Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 12 - Témoignages de l'après-midi
OTTAWA, le lundi 17 mars 2003
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 13 h 10 pour examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada, et en faire rapport.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: C'est pour moi un plaisir de vous accueillir au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Le comité termine aujourd'hui ses séances d'information sur les relations canado-américaines, en prévision du voyage qu'il fera la semaine prochaine à Washington pour y rencontrer des membres du Congrès et de hauts fonctionnaires de l'administration américaine.
Je suis Ontarien et je préside ce comité.
Notre vice-président est l'éminent sénateur Mike Forrestall, qui représente la Nouvelle-Écosse et est au service des citoyens de Dartmouth depuis 37 ans, d'abord comme député, puis comme sénateur. Au cours de sa carrière parlementaire, le sénateur Forrestall a suivi les questions liées à la défense et a été membre de divers comités parlementaires concernant la défense, notamment le Comité spécial mixte sur l'avenir des Forces canadiennes institué en 1993.
Le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta, est un homme très connu des Canadiens car il était un musicien et un artiste accompli et polyvalent avant sa nomination au Sénat, en 2000. Le sénateur Banks est président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Ce comité examine actuellement la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
Le sénateur Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse, était une éducatrice accomplie et était très engagée dans l'action communautaire avant d'être nommée au Sénat, en 2000. Elle est également membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a publié dernièrement un rapport marquant sur les soins de santé et qui fait actuellement une étude sur la santé mentale.
Le sénateur Norman Atkins, de l'Ontario, est arrivé au Sénat en 1986 avec un solide bagage de connaissances dans le domaine des communications. Il a également été conseiller auprès de l'ex-premier ministre de l'Ontario, M. Davis. Le sénateur Atkins est membre de notre Sous-comité des affaires des anciens combattants du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Le sénateur Atkins est président du caucus conservateur du Sénat.
Notre comité est le premier comité sénatorial permanent ayant pour mandat d'examiner la sécurité et la défense. Au cours des 18 derniers mois, nous avons terminé plusieurs études, notamment le rapport intitulé «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense», une étude sur les principaux enjeux pour le Canada, qui a été déposé en février 2002.
Le Sénat a ensuite demandé à notre comité d'examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité. Jusqu'à présent, nous avons publié trois rapports sur divers aspects de la sécurité nationale: «La défense de l'Amérique du Nord: Une responsabilité canadienne» (septembre 2002), «Pour 130 $ de plus... Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes. Une vue de bas en haut» (novembre 2002) et «Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens» (janvier 2003).
Nous sommes en train d'évaluer la contribution fédérale aux efforts déployés par les hommes et les femmes qui sont les premiers à intervenir en cas d'urgence et de catastrophe dans n'importe quelle région du pays.
Au cours de ses récentes réunions, le comité s'est toutefois préparé en vue du voyage qu'il fera à Washington la semaine prochaine, en tenant une série de séances d'information sur les relations canado-américaines. Nous avons d'abord entendu un exposé de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) au sujet de sa participation aux relations frontalières canado-américaines et à la mise en oeuvre du Plan d'action en 30 points pour une frontière intelligente.
Ces séances ont été suivies de séances d'information sur le rôle et les capacités de la Garde côtière canadienne et par une séance de questions sur les relations canado-américaines en matière de renseignement avec le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).
Juste avant le récent congé parlementaire, le comité a entendu des témoignages sur la coordination des services de renseignement par le Bureau du Conseil privé (BCP) et sur la coopération entre le Centre de la sécurité des communications et ses pendants américains. Cette séance a été suivie d'une autre séance d'information du ministère du Solliciteur général sur la coopération entre le Canada et les États-Unis en matière de surveillance policière à la frontière.
Les audiences d'aujourd'hui porteront sur une mise à jour sur les politiques canadiennes en matière d'immigration et de demandeurs d'asile et leurs incidences sur les relations canado-américaines. Notre invité est M. Daniel Jean, sous- ministre adjoint du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
M. Daniel Jean, sous-ministre adjoint, Développement des politiques et des programmes, Citoyenneté et Immigration Canada: Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de faire un exposé sur nos programmes portant sur la sûreté et la sécurité publique. Je ferai mes observations liminaires in extenso pour qu'elles soient consignées au compte rendu. Ensuite, pour gagner du temps, je ne mentionnerai que les principaux points de mes notes.
En juin, vous avez rencontré ma collègue et prédécesseur, Mme Joan Atkinson, avec laquelle vous avez discuté de nos efforts. La plupart des points qu'elle a abordés sont encore valides. Je voudrais donc surtout vous parler de nos accomplissements depuis lors, face au défi de faciliter le mouvement des voyageurs, immigrants et réfugiés légitimes tout en réduisant le plus possible les risques d'abus de nos programmes d'immigration et de protection des réfugiés et en s'assurant que la sûreté et la sécurité des Canadiens ne sont pas compromises.
Lorsque Mme Atkinson a témoigné, elle vous a donné des informations sur la Stratégie des frontières multiples. Dans le contexte de l'immigration, une frontière est tout point situé le long du parcours d'un voyageur où l'on peut vérifier son identité. Il y a plusieurs points de contrôle. Je suis heureux d'annoncer que nos interlocuteurs américains ont maintenant, eux aussi, adopté cette stratégie. Le modèle servira de fondement pour des discussions plus poussées entre nos deux pays et pour des actions concertées. Essentiellement, la Stratégie des frontières multiples nous amène à regarder au-delà de notre frontière terrestre commune pour nous intéresser aux autres points de contrôle stratégique situés en deçà des frontières nord-américaines et à l'étranger.
Nous avons identifié les risques potentiels à chaque étape du voyage ainsi que les programmes et initiatives courants et nous avons tenté d'atténuer les risques à ces divers points de contrôle.
En ce qui concerne la gestion de la frontière et d'autres sujets liés à l'immigration, le Canada et les États-Unis ont des objectifs communs en matière de sécurité et font face aux mêmes défis. Notre coopération porte donc sur une vaste gamme de sujets liés à l'immigration. Nous avons une longue tradition de coopération fructueuse en ce qui concerne la gestion de la frontière, qui n'a cessé de se renforcer à la suite des tristes événements du 11 septembre. Comme vous le savez, le Plan d'action pour une frontière intelligente, signé en décembre 2001, a servi de catalyseur à une action concertée pour renforcer la sécurité de nos deux pays. Le plan d'action s'appuie sur quatre grands principes: le passage sécuritaire des gens, le passage sécuritaire des biens, une infrastructure sécuritaire accompagnée du partage de l'information, et la coordination de la mise en oeuvre de ces objectifs.
Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) agit comme chef de file en ce qui a trait à 10 des 30 points du plan d'action. Depuis la dernière comparution des représentants de CIC devant ce comité, en juin 2002, nous avons pu pointer plusieurs accomplissements et un progrès significatif en matière de gestion de la frontière, en collaboration avec nos partenaires canadiens et américains. Je voudrais en mentionner quelques-uns.
La nouvelle Carte de résident permanent, la carte sécuritaire, résistant à la fraude, dont on a discuté à la séance du mois de juin — a été instaurée comme prévu le 28 juin 2002. La carte a été émise depuis lors à tous les nouveaux résidents permanents. Depuis le 15 octobre 2002, elle a été émise aux personnes qui étaient des résidents permanents du Canada avant juin 2002. Elle est considérée comme une carte sécuritaire, d'avant-garde, et a remporté pour cette raison plusieurs prix internationaux.
