Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 20 - Témoignages du 23 octobre 2003
OTTAWA, le jeudi 23 octobre 2003
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 32, pour étudier les questions se rattachant au développement et à la mise en marché, au Canada et à l'étranger, de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, dans son rapport intitulé «Les agriculteurs canadiens en danger», ce comité a consacré six pages aux produits agricoles à valeur ajoutée, et il a recommandé que le gouvernement élabore une stratégie exhaustive prévoyant des stimulants fiscaux ainsi qu'une aide directe du gouvernement fédéral sous la forme de ressources financières et de services spécialisés pour améliorer le développement du secteur de l'agriculture à valeur ajoutée, notamment de projets propres aux agriculteurs, dans les zones rurales du Canada.
Ce comité estime que l'adoption de mesures de production à valeur ajoutée et l'expansion des exportations sont devenues essentielles à la survie du secteur canadien de l'agriculture. La demande de produits à valeur ajoutée a augmenté, tout comme la concurrence d'autres pays. Pour que les producteurs canadiens excellent dans ce contexte, ils doivent innover et s'adapter aux progrès de la technologie et à l'évolution des exigences des consommateurs.
Ce matin, nous accueillons des représentants du Secrétariat du commerce international, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire pour discuter de l'importance des produits à valeur ajoutée. La directrice générale intérimaire du Secrétariat du commerce intérieur, Mme Andras, vient témoigner devant nous. Nous entendrons ensuite Mme Bryanton, directrice exécutive à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Elle est accompagnée de MM. Thomson et Verheul.
J'invite Mme Andras à entamer son exposé, mais je souligne qu'un autre comité viendra siéger dans cette salle vers 10 h 30. Nous devrons en avoir terminé avec les témoignages et les questions des deux groupes à 10 h 15. Sur ce, vous avez la parole.
Mme Lorraine Andras, directrice générale intérimaire, Secrétariat du commerce intérieur: Honorables sénateurs, c'est un privilège pour moi de témoigner devant vous aujourd'hui. J'aimerais vous présenter l'Accord sur le commerce intérieur. Il s'agit d'un accord général qui n'a pas nécessairement pour objet de promouvoir ni d'établir les mesures incitatives que votre comité étudie; il s'agit plutôt d'un accord entre le gouvernement fédéral et les dix provinces et deux territoires, dont l'objet est de supprimer les obstacles à la concurrence sur les marchés, à l'expansion et à la croissance.
J'aimerais dire quelques mots sur la nature de l'Accord. Je vais faire un rapide survol des autres éléments. Dans la deuxième partie de mon exposé, je me concentrerai sur les éléments qui sont liés à l'agriculture, aux boissons alcooliques et aux ressources naturelles.
Je pense que les honorables sénateurs ont une copie de mon exposé. La projection à l'écran ne fonctionne pas; nous allons employer la version sur papier.
L'Accord contient des règles générales qui interdisent aux gouvernements de créer de nouveaux obstacles au commerce. Il représente un engagement de toutes les parties à améliorer, par la suppression des obstacles, la libre circulation des personnes, des biens, des services et des investissements dans tout le Canada. Essentiellement, sa portée ne dépasse pas les frontières canadiennes.
L'Accord est géré par un comité de ministres. En général, il s'agit des ministres des Affaires intergouvernementales, de l'Industrie, ou de l'Industrie et de l'Innovation. Pour les besoins des chapitres sectoriels, le ministre responsable de la mise en oeuvre des mesures auxquelles il s'est engagé aux termes de ces chapitres est le ministre de l'Agriculture, des Ressources naturelles ou du ministère associé aux autres chapitres sectoriels.
En ce qui concerne le chapitre des approvisionnements, tous les gouvernements ont convenu d'ouvrir leur processus d'approvisionnement gouvernemental de façon non discriminatoire, en évitant d'accorder la préférence aux produits locaux, et en recourant aux appels d'offres ouverts et aux avis publics d'appels d'offres. À ce jour, les approvisionnements publics faits en vertu de ce régime atteignent environ 50 milliards de dollars.
L'Accord contient des règles de base, y compris celles stipulant qu'il n'est pas nécessaire d'être résidant d'une province donnée pour pouvoir y investir. Pour investir, il n'est pas nécessaire de s'engager à respecter certaines règles de sous-traitance ou d'achats locaux. L'Accord garantit l'équité pour tous. Par conséquent, il permet aux entreprises, qu'elles soient du secteur agroalimentaire ou autre, de prendre des décisions en fonction de la conjoncture du marché plutôt que d'exigences particulières.
Dans le domaine de la mobilité de la main-d'oeuvre, des mesures énergiques ont été prises pour aplanir les difficultés auxquelles se heurtent les membres des professions qui veulent travailler dans une autre province.
Quant aux mesures et normes en matière de consommation, des interventions considérables ont été faites pour assurer l'harmonisation des normes et règlements, afin de protéger les consommateurs. L'industrie en bénéficie aussi, dans la mesure où, de plus en plus, la réglementation canadienne à laquelle elle doit se conformer en matière de protection des consommateurs est harmonisée.
Un chapitre portant sur l'énergie fait l'objet de négociations, mais elles ne sont pas encore terminées.
En ce qui a trait aux communications, toutes les entreprises de télécommunications sont soumises au même ensemble de règles. Il n'y a pas d'exception.
Les transports peuvent jouer un rôle dans la circulation des produits agricoles au Canada. Au fil des ans, un grand nombre de questions ont été réglées dans le domaine des permis, du poids, de l'entraxe des véhicules, et d'autres considérations de ce genre.
Certains intervenants se sont plaints qu'il fallait respecter quatre règles différentes de poids et d'entraxe des véhicules pour traverser le pays d'un bout à l'autre. Des mesures importantes sont prises pour régler cette question, mais je n'entrerai pas dans les détails.
La référence à la protection de l'environnement signifie simplement que, bien que les gouvernements aient le droit d'invoquer des mesures de protection de l'environnement, ils ne doivent pas s'en servir pour attirer ou décourager les investissements. Autrement dit, les gouvernements doivent demeurer neutres en matière de commerce.
Le règlement des différends est l'un des éléments clés de l'Accord, qui est autoréglementé. En d'autres mots, si personne ne se plaint, on présume que tout va bien. Les mécanismes de règlement des différends ont été acceptés par tous les gouvernements et, par conséquent, si un gouvernement estime que ses fournisseurs, ses producteurs ou d'autres intervenants n'ont pas été traités conformément à l'Accord, il existe des mécanismes précis d'intervention qui permettent en dernier ressort de soumettre les différends à une tierce partie indépendante. À ce jour, des différends sont survenus qui, pour la plupart, étaient associés à des approvisionnements, majoritairement fédéraux.
Il y a six différends dans le domaine des produits agricoles et alimentaires, et trois d'entre eux sont en instance. Il y a trois différends concernant les boissons alcooliques, mais ils remontent à plusieurs années et ils sont actuellement en suspens. À l'heure actuelle, quatre différends portent sur les ressources naturelles et la transformation du crabe des neiges. Je vais consacrer plus de temps à ce chapitre. En fait, l'Accord vise à éliminer les mesures qui créent des obstacles au commerce intérieur et des obstacles relatifs aux produits agricoles et agroalimentaires. Les parties ont convenu d'harmoniser les normes et règlements, et de ne pas imposer de nouvelles restrictions alimentaires ou agricoles, à l'exception des règlements d'ordre sanitaire ou phytosanitaire. Dans ce cas, si une nouvelle mesure était adoptée, elle devrait tenir compte des implications commerciales et ne pas être plus restrictive qu'il est nécessaire pour atteindre son but.
Je vais laisser les représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada aborder les questions liées à leurs progrès dans divers domaines. Toutefois, je soulignerai qu'il existe deux comités actifs — et je crois que des représentants de ces deux comités sont ici aujourd'hui — qui se chargent des obstacles techniques au commerce. Les ministres provinciaux de l'Agriculture ont réitéré l'importance de libéraliser le commerce intérieur. L'Accord prévoyait une révision de la portée et du champ d'application du chapitre, en vue de l'élargir et de le libéraliser davantage. Cette révision n'a pas encore été présentée au ministre, et à l'heure actuelle, je crois que seuls les fonctionnaires l'ont entreprise.
Il existe des obstacles techniques, mais le chapitre ne s'applique qu'aux dix obstacles énumérés. Des plaintes ont été déposées concernant certains des obstacles les plus controversés, comme la distribution interprovinciale du lait de consommation. Deux de ces différends sont liés à des succédanés de produits laitiers à base d'huile végétale. Ces produits sont clairement couverts par l'Accord. Un programme plus récent, l'accord fédéral-provincial pour les Producteurs de poulet du Canada, a été révisé pour le rendre plus souple. La province de Terre-Neuve-et-Labrador a adhéré au Plan national de commercialisation du lait. Je vais laisser les représentants du domaine agricole en parler, parce qu'ils en connaissent mieux les détails.
