablir l'esprit de partenariat et travailler avec elle pour produire un projet de loi sur le règlement des revendications particulières qui sera à l'avantage de tous les Canadiens. Une action rapide pour régler les revendications particulières sera favorable au développement économique et social des Premières nations et des collectivités avoisinantes. Cela aura pour effet d'éliminer un obstacle qui nuit depuis longtemps à la réconciliation et de modifier la relation entre les Premières nations et le gouvernement fédéral pour que ce soit l'idée de bâtir ensemble l'avenir, plutôt que le règlement des torts causés par le passé, qui occupent l'avant-scène. Si le gouvernement fédéral décide plutôt d'agir unilatéralement et d'imposer un projet de loi fondamentalement injuste, les Premières nations n'auront d'autre choix que d'envisager et d'appliquer avec vigueur les recours juridiques et politiques à leur disposition.

L'APN a été appelée à venir commenter l'arrêt Powley moyennant un préavis très court. Ne laissons planer aucun doute sur certains principes fondamentaux.

Premièrement, l'APN préconise le règlement raisonnable et équitable des revendications fondées de tous les peuples autochtones, y compris les Inuits et les Métis.

Deuxièmement, l'APN admet le principe du pluralisme parmi les Premières nations et parmi les peuples mentionnés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Selon le principe de l'égalité, il n'est pas nécessaire, ni est-il même permis, dans certains cas, de traiter de manière identique des groupes différents. Il faut tenir compte de façon appropriée de leur histoire, de leurs droits, de leurs intérêts et de leurs choix politiques distinctifs.

Pour aborder maintenant les aspects particuliers de l'affaire, il importe de reconnaître que l'arrêt Powley ne constitue pas l'unique décision pertinente de la part de la Cour suprême du Canada. Dans l'affaire Blais, la Cour suprême du Canada a déterminé que les Métis ne sont pas des Indiens aux fins de la Loi constitutionnelle de 1930. Il semble que les motifs évoqués par le tribunal s'appliqueraient certainement aussi à la question de savoir si les Métis sont des «Indiens» aux fins du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Le tribunal a reconnu, autrement dit, que les Premières nations et les Métis ont, du moins pour quelques fins importantes, une histoire et une situation constitutionnelles qui ne sont pas les mêmes.

Dans l'arrêt Lovelace, la Cour suprême du Canada reconnaît que la situation juridique et sociale distinctive des Premières nations est telle que le gouvernement peut concevoir des programmes de concert avec les Premières nations et qui visent uniquement les Premières nations, sans forcément inclure les Métis. Cela ne peut d'aucune façon vouloir dire que les Métis n'ont pas le titre ancestral, ni que les gouvernements (songeons par exemple à la Loi sur le Manitoba et aux lois albertaines sur les établissements métis) ont conçu des programmes distinctifs en fonction des droits des Métis.

Là où il est question de régler des revendications particulières, il est raisonnable et convenable que le gouvernement fédéral et l'APN conçoivent, en particulier, et dirigent, en collaboration, un système qui tient compte des revendications des Premières nations.

Depuis plus d'un siècle, la Loi sur les Indiens fonctionne de manière à conférer au gouvernement fédéral une grande emprise sur les terres et les biens des Premières nations. Or, c'est cette loi, la Loi sur les Indiens, qui est à l'origine de nombreuses revendications particulières. La Loi sur les Indiens, comme le fait remarquer la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Blais, faisait clairement la distinction entre «Indiens» et Métis:

L'APN reconnaît que les organisations métisses ont déjà déposé des revendications fondées sur l'histoire et les droits constitutionnels distinctifs qui sont les leurs. L'APN préconise un règlement équitable et rapide des questions en jeu de la part des administrations provinciales. Il y aurait peut-être même un rôle que le gouvernement fédéral pourrait jouer à cet égard.

Tout de même, comme les revendications particulières des Premières nations font depuis longtemps l'objet d'un déni de justice, les Premières nations ne sauraient attendre pendant qu'un nouveau processus de consultation se déroule. Les efforts faits depuis des décennies n'ayant pas abouti à un consensus, les discussions bilatérales entre l'APN et les responsables fédéraux ont débouché sur le modèle du groupe de travail mixte; or, il y a déjà longtemps qu'un système équitable fondé sur ce modèle devrait être instauré.

