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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 10 - Témoignages du 17 février 2003


OTTAWA, le lundi 17 février 2003

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 17 heures pour examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada et pour en faire ensuite rapport.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

Le président: Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Ce soir, le comité poursuit ses audiences sur les relations canado-américaines en préparation pour son voyage à Washington afin de rencontrer des membres du Congrès et des représentants de l'administration au cours de la dernière semaine du mois de mars.

Je suis de l'Ontario et je suis président de ce comité.

Immédiatement à ma droite se trouve notre vice-président, le distingué sénateur Michael Forestall, de la Nouvelle- Écosse, qui représente les électeurs de Dartmouth depuis 37 ans, d'abord en tant que député de la Chambre des communes puis à titre de sénateur. Au cours de sa carrière parlementaire, il s'est intéressé aux questions de défense, ayant été membre de divers comités parlementaires liés à la défense, notamment en 1993 du Comité mixte spécial sur l'avenir des Forces canadiennes. Le sénateur Forestall a aussi été vice-président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications et président du Comité sénatorial spécial de la sécurité des transports.

À côté du sénateur Forestall se trouve le sénateur Tommy Banks de l'Alberta, qui est reconnu au Canada comme étant l'un de nos artistes les plus accomplis et les plus polyvalents. Il s'est vu décerner un prix Gémeaux pour sa prestation dans une émission de variété à la télévision et, en tant que musicien, il est lauréat d'un prix Juneau et du Grand Prix du Disque du Canada. Il a été chef d'orchestre ou directeur musical de nombreux événements internationaux, notamment les Jeux du Commonwealth et les cérémonies inaugurales d'Expo 1986 et des XV Jeux olympiques d'hiver.

Le sénateur Banks continue de se dévouer sans compter pour les artistes canadiens de la scène et tout récemment, il a aidé l'Orchestre philharmonique de Calgary à obtenir du financement. Il est président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Ce comité examine actuellement la Loi sur le contrôle de la sûreté nucléaire.

À coté du sénateur Banks se trouve le sénateur Norman Atkins de l'Ontario. Il a été nommé au Sénat en 1986 et il a beaucoup d'expérience dans le domaine des communications. Il a été conseiller auprès de l'ancien premier ministre Davis de l'Ontario. Le sénateur Atkins a fait des études en économie à l'Université Acadia et y est récemment retourné pour accepter un doctorat honorifique en droit civil. Il a été membre de nombreux comités permanents, notamment ceux des transports et des communications, des affaires étrangères, des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il a été très actif pour appuyer les anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne et il est membre de notre sous-comité des affaires des anciens combattants. À l'heure actuelle, le sénateur Atkins est président du caucus conservateur du Sénat. Il est par ailleurs un membre extrêmement actif du Comité sénatorial de la régie interne, des budgets et de l'administration.

À mon extrême gauche se trouve le sénateur David Smith de l'Ontario, qui a une formation d'avocat. Il est devenu un spécialiste très réputé en droit municipal et administratif et en réglementation. Dans les années 70, il a été élu au conseil municipal de Toronto et il est devenu adjoint du maire de Toronto. Il a été député de 1980 à 1984 et ministre d'État (Petites entreprises et Tourisme) au sein du dernier conseil des ministres sous le premier ministre Trudeau. Au Sénat, le sénateur Smith est également membre du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et du Comité permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement.

Notre comité est le premier comité sénatorial permanent qui a le mandat d'examiner les questions de la sécurité et de la défense. Au cours des 18 derniers mois, nous avons fait un certain nombre d'études. Après sept mois, le comité a terminé une étude des principaux problèmes auxquels le Canada est confronté et a produit, en février 2002, un rapport intitulé L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense.

Le Sénat a ensuite demandé à notre comité d'examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité. Jusqu'à présent, nous avons publié trois rapports sur divers aspects de la sécurité nationale. Le premier, intitulé «La défense de l'Amérique du Nord: une responsabilité canadienne», a été publié en septembre 2002; le deuxième, intitulé «Mise à jour sur les crises financières des forces canadiennes: Une vue de bas en haut», a été publié en novembre 2002 et le troisième et plus récent «Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens» a été publié en janvier 2003.

La semaine dernière, le comité a commencé ses séances d'information au sujet des relations canado-américaines en invitant l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Le comité a appris que des progrès importants avaient été accomplis pour mettre en oeuvre le Plan d'action en 30 points de la frontière efficace. Nous étions particulièrement heureux d'entendre parler du succès et de l'expansion rapide des programmes qui accélèrent le processus à la frontière pour les voyageurs et les expéditeurs fréquents préapprouvés, sans mettre en danger la sécurité.

Ce soir, nous entendrons la Garde côtière canadienne et le Service canadien du renseignement de sécurité.

Ces séances d'information sont une partie essentielle de notre préparation pour le voyage que le comité effectuera à Washington à la fin du mois de mars. À Washington, nous aborderons avec les membres de l'administration américaine et nos homologues du Congrès des préoccupations de sécurité communes.

Ce soir, nos témoins de la Garde côtière canadienne sont M. Sylvain Lachance, directeur général intérimaire de la flotte, et M. Tim Meisner, directeur, Politiques et législation, Programmes maritimes. Bienvenue à notre comité, messieurs.

M. Tim Meisner, directeur, Politiques et législation, Programmes maritimes, Garde côtière canadienne: Je vous ai remis un document d'information que je vais vous expliquer tout en tentant de répondre à certaines questions clés, notamment: Qu'est-ce que la Garde côtière canadienne? Quels sont les principaux programmes et services offerts par la Garde côtière canadienne? Quel est le rôle de la Garde côtière en matière de sécurité maritime? Comment la Garde côtière canadienne se distingue-t-elle de la Garde côtière américaine? Je pense que la réponse à cette dernière question pourrait vous être utile lors de votre voyage à Washington dans quelques semaines.

La deuxième diapositive donne un aperçu de la taille et de l'ampleur de la Garde côtière canadienne à l'heure actuelle. Comme vous le savez peut-être, la Garde côtière relève depuis 1995 du MPO, le ministère des Pêches et des Océans, alors qu'elle relevait auparavant de Transports Canada.

La mission de la Garde côtière canadienne comporte quatre éléments: assurer l'utilisation sécuritaire et soucieuse de l'environnement des voies navigables du Canada; favoriser la connaissance et la gestion des ressources océaniques; faciliter l'utilisation de nos eaux à des fins de transport, de loisirs et de pêche; et mettre à profit son savoir-faire maritime à l'appui des intérêts nationaux et internationaux du Canada.

Comme vous pouvez le voir sur la diapo concernant la taille de l'organisation, nous avons plus de 4 400 employés appuyés de 5 100 bénévoles dans les services auxiliaires. Nous sommes présents dans cinq régions administratives et notre administration centrale se trouve ici à Ottawa. Nous avons 262 phares et un réseau de plus de 18 000 aides à la navigation. Notre flotte compte 104 navires, dont trois aéroglisseurs. Nous avons 27 hélicoptères et deux aéronefs à voilure fixe et nous nous déployons à partir de 11 bases.

La troisième diapositive donne un aperçu du cadre législatif de la Garde côtière. Tout d'abord, la Loi sur la marine marchande du Canada constitue le cadre de réglementation et législatif de la Garde côtière. Elle donne au ministre des Pêches et des Océans la responsabilité précise à l'égard de la plupart des services de la Garde côtière canadienne. La Loi sur les océans stipule que le ministre des Pêches et des Océans est le ministre responsable de la Garde côtière canadienne. La Loi sur la protection des eaux navigables donne au ministère la responsabilité de protéger le droit du public à la navigation et confère les pouvoirs fédéraux d'approuver des ouvrages ou d'éliminer des obstacles. Par ailleurs, nous avons des obligations aux termes de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et de la Loi sur les pêches.

La quatrième diapositive explique les services que nous offrons. Nous offrons ces services qui visent le plus long littoral au monde, en plus de 3 700 kilomètres de voies navigables intérieures qui s'étendent du golfe Saint-Laurent jusqu'à l'extrémité occidentale du lac Supérieur. Pour offrir ces services, la Garde côtière canadienne compte plus de 3 000 opérateurs de première ligne qui s'occupent de nos installations et de nos navires et qui administrent nos programmes.

Les principaux services que nous offrons sont la recherche et le sauvetage, la sécurité nautique, le glaçage et escorte, les services de communications et de trafic maritimes, les services à la navigation maritime, la protection et l'intervention environnementales, l'appui aux programmes de conservation et protection et des sciences, et l'appui aux programmes et aux ministères. Je vais vous donner un bref aperçu de nos responsabilités dans le cadre de chacun de ces programmes.

Sur la cinquième diapo, nous avons la recherche et sauvetage. Lors de ces opérations, la Garde côtière canadienne collabore étroitement avec le ministère de la Défense nationale. Nous répondons ensemble aux incidents maritimes et aériens entraînant des opérations de recherche et sauvetage en regroupant nos effectifs dans les centres de coordination du sauvetage. Nous bénéficions aussi de l'aide bénévole de la Garde côtière auxiliaire canadienne qui est essentielle pour donner un maximum d'efficacité à ce programme. Comme la statistique du bas de page vous le montre, en moyenne, la Garde côtière prête secours à 55 personnes et sauve la vie à huit personnes dans le cadre de 19 missions de recherche et sauvetage chaque jour.

La diapo 6 vous donne un aperçu de notre programme de sécurité nautique. Nous avons un bureau de la sécurité nautique qui encourage la sécurité grâce à des programmes de sensibilisation. Nous donnons des conseils de sécurité nautique, nous proposons des inspections de sécurité sans obligations, nous organisons des démonstrations de sécurité nautique et nous élaborons et administrons des règlements sur la sécurité de la navigation de plaisance.

À la diapo 7, vous avez un aperçu de nos activités de déglaçage. En hiver, nos brise-glace sont dans le centre et l'est du Canada; en été, on les trouve dans l'est de l'Arctique. Les brise-glace font de l'escorte, de l'entretien des canaux, ils donnent aux navires des informations sur la navigation dans les glaces et ils contribuent à la lutte contre les inondations sur les rives du Saint-Laurent.

La diapo 8 est un instantané de nos services de communications et de trafic maritimes. Il s'agit d'un programme de communications et de coordination afin de repérer les situations de détresse et d'assurer une aide en temps opportun. Nous filtrons les navires pour empêcher des navires dangereux d'entrer dans les eaux canadiennes. Nous réglementons aussi les déplacements des navires et nous fournissons des informations sur le trafic maritime à l'industrie et à d'autres ministères comme le ministère de la Défense nationale.

La diapo 9 présente nos services à la navigation maritime. Le programme de services à la navigation maritime fournit des aides à la navigation afin d'assurer la sécurité de la navigation maritime dans les eaux canadiennes. Il est aussi responsable de la protection du droit du public à naviguer et de l'aménagement des voies d'eau ainsi que des services de dragage.

Les responsabilités environnementales de la Garde côtière incluent la prévention des déversements d'hydrocarbures et les mesures de préparation et d'intervention lorsque cela se produit. La prévention consiste essentiellement en dissuasion et inclut l'application de la réglementation sur la prévention de la pollution. En outre, les aéronefs de surveillance aérienne repèrent les navires qui rejettent illégalement des polluants dans les eaux canadiennes. La préparation au déversement inclut l'organisation de partenariat avec l'industrie pour produire de nouveaux équipements et de nouvelles stratégies d'intervention en cas de déversement. La dernière activité, c'est l'intervention. La Garde côtière veille à réagir de façon efficace aux déversements. Bien que les organisations du secteur privé soient la première ligne de défense en cas de déversement, la Garde côtière peut être la première à intervenir en cas de déversements auxquels une organisation individuelle n'est pas capable de faire face et peut intervenir sur des déversements au large et au nord du 60e parallèle.

La diapo 11 donne un aperçu de l'appui que nous apportons au ministère des Pêches et des Océans. Comme le montre cette diapo, nous apportons un appui aux services d'océanographie et d'hydrographie, et notre flotte sert à l'application et à la surveillance des pêches.

La diapo 12 donne un bref aperçu des autres ministères et organismes avec lesquels nous collaborons pour assurer la gestion du secteur maritime: il s'agit de Transports Canada, du ministère de la Défense nationale, d'Environnement Canada, de la Gendarmerie royale du Canada, de l'Immigration et des Douanes.

Les diapos 13 et 14 donnent un rapide aperçu de la façon dont Pêches et Océans, et notamment la Garde côtière canadienne, contribuent à la sécurité maritime au Canada. Comme vous le savez probablement, Transports Canada est le ministère responsable de la sûreté maritime. Au ministère des Pêches et des Océans, la Garde côtière est chargée de la gestion des activités de sécurité maritime.

Je précise que la Garde côtière n'est ni un organisme d'application de la loi, ni un organisme de maintien de la sécurité. Le rôle de la Garde côtière consiste à appuyer les services de sécurité en recueillant et en diffusant des informations d'ordre maritime et en fournissant des plates-formes, une infrastructure et une expertise.

Le mandat de la Garde côtière demeure la sécurité maritime, la protection de l'environnement et l'appui au commerce maritime. Toutefois, bien que la Garde côtière n'ait pas de mandat en matière de sécurité, elle contribue de façon importante à accroître la sécurité du Canada.

La principale contribution de la Garde côtière au renforcement de la sécurité maritime fédérale est notre capacité de recueillir et de gérer l'information maritime qui est partagée avec d'autres organisations. De plus, nous fournissons les services de notre flotte à la communauté canadienne de l'application de la loi.

À la diapo 14, on énumère les éléments particuliers de la contribution du MPO au dossier de la sûreté maritime. Immédiatement après le 11 septembre, la Garde côtière a accru le préavis exigé pour les navires qui arrivent en eaux canadiennes, ce délai passant de 24 à 96 heures, et la flotte de la Garde côtière passe davantage de temps en mer pour affirmer la présence canadienne. À la suite de l'annonce faite par le gouvernement fédéral le 22 janvier 2003, la Garde côtière va mettre en oeuvre un système d'identification automatisé connu sous le sigle SIA, qui est un transpondeur embarqué permettant aux navires de transmettre de façon continue leur identification, leur position, leur cap, leur vitesse et les autres données associées à leur mission à tous les autres navires qui se trouvent dans les parages et aux stations terrestres. Cela permettra à la Garde côtière de recueillir et de partager l'information sur les navires qui approchent des eaux canadienne ou qui s'y trouvent.

En outre, le programme de conservation et de protection du ministère des Pêches et des Océans va renforcer son programme de surveillance aérienne. Cela veut dire qu'il y aura un plus grand nombre de patrouilles aériennes sur les deux côtes, à l'intérieur et à l'extérieur de la limite des 200 milles. L'information recueillie grâce à ces vols de surveillance est utilisée pour faire respecter les règles pour la pêche et pour déceler la pollution marine, et fournit aussi des renseignements sur l'activité des navires.

À la diapo 15, j'ai donné un bref aperçu des activités de la Garde côtière des États-Unis, en indiquant certaines différences entre la Garde côtière canadienne et la Garde côtière des États-Unis. Cette dernière fournit un service maritime ayant de multiples missions avec un caractère militaire, en fonction de cinq missions de base. La première est la sécurité maritime, ce qui comprend la recherche et le sauvetage, la sûreté maritime et la sécurité de la navigation de plaisance. La deuxième est la protection des ressources naturelles, ce qui englobe la pollution marine, l'éducation, la prévention et l'intervention d'urgence. La troisième est la mobilité maritime; c'est sous cette appellation que les Américains désignent les aides à la navigation, les services de brise-glace et la gestion du trafic maritime. Leur quatrième mission est la sûreté maritime, qui comprend la répression du trafic des drogues et des immigrants clandestins, et l'application de la loi et des traités. Enfin, ils ont une mission de défense nationale, ce qui comprend des activités générales associées à la défense, la sécurité intérieure, et la sécurité des voies d'eau importantes. Ce sont les deux dernières missions, nommément la sûreté maritime et la défense nationale, qui différencient surtout la Garde côtière canadienne de la Garde côtière américaine, puisque ces activités sont du ressort d'autres organisations au Canada.

