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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 12 - Témoignages du matin


OTTAWA, le lundi 17 mars 2003

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour examiner, et ensuite en faire rapport, la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: C'est un plaisir de vous accueillir au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Aujourd'hui, le comité met le point final à ses séances d'information sur les relations entre le Canada et les États-Unis, en prévision de son voyage de la semaine prochaine à Washington, où nous rencontrerons des représentants du Congrès et de l'administration américaine.

Je suis un sénateur de l'Ontario, et je préside le comité.

Notre vice-président est le distingué sénateur Michael Forrestall, qui vient de la Nouvelle-Écosse. Le sénateur a été au service des électeurs de Dartmouth pendant trente-sept ans, tout d'abord à titre de député aux Communes, puis à titre de sénateur. Tout au long de sa carrière parlementaire, il s'est intéressé aux questions de défense et il a siégé à des comités parlementaires qui ont étudié des questions de défense, dont le comité mixte spécial de 1993 qui a étudié l'avenir des Forces canadiennes.

Le sénateur Tommy Banks s'est bien fait connaître des Canadiens comme un musicien et artiste accompli et versatile avant d'être nommé au Sénat, en 2000. Le sénateur Banks préside le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. En ce moment, ce comité étudie la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.

Le sénateur Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse, a été une éducatrice accomplie qui avait une impressionnante feuille de route sur le front de l'engagement communautaire avant d'être nommée au Sénat, en 2000. Le sénateur Cordy siège également au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui vient de publier un rapport marquant sur les soins de santé et s'apprête à étudier la question de la santé mentale.

Le sénateur Norman Atkins, de l'Ontario, a accédé au Sénat en 1986 avec de solides antécédents dans le domaine des communications et de l'expérience comme conseiller de l'ancien premier ministre Davis de l'Ontario. Le sénateur Atkins est membre de notre sous-comité des anciens combattants et du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Il préside le caucus conservateur du Sénat.

Le sénateur David Smith, de l'Ontario, a été conseillé et maire adjoint de Toronto, député à la Chambre des communes et ministre d'État avant d'être nommé au Sénat en 2002. Le sénateur Smith siège au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.

Notre comité est le premier comité sénatorial permanent chargé d'étudier les questions qui se rapportent à la sécurité et à la défense. Au cours des 18 derniers mois, nous avons mené à bien un certain nombre d'études, à commencer par celle qui a donné le rapport intitulé «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense», qui traite des principaux problèmes auxquels le Canada doit faire face. Ce rapport a été déposé en février 2002.

Le Sénat a ensuite demandé à notre comité de voir si nous avions besoin d'une politique nationale sur la sécurité. Jusqu'à maintenant, nous avons publié trois rapports sur divers aspects de la sécurité nationale: «La défense de l'Amérique du Nord: une responsabilité canadienne», en septembre 2002, «Pour 130 dollars de plus... Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes, une vue de bas en haut», en novembre 2002, et «Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens», en janvier 2003.

Le comité est en train d'évaluer la contribution fédérale au travail des intervenants de première ligne en cas d'urgence ou de catastrophe. Au cours de ses dernières réunions, il a préparé son voyage à Washington, qui aura lieu la semaine prochaine, au moyen d'une série de séances d'information sur les relations entre le Canada et les États-Unis. Nous avons commencé par un exposé de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, ou ADRC, au sujet de ses relations concernant la frontière canado-américaine et de la mise en oeuvre du Plan d'action en 30 points sur la frontière intelligente. Sont venues ensuite des séances d'information sur le rôle et les capacités de la Garde côtière canadienne et une séance de questions et réponses sur le renseignement, avec le directeur du Service canadien de renseignement de sécurité, ou SCRS.

Juste avant le dernier congé parlementaire, le comité a recueilli des témoignages sur la façon dont le Bureau du Conseil privé coordonne le renseignement et comment le Centre de la sécurité des télécommunications collabore avec le service américain qui est son pendant. Il y a eu ensuite une séance d'information du ministère du Solliciteur général du Canada portant sur la coopération entre le Canada et les États-Unis pour l'application de mesures à la frontière.

Aujourd'hui, nous aurons tout d'abord une mise à jour sur les relations militaires entre le Canada et les États-Unis. Nos témoins seront le major-général Pierre Daigle et le colonel Rick Williams. Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Je crois savoir que vous avez une brève déclaration liminaire à faire. Je vous en prie.

Le major-général Pierre Daigle, conseiller principal en matière de défense du territoire national auprès du chef d'état- major de la Défense, ministère de la Défense nationale: Je suis heureux de comparaître devant le comité aujourd'hui. Je vais me contenter d'un exposé très bref de façon que nous ayons du temps pour les questions et réponses.

Depuis un an et demi, il est beaucoup question de la sécurité du territoire, car le gouvernement du Canada cherche à garantir la sécurité nationale face à des menaces nouvelles.

[Français]

Je vais essayer de mettre en évidence le rôle des Forces armées canadiennes dans un contexte de sécurité nationale. Le ministère et les Forces armées canadiennes sont engagés dans une ère de transformations et nous continuons d'améliorer nos capacités opérationnelles. Je vous ai fait part de quelques exemples dans mon mémoire. Nous devons nous pencher sur nos obligations à l'échelle du continent nord-américain.

[Traduction]

Selon moi, la sécurité nationale est devenue une question de sécurité continentale. La mise sur pied du Groupe de planification binational en vue de renforcer la coopération militaire entre le Canada et les États-Unis dans ce nouveau contexte de sécurité est une étape fondamentale qui se rattache à nos obligations comme pays de l'Amérique du Nord. La défense est un sous-ensemble de la sécurité territoriale, qui est du ressort du gouvernement du Canada, mais l'exécution des missions de sécurité territoriale relève d'un certain nombre d'organismes fédéraux. Comme vous le savez, de nombreux ministères canadiens ont des contacts avec leurs pendants américains pour renforcer la sécurité nord-américaine. Après les attentats du 11 septembre, une coopération plus poussée s'impose entre les ministères et organismes, tant à l'intérieur du Canada qu'avec nos collègues américains.

Je vais essayer d'expliquer de mon mieux tous les aspects qui se rattachent à la défense du territoire et à la sécurité, mais, auparavant, j'invite le colonel Williams à vous dire quelques mots.

Le colonel Rick Williams, directeur de la Politique de l'hémisphère occidental, sous-ministre adjoint, Division des politiques, ministère de la Défense nationale: Monsieur le président, pour utiliser au mieux le temps du comité, je vais m'abstenir d'ajouter une déclaration liminaire aux propos du major-général Daigle. Par contre, je suis tout à fait disposé à passer en revue la documentation que nous avons produite, qui situe le contexte des relations militaires entre le Canada et les États-Unis.

Le sénateur Forrestall: Colonel Williams, dans les renseignements que vous nous avez communiqués plus tôt, vous dites que l'une des missions du groupe de planification est de prévenir ou d'atténuer les guerres ou les attaques des terroristes ou d'autres groupes contre le Canada ou les États-Unis. Pouvez-vous me dire comment un groupe de planification entend prévenir une attaque terroriste? Voulez-vous dire qu'il y aura une cellule opérationnelle? Comment cela se passera-t-il? Le Canada et les États-Unis sont-ils considérés comme une seule entité? Le major-général Daigle a dit il y a un instant que la sécurité nationale était devenue une question de sécurité territoriale. Colonel Williams, pourriez-vous expliciter?

Col Williams: L'idée que je voudrais vous laisser, c'est que le groupe de planification servira à réunir les meilleurs renseignements disponibles pour que nous soyons mieux préparés à affronter toute situation qui pourrait surgir. De toute évidence, aucune planification, aucune préparation ne dissuadera un groupe de terroristes résolus qui veulent nuire au pays. Toutefois, s'ils savent que le Canada et les États-Unis ont pris toutes les mesures pour se renseigner sur ce qui se passe et pour se protéger, je crois qu'il leur sera beaucoup plus difficile de constituer une grave menace.

Le groupe de planification sera là pour établir l'infrastructure, réunir l'information, exercer une surveillance et assurer une information et une préparation pour tout un éventail de possibilités, depuis un attentat terroriste jusqu'à une catastrophe naturelle.

Le sénateur Forrestall: Êtes-vous en train de nous décrire ce que finira par devenir l'infrastructure? Est-ce qu'elle comportera ces éléments de préparation? Est-ce que c'est ce que vous nous décrivez? Dans ce cas, dans quelle mesure cet élément de l'infrastructure est-il fondamental pour les prochaines années?

Col Williams: Je me reporte à la documentation que j'ai fournie. On y trouve une liste des tâches que le groupe de planification devrait remplir. Je vais résumer rapidement pour répondre à votre question.

À la page 4, le transparent 7 s'intitule «Tâches précises du groupe de planification». La mission du groupe de planification est davantage détaillée pour que nous commencions à préciser les tâches à accomplir.

Rapidement, j'ai expliqué que le groupe sera à l'affût des situations nouvelles surtout grâce à ses activités de surveillance maritime. Il échangera les renseignements et l'information opérationnelle conformément aux lois, politiques et directives nationales. Il évaluera les menaces qui existent, concevra des exercices et y participera pour faire en sorte que nous soyons prêts à faire face à ces menaces, il mènera des programmes conjoints d'instruction pour que les forces disponibles soient au courant de la technologie la plus récente et des activités qui peuvent être utiles dans leur travail, il validera ses plans auprès des autorités nationales pour s'assurer que les deux gouvernements comprennent la structure en place, en soient conscients et soient d'accord. Enfin, comme les forces militaires ne sont pas chargées de la première intervention, qui relève fondamentalement de la police et des forces civiles, il établira des mécanismes de coordination adaptés avec les organismes civils.

Si vous considérez les tâches que le groupe de planification devra accomplir, je crois que vous pourrez comprendre de quelle coordination et de quelle préparation je voulais parler.

Le sénateur Forrestall: Vous avez parlé de surveillance maritime, mais vous avez fait porter vos réflexions surtout sur d'autres aspects. En disant que le groupe de planification sera à l'affût des situations nouvelles grâce à une surveillance maritime, laissez-vous entendre qu'on mettra sur pied un groupe de planification distinct, étant donné l'importance qu'on accorde rapidement à l'entrée aux États-Unis de choses autres que des matériaux et des marchandises qui sont les bienvenus par transport maritime, conteneurs, et cetera?

Col Williams: Je répondrai en disant que vendredi, le Canada a nommé un officier de liaison avec les États-Unis, le contre-amiral Fraser, qui a été commandant des Forces maritimes du Pacifique. Selon moi, cela révèle que le groupe de planification sera chargé tout d'abord de la question maritime.

Grâce au NORAD, nous avons un imposant système de protection aérospatiale du continent. Nous avons estimé que la dimension maritime était peut-être l'élément le plus important ensuite. Le groupe, chargé de ces deux activités, fera des progrès considérables à court terme.

Le sénateur Forrestall: Je dois dire que la promotion du major-général Findley au rang de lieutenant-général et ce que cette promotion semble avoir provoqué montre qu'on prend des mesures sérieuses. Je félicite tous les intéressés de leurs nouveaux postes, de leurs nominations et de leurs promotions.

Major-général Daigle, vous avez dit que les forces armées procédaient à une révision complète du renseignement de défense et créaient un centre de fusion du renseignement. Pouvez vous nous en dire un peu plus long sur ce centre? Est- ce que c'est l'affaire du ministère de la Défense nationale seulement, ou d'autres ministères y participeront-ils?

Mgén Daigle: Monsieur le président, tout d'abord, à propos de l'examen du renseignement de défense, il est réalisé avec la collaboration du sous-ministre adjoint Margaret Purdy et du sous-chef d'état-major de la Défense, le vice- amiral Greg Maddison. Ils dirigeront conjointement cette initiative, faisant appel au ministère de la Défense nationale pour évaluer et rationaliser toutes les fonctions de défense qui ont été assurées, et procédant à un examen exhaustif pour mieux encadrer le renseignement à l'intérieur du ministère.

Il y a une méprise à propos du centre de fusion auquel vous avez fait allusion. Il ne s'agit pas nécessairement de mettre en place un centre, mais plutôt une capacité. Son objet est de fournir des renseignements rapidement au commandement des Forces canadiennes.

Pour l'instant, cette organisation est conçue pour recevoir l'apport sans cesse croissant d'information provenant de sources diverses, l'assimiler, l'analyser et la présenter sous une forme malléable et compréhensible en temps réel. On en est au stade de la définition, et des fonds et d'autres ressources ont été affectés au projet. Selon nous, la phase de définition sera terminée d'ici 2004 et le centre conjoint de fusion devrait être en place d'ici 2006. Le sous-chef d'état- major de la Défense assure la direction générale. Et jusqu'à maintenant, voilà sur quoi on a travaillé.

Toutefois, l'examen du renseignement de défense est indéniablement une étape importante dans l'harmonisation et la discipline de tous les éléments du ministère en matière de renseignement. Certains autres ministères étudient également la question, étant donné que neuf ou dix d'entre eux ont un rôle à jouer en matière de sécurité et de renseignement.

Le sénateur Forrestall: C'est plutôt intéressant. Passons à une dernière question pour l'instant.

Nous avons entendu récemment des témoignages très troublants à Windsor. Quelqu'un nous a décrit l'une des 1 500 ou 1 600 trousses d'urgence que nous avons au Canada. Nous avons appris qu'une trousse à Windsor contenait trois ou quatre couvertures, une hache brisée et un seau pour lutter contre l'incendie, mais pas grand-chose d'autre. Si vous ne l'avez déjà fait, examineriez-vous ces trousses? Il semble que 1 600 suffisent amplement pour les localités au Canada, surtout dans les régions critiques.

Quelles sont vos relations avec les premiers intervenants? Est-ce que ce sont des relations directes ou passez-vous par l'entremise des autorités provinciales auxquelles la plupart des groupes locaux d'urgence font rapport?

Mgén Daigle: Comme le colonel Williams l'a dit, les Forces canadiennes sont un dernier recours. Dans la plupart des cas, nous ne sommes pas les premiers intervenants. Nous venons soutenir les organismes civils et les services d'application de la loi.

L'armée est structurée en quatre zones qui couvrent l'ensemble du Canada. Chaque zone est en liaison avec les gouvernements provinciaux en cause et, dans certaines régions, avec des municipalités. Les forces de réserve ont une présence dans l'ensemble du Canada et sont intégrées aux localités. Elles sont en liaison avec les autorités locales par l'entremise des zones des forces terrestres, au cas où on leur demanderait de soutenir les premiers intervenants. Cela se passe aux niveaux provincial et municipal, où il y a des relations entre les militaires, les organismes d'application de la loi et les autorités locales.

Au niveau fédéral, le BPIEPC intervient et est chargé de la coordination de l'intervention et de l'état de préparation dans l'ensemble du pays. Ce bureau tient régulièrement des réunions de coordination avec les bureaux provinciaux de l'infrastructure essentielle dans l'ensemble du pays. Il fait des exercices de simulation pour s'assurer que les processus de décision et la liaison entre les organismes provinciaux et les fédéraux sont bien en place.

Le sénateur Forrestall: Je comprends tout cela. Je présume donc que, au niveau du groupe de planification, les contacts suivis avec les autorités locales ne sont pas une fonction dont vous vous chargez.

Mgén Daigle: Le groupe de planification aura son plein effectif à Colorado Springs cet été. Sa première tâche consistera à examiner et à améliorer les plans militaires avec la collaboration des Américains. Du côté américain, la plupart des membres du groupe de planification appartiennent au NORTHCOM, qui est le nouveau commandement américain. Leur officier état-major aura la double responsabilité du NORTHCOM et du groupe de planification. Nous aurons accès à ce qui se passe du côté américain, car le NORTHCOM assure le soutien des organismes et se charge de la liaison.

Notre groupe de planification améliorera avant tout la coopération militaire. Nous aurons un représentant du BPIEPC, et le groupe de planification fera rapport au SCEMD, mais par l'entremise du sous-chef d'état-major de la Défense, le vice-amiral Maddison. Il est l'officier des opérations des Forces canadiennes, et il sera le principal contact avec les différents ministères canadiens. Le groupe de planification de Colorado Springs n'aura aucun rôle de coordination avec les différents ministères canadiens. Il devra passer par le SCEMD, qui n'aura pas de rôle de coordination. Il s'agit de la fonction du gouvernement. Nous assurerons la liaison avec tous ces ministères, pour connaître leur processus de planification, au cas où nous devrions soutenir des organismes civils.

Le sénateur Forrestall: Combien de personnes avons-nous à Colorado Springs?

Col Williams: Avec le NORAD, nous en avons 268. Nous en aurons 30 en place d'ici l'été.