L'objectif de l'Accord est d'éliminer les obstacles au commerce des boissons alcooliques, c'est-à-dire que l'établissement des prix, l'accès aux points de vente, la distribution et la mise en marché ne doivent pas comporter d'obstacles au commerce intérieur. Certaines exclusions avaient été prévues à l'accord original, mais la plupart d'entre elles ont été supprimées ou ne s'appliquent plus.
L'objectif principal consiste à établir une norme nationale sur le vin. D'importants travaux sont en cours depuis deux ans au Conseil canadien des normes. L'industrie avait des réserves quant à ce processus et à d'autres activités connexes. Récemment, des mesures ont été prises pour former un groupe de l'industrie qui collaborerait avec le gouvernement afin de mettre la dernière main aux normes nationales sur le vin.
Le chapitre sur la transformation des ressources naturelles ne comporte pas de plan de travail particulièrement dynamique. En gros, toutes les parties ont convenu qu'elles ne créeraient pas de nouveaux obstacles, et elles ont tenu parole. Elles ont convenu qu'elles n'exigeraient pas que certaines activités de transformation aient lieu dans une province, de manière à ce que les ressources puissent sortir de cette province aux fins de l'octroi de licences et de permis, et cetera.
C'était un bref survol du domaine, mais je souligne que cela inclut aussi le poisson. Les différends concernant le crabe relèvent de ce chapitre.
Je vous ai présenté un survol des dispositions de l'Accord liées à l'agriculture. Je répète que cet accord n'a pas force de loi mais qu'il constitue plutôt une entente politique énonçant la volonté des parties de s'y conformer. Quand une partie présume qu'un autre gouvernement n'a pas tenu ses engagements, cette partie a parfaitement le droit de contester les politiques du gouvernement en question en recourant au processus de règlement des différends et, parfois, cette mesure est activement appliquée.
Le président: Merci de nous avoir présenté cet aperçu. Je dois dire que votre exposé et ce sujet sont au coeur de l'étude que nous menons. Beaucoup de fermiers et d'intervenants de l'industrie nous ont dit que les plus gros obstacles à l'optimisation des résultats de leurs activités agricoles sont les obstacles interprovinciaux. Ces obstacles sont substantiels. Si notre comité peut faire une contribution utile, c'est là un domaine dans lequel nous devons examiner attentivement certains des points dont vous avez parlé. Pourriez-vous décrire pour le comité certains aspects administratifs? Votre bureau se trouve-t-il à Ottawa? Quelle est la taille de votre effectif?
Mme Andras: Notre bureau national se trouve à Winnipeg, et nous y offrons nos services aux 13 gouvernements. Notre effectif comprend six personnes; c'est un petit secrétariat.
Le président: Certains de vos employés ont-ils une formation en agriculture?
Mme Andras: Non.
Le président: Est-ce que quelqu'un a de l'expérience en agriculture?
Mme Andras: Notre rôle en ce qui concerne ce chapitre en est un de contrôle. La responsabilité de la mise en oeuvre du chapitre repose entre les mains des ministres de l'Agriculture de tout le pays. Notre rôle consiste davantage à assurer le contrôle et à faire rapport aux ministres responsables de la mise en oeuvre générale de l'Accord dans leurs provinces ou territoires respectifs. En l'occurrence, le membre de notre personnel qui assure le contrôle du chapitre a une expérience en agriculture, mais ce n'est pas un spécialiste.
Le président: À votre connaissance, est-il prévu d'étendre la portée de l'ACI relativement à l'agriculture et aux produits agroalimentaires? Est-ce que d'autres éléments sont à l'examen, y compris des éléments de cette liste?
Mme Andras: À ma connaissance, pas pour le moment. Les représentants du milieu agricole voudront peut-être vous donner une réponse plus complète, mais je crois comprendre que leurs efforts portent principalement sur les négociations internationales. Du moins, c'est ce qu'on nous a laissé entendre. Les intervenants sont réticents à dévoiler tous leurs atouts ou à poser des gestes très énergiques sur la scène canadienne avant que des engagements relatifs à des mesures réciproques aient été pris sur la scène internationale. Vous devrez leur demander quels autres plans ils pourraient avoir pour élargir la portée du chapitre.
Comme je l'ai indiqué, l'Accord comporte un engagement relatif à la révision du chapitre. Cette révision était censée être terminée en septembre 1997. Je crois comprendre que les fonctionnaires ont terminé leur part du travail, mais que le résultat n'a pas été soumis à l'approbation des ministres.
Le sénateur Gustafson: Beaucoup de gens ont dit qu'au Canada, nous fonctionnons comme dix États vassaux — de province à province et à territoire — et que nous semblons ne pas expédier nos produits outre-frontières. De toute évidence, nous avons grand besoin de ce dont vous parlez, mais ce ne sont que des objectifs; ils n'ont pas tous été atteints. Les camionneurs me disent qu'il est parfois plus facile d'entrer aux États-Unis que de passer d'une province à l'autre.
Nous avons entendu des exemples, surtout dans l'industrie de la viande, comme celui du Manitoba, où il y avait des restrictions à la définition du terme «abattoir», qui était aussi différente en Saskatchewan. Ils ne pouvaient même pas faire passer la frontière à leurs bovins. Je veux souligner l'importance extrême de la situation et la façon dont elle enlève tout moyen au gouvernement fédéral.
Dans beaucoup de cas, les ministres sont incapables de mettre en oeuvre des programmes destinés à tous le pays, parce que les provinces résistent et que toutes ces obligations doivent être respectées. Je considère que c'est un facteur dissuasif de l'action du gouvernement fédéral, surtout dans les domaines liés à l'agriculture.
Avez-vous parlé de produits d'une valeur de 30 milliards de dollars?
Mme Andras: Non, je parlais d'environ 50 milliards de dollars en approvisionnement de l'État. C'est là un des autres chapitres où tous les gouvernements ont convenu de ne faire aucune discrimination contre les produits venant d'autres territoires pour favoriser les leurs.
Le résultat, c'est l'établissement d'un ensemble commun de règles pour tous les gouvernements, bien que les détails de l'application puissent varier d'une province à l'autre. Toutefois, les règles sont fondamentalement les mêmes et, dans l'ensemble, ce chapitre fonctionne relativement bien.
Le sénateur Gustafson: Sommes-nous encore loin du libre-échange entre les provinces canadiennes?
Mme Andras: Si vous regardez l'Accord dans son ensemble, une grande partie de ce qui a été réalisé l'a été dans l'accord de base. Nous regardons l'ALENA et nous disons: «N'est-ce pas extraordinaire que ces trois gouvernements aient réussi à s'entendre?» Je vous assure que 13 gouvernements, c'est une tout autre affaire; 13 gouvernements, certains petits et d'autres plus imposants, se sont réunis et ont convenu de la nécessité de supprimer les obstacles au commerce. Quand c'était possible, ils ont alors atteint un consensus. Dans une large mesure — dans les approvisionnements, par exemple — ces engagements de base étaient radicaux quand ils ont été mis en vigueur. Depuis, une autre tranche entière — les municipalités, les soins de santé, cet autre secteur parapublic — a été ajoutée, de telle sorte que les choses ont progressé.
Le fait que les gouvernements aient accepté de supprimer les obstacles, malgré certaines contraintes locales du point de vue des structures provinciales de commercialisation des produits agricoles et de délivrance des permis, représente un progrès. En agriculture, comme dans certains autres chapitres comme le transport, tout n'avait pas été réglé au moment de la signature. Il y avait des plans de travail, des choses qui restaient à faire. La situation dans le contexte de l'Accord sur le commerce intérieur n'est pas différente de celle de l'ALENA ou de l'OMC. L'agriculture est un domaine où les négociations entre tous les intervenants se poursuivent. Une fois de plus, la situation n'est pas différente au Canada dans ce domaine.
Le sénateur Gustafson: Le projet d'agriculture que le gouvernement tente maintenant de mettre en oeuvre est certainement un bon exemple. Je ne pense pas que la Saskatchewan ait signé. Je pense qu'il y a une autre province, n'est-ce pas, sénateur Wiebe?
Le sénateur Wiebe: Il y en a trois qui n'ont pas signé.
Le sénateur Gustafson: Trois qui n'ont pas signé. Négociez-vous directement avec les provinces?
Mme Andras: Non, ça ne serait certainement pas possible avec un effectif de six employés.
Le sénateur Gustafson: Vous avez besoin de plus de moyens et de directives que ce que vous avez maintenant pour atteindre vos objectifs.
Mme Andras: Notre rôle est peut-être différent de ce que vous croyez. Peut-être devrait-il être différent — c'est là une autre question — mais le rôle qui a été défini pour nous consiste à appuyer les parties dans leurs négociations. Par conséquent, nous essayons de fournir l'élément moteur — les jambes, les bras, les mains, les yeux — pour faire avancer les choses.
Le président: Vous n'êtes pas l'élément catalyseur ou ce moteur du changement; cela doit venir des ministres eux- mêmes.
Mme Andras: Cela doit venir de toutes les parties. Nous facilitons le processus.