Nous avons en outre accru dans nos missions à l'étranger notre capacité de contrôle et de lutte contre la fraude. Nous avons actuellement en place des «spécialistes en intégration dans le cadre de l'immigration» qui collaborent avec les compagnies aériennes pour les aider à interdire l'accès à bord aux personnes qui ne devraient pas être autorisées à venir au Canada. En outre, des agents collaborent étroitement dans le cadre de processus concernant les immigrants et les non-immigrants afin de s'assurer que ces processus ne soient pas la cible de fraude ou d'autres mécanismes qui permettraient des entrées illégales.
En octobre, nous avons instauré une équipe de l'Information préalable sur les passagers et les Services d'analyse des passagers. Grâce à ce système, nous recevons les données de base sur les passagers à destination du Canada avant un vol. Nous avons mis en place dans trois grands aéroports des équipes d'analyse qui peuvent examiner l'identité de ces passagers et cibler le contrôle à leur arrivée. Avec nos collègues des services américains, nous menons des projets pilotes de services mixtes d'analyse à Vancouver et à Miami. Jusqu'à présent, les résultats de ces efforts concertés se sont avérés intéressants et nous les évaluerons à nouveau le mois prochain.
En étroite collaboration avec l'ADRC et avec nos collègues américains, nous avons installé le programme NEXUS aux six points d'entrée où le passage est le plus intense, le long de notre frontière terrestre. Sur le plan commercial, un processus appelé EXPRESS (expéditions rapides et sécuritaires) — un système d'harmonisation du traitement des biens commerciaux — est maintenant en place. Le programme EXPRESS permet le contrôle préalable des conducteurs de chargements commerciaux avant un voyage aux États-Unis et réciproquement, au même titre que le programme NEXUS permet le contrôle préalable des passagers. Comme vous le savez, des instruments de partage de l'information sont essentiels pour soutenir les efforts concertés que nous voulons faire avec les États-Unis.
Dans ce contexte, j'ai le plaisir de signaler que nous avons conclu une nouvelle entente sur le partage de l'information avec l'ex-U.S. Immigration and Naturalization Service, qui a été intégré au Department of Homeland Security (ministère de la Sécurité du territoire) et au State Department en février 2003. Cette entente met à jour l'instrument de partage de l'information qui est en place depuis 1999.
Plusieurs annexes à cet instrument-cadre sur le partage de l'information sont en cours d'élaboration. Je suis certain que nous aurons l'occasion de vous donner plus tard des informations à ce sujet.
En ce qui concerne la levée de la dispense de visa, les citoyens de tous les pays ont besoin d'un visa pour visiter le Canada, à moins que le pays en question n'ait été désigné comme faisant l'objet d'une dispense. Au cours des deux dernières années, nous avons imposé dix nouvelles obligations de visa, les plus récentes concernant la Malaisie et l'Arabie saoudite.
La mise en oeuvre de la nouvelle loi sur l'immigration a eu lieu, comme prévu, en juin 2002. J'ai le plaisir de signaler que, malgré la complexité de cette tâche, tout s'est relativement bien déroulé. Vous n'ignorez pas que cette loi contient plusieurs mesures qui nous permettent de mieux cibler certains des risques associés à nos programmes.
Outre le Plan d'action pour une frontière intelligente, je signale que nous avons signé un nouveau protocole d'entente (PE) avec l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 6 mars 2003. Ce nouveau protocole d'entente clarifie les rôles et les responsabilités et s'assure que nous coopérons étroitement et que nous ciblons les menaces à la sûreté et à la sécurité publique de la façon la plus efficace à nos frontières.
CIC continuera de suivre rigoureusement les principes de la gestion du risque dans sa gestion de l'accès au Canada. Nous répondrons au niveau de menace par une mesure de contrôle appropriée, mais nous ne pouvons pas le faire seuls. La coopération internationale est nécessaire pour maintenir la sécurité à nos frontières et nous avons une excellente coopération avec les États-Unis.
[Français]
J'aimerais maintenant parler du système de détermination du statut de réfugié. Les réfugiés sont un sujet d'intérêt pour les membres du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense comme l'atteste les questions envoyées à l'avance par le sénateur Kenny et les membres de ce comité. Les réponses à ces questions spécifiques vous ont déjà été soumises par écrit.
La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés en vigueur depuis juin 2002 a introduit de nouvelles mesures de contrôle pour s'assurer que les gens posant une menace pour le Canada ne puissent pas entrer au pays tout en abusant du système de détermination du statut de réfugié.
L'entente dont on vous avait parlé en juin 2002 a été signée le 5 décembre 2002. Il s'agit d'une entente bilatérale entre les États-Unis et le Canada. Cette entente permettra au Canada de retourner les demandeurs d'asile aux États- Unis sans entendre leur demande et vice versa. Les règlements proposés prévoient des exceptions dans les cas de réunification des familles, dans les cas de mineurs non accompagnés et dans certaines zones spécifiques.
L'entente ne sera applicable qu'au point d'entrée de la frontière canado-américaine. Nos règlements ont été publiés le 26 octobre 2002 et la période de publication s'est achevée le 26 novembre 2002.
Lors de la comparution de ma collègue en juin 2002, vous avez posé certaines questions relativement aux renvois de revendicateurs aux États-Unis lorsqu'ils présentent leur demande à la frontière. C'est dans ce contexte que nous partageons avec vous aujourd'hui les instructions que nous avons envoyées, il y a quelques semaines, à nos officiels en leur expliquant comment utiliser la procédure du «Direct Back» ou la détention préventive dans les cas des aéroports.
Nous devons nous assurer que les revendications massives aux points frontaliers canados-américains ne puissent être examinées de façon sécuritaire et en entier, avant de nous permettre de retourner aux États-Unis les revendicateurs pour une durée déterminée, le cas échéant.
Vous avez peut-être entendu le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, l'honorable Denis Coderre, lors de son discours prononcé à Toronto le 7 mars dernier sur le besoin de réforme de notre système de détermination du statut de réfugié. Bien que cela soit d'intérêt pour vous, il serait prématuré pour moi d'en parler puisque nous en sommes qu'au début de la réflexion.
Toute proposition de réforme sera le résultat de discussions avec la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et les ministères concernés et divers intervenants. Tout cela sera sujet à l'approbation du Parlement.
En conclusion, Citoyenneté et Immigration Canada réitère à nouveau son engagement vis-à-vis le maintien et le renforcement de l'intégrité de nos programmes d'immigration et de protection des réfugiés. Nous réitérons aussi notre engagement de renforcer la sûreté du pays et la sécurité de tous les Canadiens, tout en facilitant le déplacement des gens de bonne foi et du commerce légitime.
J'espère que ma brève présentation sur les progrès accomplis depuis la comparution de ma collègue en juin 2002 pourra vous donner l'assurance que nous prenons les mesures nécessaires, jour après jour, afin de respecter nos engagements.
[Traduction]
Le sénateur Cordy: Je voudrais poser une question sur l'Entente sur les pays tiers sûrs qui fait partie du Plan d'action pour une frontière intelligente. Cette entente est en gestation au Canada depuis plusieurs années et il est à espérer qu'elle sera bientôt mise en place.
Pourriez-vous m'expliquer comment elle fonctionne? Lorsque quelqu'un arrive des États-Unis à une frontière terrestre et prétend être un réfugié, ferait-on un contrôle sur place? Pourriez-vous expliquer exactement ce qui se passerait?