Je voudrais donner un exemple d'aide que le groupe de planification pourrait donner. Lorsque nous avons proposé l'idée du groupe de planification, nous avons pris comme exemple la situation de Windsor-Detroit. Je précise que nous respectons les compétences des autorités municipales et provinciales qui ont le mandat de protéger leurs administrés. Les forces militaires, comme le major-général Daigle l'a dit, ne sont pas appelées à intervenir à moins que les autorités municipales ou provinciales n'aient besoin d'aide. Ce n'est pas notre rôle de regarder dans les paniers de la police et des services d'incendie, ni de vérifier les trousses d'urgence, ni de nous prononcer sur leur qualité. Cela relève de leur mandat et de leur compétence. Ces autorités peuvent nous demander de l'aide, et nous serons disposés à les aider, mais c'est leur domaine.

Que gagnerons-nous avec l'établissement du groupe de planification? Nous aurons un groupe de personnes qui excellent dans la préparation et l'exécution d'exercices et de scénarios d'évaluation pour que tous aient la possibilité de s'exercer et de s'entraîner en prévision d'une éventualité.. Nous avons eu par le passé un exercice appelé TOPOFF, abréviation de «top officials» ou officiers supérieurs. On a présenté à un groupe d'officiers le scénario de dangers biologiques provenant de la côte ouest et se propageant en Amérique du Nord. Nous avons constaté que beaucoup de questions étaient renvoyées aux officiers de niveau inférieur, qui devaient se charger des problèmes. Vous avez soulevé la question d'une trousse d'urgence mal garnie. Ce genre de problème sera abordé au stade du programme d'évaluation et d'exercice. L'organisme chargé de la fonction sera alors en mesure de faire le nécessaire.

Les militaires des deux pays craignent de ne pouvoir faire le travail pour tout le monde. Nous n'avons ni le budget ni les effectifs, et nous n'avons pas le mandat non plus. Nous essayons de créer une situation dans laquelle nous apprendrons tous et collaborerons et dans laquelle l'agent qui doit intervenir sera en mesure de prendre la bonne décision. Le groupe de planification fera beaucoup pour résoudre le problème que vous venez de décrire.

Le président: Les trousses dont le sénateur Forrestall a parlé sont des trousses de Santé Canada.

Le sénateur Forrestall: Je n'ai rien dit de tel.

Le président: Je sais que vous ne l'avez pas dit, mais je tenais à donner cette précision. Nous avons été très impressionnés par le témoignage que nous avons entendu au sujet des fournitures et des réserves qui existent au Canada, jusqu'à ce que nous fassions nos premiers déplacements et demandions aux intervenants de première ligne ce qu'ils pensaient des trousses fédérales. Ils ont demandé: «Quelles trousses fédérales?» Lorsqu'ils les ont vérifiées, ce n'était pas aussi minable que ce que le sénateur Forrestall a décrit. Il y avait deux couvertures, non pas une seule. Toutefois, ils nous ont dit que ces trousses étaient inutiles. Nous entendons boucler la boucle, si on peut dire, et demander à Santé Canada de nous expliquer comment fonctionnent ces réserves de fournitures.

Puisque nous en sommes aux fournitures, peut-être pourrions-nous parler de l'équipe d'intervention en cas de catastrophe, DART. La dernière fois que nous nous y sommes intéressés, ses fournitures étaient à Trenton, sa planification se faisait à Kingston et ses effectifs se trouvaient à Petawawa. Il nous a semblé que c'était une façon curieuse d'organiser un groupe. Le nombre de personnes dont on pouvait s'occuper simultanément a atteint la centaine, à une époque. Le chiffre est maintenant bien inférieur.

L'équipe d'intervention en cas de catastrophe est utilisée à l'intérieur du pays, de toute évidence. Pourriez-vous expliquer plus précisément au comité comment vous l'adaptez?

Vous avez parlé d'améliorer sa capacité au Canada. La dernière fois que nous l'avons étudiée, notre impression a été qu'elle n'avait pas beaucoup de capacité, un point c'est tout. Une année a passé. Si on a accompli un certain travail, le comité voudrait bien être mis au courant.

Mgén Daigle: Monsieur le président, j'ai donné quelques exemples des améliorations que nous avons apportées à nos capacités depuis le 11 septembre. Je ne connais pas très bien les détails. Je sais que la DART a été déployée par le passé. Au cours de l'année écoulée, nous avons essayé d'améliorer sa capacité de déploiement au Canada, notamment en ce qui concerne l'équipement nécessaire en hiver, qui doit probablement laisser à désirer à un moment donné.

C'est tout ce que je peux dire. Je n'ai pas beaucoup de renseignements sur les détails de cette question, qui relève de l'autorité du sous-chef d'état-major de la Défense.

Le président: En toute honnêteté, je ne vous aurais pas posé de questions là-dessus si vous n'aviez pas abordé le sujet. Pourriez-vous vous engager à fournir plus de renseignements au comité sur la DART? Plus précisément, l'équipe est- elle toujours éparpillée entre trois bases? Quelles sont les capacités des Forces canadiennes pour ce qui est des déplacements de l'équipe? À quelle vitesse cela peut-il se faire? Combien d'appareils faudrait-il pour déplacer l'équipe? Avez-vous les appareils à disposition pour la déplacer au besoin?

Mgén Daigle: Nous allons réunir cette information, monsieur le président.

Le président: L'impression que nous avons retenue de notre visite à Trenton est que, étant donné le nombre de Hercules qui ne sont pas en état de voler, vous ne pourriez transporter à peu près personne nulle part. Nous sommes très intéressés par ce manque de capacité de transport stratégique et tactique. Cela nous inquiète beaucoup. Je suis sûr que vous vous en inquiétez constamment.

Si vous pouviez nous donner plus d'information sur ce que l'équipe d'intervention en cas de catastrophe pourrait faire en Amérique du Nord si nous voulions prêter main-forte, même en cas de catastrophe naturelle, cela nous serait très utile.

Vous avez également parlé de la composante maritime qui collabore avec le NORTHCOM. J'ai eu l'impression, pendant votre réponse, que le fait que les Américains aient une double fonction est excellent pour nous, que si ce n'était pas le cas, ils se concentreraient uniquement sur les relations entre le Canada et les États-Unis. Toutefois, à cause de cette double fonction, vous pouvez-vous faire une idée de ce que le NORTHCOM pense également. Je voudrais connaître votre avis là-dessus.

Je voudrais également attirer votre attention sur le fait que le comité a publié en septembre un rapport intitulé «La défense de l'Amérique du Nord: une responsabilité canadienne». Nous y parlons de l'intérêt d'avoir cette organisation à Colorado Springs. Nous avons signalé que, avant d'assurer une coordination avec les Américains, vous deviez l'assurer au Canada. Le comité n'était pas d'avis que vos divers éléments étaient très bien coordonnés à l'intérieur du Canada. Nous voudrions savoir si vous avez pris à cœur une partie quelconque de notre rapport de septembre et quels efforts sont entrepris pour assurer la coordination à l'intérieur du Canada.

Mgén Daigle: Honorables sénateurs, vous avez raison. Je vais faire de mon mieux, moi qui suis un officier d'infanterie, pour vous parler en expert de la marine. Nous considérons les éléments maritimes dans le cadre nord- américain, mais nous devons également veiller à la bonne intégration au niveau national.

En décembre dernier, le Cabinet a approuvé ce que nous avons appelé à un Groupe de travail interministériel sur la sûreté maritime. Il y a collaboration avec la Garde côtière. Notre marine travaille en étroite collaboration avec Transports Canada et la Garde côtière.

Le président: Le premier responsable est-il la marine ou Transports Canada?

Mgén Daigle: Transports Canada. Notre marine a collaboré avec le ministère. Il se fait des efforts en vue d'harmoniser et de discipliner cet aspect à l'intérieur de notre gouvernement. Notre marine y participe beaucoup. La situation évolue de plus en plus.

Notre marine ne travaille pas seulement avec la Garde côtière et Transports Canada, mais également avec la marine et la garde côtière des États-Unis. Comme les honorables sénateurs le savent, il y a sur chacune des côtes des centres de renseignement opérationnel pour la surveillance maritime. Ils collaborent étroitement avec les Américains. Il existe des liens avec les flottes américaines sur les deux côtes.

Le président: Major-général Daigle, je ne comprends pas très bien, lorsque que vous dites que Transports Canada est le premier responsable de ce groupe. Quand vous parlez de la coordination sur chacune de nos côtes, vous parlez d'Esquimalt et de Halifax, où on trouve clairement des fonctions et des responsabilités de la marine. J'ai donc du mal à situer les rôles de Transports Canada et de la marine. Qui est le responsable?

Mgén Daigle: La marine, par l'entremise de ce Groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime, collabore avec les autres ministères au sujet de ce plan de sécurité maritime intérieure. Il s'agit d'un joueur parmi d'autres ministères qui font intervenir des civils et la Carte côtière comme intervenant clé dans la lutte contre le narcotrafic, et cetera. Il existe une étroite collaboration avec d'autres ministères.

Le président: Je ne comprends pas. Quand vous parlez de la Garde côtière, s'agit-il de la garde côtière américaine?

Mgén Daigle: Non, de la Garde côtière canadienne.

Le président: Vous me dites que la Garde côtière canadienne s'occupe beaucoup de la lutte contre la drogue?

Mgén Daigle: Je ne peux me prononcer pour la Garde côtière canadienne, mais nous assurons un rôle de soutien pour ce qui est de la prise de conscience du narcotrafic. La marine joue un rôle, mais je ne connais pas tous les détails. Je sais en tout cas qu'elle a un rôle de soutien auprès de la GRC et d'autres éléments et qu'on peut faire appel à son aide dans certaines circonstances.

Le président: Je n'ai peut-être pas posé ma question correctement. Le groupe de planification semble être dirigé par Transports Canada. Pourtant, les deux centres, l'un à Esquimalt et l'autre à Halifax, sont dirigés par les militaires et c'est la marine qui est responsable. Quelle est la relation entre Transports Canada et la marine pour la coordination des éléments canadiens? Nous passerons ensuite de la coordination des éléments canadiens à nos relations avec les Américains. Si vous pouviez nous expliquer cela, major-général Daigle, ce serait très utile.

Mgén Daigle: Je vais essayer, monsieur le président. Parfois, la relation n'est pas nécessairement très claire dans mon esprit. La marine est présente sur les deux côtes. Elle joue un rôle de défense du territoire sur nos côtes et assure des patrouilles et de la surveillance. Ce rôle existe bel et bien. Elle l'exerce au moyen de ses centres de renseignement opérationnel de surveillance maritime, qui sont établis sur les côtes.

Plus particulièrement dans le rôle de défense du territoire, la marine à des liens avec les flottes américaines qui mènent de leurs activités des deux côtés du continent.

D'après le mémoire au Cabinet qui a été approuvé en décembre 2002, nous sommes l'un des intervenants, avec d'autres ministères, qui cherchent à combler les lacunes dans la sécurité maritime. Notre marine collabore avec ces ministères pour aider à combler ces lacunes. Des ressources ont donc été attribuées à ces ministères pour qu'ils puissent faire leur travail.

Au sein du groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime, je sais que Transports Canada est le premier responsable. C'est ce ministère qui a préparé le mémoire au Cabinet avec la participation de tous les autres ministères, y compris la marine. La coordination est constante. C'est tout ce que je sais à propos de cet aspect, pour l'instant.

Je pourrais vous présenter le cadre général en passant en revue tout le continent. Nous sommes de plus en plus liés avec les Américains, par exemple en ce qui concerne la marine. Toutefois, sur le plan intérieur, je peux dire que nous avons fait des efforts pour combler toutes ces lacunes et assurer un meilleur cadre de coordination entre tous les ministères clés. Peut-être le colonel a-t-il quelque chose à ajouter.

Le président: Le colonel fait des signes de la main. Y a-t-il eu une annonce sur ce qui s'est fait? Est-ce que c'est du domaine public? Pouvons-nous savoir ce qui s'est fait pour améliorer la coordination de la marine, de la Garde côtière, des forces aériennes, de la GRC, de Transports Canada, des Douanes, de tous ceux qui naviguent près des côtes?

Col Williams: Je vais faire de mon mieux pour parler des forces aériennes et de l'armée. Nous n'essaierons pas de parler de la marine. Je voudrais que nous ayons une troisième personne qui pourrait traiter expressément des questions de marine.

Le sénateur Forrestall: Nous le voudrions aussi.

Col Williams: La situation, à première vue, ainsi que nous avons essayé de la présenter, fait intervenir un grand nombre de joueurs. Cela ne veut pas dire nécessairement qu'il y a confusion ni manque de leadership. Si vous considérez les rôles particuliers de chacun, honorables sénateurs, vous constaterez qu'il n'y a pas de méprise sur ceux qui sont responsables.

Si on considère la mission de défense nationale et la frontière autour du pays, cela est la responsabilité de la marine seulement. Que la frontière soit tracée à 200 milles au large ou plus loin, la marine assume la responsabilité et protège les côtes, exerce une surveillance régulière, observe la situation et, essentiellement, assure une interdiction et se charge des missions en haute mer.

Quand on se rapproche du pays, d'autres joueurs font intervenir d'autres intérêts. Lorsqu'on arrive dans les régions, il y a par exemple le développement économique, les plates-formes pétrolières flottantes, les pêches, la protection de l'environnement le long des côtes. D'autres joueurs interviennent et revendiquent leur mission de protéger les eaux, les ressources et d'autres éléments. Par conséquent, à cette étape, il y a coopération entre l'organisme et les militaires pour fournir les effectifs ou l'équipement qui peuvent le mieux répondre aux besoins.

On en arrive à une situation où il y a accord entre Pêches et Océans Canada et le ministère de la Défense nationale pour effectuer des patrouilles de pêche au nom d'un ministère fédéral. Cet accord est en place, les patrouilles sont organisées, et il y a une facture pour les ressources associées à cette activité, et l'affaire est réglée.

Plus près des côtes, il y a l'industrie canadienne, le transport de conteneurs, des navires qui transportent des marchandises, et cetera C'est alors une mission différente qui relève de Transports Canada. Ce ministère se charge de l'immatriculation des navires, de leurs licences et de leur protection. L'élément de réglementation relève de la Garde côtière canadienne.

Il est très important de reconnaître que notre Garde côtière et celle des États-Unis ont un rôle très différent. Bien que leurs titres soient identiques, leurs rôles et leurs activités sont très différents. La protection des ports, le contrôle de la navigation dans la voie maritime du Saint-Laurent, et cetera, relèvent du ministère des Transports.

Le major-général Daigle a parlé de la coordination horizontale à l'intérieur du gouvernement. À cet égard, le groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime est excellent. Transports Canada réunit les intervenants, étant entendu qu'il y a des missions dont chacun d'eux est responsable, et on s'efforce de coordonner les aspects qui se recoupent.

Prenons un exemple. Le narcotrafic sur les côtes relève de la police. Toutefois, les militaires peuvent fournir des équipes d'intervention lorsqu'il y a des navires suspects. Nous ne nous occupons pas de l'abordage ni des arrestations, mais nous aidons la GRC à mener les opérations en mer, de notre mieux, et selon une série d'accords et d'arrangements.

Pour en revenir à votre question de savoir qui est responsable, je devrais demander tout d'abord de quelle mission il s'agit. S'il s'agit de la défense nationale au large des côtes, c'est la marine. S'il s'agit de protéger les ressources, ce sont des ministères divers. Si l'objet de la mission, c'est l'industrie intérieure, le commerce et le transport, alors c'est le ministère des Transports. Voilà la réponse que je vous donnerais. Au premier abord, on dirait qu'il y a beaucoup intervenants, mais, si on y regarde de plus près, c'est très logique et la bonne coordination se fait au moyen de mécanismes comme le groupe de travail interministériel sur la surveillance maritime.

Aux États-Unis, c'est une tout autre affaire et les intervenants sont différents. Leur garde côtière est un agent d'interdiction dans la zone de 200 milles. Il existe un accord permanent aux États-Unis selon lequel la marine se charge de ce qui se passe à l'extérieur des 200 milles et la garde côtière de ce qui est à l'intérieur de la ligne de démarcation. Il existe divers accords entre les instances internes comme la police, le FBI, et cetera. Le problème est peut-être plus compliqué que chez nous lorsqu'il s'agit de coordonner tous ces éléments. La mise sur pied récente du département de la Sécurité intérieure a mis en évidence l'ampleur considérable des changements en cours dans l'administration américaine et les éléments qui s'occupent de la sécurité du territoire.

En somme, il existe une structure ordonnée sous l'apparente multiplicité des intervenants. La mise sur pied de ces comités horizontaux a été utile pour faire en sorte que les bonnes mesures se prennent au bon moment. Les États-Unis sont en train de mettre en place une bonne partie de ce que nous avons déjà au Canada.

Le président: Votre réponse est utile, colonel, mais elle appelle une autre question: avons-nous réalisé des progrès dans la coordination de nouveaux éléments sur chacune des côtes? Je crois savoir que le groupe de Transports Canada étudie encore la question. Il y a encore une autre question: si Transports Canada est effectivement chargé de coordonner les éléments, comme vous venez de l'expliquer, peut-être devrions-nous avoir 30 fonctionnaires de Transports Canada à Colorado Springs au lieu de représentants des Forces canadiennes.