Le sénateur Wiebe: Ma question fait suite à votre dernière réponse, selon laquelle vous facilitez le processus à l'aide d'un effectif de six personnes. Y a-t-il quelqu'un au gouvernement fédéral, que ce soit dans le domaine du commerce ou de l'agriculture, qui coordonne un effort intensif pour instaurer le libre-échange au sein du Canada, pareil à l'effort que nous semblons déployer pour tenter d'établir le libre-échange avec d'autres pays? Est-ce que nous nous contentons de rester assis et de nous dire: «Tiens, voilà peut-être une occasion de négocier un accord sur les soupapes de toilette, alors allons-y»? Y a-t-il un effort véritable? Le gouvernement du Canada s'est-il rendu compte de l'importance d'une politique de libre-échange dans tout le pays? Déploie-t-il des efforts intensifs et constants pour y arriver?
Mme Andras: Je vais m'abstenir de répondre à cette question. Vous devrez leur poser la question. Toutefois, il y a un groupe au sein d'Industrie Canada, et un fonctionnaire dont le titre est «représentant du commerce intérieur». Il y a des gens qui relèvent de lui, et une structure d'imputabilité. Industrie Canada serait responsable de la mise en oeuvre en général.
La mise en oeuvre détaillée du chapitre de l'agriculture relève des ministres de l'Agriculture. Sur la scène fédérale, je crois que le ministère de l'Agriculture assure la coprésidence de deux des grands comités. À cet égard, il a la possibilité de jouer un rôle de chef de file. Je laisserai ses représentants parler du rôle qu'ils jouent au sein de ces comités.
En ce qui concerne le fond de votre question — à savoir si le gouvernement fédéral assume un rôle de leadership — il est clair qu'il a joué un rôle primordial, au début, dans la mise sur pied de cet accord. Il continue de défendre et de soutenir farouchement l'Accord et les progrès des travaux. Il n'y a pas de doute là-dessus. Je ne peux pas me prononcer sur la question de savoir s'il a les moyens nécessaires.
Le sénateur Wiebe: Je comprends.
Mme Andras: Il ne m'appartient pas de faire des commentaires sur la pertinence des ressources que le gouvernement fédéral ou un autre gouvernement fournit. Je ne le peux pas.
Le président: Nous sommes un peu inquiets du fait que vous n'êtes que six, et que ce domaine est très important.
Mme Andras: Je suis entièrement d'accord avec vous.
Le sénateur Wiebe: Vous tombez juste. Ce qui nous manque cruellement, c'est une orientation, quelqu'un au sein de la fonction publique fédérale qui aurait une vision de la direction que nous voudrions voir prendre à notre pays. Alors que les accords doivent être avant tout d'ordre politique, et que les gouvernements se préoccupent davantage, parce que ce sont des êtres politiques, de leur réélection dans quatre ans que des objectifs à long terme, les grands responsables de la réalisation de ces objectifs devraient être les fonctionnaires en poste. Je me demande parfois s'ils ont la détermination nécessaire. Il faudra bien, à un moment donné, qu'une étincelle surgisse, parce que cette situation dure depuis trop longtemps dans ce pays. C'est l'une des choses qui nous fait énormément de tort. Si nous ne pouvons pas agir de manière cohérente dans notre propre pays, comment pourrons-nous nous faire respecter sur la scène internationale?
Pardonnez-moi ce petit éclat, car je sais que ce n'est pas votre responsabilité, mais c'est certainement l'une des frustrations que le Sénat peut constater. C'est un des moyens de tenter de régler la question.
[Français]
Le sénateur LaPierre: Êtes-vous responsable pour l'application et le développement de l'entente?
Mme Andras: Nous sommes responsables des deux. Nous offrons un appui au cabinet des ministres et à leurs sous- comités, groupes de travail, et cetera. Nous les aidons à poursuivre la mise en œuvre des engagements déjà en place. Dans les cas où il y a des négociations, nous les appuyons. Ce n'est pas nous qui poussons les négociations.
[Traduction]
Le sénateur LaPierre: Quand vous dites que vous assurez le contrôle, voulez-vous dire que vous jouez un rôle policier et que vous faites des enquêtes?
Mme Andras: Non.
Le sénateur LaPierre: Attendez-vous que quelqu'un dépose une plainte?
Mme Andras: Nous ne sommes pas des policiers. Si nous en étions, nous aurions besoin d'un organisme beaucoup plus important. L'accord comporte des mécanismes d'autoréglementation. S'il n'y a pas de plainte, alors...
Le sénateur LaPierre: Rien ne se produit?
Mme Andras: On présume que les parties sont d'accord.
Le sénateur LaPierre: J'ai une question concernant les chiffres. Vous dites que l'Accord fait intervenir 13 gouvernements.
Mme Andras: Oui.
Le sénateur LaPierre: Nous avons trois territoires, dix provinces et le gouvernement fédéral. Ça fait 14.
Mme Andras: Le Nunavut n'existait pas à l'époque.
Le sénateur LaPierre: A-t-il adhéré à l'Accord?
Mme Andras: Pas encore, le gouvernement du Nunavut applique un processus interne afin d'évaluer s'il souhaite adhérer à l'Accord.
Le sénateur Chalifoux: J'ai trois questions, et je vais vous les poser toutes les trois avant que vous répondiez, car elles sont liées.
Je vis dans le nord de l'Alberta. Au début des années 80, la collectivité Métis là-bas voulait faire pousser des pommes de terre, des carottes et d'autres produits de ce genre pour les livrer aux territoires, parce que c'était beaucoup plus facile et moins coûteux. Nous avons constaté que les offices de commercialisation exerçaient une forte influence là- dessus. Nous avons aussi constaté que les obstacles étaient tels que nous n'avions pas le droit de faire franchir aux produits la frontière des territoires. Nous sommes à environ 80 milles au sud de la frontière des territoires. Ce projet pourrait être une bonne source de développement économique pour notre collectivité, qui est un endroit très propice à l'agriculture, parce que pendant les mois d'été, nous avons 24 heures de lumière. Les offices de commercialisation ont exercé une immense influence là-dessus. Les obstacles au commerce étaient énormes.
Quelle influence l'office de commercialisation a-t-il sur l'accord entre le Yukon et les territoires, et savez-vous s'il a pris des mesures quelconques à propos des obstacles au commerce entre les territoires et la zone médiane du Canada dans nos provinces et dans le reste du pays?
Mme Andras: Je ne connais pas les détails de cette question. Je sais que les territoires ont signé l'Accord et qu'ils siègent aux deux grands comités coprésidés par Agriculture Canada, et peut-être devriez-vous leur réserver cette question. L'Accord est entré en vigueur en 1995. J'espère qu'il a eu des retombées positives, mais je ne peux me prononcer sur les détails.
Le sénateur Chalifoux: Pouvez-vous nous dire quelque chose à propos de l'influence des offices de commercialisation sur la création d'obstacles au commerce entre les provinces et les territoires?
Mme Andras: Une partie de l'Accord constitue un engagement à réduire les normes et à harmoniser certaines d'entre elles. Je ne peux pas me prononcer sur l'étendue du rôle des offices de commercialisation qui sont associés au transport par camion des produits maraîchers locaux. Je ne connais tout simplement pas la situation de manière si détaillée.
Le président: La gestion de l'approvisionnement retarde la libre circulation des marchandises entre les provinces et les territoires, n'est-ce pas?
Mme Andras: Oui, et l'Accord prévoyait lui-même une révision du système de gestion des approvisionnements.
Le président: Cela a-t-il été fait?
Mme Andras: Non, pas à ma connaissance.
Le président: Pourquoi?
Mme Andras: Vous devrez le demander au ministère de l'Agriculture.
Le sénateur Hubley: Ce n'est peut-être pas à vous que je devrais poser cette question, mais elle m'intéresse. Je me demande si vous avez un rôle à jouer dans ce que j'appellerais «la gestion de crise». Je vais employer l'exemple de l'Île- du-Prince-Édouard, où une maladie a été découverte dans les pommes de terre. Nos exportations aux États-Unis ont cessé, mais la maladie a aussi compromis les échanges commerciaux au Canada. Avez-vous un rôle à jouer en matière de gestion de crise dans les cas comme celui-là?
Mme Andras: Non. La capacité des provinces d'appliquer des normes phytosanitaires et sanitaires n'est pas compromise, sinon qu'il existe un engagement à examiner les effets sur le commerce, et à garantir que toute mesure prise n'est pas plus restrictive qu'elle n'a besoin de l'être pour le commerce. En outre, si l'Île-du-Prince-Édouard avait voulu contester les motifs pour lesquels les autres provinces ne voulaient pas laisser entrer ses pommes de terre ou limitaient le commerce de quelque façon que ce soit, l'Accord prévoit alors un mécanisme pour faire face à cette situation, mais il n'est pas vraiment conçu pour composer avec une situation de crise. L'ensemble du processus prendrait un an ou plus, et cela n'aiderait pas les fermiers.