Enfin, étant donné qu'elle joue un rôle de sécurité intérieure, la Garde côtière des États-Unis sera intégrée au département de la Sécurité intérieur à partir du 1er mars 2003. L'organisation passe en bloc au nouveau ministère, de sorte que ses activités ne devraient pas être grandement dérangées par ce déménagement.

Nous nous ferons un plaisir de répondre à toute question que vous pourriez avoir au sujet de la Garde côtière canadienne, ou sur d'autres sujets.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Meisner. C'était un survol très utile. Je pense que ce sera plus qu'une introduction utile à la Garde côtière canadienne.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous a lu les trois rapports traitant d'une garde côtière moderne et de son rôle? J'englobe dans cette question le rapport de l'Institut royal qui a été publié il y a quelques semaines.

M. Meisner: Je les ai lus tous les trois.

Le sénateur Forrestall: À votre avis, quel est le pour et le contre de donner à la Garde côtière un rôle plus officiel pour ce qui est de garantir la sécurité de la côte du Canada et de protéger nos ports?

Je dois vous dire que nous vous posons cette question parce que quelqu'un nous posera une question semblable à Washington. Nous aimerions savoir ce que vous en pensez, à titre d'experts.

M. Meisner: Le gouvernement canadien déploie actuellement des programmes de sécurité maritime dans un cadre de collaboration, faisant appel à de nombreux ministères, sous l'égide de Transports Canada. Depuis plusieurs années, nous avons eu de nombreuses réunions qui ont abouti à l'approche annoncée le 22 janvier dernier pour ce qui est des initiatives de sécurité maritime du gouvernement canadien. À mon opinion, cette approche axée sur la collaboration a très bien fonctionné jusqu'à maintenant.

Le sénateur Forrestall: Je ne sais pas trop ce que je dois comprendre de votre réponse. Je vous ai demandé quel était le pour et le contre, mais j'ai l'impression qu'il n'y a que du pour.

M. Meisner: Je dirais que le contre, sans vouloir m'aventurer dans une discussion sur les programmes, serait qu'il faudra un vaste effort de réorganisation des différents organismes qui participent actuellement à la prestation de ces programmes.

Le sénateur Forrestall: Êtes-vous du même avis?

M. Sylvain Lachance, directeur général intérimaire, Flotte, Garde côtière canadienne: Malheureusement, je n'ai pas lu le rapport, sinon des extraits publiés dans les médias. Je partage l'opinion de M. Meisner là-dessus.

Le sénateur Forrestall: Le rôle de la Garde côtière a tellement changé en si peu de temps. Nous sommes nombreux à penser qu'on n'a peut-être pas vraiment réfléchi à l'orientation qu'on voulait donner à cette organisation, en la faisant passer des Transports aux Pêches et en réduisant ses effectifs. Je ne pense pas qu'on ait commandé un nouveau navire depuis sept ou huit ans, ou peut-être même 10 ou 12.

M. Lachance: Si je me rappelle bien, c'est en 1987 qu'a été construit le dernier bâtiment important.

Le sénateur Forrestall: C'était il y a 16 ans.

Le président: C'était le Sir John A. Macdonald. C'est lui qui l'a lancé personnellement.

Le sénateur Forrestall: Sir John A. était un grand capitaine.

Quelle orientation devrions-nous prendre et que devrait-on faire de la Garde côtière canadienne? Mon expérience sur la côte de Nouvelle-Écosse m'a appris que, si ce n'était des pêcheurs, il serait impossible d'avoir accès à 90 p. 100 des petits ports de Nouvelle-Écosse. En effet, on ne saurait pas où se trouvent les chenaux, ou alors quelqu'un découvrirait de manière abrupte que les écueils ont changé de place.

Je ne vois pas bien quel rôle elle joue. Vous nous avez donné la recherche et le sauvetage. Est-ce que quelqu'un pourrait changer le cher vieux Labrador et le remplacer par un Cormorant? Nous avons actuellement un Labrador là- bas, ce qui est encore même pire que le Sea King. Un Sea King serait une amélioration par rapport au Labrador.

Où allons-nous, à votre avis. Nous avons cinq régions, et le tout est dirigé, peu ou prou, à partir d'Ottawa. Est-ce que nous devrions continuer de fonctionner de cette façon? Dans quelques semaines, nous allons rencontrer nos collègues américains; ils nous demanderont peut-être ce que nous faisons en matière de défense côtière. Avez-vous quelques mots d'encouragement à l'endroit de la flotte de la Garde côtière canadienne?

M. Meisner: À l'heure actuelle, nous n'avons pas de rôle d'application de la loi ou de sécurité à la Garde côtière canadienne. C'est la marine qui se charge de la protection des côtes. Quand il s'agit de travailler ensemble, nous avons effectivement une contribution, en ce sens que nous travaillons avec la section des transports de la marine, la GRC et d'autres organismes pour mettre en oeuvre les programmes de sécurité maritime du Canada. Je pense que l'annonce faite en janvier reflète l'approche globale intégrée en matière de sécurité maritime dans laquelle la Garde côtière joue un rôle important, mais pas un rôle de grande envergure.

Le sénateur Forrestall: Nos navires ne sont pas armés. À part le capitaine, on n'y trouve aucune autorité policière.

M. Lachance: Le capitaine n'a pas de pouvoirs policiers.

Le sénateur Forrestall: Nous ne sommes pas armés. Quand nous prenons des passagers à bord, c'est parce que nous n'avons pas d'agents de la paix ou de policiers à bord. Nous avons peut-être un inspecteur des pêches.

M. Lachance: Nous avons en effet des agents des pêches. Quand nous partons en mission de patrouille de pêche, nous transportons à bord des agents des pêches qui ont des armes à feu.

Le sénateur Forrestall: Dans quels autres cas trouve-t-on à bord des agents dotés des pouvoirs de la police?

M. Lachance: Nous faisons des missions avec la GRC. À l'occasion, nos bateaux servent de moyen de transport pour amener des agents de police à certains endroits ou pour certaines missions. En pareils cas, nous aurions à bord des agents de la GRC.

Le sénateur Forrestall: Vous arrive-t-il d'avoir à bord des militaires?

M. Lachance: Nous accueillons à l'occasion des militaires pour certains cours de formation.

Le sénateur Forrestall: Pour certains cours de formation. Avez-vous déjà eu à bord des soldats de la FOI2 pour des missions de formation amphibie ou d'assaut?

M. Lachance: Je crois que oui.

Le sénateur Forrestall: Dans ce cas, nous jouons un rôle actif. Je me demande pourquoi vous passez cela sous silence?

M. Lachance: Nous n'avons pas de mandat, mais nous jouons effectivement un rôle, ce qui est différent.

Le sénateur Forrestall: Vous pourriez avoir un rôle accru ou différent. Qu'arriverait-il si vous étiez une division tout à fait opérationnelle du ministère des Pêches et des Océans? Est-ce que vous vous sentiriez un peu plus à l'aise? Vous n'êtes ni chair ni poisson. Vous êtes au ministère des Transports, depuis 120 ans.

M. Lachance: Nous servons toujours les mêmes clients: la communauté de la navigation de plaisance, les pêcheurs et les transporteurs maritimes commerciaux. Nous continuons de leur offrir nos services.

Le sénateur Forrestall: Je reviens à la flotte. Votre dernière acquisition de navire date de 16 ans. Quelle capacité avons-nous en matière de brise-glace pour les ports en eaux peu profondes?

M. Lachance: Une capacité très limitée.

Le sénateur Forrestall: Comment conciliez-vous cela avec un scénario de répression du trafic ou un scénario de patrouille en matière de défense côtière?

M. Lachance: Je ne suis pas sûr de comprendre la question.

Le sénateur Forrestall: Nous faisons ce type de travail et nous sommes capables de le faire. Prenons un cas qui est arrivé cette année, depuis littéralement la fin novembre jusqu'à, d'après la météo d'aujourd'hui, probablement la fin mars. Comment pouvons-nous amener nos navires dans les ports en eaux peu profondes?

M. Lachance: Nous avons une flottille de brise-glace qui est encore en bon état. Je parle des gros brise-glace. Nos brise-glace à faible tirant d'eau qui sont normalement utilisés pour le déglaçage des petits ports commencent à se faire vieux. Ce sont probablement les éléments les plus vieux de notre flotte à l'heure actuelle.

Le sénateur Forrestall: Combien en avons-nous?

M. Lachance: Je pense que nous en avons six.

Le sénateur Forrestall: Est-ce qu'ils sont répartis partout dans tout le Canada atlantique?

M. Lachance: Dans l'Atlantique, au Québec et dans les Grands Lacs.

Le sénateur Forrestall: Y en a-t-il sur la côte Ouest ou dans l'Arctique?

M. Lachance: Nous avons un petit bateau sur la côte Ouest. Il se situe dans cette catégorie, mais il n'a pas de capacité de déglaçage.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que vous faites encore une rotation de vos officiers pour leur faire passer du temps sur la côte Ouest?

M. Lachance: Nos officiers passent l'essentiel de leur carrière dans une région donnée, s'ils le souhaitent.

Le sénateur Forrestall: N'y a-t-il pas d'échange pour la formation?

M. Lachance: Très peu.

Le sénateur Forrestall: Pourquoi?

M. Lachance: Je suppose que cela a à voir avec la manière dont le recrutement fonctionne, c'est-à-dire que les gens sont affectés dans une région ou à un niveau particulier dans une région, et ils restent habituellement à leur poste.

Le président: Par curiosité, quand la Garde côtière est passée des Transports aux Pêches, est-ce que l'un ou l'autre des navires a changé de port d'attache au cours de l'année suivante?

M. Lachance: Pas que je me rappelle. Nous avons fait une rationalisation de la flotte à ce moment-là et un bon nombre de navires étaient en service. Certains navires ont en effet été éliminés. À cause de cette réduction, il a fallu rééquilibrer la flotte pour que la capacité demeure la même d'un bout à l'autre du pays, et certains navires ont été déployés d'une région à l'autre à ce moment-là.

Le président: Est-ce que Terre-Neuve s'est retrouvée avec plus ou moins de navires après le changement? Vous n'avez pas à me répondre tout de suite.

Le sénateur Forrestall vous a également interrogé sur les brise-glace. De quelle classe de brise-glace s'agit-il, je vous prie?

M. Lachance: Nous avons des 1300, 1200, 1100 et 1000.

Le président: Si vous deviez les ranger dans des classes numérotées de un à dix, de quelle classe s'agirait-il?

M. Lachance: Les classes de brise-glace sont numérotées à partir de 1000.

Le président: Prenons un brise-glace de la classe 1000; peut-il naviguer en mode continu dans une glace d'une épaisseur d'un pied à cinq nœuds?

M. Lachance: Il faudrait que je vous donne les détails à ce sujet. Le plus puissant, c'est le 1300. La classification décrit la capacité globale, pas l'épaisseur de glace qu'il peut briser. Je peux vous communiquer cela.

Le président: En fait, ces brise-glace montent sur la glace et l'écrasent au lieu de passer dessous et de la faire éclater. Ils ont une forme ovale par opposition à une forme de cuiller, et c'est un dessin qui remonte en gros à 34 ans.

M. Lachance: Non, cela, ce sont les anciens. Nous en avons des plus récents comme le Henry Larson, le dernier que nous avons construit. Il a été construit au milieu des années 1980.

Le président: Vous connaissez des navires d'approvisionnement comme le Kigoriak et leur nouveau dessin?

M. Lachance: Nous avons un brise-glace.

Le président: Il a une coque en forme de cuiller et l'eau descend sur les côtés.

M. Lachance: Nous avons acheté le Terry Fox à l'industrie pour remplacer le Sir John A. MacDonald, qui a une proue en cuiller...

Le président: Comment le trouvez-vous?

M. Lachance: Il a ses limites pour le genre de travail que nous faisons.

Le président: Il est bon ou mauvais?

M. Lachance: Ni l'un ni l'autre, cela dépend du genre de travail que nous faisons. Pour certaines tâches, il n'est pas aussi bon que les autres brise-glace à cause de la forme de sa poupe. C'est une poupe carrée et il ne tourne pas aussi bien que les autres navires que nous avons.

Le président: Vous dites que vous filtrez les navires dangereux à distance. Comment faites-vous?

M. Meisner: Les navires doivent répondre à une liste de questions des services de communications et de trafic maritimes, les SCTM. Transports Canada réglemente la sécurité des navires. Si un navire particulier est inscrit sur une liste ou déclare quelque chose d'anormal et que Transports Canada en est informé, ou bien on n'autorise pas le navire à entrer dans les eaux canadiennes ou on le dirige vers un certain mouillage pour rectifier la situation...

Le président: À qui communiquez-vous les informations?

M. Meisner: Dans le cas d'un navire non sûr, c'est Transports Canada.

Le président: Vous avez aussi d'autres informations?

M. Meisner: Nous avons des liens avec d'autres ministères tels qu'Agriculture Canada, si le navire transporte une denrée interdite.

Le président: Vous informez Douanes Canada du nombre de conteneurs et de leur contenu?

M. Meisner: Oui. Nous avons toutes les informations. Nous avons une liste de navires suspects. Si un navire figure sur cette liste, dès que nous apprenons qu'il approche des eaux canadiennes, nous contactons le ministère ou l'organisme qui l'a inscrit sur la liste.

Le président: Vous n'abordez pas un navire tant que vous n'êtes pas accompagné d'un policier et que vous n'avez pas une raison de l'aborder.

M. Meisner: C'est exact. C'est purement une fonction de communication.

Le président: Vous avez parlé de dépollution en cas de déversement. Vous avez des photos fantastiques ici.

Est-il possible de nettoyer une nappe de pétrole au large d'Hibernia avec des vagues de six à douze pieds? Je vous préviens que je vais vous citer M. Hopper dès que vous m'aurez répondu.

M. Meisner: Je ne suis pas un expert en déversement d'hydrocarbures. Tout dépend de la météo, de la marée et du type de déversement.

Le président: Disons que vous avez une journée moyenne, une mer moyenne et un temps ensoleillé, pensez-vous pouvoir nettoyer plus de 10 p. 100 de la nappe?

M. Meisner: Je préfère ne pas répondre car je ne suis pas expert en la matière.

M. Lachance: Non. Nous pilotons des navires.

Le président: Quelqu'un pourrait-il nous dire ce qu'on est capable de faire par mauvais temps? M. Hopper nous a répondu que s'il y avait un déversement de pétrole à Hibernia, il estimait qu'il atteindrait l'Irlande avant d'être nettoyé — pour ce que cela vaut.

Le sénateur Smith: Je présume qu'il y avait de bonnes raisons pour ce transfert du ministère des Transports au ministère des Pêches et des Océans. Est-ce que vous avez résolu tous les problèmes que ce transfert a entraînés?

M. Lachance: Oui, nous avons tout résolu.

Le sénateur Smith: Y a-t-il encore des difficultés importantes?

M. Meisner: Je n'en suis pas certain. Il y a évidemment des problèmes, mais il s'agit de questions de gestion quotidienne que je ne suis pas certain de pouvoir attribuer au transfert ou au fait qu'il y a eu des changements depuis six ou sept ans que nous avons quitté le ministère des Transports. La principale raison de la fusion des deux organisations était de fusionner la flotte et d'avoir une flotte civile commune avec les économies que cela suppose.

Le sénateur Smith: Depuis combien de temps êtes-vous là?

M. Meisner: J'étais avec Transports Canada. Je suis arrivé lorsqu'on a transféré la Garde côtière.

Le sénateur Smith: Vous avez transféré?

M. Meisner: Je n'étais pas avec la Garde côtière. J'étais avec Transports Canada, au Groupe des aéroports, et je suis arrivé au ministère en même temps que la Garde côtière.

Le sénateur Smith: La catégorie recherche et sauvetage m'intrigue — les 27 hélicoptères et l'image que vous montrez à la page 5 de votre mémoire. Vous dites que c'était au Labrador. Combien avez-vous d'hélicoptères au Labrador?

M. Meisner: C'est le ministère de la Défense. Nous sommes responsables de l'aspect recherche et sauvetage maritimes; le ministère de la Défense fournit l'appui aérien.