Col Williams: Dans le cadre de nos consultations interministérielles, lorsque nous avons présenté la proposition de groupe de planification au Cabinet, nous avons proposé la possibilité d'établir des postes de liaison au sein du groupe de planification pour ces fonctions, lorsque la dimension civile est très importante: Transports Canada, le solliciteur général pour la GRC et d'autres activités de renseignement, et cetera. Nous avons dit: «Si vous estimez qu'il y a un intérêt réel à avoir quelqu'un sur place, au Colorado, avec le groupe de planification, nous nous empresserons d'étudier la chose et de faciliter l'affectation».

Le président: Quel a été la réaction?

Col Williams: Il y a eu de l'intérêt. La première question consistait à savoir qui paierait, ce qui est une question de ressources. Nous avons répondu que, s'ils souhaitaient établir un poste de liaison, ils devraient fournir les ressources.

Mgén Daigle: La situation va évoluer. Le groupe de planification cherchera avant tout à s'assurer que la planification militaire soit examinée de près dans un contexte binational.

Une partie de votre question portait sur la dualité des fonctions du NORTHCOM. La marine participe avec les Américains à ce qu'on appelle le groupe de travail sur la surveillance maritime. Nous participons. Nous portons cette question maritime au niveau continental.

Nous ignorons ce qui se passera à l'avenir, mais il y a des Américains qui disent que nous avons besoin d'un plan de surveillance nord-américain qui regroupera tout, y compris la surveillance aérospatiale et maritime.

Le NORTHCOM a une responsabilité qui s'étend à 500 milles nautiques autour du continent. C'est un élément qui a été étudié en coordination avec les Américains.

Grâce à la dualité des fonctions, nous aurons 30 officiers d'état-major à Colorado Springs cet été, avec le renfort d'entrepreneurs locaux. Du côté américain, le commandant du NORTHCOM, le général Eberhardt, est également le commandant du NORAD. Selon lui, le NORTHCOM est légèrement en retard sur son programme pour ce qui est de la mise en place de tout le personnel. L'organisation n'a pas en place tout le personnel qu'elle devrait avoir à cette époque-ci. Elle ne créera pas d'organisation supplémentaire au sein du groupe de planification.

La plupart de leurs officiers d'état-major font partie du groupe binational de planification. Du côté américain, il y aura des gens du NORTHCOM qui auront des fonctions doubles. Le général Pennie dirige le groupe de planification. Le général Findley prendra la suite, je suppose, pour assurer la continuité. Son adjoint est le lieutenant-colonel Anderson, qui, pour l'instant, est le commandant adjoint du NORTHCOM. Nous avons donc là, au Groupe de planification, les deux chefs et qui ont des aperçus sur le NORAD et le NORTHCOM.

De plus, comme le colonel Williams l'a signalé, nous aurons en place cet été ce que nous appelons un agent de liaison auprès du NORTHCOM, qui est un commandement uniquement américain. C'est le contre-amiral Fraser qui y sera affecté. Il aura également certains rôles à jouer au groupe de planification.

Nous aurons donc un point d'entrée dans cette grande organisation de Colorado Springs où seront situés le NORAD, le NORTHCOM et ce groupe de planification.

Le sénateur Banks: J'ai du mal à me concentrer sur les questions, à plus forte raison sur les réponses. Je voudrais vous expliquer rapidement pourquoi.

Comme le président l'a dit, ce qui nous intéresse principalement, c'est de mieux nous informer aujourd'hui pour un voyage que nous prévoyons faire la semaine prochaine à Washington. Lors de notre dernier passage à Washington, nous avons constaté que certains de nos doutes au sujet de la coordination étaient partagés par des politiques et des hauts fonctionnaires américains.

J'ai trouvé particulièrement exaspérante, comme nous tous, sans doute, la difficulté d'obtenir des renseignements pour savoir qui est responsable. Nous comprenons tous parfaitement la nécessité d'une planification claire, de la coordination, de la préparation et cetera. Nous comprenons également les difficultés qu'on éprouve, nous le savons, à répondre aux questions sur l'interopérabilité, la mise en commun de l'information et la capacité des divers éléments, tant civils que militaires, qui interviennent et doivent fonctionner concrètement dans une situation donnée. La situation à laquelle je voudrais m'intéresser plus particulièrement, c'est la possibilité que, dans un avenir assez rapproché, il y ait une guerre. L'un des belligérants pourrait être attaqué et avoir la témérité de se défendre d'une façon ou d'une autre. En ce sens, l'Amérique du Nord n'est pas exposée à un très grand danger d'attaque conventionnelle symétrique, dans le sens normal du terme.

Depuis un ou deux ans, nous entendons parler de groupes de planification et de groupes de travail, de groupes de travail sur la coordination et de groupes d'étude interministériels. Certains membres du comité ont des doutes réels et justifiés. Général, vous nous avez donné des assurances d'ordre général au sujet de la capacité du Pentagone, de la nature de la menace et de la capacité du système de réagir, si je puis m'exprimer ainsi. Les responsabilités seront alors claires.

Pour préciser la question des responsabilités en fonction de notre visite de la semaine prochaine à Washington, pouvez-vous nous donner l'assurance que, en cas d'événements catastrophiques dans les prochaines semaines ou les prochains mois, les groupes de planification et les groupes de travail et la coordination... Je suis désolé d'être si imprécis, mais nous entendons sans cesse parler d'entités et d'intérêts divers qui prétendent avoir pour fonction de coordonner tout le monde. Je ne trouve pas très rassurantes les réponses à la question des responsabilités, malgré ce que vous avez dit tous les deux, colonel et général.

Une attaque terroriste asymétrique — j'ignore si l'expression convient — devient plus probable en cas de guerre. Avez-vous maintenant l'assurance, aujourd'hui, que nous pouvons nous rendre à Washington et dire à nos homologues, là-bas, que notre capacité de réagir est bien en place? Avez-vous l'assurance que les divers éléments peuvent communiquer entre eux, comprendre ce qu'ils font chacun de leur côté et assurer le respect des priorités? Avez- vous bon espoir que ceux qui doivent intervenir en premier, puis en deuxième et en troisième sont les bons et qu'ils savent ce qui se passe par ailleurs?

Je suis désolé que ma question soit aussi imprécise alors qu'elle porte sur les réunions au contraire très précises auxquelles nous allons participer. Pour ma part, il me faut plus d'assurance que nous n'avons pu en obtenir jusqu'à maintenant. Ce n'est pas à cause de ce que vous avez dit, mais parce que certaines des choses que vous avez dites nous ont déjà été racontées par une demi-douzaine d'autres personnes.

Je suis désolé que la question soit aussi embrouillée, mais j'ai peur.

Mgén Daigle: Je vais dire seulement quelques mots puis laisser le colonel Williams compléter la réponse.

Tout d'abord, le groupe de planification n'est pas encore en place à Colorado Springs. Nous avons quelques éléments sur place. Tous les effectifs seront là-bas cet été, d'ici juin ou juillet. Il y aura 30 personnes, et les Américains auront également leurs officiers d'état-major.

Le sénateur Banks: Excusez-moi de vous interrompre, général, mais c'est justement là où je veux en venir. Un peu de tyrannie aurait peut-être sa place. Il est très intéressant que vous disiez «d'ici cet été», mais nous sommes aujourd'hui le 17 mars, et le président des États-Unis a dit à quelqu'un: «Il vous reste une journée.» Il est très bien que le groupe de planification soit en place et entame son travail à l'été, mais que se passera-t-il jeudi?

Mgén Daigle: Sénateur, le groupe de planification n'est pas une panacée. Il améliorera la sécurité continentale. C'est une question que nous étudions depuis le 11 septembre.

Depuis les attentats du 11 septembre, il s'est passé quelque chose d'autre dans notre pays, dans nos forces armées. Nous avons injecté des fonds pour améliorer notre capacité de faire face à ces menaces asymétriques.

Du côté du BPIEPC et d'autres ministères, on a déployé beaucoup d'efforts pour gérer les conséquences, s'il se produisait quelque chose. Du côté opérationnel, le SCEMD et le chef réfléchissent assurément à la possibilité d'augmenter ou non le niveau de protection en prévision du scénario dont nous parlons. Comme nous l'avons fait en 1991, au moment de la guerre du Golfe. Nous sommes passés à un niveau d'alerte supérieur.

Le NORAD est en place. Cette organisation s'est très bien comportée le 11 septembre. En l'espace de 24 heures, elle est passée de 20 appareils en vol à 400. Ses plans sont très bien en place. Elle étudie plus attentivement les menaces internes, mais elle a toujours pour mandat de s'occuper des menaces extérieures.

Le NORTHCOM coordonnera l'activité des forces. D'ici octobre, sa capacité finale sera en place. Tout le monde aurait aimé que ce renforcement du dispositif soit déjà chose faite, mais on progresse le plus rapidement possible. Le groupe de planification devait être mis en place en deux ans. Des membres du personnel sont déjà là. Le groupe de planification se chargera de la planification et de la surveillance. On espère aussi qu'il ajoutera une dimension de pré- alerte en cas de menace.

Le sénateur Banks: Les 30 personnes dont vous parlez, qui viendront des Forces canadiennes, seront rattachées au NORTHCOM ou feront partie du groupe de planification pour assurer la coordination avec le NORTHCOM. Ce ne sont pas des gens du NORAD. Les Américains ont-ils également des personnes spécialement affectées de la même manière au processus de planification?

Mgén Daigle: Je le répète, le NORAD reste tel quel. Le groupe de planification sera en place, et le Canada lui fournira 30 personnes et les Américains fourniront à peu près le même nombre, mais la plupart des gens auront un autre travail au NORTHCOM, non au NORAD. Ces gens travailleront ensemble. Le gouvernement du Canada a approuvé cet accord en décembre 2002, et le groupe sera en place dans les six mois. Les gens font de leur mieux, mais ce ne sera pas une solution universelle. Dans notre propre pays, nous aurons des ressources pour réagir à des menaces précises.

Col Williams: Pour répondre à votre question, je vais donner une explication qui pourrait vous être utile au cours de votre voyage aux États-Unis.

Tout d'abord, les attentats du 11 septembre ont transformé fondamentalement la perception qu'on a de la sécurité en Amérique du Nord, et nous n'en avons peut-être pas encore pleinement pris conscience. En janvier 2001, une dizaine de mois avant les attentats du 11 septembre, le troisième volume d'un rapport américain a été publié. Il s'intitule: «The Presidential Commission on National Security for the 21st Century». Les auteurs avaient travaillé sans relâche pendant deux ans et demi pour préparer les États-Unis à l'éventualité d'une attaque terroriste. La première page du rapport disait que, dans la décennie, il y aurait une attaque terroriste en territoire américain et que des milliers de personnes perdraient la vie. Ils ont en somme prédit le type de structure qui serait nécessaire pour préparer les États-Unis à cette éventualité.

Le rapport est resté à peu près lettre morte. On ne croyait pas nécessaire d'agir énergiquement en réorganisant les départements, en préparant des plans d'urgence, et cetera. Pourtant, après le 11 septembre, les États-Unis ont mis sur pied le département de la Sécurité intérieure, réorganisé les départements avec une ampleur sans précédent, établi un poste de commandant de l'intérieur et restructuré les forces militaires comme cela ne s'était pas fait depuis 1946.

Dans le contexte canadien, nous avons tendance à ne pas préférer la structure et la forme. Nous avons établi, sur une certaine période, un système horizontal. Je suis persuadé que votre étude sur la politique de sécurité nationale a mis en lumière cette caractéristique de la pratique canadienne. Cela ressort d'une préférence du système politique: cette approche horizontale, cette coordination donne au Canada la souplesse nécessaire pour réagir aux circonstances au fur et à mesure.

Les forces militaires se situent à mi-chemin. À cause de nos étroites relations avec les États-Unis, nous avons tendance à opter pour des solutions plus structurées, un dispositif bien préparé, entraîné, prêt à réagir et capable d'agir rapidement. Nous avons tendance à faire le pont entre les deux extrêmes et à travailler dans le contexte de la réalité politique et de la nécessité d'une capacité d'intervention immédiate.

Quand nous parlons de structures comme le groupe de planification, des exercices de planification d'urgence, et cetera, nous essayons de dire que, selon nous, ces méthodes donnent en réalité des moyens concrets de protéger les Canadiens ou les Américains, de protéger le continent. Nous pouvons le montrer en disant que le NORAD n'était pas préparé à la menace d'avions civils qui s'encastrent dans des immeubles. Toutefois, lorsque cela s'est produit, il a pu prendre le contrôle de l'espace aérien civil et ramener les appareils au sol de façon raisonnable de façon que personne ne soit blessé, afin de rétablir l'ordre avec stabilité.

Le président: Vous voulez dire que les agents du NORAD se sont mis au téléphone, ont parlé avec les pilotes et leur ont dit d'atterrir à tel ou tel endroit? Les choses ne se sont pas passées de cette manière. Vous supposez que le NORAD peut faire et a fait des choses qui, en réalité, ne se sont pas passées.

Col Williams: Je veux dire que, lorsque l'ordre a été donné de ramener au sol tous les appareils de l'aviation civile, il y a eu une étroite coordination entre le NORAD, NAV CANADA et la FAA. Le choix des endroits où faire atterrir les avions relève davantage des autorités civiles.

Le président: D'accord. Le NORAD a observé ce qui se passait.

Col Williams: Au même moment, comme vous l'avez dit, il y avait 400 chasseurs dans les airs pour veiller à ce que les choses se passent comme elles devaient se passer.

Le président: Le NORAD avait-il le commandement de ces chasseurs?

Col Williams: Il était en mesure de s'assurer que les instructions données à ces appareils soient suivies.

Le président: Qui commandait les chasseurs qui étaient dans les airs?

Col Williams: Le NORAD.

Le président: C'était l'entité qui commandait à ce moment-là?

Col Williams: C'est exact. Elle s'assurait que l'atterrissage des avions se fasse selon le plan convenu entre les divers organismes civils.

La structure en place a réagi aux circonstances et, de façon ordonnée, a fait face à une situation qui était horrible. La situation a été gérée de telle façon qu'il n'y a eu aucune autre perte de vie et que la confiance du public dans la paix, l'ordre et le bon gouvernement a été rétablie. Nous disons simplement que les mécanismes dont nous discutons, c'est-à- dire les entités chargées des relations de planification et les capacités de coordination et de consultation, nous donnent les moyens de faire face à certaines de ces circonstances que nous ne pouvons prédire.

Le sénateur Banks: J'ai une dernière question qui porte expressément sur notre voyage à Washington. Je veux être sûr de bien vous comprendre. Vous avez dit, je crois, que l'idée que les Américains ont une double fonction avec le groupe de planification — c'est-à-dire qu'il s'agira de gens du NORAD qui...

Mgén Daigle: Du NORTHCOM, sénateur Banks.

Le sénateur Banks: Des gens du NORTHCOM seront affectés au groupe de planification. Nous n'avons pas cette dualité de fonctions, puisque nous n'avons pas de NORTHCOM. Nos gens sont là expressément pour collaborer avec les Américains du groupe de planification, qui sont également membres du NORTHCOM, mais nos gens ne font pas partie du NORTHCOM. Ai-je raison?

Mgén Daigle: Effectivement. Nous avons quelques personnes qui sont déjà rattachées au NORAD et qui ont été affectées au groupe de planification. Aux fins administratives, il était facile d'avoir déjà des gens sur place qui étaient au courant du contexte.

Le sénateur Banks: Conserveront-ils leurs rôles au NORAD?

Mgén Daigle: Non. Le groupe de planification enverra 30 représentants canadiens à un nouveau poste à Colorado Springs. Le NORAD restera tel quel. C'est là que se situe le NORTHCOM, et le commandement américain assurera seulement les éléments de planification multinationale du groupe au moyen de ses officiers du groupe de planification.

Le sénateur Banks: Nos représentants au groupe de planification ne seront pas des gens du NORAD?

Mgén Daigle: Non, monsieur.

Le sénateur Banks: Ils devront établir une liaison, n'est-ce pas?

Mgén Daigle: Le général Pennie est le commandant adjoint du NORAD. Son chef adjoint du groupe de planification, le général Henderson, est le commandant adjoint du NORTHCOM. Le commandant du NORAD et du NORTHCOM est le général Eberhart. L'agent de liaison que nous affecterons sera l'agent de liaison du CEMD auprès du NORTHCOM, qui est un commandement américain, et il aura un rôle à jouer au groupe de planification, parce qu'il s'agit d'une entité binationale. Grâce au leadership, là-bas, nous aurons l'interopérabilité, la connectivité et la capacité d'observer ce qui se passe des deux côtés.

Les autorités américaines qui se sont rencontrées ces quelques derniers mois sont heureuses de constater que ce groupe de planification binational se met en place, car il élargira à l'ensemble du continent le parapluie aérospatial comme organisation de planification d'urgence.