Une des difficultés du projet de loi, c'est qu'il vise à empêcher l'APN d'exercer une fonction qui lui est entièrement reconnue au groupe de travail mixte — coordonner et faire valoir l'opinion des Premières nations sur les nominations et en rapport avec un examen triennal du nouveau système. Rares sont les organisations qui ont un fonctionnement démocratique comparable à celui de l'APN. Le chef national doit obtenir un mandat d'au moins 60 p. 100 des chefs, représentant la très grande majorité des Premières nations. Aucune organisation n'est mieux placée pour consulter les revendicateurs confirmés et potentiels et pour s'entretenir avec eux. Sa position sur le projet de loi C-6 est appuyée par les Premières nations régionales et particulières, partout au Canada. Il n'y a pas de schisme entre la base et les dirigeants.

Partout au Canada, les Premières nations n'accepteront pas quelque tentative que puisse déployer le gouvernement fédéral pour exclure l'APN d'une participation entière à la création ou au fonctionnement d'un système vraiment équitable et efficace, sous prétexte que le Canada a d'autres peuples autochtones, à part les Premières nations. Le gouvernement fédéral devrait être prêt à appliquer des processus stratégiques distincts à chacune des Premières nations autochtones et, au moment et à l'endroit qui conviennent, avec les représentants légitimes des Métis.

Le gouvernement fédéral accorde encore un financement insuffisant au règlement des revendications particulières. L'arriéré s'accroît. Des dettes où il est question de l'honneur de la Couronne et d'obligations légales reconnues demeurent impayées. Les collectivités continuent de souffrir. Le gouvernement fédéral doit s'engager à mieux faire pour respecter ses obligations. L'APN ne saurait accepter de modèle fédéral où les revendications des Métis sont ajoutées à celles des Premières nations autochtones en fonction d'un budget qui demeure le même ou qui s'amenuise même.

Pour ce qui est des revendications des Métis, les autorités fédérales et provinciales doivent fournir tous les fonds supplémentaires nécessaires, à même leurs propres ressources, plutôt que de priver les Premières nations ou de leur opposer un refus.

Notons, soit dit en passant, que l'affaire Powley concernait une revendication touchant à un site précis. La revendication des Métis dans cette affaire particulière ne s'inscrirait pas dans le mandat d'un organisme de règlements des revendications particulières fondé sur le modèle du groupe de travail mixte ou sur le projet de loi C-6. Les autorités fédérales ont insisté là-dessus: ni l'un ni l'autre des modèles n'autorise des revendications fondées sur les droits ancestraux ou le titre ancestral.

Soulignons aussi que le gouvernement fédéral a insisté pour limiter la portée des revendications particulières par d'autres moyens, par exemple en excluant celles qui ont moins de 15 ans, de manière à mieux canaliser l'effort fédéral. Il existe sans doute, en rapport avec les Métis, des questions difficiles, complexes et distinctives qui pourraient, qui devraient faire l'objet d'un autre dialogue et d'un autre système.

Dans l'intervalle, l'APN espère et s'attend que le gouvernement fédéral reprenne les choses au point où les avait laissées le groupe de travail mixte et rétablisse une action raisonnée et un dialogue en vue de la création d'un processus équitable, efficace, indépendant et accessible en ce qui concerne le règlement des revendications particulières.

La présidente: Merci, monsieur Schwartz.

Je rappelle aux sénateurs et aux témoins les conditions de la motion adoptée par le Sénat: le comité a pour mandat d'examiner le projet de loi seulement pour savoir quel serait l'impact de la décision récente de la Cour suprême reconnaissant le peuple métis comme une nation autochtone distincte sur le projet de loi.

En ce moment, c'est la seule question à avoir été confiée au comité. Monsieur Jones, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Roger Jones, conseiller juridique, Assemblée des Premières nations: Pas pour l'instant, madame la présidente.