Le sénateur Smith: Vous possédez bien 27 hélicoptères à vous, distincts de ceux du ministère de la Défense?

M. Lachance: En effet. Nous avons 27 hélicoptères pour la Garde côtière canadienne.

Le sénateur Smith: Quelle sortes d'hélicoptères?

M. Lachance: Nous avons des BO-105, des Bell 1206, des Bell 212 et un Sikorsky S61. C'est le gros hélicoptère sur la côte Ouest.

Le sénateur Smith: J'ai lu ce week-end au sujet du sauvetage avec le Cormorant. Je partage tout à fait votre avis. C'est un excellent hélicoptère. Quelle a été votre réaction face à ses capacités?

M. Lachance: Il semblerait qu'on ait fait un bon travail.

Le sénateur Smith: On a établi un record, du moins d'après les journaux. Sur la côte Ouest, par exemple, où vous avez le Sikorsky, quelle est votre capacité?

M. Lachance: C'est le seul hélicoptère capable de recherche et de sauvetage. C'est notre seul hélicoptère de transport lourd. C'est un hélicoptère de transport lourd et de sauvetage et de recherche aussi.

Le sénateur Smith: Comment décide-t-on si c'est vous plutôt que le ministère de la Défense qui répond? Est-ce qu'il y a chevauchement?

M. Lachance: Je ne sais pas au juste comment on décide, mais je crois que l'attribution des ressources pour la recherche et le sauvetage tient compte des capacités et du ministère de la Défense et de la Garde côtière.

Le sénateur Smith: Où est la base principale?

M. Meisner: Le centre de recherche et de sauvetage sur la côte Ouest.

Le sénateur Smith: De qui relève ce centre?

M. Lachance: Du ministère de la Défense.

Le sénateur Smith: Est-ce que c'est ce ministère qui décide de l'utilisation des 27 autres hélicoptères, les plus petits? Est-ce qu'on les envoie faire des recherches?

M. Lachance: Les autres hélicoptères ne sont pas équipés pour des missions de recherche et de sauvetage — des recherches, peut-être, selon les règles du ministère des Pêches et des Océans, mais pas des missions de sauvetage.

Le sénateur Smith: On ne s'en sert pas pour sortir les gens.

M. Lachance: Non.

Le sénateur Smith: Je m'interroge sur les données que vous citez dans votre mémoire. Vous dites: «Chaque jour, en moyenne, la Garde côtière prête secours à 55 personnes et sauve la vie à 8 personnes...» Est-ce un jour moyen?

M. Lachance: Oui.

Le sénateur Smith: Huit fois 365, ça donne plus de 2 900 par année. Vraiment?

M. Lachance: Oui.

Le sénateur Smith: C'est intéressant que la plupart de ces hélicoptères puissent effectuer des missions de recherche et de sauvetage. Vous avez confiance que ce sont les bonnes données?

M. Lachance: Surtout avec nos navires, oui.

Le sénateur Smith: Très bien. Donc cela donne presque 3 000 par année.

Le président: C'est une question de saison.

M. Lachance: En effet, oui.

Le sénateur Smith: Je suis renversé par ce chiffre. La plupart de ces hélicoptères ne participent pas à ces missions, mais c'est bien.

Mon expérience de la Garde côtière est limitée. Pendant des années, j'ai eu une embarcation que je gardais à Cobourg. C'est le centre de la Garde côtière pour le lac Ontario. On me dit que c'est Cobourg plutôt que les autres ports parce que, géographiquement, c'est plus près du centre du lac. De temps à autre, vous verrez ce qui est sans doute un navire de 70 pieds qui croise au large.

M. Lachance: Oui, c'est vrai.

Le sénateur Smith: C'est de cette taille. Pensons aux péchés, à des machinations, à des choses extrêmes. Si l'équipage de ce navire de la Garde côtière voit une embarcation qui se dirige vers Rochester, avec à son bord plusieurs personnes, qui de l'avis de l'équipage n'ont pas l'intention de suivre les procédures normales d'immigration, ou si l'équipage a raison de croire qu'il y a peut-être une cargaison illicite à bord, est-ce que l'équipage arrêterait l'embarcation?

M. Lachance: L'équipage n'a pas ce pouvoir.

Le sénateur Smith: Est-ce que vous téléphonez aux Américains? À qui téléphonez-vous?

M. Lachance: On communique avec les services de communications et de trafic maritimes. Nous passons par le réseau.

Le sénateur Smith: Personne d'autre n'a de navires comme celui de 70 pieds pour arraisonner les embarcations? Aucune autre agence n'a de navires comme ça?

M. Lachance: Certaines forces policières en ont. La police provinciale de l'Ontario a un navire.

Le sénateur Smith: Le seul navire de la police provinciale de l'Ontario que j'ai vu dans la région est peut-être une embarcation de 20 pieds à moteur hors bord de 100 chevaux-vapeur. Cela ne se compare pas du tout avec le navire de 75 pieds de la Garde côtière. La Garde côtière américaine a des navires pour arraisonner les embarcations en direction des États-Unis. S'il y a des navires suspects cependant, vous avez les mains liées. En a-t-il toujours été ainsi?

M. Lachance: La Garde côtière n'a jamais reçu le mandat de faire du travail policier.

Le sénateur Smith: D'après vous, pourquoi cela ne s'est-il jamais produit? Je ne vous demande pas si la situation vous convient. Je me rends compte que vous êtes fonctionnaires; je ne veux pas vous placer dans une situation difficile. À votre avis, quel est le raisonnement de ceux qui formulent les politiques?

Inévitablement, la Garde côtière a vu des navires suspects, mais n'a rien fait parce que vous avez les mains liées. La question se pose donc. Pourquoi n'avez-vous pas ces pouvoirs?

M. Meisner: Je ne saurais avancer de raison. Lors de la création de la Garde côtière en 1962, le mandat était en grande partie le même qu'actuellement, c'est-à-dire la promotion de la sécurité maritime et de la sécurité nautique ainsi que l'appui au commerce maritime. Je ne peux que supposer que les événements depuis n'ont pas justifié, de l'avis de ceux qui ont formulé la politique, un changement dans le mandat de la Garde côtière canadienne.

Le sénateur Smith: Permettez-moi maintenant de parler d'une activité bizarre qui a reçu beaucoup de publicité récemment — c'est-à-dire l'exportation de véhicules volés. Nous lisons que par exemple, à Montréal et Toronto, des milliers de véhicules sont volés à tous les ans et se retrouvent sur des navires conteneurs qui semblent quitter nos ports en toute impunité.

Avez-vous déjà entendu parler d'un cas où la Garde côtière a vu un cargo qui aurait pu transporter des véhicules volés? Avez-vous entendu des rumeurs à ce sujet?

M. Meisner: Je n'ai jamais entendu rien de tel. Si la Garde côtière voyait un tel navire, on passerait par le réseau de communications pour prévenir qui de droit.

Le sénateur Smith: Si un des plus gros navires de la Garde côtière voyait passer un navire suspect, n'auriez-vous pas compétence, même dans un cas extrême comme celui-ci, pour l'intercepter et l'arraisonner de vous-même?

M. Lachance: Il faudrait connaître le genre de cargaison à bord. Or s'il s'agit de conteneurs fermés, il est peu probable que quelqu'un sache qu'il y a à bord des biens volés.

Le sénateur Smith: Donc ce n'est jamais votre sphère d'activités?

M. Lachance: En effet.

Le président: Qui faisait ce travail avant 1962?

M. Lachance: Je suppose que la Garde côtière a reçu ce nom en 1962, mais il y avait précédemment une organisation que l'on appelait le Service de la marine canadienne qui effectuait ces fonctions.

Le président: Est-ce que cela faisait partie de l'ancien ministère des Transports?

M. Lachance: En effet.

Le sénateur Atkins: Si on remonte encore plus loin dans le temps, au cours de la guerre, est-ce que le ministère des Transports ou celui de la Défense nationale exécutait ces fonctions?

M. Lachance: Je ne saurais vous dire. Il me faudrait regarder dans nos archives.

M. Meisner: À une certaine époque, ces fonctions relevaient du ministère des Pêches et des Océans, avant de relever du ministère des Transports.

Le président: Si l'on remonte suffisamment loin, c'était l'Office des colonies de la marine royale.

M. Meisner: La Garde côtière a toute une chronologie.

Le sénateur Atkins: On avait des militaires le long de la côte du Nouveau-Brunswick pendant la guerre.

Le sénateur Banks: Je suis des Prairies et donc, pour l'essentiel, tout cela est nouveau pour moi — mais pas tout à fait cependant. La plupart des Canadiens seraient malheureux d'entendre les anecdotes dont le sénateur Smith a parlé. Si quelque chose ne va pas près d'un gros navire canadien avec des officiers canadiens à bord et arborant un drapeau canadien, que ce soit en mer ou sur un lac, il n'y a absolument rien à faire, faute de pouvoirs. C'était un commentaire, pas une question.

Puis-je avoir en gros la taille des 104 navires de la flotte de la Garde côtière? Je sais que certains sont plutôt petits, mais est-ce que vous les incluez dans les 104? Est-ce que vous incluez les zodiacs?

M. Lachance: Nous n'avons pas de zodiacs. Nos plus petits sont d'environ 47 pieds.

Le sénateur Banks: Ce serait le plus petit navire parmi les 104?

M. Lachance: Oui.

Le sénateur Banks: Combien avons-nous de navires de haute mer?

M. Lachance: Nous en avons environ 42 que j'appellerais «des navires de haute mer». Les autres sont essentiellement des caboteurs.

Le sénateur Banks: Ma principale préoccupation porte sur le Nord et la souveraineté. De nombreuses personnes sont extrêmement préoccupées par notre manque de présence, par notre incapacité de démontrer une présence souveraine — de montrer le pavillon — dans le Nord. Nous sommes incapables de briser la glace dans le Nord 12 mois par année. Comme vous l'avez dit, nos plus gros brise-glace ne s'y rendent pas en hiver.

Pour certaines personnes qui n'y connaissent rien, comme moi-même, il semble absurde que le Canada puisse prétendre posséder autant de territoire bloqué par les glaces — bien que ces régions semblent diminuées à tous les ans — et pourtant nous sommes incapables, contrairement à d'autres pays, de briser la glace à l'année.

Est-ce que l'on envisage de permettre d'utiliser les eaux canadiennes, sinon d'établir une présence navale, dans le Nord, pendant les mois d'hiver?

M. Lachance: Non, rien de tel n'est envisagé, monsieur.

Le sénateur Banks: Dans le cas de la reconnaissance transhorizon de navires d'intérêt qui s'en viennent au Canada avec, à bord, des cargaisons ou des personnes d'intérêt — le Règlement sur la zone de services de trafic maritime de l'Est du Canada, par exemple — et grâce aux nouvelles technologies, la Garde côtière canadienne ne possède pas le pouvoir d'interdire nos eaux, n'est-ce pas?

M. Meisner: En effet.

Le sénateur Banks: Si un navire avec Dieu seul le sait quelle cargaison se dirige vers le Canada, ce qui ne devrait pas être le cas, et que la Garde côtière est beaucoup plus près du navire que la marine, ce navire peut vous croiser, sans se préoccuper? Est-ce qu'un navire pourrait se placer devant cet autre navire et le ralentir par un mouvement de zigzag? Est-ce qu'il n'y a vraiment rien que vous puissiez faire? Est-ce que les criminels passent en disant littéralement: «Ah les gars, nous sommes heureux que ce soit rouge et blanc au lieu de blanc et rouge!»?

M. Meisner: La prémisse du régime de sécurité, c'est une approche interministérielle. Le ministère de la Défense nationale a un radar transhorizon, et nous savons quels navires sont en mer et nous possédons un système de surveillance à longue portée qui nous indique quels sont les navires suspects. On les voit venir d'assez loin qu'on peut envoyer un navire de la marine les intercepter avant qu'ils n'arrivent dans les eaux canadiennes.

Le sénateur Banks: C'est simplement que je suis surpris, comme le seraient les autres, d'apprendre que c'est le cas dans ces circonstances.

Le sénateur Wiebe: Si je fais erreur, dites-le-moi, mais pour le bénéfice du sénateur Banks et de moi-même, venant de la Saskatchewan, je crois savoir que la Garde côtière a du personnel et une présence dans les provinces des Prairies. Est-ce le cas?

M. Lachance: Nous avons une présence sur le lac Winnipeg.

Le sénateur Wiebe: Vous n'avez personne en Saskatchewan?

M. Meisner: Nous avons des responsabilités aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables. Nous avons un mandat dans toutes les provinces parce que cette loi vise l'eau douce. Je ne saurais dire si nous avons en fait du personnel en Saskatchewan, mais nous avons des responsabilités dans cette province.

Le sénateur Wiebe: Je crois savoir que la Garde côtière a une présence en Saskatchewan, en Alberta et au Manitoba, surtout pour les grands lacs et les pêches. Je vais devoir vérifier. Toutefois, j'espérais que vous pourriez me sauver un peu de temps.

En outre, on me dit que les agents de la Garde côtière sont responsables des grands réservoirs qui ont été construits et stockés de poissons. Lorsque l'on ouvre les vannes pour l'irrigation des terres, des poissons ne restent pas dans le réservoir. Il y a une inquiétude sur le plan de la réglementation pour les agriculteurs qui font de l'irrigation si des poissons se retrouvent, hors de l'eau, sur leur propriété.

M. Meisner: Je suis au courant de ce sujet. Toutefois, c'est le ministère des Pêches et des Océans qui gère la question du poisson — pas la Garde côtière. C'est le même ministère, mais cela ne relève pas de la Garde côtière.

Le sénateur Wiebe: Ce n'est donc pas le personnel de la Garde côtière qui s'en occupe?

M. Meisner: Non, mais la Garde côtière a un rôle à jouer dans les mêmes circonstances pour la protection de nos voies navigables lorsqu'il faut obtenir un permis pour quelque construction que ce soit dans un cours d'eau navigable.

Le sénateur Wiebe: Donc la Garde côtière délivre le permis de construction?

M. Meisner: Tout ce qui est construit dans des eaux réputées navigables se fait par permis.

Il faut également un autre genre de permis pour s'assurer que vous ne détruisez pas l'habitat du poisson. Toutefois, cela ne relève pas de la Garde côtière.

Le sénateur Wiebe: Est-il vrai qu'il y a du personnel de la Garde côtière sur place puisqu'il faut autoriser le permis et faire des contrôles.

M. Meisner: Je ne sais pas si nous sommes sur place. Cela relève de notre compétence. Je peux me renseigner pour savoir si nous avons du personnel en Saskatchewan.

Le sénateur Wiebe: Cela me serait utile.

En réponse à la première question du sénateur Forrestall, vous avez répondu qu'il y avait eu fusion au cours de la dernière année, au sein du ministère dont vous étiez très heureux. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit?

M. Meisner: Si j'ai bonne mémoire, je pense que nous parlions de la capacité de réagir à un incident de sécurité maritime. J'ai répondu que nous travaillons en collaboration avec d'autres organismes et ministères pour formuler une approche canadienne de la sécurité maritime. Il n'y a pas eu de réorganisation. C'est simplement que différents organismes et ministères travaillent mieux ensemble.

Le sénateur Banks: La question du sénateur Forrestall dont parle le sénateur Wiebe portait sur le transfert de la Garde côtière du ministère des Transports au ministère des Pêches. Il voulait savoir si cela avait créé des problèmes.

M. Meisner: Excusez-moi; je pensais que vous parliez de quelque chose qui s'est produit l'an dernier.

Le sénateur Wiebe: Il me semble que ces dernières années, le gouvernement a tenté de régler certains problèmes ministériels en créant une nouvelle division dans un ministère. Par conséquent, nous avons maintenant différents organismes qui sont responsables de la même chose; il y a énormément de chevauchement. J'ai l'impression que plutôt que de procéder ainsi, nous devrions songer à consolider. Je pourrais sans doute vous donner plusieurs secteurs qu'il serait avantageux de consolider pour la sécurité de nos côtes.

Monsieur Meisner, puisque vous êtes responsable de l'élaboration des politiques, est-ce que vous recommandez à votre ministère d'encourager la fusion des responsabilités et des organismes?