M. Jean: Un ressortissant d'un pays tiers venant des États-Unis, qui arrive à un point d'entrée canadien, s'exposerait à être refoulé aux États-Unis où sa demande de protection à titre de réfugié serait entendue. Il serait déclaré inadmissible, sauf s'il peut bénéficier d'une des dispenses.
La première remarque que je voudrais faire est que l'entente que nous négocions avec les États-Unis ne concerne que les points d'entrée terrestres. Elle ne concerne pas les aéroports. Si des ressortissants de pays tiers qui arrivent des États-Unis veulent demander asile, à moins de faire l'objet d'une de nos dispenses — catégorie de la famille, mineurs non accompagnés ou personnes qui pourraient être condamnés à la peine de mort si elles étaient déportées aux États- Unis —, ils seraient déportés, en se basant sur le principe que leur demande de protection devrait être entendue aux États-Unis. Il en serait de même, mais à l'inverse, pour un ressortissant d'un pays tiers qui entrerait aux États-Unis par le Canada.
Le sénateur Cordy: Est-ce que le fait d'avoir des liens familiaux au Canada constitue une exception qui permet de demander le statut de réfugié?
M. Jean: Il doit s'agir de liens familiaux étroits.
Le sénateur Cordy: C'était ma question. De quels liens familiaux étroits s'agit-il?
M. Bruce Scoffield, directeur, Développement des politiques et coordination internationale, Direction générale des réfugiés, Citoyenneté et Immigration Canada: Les relations familiales reconnues dans l'entente sont la famille nucléaire, c'est-à-dire un conjoint et les enfants à charge, mais aussi les frères et soeurs, les parents, les grands-parents, les petits- enfants, les oncles, les tantes, les nièces ou les neveux du demandeur. Je tiens cependant à ajouter que le membre de la famille établi au Canada doit avoir un statut, c'est-à-dire qu'il doit être citoyen canadien, résident permanent ou être en attente d'une décision sur le statut de réfugié après avoir été considéré comme admissible à une demande de statut de réfugié au Canada. Par exemple, les visiteurs ou les personnes sans statut au Canada ne peuvent pas rendre un demandeur d'asile admissible à cette exemption.
Le sénateur Cordy: Vous avez également mentionné les mineurs non accompagnés. Est-ce que des mineurs non accompagnés arrivent à la frontière?
M. Jean: Il est relativement fréquent dans tous les pays que des mineurs non accompagnés se présentent et demandent asile. Dans ce contexte, nous ne les déportons pas aux États-Unis. Nous prenons les mesures appropriées pour que des dispositions de tutelle soient prises et que leur demande de protection soit examinée selon nos procédures habituelles.
Le sénateur Cordy: Où iraient les mineurs, étant donné qu'ils ne sont pas capables de subvenir à leurs besoins au Canada ou aux États-Unis?
M. Jean: Nous avons mis en place un processus de collaboration avec les autorités provinciales qui veilleront à nommer des tuteurs appropriés. Leur demande serait également examinée dans ce contexte.
Le sénateur Cordy: Tentez-vous de déterminer comment ces mineurs sont arrivés? Ils ne pourraient probablement pas arriver d'un pays tiers non accompagné.
M. Jean: Nous étudions la question. Nous nous efforçons bien entendu toujours de voir ce que nous pouvons faire, mais l'arrivée de mineurs non accompagnés à des points d'entrée est un phénomène très courant en Europe occidentale et aux États-Unis.
Le sénateur Smith: En ce qui concerne la question que vous avez soulevée l'un et l'autre sur les possibilités de répondre à ces critères, nous avons tous lu des articles signalant le nombre élevé de personnes originaires du Pakistan qui sont arrivées dernièrement par les États-Unis. En vertu de quelle exemption seraient-elles admissibles?
M. Jean: Ces personnes, à moins d'avoir un membre de leur famille au Canada, ne seraient probablement pas admissibles à une dispense. Elles seraient, selon toute probabilité, renvoyées aux États-Unis pour que leur demande de protection soit entendue là-bas.
Le sénateur Smith: Je ne me souviens pas qu'il ait été question de parents au Canada dans les articles que j'ai lus. Le nombre de personnes en provenance du Pakistan est, semble-t-il, très élevé.
M. Jean: L'Entente sur les pays tiers sûrs n'est pas encore en place. Nous avons signé une entente du côté canadien en vue de la prépublication de nos règlements; les États-Unis sont sur le point de publier les leurs. Nous espérons mettre l'entente en oeuvre au cours de l'été prochain.
Le sénateur Smith: Il n'est pas nécessaire que ces personnes fassent l'objet d'une de ces exemptions à l'heure actuelle. Elles se présentent et c'est pourquoi cela ne s'applique pas dans les circonstances actuelles.
M. Jean: C'est bien cela.
Le sénateur Cordy: Nous avons entendu l'expression «magasinage pour un asile» ou un magasinage pour un endroit où il serait plus facile de demander le statut de réfugié, du Canada ou des États-Unis. Est-ce qu'un demandeur a le droit de demander asile dans plus d'un pays à la fois?
M. Jean: L'objectif de l'Entente sur les pays tiers sûrs est que les personnes concernées demandent la protection et l'asile à la première occasion, c'est-à-dire dans le pays où elles sont arrivées d'abord, plutôt que dans le pays appelé «pays de choix». La seule exception que nous soyons disposés à faire concerne les personnes qui ont un parent proche dans l'autre pays.
Le sénateur Cordy: Vous avez mentionné dans votre document que cela concerne uniquement les points d'entrée terrestres et que cela ne s'applique pas aux personnes qui viennent en avion. Que fait-on dans le cas de personnes qui arrivent par la voie aérienne et n'ont pas les documents requis? À l'heure actuelle, on doit montrer au moins deux fois ses pièces d'identité avant d'embarquer dans l'avion. Que se passe-t-il lorsqu'une personne arrive sans les documents requis à l'aéroport Pearson et demande le statut de réfugié?
M. Jean: Il serait peut-être utile que j'explique comment les gens arrivent sans documents. Ces voyageurs étaient peut-être en possession de leurs documents lorsqu'ils ont embarqué dans l'avion; ils les ont peut-être détruits ou cachés pendant le vol ou étaient peut-être accompagnés d'une autre personne. On donne parfois son identité à quelqu'un qui est impliqué dans une fraude tout en prévoyant de recycler éventuellement les documents pour d'autres activités criminelles.
C'est de cette façon que de nombreuses personnes arrivent sans documents. Il est également possible qu'entre l'heure du débarquement de l'avion et l'heure où ils arrivent au port d'entrée, ces voyageurs aient trouvé une possibilité de les détruire, de les cacher ou de les passer à une autre personne.
Que fait-on dans ces cas-là? En s'appuyant sur les indicateurs de risque et sur l'Information préalable sur les passagers, nous tentons de cibler les vols avec le concours des équipes de débarquement. Vous avez probablement déjà rencontré des agents de Citoyenneté et Immigration qui, de façon très ciblée, au débarquement de l'avion, vérifient les documents pour voir s'il ne conviendrait pas d'examiner votre cas de plus près. S'il vous manque un document, ils savent qu'il se trouve sur l'appareil ou qu'il est en possession d'une autre personne qui est dans l'avion.