Le sénateur Stratton: Le gouvernement ne cesse de dire que l'affaire Powley porte sur des droits. Les revendications particulières ne portent pas sur des droits, ajoute-t-il, et il conclut que l'affaire Powley n'a aucun impact sur le projet de loi.

Le gouvernement semble oublier que l'arrêt Powley est le premier de plusieurs éléments qui viennent définir la place des peuples métis au Canada, de même que l'affaire Guerin a été le premier élément dans le cas des Indiens, suivi des arrêts Sparrow, Delgamuukw et de nombreux autres.

L'arrêt Powley permet de déduire l'existence du droit de réclamer les terres et assises communautaires perdues du fait des irrégularités, de la négligence, des omissions et des erreurs de la part du gouvernement. Certaines collectivités ne peuvent se prévaloir des droits dont il est question dans Powley à moins d'obtenir justice en rapport avec les terres revendiquées, de manière à répondre aux critères énoncés dans Powley.

Je parle ici du sénateur St. Germain en particulier, de l'histoire de sa famille, sur les berges de la rivière Assiniboine, à l'ouest de Winnipeg.

Durant les années 1880, tous les membres de la bande de Sandy Bay, au Manitoba, ont accepté un certificat de Métis, à la suite de coups fourrés et de promesses creuses faites par des agents du gouvernement; essentiellement, ils sont ainsi devenus métis. Dix ans plus tard, ils ont pu convaincre les autorités qu'ils avaient été les victimes d'un coup monté, et ont été réadmis au traité; aujourd'hui, on en trouve près de 5 000 sur les berges du lac Manitoba.

Aujourd'hui, on peut concevoir que, s'inspirant de Powley, de nombreuses communautés métisses qui relevaient de la Loi sur les Indiens fassent valoir que le fait de les exclure du processus de règlement des revendications particulières et du processus prévu dans le projet de loi serait discriminatoire.

À Cumberland House, en Saskatchewan, un grand nombre de Premières nations ont accepté un certificat, mais ils n'avaient nulle part où aller, de sorte qu'ils sont demeurés à l'intérieur d'une réserve. Des années plus tard, le gouvernement s'est emparé de la terre où ils habitaient et l'a remise à la communauté métisse. De ce fait, des questions touchant les droits acquis subsistent maintenant. La question posée par le sénateur St. Germain concerne les deux exemples historiques en question.

Est-ce qu'il y aura un impact sur les revendications, du fait de l'établissement, sur le plan historique, de terres ou de communautés métisses? Êtes-vous d'accord avec cela ou croyez-vous qu'il s'agit d'une question distincte? Je crois qu'il y a un lien entre les deux.

M. Schwartz: Je ne saurais donner une réponse exhaustive ou complète à votre question. C'est une question importante qui comporte des aspects techniques. Il y a une définition des Premières nations qui se trouve à l'article 2 du projet de loi. Cela peut comprendre les gens qui, par le passé, ont été reconnus comme membres d'une Première nation. Je ne peux vous donner une réponse qui fait autorité, à savoir si certaines des situations particulières que vous évoquez correspondent à cette définition. Il faudrait que je prenne le temps d'envisager et d'étudier la question.

Est-ce qu'un groupe qui devrait à proprement parler être considéré comme une Première nation, mais qui en a été privé en raison d'une manipulation des pouvoirs publics, devrait pouvoir accéder au système? Il me semble que, sans vouloir donner un point de vue qui fait autorité sur ce qui est une nation autochtone, la réponse serait «oui». Aucune Première nation ne devrait se voir refuser arbitrairement l'accès à ce système.

Une des plaintes que nous formulons, c'est que certaines Premières nations, en application du projet de loi C-6, se voient refuser arbitrairement l'accès au système sous d'autres aspects. Par exemple, certains groupes se sont fait promettre unilatéralement des terres, sans jamais les recevoir.

Est-ce qu'une Première nation qui a été injustement classée parmi les Métis devrait pouvoir accéder au système? Encore une fois, sans avoir réglé la question à l'APN, je dirais, au départ, que cela me semble raisonnable et équitable. Personne ne devrait, du fait d'une manipulation passée, se voir refuser l'accès à une telle revendication, en tant que Première nation légitime.