M. Meisner: Pas au niveau de l'organisme. Ça serait une politique décidée à un niveau supérieur. Cela relèverait plutôt du Bureau du Conseil privé et de la mécanique gouvernementale.

Le sénateur Wiebe: Si vous pensez qu'une fusion permettrait d'améliorer le fonctionnement, est-ce que vous pouvez le suggérer aux hauts responsables politiques?

M. Meisner: Certainement. Si je pensais qu'on pourrait faire fonctionner quelque chose plus efficacement, mon mandat prévoit que je soumette une recommandation ou une suggestion.

Le sénateur Wiebe: Certains ont dit que la Garde côtière et l'armée, en particulier la marine, devraient envisager une forme de fusion quelconque. Qu'en pensez-vous?

M. Meisner: Je pense qu'il serait prématuré de ma part de répondre à cette question. Je n'y ai pas assez réfléchi, et ce serait de la pure spéculation.

Le sénateur Wiebe: C'est bon.

Le président: Le sénateur Wiebe vous a demandé des informations. Pourriez-vous les communiquer à la greffière? Nous aimerions aussi savoir où se trouvent les cinq régions et l'administration centrale, si vous avez une carte qui indique cela. Nous souhaiterions avoir un bref aperçu nous donnant le nom de vos 104 navires de base, y compris les aéroglisseurs, les 27 hélicoptères et les deux aéronefs à voilure fixe, ainsi que les 11 bases; autrement dit ce que vous avez à la page 2 de votre exposé, le contexte de tous ces points sauf le point 1 et les points 4 et 5.

Si ce n'est pas clair, la greffière vous confirmera tout cela.

Le sénateur Atkins: Dans votre mémoire, vous utilisez le terme «lightstations». Ce sont bien des phares?

M. Lachance: Oui.

Le sénateur Atkins: Vous utilisez ce terme en anglais parce que ce sont des phares automatisés sans présence humaine?

M. Meisner: La plupart d'entre eux.

Le sénateur Atkins: Combien y en a-t-il avec du personnel?

M. Meisner: Je crois qu'il y en a 51. Je me trompe peut-être, mais c'est de cet ordre-là.

Le sénateur Atkins: Sur les deux côtes?

M. Meisner: Je crois qu'il y en a 26 à Terre-Neuve, 24 sur la côte Ouest et un au Nouveau-Brunswick. Je me trompe peut-être de deux ou trois.

Le sénateur Atkins: Est-ce qu'ils ont remplacé des phares existants ou a-t-on installé ces phares à des endroits différents pour qu'ils permettent une navigation plus efficace?

M. Meisner: Vous parlez des phares automatisés?

Le sénateur Atkins: Oui.

M. Meisner: Je n'ai pas la réponse détaillée à cette question. La plupart sont au même endroit.

Le sénateur Atkins: Allez-vous abandonner tous les autres phares qui sont encore habités?

Le sénateur Forrestall: Demandez-lui si la technologie fonctionne.

Le sénateur Atkins: Ce sera la prochaine question.

M. Meisner: Nous sommes satisfaits de la technologie et de son fonctionnement.

Le sénateur Atkins: Allez-vous continuer à réduire le nombre de phares habités? Je dois faire rapport au sénateur Pat Carney.

M. Meisner: Je ne sais pas s'il existe des projets particuliers concernant les phares habités. Tout cela sera déterminé dans le cadre de la modernisation de notre programme d'aides à la navigation. Ce sera un des éléments du progrès technologique, mais pour l'instant il n'y a pas de projet ferme à ce sujet.

Le sénateur Atkins: J'ai une question au sujet des eaux intérieures. Je pense, par exemple, à la rivière Saint-Jean. La Garde côtière canadienne a-t-elle réduit le nombre de bouées et d'indicateurs de navigation qui sont importants sur une rivière comme celle-là ou même sur le Saint-Laurent?

M. Meisner: Je ne peux pas vous donner de réponse précise sur un cours d'eau particulier. Dans l'ensemble, nous avons réduit le nombre d'aides à la navigation parce qu'on en a moins besoin au fur et à mesure que la technologie et les navires progressent.

Le sénateur Atkins: Vous parlez des réflecteurs et de ce genre de choses?

M. Meisner: Il y a des dispositifs de communications automatiques à bord.

Le sénateur Atkins: Ceci m'amène à une autre question au sujet des navires. Nous connaissons leur nombre, mais est-ce qu'on leur apporte constamment les nouveaux perfectionnements technologiques?

M. Meisner: Vous parlez des navires?

Le sénateur Atkins: Oui.

M. Lachance: En électronique, oui. Dès que leur électronique est dépassée, on fait une remise à niveau.

Le sénateur Atkins: C'est quelque chose qui se fait constamment?

M. Lachance: Oui.

Le sénateur Atkins: En matière d'intégration des systèmes de communications, par exemple, y a-t-il un réseau qui travaille avec Transports Canada, la Défense nationale, Environnement Canada et la GRC? Ou les communications avec la Garde côtière canadienne passent-elles par un relais central à partir duquel elles sont redirigées vers une autorité quelconque?

M. Meisner: En principe, c'est en gros cette deuxième formule. Les communications sont reçues par nos centres de communications et de trafic maritimes et répercutées sur les organisations appropriées et leur réseau de communications.

Le sénateur Atkins: Donnez-moi un exemple, disons pour la côte Est. Supposons que vous soyez confronté à une situation qui déborde de vos propres responsabilités en tant que garde côtière canadienne, que se passerait-il?

M. Meisner: Prenons l'exemple d'un navire suspect. Disons que la GRC a inscrit un certain navire sur la liste. Dès que ce navire signale son nom, notre opérateur du service de communications et de trafic maritimes vérifie la liste. Si le nom figure sur la liste et que la GRC est mentionnée à côté de ce nom, on contacte immédiatement la GRC. On lui donne la position du navire et sa destination prévue.

Le sénateur Atkins: Prenons l'exemple de la GRC. Elle n'a qu'un hélicoptère dans le Canada atlantique. Si les services de la GRC ont besoin d'un service d'hélicoptère, peuvent-ils demander l'aide de la Garde côtière canadienne?

M. Lachance: Oui. Nous avons un protocole d'entente à ce sujet avec la GRC, pour les navires et les hélicoptères.

Le président: Pourriez-vous nous donner le nombre de jours d'utilisation de vos services par chaque ministère et le coût facturé aux ministères auxquels vous donnez ce service? Inutile de nous donner cela tout de suite. Vous pourrez nous le transmettre plus tard.

M. Lachance: Oui...

Le président: Quelle partie des coûts récupérez-vous? Vous récupérez simplement les coûts réels ou est-ce que vous faites un profit? J'imagine que vous ne voulez pas me dire cela.

M. Meisner: Je peux vous dire que nous ne faisons pas de profit.

Le président: Si nous pouvions avoir ces renseignements en même temps que les autres, ce serait utile.

Le sénateur Atkins: En matière de ressources humaines, est-ce que les effectifs de la Garde côtière canadienne sont au complet?

M. Lachance: Oui.

Le sénateur Atkins: Pouvez-vous me parler du recrutement?

M. Lachance: Nous devons passer par la Commission de la fonction publique. Comme dans le cas des officiers, nous les recrutons et nous les envoyons en formation au collège de la Garde côtière à Sydney, en Nouvelle-Écosse. Les équipages des navires sont recrutés localement.

Le sénateur Atkins: Avez-vous beaucoup d'anciens officiers de la marine?

M. Lachance: Nous avons quelques retraités de la marine, en effet.

Le sénateur Atkins: Il y a donc une école de la Garde côtière?

M. Lachance: Oui, il y a un collège de la Garde côtière à Sydney.

Le président: Où en êtes-vous avec votre budget de fonctionnement? A-t-il été réduit? On nous a dit que vous n'aviez pas le même nombre d'heures de navigation que l'année dernière et que des membres de la Garde côtière n'avaient pas un uniforme correct. On nous a dit que vous aviez dû interrompre des manœuvres avec vos homologues américains sur la côte Ouest parce que vous n'aviez plus d'argent. Les choses avaient l'air de bien se passer jusqu'au moment où vous avez été obligés d'arrêter parce que vous n'aviez plus assez d'argent.

Dites-nous si vous avez un financement suffisant. Ou dites-nous plutôt où cela coince parce que nous savons bien que vous n'en avez pas assez.

M. Lachance: Il est certain que nous avons un problème de capital.

Le président: Vous ne pouvez pas acheter de nouveaux navires, c'est cela?

M. Lachance: Pas assez, c'est exact.

Le président: Si vous achetiez des nouveaux navires, combien en achèteriez-vous par an? Dans un monde idéal, si vous pouviez réaliser votre plan d'entreprise comme vous le souhaitez, il vous en faudrait un ou deux par an pour remplacer votre flotte existante?

M. Lachance: Nous en achèterions peut-être quatre ou cinq par an, peut-être même plus.

Le président: Quand avez-vous acheté le dernier?

M. Lachance: Nous sommes en train d'en acheter actuellement. Ce sont des navires de 47 pieds.

Le président: Quand avez-vous acheté un brise-glace pour la dernière fois?

M. Lachance: En 1987.

Le président: De quand date le plus vieux?

M. Lachance: C'est le Louis St-Laurent, qui a été construit en 1968.

Le président: On raconte que vous n'avez pas assez d'heures de navigation ou que vous naviguez à vitesse réduite pour économiser le carburant. Est-ce que c'est vrai? Est-ce que ce sont des racontars de la presse ou est-ce que c'est la réalité?

M. Lachance: Comme il fait très froid actuellement, que la saison des glaces est intense et que le prix du carburant a augmenté, ce sont des mesures de conservation qui ont été prises pour respecter notre budget.

Le président: A-t-on réduit votre budget? Vous a-t-on dit d'aller chercher de l'argent en dehors du budget de l'exercice 2003-2004 ou de l'exercice 2002-2003 alors que vous aviez pensé avoir ces crédits?

M. Lachance: Pas à ma connaissance.

Le président: Donc toutes ces histoires de réduction de votre cadence de travail ne sont pas exactes? Nous avons déjà eu des hivers froids. J'imagine que vous ralentissez toujours en hiver.

M. Meisner: Nous avons subi des réductions budgétaires depuis l'examen des projets de 1995-1996 et nous ressentons toujours ces réductions, mais je ne pense pas qu'il y en ait eues pour l'exercice actuel ou le précédent.

Le président: Et les marins qui n'ont pas d'uniformes corrects et qui portent leurs propres vêtements parce qu'ils ne peuvent pas obtenir un uniforme complet? Est-ce que tous vos équipages ont des ensembles complets?

M. Lachance: La plupart. Oh oui, oui, oui.

Le président: La plupart, ou tous?

M. Lachance: Il y en a peut-être qui n'en ont pas à cause d'une rupture de stock, ou quelque chose comme cela, mais il y en a assez.

Le président: Vous n'accordez guère d'importance aux articles parus dans la presse qui racontent qu'il y a une pénurie de vêtements et d'équipements au sein de la Garde côtière? Ce n'est pas vrai?

M. Lachance: Il y a peut-être des cas isolés, mais ce n'est pas très répandu.

Le président: Vous voulez dire que, en général, c'est plutôt une exception rare?

M. Lachance: Oui.

Le président: Et cette histoire de manœuvres avec les Américains qui ont dû être interrompues à mi-chemin parce que vous n'aviez plus de carburant? C'est vrai?

M. Lachance: Je ne suis pas au courant.

Le président: Ça n'est pas arrivé?

M. Meisner: Je ne dis pas que ce n'est pas arrivé, simplement que je ne suis pas au courant.

Le président: C'était pourtant dans tous les journaux. Quelqu'un pourrait-il vérifier? Il y a moins de trois mois, un commandant de la Garde côtière américaine a dit: «Ces Canadiens sont des gars fantastiques mais ils ont un drôle de gouvernement qui ne leur donne pas l'argent nécessaire pour faire leur travail». Je paraphrase, mais c'est en gros ce qu'il disait, et cela remonte au plus à novembre. En gros, la Garde côtière canadienne aurait été obligée d'interrompre ses manœuvres non pas à cause de nécessités opérationnelles mais faute de financement.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais vous demander des informations que vous pourrez nous transmettre plus tard. Pourriez-vous nous donner une brève description de l'essentiel du travail qu'accomplissent les hélicoptères? J'aimerais savoir comment vous vous rendez à des sites lointains où il y a des stations météorologiques, des phares, des cornes de brume ou des systèmes automatisés, et comment vous vous rendez aux stations habitées. Est-ce que c'est l'essentiel de l'activité de ces hélicoptères?

M. Lachance: Ils servent pour la navigation et sont aussi utilisés pour entretenir les phares et pour appuyer les brise- glace dans l'Arctique. Les brise-glace qui partent dans l'Arctique emportent des hélicoptères et ils font des reconnaissances sur l'état de la glace et assurent des fonctions générales à bord des navires. Il n'y a pas beaucoup de quais dans l'Arctique, et l'hélicoptère est utilisé pour faire la navette entre le navire et la côte.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous un brise-glace dans l'Arctique aujourd'hui?

M. Lachance: Non.

Le sénateur Forrestall: Nous n'en avons pas eu un qui a passé l'hiver là-bas l'an dernier?

M. Lachance: Il y en a un qui a passé l'hiver dans les glaces polaires il y a trois ans dans le cadre du projet SHEBA.

Le sénateur Forrestall: Avons-nous des relations de travail avec vos homologues russes dans les eaux de l'Arctique, en matière de pollution par exemple?.

M. Lachance: Non.

Le sénateur Forrestall: Vous arrive-t-il de leur parler ou de les rencontrer?

M. Meisner: Oui.

Le sénateur Forrestall: À quel titre?

M. Meisner: Il existe une organisation intitulée Pacific Heads of Coast Guard Agencies à laquelle nous appartenons, ainsi que les États-Unis, la Russie, la Corée, le Japon et la Chine. Ses représentants se réunissent deux fois par an pour discuter de sujets d'intérêt commun. Ce n'est pas une structure officialisée par un protocole d'entente. Il s'agit simplement de réunions pour discuter.

Le sénateur Forrestall: Est-il exact que seuls les Russes et les Canadiens ont la possibilité de faire naviguer des brise- glace dans l'Arctique?

M. Lachance: Les Américains sont allés dans l'Arctique.

Le sénateur Forrestall: Le brise-glace qu'ils ont construit est là-bas?

M. Lachance: Ils ont envoyé le Polar Sea et le Polar Star dans l'Arctique.

Le sénateur Forrestall: Ils y sont en ce moment?

M. Lachance: Non. Ils ne peuvent pas fonctionner en hiver.

Le sénateur Forrestall: Non?

M. Lachance: Non.

Le sénateur Banks: Quelqu'un d'autre peut le faire?

M. Lachance: Pas les Finlandais. Les Russes, oui, probablement.

Le sénateur Forrestall: Nous n'avons pas d'échange d'informations avec eux?

M. Lachance: Non.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise chose, est-ce que ça n'a aucune importance? Ce n'est manifestement pas important. J'aurais pourtant pensé que si.

M. Meisner: Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose. Nous avons des discussions avec eux, mais pas d'opérations conjointes.

Le sénateur Forrestall: La Garde côtière canadienne fait-elle du travail de surveillance ou du travail scientifique sur la fonte des glaces là-haut?

M. Lachance: Nous apportons beaucoup d'aide aux scientifiques qui vont étudier le changement climatique et ce genre de choses dans l'Arctique. Nous les emmenons là-bas dans nos navires, soit accessoirement, soit spécialement pour cela. Le vieux brise-glace Franklin est en cours de remise en état et va être converti en plate-forme scientifique pour mener des expériences dans l'Arctique en été.

Le sénateur Forrestall: Nous avons des programmes prévus pour la saison qui vient?

M. Lachance: Pour la prochaine saison, je crois que oui.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que ce sera un grand programme ou une série de programmes?

M. Lachance: Probablement une série de programmes. Le Franklin aura cette vocation spécifique, mais nous aurons aussi sans doute des programmes occasionnels, comme tous les étés.

Le sénateur Forrestall: Est-ce qu'il y a des navires océanographiques dans cette région, ou est-ce que c'est quelque chose qui a disparu?