En ce qui concerne les personnes qui arrivent sans documents ou sans être en possession de tous les documents nécessaires, ce qui importe, ce sont nos soupçons éventuels au sujet de leur identité. Si nous avons des soupçons, nous pouvons pousser le contrôle plus loin ou décider d'avoir recours à la détention. Nous voulons nous assurer que ces personnes ne constituent pas un risque pour la sécurité nationale. Si elles ne nous ont pas aidés à établir leur identité, cela risque de poser un problème.
Ce qui importe, ce n'est pas qu'elles aient besoin d'un visa pour venir au Canada mais le fait qu'elles aient un passeport n'est pas une preuve que nous ignorons leur véritable identité.
Nous sommes davantage préoccupés au sujet des personnes qui ne nous aident pas à déterminer leur identité. Ce sont les personnes que nous tenons à soumettre à un contrôle rigoureux et que nous devrons peut-être placer en détention afin de vérifier si elles ont les documents requis et faire d'autres contrôles de sécurité.
Le sénateur Cordy: Au mois de janvier, on m'a demandé de montrer à nouveau mes pièces d'identité au débarquement de l'avion. Tenez-vous compte du degré de risque du vol et faites-vous faire des vérifications au point d'embarquement?
M. Jean: En utilisant les deux systèmes de renseignements et les nouveaux outils qui sont en place, comme l'Information préalable sur les passagers qui donne des renseignements utiles supplémentaires, nous tentons de cibler les vols qui posent le plus gros risque pour nous. Cette façon de procéder nous permet de cibler efficacement une menace et d'être plus efficaces dans le traitement rapide des voyageurs légitimes.
Le sénateur Cordy: Avant le 11 septembre, j'avais entendu dire qu'il était plus facile d'obtenir un visa pour aller aux États-Unis mais qu'il était plus facile de devenir réfugié au Canada. Était-ce bien le cas alors et l'est-ce encore aujourd'hui?
M. Jean: Le système de contrôle pour délivrer les visas canadiens a toujours été considéré comme très efficace. Nos collègues américains l'ont toujours pensé. Je pense que c'est davantage connu du public depuis le 11 septembre. En ce qui concerne les processus de détermination du statut de réfugié, les systèmes canadien et américain sont probablement parmi les plus accessibles au monde. Ils sont comparables. Les processus sont différents mais un assez grand nombre de personnes sont acceptées dans les deux pays.
Nous voulons nous assurer que les personnes qui ne méritent pas de protection ne trouvent pas une possibilité de recours abusif à ce système. Ce doit être un de nos objectifs. Il est en outre nécessaire de s'assurer que la demande des personnes qui méritent une protection soit traitée le plus rapidement possible.
Le sénateur Cordy: Y a-t-il des différences entre les deux pays?
M. Jean: Selon le processus de détermination du statut de réfugié américain, il est nécessaire de faire d'abord une demande d'asile. Si vous n'avez pas les documents requis ou si vous avez menti sur votre situation, on vous fait passer par ce que l'on appelle un «filtre pour craintes plausibles». Plus de 90 p. 100 des personnes réussissent ce test, mais le principe est que toutes les personnes qui arrivent sans être en possession des documents requis ou qui ont menti sur leur situation sont détenues dans un premier temps. Elles sont libérées dès qu'elles ont réussi le test du «filtre pour craintes plausibles», à moins de poser un risque pour la sécurité. Un agent au droit d'asile, c'est-à-dire un fonctionnaire indépendant qui peut donner son approbation mais n'a pas le pouvoir de refus comme tel, traite leur demande. Les demandes qui ne sont pas acceptées à ce premier palier sont soumises à un juge de l'immigration qui, en vertu d'un processus appelé «maintien de l'immigration» peut accorder le droit d'asile et examiner d'autres risques liés à un retour dans le pays d'origine, comme la torture. Les personnes ont également accès à une possibilité d'appel devant le Board of Immigration Appeals (conseil des appels en matière d'immigration). C'est donc ainsi que le système américain fonctionne en gros.
Après cela, ces personnes sont acheminées vers les responsables de l'exécution de la loi, étape qui est analogue au processus canadien consistant à s'assurer que ces personnes puissent être renvoyées.
Au Canada, certaines personnes présentent leur demande dès leur arrivée. Sauf si nous sommes en mesure de décider qu'elles sont inadmissibles en raison d'antécédents criminels graves ou pour d'autres motifs semblables, leur cas est soumis à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui entendra les demandes et déterminera si ces personnes ont droit à une protection. Dans l'affirmative, on leur accordera la résidence permanente. Sinon, l'affaire sera renvoyée à Citoyenneté et Immigration. À un certain moment, une évaluation des risques préalable au renvoi est faite pour déterminer si le retour de ces personnes dans leur pays pose des risques pour elles. La situation a peut-être changé dans leur pays depuis le moment où leur cas a été examiné et celui où on se prépare à les renvoyer.
Le sénateur Cordy: Est-ce qu'une évaluation des risques est effectuée avant le début de ce processus ou seulement après le rejet de la demande? N'est-elle pas effectuée avant cela?
M. Jean: Il s'agissait des risques liés au renvoi de ces personnes dans leur pays d'origine. On se demande par exemple si elles seraient soumises à la torture ou si la situation a changé dans leur pays d'origine depuis leur arrivée.
Le sénateur Cordy: S'agit-il donc d'une évaluation des risques pour l'individu?
M. Jean: Une évaluation des risques est faite dès l'arrivée au Canada.
Le sénateur Banks: Comme l'a mentionné le président, nous aimerions être mieux informés pour le voyage que nous ferons aux États-Unis pour rencontrer nos homologues et quelques représentants de l'administration américaine qui ont certaines perceptions sur l'entrée des réfugiés au Canada et sur l'immigration en général. De nombreux Canadiens ont des préoccupations et vous recevez probablement de nombreuses lettres à ce sujet.
Vous avez mentionné des personnes qui débarquent de l'avion sans les documents requis. Nous savons d'emblée que c'est louche.
Je n'ai jamais entendu une réponse satisfaisante à cette question. Dans des circonstances normales, aucun passager d'un avion ne peut débarquer ici sans une permission du gouvernement du Canada. Ne serait-il pas très simple de dire aux passagers d'origine étrangère, en prévoyant peut-être quelques exceptions, que tous les passagers qui embarquent dans un avion devront remettre leurs titres de voyage à un employé de la compagnie aérienne et que ces documents leur seront rendus à leur arrivée au service d'immigration canadien? Plus personne n'arriverait à un poste d'Immigration Canada dans un aéroport sans ses documents. Quelle que soit la façon dont ils aient obtenu ces documents, ils seraient en possession des documents qu'ils avaient à l'embarquement. L'un de vous a-t-il des commentaires à faire à ce sujet?
M. Jean: Oui. Le premier facteur qu'il ne faut pas oublier est que les personnes qui méritent une protection se sont généralement enfuies de leur pays d'origine grâce à des documents falsifiés parce que leur gouvernement refuse de délivrer des titres de voyage.
En ce qui concerne la suggestion que vous avez faite que les compagnies aériennes placent tous les documents dans des sacs de plastique scellés et remettent les documents à leurs propriétaires à l'arrivée à destination, le volume pose un problème. Si l'on appliquait ce système pour tenter de détecter les quelques fraudeurs, la congestion ainsi provoquée risquerait de ralentir considérablement le passage des voyageurs légitimes.
Le sénateur Banks: Il ne s'agit pas d'un petit nombre de cas. Le nombre de personnes dont on a perdu la trace s'élève à 25 000.