Globalement, la question se pose comme suit: les Métis devraient-ils pouvoir présenter des revendications dans le cadre de cette formule? À notre avis, les Métis, encore une fois, ont le titre autochtone en l'application de l'article 35. Les revendications fondées qu'ils présentent en tant que Métis devraient être reconnues et réglées. Par contre, ce serait là l'objet approprié d'un autre dialogue, d'un autre processus et d'un autre système.

L'APN a travaillé très dur avec le gouvernement fédéral, et il a été extrêmement difficile de mettre au point un système qui rend compte de tous les aspects complexes des Premières nations.

Les questions touchant les Métis se rapportent aussi à des aspects complexes qui sont propres aux Métis. La relation entre le gouvernement fédéral et les Métis semble être différente de celle qui existe entre le gouvernement fédéral et les Premières nations.

Il serait présomptueux de notre part d'affirmer que nous pouvons comprendre toutes les questions complexes dont il s'agit et parler à cet égard au nom des Métis. Pour cela, il faut s'adresser idéalement aux représentants légitimes des Métis.

Nous souhaitons que le processus bilatéral ayant conduit au groupe de travail mixte serve d'assise à un organisme de règlement des revendications particulières des Premières nations; certes, un modèle qui tient compte de la situation tout à fait distinctive des Métis et de la situation politique et juridique qui leur est propre ne nous pose aucune difficulté.

Le sénateur Stratton: Mon problème, c'est que, malgré ce sur quoi nous insistons ici, il y aura de toute manière des contestations devant les tribunaux. Croyez-vous que cela pourrait mener à des contestations judiciaires de la part des Métis?

M. Schwartz: Est-ce que l'établissement d'un dialogue politique et d'un système distincts pour les Métis, à part ce qui est prévu pour l'Assemblée des Premières nations, irait à l'encontre de principes constitutionnels? Non, je ne crois pas que cela aille à l'encontre des principes constitutionnels. Je fonde mon argument sur l'affaire Lovelace.

Dans l'affaire Lovelace, il s'agissait de savoir si une province pouvait engager un dialogue politique avec les Premières nations, créer un régime juridique concernant le jeu et le partage des recettes, et établir une voie et un processus distincts en rapport avec ce que la Cour suprême du Canada appelle les Autochtones non membres d'une bande.

La cour suprême du Canada a affirmé que l'existence d'une voie et d'un dialogue distincts est acceptable et compatible avec la Charte, et avec l'article 15. Le tribunal affirme que la situation en cause comporte des caractéristiques distinctives. Ils avaient un rôle juridique distinctif. La terre était un élément fondamental de leur existence. Ils avaient leur propre situation juridique, et un dialogue établi avec eux avait conduit à l'accord contesté. C'était donc acceptable, selon la Cour suprême du Canada, d'avoir une voie, un processus et un résultat pour les Premières nations. Il pouvait y avoir des voies et des résultats qui ne seraient pas les mêmes dans le cas des Métis.

Est-ce qu'il pourrait y avoir des complications en ce qui concerne les Métis? Les deux groupes se sont toujours chevauchés. La Loi sur les Indiens a dit à certaines personnes: «Choisissez. Vous pouvez choisir d'accepter un certificat et d'être considérés comme Métis ou vous pouvez choisir d'être membres d'une Première nation.»

Sénateur, vous dites que je ne connais pas bien tous les aspects précis des affaires en question, mais, cela ne fait aucun doute, il y a eu des cas où ce choix n'a pas été fait d'une manière qui était librement consentie. Il y a peut-être des cas où certaines Premières nations n'ont plus droit au système parce qu'on les a privées injustement de leur statut en tant que Première nation. Cela créerait des difficultés juridiques.

Nous croyons que le projet de loi comporte, à d'autres égards, des éléments d'exclusion des Premières nations qui donneraient probablement lieu à des contestations judiciaires. Il y a les Premières nations de la Colombie-Britannique et du Québec qui n'ont pas du tout accès à ce système, non seulement le tribunal, mais aussi la commission. Le chef national a affirmé que la situation pourrait donner lieu à des contestations judiciaires, que ce serait probablement le cas.