M. Lachance: Non.

Le sénateur Forrestall: Existe-t-il une flotte océanographique?

M. Lachance: Non.

Le sénateur Forrestall: On les a tous mis au rancart?

M. Lachance: Le Hudson fonctionne encore, mais il ne va pas dans le Nord.

Le sénateur Banks: Est-ce qu'il vous arrive de vous demander si nous pouvons continuer à revendiquer notre souveraineté sur une région dans laquelle nous ne pouvons pas être présents? Je parle de notre revendication sur les zones navigables qui est contestée par des gens qui disent: «Non, elles ne vous appartiennent pas, elles appartiennent à tout le monde». Est-ce que vous tenez compte de cela dans vos décisions de politique?

M. Meisner: Pas vraiment. C'est une question qui relève plutôt du ministère des Affaires étrangères.

Le sénateur Banks: En réponse à une précédente question, vous avez dit que les membres de la Garde côtière restaient généralement dans la région où ils sont recrutés. J'imagine que vous avez lu le rapport de l'année dernière de la vérificatrice générale, dans lequel elle disait que nous n'avions pas vraiment une garde côtière, mais plutôt une série de gardes côtières régionales qui n'ont pas grand-chose à voir les unes avec les autres. La vérificatrice générale pensait que ce serait plus efficace si tous ces éléments avaient des rapports plus étroits et s'il y avait une gestion centralisée.

Comment réagissez-vous à cette critique? Avez-vous réagi? Êtes-vous d'accord et, si oui, avez-vous pris des mesures correctives?

M. Meisner: Je crois que ce que la vérificatrice générale a dit, c'est que nous fonctionnions comme cinq gardes côtières — ce qui n'est pas vraiment le cas — et qu'il faudrait faire certaines choses pour que ces éléments fonctionnent plus comme une unique entité nationale. Nous n'avons pas encore répondu à son rapport.

Le sénateur Banks: Elle avait partiellement raison?.

M. Meisner: Elle a partiellement raison. Nous avons cinq régions avec leurs particularités; elles sont différentes, et cela explique qu'elles fonctionnent de façon différente. Il y a aussi des éléments communs qui font que nous fonctionnons comme une garde côtière unie. Il y a du pour et du contre dans sa remarque.

Le sénateur Banks: A-t-on prévu des mesures pour répondre à ces remarques?

M. Meisner: Nous venons de recevoir le rapport il y a deux mois et nous élaborons actuellement un plan d'action pour y répondre.

Le sénateur Banks: Quand ce sera fait, tenez-nous au courant.

Avez-vous une couverture radar complète de nos côtes?

M. Meisner: Pas à ma connaissance. Le ministère de la Défense nationale a aussi une couverture radar. Je ne sais pas jusqu'à quel point cette couverture des deux organisations est complète.

Le sénateur Banks: Les communications que vous transmettez à propos d'une cargaison ou d'une personne d'intérêt sont-elles sûres?

M. Meisner: Il faudrait que je vérifie.

Le sénateur Banks: Vous pourriez nous le dire aussi?

M. Meisner: Certainement.

Le président: Je souhaite remercier les témoins. Leur exposé a été instructif.

Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait part de votre point de vue et donné un aperçu de votre travail et des responsabilités de la Garde côtière canadienne. Nous avons l'intention d'approfondir certaines de ces questions. Nous espérons avoir l'occasion de vous réinviter à notre comité pour nous aider dans ce travail. Nous vous demanderons peut-être l'autorisation d'aller visiter certaines de vos installations pour en avoir une meilleure idée.

Les renseignements que vous nous avez donnés seront utiles au comité lorsqu'il se rendra aux États-Unis, notamment pour examiner les différences entre la Garde côtière américaine et la Garde côtière canadienne sur lesquelles vous avez attiré notre attention. À ce sujet, si nous pouvions avoir un bref aperçu des différences ou au contraire des aspects semblables, ce serait utile.

Nous allons poursuivre nos séances d'information sur les relations canado-américaines en prévision de notre voyage à Washington pour rencontrer des membres du Congrès et des personnalités de l'administration au cours de la dernière semaine de mars.

Avant de passer à nos témoins suivants, je souhaite saluer le retour du sénateur Jack Wiebe, de la Saskatchewan. C'est l'une des personnalités les plus éminentes de cette province. Il a été lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan. Il a été membre de son assemblée législative et il a eu une réussite remarquable comme agriculteur. Il est actuellement président du Conseil de liaison des Forces canadiennes de Saskatchewan.

Le sénateur Wiebe est vice-président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, qui examine actuellement les répercussions du changement climatique sur les pratiques agricoles et forestières au Canada. Il siège aussi au Comité permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement ainsi qu'au Sous-comité des affaires des anciens combattants.

Honorables sénateurs, notre témoin suivant est M. Ward Elcock. Bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

M. Ward Elcock, directeur, Service canadien du renseignement de sécurité: Monsieur le président, je vais m'efforcer de répondre au mieux de mes capacités à vos questions.

Le sénateur Forrestall: J'ai quelques questions sur le budget du SCRS pour lequel on a prévu en décembre 2001 une augmentation de 32 p. 100 sur cinq ans.

D'après les estimations actuelles, on va suspendre, sinon supprimer totalement une partie de cette augmentation. Y a-t-il une explication à la réduction apparente du budget prévu du SCRS qui passerait de 259 millions à 253,7 millions en 2003-2004 et de 268 millions à 261,6 millions en 2004-2005? Mis à part les immobilisations, ces réductions devront se faire au niveau de l'instruction et de l'augmentation normale des frais opérationnels. Est-il exact de dire que votre budget est gelé et va le rester?

M. Elcock: Non, je ne vois pas bien de quoi veut parler le sénateur. Nous avons reçu une augmentation de budget sur cinq ans. Je n'ai pas entendu parler de gel ou de réduction des montants.

Le sénateur Forrestall: Je suis heureux d'apprendre cela. Ce n'est pas ce que j'avais entendu dire, mais je me réjouis de ce commentaire positif.

M. Elcock: À ma connaissance, il n'y a pas eu de gel, à moins que ce soit quelque chose dont je n'ai pas entendu parler, mais cela m'étonnerait.

Le sénateur Forrestall: Le budget de 2001 a permis au SCRS de réétoffer son effectif en le faisant passer d'environ 2 000 à 2 300 en mai 2002. C'est exact?

M. Elcock: Nous avons un effectif d'environ 2 100 personnes. Je crois que quand nous aurons terminé, ce sera plus près de 2 400. Il est difficile de deviner quel sera le chiffre exact car c'est un peu aléatoire. Les chiffres varient aussi dans le temps car il y a toujours un certain écart entre les personnes dont on dispose et les compétences que l'on voudrait avoir.

Notre effectif va atteindre environ 2 400 personnes.

Le sénateur Forrestall: Sur ce total, combien auront moins de cinq ans de formation ou d'expérience?

M. Elcock: Évidemment, la majorité des gens que nous recrutons en ce moment auront moins de cinq ans d'expérience, puisqu'on les recrute au cours de cette période de cinq ans.

Le sénateur Forrestall: Comme vous allez recruter de nouveaux éléments pour remplacer les baby boomers qui vont partir, vous allez avoir beaucoup de nouveaux dans votre personnel. Je ne sais pas combien de personnes vont prendre leur retraite d'ici sept ou huit ans, mais je me demande comment vous allez les remplacer. Où en êtes-vous dans votre recrutement? Réussissez-vous à attirer de nouvelles recrues et à les garder?

M. Elcock: Nous n'avons jamais eu de problème depuis l'origine du service en 1984. Nous avons eu une politique de recrutement constante aussi bien en temps de réduction qu'en temps d'augmentation de nos effectifs. Nous avons continué à recruter pour être sûrs de ne pas avoir de lacunes dans nos effectifs.

Naturellement, certains anciens officiers de la GRC atteignent maintenant l'âge de la retraite, de même que ceux de la génération du baby boom. Il y a évidemment certaines lacunes. Par exemple, la GRC a cessé de recruter pendant une certaine période avant 1984 et il n'y avait pas de recrutement pour le service de sécurité à cette époque.

Nous ne prévoyons cependant pas de défi majeur. Nous n'avons jamais eu de difficulté à trouver de bons candidats évidemment qualifiés, et nous ne prévoyons pas de problème pour l'avenir. En particulier, depuis le 11 septembre, le nombre de candidats a augmenté.

Le sénateur Forrestall: Je suis heureux de vous entendre parler de votre succès à cet égard. Pouvez-vous me parler de votre recrutement dans certaines minorités ethniques et religieuses critiques, par exemple les musulmans, les palestiniens, les sikhs et les sunnites. Est-ce que vous réussissez à les garder et où en êtes-vous dans ce domaine?

M. Elcock: Il est important que notre service représente le pays et soit doté d'éléments provenant de divers milieux ethniques. Le Canada est un pays de plus en plus pluriethnique. Nous ne recrutons pas dans un groupe particulier pour travailler sur ce même groupe. Nous recrutons de manière à avoir un effectif représentatif de la société canadienne. Si nous avons besoin de compétences linguistiques particulières ou de ce genre d'aide, nous recrutons spécifiquement pour cela et nous n'avons aucune difficulté. C'est d'ailleurs l'un des avantages d'être un pays pluriethnique: nous n'avons pas de difficulté à trouver des gens qui ont toutes sortes de compétences linguistiques, ce qui n'est pas souvent le cas dans d'autres pays. Nous n'avons pas de problème dans ce domaine.

Il est parfois difficile de recruter des membres de certaines communautés pour travailler dans un service comme le SCRS. Il peut s'agir de gens qui viennent d'un pays où les services de sécurité ou du renseignement sont moins populaires qu'au Canada, et qui ne sont donc pas attirés par un service comme le nôtre. Toutefois, nous réussissons assez bien à attirer des gens de toutes sortes d'horizons ethniques et nous essayons de le faire dans toute la mesure du possible.

Le sénateur Forrestall: La nature de notre pays change et lorsque nous recrutons des gens, il est important de favoriser la confiance dans ces gens.

M. Elcock: C'est tout à fait vrai, sénateur.

Le sénateur Forrestall: Je suis heureux de vous l'entendre dire. Je ne tiendrai pas compte des critiques.

Dans le cas de la main-d'œuvre, entre autres, vous semblez nous dresser un tableau optimiste. Prévoyez-vous qu'il y aura des écueils? Dans le cas des États-Unis, vous pouvez toujours donner un coup de fil pour leur dire ce qu'ils doivent nous dire.

M. Elcock: Je soupçonne que j'aurais autant de succès avec les sénateurs et les représentants du Congrès américain que j'en aurais avec les députés ou les sénateurs canadiens.

Le président: Vous seriez un champion.

M. Elcock: Vous m'avez posé deux questions, sénateur, et les réponses sont relativement positives car, d'après ce que je sais, notre budget ne pose pas actuellement de problème. Si on veut nous donner plus d'argent, nous pouvons toujours en utiliser davantage. Toutefois, notre problème actuel, c'est d'absorber les sommes qui nous ont été attribuées dans le budget de décembre qui a suivi les événements du 11 septembre.

Pour ce qui est du personnel, notre situation est généralement toujours assez bonne. Il y a des problèmes, mais rien d'extraordinaire. Toutefois, notre pays et notre service traversent une période intéressante. Les effets du 11 septembre se font encore sentir. Al-Qaïda n'est pas disparue. Il existe encore une certaine menace qui nous préoccupe tous et il pourrait bientôt y avoir une guerre qui présentera des difficultés particulières. Le tableau n'est donc pas tout à fait optimiste, mais notre travail consiste à examiner tout cela, à l'évaluer et à trouver des solutions plutôt qu'à tomber dans la panique.

Le président: Pour préciser la question du financement, le sénateur Forrestall faisait renvoi au rapport de 2001 du SCRS, dans lequel on voit que les niveaux du budget et du personnel ont été prolongés jusqu'à 2006-2007. Il y a eu, semble-t-il, une augmentation de 196 millions de dollars à 205 millions de dollars en 2001-2002, et pour les années suivantes, le financement et le personnel demeureront à des niveaux constants correspondant à ceux de 2004, à l'exception de certaines sommes au titre de l'inflation et des coûts d'immobilisations que nous ne comprenons pas très bien. Est-ce une image exacte de votre financement?

M. Elcock: Si vous parlez du financement découlant du budget de décembre, ce n'est pas un montant constant. Il tend à augmenter dans les années suivantes.

Le président: Vous dites que votre financement a un élément forfaitaire lorsqu'on se rapproche de 2007?

M. Elcock: Oui, les tranches annuelles ne sont pas égales. On ne peut pas supposer qu'on aura automatiquement le même montant chaque année. Le financement est sur une période de cinq ans, mais les montants versés varient. Je ne me souviens pas de la répartition exacte.

Le président: Si vous étiez un investisseur, vous diriez qu'il y a un versement forfaitaire.

M. Elcock: Oui, d'une certaine façon.

Le président: Merci. Ce n'était pas clair dans les renseignements tirés du rapport.

M. Elcock: Lorsque le rapport a été rédigé, on ne savait pas encore clairement comment l'argent serait versé. Mais cela se précise avec le temps.

Le président: Nous avons entendu dire qu'on vous enlève vos meilleurs éléments.

M. Elcock: C'est vrai qu'après le 11 septembre, un certain nombre de ministères ont eu soudainement besoin de personnel possédant le genre d'expérience qu'ont les agents du SCRS. Il y a eu une pointe pendant une brève période quant au nombre de personnes qui cherchaient des emplois. Mais ce n'était pas une pointe extraordinaire. D'une façon générale, le nombre des départs a été assez faible — surtout comparativement au secteur privé — et le rythme s'est ralenti au cours des derniers mois. Notre taux de rétention s'est amélioré récemment. Je ne dirais pas que nous avons perdu un grand nombre de nos meilleurs éléments.

Le président: Ceux qui sont partis étaient de deuxième ou de troisième ordre?

M. Elcock: Non, je dis simplement que nous n'avons pas perdu beaucoup de gens.

Le président: Les rumeurs que nous avons entendues nous semblaient logiques car il coûte beaucoup moins cher d'aller chercher des connaissances et de l'expérience qui existent déjà plutôt que d'embaucher et de former de nouveaux employés. Combien vous faut-il de temps pour former des employés compétents dans votre spécialité? Faut-il un an, trois ans ou cinq ans? À quel moment estimez-vous que votre agent est capable de fonctionner avec un minimum de supervision?

M. Elcock: Cela dépend de ce que vous entendez par là; il n'y a pas absolu. Du point de vue technique, la période d'entraînement initiale de nos agents est de cinq ans. C'est la durée de la période de probation des agents, période pendant laquelle ils reçoivent de la formation et des cours en classe, entre autres. À la fin de cette période, les agents sont pleinement intégrés au service.

Cela dit, tous les nouveaux employés du service travaillent à un bureau et font leur part, même la première année, après une période de cours. Il est certain que leur contribution n'est pas aussi grande que celle d'un employé qui possède dix ou quinze ans d'expérience, mais ils font leur part. En fait, certains de nos jeunes agents possèdent des talents qui leur permettent d'être rapidement fonctionnels.

Le président: Qui choisiriez-vous, entre un chirurgien sorti l'an dernier de l'école de médecine ou un autre qui possède dix ans d'expérience?

M. Elcock: Il est certain que nous préférerions avoir des agents qui possèdent immédiatement cinq années de compétence et cinq à dix années d'expérience. Toutefois, il faut un certain temps avant qu'ils soient pleinement compétents et qu'ils possèdent suffisamment d'expérience.

Le président: Pourrait-on appliquer cette analogie du chirurgien, à votre avis?

M. Elcock: Nous ne faisons pas de chirurgie, mais il est certain qu'il vaut mieux avoir plus d'expérience que moins.

Le président: Ceux qui sont partis étaient-ils vos employés les plus anciens ceux qui possèdent ces dix ou quinze années d'expérience ou plutôt de nouveaux agents?