M. Jean: Il y a peut-être tout au plus deux ou trois personnes dans ce cas sur chaque vol. On imposerait un processus à plusieurs centaines de personnes pour deux ou trois personnes qui ne seraient pas munies des documents requis. Nous avons tenté de mettre au point des systèmes de détection ciblés sur les personnes au sujet desquelles nous avons des soupçons.
Le sénateur Banks: Un nombre relativement important de personnes qui arrivent au Canada obtiennent donc la protection sans être en possession des titres de voyage requis. Est-ce bien cela?
M. Jean: En 1990, nous avons reçu des ressources du gouvernement pour élaborer une stratégie de contrôle. Nous avons décidé de poster des contrôleurs de l'immigration à l'étranger...
Le sénateur Banks: Je le sais. Est-il exact qu'on laisse encore débarquer des voyageurs des avions sans qu'ils soient en possession des titres de voyage?
M. Jean: Ce n'est pas inexact.
Le sénateur Banks: Les passagers des compagnies aériennes canadiennes et ceux de la plupart des compagnies mondiales ont accepté certains inconvénients dans le contexte du nouveau régime qui a été établi. Il n'était pas nécessaire de présenter une pièce d'identité avec une photo ni de se soumettre à un contrôle des bagages ou à diverses autres formalités il y a quelques années. Nous avons accepté la mise en place d'un nouveau régime qui comporte des contraintes et des inconvénients. C'est difficile, mais les inconvénients que poserait la distribution de documents contenus dans deux centaines de sacs de plastique au débarquement de l'avion sont à mes yeux un prix peu élevé à payer pour la sécurité.
J'ai cru comprendre que le nombre de personnes qui ont acquis le statut de réfugié au Canada et dont on ne retrouve pas la trace s'élève à environ 25 000. Par conséquent, il est possible que les inconvénients liés à un système qui permettrait de s'assurer que tous les voyageurs ont un titre de voyage soient minimes.
Savez-vous combien de personnes ont obtenu la protection à leur arrivée aux États-Unis et se sont fondues dans la masse? Je pose la question en prévision de notre voyage à Washington.
M. Jean: En ce qui concerne la première question, je parlais de contrôleurs de l'immigration, parce que depuis que nous avons mis ce programme en place, nous avons intercepté deux personnes sur trois qui tentaient d'avoir un accès direct au Canada. Nous tentons de régler le cas de la troisième personne de façon ciblée, en utilisant des renseignements utiles, au lieu de mettre en place un processus à première vue assez facile qui créerait toutefois une forte congestion à cause du volume.
Le sénateur Banks: Le passage au contrôle des personnes qui arrivent au Canada sur des appareils étrangers serait plus long. N'est-ce pas lié à la nature même du goulot d'étranglement?
M. Jean: Cela en ferait partie. Les goulots d'étranglement se formeraient au point de départ, au ramassage des titres de voyage de tous les passagers, et au point de débarquement, lors de la distribution de ces documents.
Même si l'on optait pour ce système, il ne serait pas parfait, à moins de le mettre en oeuvre à la frontière. Si on le faisait à la sortie de la porte, les voyageurs feraient disparaître les documents entre le départ de cette porte et l'arrivée à la porte de Douanes Canada. C'est très complexe.
Votre deuxième question concerne le nombre de personnes qui ont disparu après leur arrivée aux États-Unis. On a émis 300 000 mandats de renvoi aux États-Unis. Des témoignages devant le Congrès américain nous ont appris que les fonctionnaires estiment qu'environ 40 p. 100 des personnes qui résident illégalement aux États-Unis y sont entrées légalement.
Le sénateur Banks: Toujours en ce qui concerne l'Entente sur les pays tiers sûrs et les dispenses, si j'étais aux États- Unis et que je désirais entrer au Canada — c'est ainsi que la plupart des réfugiés arrivent —, et que je n'avais pas réussi par des moyens légitimes, je trouverais une autre possibilité. Si je laissais un mineur à la frontière — si j'abandonnais en quelque sorte un bébé dans un panier sur le seuil de la porte —, cette jeune personne serait admise au Canada. Cette jeune personne ne permettrait-elle pas à d'autres personnes de devenir admissibles parce qu'elle aurait un statut et en raison des liens familiaux mentionnés par M. Scoffield? L'oncle ou le père pourrait faire une demande en mentionnant qu'un membre de la famille est au Canada.
M. Scoffield: Lorsque nous avons négocié l'entente, la possibilité d'une exploitation semblable d'enfants était une des grandes préoccupations des deux gouvernements. Les dispenses ne sont valides que pour les personnes qui sont âgées de 18 ans ou plus lorsqu'elles présentent une demande de statut de réfugié. L'exploitation des enfants à cette fin est donc moins attrayante.
Si un enfant arrivait au Canada comme mineur non accompagné, il serait autorisé à y entrer et on lui permettrait de faire une demande de statut de réfugié. Si le parent présente une demande peu de temps après en invoquant la présence de cet enfant comme dispense, on ne lui permettra pas de le faire parce que l'enfant est âgé de moins de 18 ans. Tant qu'on ne lui aura pas accordé le statut de réfugié, procédure qui dure au minimum un an au Canada, les parents ne pourront pas invoquer sa présence pour obtenir une dispense.
Le sénateur Banks: Si j'amène un enfant âgé de 16 ans à la frontière, j'ai de bonnes chances de pouvoir en profiter dans deux ans.
M. Scoffield: La motivation d'exploiter les enfants de la sorte est considérablement réduite s'il faut attendre des années, aux États-Unis ou dans un autre pays, pour obtenir la dispense.
Le sénateur Banks: Le processus dure de toute façon des années.
M. Scoffield: Oui. C'est une des raisons pour lesquelles ce système dissuade d'autres membres de la famille d'envoyer l'enfant d'abord.
Le sénateur Banks: En a-t-on l'assurance?
M. Scoffield: Le Canada est partie à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui nous oblige à prendre les intérêts des enfants en considération. C'est la meilleure formule que l'on ait trouvée pour agencer l'entente de façon à éviter l'exploitation des enfants.
Le sénateur Smith: Toujours à propos de la différence entre notre processus et le processus américain, est-ce que le nombre de demandeurs d'asile qui obtiennent satisfaction est beaucoup plus élevé par habitant au Canada qu'aux États-Unis? Pouvez-vous mentionner les pourcentages?
M. Jean: S'agit-il du pourcentage de demandes acceptées ou du volume de demandes?
Le sénateur Smith: Les deux, mais c'est le résultat final qui importe le plus à mes yeux.
M. Jean: La différence dans le pourcentage de demandes acceptées n'est pas très marquée. D'après des chiffres récents, les pourcentages sont de 58 p. 100 et de 53 p. 100 respectivement, si je ne me trompe.
En ce qui concerne les États-Unis, il s'agit d'une estimation parce que, comme je l'ai déjà mentionné, il y a deux paliers dans ce pays. Le premier est celui des agents d'octroi d'asile, qui acceptent environ 30 p. 100 des demandes, puis le deuxième est celui du juge de l'immigration qui peut également accepter des demandes. Au Canada, il y a deux paliers où les demandes peuvent être acceptées, ainsi qu'un troisième, celui de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Le sénateur Smith: Notre pourcentage n'est-il pas un peu plus élevé par habitant?
M. Jean: Si vous vous basez sur les estimations américaines, le taux est d'environ 53 p. 100 en ce qui concerne les États-Unis. En ce qui nous concerne, il est de 58 p. 100.