Si les agriculteurs de l'Île-du-Prince-Édouard estiment qu'une restriction représente une discriminatoire continue et que, après des consultations avec l'autre partie, ils croient être fondés de déposer une plainte devant un comité indépendant, alors le mécanisme prévoit un moyen de faire face à cette situation. Franchement, à part les consultations bilatérales, qui ont toujours été possibles jusqu'à maintenant, il n'y a jamais eu de mécanisme général destiné à démêler ce qui constitue ou ne constitue pas un obstacle au commerce aux yeux de ceux qui sont soumis à un règlement qu'ils estiment injuste. Ce mécanisme existe et il sert.
Le sénateur Hubley: Quand il s'agit de produits agricoles, les saisons déterminent quel produit arrive sur le marché et, parfois, le système fonctionne plus lentement que Mère nature. Quand cela arrive, ce sont les fermiers qui en souffrent.
Le sénateur Day: Avez-vous fait des comparaisons avec d'autres pays, avec les États-Unis, par exemple? Le nombre d'administrations y est beaucoup plus grand. Quelle est la situation en matière de libre-échange entre les États, comparativement à celle entre les provinces?
Mme Andras: Nous n'avons pas fait d'étude formelle. Il y a très peu d'États qui ne sont pas entourés par au moins quatre autres, tandis qu'au Canada, les provinces ne touchent qu'à une ou deux autres provinces. Vous constaterez peut-être qu'ils doivent s'entendre un peu mieux entre eux, parce qu'ils sont quatre contre un. Ils sont tous voisins. Cela dit, je ne suis pas certaine, d'après ce que je sais, que la circulation des marchandises y est aussi facile que ce qu'ils souhaiteraient.
Le sénateur Day: Aucune étude formelle n'a été faite?
Mme Andras: Aucune que nous ayons faite ou dont j'aie eu connaissance.
Le sénateur Day: Y a-t-il de la documentation que nous pourrions étudier pour déterminer ce qu'ils ont fait pour résoudre les problèmes et si nous devrions envisager certaines de ces solutions?
Mme Andras: Je ne pense pas qu'il y ait de solutions magiques. Le système et la structure constitutionnels des États sont différents.
Vous parlez du besoin de leadership fédéral. Oui, nous en avons certainement besoin. Toutefois, dans le contexte du commerce interprovincial, beaucoup des éléments à réglementer sont clairement du ressort provincial. Les aspects interprovinciaux pourraient relever du gouvernement fédéral, des dispositions législatives sur les échanges commerciaux, mais il n'est pas absolument clair que le fédéral peut trancher dans chaque cas. Il y a peut-être une différence aux États-Unis.
Le sénateur Day: J'aimerais obtenir des éclaircissements concernant le mécanisme de règlement des différends. Vous nous avez donné des statistiques. Ce mécanisme ne relève pas d'une loi, mais il y a un accord entre les provinces. Dans quelle mesure est-il exécutoire?
Mme Andras: Il n'est pas exécutoire.
Le sénateur Day: Administrez-vous le processus de règlement des différends?
Mme Andras: Oui.
Le sénateur Day: Vous avez probablement un groupe d'experts qui jouent le rôle d'arbitres?
Mme Andras: Ce ne sont pas des arbitres, mais ils forment un groupe d'experts. Ils font une recommandation formelle.
Il y a seulement eu quatre cas qui sont allés aussi loin dans le processus. Il y en a deux en cours en ce moment. Deux des quatre cas concernaient des produits agricoles, plus particulièrement la circulation interprovinciale du lait de consommation. Les deux cas ont été soumis à un groupe d'experts. Dans les deux cas, le groupe a donné raison au plaignant.
Dans un cas, l'Île-du-Prince-Édouard a fini par accepter de se conformer au rapport du groupe d'experts. Le deuxième cas concerne le Nouveau-Brunswick, qui ne s'est pas encore conformé à la décision.
Le sénateur Day: Vous nous avez donné des chiffres en soulignant qu'il y avait eu 175 différends à ce jour, dont 164 étaient réglés. Ces chiffres devraient-ils être interprétés conformément à ce que vous venez de nous dire?
Mme Andras: Quatre-vingt-quinze pour cent des plaintes sont liées à l'approvisionnement. Parmi ces plaintes, environ 95 p. 100 mettent en cause le gouvernement fédéral.
Le nombre de différends qui ont franchi tout le processus est beaucoup plus modeste que dans le cas des autres chapitres. Les différends liés à l'agriculture sont les plus nombreux.
Le sénateur LaPierre: D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, il me semble que votre bureau devrait être soit démantelé, soit renforcé. Il doit y avoir une autorité centrale au Canada capable d'élaborer et d'administrer cette entente. Six personnes n'y arriveront pas. Winnipeg est une ville merveilleuse.
Mme Andras: Même à Winnipeg, six personnes, c'est trop peu.
Le sénateur LaPierre: Peut-être devrions-nous étudier la question à un moment donné.
Il est fascinant de voir tous les problèmes que suscite la circulation de produits comme l'alcool. L'alcool est salutaire. Il n'y a rien de mieux qu'un bon Single Malt pour vous dégager les artères.
Pourquoi sont-ils tellement obsédés par l'alcool? Il semblerait que le Québec ira jusqu'à interdire sur son territoire tout vin qui n'aura pas été embouteillé dans la province. Terre-Neuve fait quelque chose d'autre. J'espère qu'elle ne prendra aucune mesure concernant sa délicieuse vodka parce que sinon, c'en est fini de moi.
Pourquoi la libre circulation de l'alcool est-elle si compliquée? Je me suis laissé dire que je ne pouvais transporter de boisson alcoolisée entre Hull et Ottawa dans le coffre de ma voiture.
Mme Andras: Vous pouvez le faire, mais se pose alors le problème du non-paiement des taxes provinciales appropriées. L'accord ne couvre pas l'ensemble des aspects financiers, dont les taxes applicables.
Dans ce cas particulier, la question qui se pose est davantage de savoir si vous vous êtes acquitté des taxes requises pour transporter des boissons alcoolisées d'une province à l'autre.
Le sénateur LaPierre: Les taxes sur l'alcool sont plus élevées en Ontario qu'au Québec.
Mme Andras: Buvez donc votre alcool au Québec et ne le ramenez pas en Ontario.
Le sénateur LaPierre: Je persiste à croire qu'il faut faire quelque chose pour régler ce problème.
Le président: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Au risque d'enfoncer le clou, je dirais que tout ceci résulte de la division des pouvoirs. J'ai toujours été contre la centralisation du pouvoir, mais dans ce cas, les provinces ont trop de prérogatives. Nos façons de faire nuisent véritablement au secteur de l'agriculture.
Le Canada est un vaste pays. Ce n'est pas un problème facile à résoudre, mais nous devons au moins nous y employer.
Au nom du comité, je tiens à vous remercier d'être venu. On peut dire, au vu des questions posées, que votre témoignage a suscité chez nous de grandes inquiétudes à l'égard de l'étude dans laquelle nous nous sommes lancés.
Voyez-vous un inconvénient à ce que nos attachés de recherche vous écrivent, si nous avons d'autres questions à vous poser? Je sais que nous aurons besoin d'informations supplémentaires pour comprendre pleinement comment fonctionne votre bureau. Consentez-vous à ce que nous gardions le contact?
Mme Andras: Absolument, nous en serions ravis.
Le sénateur LaPierre: Faites-vous rapport au ministre fédéral de l'Agriculture?
Mme Andras: Non. Nous faisons rapport aux 13 ministres responsables du commerce intérieur.
Le sénateur LaPierre: Et vous n'avez pas encore perdu la raison?
Mme Andras: Parfois, je me le demande. L'entente renferme une disposition en vertu de laquelle les ministres responsables du commerce intérieur ont l'entière responsabilité de leur territoire. Chacun d'eux décide des relations qu'il entretient avec son ministre de l'Agriculture. Je fais rapport au Comité sur le commerce intérieur.
Le sénateur LaPierre: Qui signe les chèques de paie?
Mme Andras: Nous recevons des fonds des gouvernements des 13 provinces et territoires, et je signe mon chèque de paie.
Le président: Ne dites rien; cela ne nous regarde pas.
Mme Andras: Nous ne sommes pas des fonctionnaires d'un gouvernement ou d'un autre car nous recevons des fonds de chacun d'entre eux. Le gouvernement fédéral nous en verse la moitié et la participation des 12 autres gouvernements est proportionnelle à la population de la province ou du territoire qu'ils représentent.
Le président: Je vous remercie, madame Andras. Nous allons maintenant entendre les témoins d'Agriculture et d'Agro-alimentaire Canada. Chers sénateurs, vous vous souviendrez que M. Thomson nous avait fait la grâce de nous accompagner lors de notre voyage en Irlande et au Royaume-Uni. Monsieur Thomson, soyez le bienvenu.
M. Ian Thomson, directeur, Division de la politique commerciale de l'hémisphère occidental, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Je suis ravi de retrouver plusieurs visages amicaux que je n'avais pas revus depuis que nous nous étions promenés ensemble dans les landes d'Irlande du Nord.