Le sénateur Banks: Est-ce que c'est la raison pour laquelle nous ne confions pas une double fonction à nos gens du NORAD, parce qu'il nous faut aller au-delà des forces aériennes pour englober également les forces terrestres et navales?

Mgén Daigle: Le NORAD et les représentants canadiens vous diront que, depuis le 11 septembre, l'organisation n'a pas assez de personnel. Elle voudrait accroître son effectif. Comme vous le savez, nous avons certaines limites dans nos possibilités de participation. Nos gens seront affectés au groupe de planification seulement.

Col Williams: J'ajouterais que l'établissement d'un groupe de planification distinct, mais avec le NORAD, a été un moyen de répondre aux préoccupations soulevées au Canada au sujet de la participation des militaires canadiens et américains dans des domaines comme celui-ci. Pendant le débat sur l'établissement du groupe de planification, divers arguments contradictoires ont été avancés au sujet de la participation des militaires canadiens et américains.

Le sénateur Banks: Est-ce que les Canadiens se préoccupent de leur souveraineté?

Col Williams: C'est exact. Il y a un certain élément de cette nature dans l'établissement du groupe. Il s'agit de laisser ce groupe se mettre en place et montrer à quel point il peut être efficace dans l'intégration des différents éléments. Les réserves qu'on peut avoir à cet égard se dissiperont avec le temps, au fur et à mesure que le groupe de planification fera ses preuves et montrera qu'il peut être utile aux Canadiens et les protéger.

Mgén Daigle: Au cours de votre visite aux États-Unis, vous vous ferez peut-être dire d'abord qu'on est heureux de la mise en place de ce groupe de planification. Comme vous l'avez dit, le personnel est affecté au NORAD. Des forces sont affectées au NORAD, mais il n'y en a aucune qui soit affectée au groupe de planification. Ce groupe se charge de planification et d'autres fonctions semblables. Le NORTHCOM est un commandement exclusivement américain. Ces trois entités finiront par devenir quelque chose d'autre que nos gouvernements étudieront dans un proche avenir. Le groupe de planification fera l'objet d'un examen au bout de deux ans, aux environs de décembre 2004. Nous voulons que ce groupe soit en place au début de cette année pour avoir une année complète d'activité pour examiner tous les mécanismes de coordination, et cetera. Le chef du groupe de planification fait directement au rapport au président et au premier ministre. Dans deux ans, le groupe aura fait au moins un an de travail, et on pourra décider de l'étape à venir dans la défense du continent avec les entités qui seront en place à ce moment-là.

Le sénateur Cordy: Merci de comparaître pour nous aider à recueillir de l'information avant que nous ne partions à Washington, la semaine prochaine.

Dans votre documentation, vous dites que l'une des questions clé est que les relations entre le Canada et les États- Unis sont à un carrefour. Géographiquement, nous avons une énorme frontière avec les États-Unis. Ce sont nos voisins. On parle des dirigeants des deux pays comme de membres d'une même famille. Que cela plaise ou non, les membres d'une famille ont toujours un certain type de relations. Dans votre documentation, vous parlez également de ces relations et vous dites qu'elles méritent une attention soutenue et une gestion attentive. Est-ce la raison d'être du groupe de planification? Est-ce que c'est l'une des principales raisons de la mise sur pied de ce groupe, c'est-à-dire cultiver ces relations dans une situation comme celle-ci?

Col Williams: Lorsque nous avons amorcé les négociations avec les États-Unis, nous avons établi certains objectifs stratégiques. Il s'agit d'abord et avant tout d'établir un mécanisme permettant de protéger les Canadiens et les Américains, de protéger le continent. C'est le souci de protection qui était à l'avant-plan.

Le deuxième objectif était de protéger les relations que nous avons avec les États-Unis, plus particulièrement le NORAD car, étant donné la mise en place du NORTHCOM et l'établissement d'un mécanisme pour assurer la coordination, nous devions préserver et protéger les relations importantes que nous avions au sein du NORAD.

Le troisième objectif était de soutenir avec soin et de gérer les relations que nous avons avec les États-Unis dans le plus grand intérêt des deux pays. Je dois répondre à votre question par l'affirmative. Nous avons tenu compte de cet élément comme objectif clé dans la mise sur pied du groupe de planification.

Le sénateur Cordy: Y a-t-il d'autres initiatives visant à poursuivre le développement de ces relations?

Col Williams: Fondamentalement, les relations entre le Canada et les États-Unis en matière de défense et de sécurité constituent une mosaïque très complexe, tout un ensemble de relations entre les deux pays. Dans la quasi-totalité de ces relations, les questions du contexte de sécurité après le 11 septembre ont occupé une place centrale.

Nous nous apprêtons à partir pour Washington, demain, pour la prochaine réunion de la Commission permanente mixte de défense Canada-États-Unis. Le thème presque universel des échanges est la garantie et l'amélioration de la coopération canadienne en matière de sécurité et de défense entre les deux pays.

Selon moi, la plus lourde menace qui pèse sur les relations canado-américaines en matière de défense, c'est que nous les tenions pour acquises, car elles sont très importantes, très complexes et très étroites entre tous les organismes qui s'occupent de ces questions. Nous tâchons que tout soit bien à jour.

Mgén Daigle: Comme le colonel Williams l'a dit, depuis 1940 et la création de la Commission permanente mixte de défense, dont la principale fonction était la coordination de la défense du continent grâce à l'OTAN, au Groupe stratégique régional Canada-États-Unis, au NORAD, au NORTHCOM et, désormais, au groupe de planification, l'évolution de notre coopération binationale en matière de défense est un prolongement normal de ces relations. Elle s'étend maintenant au niveau continental et s'applique à toutes les dimensions, non seulement l'espace aérien, mais également la défense terrestre et maritime.

Je le répète, le dénominateur commun, depuis 1940, est la coopération, la défense et le continent, et nous avons toujours travaillé en étroite collaboration avec les Américains à cet égard. On vous l'a déjà dit, et les Américains emploient les mêmes chiffres que nous — nous sommes bien en phase — nous avons avec les Américains 80 accords de défense qu'on peut considérer comme des traités. Nous avons 240 protocoles d'entente entre le département de la Défense et le ministère de la Défense nationale. Nous avons 145 forums binationaux en matière de défense. Nous espérons et nous supposons que, grâce au Groupe de planification binational et à tous les efforts que nous déployons, tous ces traités et ces protocoles d'entente finiront par être examinés, rationalisés et revus, car les menaces ont changé en 50 ans. Nos relations avec les Américains ont toujours été excellentes, au ministère de la Défense nationale.

Si je peux me permettre d'ajouter un dernier point, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international nommera également au NORAD un conseiller politique cette année. Nous n'en avons pas pour l'instant. Du côté militaire, nous renforçons notre coopération. Du côté politique, les Américains ont un conseiller politique au NORAD qui conseille le commandant de l'organisation, le colonel Eberhart, ainsi que le général Pennie, car il s'agit d'une organisation binationale, mais nous aurons notre propre conseiller politique à compter de cet été, et il sera fourni par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Le sénateur Cordy: L'un des éléments clés de l'accord, c'est que le groupe de planification se compose de militaires et de civils. Vous avez dit qu'il y aurait 30 officiers d'état-major. Quels sont les civils qui feront partie du groupe?

Mgén Daigle: Au début, nous aurons un représentant du BPIEPC, des entrepreneurs engagés sur place qui participeront au travail du groupe de planification, et les autres membres seront essentiellement des militaires.

Le sénateur Cordy: Que voulez-vous dire par «entrepreneurs engagés sur place»?

Mgén Daigle: Au lieu d'avoir un militaire affecté là-bas à un poste permanent, il est possible, comme nous le faisons ici, d'accorder un contrat à un militaire à la retraite pour travailler à la planification, et cetera. Il s'agit d'un contrat, ce sont des civils qu'on engage pour aider à faire le travail. Ce sont des contractuels.

Toutefois, le Groupe de planification peut évoluer. Comme le colonel Williams l'a dit, nous avons proposé au ministère de participer au Groupe de planification et, jusqu'à maintenant, seul le BPIEPC sera représenté et fera partie du groupe de planification, où il sera représenté par un civil.

Le sénateur Cordy: Les Américains auront une double fonction, et vous avez expliqué tout à l'heure que l'un des avantages de cette formule est que vous pouvez obtenir une information à jour sur ce qui se passe.

Que peut-on dire de la cohérence ou de la continuité? Comment pouvons-nous nous assurer que les mêmes personnes assisteront aux réunions, par exemple, que quelqu'un ne sera pas retenu à un autre travail et ne se fera pas remplacer? Comment assurer la continuité et la stabilité? La dualité des fonctions est une formule qui peut marcher, mais elle peut avoir des inconvénients si on ne prend pas le travail aussi au sérieux qu'on le devrait.

Mgén Daigle: Du côté canadien, cela ne posera pas de problème, car nos représentants seront affectés au groupe de planification à temps plein. Ils seront là. Du côté des Américains, c'est à eux de voir, et le général Eberhart décidera qui participera au groupe de planification.

Les fonctions du groupe sont la planification et la surveillance. Il s'occupera des exercices, de la formation, et cetera. Par conséquent, il faudra faire appel à des personnes qui s'occupent déjà de planification, de formation, et cetera. Est-il garanti que ce seront toujours les mêmes personnes? Je ne peux pas répondre. J'estime qu'il serait à leur avantage d'assurer la continuité, et ils sont d'accord. Cependant, comme partout ailleurs, il arrive que des affectations changent, comme cela se produit chez nous. À mon sens, les Américains veilleront à la continuité, parce qu'il n'est pas logique d'avoir des remplacements constants. Ils prennent la question au sérieux. Ils choisiront donc des personnes capables d'assurer la continuité.

Le sénateur Atkins: Général, vous avez dit que les Forces canadiennes procédaient à un examen complet du renseignement de défense et créaient un centre de fusion du renseignement. Pouvez-vous nous renseigner davantage? Le centre demeurera-t-il l'apanage du ministère de la Défense nationale ou d'autres ministères participent-ils?

Mgén Daigle: Comme je l'ai dit, il s'agit d'une question interne. Le travail a commencé il y a un certain temps. Le chef du Service d'examen a étudié tous les éléments du renseignement que nous possédons au ministère et il a été convenu par le chef de l'état-major de la Défense et le sous-ministre que nous devions procéder à un examen interne au ministère et rationaliser toutes les fonctions de renseignement. Cet examen est en cours. C'est le ministère de la Défense nationale qui étudie ses propres services d'abord.

Depuis le 11 septembre, d'autres ministères sont à la recherche des meilleurs moyens intégrer la communication du renseignement à l'intérieur des ministères. Les autres ministères font leur travail. Avec la convergence de tous les efforts, des organisations comme le Comité de la sécurité publique et de l'antiterrorisme se saisiront de la question. Ce que nous faisons en ce moment, c'est étudier ce qui se passe chez nous avant de voir comment nous pouvons assurer une meilleure intégration avec le reste du ministère, car ce sont tous les ministères pris ensemble, avec le ministère de la Défense nationale, qui s'occupent de la sécurité du territoire. Le cadre de la sécurité est plus vaste que celui de la défense.

Le sénateur Atkins: De quels ministères s'agit-il?

Mgén Daigle: Pour l'instant, il y a huit ministères, dix si on compte certains organismes qui ont des rôles en matière de sécurité et de renseignement. L'ADRC, le SCRS, Transports Canada, le ministère de la Justice et le BPC ont, dans leurs fonctions, un rôle se rattachant à la sécurité et au renseignement. Nous n'avons pas l'équivalent de l'organisation américaine. Nous avons le Comité de la sécurité publique et de l'antiterrorisme, dirigée par le ministre Manley, et son rôle est de coordonner tous les ministères.

Le sénateur Atkins: Si le président décide d'ici quelque temps de déclencher la guerre, les Américains ont un système d'alerte — rouge, orange et jaune — au sujet duquel j'ai deux questions à poser. Quand saurons-nous que nous devons avoir une forme quelconque d'alerte spéciale? Avons-nous un système quelconque en place pour placer tout notre dispositif de défense en alerte?

Mgén Daigle: Nous avons une très bonne coordination avec les Américains.

Le sénateur Atkins: Nous ne l'apprendrons pas par CNN?

Mgén Daigle: Nous mettons en commun renseignement et information. Nous avons et nous avions par le passé la capacité de relever notre état de préparation ou notre niveau de protection. Nous l'avons fait à l'occasion des attentats du 11 septembre et sur les bases de tout le Canada lorsque a pesé la menace de l'anthrax. Quant à savoir à quel moment ce genre de scénario pourrait se réaliser, je déteste me livrer à des spéculations, mais dès qu'il y a une indication que quelque chose risque d'arriver, il est toujours mieux de se préparer plutôt que de réagir. Nous serons au courant. De toute évidence, les Américains seront informés dans leur propre pays, mais nous serons au courant, et nous avons des plans au ministère pour que nos propres dispositifs de défense soient au niveau nécessaire de préparation et de protection. De toute évidence, le BPIEPC et d'autres ministères qui ont une responsabilité en temps de crise donneront l'avertissement nécessaire, en matière de santé, et cetera, à notre population.

Le sénateur Atkins: Nous n'avons pas mis en place un système d'alerte semblable à celui des Américains, sauf erreur?

Col Williams: Ne mélangeons pas les pommes et les oranges. Le système de couleurs dont vous parlez correspond au système d'alerte civile aux États-Unis. Il existe depuis un certain temps un système militaire ou de défense. DEFCON 1, 2, 3, 4, 5 est en place. Si le système d'alerte civile change, le système militaire ne change pas nécessairement en même temps. Ce sont des systèmes distincts.

Dans le contexte canadien, nous avons un système d'alerte militaire, mais il n'y a aucun système civil.

Le sénateur Atkins: Il n'y aurait donc pas de coordination?

Col Williams: Dans le cadre des relations que nous avons avec les militaires américains, il existe un lien avec l'état de défense des États-Unis et l'état d'alerte du Canada, car nous sommes au courant de tout changement à cause du NORAD.

Je ne connais pas de système d'alerte civile. Il faudrait poser cette question au Comité de la sécurité publique et de l'antiterrorisme pour savoir comment change l'état d'alerte civile. Un avantage de la participation au NORAD et de nos relations militaires étroites avec les États-Unis, c'est que nous sommes parfaitement au courant de tout changement dans le niveau d'alerte militaire.

Le sénateur Atkins: Colonel Williams, vous avez dit que le lien stratégique entre le CEMD et le président des Chefs d'état-major combinés restera. Quelles sont les fonctions que conserve le président des Chefs d'état-major combinés, et quelles fonctions sont confiées au commandant du NORTHCOM?

Col Williams: Bonne question. Le président des Chefs d'état-major combinés et le chef d'état-major de la Défense dirigent la défense de leurs pays respectifs. À titre de chefs de la défense, ils sont des contacts réguliers. Au Canada, ce contact est plus étendu. Il y a une réunion annuelle avec les Chefs d'état-major combinés du côté américain et le conseil des forces armées du côté canadien. Ils se rencontrent pour des discussions d'ordre stratégique.

Le commandant du NORTHCOM a le rang de commandant régional, avec les pays de sa région. Sa tâche consiste à établir des relations en matière de sécurité et de défense qui se situent plus ou moins au niveau tactique ou opérationnel.

Pour répondre brièvement, les questions stratégiques entre le Canada et les États-Unis sont abordées par les présidents du CEMD.. Les questions opérationnelles et tactiques concernant l'organisation et l'établissement des relations et des accords à ce niveau relèvent de la responsabilité du commandant du NORTHCOM, à titre de commandant régional de combat.

Le sénateur Atkins: Est-ce que les responsabilités de la Commission permanente mixte de défense seront également retirées aux Chefs d'état-major combinés?

Col Williams: Non. Nous avons posé cette question au président dans le contexte de l'établissement du commandant du NORTHCOM: à titre de président, que souhaitez-vous pour ce qui est de la relation avec le NORTHCOM? Sa réponse a été essentiellement ce que je viens d'expliquer. La relation avec la Commission permanente mixte reste intacte. Les membres de la Commission sont dirigés par un civil nommé par les deux parties. Il y a représentation de l'état-major combiné, du bureau du secrétaire à la Défense et des services. Officiellement, le commandant du NORTHCOM n'en est pas membre, bien que lui ou ses collaborateurs participent régulièrement à titre d'observateurs. Stratégiquement, les relations entre le Canada et les États-Unis demeurent inchangées.

Le président: Colonel Williams, la première mission que vous mentionnez dans votre document est de prévenir ou d'atténuer les menaces ou les attentats de terroristes ou d'autres en territoire canadien ou américain. De toute évidence, nous devons nous attendre à tout aujourd'hui.

Pouvez-vous nous dire comment le groupe de planification préviendrait ou atténuerait les attentats terroristes contre le Canada?