Le sénateur Smith: Ce n'est pas ce que je demande. La population américaine représente neuf fois la nôtre.
M. Jean: Vous parlez de volume de demandes.
Le sénateur Smith: Oui, par habitant.
M. Jean: C'est une excellente question. Avant la réforme de la procédure d'octroi d'asile aux États-Unis, c'est-à-dire avant 1996, il y avait plus de 300 000 demandes, ce qui représentait à peu près le même volume que chez nous, par habitant. En 1996, en raison de divers facteurs — notamment d'un certain nombre d'arrivées par bateau de la Chine, y compris celui qui avait jeté l'ancre dans le port de Manhattan, puis en raison de la première tentative d'attentat terroriste sur le World Trade Center —, les migrations clandestines ont été soumises à d'énormes pressions. Les États- Unis ont décidé de remanier leur système de détermination du droit d'asile.
Les autorités américaines ont décidé que la personne qui demande asile aux États-Unis n'a pas accès aux services sociaux ni aux offres d'emploi tant que sa demande de statut de réfugié n'a pas été acceptée ou si elle ne séjourne pas dans le pays depuis au moins six mois. Vous avez été accepté ou le gouvernement met six mois à décider de vous accorder un permis de travail en attendant qu'une décision soit rendue. Ce changement a fait diminuer le nombre de demandes de statut de réfugié à environ 60 000 aux États-Unis en 2001.
Le sénateur Smith: Quels sont les chiffres en ce qui nous concerne?
M. Jean: En ce qui nous concerne, ils sont de 44 000 en 2001 et de 33 000 en 2002.
Le sénateur Smith: C'est ce que je voulais.
M. Jean: C'est là qu'il faut être attentif. Aux États-Unis, le volume des demandes d'asile a considérablement diminué après les réformes de 1996. Le volume de migrations clandestines n'a cependant pas diminué du tout. D'après les fonctionnaires et d'après des chercheurs universitaires, le nombre annuel de migrants clandestins est de 300 000 et il n'a jamais diminué. La conclusion est donc qu'étant donné que ces personnes sont dissuadées de demander le droit d'asile et n'ont plus accès à un permis de travail, elles ne présentent pas de demande. Ces migrants clandestins en présentent une à titre défensif lorsqu'ils sont appréhendés.
On a un certain choix. Veut-on que le nombre de demandes d'asile soit moins élevé mais que les personnes concernées s'évanouissent dans la nature après être arrivées sur place ou, comme au Canada, que les intéressés fassent d'abord une demande? Dans ce cas, nous décidons si vous méritez la protection. Sinon, vous êtes acheminé vers le responsable de l'application de la loi. Il est dangereux de faire une comparaison par habitant en se basant uniquement sur les demandes d'asile parce qu'on tenterait en fait de comparer des pommes et des oranges.
Le sénateur Smith: Par habitant, le nombre est malgré tout cinq fois plus élevé au Canada.
M. Jean: Compte tenu des pressions exercées à l'échelle internationale pour régler la question du droit d'asile et de la migration clandestine, de nombreux pays s'en tirent bien en ce qui concerne le droit d'asile. Ce n'est toutefois pas pour cela qu'ils sont plus efficaces en ce qui concerne l'expulsion de ces personnes.
Le sénateur Smith: C'est possible, mais de nombreuses personnes utilisent ce moyen pour resquiller parce qu'elles n'arriveraient pas à leurs fins selon le système de points ou selon la procédure normale. Je pourrais vous raconter des dizaines d'anecdotes à ce sujet, mais ce n'est pas nécessaire parce que vous êtes déjà au courant. Je pense que personne n'a d'appréhensions en ce qui concerne les réfugiés légitimes. Ce sont les resquilleurs sous couvert de légitimité qui nous préoccupent.
M. Jean: C'est ce qui pose un défi. Nous faisons actuellement de nombreuses études comparatives et nous constatons que la plupart des pays consacrent neuf dixièmes de leur budget à la détection des personnes qui abusent du système.
Le président: Monsieur Jean, serait-il possible que vous établissiez pour nous une brève comparaison entre la situation aux États-Unis et la situation au Canada, en mettant en évidence, comme vous l'avez fait, les pommes et les oranges? J'aimerais également savoir quelle est la situation à la frontière sud des États-Unis et si vous avez des renseignements sur les ressortissants mexicains clandestins qui sont en liberté aux États-Unis. Nous ne demandons pas un document de 20 pages; nous serions satisfaits d'un document très succinct, d'une ou deux pages au maximum.
Il serait en outre utile que vous nous donniez une description du processus dans chaque pays, sous forme de points, indiquant les diverses étapes du système canadien et celles du système américain. Il sera peut-être nécessaire de définir certains termes si leur signification varie d'un pays à l'autre.
Avec combien de pays le Canada a-t-il conclu une entente sur les pays tiers sûrs?
M. Jean: C'est le premier point.
Le président: Est-ce un type d'entente courant à l'échelle mondiale? Est-ce que certains pays en ont signé une demi- douzaine ou une douzaine?
M. Jean: Ce type d'entente n'est pas très courant à l'échelle mondiale, mais de nombreux pays européens adhèrent à la Convention de Dublin qui est une entente de partage des responsabilités en ce qui concerne les demandeurs d'asile.
Le président: Cette convention a-t-elle le même impact?
M. Jean: Oui.
Le président: Quand considère-t-on qu'une personne est «au Canada»? Est-on au Canada quand on arrive à un poste frontière, par exemple?
M. Jean: On est au Canada dès l'instant où l'on pénètre dans nos eaux territoriales ou sur notre sol. Dès l'instant où l'on pénètre dans notre territoire, on est au Canada. Si vous pensez à l'accès à la Charte, par exemple, c'est à ce moment-là que l'on est censé être au Canada.
Le président: Quelle est la différence entre une personne qui arrive à un poste frontalier terrestre et une personne qui arrive à un aéroport? Est-ce que le traitement diffère d'une à l'autre à certains égards?
M. Jean: Voulez-vous savoir s'il diffère du point de vue de l'examen?
Le président: Ces deux personnes ont-elles des droits légaux différents?
M. Jean: Non.
Le président: Pourquoi est-ce que le nombre de personnes qui tentent d'obtenir le droit d'asile est-il beaucoup moins élevé aux postes frontaliers terrestres que dans les aéroports?
M. Jean: Un tiers des demandes d'asile sont présentées à des points d'entrée terrestres.
Le président: Je suis peut-être mal informé. On nous a dit qu'il y avait relativement peu de demandeurs au pont Ambassador et au pont Blue Water; une cinquantaine au cours du dernier mois.
M. Jean: Le volume des demandes d'asile à nos points d'entrée terrestres est considérable. L'année dernière, leur nombre s'est élevé à 10 855.
Le président: Lorsque nous avons posé la question à un de vos fonctionnaires, il a répondu: «Il ne se passe pas grand-chose ici, ni à Sarnia».
M. Jean: Le nombre de demandes est plus élevé à certains points d'entrée qu'à d'autres. Il est possible qu'on ne reçoive pas beaucoup de demandes à ce point d'entrée.
Le président: Ce sont nos deux points d'entrée où le passage est le plus intense.
M. Jean: Un grand nombre des demandes d'asile au Canada sont faites à Fort Erie, dans la péninsule de Niagara, et à Lacolle. Nous en recevons beaucoup aussi à Windsor, mais je pense qu'il s'agit de personnes qui viennent par le tunnel plutôt que par le pont.