Exclure injustement une Première nation du projet de loi peut être une invitation à la contestation judiciaire; c'est probablement ce qui va se passer.

Ce que nous souhaitons faire valoir, c'est qu'il conviendrait qu'il y a ait des dialogues distincts et des systèmes distincts pour les Métis et les Autochtones.

[Français]

Le sénateur Gill: J'aimerais tout d'abord commencer avec un bref commentaire. Le mandat du présent comité fut répété à deux reprises. La résolution adoptée en Chambre du Sénat précise que ce comité est mandaté de discuter de la question des Métis et uniquement des Métis. Cette question est importante. Toutefois, la discussion que nous avons eue jusqu'à présent, depuis quelques mois, et notre leader en Chambre nous l'a rappelé, porte sur le projet de loi C-6 et son impact sur les Premières nations. Étant donné l'impact de ce projet de loi sur les Métis et sur les Premières nations, nous ne devons pas limiter la discussion uniquement aux Métis.

La plupart des témoins qui ont comparus devant ce comité, Autochtones, non Autochtones et de l'Assemblée des Premières nations, ont indiqué que ce projet de loi devrait être aboli, ou qu'il devrait, au minimum, faire l'objet d'amendements majeurs.

À titre d'exemple, on a établi un plafond financier pour le règlement des revendications. Toutefois, aucune limite de temps n'a été précisée afin de permettre au ministre d'accuser réception, de donner une réponse ou mettre un terme à la question.

Il existe toujours quelques points de ce genre à résoudre. Autre exemple, la question de l'indépendance du tribunal, l'indépendance des juges par rapport au ministre des Affaires indiennes et par rapport au gouvernement fédéral demeure.

J'aimerais que vous nous fassiez part de vos commentaires sur ces points. L'étude de ce projet de loi C-6 doit-elle se poursuivre?

Le chef des Première nations, dans la lettre que vous nous avez citée, lance à nouveau un appel à la réconciliation. Le chef des Premières nations est d'ailleurs reconnu pour son désir de rapprocher les gens. Il semble que d'autres chefs partagent ce désir de réconciliation, mais sous certaines conditions. Ces chefs des Premières nations sont élus démocratiquement au même titre que les leaders non autochtones. Sur le plan démocratique, les Autochtones n'ont d'ailleurs aucune leçon à recevoir.

En ce qui concerne ce projet de loi, partagez-vous cette optique? Le projet de loi devrait-il se poursuivre et être adopté par le Sénat?

[Traduction]

M. Schwartz: La position consensuelle de l'APN — à propos de laquelle il n'y a eu aucune dissension interne, et qui représente les points de vue de toutes les organisations régionales et qui représente les points de vue de tous les éléments de la base —, c'est que le projet de loi, sous sa forme actuelle, est inacceptable. Cela demeure la position de l'Assemblée des Premières nations; et c'est la position du chef national.

L'Assemblée des Premières nations souhaite un dénouement constructif. L'Assemblée des Premières nations était d'avis que le groupe de travail mixte avait créé un précédent en montrant que nous pouvons travailler ensemble et aboutir à des résultats constructifs qui sont dans l'intérêt de tous.

Encore une fois, le chef national a affirmé que, malgré tout, et il y a ici de nombreuses raisons de dire «malgré», «revenons à la table pour voir si nous pouvons produire un bon projet de loi qui répond aux préoccupations de tous, y compris les préoccupations légitimes du gouvernement fédéral». Malgré le fait que les consultations aient été interrompues, que le projet de loi du groupe de travail mixte ait été rejeté, l'APN a participé en toute bonne foi au processus de la Chambre des communes et, néanmoins, chacune des modifications formulées par l'opposition a été rejetée au moyen de la discipline de parti, et malgré le fait qu'il n'y ait eu que des modifications mineures au point où nous en sommes, le chef national dit encore la même chose.