Je suis accompagné ce matin de mes collègues, MM. Steve Verheul et Eric Johannsen, ainsi que de Mme Debra Bryanton et de M. Paul Haddow, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
J'imagine que nous avons été appelés à comparaître devant votre comité parce que nous coprésidons le Comité fédéral-provincial des politiques de commerce agricole, ou CFPPCA, conjointement avec les représentants des provinces et territoires. La coprésidence provinciale change deux fois par an. Il existe un comité d'inspection fédéral- provincial équivalent, qui s'occupe notamment d'un certain nombre de problèmes d'ordre réglementaire et technique liés au commerce interprovincial, d'où la présence ce matin parmi nous de représentants de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous vous remercions de nous avoir invités et nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président: Quelqu'un d'autre souhaite-t-il ajouter quelque chose avant que je ne cède la parole au sénateur Wiebe pour qu'il entame la série de questions?
Mme Debra Bryanton, directrice exécutive, Salubrité des aliments, Agence canadienne d'inspection des aliments: Je suis certaine que les sénateurs connaissent bien l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA, qui se trouve être le plus grand organisme de réglementation scientifique au Canada. Nos priorités consistent à contribuer à la salubrité des aliments au pays et, par l'intermédiaire de nos programmes, à protéger notre base de ressources animales et végétales. L'ACIA assure également la coprésidence du Comité fédéral-provincial-territorial de l'inspection agro- alimentaire dont a parlé M. Thomson et qui s'occupe de certaines des questions commerciales d'ordre technique évoquées précédemment.
Beaucoup de nos comités fédéraux-provinciaux ne sont pas tant axés sur l'abolition des barrières — parce que techniquement, il y en a peu. Ils s'efforcent davantage de travailler de manière proactive avec les provinces pour bâtir des systèmes nationaux qui évitent tout obstacle au commerce. Nous n'avons pas préparé d'allocution pour notre comparution de ce matin, mais nous serons heureux de répondre à vos questions. Je tiens à ajouter que M. Paul Haddow, qui fait partie de notre groupe des affaires interprovinciales, est ici pour vous parler de toute question relative aux accords commerciaux internationaux et de la façon dont les ententes sanitaires et phytosanitaires s'insèrent dans le système canadien.
Le président: Vous vous rappellerez que le témoin précédent, parlant des barrières interprovinciales, a dit qu'il s'efforçait d'éviter l'apparition de tout nouvel obstacle puisqu'il n'y a pas de problèmes sanitaires ou phytosanitaires. Ceci dit, qu'en est-il de la circulation des produits fromagers entre les provinces?
Mme Bryanton: L'Agence canadienne d'inspection des aliments s'en remet à deux types de mesures législatives. La Loi sur les aliments et drogues repose sur le droit criminel et s'applique à l'ensemble des produits alimentaires vendus au Canada. Par ailleurs, il y a les dispositions régissant le commerce et les échanges, qui s'appliquent à l'ensemble des produits exportés aux quatre coins du monde. En outre, il existe des règlements applicables aux produits laitiers qui couvrent les fromages, et il n'y a aucune restriction à la circulation des fromages entre les provinces. L'exigence est que tout produit étant appelé à traverser les frontières interprovinciales doit être fabriqué dans un établissement agréé par le gouvernement fédéral.
Le sénateur Wiebe: Y en a-t-il, parmi vous, qui sont membres du Comité fédéral-provincial des politiques de commerce agricole?
M. Thomson: Comme j'ai tenté de l'expliquer, monsieur le sénateur, le coprésident fédéral du comité se trouve être le directeur général de la Direction des politiques de commerce international à Agriculture et agro-alimentaire Canada. Malheureusement, il n'a pu être des nôtres ce matin parce qu'il est en formation linguistique; mais oui, il existe un lien direct entre Agriculture et agro-alimentaire Canada et le CFPPCA.
Le sénateur Wiebe: Comme vous étiez ici lorsque le témoin précédent a fait son exposé, vous vous souviendrez probablement de ce que j'ai dit à Mme Andras au sujet de l'absence d'un élément moteur permettant de réaliser pleinement l'accord de libre-échange au Canada. Si un tel moteur existait, aurais-je raison de croire que ce groupe pourrait être un de ses cylindres?
M. Thomson: Absolument.
Le sénateur Wiebe: Les responsabilités au sein des ordres de gouvernements provinciaux et fédéral sont réparties entre de nombreux ministères.
M. Thomson: Lorsque vous parliez d'être un de ses cylindres, faisiez-vous référence au comité du Sénat ou au CFPPCA?
Si un tel moteur existe, il ne tourne pas à plein régime parce que nous avançons terriblement lentement.
J'aimerais maintenant passer à ma prochaine question. L'ACI, dont vous dites être signataire, ou tout au moins votre patron, a fixé un certain nombre d'échéances pour la révision des obstacles au commerce intérieur, particulièrement en ce qui concerne les aliments. Jusqu'à présent, rien n'a été fait. Certains examens, prévus chaque année, n'ont pas non plus été effectués. Pouvez-vous me dire pourquoi rien n'a été entrepris ou, dans le cas contraire, pourquoi les résultats n'ont pas été divulgués? Quel est le problème?
M. Thomson: Vous avez raison, la portée et l'étendue du chapitre neuf sont une préoccupation constante. Toutefois, au sein du Comité fédéral-provincial des politiques de commerce agricole, les contraintes de temps et nos négociations internationales dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce ont bousculé notre programmation.
M. Steve Verheul, négociateur principal en agriculture, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Si je puis me permettre d'ajouter un élément, je dirais que l'idée de revoir la portée et l'étendue de l'entente a été soumise aux ministères fédéral et provinciaux concernés à plusieurs reprises. Mais ceux-ci ont décidé que nous ne ferions aucun effort dans ce sens pour le moment. Selon eux, l'industrie voulait davantage se concentrer sur les pourparlers à l'OMC. Ils ont donc pris cette décision, plus ou moins sur une base annuelle, de ne pas poursuivre ces négociations.
Le président: Est-ce une bonne politique pour le Canada?
M. Verheul: C'est une toute autre question. Comme vous le comprendrez, pour négocier, il faut que les partenaires assis autour de la table soient conciliants. Les provinces ont dit ne plus vouloir poursuivre les négociations sur ces questions pour l'instant.
Le président: Des statistiques révèlent que le commerce intérieur a augmenté, mais à un rythme beaucoup moins élevé que le commerce extérieur. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il en est ainsi? Qu'en pensez-vous?
M. Verheul: Nous ne nous sommes pas beaucoup penchés sur la question. À première vue, je dirais que cela tient en partie à la nature de l'économie canadienne. Nous faisons beaucoup de commerce nord-sud, aussi bien dans l'Ouest que dans l'est du pays. Dans bien des cas, ce commerce est plus facile à réaliser que des échanges avec l'extrême-ouest et l'extrême-est. J'attribuerais donc cela en partie à des facteurs d'ordre géographique. Toutefois, comme je viens de le dire, nous n'avons pas fait d'étude approfondie sur le sujet.
Le président: Les barrières interprovinciales que nous étudions actuellement en sont aussi un peu responsables. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Verheul: Elles expliquent effectivement une bonne partie de la situation.
Le sénateur Gustafson: Le Cadre stratégique pour l'agriculture a été annoncé en juin 2002. Les producteurs agricoles ne comprennent toujours pas ce programme, et l'agriculture évolue très rapidement à l'échelle mondiale. Par exemple, avant, il y avait du blé à 5 $; aujourd'hui, on en trouve à 2,60 $. Cela représente un nouveau défi de taille pour l'agriculture. Combien de temps les agriculteurs mettront-ils à comprendre la situation? Comme l'a souligné le sénateur Wiebe, je vois que trois provinces n'ont pas encore signé. Cela devient un sérieux problème.
Il serait peut-être plus simple d'aller inspecter les buissons en Irlande que de répondre à cette question.
M. Thomson: Que puis-je dire, sénateur, que vous ne sachiez pas déjà? Tenter de résoudre ces problèmes entre le gouvernement fédéral et plusieurs provinces n'est pas chose facile, et ce, pour différentes raisons. Toujours est-il que vous avez bien résumé la situation: l'agriculture évolue rapidement dans le monde. La notion qui sous-tend le Cadre stratégique pour l'agriculture est que le Canada devrait être bien mieux armé pour relever efficacement ces défis et donc comprendre les différents éléments permettant d'atteindre l'objectif visé. Cela inclut un volet international, par exemple, dont la possibilité de représenter le Canada à l'étranger, le maintien de nos efforts en matière de défense de nos intérêts commerciaux aux États-Unis et dans le reste du monde, entre autres. Quant aux barrières interprovinciales, je comprends bien ce que vous dites, mais il pourrait y avoir un problème à établir un lien de causalité entre le Cadre stratégique pour l'agriculture et la circulation des marchandises entre les provinces.