Le président: Y a-t-il des raisons?
M. Jean: Il y a des refuges aux États-Unis pour certaines de ces personnes. La raison pour laquelle on utilise souvent un point d'entrée déterminé est liée à la présence de refuges de l'autre côté de la frontière. C'est pourquoi les médias s'y sont beaucoup intéressés lorsque nous avons adopté la politique du «renvoi temporaire» à Lacolle. Le renvoi temporaire est une politique qui est en place depuis plusieurs années, mais le nombre de refuges n'est pas très élevé au Vermont.
Le président: Les refuges sont-ils administrés par des ONG?
M. Jean: Oui.
Le président: Nous avons publié les règlements liés à l'Entente sur les pays tiers sûrs avec les États-Unis. Nous espérons que les Américains publieront les leurs ce mois-ci. Et si tout va bien, le traité entrera en vigueur dans le courant de l'été. Quelles autres autorisations du Congrès sont nécessaires?
M. Jean: Les Américains doivent publier les recommandations préliminaires, recevoir des commentaires, puis publier leurs recommandations finales.
Le président: Est-ce uniquement une question administrative?
M. Jean: C'est une question qui relève de l'administration et pas du pouvoir législatif.
Le président: Cette question ne relève donc pas du tout du Congrès.
M. Jean: C'est bien cela.
Le président: Le Congrès doit-il accorder du financement pour la mise en oeuvre de cette entente?
M. Jean: Non. Cette question relève de l'Exécutif également.
Le président: Cette entente ne nécessite-t-elle pas de mise de fonds? Son entrée en vigueur n'entraînera-t-elle pas des dépenses?
M. Jean: On compte s'en tirer avec les ressources prévues en fonction du nombre actuel de demandeurs pour mettre l'entente en oeuvre. On n'a pas besoin de fonds supplémentaires pour le moment.
Le président: Vous avez mentionné que lorsque l'entente entrera en vigueur, elle n'entraînera aucun frais de traitement supplémentaire pour les États-Unis lorsque nous y renverrons des demandeurs. C'était certainement un lapsus.
M. Jean: Les ressources nécessaires pour traiter les demandes d'asile sont déjà en place aux États-Unis.
Le président: En y renvoyant des demandeurs, nous ferons augmenter le nombre de demandes d'asile. Nous refuserons de nombreuses demandes. Un nombre considérable de personnes ne pourront plus entrer au Canada.
M. Scoffield: Monsieur le président, je suis au courant de certains des travaux concernant la série de règlements américains. L'Exécutif a examiné le coût de la mise en oeuvre de l'entente. Les décisions sur les demandes de personnes renvoyées aux États-Unis entraînent des coûts directs et d'autres frais sont liés à l'aide restreinte disponible, surtout à celle qui est accordée aux enfants non accompagnés. Tous ces facteurs ont été pris en considération dans les paramètres de l'enveloppe budgétaire actuelle de l'autorité responsable, qui était l'Immigration and Naturalization Service (service d'immigration et de naturalisation) et qui est actuellement le Department of Homeland Security (ministère de la Sécurité intérieure). Les autorités américaines font des réaffectations dans leurs budgets actuels au lieu de demander des crédits supplémentaires au Congrès.
Le président: Monsieur Scoffield, y a-t-il à votre avis peu de probabilités d'obstruction de la part du Congrès?
M. Scoffield: Le Congrès n'intervient pas dans la ratification de l'entente. Il s'agit d'une entente exécutive, signée sous l'autorité du Secrétaire d'État. Le processus réglementaire est un processus qui relève de l'Exécutif. Les membres du Congrès pourront certes donner leur opinion à l'Exécutif, mais ils n'ont pas le droit de vote ou n'interviennent pas dans la ratification des règlements.
M. Jean: Le Congrès a droit de regard sur l'Exécutif. Il est très probable que ses membres en seront informés avant la signature de l'entente et qu'ils donnent leur avis dans le cadre de leurs prérogatives normales de regard sur les accords et les ententes.
Le président: Vous ne pensez pas que le Congrès votera des fonds supplémentaires pour cette entente.
M. Jean: Pas d'après les renseignements que m'ont communiqués mes collègues américains.
Le président: J'ai demandé s'il y avait une différence entre les passages frontaliers terrestres et les aéroports. Vous avez répondu que le processus est exactement le même. Est-ce bien cela?
M. Jean: Lorsque nous ne pouvons pas soumettre une personne à un examen — parce que nous avons besoin d'un interprète ou que le nombre de demandeurs est trop élevé à un moment et à un endroit précis —, nous pouvons la renvoyer temporairement aux États-Unis. Il est indéniable qu'il est plus facile de renvoyer temporairement quelqu'un à un point d'entrée terrestre qu'à un aéroport. D'habitude, on n'a pas recours au système du «renvoi temporaire» à un aéroport.
Le président: Vous faites en réalité savoir à la personne qu'elle ne peut pas entrer et vous lui dites de s'en aller.
M. Jean: Nous lui permettrons de venir à une date ultérieure. Nous ne pouvons pas faire d'examen exhaustif parce qu'il y a trop de personnes en même temps ou parce qu'aucun interprète ou aucun agent n'est disponible.
Le président: La politique du «renvoi temporaire» garantit-elle aux personnes concernées le droit de venir et de se présenter elles-mêmes?
M. Jean: C'est bien cela. Il ne faut pas confondre la politique du «renvoi temporaire» avec l'Entente sur les pays tiers sûrs; dans ce dernier cas, on renvoie quelqu'un aux États-Unis pour y faire entendre sa demande.
Le sénateur Banks: D'après les directives que vous avez envoyées à vos agents, la politique consiste à faire un examen de contrôle initial exhaustif avant d'autoriser le demandeur à entrer au Canada.
Ma question est liée à celle que le président a posée au sujet du moment à partir duquel une personne est considérée comme étant au Canada. Si je comprends bien, il n'est pas tout à fait exact de mentionner la tenue d'un examen de contrôle initial exhaustif avant d'autoriser les demandeurs à entrer au Canada, puisqu'ils sont déjà au Canada. Dans la pire des éventualités, on leur dira de revenir le jeudi suivant. Ces personnes pourraient être également détenues ou considérées comme des demandeurs d'asile légitimes. Je ne pense pas que l'on puisse refuser l'entrée à quelqu'un qui a déjà les pieds ici. Est-ce bien cela?
M. Jean: Dans le contexte actuel, puisque l'Entente sur les pays tiers sûrs avec les États-Unis n'est pas encore en vigueur, le «renvoi temporaire» permet à une personne de revenir à une date ultérieure. Nous examinerons sa demande plus tard, lorsque nous serons davantage en mesure de faire un contrôle exhaustif axé sur la sûreté, sur la sécurité et sur d'autres critères, avant de prendre une décision.
Le sénateur Banks: D'accord, mais la phrase où il est question d'un examen initial exhaustif «avant que le demandeur ne soit autorisé à entrer au Canada» n'est pas tout à fait exacte.
M. Jean: Si. Nous ne compromettons pas les vérifications concernant les personnes qui arrivent à un port d'entrée ou celles qui arrivent à un aéroport. Nous avons des questions à leur poser; nous avons peut-être des préoccupations que nous signalerons aux agences avec lesquelles nous collaborons.