Le plus tôt sera le mieux pour rétablir un dialogue constructif; c'est à l'avantage de tous, y compris le gouvernement fédéral. L'APN a affirmé à répétition, et nous croyons cela en toute sincérité, que le règlement rapide des revendications particulières coûterait une certaine somme d'argent, mais représenterait un très bon investissement dans l'avenir. C'est une occasion qu'on peut encore saisir, le projet de loi n'ayant pas encore été adopté. S'il est adopté sous sa forme actuelle, nous croyons que cela représentera une régression, et une chose très regrettable, étant donné que tout le monde a encore la possibilité d'avancer.

M. Jones: L'Assemblée des Premières nations estime que l'analyse et l'évaluation faite des conséquences juridiques possibles des lois qui sont préconisées et promulguée dans la filière législative présentent des lacunes. À notre avis, une bonne partie du travail législatif souffre d'opportunisme, de l'idée de maintenir une emprise sur les processus, par exemple le processus de règlement des revendications, et d'impératifs économiques.

Les situations factuelles évoquées par le sénateur doivent être examinées rigoureusement. En dernière analyse, ce à quoi revient le processus de règlement des revendications particulières, c'est que les revendicateurs des Premières nations présentent leur situation factuelle afin de fonder une demande. C'est le ministère de la Justice qui décide si une revendication est valable. C'est lui qui décide si une revendication porte fruit.

Il me semble que rien n'empêcherait quelqu'un de faire valoir sa cause dans le cadre du processus de règlement des revendications particulières, et le ministère de la Justice déterminerait si, oui ou non, la cause est valable.

Cela ne fait aucun doute, les Métis feraient leur possible pour faire valoir leurs revendications, leurs droits, leurs intérêts et leurs recours.

S'ils étaient avisés d'un résultat défavorable à la suite de l'examen des faits et des circonstances dont ils font état, je crois que, pour eux, la prochaine étape consisterait à contester la décision du gouvernement qui a rejeté leur demande. Évidemment, ils pourraient s'adresser à un tribunal pour obtenir réparation.

Avant l'avènement de l'arrêt Powley, toute analyse visant à savoir si les Métis pouvaient légitimement présenter une revendication relative aux droits ancestraux qui correspondrait aux critères énoncés dans divers arrêts par la Cour suprême du Canada, notamment l'arrêt Vanderpeet, aurait mené à la conclusion suivante: les Métis ne pouvaient le faire. Par contre, ce que le tribunal a fait, et ce qu'il tend à faire, c'est d'avoir plus de souplesse et de créativité quand il s'agit d'accueillir des arguments relatifs à la manière dont le droit peut tenir compte de diverses situations.

Ce qu'ils ont fait, c'est adapter le critère relatif aux droits ancestraux qu'ils avaient établis dans le cas des revendications des Premières nations. Ils en ont établi un qui correspondait à la situation dans Powley. En dernière analyse, ils ont conclu que M. Powley avait établi un droit de chasse autochtone.

Le tribunal serait mieux disposé à recevoir et à étudier les arguments des Métis que le gouvernement. Heureusement, il ne revient pas toujours au gouvernement de choisir et de décider quand les droits des gens sont en jeu. C'est pourquoi nous avons les tribunaux et la Loi constitutionnelle, sinon, il se pourrait que personne n'ait de droit en ce qui concerne la perspective gouvernementale.

Il appartient certainement au gouvernement fédéral de mieux faire pour évaluer et déterminer toutes les conséquences de son travail législatif. Dans l'exemple qui nous intéresse, il serait avantageux pour le comité et le gouvernement fédéral d'entendre le plus grand nombre d'experts possibles, afin de montrer qu'il fait preuve d'une diligence raisonnable dans l'affaire. Nous voulons savoir que les lois sont viables et qu'elles n'excluent pas injustement des gens, que ce soit des membres des Premières nations ou des Métis.

[Français]

Le sénateur Gill: Certains au Sénat et au gouvernement, se posent des questions sur la position de l'Assemblée des Premières nations. Sous l'ancien chef régional, la position était de tenter d'abolir ce projet de loi ou d'apporter des amendements majeurs. La position du chef actuel des Premières nations, est-elle la même que celle du chef précédent?