Col Williams: Monsieur le président, ce que je peux dire ici, c'est qu'un certain nombre de processus de planification sont en cours entre le Canada et les États-Unis. Ils sont coordonnés par l'entremise du sous-chef d'état-major de la Défense selon la voie hiérarchique établie au sein du NORAD et, plus récemment, sous la direction du groupe de planification. Ce processus permet de discuter des menaces potentielles dirigées contre le continent ainsi que du genre de réactions nécessaires. Je suis sûr que le sous-chef d'état-major de la Défense pourrait beaucoup mieux que moi vous expliquer les détails du processus dans un cas militaire particulier.

Mgén Daigle: Monsieur le président, quand nous parlons de prévention, de dissuasion, de préparation, et cetera, le plus important, c'est le renseignement. Nous ne pourrons jamais garantir pleinement que nous allons prévenir une attaque terroriste. Toutefois, l'échange de renseignements, la surveillance, et cetera. peuvent nous donner la capacité de prévenir un attentat, pourvu que nous ayons les bons renseignements au bon moment sur la menace en cause. Nous pouvons également faire de la dissuasion si nous ne sommes pas sûrs de l'endroit où la menace s'exercera. Le fait est que nous sommes constamment en train d'écouter, de surveiller et d'échanger des renseignements.

Il est difficile de dire comment nous allons prévenir un attentat. Nous ne pouvons pas dire aux gens que nous avons mis en place un système de prévention des attaques. Le groupe de planification renforce l'échange de renseignements, et cetera. Si nous réussissons à bien coordonner et à bien échanger, à un moment donné, cela peut nous aider à empêcher un incident de se produire.

Le président: Général, vous avez dit dans vos observations que les Forces canadiennes ont établi un haut degré de préparation pour la défense nucléaire, biologique et chimique. La dernière fois que le comité a examiné cette question, il y avait douze personnes au camp Borden qui étaient chargées de cette responsabilité.. Pouvez-vous nous dire si les Forces canadiennes ont aujourd'hui de meilleures capacités? Si oui, en quoi consistent-elles?

Mgén Daigle: J'étais à Borden l'année dernière. Monsieur le président, vous avez raison, l'équipe de réaction nucléaire, biologique et chimique est très petite. Nous disons toujours de ses membres qu'ils «portent deux chapeaux» parce qu'ils cumulent deux fonctions. La plupart des membres appartiennent à l'école nucléaire, biologique et chimique de Borden, où nous donnons des cours sur la façon de faire face à ces dangers. Les membres de l'équipe se trouvent donc au camp Borden, mais ils peuvent être déployés là où on a besoin de leurs compétences.

L'année dernière, le ministre a assisté à l'inauguration de cette compagnie. Je ne connais pas l'effectif exact. Peut- être quelqu'un peut-t-il m'aider à ce sujet. Je crois que l'équipe sera stationnée à Trenton. À partir de ce point, ses membres pourront être déployés plus rapidement grâce au transport aérien dont nous disposons sur place.

L'école restera à Borden. Nous continuerons à donner aux membres des Forces canadiennes des cours sur les questions nucléaires, biologiques et chimiques. Nous sommes distincts de la compagnie NBC, qui relève du sous-chef d'état-major de la Défense. Je sais que cette capacité a été mise en place.

Le président: Je crois savoir qu'une compagnie se compose d'une centaine de personnes. Est-ce bien cela, général?

Mgén Daigle: C'est bien cela dans l'infanterie. Je regrette, mais je ne connais pas l'effectif exact. Nous pouvons vous fournir des renseignements à ce sujet.

Le président: Si nous avions besoin de ces gens demain, combien d'entre eux seraient prêts à partir?

Mgén Daigle: Je n'ai pas tous les détails, et je déteste spéculer sur une question de ce genre, monsieur le président. Quand j'étais à Borden, compte tenu du petit nombre de personnes que nous avions là, les états d'alerte étaient différents. À un moment donné, nous avions la possibilité de les déployer dans les 12 heures.

Le président: Vous aviez donc 12 personnes que vous pouviez déployer en 12 heures à condition de disposer d'un avion à Borden. Vous nous dites maintenant que l'équipe est à Trenton où vous avez un aérodrome et des avions de transport. Ma question est encore la suivante: combien de personnes seraient prêtes à partir aujourd'hui ou demain?

Mgén Daigle: Je ne le sais pas, monsieur le président. Je pourrais vous fournir ce renseignement plus tard.

Le président: Nous vous en serions reconnaissants.

Général, vous siégez à un comité interministériel qui s'occupe de sécurité du territoire. Est-ce exact?

Mgén Daigle: Pas vraiment. Ai-je écrit cela quelque part dans mon discours?

Le président: Je croyais l'avoir lu quelque part.

Mgén Daigle: La sous-ministre déléguée, Mme Purdy, préside le comité au nom du Bureau du Conseil privé. Le comité comprend des représentants de nombreux ministères, ayant pour la plupart des responsabilités en matière de sécurité et de renseignement. Mme Purdy coordonne l'action de tous ces ministères pour préparer les travaux du comité du ministre chargé de la sécurité et du renseignement. J'y siège à titre d'observateur. En qualité de conseiller en matière de sécurité du territoire, je m'invite à ces différents comités pour me faire une idée du tableau d'ensemble.

Le sénateur Forrestall: Dites-vous que vous vous invitez à ces comités?

Mgén Daigle: J'essaie d'obtenir le plus de renseignements possibles quand il s'agit de défense et de sécurité du territoire. Je m'invite dans le sens que je m'efforce de rester au courant de ce qui se passe dans ce domaine particulier. Mme Purdy m'a incité à assister aux réunions de ce comité à titre d'observateur. Le sous-chef d'état-major de la Défense, qui est le principal responsable de l'opération, est représenté à ces réunions.

Le sénateur Forrestall: Vous serez peut-être intéressé d'apprendre que M. Robin Cook a donné sa démission à titre de leader du gouvernement à la Chambre des communes britannique. C'est un geste d'une certaine importance. Nous parlons de mettre en place des choses dans six à dix mois ou d'être prêts à agir en 2004 ou en 2006. Mais il s'agit de partir en guerre cette nuit, demain ou le lendemain. L'ultimatum sera lancé à 20 heures ce soir. Pourquoi nous a-t-il fallu aussi longtemps pour nous occuper de ces choses? Cela fait deux ans maintenant. Pourquoi a-t-il fallu aussi longtemps? Y a-t-il tant de gens à consulter? Si le premier ministre voulait prendre une décision cet après-midi, qui appellerait-il pour donner l'ordre de faire quelque chose? Ma question est hypothétique. Je ne sais pas. Je ne crois pas que le public canadien sache. Je crois que les Canadiens sont contrariés. C'est tout.

Le président: Général Daigle, colonel Williams, ce n'est pas du tout ainsi que j'avais l'intention de terminer cette partie de la réunion. Vous nous avez aidés à nous préparer en vue de nos prochaines réunions à Washington. Je vous suis reconnaissant d'être venus nous parler de questions que les membres du comité trouvent parfois complexes et difficiles à comprendre. Je crois que nous sommes en train d'examiner quelque chose qui évolue. Les membres du comité tentent d'obtenir l'image la plus précise possible de la situation avant d'en discuter avec nos collègues américains.

Nous vous avons demandé quelque renseignement précis. Si vous aviez l'obligeance de les transmettre à la greffière du comité, nous vous en serions très reconnaissants. Je vous remercie de l'aide que vous nous avez donnée aujourd'hui.

Notre témoin suivant est M. Robert Fonberg, qui est accompagné de M. Graham Flack.

Je vous souhaite la bienvenue au comité. Je crois savoir que vous avez un exposé préliminaire. La parole est à vous.

M. Robert Fonberg, sous-secrétaire du cabinet, Opérations, Bureau du Conseil privé: Honorables sénateurs, à la suite des événements du 11 septembre, j'ai été chargé de créer et de diriger le Groupe de travail sur les frontières, petite équipe formée de cinq agents du Bureau du Conseil privé, qui a aidé le vice-premier ministre à élaborer la Déclaration sur la frontière intelligente et son plan d'action en 30 points.

En décembre 2001, après que le vice-premier ministre et son homologue américain, le gouverneur Tom Ridge — aujourd'hui secrétaire à la Sécurité intérieure —, ont signé la Déclaration, j'ai été chargé de diriger le groupe de travail et de faire avancer les discussions avec les États-Unis. M. Graham Flack, directeur des opérations du groupe de travail, est avec moi aujourd'hui.

Le Groupe de travail sur les frontières a trois objectifs de base. Le premier, défini juste après le 11 septembre, était d'établir une démarche stratégique durable qui permettrait d'éviter que la frontière n'entrave la croissance du commerce, qui l'adapterait aux événements futurs et se fonderait sur les principes de la gestion des risques. Le deuxième était de collaborer avec nos partenaires américains pour convenir de cette approche stratégique, ce que nous avons fait en décembre 2001 lors de la signature de la déclaration. Le troisième consistait à travailler, de façon permanente, avec les organisations canadiennes responsables et avec nos partenaires américains — d'abord à la Maison-Blanche, puis de plus en plus au département de la Sécurité intérieure — pour nous assurer que la mise en œuvre de cette approche est faite de façon cohérente, opportune et méthodique.

Je sais que de nombreux témoins avant moi vous ont déjà parlé du processus entourant la frontière intelligente et le plan d'action. Je ne m'étendrai donc pas outre mesure sur la genèse de la Déclaration sur la frontière intelligente, mais nous sommes bien sûr disposés à répondre toute question que vous pourriez avoir.

Je sais également que des représentants de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ainsi que de Citoyenneté et Immigration Canada, tous deux responsables, avec d'autres ministères, de la gestion quotidienne de la frontière et de la mise en œuvre du plan d'action en 30 points, vous en ont parlé ou vous en parleront. Il leur appartient de rendre compte des initiatives qu'ils dirigent.

Pour le Canada, les objectifs stratégiques d'ensemble de la mise en œuvre de la Déclaration sur la frontière intelligente sont bien sûr d'assurer notre sécurité tout en facilitant le passage à la frontière des biens et des personnes à faible risque. Le Canada et les États-Unis estiment en effet que les fondements de la sécurité publique et économique, loin d'être concurrents, se renforcent mutuellement.

Dans une économie mondiale intégrée, il n'est ni possible ni souhaitable d'examiner tous les biens et de fouiller tous les voyageurs qui passent la frontière. Les deux pays ont reconnu qu'ils avaient plutôt besoin d'utiliser efficacement les renseignements recueillis pour se concentrer sur les voyageurs et les biens à risque élevé, ce qui permet au Canada et aux États-Unis de garantir l'efficacité de la frontière tant sur le plan de la sécurité que sur celui du commerce. Notre objectif est d'établir une frontière ouverte aux affaires, mais fermée aux terroristes.

Depuis la signature de la Déclaration, nous avons fait des progrès sensibles dans la mise en œuvre du plan d'action pour une frontière intelligente qui sous-tend ce cadre de gestion des risques. Comme l'ont mentionné le premier ministre et le président des États-Unis en septembre dernier, les deux pays se sont entendus sur des mesures concrètes relativement aux 30 points du plan. Les ministères et les organismes compétents en sont actuellement au stade de la mise en œuvre.

Le Canada et les États-Unis sont déterminés à faire du projet de frontière intelligente un succès. Le vice-premier ministre Manley et le secrétaire Ridge communiquent régulièrement pour s'assurer que le rythme est maintenu et que le plan d'action pourra être réalisé en entier. Il y a des contacts constants à tous les niveaux des organismes compétents canadiens et américains. Les membres de mon équipe et du Bureau du Conseil privé maintiennent aussi des contacts réguliers avec leurs homologues à la Maison-Blanche.

Sans passer chaque point en revue, je vous présenterai un bref aperçu de certaines initiatives. La première est NEXUS. Avant la signature de la Déclaration, le Canada et les États-Unis avaient instauré le projet pilote NEXUS prévoyant la pré-approbation des voyageurs à faible risque. Le programme favorise grandement la sécurité puisque les agents aux points d'entrée détiennent ainsi plus d'information sur les voyageurs. De plus, les participants peuvent passer la frontière plus rapidement, puisqu'ils n'ont pas à se soumettre à un interrogatoire. Depuis décembre 2001, ce programme est en vigueur dans six ports d'entrée, et d'ici le milieu de 2003, cinq autres devraient s'ajouter.

Nous étudions à l'heure actuelle la possibilité d'étendre le programme NEXUS à d'autres postes frontaliers d'ici la fin de l'année. Près de 44 000 demandes ont été reçues, dont plus de 33 000 ont été approuvées. Comme la plupart des participants traversent la frontière régulièrement pour leur travail, cela représente un nombre considérable de passages.

Le programme EXPRES constitue la deuxième initiative dont je veux parler. Avant la venue du concept de frontière intelligente et l'adoption de la Déclaration sur une frontière intelligente, les douaniers canadiens avaient de la difficulté à persuader leurs homologues américains de l'efficacité d'un programme visant à faciliter le passage des marchandises pré-approuvées à faible risque. L'initiative de la frontière intelligente a permis de les convaincre des avantages de cette approche. Le programme EXPRES — cet acronyme signifie «Expéditions rapides et sécuritaires» — est maintenant en vigueur dans six importants postes frontières qui totalisent ensemble environ 70 p. 100 du trafic commercial. Ce programme permet d'appliquer le concept de la livraison juste à temps, qui revêt une importance critique pour beaucoup d'industries. Les douanes américaines présentent le programme EXPRES comme un modèle qui assure des échanges commerciaux à la fois plus sûrs et plus faciles. Au total, 3 000 demandes de chauffeurs ont été approuvées jusqu'ici et on s'attend à ce que ce nombre passe à 30 000 d'ici la fin 2003.

Les EIPF, ou Équipes intégrées de la police des frontières, constituent la troisième initiative. Les deux pays ont déployé ces équipes dans 11 des 14 régions frontalières. Comme l'a mentionné le représentant du ministère du Solliciteur général, les EIPF constituent maintenant un important instrument de mise en vigueur de la loi. Elles ont combattu avec succès la contrebande, confisqué des drogues illicites, des armes, de l'alcool, du tabac et des véhicules et ont procédé à de nombreuses arrestations. Les EIPF ont également permis de démanteler des réseaux criminels qui tentaient de faire passer des immigrants clandestins. Pendant leur réunion de l'automne dernier, le premier ministre Chrétien et le président Bush se sont entendus pour étendre la coopération dans le cadre du plan d'action actuel et ont chargé les responsables d'élaborer de nouveaux projets dans les domaines de la biosécurité, des sciences et de la technologie.

Dans nos efforts constants pour moderniser notre frontière terrestre commune, nous sommes confrontés à plusieurs défis. La création du département de la Sécurité intérieure a entraîné aux États-Unis la réorganisation gouvernementale la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale. Vous avez manifesté de l'intérêt pour cette question et avez déjà tenu des discussions à son sujet. La mission première du département est de protéger le territoire en sécurisant les frontières, le secteur des transports, les ports et les infrastructures essentielles. Il coordonnera les rapports de renseignement relatifs à la sécurité intérieure provenant de sources multiples, afin que ces données soient utilisées efficacement. Cette réorganisation aura des répercussions sur les relations entre les agents des organismes responsables de l'immigration, des douanes, des transports et autres. Le Canada suit attentivement la mise en place de ce département et veille à ce que les relations bilatérales demeurent fortes et bien coordonnées.

Nous nous occupons de la tâche complexe que représente la planification bilatérale des mesures d'urgence, afin d'être prêts à réagir efficacement si nos citoyens sont menacés. Les responsables des deux pays continuent d'améliorer les systèmes d'alerte qui nous permettront de nous informer mutuellement des menaces possibles et, au besoin, de mettre de l'avant des mesures d'intervention coordonnées.

Nous sommes également confrontés au projet, imposé par le Congrès américain, de mettre en place avant la fin de 2005 des systèmes de repérage des entrées et des sorties à tous les points d'entrée des États-Unis. Le vice-premier ministre Manley et le secrétaire Ridge en ont discuté au cours de leur dernière réunion en décembre. Ils sont tous les deux d'accord que les nouveaux programmes liés à la frontière ne doivent pas avoir de répercussions négatives sur les grands progrès réalisés pour faciliter le passage des marchandises et des voyageurs légitimes à la frontière terrestre Canada-États-Unis.

Il est clair que nos deux pays sont très attachés à l'esprit et à la lettre de la Déclaration sur la frontière intelligente et, d'une façon plus générale, qu'ils sont déterminés à coopérer en vue d'une gestion de notre frontière commune qui garantisse la sécurité et l'efficacité de nos échanges commerciaux.

Monsieur le président, je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de vous présenter cet exposé. Je peux maintenant répondre à vos questions.

Le président: Vous avez dit que les membres de votre équipe ont des contacts réguliers avec leurs homologues à la Maison-Blanche. Y a-t-il encore une équipe à la Maison-Blanche maintenant que le département de la Sécurité intérieure a été établi?