M. Elcock: Comme je l'ai dit, nous n'avons pas perdu beaucoup de gens récemment. Le taux a été proportionnel à celui des années antérieures. Nous serions plus préoccupés de perdre les jeunes agents que ceux qui ont quinze ans d'expérience. Nous n'avons pas eu un taux de départ très élevé chez ceux qui possèdent quinze années d'expérience. Nous serions inquiets dans les deux cas, mais si vous investissez cinq années de formation dans un agent et qu'il part, c'est un gros investissement qui n'est pas d'un bon rapport.

Le président: Avant de revenir à la liste et de laisser la parole au sénateur Forrestall, vous avez commencé à nous donner un aperçu des problèmes auxquels le Canada pourrait être confronté, de votre point de vue particulier. Pourriez-vous prendre quelques instants pour aider le comité en continuant cet aperçu? Pourriez-vous nous parler des risques et des menaces pour le Canada, dans votre perspective?

M. Elcock: Les activités du service tiennent compte de toute une gamme de risques, comme nous l'avons dit dans nos rapports publics. La lutte contre le terrorisme demeure notre principale préoccupation. Comme je l'ai dit à un certain nombre de reprises, les groupes d'intégristes musulmans sunnites et de terroristes, plus particulièrement al- Qaïda, demeurent notre principale préoccupation.

Cela dit, nous avons également un programme important de contre-prolifération, qui porte sur l'acquisition par divers pays de produits et de matériaux bivalents qui pourraient servir à construire des armes nucléaires, biologiques ou chimiques, entre autres. Nous avons encore un très important programme de contre-espionnage. Les services du renseignement n'ont pas disparu et certains pays veulent encore recueillir des renseignements de sécurité dans diverses parties du monde, y compris au Canada. Cela nous occupe régulièrement.

À vrai dire, les choses n'ont pas beaucoup changé pour nous depuis le 11 septembre. La plupart des choses qui nous préoccupaient avant cette date nous préoccupent encore. Le plus grand changement, c'est la quantité d'énergie et d'efforts que nous consacrons aux groupes terroristes et aux intégristes sunnites. Nous avons accru nos efforts dans ce domaine. Au fur et à mesure que nous engageons de nouveaux agents, nous pourrons revenir sur certaines autres considérations et réinvestir des ressources dans ces programmes. Nous investissons maintenant beaucoup plus d'efforts dans le contre-terrorisme, bien sûr, plus particulièrement dans les enquêtes sur les terroristes sunnites et al-Qaïda.

Le président: Souhaitez-vous ajouter autre chose?

M. Elcock: Je suis prêt à répondre aux questions du comité. Toutefois, nous avons dressé un tableau assez précis de nos préoccupations dans nos déclarations publiques et dans toutes les déclarations que j'ai faites. Ce sont là nos principales préoccupations, plus particulièrement le terrorisme, avec un accent particulier sur les intégristes sunnites et al-Qaïda.

Le président: Dans le domaine de l'immigration, quel retard avez-vous dans l'examen des dossiers? Si vous ouvrez aujourd'hui un dossier sur une personne qui vient d'arriver du pays X, combien vous faut-il de temps pour pouvoir rendre une décision à son sujet?

M. Elcock: Parlez-vous d'une personne qui arrive ici à titre de revendicateur du statut de réfugié ou de quelqu'un qui fait une demande d'immigration à une ambassade canadienne?

Le président: Les deux, mais ma question portait sur le dernier.

M. Elcock: Je ne connais pas les chiffres par cœur, sénateur. Dans la plupart des cas, le traitement est relativement rapide. Si la personne est déjà au Canada, nous faisons une enquête électronique et à moins de trouver dans nos bases de données un motif quelconque d'enquête, cela se fait généralement très rapidement.

De même, les demandes venant de l'étranger sont traitées électroniquement dans la plupart des cas. En outre, la communication bilatérale de dossiers avec les pays outre-mer nous permet d'obtenir des renseignements beaucoup plus rapidement que ce ne serait le cas autrement.

Lorsqu'il faut faire une enquête, cela devient bien sûr plus difficile. Ces dossiers prennent plus longtemps à traiter, dépendamment de leurs particularités. Il faut bien plus de temps pour traiter le dossier de quelqu'un qui vient d'un pays en crise, où il n'y a plus de dossier et où l'information est difficile à trouver, que pour quelqu'un dont on peut vérifier facilement le dossier et pour lequel on peut faire une évaluation rassurante.

Le président: Pour m'écarter un peu de ce sujet, certains dirigeants d'aéroports nous ont dit que les vérifications relativement au personnel au sol sont faites par le SCRS. Dans quelle mesure cela devrait-il nous réconforter?

M. Elcock: J'espère, monsieur le président, que cela vous rassure tout à fait.

Le président: Faites-vous une enquête complète, vérifiez-vous qui sont leurs amis et quel est l'état de leurs comptes bancaires?

M. Elcock: Nous faisons une vérification dans notre système en fonction du niveau d'accès qui est demandé. Dans certains cas, il faut des enquêtes plus approfondies, dans d'autres cas, ce n'est pas nécessaire.

Le président: Si vous deviez nous donner des pourcentages, diriez-vous que dans 98 p. 100 des cas, il suffit de vérifier les noms dans un ordinateur et que dans les deux autres pour cent vous faites une enquête?

M. Elcock: Je ne suis pas certain de vos pourcentages, mais la répartition ne serait pas moitié-moitié. Dans un nombre relativement faible de cas, la recherche électronique fera ressortir quelque chose, mais dans un certain nombre de cas, les occurrences devront être examinées plus longtemps. La proportion est relativement faible, mais je ne saurais vous dire s'il s'agit effectivement de 2 p. 100.

Le président: Si quelqu'un dit avoir fait l'objet d'une vérification par le SCRS, cela signifie que vous avez déterminé si cette personne présente un intérêt ou non, n'est-ce pas?

M. Elcock: Quand nous faisons une vérification sur une personne dans nos bases de données, il ne s'agit pas simplement de vérifier un dossier. Nous faisons une vérification assez étendue de tout ce qui peut se trouver dans notre base de données, entre autres sur les relations de cette personne et les organismes auxquels elle est associée.

C'est une vérification assez complète. Il ne s'agit pas simplement de faire une vérification du casier judiciaire. C'est un peu différent.

Le président: Vous faites également une vérification au Centre d'information de la police canadienne, le CPIC, n'est- ce pas?

M. Elcock: Oui, nous vérifions auprès du CPIC; toutefois, nos bases de données contiennent bien davantage que les casiers judiciaires.

Le président: Si vous faites une vérification au sujet d'un préposé à l'entretien des avions ou d'un bagagiste à un aéroport et que vous déclarez aux autorités de l'aéroport qu'il n'y a pas de problème, on pourrait être assuré qu'aucun problème ne vous a été signalé au sujet de ces personnes. Elles n'appartiennent pas à des groupes subversifs et elles n'ont pas d'amis qui pourraient attirer votre curiosité.

M. Elcock: C'est exact.

Le président: Ou dans quelle mesure ces vérifications vous permettent-elles d'être certain que ces personnes n'utilisent pas les avions pour trafiquer de la drogue ou d'autres choses? Est-ce un indice qui permet de prévoir leur fiabilité ou leur honnêteté?

M. Elcock: Le fait qu'elles le fassent ou non serait un indice de leur fiabilité. Toutefois, nous ne trouverions pas grand-chose à moins que cela figure dans nos dossiers, par recoupement avec d'autres renseignements. Nous ne faisons pas d'enquête sur la consommation de drogue non plus que sur l'importation à la distribution de drogues. Cela relève des services policiers. Nous aurions peut-être des renseignements dans nos dossiers et nous pourrions trouver un cas comme celui-là, mais ce n'est pas nous qui nous en occuperions. Ces choses-là relèvent généralement des services policiers.

Le président: Ce que je dis, c'est que l'autorisation du SCRS constitue en fait un sceau d'approbation.

M. Elcock: Oui, c'est vrai, en ce qui a trait au risque pour la sécurité nationale.

Le président: Ce qu'on nous dit, au sujet des bagagistes et des employés au sol des aéroports, c'est qu'il n'est pas nécessaire de fouiller ces personnes parce qu'elles ont reçu l'approbation du SCRS. Nous ne sommes pas nécessairement de cet avis, mais je veux vous informer de ce qu'on nous dit. Ce sceau d'approbation, c'est un peu comme s'il employait une étoile sur laquelle serait inscrite «approuvé par Ward Elcock».

M. Elcock: Quand nous donnons une attestation sécuritaire à quelqu'un, cela signifie qu'on peut lui donner un laissez-passer à peu près sans risques. Toutefois, la question des fouilles ne fait pas partie de notre enquête. Je sais que le comité a déjà présenté un rapport à ce sujet.

Le président: Tout à fait. Vous êtes une victime innocente dans ce dossier. Nous le comprenons, mais nous voulons savoir jusqu'où va votre zèle. Faites-vous des vérifications sur d'autres employés du gouvernement, des vérifications plus approfondies que pour les employés au sol?

M. Elcock: Dans le cas d'un fonctionnaire, cela dépend du niveau d'autorisation de sécurité qui est demandé. Dans certains cas, il faut une enquête sur le terrain, dans d'autres pas.

Le sénateur Wiebe: Ce qui me préoccupe, entre autres, c'est le cas des revendicateurs du statut de réfugié, surtout ceux qui arrivent au Canada par avion. Pour pouvoir monter dans l'avion, ces personnes doivent présenter des documents en bonne et due forme. Et pourtant, lorsqu'ils arrivent au Canada, ils n'ont plus de documents. Ils ne peuvent les fournir. Une fois arrivées au Canada, on demande à ces personnes de remplir un formulaire quelconque, on leur fait subir un bref examen puis, dans la plupart des cas, on les laisse libres d'aller où bon leur semble.

Le SCRS intervient-il lors de ce bref entretien à l'aéroport? Dans la négative, avise-t-on le service que cette personne a obtenu le statut de réfugié et qu'elle circule librement? Le cas échéant, assurez-vous un suivi sécuritaire dans le cas de cette personne?

M. Elcock: La procédure suivie est assez récente et elle a été arrêtée en fait avant le 11 septembre. Citoyenneté et Immigration Canada nous avait demandé de revoir tous les candidats au statut de réfugié, ce que nous ne faisions pas jusque-là. Auparavant, nous n'assurions un suivi que si la personne s'était signalée à nous après notre enquête.

Désormais, nous recevons toutes les demandes de statut de réfugié et évidemment, nous faisons ce que nous pouvons pour faire enquête sur ces personnes en particulier. Évidemment, ce n'est pas une situation parfaite. Dans certains cas, les gens essaient de cacher leur identité ou encore possèdent de faux papiers et il faut du temps pour éclaircir la situation. Il se peut aussi qu'ils viennent d'un pays où la vérification de leur bonne foi prend du temps. Nous ne vivons pas dans un monde parfait. Le processus prévoit désormais l'amorce d'un examen de chaque candidat au statut de réfugié, dès son arrivée.

Le sénateur Wiebe: Je comprends que ce processus puisse s'appliquer à quelqu'un qui entre au Canada par voie terrestre et qui ne comprend pas le système en place ici. Toutefois, on suppose que quelqu'un qui viendrait par avion aurait présenté les documents nécessaires pour monter à bord de l'appareil et s'il détruit intentionnellement ses documents, on devrait en conclure immédiatement qu'il ou elle a des intentions malveillantes.

Quand cela se produit dans un aéroport, les agents de l'immigration sur place sont-ils assez bien formés pour faire le contrôle qui s'impose lors du bref entretien ou le SCRS est-il représenté à cette occasion? Cette personne qui intentionnellement a enfreint la loi en débarquant de l'avion, après avoir détruit ses documents est-elle détenue jusqu'à ce que la situation ait été éclaircie par le service?

M. Elcock: La question de savoir s'il sera détenu doit être posée aux responsables de l'immigration. Il arrive souvent que nous participions aux entretiens qui ont lieu dans les aéroports car si CIC en fait la demande, nous dépêchons quelqu'un, mais nous n'avons pas de bureau dans un aéroport donné.

Le sénateur Atkins: Je poursuis dans la même analogie. Cette personne qui débarque de l'avion est-elle protégée par la Charte, ce qui vous rend à vous et aux responsables des douanes et de l'immigration la tâche difficile, n'est-ce pas? Trouvez-vous que la Charte vous rend la tâche plus difficile? C'est une question théorique.

M. Elcock: Monsieur le président, tout ce que je peux vous dire, c'est que nous exerçons notre mandat conformément à la loi, quelle qu'elle soit. La Charte n'a pas vraiment d'incidence sur notre travail car notre tâche se borne à vérifier l'identité d'une personne et à obtenir des renseignements. C'est dans les échanges entre la personne et CIC et les responsables de l'application de la loi que la Charte interviendrait. Nos responsabilités se bornent à réunir des renseignements, c'est-à-dire essayer de vérifier l'identité d'une personne et d'où elle vient.

Le sénateur Atkins: Je pense que le cas de cette personne qui débarquerait de l'avion, remplirait des documents et serait ensuite autorisée à circuler librement devrait vous intéresser. Avez-vous des suggestions à faire sur la façon dont on peut se trouver la trace de ces gens? Je crois savoir qu'il y en a beaucoup et nous ne savons même pas où ils se trouvent.

M. Elcock: Cela relève du processus d'immigration dont les responsables pourraient vous donner une meilleure idée de son fonctionnement. Le service évidemment fait une vérification quand une personne arrive au Canada. Nous tenons un dossier. Au fur et à mesure que progressent les enquêtes, nous pouvons déterminer si une personne a des raisons de nous inquiéter. En fait, la plupart des individus inquiétants qui arrivent de cette manière tôt ou tard prennent contact avec quelqu'un sur qui nous avons déjà un dossier. S'il y a un problème, nous l'apprenons très vite. Cela dit, nous cherchons à savoir ce que nous ne savons pas, et cela comporte toujours des risques.

Le sénateur Wiebe: Tout à l'heure, vous avez dit qu'en raison des modifications apportées après le 11 septembre, on possède maintenant la liste de tous les passagers à bord d'un avion et vous avez accès à cette liste. La liste comporte-t- elle des détails sur le genre de pièce d'identité qu'une personne présente avant de monter à bord de l'avion?

M. Elcock: Pour les gens qui viennent de l'étranger, la liste donne le nom, la date de naissance, etc. de chaque passager. Nous confrontons ces renseignements aux données de notre base qui comporte des informations non seulement sur les gens d'origine canadienne mais également sur des étrangers ou des gens qui appartiennent à diverses associations. Je ne sais pas si les renseignements fournis précisent quelle pièce d'identité a été présentée. Il se peut que ce soit le cas.

Le sénateur Wiebe: Faites-vous la confrontation avec les données de votre base avant que l'avion n'atterrisse?

Le sénateur Atkins: Avant le décollage.

M. Elcock: Je ne pense pas que nous obtenions ces renseignements avant que l'avion ne décolle.

Le sénateur Wiebe: Est-ce une chose que vous envisagez tôt ou tard?

Le président: La liste comporte bien plus de renseignements. On sait quel a été le mode de paiement du billet, où la personne était assise, avec qui elle voyageait. Il y a quantité de renseignements disponibles outre le nom, le pays d'origine et la date de naissance. Êtes-vous en train de nous dire que vous n'obtenez aucun de ces renseignements?

M. Elcock: Pour l'instant, je ne pense pas que nous obtenions ces renseignements. Si nous en avons besoin pour une enquête, nous pouvons les obtenir, mais pour l'heure, nous ne les recevons pas d'office.

Le président: Pouvez-vous les obtenir pour une personne en particulier?

M. Elcock: Oui, nous le pouvons.

Le sénateur Smith: Ne faites-vous pas une différence fondamentale entre les pays pour lesquels nous exigeons un visa d'entrée au Canada et les pays pour lesquels nous n'en exigeons pas? En d'autres termes, si c'est un pays pour lequel nous n'exigeons pas de visa, quelqu'un peut se présenter au comptoir de la ligne aérienne trois heures avant le décollage et régler en liquide, je suppose. Comme il n'y a pas d'exigence de visa, nous ne sommes pas avisés, sauf par le truchement de la liste des passagers, constituée une fois que l'avion a décollé. Toutefois, dans le cas d'un pays pour lequel nous exigeons un visa d'entrée, n'y aurait-il pas une différence fondamentale de procédure dans l'obtention des renseignements à l'avance?