[Traduction]

M. Schwartz: La position du chef national, comme elle est énoncée dans la lettre que j'ai lue pour le compte rendu ce matin, c'est que le projet de loi, sous sa forme actuelle, n'est pas acceptable. Le chef national ne lui donne pas son appui; l'Assemblée des Premières nations ne lui donne pas son appui. Toutes les Premières nations que l'APN représente de manière légitime et démocratique n'appuient pas le projet de loi C-6 sous sa forme actuelle.

Le chef national a proposé, comme l'APN a pu le faire par le passé, que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles du Sénat puisse procéder à une étude circonstanciée de la question.

Le chef national a affirmé clairement qu'il souhaite s'installer avec les autorités gouvernementales pour trouver des façons nouvelles d'avancer. Cela veut dire que le projet de loi sous sa forme actuelle est inacceptable. Bien entendu, le chef national et l'Assemblée, comme ils l'ont toujours fait, sont à la recherche d'une solution constructive, pour que le résultat ne soit pas négatif. Le statu quo est inacceptable. L'idée, c'est de concevoir un système qui est meilleur que celui que nous avons et qui repose sur un bon point de départ. Si nous ne pouvons obtenir tout ce que souhaite obtenir l'Assemblée des Premières nations, nous exigeons que ce soit tout au moins un système qui ait quelque indépendance et intégrité.

Plusieurs questions raisonnables et importantes ont été posées à propos de la notion de Métis sur le plan juridique. Comme mon collègue, M. Jones, l'a donné à entendre, nombre des questions et nombre des affaires en cause sont restées sans solution. Nous avons parlé de l'affaire Powley. Qu'en est-il de l'affaire des Territoires du Nord-Ouest dont il est question dans notre mémoire et qui est là depuis plus d'un an? Cela dit que le gouvernement fédéral dispose du pouvoir unilatéral de reconduction des nominations; néanmoins, nous ne pouvons nommer des gens à des mandats à court terme. Comment pouvons-nous nous attendre à ce que cet organisme soit indépendant? L'organisme proposé dans le projet de loi C-6 n'est pas indépendant.

Et que penser de l'affaire Sethi dont il est question à la note 30, en bas de page, de notre mémoire. Cela dit qu'on ne saurait avoir un personnel qui fait la navette entre le gouvernement fédéral et l'organisme et croire qu'il est indépendant. C'est une question qui n'a jamais été examinée. Les causes passent, mais cela reste sans réponse.

Avec tout le respect que je vous dois, je dois dire que le projet de loi C-6 laisse sans réponse un grand nombre de questions juridiques et techniques compliquées, outre la question des Métis. Aucune solution n'est même près d'être satisfaisante. Un progrès consisterait, pour le Sénat, à renvoyer la question au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, pour que celui-ci puisse procéder à un examen plus rigoureux de la question. Le comité pourrait aussi se pencher sur certaines des questions légitimes et importantes qui ont été soulevées concernant les Métis.

Le sénateur St. Germain: Monsieur Jones, vous avez fait remarquer que, de manière générale, la législation a pour déterminants l'opportunisme, l'entretien et le contrôle, et l'économie.

Le sénateur Austin a dit clairement que les questions économiques et budgétaires doivent être prises en considération. En tant qu'ex-ministre ayant travaillé à des budgets, je sais qu'il faut tenir compte des finances jusqu'à un certain point. Tout de même, je suis d'accord avec vous pour dire que, de manière générale, la législation a pour déterminants l'opportunisme ou l'entretien et le contrôle.

Tout de même, la question de l'économie est là. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Jones: Les membres et dirigeants des Premières nations partout au pays se soucient également de la question de l'économie en rapport avec le règlement satisfaisant des revendications. Je ne crois pas que les gens des Premières nations aient quelque intérêt à mettre le gouvernement en faillite, pour régler des revendications.

Nous croyons que le gouvernement fédéral est peut-être motivé, du moins dans une perspective économique, par l'idée d'établir une période de 20 ou 30 ans où, selon lui, le paiement versé devrait permettre de régler les revendications existantes à l'entière satisfaction des parties, ou, tout au moins, pour régler les revendications qu'il croit pouvoir régler, grâce à ce processus. C'est un effort unilatéral qui vise à établir les coûts.