M. Fonberg: Oui. L'organisation relativement informelle qu'on appelait le bureau de la sécurité intérieure est maintenant devenue le Conseil de la sécurité intérieure, qui fait pendant au Conseil de la sécurité nationale à la Maison-Blanche. Le nouveau conseil est actuellement doté en personnel. Par conséquent, nous sommes passés du bureau de la sécurité intérieure au Conseil de la sécurité intérieure.

Le président: Vous avez parlé en détail des programmes EXPRES et NEXUS. Nous sommes impressionnés par les principes et l'approche adoptés. Cela étant dit, nous allons à Washington la semaine prochaine. Nous nous attendons, comme d'habitude, à affronter des interlocuteurs qui, d'une façon ou d'une autre, sont persuadés de l'authenticité de nombreux mythes, qui semblent se perpétuer d'eux-mêmes, au sujet de ce qui se passe à la frontière Canada-États-Unis.

Pour ce qui est d'EXPRES et de NEXUS, il suffira d'une seule erreur ou d'une seule personne qui posera un problème. Nous verrons alors les mêmes politiciens faire beaucoup de bruit au sujet de l'incident en cause. Nous ne savons pas vraiment comment ces mythes sont nés, mais pouvez-vous nous donner une idée du degré de confiance que vous avez dans les contrôles de sécurité effectués dans le cadre de NEXUS et EXPRES? Êtes-vous d'accord qu'il suffirait d'une seule erreur pour que ces programmes soient condamnés?

M. Fonberg: Je ne peux pas parler des détails des contrôles de sécurité dont font l'objet les chauffeurs et les demandeurs du programme NEXUS. Toutefois, les organismes des deux côtés de la frontière semblent avoir suffisamment confiance dans la procédure établie. Pour ce qui est du programme NEXUS, on procède à des entrevues personnelles avec les demandeurs. Je suppose qu'il en est de même dans le cas d'EXPRES. C'est plus qu'il n'en faut pour obtenir d'autres titres de voyages. Par conséquent, les organismes compétents croient que les contrôles de sécurité sont suffisants. Toute l'idée de ces programmes, c'est d'être assez souples pour supporter une erreur. Il est extrêmement difficile de prédire comment les Américains, ou nous-mêmes, réagiraient en cas d'erreur. C'est une question que nous continuons à aborder au niveau des organismes, de même qu'avec nos homologues de la Maison-Blanche et du département de la Sécurité intérieure. Il est essentiel que ces programmes demeurent ouverts, même s'il y a des incidents.

M. Graham Flack, directeur des opérations, Groupe de travail sur les frontières, Bureau du Conseil privé: Quand le nombre annuel de passages est proche de 200 millions, la question à se poser est la suivante: comment gérer le risque? En l'absence de programmes tels que NEXUS et EXPRES, une personne arriverait à la frontière où le douanier la verrait pour la première fois. Le douanier ne sait rien de la personne, mais doit l'évaluer en se basant sur un très bref contact pour déterminer si elle constitue un risque. Nous avons conçu NEXUS et EXPRES de concert avec les Américains, parce que les deux pays croient que ces programmes apportent une amélioration. Les vérifications de sécurité se font à deux niveaux, des deux côtés de la frontière, pour chaque personne qui présente une demande. Il y a également une entrevue personnelle avec les demandeurs. Le point de vue des deux gouvernements est que ces programmes assurent un niveau de sécurité plus élevé, par suite de notre connaissance des personnes en cause, que si nous n'avions aucun programme en place et que nous permettions aux gens d'arriver tout simplement à la frontière.

Le taux d'interception, dans le cadre de ces programmes, est faible. Si l'on passe à un niveau d'alerte plus élevé, il est possible d'approfondir les vérifications effectuées afin d'augmenter le niveau de sécurité de chacun des programmes en cause.

Dans la planification basée sur la gestion des risques, on compare le risque d'une initiative par rapport au risque qui existerait en l'absence de cette initiative. Dans ce cas, il s'agirait du risque à courir si on laissait les gens arriver tout simplement à la frontière sans disposer de renseignements quelconques à leur sujet.

Le président: Je comprends ce que vous dites, monsieur Flack. Toutefois, compte tenu du volume extrêmement élevé dont vous venez de parler et des effets extraordinaires que la frontière a sur l'économie canadienne, j'ai l'impression que la façon logique de procéder consiste à dire qu'il y aura inévitablement un problème à un moment donné et de concevoir un plan à mettre en œuvre dans ce cas. Je veux donc savoir si vous avez un tel plan.

M. Fonberg: Permettez-moi de m'assurer que j'ai bien compris la question. Nous allons supposer que, dans le cadre du programme NEXUS ou EXPRES, une personne passe la frontière avec un véhicule bourré d'explosifs ou d'autre chose, et qu'une fois cela découvert, le département de la Sécurité intérieure dise: «Nous allons couper ce programme.»

Vous demandez donc: quel plan allons-nous mettre en œuvre dans ce cas?

Nous aimerions bien avoir un engagement absolument catégorique nous garantissant que les programmes ne seront jamais annulés, à moins que quelque chose d'autre ne se produise sur le plan de l'évaluation des risques. Par exemple, un organisme de renseignement peut apprendre soudain que des personnes inscrites à l'un des deux programmes vont passer la frontière avec quelque chose d'interdit. Je peux imaginer des situations de ce genre, dans lesquels on dira: «Nous allons jeter le filet.»

Je ne connais pas bien le secteur de la sécurité, mais voici comment ils fonctionnent. Il y a le renseignement et la mise en œuvre. Les deux discutent et s'entendent sur un plan.

Encore une fois, nous avons consacré presque un an à essayer de bâtir la confiance dans l'examen de sécurité prévu dans les programmes justement pour prévoir cette éventualité. Vous parler d'un événement dont la probabilité est faible. Ces programmes sont conçus pour tenir compte dans une certaine mesure de tels événements. Pouvons-nous prévoir si les Américains vont annuler les programmes? Non.

J'ajouterai que nous sommes raisonnablement certains que ces programmes se révéleront robustes et souples et résisteront à des changements généraux de l'évaluation du niveau de la menace des deux côtés de la frontière. Toutefois, les scénarios possibles concernant les événements à faible probabilité sont tellement nombreux qu'il est impossible de savoir d'avance.

Le sénateur Banks: Quand on se sert d'antibiotiques pour tuer des microbes, il est naturel pour ces derniers de chercher des moyens d'y survivre. Il en est de même pour les méchants. Aussitôt qu'on a comblé une lacune ou qu'on a trouvé un nouveau moyen de les empêcher d'agir, ces gens vont naturellement essayer de le contourner.

Si j'avais quelque chose à passer en contrebande d'un côté ou de l'autre de la frontière, je m'adresserais à l'une de ces sociétés inscrites à un programme intelligent, qui ont des chauffeurs approuvés, parce que je saurais que ces chauffeurs peuvent passer la frontière sans que personne ne contrôle leur camion. Je trouverais un moyen de placer ma marchandise à bord du camion. Par conséquent, y a-t-il des contrôles effectués au hasard? Quelle est leur fréquence?

M. Fonberg: Oui. Je ne connais pas la fréquence des inspections, mais n'importe quel voyageur inscrit au programme NEXUS peut être arrêté à la frontière et fouillé. Il ne s'agit pas d'un permis de passage automatique. Chaque fois qu'on dispose de renseignements ou qu'on a un tuyau, d'un côté ou de l'autre...

Le sénateur Banks: Y a-t-il en fait des contrôles effectués au hasard?

M. Fonberg: Il faudrait demander à l'ADRC, mais je suppose qu'il y en a, justement pour cette raison.

Le sénateur Banks: C'est plus compliqué maintenant. Nous avons le Groupe de travail sur les frontières, le Forum sur la criminalité transfrontalière Canada-États-Unis, les EIPF, et cetera.

Je crois que vous n'étiez pas présent quand nous avons interrogé nos derniers témoins. Nous demandons constamment: «Qui est responsable?» Certaines d'entre nous ont beaucoup de doutes sur les réponses qu'on nous donne. Y a-t-il vraiment quelqu'un qui soit responsable? Pourriez-vous nous fournir, peut-être plus tard, un organigramme montrant les EIPF, le Forum sur la criminalité et le Groupe de travail sur les frontières? Dites-nous qui relève de qui et comment le tout est coordonné. Dites-nous qui est responsable des inspections au hasard sur les camions EXPRES qui passent à la frontière.

Nous avons posé ces questions à plusieurs personnes. Ils nous disent toujours de nous adresser à quelqu'un d'autre pour obtenir une réponse.

Comme le président l'a mentionné, nous avons besoin de votre aide pour nous préparer avant d'aller à Washington. La dernière fois que nous y étions, nous avons trouvé utile de faire la lumière sur certains des mythes que beaucoup d'Américains nourrissent à notre sujet, y compris des gens haut placés qui auraient dû être plus avertis, mais qui ne le sont pas.

Vous en savez plus que nous sur les questions frontalières et sur les fausses idées qu'on nous lancera à la tête à Washington. Vous en avez sûrement entendu parler.

Comme vous dirigez le Groupe de travail sur les frontières, je suppose que vous êtes des experts de la sécurité frontalière. Quels sont les problèmes les plus importants? Quels sont vos pires cauchemars? Quels sont les aspects qui causent le plus d'ennuis parmi les questions frontalières qui demeurent en suspens? À qui devons-nous faire attention en particulier?

M. Fonberg: Je vais demander à mon collègue de vous répondre également, sénateur. Eh bien, cela dépend de la personne à qui vous parlez.

Le président a évoqué certain des mythes qui existent. Les États-Unis sont un grand pays. Les contacts du groupe de travail sont généralement limités au gouvernement et à la Maison-Blanche.

Comme vous le savez, il y a des mythes qui se perpétuent et qui sont repris au Congrès et dans les médias. Ces mythes sont souvent sans fondement.

Le sénateur Banks: C'est exact. Toutefois, nous allons rencontrer des gens de la Maison-Blanche et du gouvernement des États-Unis. C'est exactement de cela que je parlais.

M. Fonberg: Je comprends. Je crois que vous constaterez que les préoccupations au sein de l'administration se situent dans des limites de tolérance acceptables pour nous. Nous avons en général d'excellentes relations professionnelles avec les membres de l'administration et le personnel de la Maison-Blanche.

Quels sont les problèmes? Indubitablement, il y en a. Avons-nous réglé l'année dernière la question de savoir si les Américains peuvent être armés quand ils viennent au Canada? Oui, nous l'avons fait. Ce fut un problème difficile. Nous avons trouvé des solutions de rechange que toutes les parties respectent.

Y a-t-il des problèmes difficiles? Les entrées et sorties en font partie. C'est un problème difficile pour l'administration.

Le président: Voulez-vous parler de la collecte, chez nous, de leurs formulaires d'accès?

M. Fonberg: Il s'agit de l'obligation imposée par le Congrès de suivre l'entrée et la sortie de tous les ressortissants étrangers et des mécanismes qu'il faut mettre en place à cet effet d'ici 2005.

Le sénateur Banks: Il était également entendu au Congrès qu'il n'y aurait pas de documents supplémentaires à cette fin.

M. Fonberg: Les Américains se serviront de documents existants, selon ce qu'ils jugeront utile à ce moment. Ils détermineront les documents requis, y compris les passeports, les visas, et cetera. Ils ont le droit de modifier ces exigences. C'est ce que nous croyons savoir pour le moment.

Pour ce qui est de la Maison-Blanche et de l'administration, ce sont quelques-uns des problèmes difficiles auxquels on s'attaque de bonne foi. Vous parlerez à des dirigeants du Congrès qui vous tiendront au courant de leurs autres préoccupations. Vous entendrez parler de la frontière canadienne «poreuse» et de notre système de reconnaissance du statut de réfugié. Pour eux, ce sont des sujets sur lesquels il est facile de marquer des points et de faire des manchettes. Toutefois, quand on va au fond des choses, on constate que les préoccupations du gouvernement sont beaucoup moins nombreuses que celles du Congrès.

Le vice-premier ministre s'est entretenu avec la sénatrice Clinton il y a un an de la question de savoir si des Canadiens ont participé aux attentats terroristes. Après le 11 septembre, la rumeur selon laquelle ces gens étaient venus du Canada s'est transformée en mythe. La réponse était donc non.

Le sénateur Banks: Elle ne semble pourtant pas très convaincue.

M. Fonberg: Vous avez raison, mais il n'existe pas la moindre preuve du contraire.

Qu'aurez-vous à affronter? Est-il possible de convaincre des gens qui ne veulent pas écouter certaines choses? Je ne sais pas comment répondre à ces questions.

D'autres questions pourront être soulevées aux États-Unis. En un sens, il est vraiment très facile d'en parler, mais beaucoup plus difficile d'y répondre.

Il y a la question du périmètre de sécurité. Quand on considère les moyens que nous mettons en œuvre pour protéger le Canada et les moyens auxquels les Américains recourent pour protéger les États-Unis, on s'aperçoit que nous faisons conjointement des choses qui vont au-delà du périmètre, mais qui semblent agir au niveau du périmètre.

Beaucoup de choses se passent à la frontière terrestre, qui constitue le meilleur endroit d'interception. Il y a aussi des choses qui se passent aux ports.

Vous entendrez probablement beaucoup parler du périmètre. C'est un sujet qui est souvent revenu sur le tapis dans nos rapports avec Washington depuis le 11 septembre. Cela étant dit, il n'y a pas de solution facile, comme en témoigne le plan d'action en 30 points.

Il serait utile de développer cette notion de gestion des risques et son application au trafic frontalier du XXIe siècle, compte tenu des menaces présentes.

Le président: En réalité, nous croyons qu'il existe une bonne entente entre les deux gouvernements. Nous essayons de nous préparer, grâce à ces séances d'information, à affronter les préoccupations du Congrès. Nous nous attendons à avoir des réunions avec huit comités distincts. Nous avons demandé à chacun des groupes qui s'est présenté devant nous de nous aider à faire des comparaisons, de nous parler de ce qu'il fait et de ce que nous faisons pour que nous puissions répondre aux mythes. Pouvez-vous nous aider, peut-être après la séance, en fournissant une liste des mythes dont vous avez entendu parler et des réponses que nous pourrions y donner?

M. Fonberg: Très volontiers.

Le président: Si vous pouviez communiquer ces renseignements à notre greffière, nous vous en serions très reconnaissants. À en juger d'après les réunions que nous avons eues avec six des huit comités en question l'année dernière, nous nous attendons à ce que des questions de ce genre soient posées. Il est donc utile pour nous d'être avertis d'avance des sujets qui peuvent être soulevés. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que les listes que nous recueillons comportent beaucoup d'éléments identiques. Nous ne nous opposons pas du tout à ce que trois ou quatre ministères nous parlent du même problème. Nous voulons être bien préparés. Nous vous serions donc très reconnaissants.

M. Fonberg: Nous serons heureux de vous aider. Si nous avions la liste des comités du Congrès que vous devez rencontrer, nous pourrions adapter encore mieux nos réponses.

Le président: La greffière vous donnera cette liste à la fin de la séance.

Le sénateur Banks: Pourriez-vous inclure la question de la dotation à la frontière? C'est une question souvent abordée par les membres du Congrès qui croient que nous n'avons personne à la frontière et que nous ne faisons rien. Il serait utile pour nous de connaître les faits car je suis persuadé que nous nous débrouillons très bien.

À quel point sommes-nous près de réaliser l'opération relative au tiers pays sûr? Je sais que l'accord est signé et que nous discutons de sa mise en œuvre. Je sais qu'il y a des réunions et que nous disons que nous allons le faire. Où en sommes-nous à l'heure actuelle?

M. Fonberg: Comme vous l'avez dit, l'accord est signé. Les deux parties en sont au stade de la mise au point et de la promulgation des règlements.

M. Flack: Nous avons publié une ébauche de notre règlement en octobre. Nous nous attendons à ce que les États- Unis le fassent à brève échéance de leur côté. Nous espérons que la mise en œuvre de l'accord sera choses fait cet été. M. Jean, du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, est le premier responsable à cet égard. Il doit comparaître cet après-midi. Il sera probablement en mesure de vous donner plus de détails.

Nous pouvons vous dire que cet aspect a été l'un des plus difficiles de la Déclaration sur la frontière intelligente. Aux États-Unis, certains groupes étaient très opposés à la signature avec le Canada d'une entente concernant le tiers pays sûr, partiellement parce que le flux net de réfugié est très largement en faveur du Canada, le nombre de personnes qui viennent au Canada en passant par les États-Unis étant très faible. À date cette année, près de 40 p. 100 de nos réfugiés sont des gens qui passent la frontière au Canada en provenance des États-Unis. Il a été très difficile d'amener les États- Unis à signer cet accord. Nous déployons beaucoup d'efforts et exerçons beaucoup de pressions pour en arriver au stade de la mise en œuvre. Nous espérons que ce sera fait cet été, mais vous aurez probablement plus de détails cet après-midi.

Le sénateur Banks: Allez-vous transmettre à la greffière les chiffres dont vous avez parlé?

M. Flack: C'est l'une des choses que nous comptons inclure dans le document concernant les mythes que nous produirons à votre intention.