M. Elcock: Oui. Dans certains cas, il se pourrait que nous ayons vérifié la demande de visa avant qu'il soit accordé.

Le président: Monsieur Elcock, vous avez parlé du processus. On nous dit que dans le cas des immigrants, il y a un arriéré de deux ans, que cela représente 50 000 personnes et qu'on a délivré des mandats d'arrêt contre 25 000 d'entre elles. Vous n'avez pas les ressources qu'il faut pour garder la trace d'un si grand nombre.

M. Elcock: De quoi parlez-vous? Je ne pense pas qu'il y ait un arriéré de deux ans pour les demandes d'immigration.

Le président: Un sous-ministre de l'Immigration nous a dit au mois de novembre qu'il y avait 50 000 personnes en cause, un arriéré de deux ans et que 25 000 personnes étaient frappées d'un mandat d'arrêt.

M. Elcock: Il se peut que ce soit le cas, monsieur le président. Pour notre part, je ne pense pas que cela concerne les immigrants et le processus d'immigration.

Le président: Vous avez dit que si quelqu'un atterrissait sans document et qu'il circulait librement au pays sans que l'on sache où il se trouve, tôt ou tard vous le retrouveriez car un jour ou l'autre il parlerait à quelqu'un de peu recommandable et c'est alors que vous pourriez le repérer.

M. Elcock: Non, j'ai parlé des «individus inquiétants qui arrivent de cette manière». Bien des gens qui arrivent comme candidats au statut de réfugié n'inquiéteront jamais le SCRS et ne feront jamais l'objet de nos enquêtes.

Le président: Absolument. On suppose que la majorité d'entre eux ne vous intéresseront jamais.

M. Elcock: Certains d'entre eux peuvent intéresser la police alors que d'autres seront d'aucun intérêt pour les organismes d'application de la loi. Ils ont voulu venir au Canada pour améliorer leur situation économique.

Le président: Le fait que des mandats d'arrêt aient été lancés contre eux nous porte à croire que personne ne sait où ces gens se trouvent. Autrement dit, ils ne sont pas là où ils devraient être au jour dit. Logiquement, on peut en conclure que nous ne savons toujours pas où ils se trouvent.

M. Elcock: Si les responsables de l'immigration décernaient un problème, on suppose qu'ils y verraient avec l'aide des organismes d'application de la loi.

Le président: Mettons que le problème n'est pas réglé, vous aurez vous aussi du mal à trouver la trace des gens qui vous intéressent, n'est-ce pas?

M. Elcock: Si nous cherchons un individu en particulier ou si, au cours de nos enquêtes, nous tombons sur un individu louche, nous allons donc prendre des mesures. Évidemment, nous contacterions CIC s'il s'agissait de quelqu'un qui nous inquiète et qui est demandeur du statut de réfugié.

Le président: Si 25 000 personnes sont frappées de mandats d'arrêt, cela veut dire que les autorités — quelle qu'elles soient —, y compris le SCRC, ne savent pas où un grand nombre de ces gens se trouvent, n'est-ce pas?

M. Elcock: Si le cas exige un mandat d'arrêt, monsieur le président, cela ne relève pas du SCRS. Une partie relativement infime de ce groupe relève de nous. Évidemment, nous intervenons au départ pour vérifier l'identité de ces personnes, et voir si elles sont inquiétantes. Elles sont inquiétantes. C'est CIC qui prend la décision de les laisser quitter l'aéroport ou leur port d'entrée. Après cela, si nous obtenons des renseignements supplémentaires qui nous poussent à recontacter CIC pour signaler un problème, alors il faut trouver l'individu en question si par hasard il ne s'est pas présenté comme convenu. D'autres individus nous intéressent parce qu'une fois arrivés au Canada, ils ont des contacts avec des gens inquiétants que nous avons déjà repérés. Évidemment, il nous faut dans ce cas-là intervenir.

Le président: À ce moment-là, vous les retrouvez. Toutefois, dans les aéroports, les installations de détention sont limitées. Cela n'a pas beaucoup augmenté récemment. Les gens semblent donc passer par cette formalité assez rapidement. Quand ils quittent l'aéroport, ont-ils tous reçu le sceau d'approbation du SCRS?

M. Elcock: Dans certains cas, nous ne sommes pas en mesure de donner des renseignements. Parmi les réfugiés, nous pouvons contrôler l'identité de certains et nous faire une idée des liens qu'ils ont avec d'autres et de leur fiabilité. Il y a toutefois des cas où nous n'avons pas les renseignements nécessaires à l'aéroport et la décision de laisser l'individu circuler librement appartient au CIC qui pèse le pour et le contre des facteurs déterminants.

Le sénateur Banks: Vous avez dit une chose qui m'a intrigué. Prenons le cas d'un individu auquel vous vous intéressez pour une raison ou une autre. Pour nourrir la discussion, acceptons qu'il y a au Canada de 20 000 à 25 000 réfugiés dont nous avons perdu la trace. Ce chiffre a été cité à plusieurs reprises mais peu importe qu'il s'agisse de 10 000 ou de 20 000. Le fait que ce nombre de réfugiés se trouvent au Canada et échappent aux rouages du système ne représente-t-il pas à votre avis et aux yeux du service, une question de sécurité nationale?

M. Elcock: Je ne suis pas sûr que je parlerais d'une question de sécurité nationale. On aimerait tous vivre dans un monde où il n'y aurait pas d'arriéré et où grâce à des renseignements fiables sur les gens qui arrivent au Canada, nous saurions où chacun se trouve.

Le sénateur Banks: Il ne s'agit pas seulement d'un arriéré, mais d'une quantité de gens qui se sont présentés à la frontière et à qui quelqu'un a dit: «Vous ne semblez pas comporter de menace. Vous pouvez jouir de la protection de la Constitution; allez-y et nous vous contacterons au moment où vous devrez subir l'étape suivante du processus, tel endroit, telle heure». Toutefois, les personnes convoquées ne se présentent pas et nous ne pouvons pas les trouver. Il ne s'agit donc pas uniquement d'un arriéré. Les Canadiens et les Canadiennes s'inquiètent de cela. Vous savez qui ils sont; vous êtes mieux renseignés que moi.

Les Canadiens et les Canadiennes pensent que plusieurs milliers de réfugiés qui passent entre les mailles du système sans pouvoir être retrouvés comportent un risque pour la sécurité. Est-ce qu'ils se trompent?

M. Elcock: Disons, pour l'argumentation, qu'il s'agit de 25 000 personnes. Le nombre d'entre elles qui pourraient comporter un risque pour la sécurité nationale est relativement peu élevé. Je parle ici du contexte qui nous intéresse. Quelqu'un pourrait prétendre que la présence d'un criminel au Canada menace la sécurité nationale du pays mais ce n'est pas là l'aspect de la sécurité nationale dont nous avons la responsabilité.

Manifestement, nous essayons de repérer les cas problématiques à l'aéroport, parfois au moyen de bien piètres renseignements. La décision de laisser à quelqu'un libre circulation peut parfois être prise sans que nous ayons tous les renseignements que nous souhaiterions. En bout de ligne, si quelqu'un est autorisé à entrer au Canada dans ces conditions, la question qui se pose est la suivante: pouvons-nous obtenir d'autres renseignements qui vont pouvoir alimenter le processus d'octroi du statut de réfugié plus tard?

Quand quelqu'un arrive à l'aéroport, il n'obtient pas sur-le-champ le statut de réfugié. Son cas doit être revu. Si l'intéressé ne se présente pas au moment de l'audience, alors il se peut que nous nous intéressions à lui à la suite d'autres enquêtes.

Je le répète, notre tâche est d'essayer de découvrir ce que nous ne savons pas déjà. Forcément, on peut concevoir qu'il y a des gens et des groupes dont nous ignorons l'existence mais notre travail est assez exhaustif. En règle générale, si quelqu'un est inquiétant, nous le découvrons tôt ou tard.

Le sénateur Banks: Prenez le cas de gens dont nous avons entendu parler et qui vous ont inquiétés vous et d'autres — et il s'agit de personnes qui se sont présentées ici comme réfugiés. Ont-elles été désignées comme «personnes d'intérêt» à ce moment-là ou les avez-vous repérées comme personnes d'intérêt pour ensuite découvrir qu'elles étaient des réfugiés? J'ai l'impression que le deuxième cas s'applique. Autrement dit, parmi les 25 000 personnes — si le chiffre est le bon —, la proportion de celles qui devraient être considérées comme personnes d'intérêt serait plus élevée que dans la population en général.

M. Elcock: J'espère avoir bien compris votre question. Il faut bien dire que certains individus qui nous inquiètent entrent ici comme demandeurs du statut de réfugié. Toutefois, ce n'est pas seulement ce groupe de demandeurs qui de temps à autre nous inquiète. Même des gens qui passent par toutes les étapes du processus d'immigration et présentent des documents et toutes sortes de preuves à l'appui peuvent nous tromper sur leur identité.

En effet, il arrive que certains individus perdent le droit de revendiquer le statut de réfugié. Nous les repérons et ils sont exclus de cette démarche.

Le sénateur Banks: Laissons cette question de côté pour l'instant. L'accord sur le tiers pays sûr est-il en vigueur?

M. Elcock: Je pense qu'il vient d'entrer en vigueur. Je ne suis pas sûr.

Le sénateur Banks: A-t-il produit des résultats jusqu'à présent?

M. Elcock: Il aura assurément une incidence assez importante puisqu'un grand nombre de demandeurs du statut de réfugiés entrent au Canada à partir des États-Unis — en tout cas, c'était le cas par le passé.

Le sénateur Banks: C'est un argument que nous ne tardons jamais à formuler quand nous rendons visite à nos homologues.

M. Elcock: Il est rarement bien compris aux États-Unis.

Le sénateur Banks: J'y reviendrai tout à l'heure.

J'ai une question brutale et bizarre. Je sais que vous vous en occupez tous les jours. Il est un fait qu'actuellement, une grande partie de la population mondiale qui nous cause des soucis de sécurité nationale et de sécurité personnelle pratique une certaine religion et occupe une certaine partie du monde. Certains disent que d'autres populations occupant d'autres parties du monde sont tout aussi dangereuses mais pour autant que nous sachions, elles n'ont encore rien fait.

Est-ce qu'on peut dire de bonne foi que nous ne faisons pas de sélection raciale? Peut-on dire de bonne foi que quelqu'un qui a votre physique ou le mien peut arriver ici dans un avion en provenance de Damas et, toutes choses restant égales par ailleurs, susciter le même intérêt que quelqu'un qui n'a pas le même physique que vous et moi?

M. Elcock: Le profilage racial est une action entièrement fondée sur des considérations raciales lorsque c'est uniquement la couleur de la peau ou la religion qui éveillent des soupçons. Pour notre organisme, il est un fait que la couleur de la peau et la religion ont leur importance. Nous considérons toute une gamme de facteurs. Quelqu'un peut nous intéresser non seulement à cause de sa religion, ou peut-être pas à cause de sa religion. Une personne peut se présenter comme chrétien de naissance ou par conversion, mais si elle a fréquenté une certaine école à une certaine période dans une certaine partie du monde, elle peut devenir préoccupante pour nous. Même des Caucasiens originaires du Canada ou des États-Unis peuvent être préoccupants. C'est toute une gamme de renseignements qui rendent les gens préoccupants, et non pas particulièrement leur couleur ou leur religion.

Le sénateur Banks: Pour compléter la dernière question du sénateur Forrestall, nous devons nous rendre prochainement à Washington et rencontrer des personnalités comme le secrétaire Rumsfeld et le général Myers, ainsi que les plus proches conseillers de Mme Rice. Je considère que ces personnes ont une bonne idée de la réalité du Canada. Elles considèrent que nous sommes de bons amis mais que parfois, nos priorités ne concordent pas exactement.

Nous allons aussi rencontrer bien d'autres gens, des membres de comités du Congrès et des représentants des États, qui ne sont peut-être pas aussi bien renseignés que nous le souhaiterions sur les motivations du Canada. Pendant ce séjour, nous allons essayer, comme nous le faisons toujours, de présenter et de représenter les intérêts du Canada. Nous nous efforcerons notamment de contrer ce que nous considérons comme de fausses impressions de la part des Américains. On peut citer, parmi ces fausses impressions, la quantité de réfugiés qui sont venus au Canada depuis les États-Unis.

Parlez-nous un instant de ce que nous devrions savoir et qui peut nous préparer à ces rencontres.

M. Elcock: Je ne suis pas certain de ce que je peux vous dire à cet égard. Les honorables sénateurs connaissent le problème aussi bien que moi. Il y a de fausses impressions aux États-Unis. Parfois, leur origine se perd dans un fouillis d'articles de journaux ou de témoignages présentés devant un comité du Sénat ou du Congrès par des témoins qui défendaient des intérêts particuliers. Certains Américains ont l'impression que la situation canadienne peut leur compliquer la vie. Pour nous, le défi consiste à dissiper ces fausses impressions.

Cela peut être plus facile pour nous, parce que nous avons affaire à certains organismes qui ont parfois une meilleure compréhension de la nature des problèmes auxquels ils sont confrontés. Je suppose qu'il est plus difficile de convaincre un membre du Congrès ou un sénateur des États-Unis.

Le sénateur Smith: Monsieur Elcock, c'est la première fois que le SCRS comparaît devant ce comité depuis que j'en fais partie. J'aimerais revenir sur les choses les plus élémentaires pour m'assurer de les avoir bien comprises. Je me souviens des commissions qui ont précédé la création du SCRS. Je connaissais bien le juge MacDonald. J'étais au Parlement au début des années 80 lorsque la loi a été adoptée.

Si nous voulons parler de la raison d'être du SCRS, on insistait beaucoup, à l'époque, sur la guerre froide. Ce n'était pas tout à fait la paranoïa d'Igor Gouzenko, mais je me souviens d'avoir participé à une mission en Union soviétique en 1982.

Il se trouve que j'étais encore en Russie pour affaires à l'automne 1989, quand tout l'édifice communiste s'est effondré. En l'espace de quelques semaines, je suis allé à Moscou, à Leningrad et en Estonie. Le mur de Berlin a commencé à céder, et nous l'avons appris en regardant subrepticement CNN. Les gens ne dansaient pas vraiment dans les rues, car ils n'étaient pas certains de la réalité des événements, mais je n'ai jamais rien vu de tel que les mines des Estoniens, qui étaient bien différentes de celles de Moscovites.

Les années 90 ont certainement constitué une période de rajustement pour le SCRS. Il a fallu un certain temps avant que l'on sache avec certitude que le mur s'écroulait et que la guerre froide était finie pour de bon. On a dû alors procéder à une remise en question du SCRS. Est-ce que vous pouvez nous en parler? Il a dû se produire la même chose après le 11 septembre. Je suppose que vous êtes passés par deux grandes périodes de transition. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, pour mieux nous faire connaître votre organisme?

M. Elcock: Je ne suis pas certain que l'on puisse présenter les choses de cette façon.

Il n'est pas douteux qu'à la fin de la guerre froide, le milieu du renseignement a pris conscience du fait que le monde avait fondamentalement changé. Cette prise de conscience s'est faite aussi dans d'autres milieux. On a eu l'impression que les organismes d'espionnage ou de renseignement allaient devenir inutiles. Je crois que c'est le président des États- Unis qui a dit, à l'époque, que le monde allait devenir plus gentil.

M. Elcock: Malheureusement, ce n'est pas ce qui s'est produit. Du point de vue du contre-espionnage, les organismes de renseignement sont devenus plus nombreux et ont acquis une plus grande liberté d'action. Je pense même qu'actuellement, ces organismes sont plus nombreux que pendant la guerre froide. On en viendrait presque à regretter l'ordre qu'imposait la guerre froide. Il y avait au moins certaines personnes qui disaient aux autres ce qu'elles avaient à faire.