Le sénateur Gustafson: La position adoptée par l'Organisation mondiale du commerce aura certainement une incidence sur la situation au Canada. Elle aura des répercussions dans plusieurs secteurs, comme celui de l'industrie laitière, de l'élevage de dindes ou de poulets, etc. L'OMC demande la suppression de nombreux programmes importants actuellement en place. Comment le Canada entend-il réagir? À la dernière rencontre qui s'est tenue au Mexique, les négociations ont avorté. Il me semble que les problèmes se multiplient et que les réponses se font de plus en plus rares.
M. Thomson: Heureusement, notre négociateur principal en agriculture est ici ce matin. Je remarque que la Commission canadienne du blé ne faisait pas partie de votre liste.
Le sénateur Gustafson: Cela devient trop complexe quand on entre dans tous ces détails.
M. Verheul: À n'en pas douter, plusieurs défis nous attendent dans le cadre des négociations avec l'OMC. Nous avons un enjeu de taille concernant notre niveau de protection à la frontière pour les produits soumis à la gestion de l'offre. Plusieurs pays veulent avoir un meilleur accès à nos marchés. Nous sommes loin d'être le seul État ayant des produits menacés par les importations — comme c'est le cas pour les produits laitiers, le poulet et les oeufs. Les progrès que nous avons réalisés au cours des six derniers mois, environ, dans les négociations ayant mené à la conférence ministérielle de Cancun visaient davantage à reconnaître qu'il faudrait traiter différemment les produits sensibles aux importations. Nous avons vraiment la possibilité d'aborder cette question durant les négociations.
Le sénateur Gustafson: Si cette porte s'ouvre, qu'adviendra-t-il à long terme?
M. Verheul: Cela dépendra beaucoup de l'entente que nous aurons conclue. Si celle-ci accentue la pression ou que le niveau actuel de nos tarifs douaniers est soumis à davantage de tensions, il y aura certainement une incidence sur l'industrie. Toutefois, je ne pense pas que nous parlions du type de répercussions qui signifieraient la fin de la gestion de l'offre, par exemple. Nous devrions examiner si des ajustements sont nécessaires ou voir s'il y a moyen de faire évoluer le système, mais je ne crois pas que nous parlions de quelque chose qui entraînerait la fin de la gestion de l'offre.
Le sénateur Wiebe: Pour en revenir aux répercussions sur l'industrie, j'aimerais dire que nous ne ménageons aucun effort pour obtenir l'abolition des subventions sur les céréales accordées partout dans le monde. Admettons que nous ayons du succès dans nos négociations commerciales internationales et que nous puissions éliminer toutes les subventions sur les céréales. Chacun des pays participant à ces négociations compte une certaine superficie de terres cultivées. Que feraient pousser les agriculteurs qui recevaient des subventions et que feraient les autres?
Si je pose cette question, c'est parce que dans mon esprit, notre problème n'est pas lié aux subventions, mais à la surproduction. Même si on supprimait toutes les subventions demain matin, le prix des céréales n'augmenterait pas. En Europe, les cultivateurs réagiraient exactement de la même façon que les agriculteurs canadiens puisque la seule chose qu'ils savent faire sur leurs terres, c'est semer du blé dur ou de l'orge. Ils ne s'arrêteront pas.
Actuellement, nous voyons que le niveau du prix des céréales reflète la valeur du produit. Aux États-Unis et en Europe, les gouvernements ont décidé que l'agriculture était un mode de vie plus qu'une activité lucrative et qu'ils allaient continuer de mettre les fonds nécessaires pour que ces agriculteurs continuent d'exister. Est-ce une évaluation correcte?
M. Verheul: Il est certain que les principaux protagonistes dans les négociations, les États-Unis et l'Europe, ont indiqué qu'ils étaient déterminés à continuer d'appuyer leurs agriculteurs. Dans le cadre des négociations de l'OMC, nous n'insistons pas nécessairement sur la quantité de subventions accordées, mais plutôt sur la façon dont les producteurs sont aidés. Nous demandons la réduction ou l'élimination des subventions qui faussent le plus les échanges commerciaux et qui donnent lieu à une surproduction, mais nous exhortons les pays à accorder des subventions sans établir de liens avec la production ou les prix afin que les agriculteurs, dans bien de cas — et c'est l'orientation qu'est en train de prendre l'Europe — puissent recevoir des aides sans nécessairement avoir à produire quelque chose. Ce serait conforme à ce qu'ils ont fait au cours de leur histoire. L'idée consiste à éliminer certains des facteurs qui faussent la production et de permettre aux agriculteurs les plus performants de livrer concurrence sur un marché équitable.
Le sénateur Wiebe: Au Canada, nous sommes très bons dans ce que nous faisons. Je parle des agriculteurs. Étant donné que les prix sont bas, les cultivateurs qui ne reçoivent aucune subvention font tout ce qu'ils peuvent et utilisent toutes les techniques possibles pour accroître le nombre de boisseaux produits par acre. Ils font cela parce que les coûts par acre sont à peu près les mêmes, mais s'ils peuvent accroître leur rendement, ils pourront vendre davantage et donc obtenir un plus grand bénéfice.
Si ces subventions, dont on dit qu'elles faussent le commerce et favorisent un accroissement de la production en Europe, sont la source du problème, pourquoi ces agriculteurs, après la suppression des subventions, réagiraient-ils différemment des cultivateurs canadiens? Une fois encore, le problème de l'offre excédentaire demeurerait, et la seule façon de voir monter les prix serait que Mère Nature provoque un désastre quelque part dans le monde qui ravagerait les cultures.
M. Verheul: De manière générale, l'une des issues attendues des négociations est que si nous réussissons à faire baisser sensiblement les subventions, particulièrement celles qui faussent les échanges commerciaux, nous verrons un rajustement important de la production dans le monde. Certains producteurs travaillant dans des secteurs non compétitifs changeraient de cultures ou cesseraient toute production. C'est certainement un des éléments de l'orientation qu'a prise l'Europe. De plus, on anticipe que certaines réformes viseront à aider même les cultivateurs qui ne produisent pas, et certaines des analyses faites en Europe révèlent que c'est ce qui se passerait dans bien des cas. Pourquoi se compliquer la vie si, au bout du compte, le montant du chèque est le même? On estime que des réductions judicieuses et une aide ciblée auront un effet sur la production. Nous verrions ainsi une diminution de la production et l'avènement d'un marché plus concurrentiel et plus équitable.
Le président: J'ai une question au sujet des produits sensibles aux importations. Vous avez dit que vous envisagiez d'apporter quelques ajustements à la gestion de l'offre. J'aimerais savoir au juste quels ajustements vous entendez proposer à la table des négociations au nom du Canada.
M. Verheul: Nous n'avons nullement l'intention de proposer quelque ajustement que ce soit. La gestion de l'offre n'est pas vraiment à l'ordre du jour des négociations. Ce qui pourrait avoir un certain effet, ce serait une entente donnant lieu à la réduction des barrières tarifaires à la frontière. Ceci aurait une incidence sur la capacité du système de gestion de l'offre à fixer des prix à l'échelle nationale sans tenir compte de ce qui se pratique ailleurs dans le monde.
La position que nous défendons, dans le cadre des négociations, est que les pays devraient pouvoir choisir entre réduire les barrières tarifaires et apporter des améliorations aux contingents tarifaires. Le secteur de la gestion de l'offre appuie la position canadienne selon laquelle on devrait avoir la possibilité de réaliser des améliorations grâce aux contingents tarifaires. Dans un tel environnement, on pourrait continuer d'assurer la gestion de l'offre. Nous constatons que l'idée mise de l'avant par le Canada fait son chemin dans les négociations.
Le président: Aujourd'hui, nous avons entendu quelques témoignages au sujet de l'ACI. Il semblerait qu'il ne fonctionne pas aussi bien qu'il le devrait. Certains sont même de l'avis que c'est un échec et qu'il faudrait le remodeler. Dans un sens, certaines parties pataugent et nous ne faisons pas tout ce que nous devrions pour éliminer les barrières entre les provinces. Je vous demande, à tous les cinq, en tant que décideurs, de réfléchir aux conseils que vous donneriez aux membres de ce comité sur la façon de sortir de cette impasse manifeste.
Le sénateur Hubley: Nous voulons des produits à valeur ajoutée du point de vue des agriculteurs, pour permettre à ces derniers d'accroître leurs bénéfices. Il semble y avoir un déséquilibre entre le coût du produit brut et celui du produit transformé. Que pouvez-vous faire pour aider les agriculteurs à entreprendre ce changement ou les encourager à se tourner vers les produits à valeur ajoutée? Cela pourrait consister à identifier ou à protéger un marché. Quelles sont les barrières commerciales auxquelles font face nos agriculteurs s'ils passent du secteur de la production primaire à celui de la production à valeur ajoutée?