M. Fonberg: Je crois que M. Bilodeau vous a écrit aujourd'hui pour vous transmettre des renseignements que vous lui aviez demandés lors de sa comparution. Nous mettrons cette information par écrit, mais je crois que vous la trouverez dans cette lettre.

Le président: La greffière m'a dit que M. Bilodeau avait téléphoné pour annoncer que les renseignements arriveraient aujourd'hui. En supposant que vous travaillez régulièrement sur ce dossier, il est possible que vous ayez entendu d'autres mythes.

M. Fonberg: S'il s'agit de mythes en général, c'est tout à fait vrai.

M. Flack: Pour vous donner un ordre de grandeur, je vous dirai qu'en 2002, le Canada a reçu 10 855 demandes de statut de réfugié de personnes ayant franchi la frontière terrestre. À notre connaissance, le nombre de personnes dans l'autre sens, c'est-à-dire qui sont passés aux États-Unis en venant du Canada, était inférieur à 220. Autrement dit, nous avons 10 855 dans la direction sud-nord et moins de 220 dans la direction nord-sud.

Pour 2003, nous avons eu jusqu'ici 7 450 demandes, dont 2 804 venaient de personnes en provenance des États-Unis. Sur le nombre total de demandes de statut de réfugié reçues au Canada, près de 38 p. 100 sont présentées par des personnes qui ont franchi la frontière terrestre avec les États-Unis. Nous croyons que l'accord est important. Nous pressons donc les Américains de le mettre en vigueur.

Le sénateur Banks: Vous avez parlé de l'accord concernant le tiers pays sûr. Certains milieux du Congrès des États- Unis ont beaucoup de doutes au sujet du commerce. Vous avez dit dans votre exposé que la sécurité du public et la sécurité économique n'étaient pas des objectifs incompatibles.

C'est très bien de le dire et très bien de le penser quand vous essayez d'atteindre l'objectif quand vous poursuivez. Toutefois, qu'avez-vous à répondre si je vous affirme que la sécurité du public et la sécurité économique s'excluent souvent l'une l'autre? Nous croyons que c'est le cas. Ces deux aspects s'opposent l'un à l'autre et sont une source de frictions. Chacun comporte des éléments qui entrent en conflit avec l'autre. Je prétends que l'objectif est louable, mais qu'il ne correspond pas à la réalité aujourd'hui.

M. Fonberg: Le 11 septembre, quand la frontière a été fermée évidemment pour des considérations de sécurité nationale et de sécurité du public, il n'a pas fallu longtemps pour que les gens se rendent compte que, sur le plan économique, leur gagne-pain était en jeu. Il y avait de longues files de camions dans le corridor Windsor-Detroit et à d'autres postes frontaliers. Il est vite devenu évident que les usines de l'industrie automobile couraient des risques à cause de leur modèle de livraison «juste à temps» des deux côtés de la frontière. Les considérations économiques sont devenues évidentes très rapidement, du côté américain aussi.

Oui, nous sommes plus tributaires du commerce que les Américains ne le sont. Cela n'empêche pas que 38 États américains ont le Canada comme premier partenaire commercial. Ce facteur s'est manifesté assez rapidement. Il n'a pas fallu longtemps pour comprendre que si nous adoptons un modèle dans lequel une forme de sécurité se substitue à l'autre, nous n'arriverons à rien. Nos échanges commerciaux ont pris une énorme importance pour le bien-être économique des deux pays. Dans l'approche de gestion des risques, nous devons aborder la sécurité du public d'une façon qui inspire la confiance des deux pays, certes, mais qui facilite aussi la libre circulation des voyageurs et des marchandises.

Y a-t-il des frictions? Oui. A-t-il été difficile de négocier le programme EXPRES et d'étendre le programme NEXUS au-delà de l'étape du projet pilote? C'est certain. Il a fallu convaincre les Américains de la nécessité d'avancer en se basant sur les renseignements recueillis pour en arriver à un modèle dans lequel on fait des inspections au hasard parmi les gens inscrits aux programmes et on concentre les ressources sur les personnes et les marchandises à risque élevé, en laissant passer les personnes et les marchandises à faible risque. Les responsables en sont rapidement venus à la conclusion que c'était un bon modèle. En réalité, le seul modèle.

J'admets volontiers qu'il y a constamment des frictions. Toutefois, au plus haut niveau, le président et le premier ministre, d'une part, et le gouverneur Ridge et le vice-premier ministre, de l'autre, ont convenu dès le début de l'étape de mise en œuvre que c'était la voie à emprunter. Je répète qu'il y a des frictions, mais elles se situent, à mon avis, au niveau des détails plutôt qu'au niveau d'un conflit entre la sécurité du public et la sécurité économique.

Le président: Est-ce que l'accord relatif au tiers pays sûr dépend d'autres approbations du Congrès?

M. Flack: M. Daniel Jean représente le ministère responsable de cet aspect. Je crois savoir qu'il s'agit d'un accord conclu au niveau administratif qui ne nécessite pas l'approbation du Congrès. Toutefois, comme vous le savez, le Congrès peut trouver des moyens d'exercer une influence sur les décisions qui se prennent en dehors de son champ de compétence. Quoi qu'il en soit, aucune approbation officielle n'est nécessaire, contrairement au cas d'un traité qui nécessiterait l'aval du Sénat.

Le président: Le financement nécessaire est-il en place? Le Congrès s'en est-il occupé?

M. Flack: Daniel Jean pourra sans doute vous répondre. Vous avez raison, des fonds seront nécessaires pour s'occuper des nombres supplémentaires de demandeurs d'asile et de statut de réfugié.

Le président: Est-ce que ce serait là le moyen traditionnel que le Congrès utiliserait pour exprimer son mécontentement, s'il souhaitait le faire?

M. Flack: Chaque pays a l'obligation de s'occuper des réfugiés qui arrivent chez lui. C'est la raison pour laquelle le financement n'est pas tributaire. S'il y a une augmentation soudaine du nombre de réfugiés qui arrivent aux aéroports, par exemple, l'ancien USINS, aujourd'hui département de la Sécurité intérieure, fera le nécessaire. Ce n'est pas une rubrique classique du budget, car il faut qu'elle réponde au fur et à mesure à une demande qui, vous en conviendrez, peut beaucoup fluctuer.

Le sénateur Forrestall: Nous étions récemment dans la région de Windsor-Detroit, où nous avons pu observer le fonctionnement de ces programmes. C'était intéressant. En regardant passer les camionneurs, nous avons pu constater que beaucoup étaient accompagnés de leur femme. Il y a probablement un certain nombre de couples qui exploitent ensemble une entreprise, ou bien il s'agissait simplement de conjoints qui étaient venus tenir compagnie au chauffeur. Quoi qu'il en soit, les chauffeurs n'avaient aucune difficulté parce qu'ils avaient des demandes approuvées et les papiers voulus. Le douanier posait quelques questions aux passagers. Dans un cas, nous avons pu voir que la femme d'un chauffeur a été interrogée pendant quelques minutes. Cela n'a pas été long, mais les camions qui suivaient ont été obligés de s'arrêter et d'attendre. Par contre, les camionneurs voyageant seuls devaient à peine s'arrêter. L'information les concernant s'affichait à l'écran et ils pouvaient repartir 10 à 15 secondes plus tard.

Un chauffeur a demandé si sa femme pouvait obtenir le même genre de permis que lui-même. La réponse a été négative, les permis étant réservés aux chauffeurs et aux co-chauffeurs. Dans ce cas particulier, j'ai eu l'impression que le camion avait peut-être 32 roues, mais cela n'a pas d'importance. Les femmes peuvent conduire de gros camions. Dans ce cas, je n'avais pas l'impression qu'il s'agissait d'un couple exploitant une entreprise. C'était simplement une femme qui accompagnait son mari, mais sa présence a ralenti la circulation, ce qui est contraire à l'objectif recherché.

Est-il possible d'examiner cette situation pour déterminer s'il n'est pas possible de délivrer un permis aux conjoints afin d'accélérer les choses?

M. Fonberg: Il n'y a pas de doute que nous pouvons examiner cette possibilité. Je suppose par ailleurs que le passager qui n'a rien à voir avec l'entreprise peut demander une carte NEXUS. Je ne sais pas comment cela fonctionnerait à la frontière, mais il y a deux programmes, EXPRES et NEXUS, qui permettent d'accélérer le passage.

Nous avons découvert un problème plus important: comment pouvons-nous optimiser l'infrastructure à la frontière? En effet, nous ne voulons pas que les camions inscrits aux programmes EXPRES soient pris derrière des véhicules qui ne le sont pas. Nous avons utilisé les 600 millions de dollars du Fonds sur l'infrastructure frontalière créé, je crois, dans le budget de décembre 2001. Les honorables sénateurs sont sûrement au courant de l'annonce conjointe Ontario-Canada relative aux 300 millions de dollars à consacrer à la région de Windsor. Cela nous permettra de commencer à penser à une meilleure infrastructure et à des postes frontaliers mieux conçus.

Les représentants de l'ADRC et des douanes pourraient vous parler interminablement de cette question. Même avec les programmes d'accélération de la circulation, l'absence d'une infrastructure adéquate et de voies de circulation bien dessinées peut annuler les avantages de ces programmes.

Le sénateur Atkins: Je voudrais ajouter que lorsque la passagère du camion a demandé si elle pouvait obtenir la même carte, on lui a répondu qu'elle devait être titulaire du même genre de permis que le chauffeur du camion.

À l'arrivée du camion, l'agent a demandé au chauffeur de couper son moteur. C'est un autre détail qui ralentit l'ensemble du système.

M. Fonberg: Nous allons sûrement examiner cette question, sénateur.

Le sénateur Atkins: C'était juste une observation.

Le sénateur Cordy: Vous avez mentionné tout à l'heure l'obligation de suivre les entrées et les sorties qui est imposée par le Congrès. J'admets volontiers qu'il sera difficile d'organiser la logistique. Comment faites-vous pour décider de cette logistique? Le Congrès des États-Unis ayant donné ses instructions, comment faites-vous pour trouver des moyens pratiques et pour rendre le programme moins encombrant? Je ne sais pas grand-chose à ce sujet, mais j'ai l'impression a priori que le processus doit être très compliqué.

M. Fonberg: C'est une impression que beaucoup d'entre nous partagent. Le processus pourra effectivement être très encombrant. Comme vous l'avez noté, le programme est imposé par le Congrès. La plus grande préoccupation découle du fait qu'au départ, les Américains vont établir l'infrastructure de sortie de leur côté de la frontière. Cela peut très sensiblement perturber la circulation à la frontière, car le processus implique que la même personne soit contrôlée deux fois. Elle sera arrêtée en sortant des États-Unis pour qu'on puisse récupérer ses documents, puis elle sera arrêtée à nouveau à son entrée au Canada. La personne aura donc à s'arrêter deux fois dans un espace géographique restreint.

Nous croyons que c'est ainsi que le gouvernement américain voit les choses au départ. D'autres idées sont envisagées. Le vice-premier ministre et le secrétaire Ridge ont demandé aux responsables canadiens et américains de commencer à discuter des options et des modèles susceptibles d'éviter ce genre de perturbations. Aussi bien Manley que Ridge ont déclaré en public que l'objectif doit être de minimiser les effets négatifs et les perturbations de la circulation frontalière.

Il y a un modèle qui est actuellement en discussion... Que signifie le sigle DMIA?

M. Flack: Data Management Improvement Act (Loi sur l'amélioration de la gestion des données).

M. Fonberg: Qui sont ces gens? Ce modèle semble être l'œuvre de beaucoup de gens. Est-ce que le gouvernement fédéral est mêlé à cela?

M. Flack: Oui.

M. Fonberg: Les responsables de l'administration fédérale ainsi que les associations de camionnage et d'exportateurs ont examiné un modèle dans lequel les renseignements de sortie américains seraient en fait recueillis du côté canadien de la frontière, ce qui éviterait d'avoir à établir toute une infrastructure du côté américain. Ce modèle est actuellement en discussion. Nous parlons à nos homologues des moyens de minimiser les perturbations qu'introduira le programme d'entrée-sortie.

Le sénateur Cordy: Ce sera quand même difficile.

M. Fonberg: Sans doute.

Le sénateur Cordy: J'ai trouvé intéressant de lire le rapport d'étape que vous avez inclus dans la documentation. Il y a eu d'importantes réalisations depuis le 11 septembre. Il serait vraiment utile que les Canadiens soient au courant de certaines de ces réalisations.

Nous venons de parler d'une initiative que le Congrès des États-Unis veut mettre en œuvre. Y a-t-il des politiques ou des initiatives que nous souhaitons convaincre les Américains d'adopter? Avez-vous un message que nous pouvons transmettre à Washington lorsque nous y serons la semaine prochaine?

M. Fonberg: Je vais céder la parole à M. Flack dans un instant. Nous serions ravis de voir réaliser une série complète de ces programmes d'accélération de la circulation, comme EXPRES et NEXUS, pour qu'ils se généralisent dans toute la mesure du possible. Nous aimerions beaucoup en outre voir promulguer le règlement concernant le tiers pays sûr.

M. Flack: M. Fonberg m'a devancé, surtout en ce qui concerne le règlement concernant le tiers pays sûr. Nous avons travaillé très fort pour essayer de l'obtenir. Toute intervention de votre part serait très appréciée. C'est un sujet dont les Américains eux-mêmes reconnaissent l'importance. Ils ont beaucoup de difficulté à expliquer pourquoi cela ne se fait pas dans une optique d'équité à l'égard des personnes qui arrivent chez eux.

M. Fonberg a raison. Dans l'administration américaine, les initiatives telles qu'EXPRES et NEXUS sont considérées comme des programmes destinés à augmenter la confiance. Sans ces programmes, ils auraient affaire à des inconnus qui arrivent à la frontière. Ils auraient à faire subir aux gens un interrogatoire d'une trentaine de minutes et à contrôler leur casier judiciaire. Il serait impossible de le faire pour tout le monde. Voilà un cas où nous pouvons vraiment parler du renforcement de la sécurité aussi bien économique que nationale, parce que ces programmes permettent de disposer de beaucoup plus de renseignements sur les gens qui veulent passer à la frontière.

Du côté américain, il y a eu des problèmes au sujet du financement nécessaire pour mettre en œuvre ces programmes aussi rapidement que possible. C'est le genre de dossier dans lequel vous pouvez nous aider en glissant un mot en notre faveur à l'oreille des législateurs américains.

Le président: Pour revenir à la question soulevée par le sénateur Cordy, monsieur Fonberg, est-ce que le meilleur argument contre les mesures législatives adoptées par le Congrès concernant les entrées et les sorties serait l'infrastructure même que les Américains auraient à mettre en place?

Quand je vous ai entendu dire que l'une des possibilités envisagées consiste pour les douanes canadiennes à recueillir les formulaires pour les remettre aux Américains, j'ai l'impression que vous me dites: «C'est très bien, nous allons réserver tant de personnes par an pour prendre ces formulaires et les rendre aux Américains et nous allons aussi nous occuper des gens qui arrivent à la frontière sans avoir le formulaire de sortie nécessaire.»

Dans une optique de négociation, ne serait-il pas préférable de dire: «Écoutez, si vous adoptez une loi de ce genre, vous allez devoir payer les gens qui prendront les formulaires. De plus, qu'allez-vous faire du touriste américain qui veut passer un week-end à Québec ou ailleurs? Allez-vous lui dire de rentrer chez lui en Ohio?»

Pourquoi offrons-nous de recueillir les formulaires? Pourquoi cette proposition est-elle à l'étude à ce stade? Pourquoi ne commençons-nous pas par leur dire: «Avez-vous calculé le coût? Votre idée a l'air très bonne, mais avez- vous eu l'idée de ce qu'elle va coûter? Va-t-elle marcher? Qu'allez-vous faire s'il y a un taux d'échec de 1 ou 2 p. 100 qui se traduira par des centaines de milliers de personnes bloquées à la frontière?»

Que pensez-vous de tout cela?

M. Fonberg: Les points que vous évoquez sont en fait les mêmes que ceux qui ont motivé le rejet de cette proposition par les Américains la dernière fois qu'elle a été présentée — c'était l'article 110 — vers la fin des années 90. Ils ont compris à quel point ce serait lourd. À ce moment, cependant, ils n'étaient pas confrontés aux mêmes menaces qu'aujourd'hui. Les localités, les gouverneurs et les maires des régions frontalières s'y sont tous opposés. En fin de compte, ils ont exercé des pressions suffisantes pour que la proposition soit rejetée.

Cette fois-ci, si j'ai bien compris, le financement sera accordé. Comme nous le savons tous, la sécurité du public passe avant beaucoup d'autres choses à Washington en ce moment. Les délais fixés par ordre du Congrès sont extrêmement serrés. Nous croyons que les Américains vont devoir très bientôt prendre des décisions à ce sujet. Lorsqu'ils commenceront à le faire, ils vont adopter de façon définitive des modèles qui pourraient bien être très désavantageux pour nous. Même si rien n'est sérieusement envisagé en ce moment, beaucoup de modèles sont examinés. Dans ce groupe de travail — c'est un document public, si j'ai bien compris —, le côté canadien réunit des documents. Le vrai défi à ce stade est de comprendre que le gouvernement américain, encore une fois sur les ordres du Congrès, semble très décidé à mettre en œuvre un système de repérage des entrées-sorties.