Une des choses qui seraient utiles au processus, c'est d'inviter les peuples autochtones à essayer de déterminer le coût du règlement de ces revendications. Si les gens sont contraints de se contenter de moins que ce qu'ils méritent, est-ce que cela ne va pas simplement déboucher sur une autre revendication à l'avenir?

Dans la mesure où le gouvernement essaie de fixer une limite aux revendications particulières, le fait que les gens aient été soumis à un processus injuste donnera simplement des négociations qui se prolongent indéfiniment, des communautés des Premières nations insatisfaites, et l'exclusion de nombreux cas où, peut-être, la valeur s'accroît tout simplement parce que le gouvernement évite de s'y attaquer.

Je crois que les parties des Premières nations souhaitent parler de l'aspect économique de tout cela et essayer de faire un meilleur travail pour examiner les conséquences en question, et faire un meilleur travail pour examiner quelles sont les conséquences juridiques de l'affaire, si jamais le projet de loi est adopté.

La présidente: Monsieur Schwartz, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose à cela?

M. Schwartz: Je suis d'accord avec M. Jones. Je ne veux pas que quelqu'un puisse quitter la séance en ayant l'impression qu'il s'agit de problèmes insolubles ou que l'APN n'a pas essayé de bien s'y attaquer. Le rapport du groupe de travail mixte renfermait un projet de cadre financier. Le gouvernement fédéral a pris ce cadre financier, l'a mis entre les mains du cabinet fédéral, où se trouve le cadre financier global, puis a ajouté une limite aux revendications particulières, ce qui, à notre avis, est excessif à l'extrême.

Des idées ont été proposées pour répondre aux préoccupations financières du gouvernement fédéral. Les règlements structurés figurent parmi les idées dont on a discuté au groupe de travail mixte. Tout l'argent n'a pas à être versé immédiatement.

Durant les discussions en question, la Federation of Saskatchewan Indian Nations s'est dite tout à fait d'accord avec la position de l'APN, mais a affirmé, comme position de repli, que, tout au moins, le tribunal devrait être saisi de toutes les revendications. Les partis d'opposition à la Chambre des communes ont également adopté ce point de vue. Même si aucune indemnité chiffrée n'y est associée, chaque demande, quelle qu'en soit l'envergure, devrait être assujettie à la décision impartiale et exécutoire du tribunal. Nous croyons que cela concorde avec la promesse faite dans le livre rouge; néanmoins, cela ne figure pas dans le projet de loi.

Les partis d'opposition et certaines de nos organisations membres ont proposé que, s'il faut qu'il y ait une limite, elle devrait être plus réaliste. La limite de 10 millions de dollars exclut la très grande majorité des revendications.

D'autres idées sont possibles. Je n'ai pas le mandat voulu pour les négocier, mais vous pouvez imaginer qu'une formule selon laquelle un certain nombre de revendications sont étudiées tous les ans, quelle qu'en soit l'envergure, déboucherait sur une forme de hiérarchisation et de structuration.

Nous pouvons accepter que le gouvernement fédéral se soucie du cadre budgétaire. Nous avons essayé d'en tenir compte, et nous sommes prêts à le faire maintenant, et à l'avenir. Nous n'en avons pas eu l'occasion. On a mis fin unilatéralement aux groupes de travail mixte, on a mis fin aux consultations, et on va, semble-t-il, imposer un projet de loi qui convient aux souhaits du gouvernement fédéral, c'est-à-dire de garder un contrôle unilatéral et complet. Sous tous ses aspects, le projet de loi réduit la limite globale et réduit la limite associée aux revendications particulières, là où il est question d'obligations juridiquement établies.

La possibilité de trouver une solution raisonnée demeure. De nombreuses idées ont été formulées, et nous pouvons en concevoir d'autres. Nous espérons avoir l'occasion de le faire, plutôt que de voir ce projet de loi imposé de manière unilatérale.

La présidente: Comme il n'y a pas d'autres questions, je tiens à remercier les témoins d'être venus faire valoir un autre point de vue. Nous apprécions réellement vos efforts et ce que vous nous avez dit ce matin.

La séance est levée.


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