M. Verheul: D'autres témoins voudront peut-être ajouter quelque chose à ceci. L'un de nos objectifs, dans le cadre des négociations de l'OMC sur notre accès à d'autres marchés, est de corriger le problème de l'échelle tarifaire qui fait que les tarifs douaniers appliqués à un produit brut sont très inférieurs à ceux demandés pour un produit transformé, ce qui décourage la transformation dans le pays exportateur et favorise le traitement dans le pays importateur. Un certain nombre de propositions sont sur la table pour éliminer ces disparités. Plutôt que d'exporter des graines de canola dans un pays, nous pourrions exporter de l'huile ou de la farine de canola et donner ainsi une valeur ajoutée à notre produit sans devoir affronter les obstacles qui se dressent sur d'autres marchés et auxquels nous devrions faire face autrement.
J'aimerais également faire mention d'une initiative de la part de l'industrie et des producteurs du Canada, ainsi que d'autres pays, visant à faire mieux connaître toute la question de l'emprise sur le marché en faveur des agriculteurs, pour que ces derniers puissent avoir une plus grande part du gâteau lorsqu'ils vendent leurs produits sur la scène internationale.
Le sénateur Ringuette: Dans ma région, les producteurs laitiers considèrent que l'ALENA est ce qui les touche le plus. Reste-t-il des questions commerciales en suspens relatives aux produits agricoles dans le contexte de l'ALENA?
M. Verheul: Non, il n'y en a pas pour l'instant. Certains secteurs sont décrits comme n'étant pas visés par l'ALENA, notamment les produits soumis à la gestion de l'offre et, du côté américain, les produits sensibles, comme le sucre, le coton, les arachides et autres. Ces produits ont été essentiellement exemptés de l'ALENA. Cet accord a été contesté, sans succès cependant, si bien que ces produits restent exemptés.
Certaines des dispositions de l'ALENA feraient l'objet d'un examen de notre part, notamment au chapitre des subventions, ou pour aplanir les difficultés dans ce domaine entre les deux pays, mais rien n'a vraiment été accompli à cet égard. Le débat porte maintenant plus sur l'OMC que sur l'ALENA.
Le sénateur Fairbairn: Veuillez m'excuser de mon retard. C'est aujourd'hui la Journée de l'alphabétisation sur la Colline parlementaire et je me suis trouvée sur la ligne de front dès ce matin, à une heure impossible. Dans tous les cas, désolée d'avoir manqué les observations initiales.
Je viens du sud-ouest de l'Alberta qui, à l'heure actuelle, connaît l'essentiel des problèmes de l'industrie du boeuf et des industries connexes. Aux fins du procès-verbal, j'aimerais remercier l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour le travail qu'elle a effectué à cet égard. Elle a joué un rôle extraordinaire et décisif, puisqu'elle a permis de placer le Canada dans la position voulue pour justifier l'ouverture de la frontière.
Un de vos collègues m'a accompagnée à des ventes aux enchères et à des rassemblements afin d'expliquer une question complexe qui suscitait beaucoup d'anxiété parmi les agriculteurs au début de la crise. Le fait est qu'ils avaient du mal à comprendre l'aspect scientifique de la chose.
J'adresse mes félicitations à l'Agence qui a fait un travail remarquable; tous les Canadiens devraient en être fiers.
J'aimerais revenir sur la question au sujet de laquelle le président a demandé aux témoins de réfléchir. Je n'ai jamais compris pourquoi si peu d'initiatives sont prises à propos de la question des échanges interprovinciaux au Canada. En 1993, M. Manley, alors ministre de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie, s'était montré décidé à débloquer la situation dans ce domaine, qu'il pleuve ou qu'il vente. Il a consacré beaucoup de temps et d'efforts afin de lancer un processus et de chercher à régler les questions pour permettre de meilleurs échanges interprovinciaux.
Nous nous inquiétons au sujet de l'OMC et de tout ce qui se passe ailleurs dans le monde, mais nous avons ici 10 provinces, trois territoires et ni le gouvernement fédéral ni nous-mêmes ne pouvons faire le ménage chez nous.
Pourriez-vous brièvement indiquer les points essentiels qui empêchent aux intervenants de notre pays de trouver un terrain d'entente? Je sais que les questions sont peut-être légèrement différentes d'une province à l'autre, ce qui est compréhensible, mais pourquoi, en fait, nous privons-nous de la valeur agricole, de l'efficience et d'un avenir pour nos producteurs? Il doit bien y avoir une solution quelque part. Pouvez-vous m'aider à comprendre?
M. Paul Haddow, directeur exécutif, Affaires internationales, Agence canadienne d'inspection des aliments: Il faut se garder d'exagérer le problème. Les barrières interprovinciales sont de toutes sortes et Mme Andras, porte-parole du Secrétariat du commerce intérieur a dit que les différends ont été nombreux — près de 985 — mais que la plupart visaient les marchés publics.
Dans le secteur de l'agriculture, la situation n'est pas si mauvaise, vu qu'il n'y a eu qu'une poignée de différends au cours des huit dernières années, visant essentiellement les produits laitiers et probablement dus aux mécanismes du système de l'offre.
Je ne suis pas spécialiste du système de l'offre, mais peu importe. Nous parlons de produits laitiers, de volaille, d'oeufs. Sans vouloir nier l'importance des barrières interprovinciales au commerce, les questions relatives à la gestion de l'offre sont plus graves.
Une fois ce postulat posé, que reste-t-il à examiner? Essentiellement, on peut dire que tout le reste circule librement aujourd'hui.
Le sénateur Fairbairn: Il n'y a pas de gros problèmes en matière de transport?
M. Haddow: Il peut y en avoir, mais il ne s'agit pas de questions relatives à la politique agricole ni de questions de réglementation susceptibles d'empiéter sur le libre-échange.
Mme Bryanton, ma collègue, a indiqué un peu plus tôt que les échanges de viande et de produits animaux entre les provinces ou à l'extérieur du pays sont tributaires du système fédéral de réglementation. Par exemple, l'abattage et la transformation de la viande doivent se faire sous inspection fédérale.
Le président: Pour répondre aux exigences des marchés internationaux.
M. Haddow: Pour répondre aux exigences des marchés internationaux et pour également traverser les frontières provinciales. Ici et là, de petits abattoirs se plaignent du fait qu'ils ne peuvent supporter les coûts relatifs aux normes fédérales. Ils ne peuvent vendre qu'à l'intérieur de leur province.
Ils demandent s'il n'y aurait pas une façon moins coûteuse d'obtenir l'équivalence en regard de la norme fédérale sans avoir à supporter le coût du système fédéral de réglementation. Nous nous penchons sur cette question avec les provinces. Y a-t-il de meilleures façons d'atteindre l'objectif de salubrité des aliments sans tout le mécanisme et les procédures du système fédéral? Nous essayons de trouver une réponse novatrice à cet égard.
À l'occasion, nous avons un problème de santé des plantes. Par exemple, la tumeur verruqueuse de la pomme de terre à l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agit à ce moment-là de contenir le problème pour ne pas l'exporter dans d'autres provinces. Toutefois, après avoir trouvé l'exploitation en cause, la question a été réglée et les barrières au commerce interprovincial sont tombées.
La gestion de l'offre est un problème, mais la situation n'est pas aussi désastreuse que vous le décrivez aujourd'hui.
Le sénateur Fairbairn: Le groupe international a publié un rapport qui est un aperçu de la façon dont la situation a été traitée au Canada; dans une grande mesure, c'est un rapport très favorable et élogieux qui renferme quelques recommandations importantes, auxquelles on est déjà en train de donner suite — ou on se propose de le faire.
La difficulté que l'on a à assurer les échanges des produits de viande ainsi que le processus d'inspection va-t-elle s'en trouver exacerbée? Ces nouvelles recommandations auxquelles le gouvernement s'est engagé à donner suite vont-elles poser un autre problème aux petits exploitants qui connaissent déjà des difficultés?
Mme Bryanton: L'annulation des matériaux à risque spécifié à l'abattoir est l'une des premières recommandations auxquelles nous avons donné suite. Ces matériaux sont ceux qui sont les plus susceptibles de présenter les symptômes de l'ESB.
Les provinces nous ont beaucoup aidé à promouvoir cette initiative. Les ministres de l'Agriculture ont indiqué qu'ils y souscrivaient entièrement et ils travaillent en étroite collaboration avec nous pour mettre en oeuvre ces mesures au sein des établissements provinciaux.
Cette initiative peut en fait contribuer à la création d'un système national d'inspection des viandes plus positif; elle a certainement amené les provinces à se rendre compte de l'importance d'une approche nationale. L'annulation du risque est le premier exemple de la façon dont les provinces travaillent avec le gouvernement fédéral dans le contexte des exigences et de leur application dans les établissements fédéraux.
Certaines provinces sont plus avancées que d'autres, même si toutes ont indiqué leur appui.
Le sénateur Fairbairn: C'est encourageant.