Cela étant dit, nous avons deux choix. À l'heure actuelle, les Américains ont une assez bonne idée de la situation et ont déjà calculé certains coûts. Ils savent que se sera coûteux. Encore une fois, le Congrès est disposé à leur accorder les crédits nécessaires.

Le président: Il n'y a pas de doute que la sécurité passe avant n'importe quoi à Washington depuis le 11 septembre. Sans compter le coût, il y a les énormes inconvénients que devront subir non seulement les Canadiens, mais les Américains aussi. Ces inconvénients sont plus difficiles à quantifier. J'ai du mal à comprendre, et les autres membres du comité aussi, la réaction des États frontaliers.

Nous avons parlé de la sénatrice Clinton plus tôt, mais ce n'est pas seulement elle. Le gouverneur Pataki a engagé 70 agents de plus pour renforcer la police d'État à la frontière. Si le premier ministre Eves ajoutait 70 agents à la police provinciale de l'Ontario pour patrouiller la frontière, nous dirions tous qu'il est fou. De toute évidence, un certain nombre de politiciens des États frontaliers croient qu'il y a un problème. Pourquoi?

M. Fonberg: Je veux m'assurer d'avoir bien compris. Nous parlons d'entrées et de sorties. En ce moment, le groupe des gouverneurs des États du nord considère que c'est un problème.

Le président: Ce sont pourtant des gens qui s'occupent beaucoup d'échanges commerciaux. Leurs électeurs vont et viennent dans la région des Mille-Îles. Ils connaissent les Canadiens. Les équipes de hockey de la ligue junior jouent des deux côtés de la frontière. Il y a un millier d'enfants à Cornell.

M. Fonberg: Je n'ai pas d'observations particulières à faire au sujet du gouverneur Pataki.

Le président: Je parle de lui pour illustrer les préoccupations des États frontaliers, qui normalement nous sont favorables. Pourquoi n'ont-ils pas la même réaction aujourd'hui?

M. Flack: Nos alliés traditionnels, dans les États qui nous ont appuyé lors de l'affrontement concernant l'article 110, ne disent pas qu'ils approuvent la nouvelle approche. C'est plutôt que, dans l'environnement actuel, ils ne sont pas disposés à exprimer la même opposition publique à la nouvelle approche.

M. Fonberg a mentionné le groupe de travail DMIA composé de représentants de l'industrie et du gouvernement, qui cherche à déterminer comment appliquer efficacement un système d'entrée-sortie. Même le Congrès a jugé utile d'inscrire dans la loi des dispositions selon lesquelles des efforts doivent être faits pour appliquer le système sans entraver indûment la circulation des marchandises et des voyageurs.

La partie du groupe de travail qui s'occupe de la frontière nord a recommandé un système à deux volets. M. Fonberg vous a parlé du premier, dans le cadre duquel les douaniers canadiens pourraient recueillir les données de sortie. Le second volet prévoyait d'exempter les citoyens canadiens et américains. C'est un modèle proposé par des intervenants américains, qui pourrait rallier certains appuis. Comme vous le savez sans doute, monsieur le président, la loi elle-même n'inclut pas explicitement les citoyens canadiens. Elle établit une distinction entre les pays dont les ressortissants doivent obtenir un visa et les autres. Les Canadiens se situent dans une catégorie unique parce qu'à l'heure actuelle, ils n'ont à produire aucun document particulier pour se rendre aux États-Unis, par suite d'un accord entre les deux pays.

Vous avez dit qu'à votre avis, les États-Unis vont hésiter devant le prix d'un tel système et reconnaître, comme vous, que même un taux d'échec de 1 p. 100 risque de bloquer à la frontière des centaines de milliers de personnes. Je suis bien d'accord avec vous. Toutefois, nous avons l'impression, comme ceux qui ont participé à la bataille de l'article 110, que l'humeur des Américains a changé du tout au tout. Le financement sera accordé, même s'il est énorme. Le gouvernement, ou plutôt le département de la Sécurité intérieure a commencé à chercher des terrains pour y construire les postes de sortie.

Nous avons l'impression que l'option de départ est très réelle et, pis encore, que pour respecter l'échéance de 2005 à tous les postes d'entrée, c'est en 2004 que se situe l'échéance pour les 50 postes terrestres les plus importants, qui comprennent des postes canadiens. Si le système doit être opérationnel dans moins de deux ans et si les Américains ont l'impression que l'option de départ est celle qui sera adoptée, ils vont commencer à agir tout de suite.

Nous devons donc nous demander combien de temps il nous reste. Si, à un moment donné, les États-Unis choisissent l'option de départ, nous allons devoir le faire aussi. Les discussions actuelles ont pour objet de nous permettre de trouver des solutions de rechange qui faciliteraient la circulation des voyageurs et des marchandises, tout en répondant aux exigences de sécurité des États-Unis.

Le président: Lorsque l'ambassadeur Celluci a comparu devant le comité au début de ce mois, il a semblé favorable à l'idée d'exempter les Canadiens et les Américains. On peut penser qu'il parlait au nom du gouvernement américain.

M. Flack: Nous l'espérons sincèrement. Le groupe de travail a été créé par le Congrès, dans le sens qu'il a été chargé de cette activité. Nous croyons qu'il est possible d'en arriver à une position qui sera acceptée par Washington et peut- être par le Congrès. Nous n'en sommes qu'aux premiers stades des discussions.

Le président: Quelle est la position du Canada au sujet du système d'entrée-sortie?

M. Fonberg: C'est un modèle qui n'introduit qu'un minimum de perturbation et qui ne revient pas sur le plan d'action pour une frontière intelligente.

Le président: Pouvez-vous être plus précis sur ce point, monsieur Fonberg? Parlez-vous d'exempter les Canadiens?

M. Fonberg: C'est l'option que nous préférons entre toutes. Nous pouvons passer par tous les scénarios possibles, depuis l'option de départ américaine, qui n'est pas très favorable, jusqu'à un modèle qui exempte les Canadiens et les Américains.

Le président: Est-ce que c'est cette position que nous devrions avancer en premier?

M. Fonberg: Absolument.

Le sénateur Atkins: Les Américains s'y opposent-il à cause des documents falsifiés?

M. Fonberg: Parlez-vous de l'exemption des Canadiens et des Américains?

Le sénateur Atkins: C'est exact.

M. Fonberg: Je ne suis pas sûr. Je vois qu'il hoche la tête.

Le président: Précisons, pour le compte rendu, que M. Flack a hoché la tête.

M. Flack: Nous attirons l'attention de nos homologues américains sur certaines lois, depuis le Patriot Act jusqu'au très récent Enhanced Border Security and Visa Entry Reform Act. Les citoyens américains ne sont pas assujettis aux exigences relatives à l'entrée-sortie.

Les gens peuvent aussi présenter de faux papiers américains puisque les citoyens des États-Unis n'ont pas à montrer un passeport quand ils se présentent à un poste frontalier terrestre. La personne qui peut frauduleusement prétendre être canadienne en montrant un acte de naissance falsifié peut tout aussi bien se prétendre américaine en présentant un certificat de naissance délivré aux États-Unis. Tant que les citoyens américains sont exemptés du programme, il y aura des problèmes de sécurité sur le plan de la gestion de l'intégrité des documents présentés par les gens qui arrivent à la frontière. Or la catégorie la plus importante se compose des gens qui n'ont même pas un titre de voyage sûr sous forme d'un passeport, sans parler d'un document portant une identification biométrique.

Si l'on maintient le système actuel dans lequel les citoyens canadiens n'ont pas à présenter d'autres documents, les risques resteraient les mêmes que ceux que posent les citoyens américains dans le cadre du programme d'entrée-sortie.

Le sénateur Smith: Je sais qu'on vous demande souvent si vous avez prévu tous les scénarios d'horreur possibles. Bien sûr, vous ne pouvez pas le faire. C'est impossible. Comment peut-on veiller à ce que les gouvernements fassent tout ce qu'il y a à faire de la façon la plus économique possible?

L'analogie à laquelle je pense, c'est le problème de l'an 2000. Nous savons aujourd'hui que des millions sinon des milliards de dollars ont été littéralement jetés par la fenêtre pour prévenir toutes sortes de problèmes qui ne se sont jamais matérialisés.

Je ne suggère pas qu'il n'y a pas de problème réel dans ce cas, mais après un certain temps, après qu'on a essayé diverses choses, comment vous assurez-vous que tout se fait d'une façon économique? Comment est-il possible d'éviter une réaction paranoïaque à une lointaine possibilité qu'on ne pourra de toute façon jamais prévenir? Comment réagissez-vous face à un tel défi?

M. Fonberg: La réponse à cette question se fonde en réalité sur la gestion classique des risques. Il faut comprendre la nature de la menace, la probabilité de l'événement appréhendé ainsi que le coût, les conséquences et l'impact que produirait cet événement. C'est un modèle qu'on peut appliquer très largement dans ce cas particulier. Une fois qu'on a déterminé la probabilité de l'événement ainsi que son impact ou ses effets, il faut s'assurer, d'une manière assez classique, que chaque dollar consacré à la solution du problème est dépensé d'une manière efficace. De multiples mécanismes de contrôle permettent de le faire dans le contexte des dépenses gouvernementales. Il est possible d'appliquer ce raisonnement au 11 septembre et de se demander combien il aurait fallu payer pour prévenir ces attentats. C'est une approche classique de gestion des risques.

Il n'y a que quelques questions à se poser: à quel point comprenons-nous la nature de la menace? À quel point comprenons-nous les conséquences associées à une probabilité non nulle que l'événement appréhendé se produise? Comment faut-il financer les programmes à mettre au point pour prévenir cet événement?

Le sénateur Banks: Si on posait aujourd'hui la question de savoir combien nous aurions payé pour éviter le 11 septembre, quelle serait la réponse? Il n'y a pas de réponse. Personne ne pourrait répondre à cette question. Du moins, je ne le crois pas. La gestion des risques impose de quantifier une situation de ce genre et de dire: «Pour empêcher ceci ou cela d'arriver, nous sommes disposés à dépenser tant de millions ou de milliards de dollars.» Si la question est de savoir combien les Américains seraient disposés à payer pour remonter dans le temps et empêcher le 11 septembre de se produire, la réponse est qu'il n'y a rien qu'ils refuseraient de dépenser pour le faire. N'est-ce pas le cas? Avez-vous une technique de gestion des risques qui puisse produire une réponse à cette question?

M. Fonberg: Ce que je voulais dire, c'est qu'on pourrait remonter dans le temps bien avant le 11 septembre et se poser la question dans un contexte de gestion des risques. Vous savez que les Américains se sont posé beaucoup de questions en rétrospective sur l'information recueillie et sur son échange dans les milieux du renseignement. On s'est beaucoup demandé si l'information a été transmise d'une manière adéquate pour tenter de prévenir l'événement.

Le point où je veux arriver est le suivant: si nous remontons dans le temps pour déterminer comment agir pour prévenir ces attentats, comment aurions-nous conçu les programmes et les échanges de renseignements? C'est cette question qu'il faut poser plutôt que combien nous aurions été disposés à payer pour prévenir l'événement.

Le sénateur Smith: Le grand cabinet d'avocats que j'ai dirigé pendant des années avant de venir ici occupait 5 des 72 étages de l'immeuble First Canadian Place, le plus haut du Canada. Peu importe ce qu'ils vont dépenser — en fait nous avons des bureaux à New York —, s'ils reconstruisent le World Trade Center, ne serait-ce que par symbolisme, je n'envisagerais jamais de louer des locaux aux alentours du centième étage. Indépendamment de ce qu'ils dépenseraient, je ne le ferais pas. J'admets que le projet Libeskind qui a remporté le concours évoque la fierté et une certaine bravade, mais qui acceptera d'occuper les étages supérieurs? Pas moi, en tout cas.

Le président: Je crois savoir, sénateur Smith, que votre cabinet emménage dans des bâtiments d'un étage à Scarborough.

Le sénateur Smith: En fait, nous sommes au Centre Rockefeller, mais dans les étages du bas.

Le sénateur Atkins: Pour obtenir la carte NEXUS, il faut payer un droit de 80 $, n'est-ce pas?

M. Flack: Le droit est de 80 $ et la carte est valide pendant cinq ans.

Le sénateur Atkins: Hier soir, j'ai appris que des étudiants qui se rendaient à Buffalo avaient dû payer 3,50 $ pour entrer aux États-Unis et 3,50 $ pour revenir. De quoi s'agit-il?

M. Flack: Certains des ponts sont payants sur une base de recouvrement des frais. Il y a donc un péage quand on passe.

Le sénateur Atkins: Cela va jusque-là?

M. Flack: Les camions qui traversent le pont Ambassador doivent payer près de 40 $ pour passer aussi bien à l'aller qu'au retour.

Le sénateur Atkins: Je parlais d'un étudiant.

M. Flack: Il y a un péage pour les voyageurs qui traversent. Nous pouvons en vérifier le montant.

Le président: Pour revenir au tiers pays sûr, à quel point la question est-elle compliquée par la situation au Mexique et par les négociations que le président Fox a entreprises, mais qui ont été interrompues par la suite, au sujet des immigrants mexicains qui se trouvent clandestinement aux États-Unis?

M. Flack: Nous n'avons rien observé de particulier à ce sujet.

Le président: Et qu'en est-il de la symétrie des deux frontières?

M. Flack: C'est une question qui se pose depuis longtemps dans le dossier Canada-États-Unis et le dossier des frontières intelligentes. Comme vous le savez sans doute, une déclaration sur une frontière intelligente et un plan d'action en 22 points ont été signés par Tom Ridge et son homologue mexicain.

Le processus de la frontière intelligente Canada-États-Unis a avancé d'une façon très semblable à la progression des relations qui existent actuellement entre les douanes canadiennes et américaines ou entre les services canadiens et américains de citoyenneté et d'immigration. Autrement dit, les relations bilatérales sont très denses et très étroites. La frontière mexicaine et la frontière canadienne ont toujours été traitées différemment. De ce fait, le plan d'action en 30 points est très rapidement mis en œuvre. Si l'on considère un programme comme EXPRES, qui n'en était qu'à l'étape du principe théorique en 2002, il est assez surprenant de constater que d'ici la fin de cette année, il sera en place à la totalité des six principaux postes frontaliers.

Vous avez raison de dire que, traditionnellement, les deux frontières ont eu des niveaux différents de sécurité et de facilitation. Elles ont toujours été différentes. La Déclaration sur une frontière intelligente ne fait pas exception à cet égard.

Pour ce qui est plus précisément de l'accord sur le tiers pays sûr, vous voudrez peut-être poser des questions aux témoins qui comparaîtront cet après-midi. Je n'ai pas connaissance de discussions ou de problèmes que nous ayons eus à cause d'une asymétrie perçue entre le Canada et le Mexique.

M. Fonberg: Il faut dire, monsieur le président, que dans les 18 mois pendant lesquels je me suis occupé de ce domaine, je ne me souviens pas que le Mexique ait été évoqué dans nos discussions bilatérales, notamment dans le contexte du plan d'action pour une frontière intelligente. Les entretiens concernant la frontière nord ont été essentiellement bilatéraux.

Le président: Nous nous attendons à en entendre parler au Congrès.

M. Fonberg: Parlez-vous de la dimension mexicaine du dossier?

Le président: Oui.

M. Fonberg: Je suis sûr que vous en entendrez parler. Je n'en serai pas surpris du tout. De toute évidence, c'est un sujet important à Washington. Dans le contexte du plan d'action pour une frontière intelligente, nous avons travaillé sur un plan strictement bilatéral, la dimension mexicaine n'ayant pratiquement pas été mentionnée au sujet du plan d'action Canada-États-Unis.

M. Flack: Dans le seul cas où le Mexique a été évoqué, les responsables américains disaient que certaines de nos initiatives pouvaient servir de modèles pour un éventuel programme relatif à la frontière mexicaine. En un sens, le Canada et les États-Unis vont régler les détails du programme. Quand le Mexique pourra coopérer plus pleinement, il se joindra nous. Par conséquent, nous n'avons parlé du Mexique qu'incidemment, pour dire que notre modèle pourrait servir ailleurs. Nous n'avons pas constaté des ralentissements attribuables à une asymétrie perçue des deux frontières.

Le président: Je vous remercie. Votre aide a été très précieuse pour le comité. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus et de nous avoir fourni ces renseignements.

J'attends avec intérêt l'information supplémentaire que vous nous transmettrez. La greffière m'a averti qu'elle avait communiqué à vos collaborateurs une liste des huit comités que nous devons rencontrer.

La séance est levée.


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