Aujourd'hui, tout est plus compliqué, même dans le monde du contre-espionnage. En vérité, dès 1984, le SCRS a commencé à s'orienter vers la lutte antiterrorisme car c'est à cette époque que s'est produit l'attentat contre l'avion d'Air India. C'est alors que la lutte antiterrorisme a pris une importance croissante pour le SCRS. Le souci de contrer le terrorisme et, en particulier, les menaces d'al-Qaïda et les autres organismes terroristes sunnites ne datent pas du 11 septembre. Il est apparu plusieurs années plus tôt et c'est alors devenu l'un de nos grands sujets d'enquête. Il n'est pas douteux que le 11 septembre a ravivé nos investigations, mais concrètement, elles avaient commencé bien avant.

Le sénateur Smith: Les employés du gouvernement font l'objet d'une vérification de sécurité personnelle. Avez-vous une idée de la proportion de vos effectifs qui se consacrent à cette tâche?

M. Elcock: Nous avons un service, la direction du filtrage de sécurité, qui s'en occupe pour le gouvernement, qui délivre les autorisations de sécurité des réfugiés, etc. En un sens, cette fonction s'intègre aux autres fonctions de l'organisme. S'il faut approfondir une enquête sur un employé du gouvernement, quelqu'un peut être amené à poser des questions en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Smith: S'agit-il de quelques centaines d'agents?

M. Elcock: Je ne me souviens pas des effectifs du filtrage de sécurité. C'est moins d'un tiers de l'organisme. En réalité, ce travail se fait beaucoup plus par des moyens électroniques que sur papier. C'est pourquoi le nombre d'agents qui s'y consacrent a diminué. Cependant, nos responsabilités en la matière se sont élargies, puisque nous devons assurer le filtrage de sécurité des installations nucléaires de certaines provinces.

Le sénateur Smith: Est-ce que la lutte antiterrorisme accapare la plus grande partie de vos effectifs?

M. Elcock: Environ deux tiers des ressources opérationnelles y sont consacrées. Le filtrage de sécurité constitue une première ligne de défense entre les personnes préoccupantes qui essaient de s'introduire au Canada. Pour lutter contre le terrorisme, il est aussi important d'empêcher l'accès au territoire à certaines personnes que de faire enquête sur d'autres personnes qui se trouvent au Canada.

Le sénateur Smith: J'ai remarqué les articles 14 et 15 de la loi qui autorisent le service à fournir des évaluations de sécurité concernant des candidats à l'immigration. Est-ce que vous les faites dans le pays où ils présentent leur demande, ou est-ce que tout est fait ici?

M. Elcock: Une partie des évaluations sont faites ici. C'est notamment le cas pour ceux dont le gouvernement exige une autorisation de sécurité. Dans le cas d'une personne qui arrive de l'étranger, nous faisons parfois des entrevues et de la collecte de renseignements à l'étranger, dans le pays d'origine de cette personne.

Le sénateur Smith: En ce qui concerne la question des réfugiés, j'ai fait cette expérience il y a 23 ans, au moment de la chute du gouvernement chilien. C'est aussi à cette époque que le gouvernement de Joe Clark est tombé. Ce gouvernement avait imposé un visa aux Chiliens qui visitaient le Canada, car il considérait que la plupart des Chiliens qui revendiquaient le statut de réfugié étaient en réalité des réfugiés économiques qui tentaient ainsi de dépasser la file d'attente. Lorsque le gouvernement Trudeau est revenu au pouvoir, le ministre a dû décider s'il devait maintenir ou lever cette exigence de visa. J'ai été envoyé au Chili où j'ai rencontré bien du monde, notamment des agents de plusieurs ambassades, y compris de pays communistes, et surtout, nos propres agents. Ils considéraient que seule une petite partie des demandeurs du statut de réfugié étaient de bonne foi. En fait, presque tous ceux à qui nous avons parlé au Chili se sont dit préoccupés de ce que l'on pouvait faire pour aider les Chiliens expatriés à regagner leur pays en toute impunité.

Est-ce qu'on peut dire que vos enquêtes ne portent pas sur la bonne foi des demandeurs du statut de réfugié et se concentrent plutôt sur les questions de sécurité? Vous voulez savoir si le demandeur s'est livré au terrorisme, et non pas s'il est incapable de réunir les points nécessaires à cause de sa profession ou de ses compétences linguistiques, ni s'il essaie d'éviter la file d'attente en demandant le statut de réfugié. J'ai l'impression que vous ne considérez pas ces éléments. Vous les laissez aux soins des services de l'immigration et vous vous concentrez sur la sécurité et la lutte antiterrorisme. Est-ce bien exact?

M. Elcock: C'est exact. Il y a d'autres éléments que nous considérons, ce que vous venez de dire est assez juste.

Le sénateur Smith: À part les vérifications de sécurité et vos activités sur les questions d'immigration, y a-t-il d'autres sphères d'activité dont vous n'avez pas parlé et que nous devrions connaître?

M. Elcock: En ce qui concerne le filtrage?

Le sénateur Smith: En ce qui concerne des activités de vos agents.

M. Elcock: Je pense vous avoir décrit les autres activités. Nous sommes un organisme opérationnel. Nous faisons du renseignement concernant les menaces à la sécurité du Canada, c'est-à-dire du contre-terrorisme, du contre- espionnage, de la lutte contre la prolifération et du renseignement sur les activités criminelles transnationales. Nos agents s'intéressent à toutes sortes d'activités.

Le sénateur Smith: Les médias ont parlé de porte-conteneurs qui transportent des centaines de voitures volées que l'on exporte ainsi apparemment en toute impunité. À Vancouver, nous avons rencontré l'ancien chef de la police du port, qui n'existe plus, et il a reconnu qu'il était plus ou moins au courant de ce trafic, mais qu'il n'y pouvait rien. Ce soir même, les gens de la Garde côtière ont dit qu'ils n'avaient constaté aucune activité suspecte.

Avez-vous été informé de ce trafic? Avez-vous entendu parler de la question ou est-ce qu'elle vous a totalement échappée? Il me semble inconcevable que des porte-conteneurs puissent quitter particulièrement le port de Montréal avec une pleine charge de voitures volées sans que personne ne puisse les empêcher. Avez-vous des renseignements à ce sujet.

M. Elcock: Si nous recevons des renseignements sur ce genre d'activités, nous les transmettons à la police. C'est essentiellement un problème concernant le crime organisé, qui intéresse la GRC ou les polices municipales ou provinciales, qui vont devoir enquêter.

À l'occasion, lorsque nous recevons ce genre de renseignement, nous le transmettons à la police. Il en va de même de l'information concernant la drogue, que nous transmettons également à la police.

Le sénateur Smith: Si nous rencontrons des agents de la police de Montréal, je les interrogerai à ce sujet.

Le sénateur Forrestall: Pouvez-vous nous parler du niveau élevé de menace aux États-Unis? Je crois qu'on l'a fait baisser d'un cran, ou qu'on va le faire. Pouvez-vous nous dire pourquoi on ne parle pas ainsi de menaces au Canada?

M. Elcock: Je n'avais pas entendu dire que le niveau de menace aux États-Unis était sur le point de baisser. Si c'est bien le cas, je suis sûr que vous avez raison.

J'ai dit à plusieurs reprises que notre pays n'est pas à l'abri de la menace terroriste. Il ne fait guère de doute que les États-Unis sont la cible principale d'al-Qaïda et des groupes du même ordre. Cela étant dit, on a pu constater à Bali que les Américains n'étaient pas les seuls à être visés ni à être victimes des terroristes.

Le Canada a des motifs d'inquiétude. Reste à savoir s'il doit ou non se doter d'un système semblable à celui des États-Unis en ce qui concerne les avis sur le niveau des menaces, les différentes couleurs, etc. Si nous avions des renseignements concernant une menace au Canada, nous en ferions part aux autorités policières et aux représentants élus qui devraient décider du niveau de sécurité à assurer dans les endroits ou auprès des personnes visées par la menace.

À part cela, on doit toujours s'interroger sur le niveau approprié de sécurité du moment. Tout dépend de la nature de l'information dont nous pouvons disposer sur le niveau générique de menace. Il est certain que ces derniers temps, ce niveau était assez élevé. Encore une fois, il appartient aux ministres et aux autorités policières de déterminer si les mesures de sécurité en place sont suffisantes compte tenu du niveau de menace, ou s'il y a lieu de les renforcer. C'est à eux d'en décider et de communiquer l'information pertinente à la population.

Le sénateur Forrestall: Dans la mesure où un certain parallèle existe entre les deux pays, reconnaissez-vous qu'il n'est pas facile de distinguer les deux situations?

M. Elcock: Voulez-vous parler des États-Unis et du Canada?

Le sénateur Forrestall: Oui.

M. Elcock: Il n'est pas douteux que ce sont les États-Unis et les intérêts des États-Unis qui sont la cible principale d'al-Qaïda et de ses organismes affiliés.

Le sénateur Forrestall: Dans ce cas, il n'y avait pas à craindre de se faire reprocher de crier au loup si nous n'avons pas émis...

M. Elcock: Je ne considère pas que les autorités américaines crient au loup. Elles ont effectivement l'habitude de donner beaucoup de renseignements. Dans certains cas, cela peut créer des difficultés.

Le sénateur Forrestall: Il me semble qu'al-Qaïda a bien réussi à nous faire peur rien que par ses paroles et gestes.

Avec quelle fréquence un agent du SCRS serait-il appelé à un point frontalier pour faire une entrevue plus approfondie avec un immigrant éventuel ou un demandeur du statut de réfugié?

M. Elcock: C'est selon les nécessités. Dans certains cas, nous avons du personnel près de la frontière. Nous avons un bureau régional à Windsor. On va en ouvrir un autre ailleurs en Ontario. À ces endroits, nous avons toujours du personnel en disponibilité. Dans d'autres cas, il faudrait que quelqu'un de nos bureaux se rende sur les lieux. Nous répondons dès que nous recevons un appel de CIC.

Le sénateur Forrestall: Donc cela fait partie de vos activités quotidiennes?

M. Elcock: Oui.

Le sénateur Forrestall: Cette activité ne vous occupe pas de façon exagérée?

M. Elcock: Non.

Le sénateur Forrestall: Il y a combien de demandeurs du statut de réfugié dont les activités et les associés sont surveillés par le SCRS? Est-ce que cela fait partie de vos responsabilités? Autrement dit, si vous avez un dossier sur quelqu'un, est-ce que vous surveillez de façon particulière ses allées et venues?

M. Elcock: Dans le cas de ceux qui arrivent ici et demandent le statut de réfugié, nous essayons de dire à CIC si oui ou non nous jugeons qu'ils représentent des cas problèmes. Si, dans le cadre de nos enquêtes, nous constatons un tel cas — même s'il s'agit d'un demandeur du statut de réfugié —, nous ne pourrons faire enquête que dans la mesure où la personne est visée par les dispositions de la Loi sur le SRCR et est considérée comme une menace à la sécurité du Canada. Dans un tel cas, la personne serait ciblée par le service, selon l'importance de ses activités et liens.

Pour ce qui est des chiffres, je ne peux pas dire davantage que ce que j'ai déjà dit. Même en ce qui concerne nos activités de lutte contre le terrorisme, on cible en moyenne 350 personnes. Cependant, il s'agit de tout un éventail de personnes, dont certaines sont des réfugiés, et d'autres pas.

Le sénateur Forrestall: Ce ne sont pas les 25 000 qui m'inquiètent, mais plutôt les 300 ou 400. L'intervention dans ce cas est urgente et importante. Est-ce que vous les tenez à l'oeil de façon particulière?

M. Elcock: On prête plus d'attention aux gens qui nous inquiètent le plus qu'à ceux qui nous inquiètent moins. La surveillance se fait de différentes façons.

Le sénateur Forrestall: Je n'en doute pas.

Dans quelle mesure la politique qui permet à des milliers de demandeurs du statut de réfugié de vivre au Canada sans surveillance en attendant une décision sur leur demande représente-t-elle une menace à la sécurité de l'Amérique du Nord?

M. Elcock: Vous me posez une question de politique qui s'adresse davantage à quelqu'un d'autre.

Le sénateur Forrestall: Je fais appel à votre vaste expérience et à vos connaissances très importantes.

M. Elcock: Honorables sénateurs, notre rôle est de faire enquête sur ceux que nous identifions comme une menace à la sécurité du Canada. Il s'agit d'une très faible proportion de ces 25 000 personnes.

Le sénateur Forrestall: Dans le cas des 300 ou 400 personnes, comment distinguez-vous entre les différentes catégories, mettons X, Y et Z?

M. Elcock: Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question.

Sur les 25 000 demandeurs, il y en a 300 ou 400 que vous ciblez. C'est ce groupe qui m'inquiète. Par rapport à ce groupe, est-ce que le SCRS voudrait que la politique du gouvernement soit modifiée pour permettre leur détention jusqu'à ce que votre enquête soit terminée?

M. Elcock: Honorables sénateurs, je suppose que si nous disions à CIC que nous avions beaucoup d'inquiétude au sujet d'un particulier, CIC mettrait probablement cette personne sous garde. Elle peut faire ça. Si nous n'avons pas suffisamment d'information ou si nos informations sont équivoques, CIC devra peut-être décider de libérer la personne. En bout de ligne, la décision relève d'elle.

Une fois que quelqu'un est intégré dans la population générale, ce sont ses activités qui attirent notre attention. Nous ciblons ce qui entre dans la définition d'une menace à la sécurité du Canada. Nous surveillons activement des gens qui, d'après nos observations, sont membres d'un groupe précis. Contrairement à la police, les agences de renseignement ont le mandat de mettre au point une image complète d'un organisme, sa présence organisationnelle au Canada et les personnes ayant des liens à l'organisation, où qu'elles se trouvent. De cette façon, nous avons une idée des personnes impliquées, de leurs activités et de leurs liens ici et ailleurs.

Le sénateur Forrestall: Votre service a-t-il pu dénicher des renseignements qui vous font croire que la Corée du Nord et l'Irak — l'un ou l'autre ou les deux ont déjà ou ont la possibilité d'avoir des armes de destruction massive?

M. Elcock: Je ne peux pas vous en dire davantage en ce moment, honorables sénateurs, si ce n'est qu'il ne fait aucun doute que les activités de la Corée du Nord en ce qui concerne les armes de destruction massive préoccupent considérablement plusieurs pays, dont le Canada. Nous nous intéressons aux activités de ce gouvernement.

Le sénateur Forrestall: Je ne voudrais pas être visé par ces armes de destruction massive.

Merci d'être venu et merci de votre franchise. Je vous en suis reconnaissant.

Le sénateur Banks: Monsieur Elcock, sans les nommer, ni la région du monde d'où elles proviennent, y a-t-il des organisations qui ne figurent pas sur la liste que vous souhaiteriez avoir sur la liste?

M. Elcock: Vous faites allusion à quelle liste?

Le sénateur Banks: La liste des organisations qui sont interdites au Canada.

M. Elcock: Vous parlez de la liste prévue dans le projet de loi C-36?

Le sénateur Banks: Oui.

M. Elcock: Notre rôle est le suivant: Nous sommes un des organismes qui peut faire rapport aux ministres ou rassembler des preuves pour convaincre les ministres de décider d'inscrire une organisation sur la liste.

Il y a deux listes en ce moment. Il y en a une sous l'égide de l'ONU à laquelle le Canada a fourni plusieurs noms d'organisations. Les actifs au Canada des organisations qui figurent sur cette liste sont gelés. Nous sommes en train de déplacer certains noms d'organisations qui figurent sur cette liste à la liste prévue dans le projet de loi C-36, car les deux listes ont des critères radicalement différents. Une liste relève du Code criminel, alors que l'autre relève d'un règlement.

Le président: Le sénateur Banks voulait savoir combien de fois vous réussissez à convaincre les ministres.

M. Elcock: Assez souvent, monsieur le président. Cependant, surtout à cause du critère du Code criminel, ajouter des noms à la liste prend plus de temps qu'avec le critère d'un règlement.

Le président: Merci beaucoup de votre témoignage. Comme toujours, nous avons appris des choses. Nous aimons bien nos entretiens avec vous. Nous vous remercions de votre aide à préparer notre voyage à Washington. Nous avons hâte de vous revoir et d'entendre vos opinions à cette occasion.

Le président: La séance est levée. Nous allons poursuivre nos travaux à huis clos.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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