Le sénateur Wiebe: En réponse à la question du sénateur Fairbairn, vous avez dit que le commerce interprovincial ne présente pas vraiment de problème lorsqu'il s'agit de matières premières; je suis d'accord. Lorsque notre pays a été créé en 1867, il n'était pas question de commerce interprovincial. Toutefois, dans le cadre de l'étude de notre comité, pour que l'agriculteur — c'est-à-dire, le producteur primaire — puisse apporter une valeur ajoutée à son produit, il doit pouvoir le transformer. C'est là que les barrières interprovinciales font mal. Le producteur ne peut pas le faire, car les barrières provinciales l'empêchent d'envoyer un produit transformé — plutôt qu'une matière première — dans une autre partie du pays. À mon avis, l'ACI n'est pas près de permettre aux producteurs primaires de notre pays d'apporter une valeur ajoutée à leurs produits à cause des barrières qui continuent d'exister dans toutes les provinces.
Mme Bryanton: L'ACI traite essentiellement des barrières entre les provinces. Si l'on examine les activités du Comité fédéral-provincial-territorial de l'agroalimentaire, on voit que peu de questions ont donné lieu à une exigence unique dans une province donnée. À leur dernière réunion, par exemple, les membres ont examiné la question de la mouche de l'airelle. Il s'agit d'un problème de santé des plantes. Ils examinent également le mouvement interprovincial des cervidés dont l'importance s'est fait ressentir au plan international à cause de l'encéphalopathie. Ils se penchent sur la question de la brûlure de l'épi, en raison d'une demande faite par certaines municipalités en Alberta. Le comité s'efforce de régler des problèmes présentés par une province en particulier ou, dans certains cas, par plusieurs. En fait, il est très rare qu'une province présente des problèmes de nature technique ou de réglementation.
Comme vous l'avez dit, des restrictions sont imposées aux mouvements interprovinciaux des produits dans les secteurs tombant sous le coup des lois commerciales. Par exemple, si un produit transformé est visé par une de nos lois, par le règlement sur les produits laitiers, le règlement sur les produits transformés, il doit avoir été produit dans un établissement qui répond aux exigences de la loi fédérale afin de pouvoir traverser les frontières provinciales. Il existe aussi des établissements provinciaux qui transforment des produits alimentaires vendus dans la province. Craignez- vous que certains de ces établissements provinciaux qui ne sont pas en mesure de répondre aux exigences fédérales ne peuvent pas accepter le produit de ce producteur ni l'expédier dans toutes les provinces pour développer leurs marchés?
Le sénateur Wiebe: Veuillez m'excuser, madame Bryanton, mais la question que je vous ai posée s'adressait en fait à Paul Haddow. C'est en raison de ma mauvaise vue que je vous ai confondus. Toutefois, je vous félicite pour votre réponse éclairée.
Le président: Monsieur Haddow, vous avez maintenant la parole.
M. Haddow: Ma collègue a répondu à la question aussi bien que j'aurais pu le faire.
Je ne veux pas minimiser le problème. Les questions sanitaires et phytosanitaires ont été préoccupantes — c'est-à- dire la santé des animaux et des plantes ainsi que la salubrité des aliments. Cet accord a vu le jour juste au moment où nous venions de négocier l'ALENA. L'OMC venait juste d'être créée et on avait hâte de se traiter les uns les autres au Canada aussi bien que l'on traitait nos concurrents étrangers. Par conséquent, on retrouve un chapitre sur les questions sanitaires et phytosanitaires. Cela n'a toutefois pas posé de problème. Les provinces n'ont pas pris avantage des mesures relatives à la salubrité des aliments ou à la santé des animaux pour bloquer les échanges. Nous nous sommes traités comme il le fallait et n'avons pas profité du système. Il n'y a pas eu de différends sur les questions sanitaires et phytosanitaires et les gens n'ont pas triché. Je ne dis pas qu'il ne devrait pas être plus ambitieux, mais compte tenu de l'article restreint dont je m'occupe, il n'y a pas eu de vagues, puisqu'il n'y a pas eu de problème. Je n'en dirai pas plus, sénateur.
Le président: Je vais maintenant poser les questions du sénateur Day, puisqu'il a dû se rendre à la séance du Comité des transports et des communications.
L'ACI vise à supprimer les barrières au libre-échange intérieur des produits, des services et des capitaux, à assurer une plus grande mobilité de la main-d'oeuvre dans le pays et à réduire les chevauchements en harmonisant les normes.
Le sénateur Day souhaite savoir si des études sont en cours à cet égard. Si oui, sont-elles menées par les universités ou par des groupes d'experts et qui parmi ces entités effectue la recherche sur les questions relatives au commerce interprovincial? Par ailleurs, sur quels points porte cette recherche? Quels sont les défis auxquels sont confrontés les chercheurs quant à l'effondrement des barrières interprovinciales?
Essayons-nous d'en faire trop d'un seul coup à cet égard? Devrait-on procéder par produit, par secteur ou bilatéralement — deux provinces à la fois, par exemple?
Envisagez-vous un programme comme celui présenté il y a quelques années par Otto Lang?
Quels sont les problèmes et les défis auxquels ils sont confrontés?
M. Thomson: Je ne suis pas au courant de quelque travail de recherche spécialisée que ce soit au Canada dans le domaine de l'agriculture. Il peut s'en faire dans le cadre de programmes d'études supérieures en économie, à Queen's ou ailleurs; je ne suis pas au courant.
Il ne semble pas qu'il y ait de groupe de réflexion sur la question de la suppression des barrières commerciales interprovinciales ainsi que sur les impacts et avantages économiques. Il se peut que les revues de l'Association canadienne d'économique, par exemple, renferment quelques textes quantitatifs, mais on y retrouve tellement de lettres grecques et de chiffres bizarres que je ne les comprendrais pas.
Le président: Faudrait-il procéder par secteur, par produit?
M. Thomson: C'est peut-être ce qui se passe. Mes collègues essayent de trouver un genre d'entente pour les questions de réglementation, les questions techniques comme celles de la mouche de l'airelle. Je crois que c'est ce qui se passe, puisque cela fait partie des règles du jeu.
Le président: Avant de conclure, je vous ai posé une question que le sénateur Fairbairn a reprise; j'aimerais savoir si vous-même et votre groupe avez des suggestions en matière de politique générale visant à étoffer l'ACI.
M. Thomson: Tout se décide essentiellement par consensus. Le règlement des différends est fondé sur le principe de l'adoption sans aucune responsabilité juridique quant à la mise en oeuvre des recommandations. Il faut se demander si une question donnée pourrait permettre une amélioration d'un genre ou d'un autre. Nous travaillons tous dans le domaine des accords commerciaux internationaux, par exemple, les accords SPS dans le contexte de l'OMC, l'ALENA, ainsi que les accords de l'OMC relatifs à l'agriculture. Nous ne pourrions pas aller très loin si les groupes d'experts ne prenaient pas de décisions à caractère exécutoire à propos des questions posées et de la nécessité de donner suite à ces décisions au bout d'un certain temps.
Les provinces voudront peut-être se pencher sur certaines analogies à un moment donné.
Le président: Le sénateur Day a demandé si les décisions de ces groupes d'experts étaient contraignantes. Nous avons entendu votre réponse à ce sujet. Y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez nous demander d'examiner en tant que comité?
Mme Bryanton: Un peu plus tôt, j'ai indiqué que le comité fédéral-provincial-territorial n'a pas à s'occuper des nombreuses barrières. Le plus important consiste à éviter les barrières.
Sans vouloir nullement diminuer l'importance de l'accord sur le commerce intérieur, je tiens également à dire qu'il est aussi important de reconnaître les efforts déployés pour éviter des problèmes à l'avenir. Le comité travaille activement à l'élaboration d'un code national sur la viande, par exemple. Il s'efforce de mettre au point une approche en matière de systèmes de salubrité des aliments à l'exploitation même et souligne l'importance de la capacité de déterminer l'origine des aliments.
Ce sont certaines des nouvelles questions qui se posent dans le secteur de l'agriculture. Le comité les examine de près pour en tirer le meilleur avantage mais aussi, pour éviter des barrières érigées par suite d'initiatives au niveau provincial ou national.
Il est probablement important de savoir qu'il existe d'autres mécanismes permettant d'éviter les barrières commerciales.
Le président: À titre d'information, monsieur Thomson, nous venons juste d'apprendre que l'Institut économique de Montréal a publié une étude il y a deux ans demandant la suppression des barrières commerciales. C'est l'exemple d'un groupe de réflexion qui a fait du travail dans ce domaine.
M. Thomson: Dans le domaine de l'agriculture?
Le président: Pas précisément dans ce domaine, non.
Au nom du comité, j'aimerais vous remercier. Comme dans le cas du témoin précédent, plusieurs questions restent en suspens et nous espérons, dans le cadre de notre étude, pouvoir vous convoquer de nouveau afin de vous poser d'autres questions une fois que nous en saurons davantage.
Dans un certain sens, vous avez tous les trois donné une image assez positive de la situation. Ce n'est pas ce qui ressort de la documentation que nous avons lue jusqu'ici. Il se peut que nous souhaitions vous convoquer de nouveau pour vous poser des questions plus difficiles en fonction des témoignages que nous allons entendre.
M. Thomson: Au nom de mes collègues, sénateur, merci beaucoup de nous avoir reçus; nous restons à votre disposition.
La séance est levée.