Le sénateur Banks: Je comprends le processus. Ma question concernait uniquement la phrase «avant que le demandeur ne soit autorisé à entrer au Canada». Cette phrase n'est pas tout à fait exacte. Est-ce bien cela?
M. Jean: La seule exception s'appliquerait aux personnes entrées clandestinement au Canada. Elles sont déjà au Canada et ont peut-être évité l'examen. Nous leur donnerons peut-être un rendez-vous plus tard, mais ces personnes sont déjà au Canada.
Ce ne sont pas les personnes qui sont arrivées à un point d'entrée terrestre ou à un aéroport. On ne tient pas à compromettre la vérification initiale concernant les personnes qui arrivent à un point d'entrée, qu'il s'agisse d'un point d'entrée terrestre ou aérien, à cause d'un manque de ressources ou d'interprètes.
Le sénateur Banks: Quand cette vérification initiale est-elle faite?
M. Jean: Lorsque les personnes arrivent au Canada, elles doivent répondre à un questionnaire. Elles sont soumises à une longue entrevue qui dure de une à trois heures.
Le sénateur Banks: Sont-elles déjà au Canada?
M. Jean: Oui. Elles n'ont pas encore été autorisées à rester car elles viennent d'entrer au Canada.
Le sénateur Banks: Je ne m'y retrouve plus. Cette directive mentionne: «avant que le demandeur ne soit autorisé à entrer au Canada».
M. Jean: «Autorisé» est un terme juridique qui signifie que l'on a reçu une autorisation de séjour.
Le sénateur Banks: Dès que mon pied foule le sol canadien, j'ai un statut et, par conséquent, je suis autorisé à entrer au Canada.
M. Jean: Vous êtes autorisé à être entendu.
Le sénateur Banks: Ai-je droit au «processus»?
M. Jean: C'est bien cela.
Le sénateur Forrestall: Je ne m'y retrouve pas très bien également. Lorsque vous dites à la personne de revenir plus tard, où lui dites-vous d'aller? Doit-elle rentrer dans son pays?
M. Jean: Il s'agit d'une situation précise. Le seul endroit où nous avons recours à la politique du «renvoi temporaire» est à la frontière canado-américaine, où l'on dit à quelqu'un de retourner à Buffalo par exemple. Cette personne reviendra à une date ultérieure, lorsque nous serons en mesure de faire un examen exhaustif. Cette politique n'est appliquée qu'aux points d'entrée terrestres entre les États-Unis et le Canada.
Dans les aéroports, nous nous assurons que le processus est en place pour faire un examen exhaustif. Sinon, nous pouvons mettre la personne en détention pour quelques heures en attendant de pouvoir procéder à l'examen.
Le sénateur Forrestall: Quelles sont les différences entre les examens aux points d'entrée terrestres, les examens dans des postes intérieurs et les examens dans les aéroports?
M. Jean: Le processus est différent. En ce qui concerne l'accès légal, il n'y a pas de différence.
Le sénateur Forrestall: Qu'entendez-vous par «postes intérieurs»?
M. Jean: Cela signifie que la personne est déjà au Canada et qu'il ne s'agit pas d'un point d'entrée.
Mme Caroline Melis, directrice, Développement du programme, Direction générale de l'exécution de la loi, Citoyenneté et Immigration Canada: Par exemple, si vous présentez une demande à un bureau de Citoyenneté et Immigration Canada à Ottawa, c'est une demande faite dans un poste intérieur. Les points d'entrée terrestres sont ceux qui sont situés le long du 49e parallèle. Les aéroports d'entrée sont les divers grands aéroports internationaux.
Le sénateur Forrestall: Les personnes mentionnées dans cette deuxième colonne pourraient-elles séjourner depuis un jour, depuis deux jours ou depuis dix mois au Canada?
M. Jean: Dans cette colonne, le volume des demandes d'asile peut représenter les personnes qui sont venues au Canada légalement à un certain moment, puis ont décidé de faire une demande pour une raison ou une autre. Ces personnes sont peut-être arrivées légalement des États-Unis, ou illégalement, car elles peuvent être passées clandestinement entre deux points frontaliers et avoir décidé de présenter une demande au Canada. C'est toujours possible.
Le sénateur Forrestall: Avez-vous les chiffres pour les demandes légales et pour les demandes illégales?
M. Jean: Le problème en ce qui concerne les demandes faites dans un poste intérieur est que la plupart d'entre elles ne permettent pas de savoir exactement comment le demandeur est arrivé au Canada. Est-il arrivé avec un visa? Est-il arrivé des États-Unis entre deux points frontaliers? C'est un type d'information que l'on a de la difficulté à obtenir.
Nous avons certaines informations et certains renseignements secrets. Aux ports d'entrée, je peux déterminer si les personnes viennent d'un aéroport ou d'un point d'entrée américain. Lorsque certaines personnes viennent clandestinement, ou veulent modifier leurs conditions de séjour lorsqu'elles sont déjà au Canada, ne sont pas toutes disposées à révéler comment elles sont entrées.
Le sénateur Forrestall: Le nombre de personnes qui viennent par la voie maritime ne peut dès lors pas être évalué. Le chiffre est-il inférieur à 1 p. 100?
M. Jean: Je citerai un exemple. Une personne vient par les États-Unis. Elle décide de ne pas faire de demande au point d'entrée. Elle passe clandestinement entre deux points d'entrée. Elle est donc entrée illégalement au Canada par les États-Unis. À supposer que cette personne demande le droit d'asile au Canada, elle ne nous communiquera pas nécessairement de son plein gré cette information.
Le sénateur Banks: Est-il exact que l'on ne soit pas tenu de fournir cette information pour qu'une demande d'asile soit dûment examinée?
M. Jean: Nous devons malgré tout entendre la demande d'asile. Cependant, nous laissons entendre aux intéressés que s'ils ne sont pas coopératifs et refusent de nous donner des informations sur leur identité ou sur la façon dont ils sont arrivés au Canada et diverses autres informations, cette attitude aura une influence sur les décisions que nous devrons prendre en ce qui concerne une éventuelle détention, les risques qu'ils représentent et le degré de contrôle à faire. À Toronto par exemple, où nous suivons nos efforts en matière de détention, on constate que certaines personnes montrent leurs documents d'identité lorsqu'on décide de les mettre en détention. Le comportement peut changer si vous donnez une motivation. Cependant, il est nécessaire de très bien gérer cette motivation. La détention n'est pas un outil auquel on peut avoir recours à la légère, car c'est un outil extrêmement coûteux.
Le sénateur Atkins: Ma question concerne l'Information préalable sur les passagers. Je comprends que si un vol dure plusieurs heures, on a l'occasion de communiquer cette information par ordinateur. Est-ce toutefois possible lorsqu'il s'agit d'un vol de courte durée? Voulez-vous m'expliquer comment vous procédez dans ce cas-là?
M. Jean: C'est une excellente question. Il est inutile de rappeler que la plupart de nos efforts concernent les vols transcontinentaux. Comme ont permis de le constater les discussions que nous venons d'avoir, les personnes qui veulent venir au Canada par les États-Unis ne doivent pas nécessairement prendre l'avion. Nous avons une longue frontière commune. Cependant, quelques heures nous suffisent pour vérifier tous nos systèmes, y compris les informations du Centre d'information de la police canadienne, nos banques de renseignements, les informations sur les infractions en matière d'immigration et de douanes. L'Information préalable sur les passagers nous communique les renseignements de la base de données qui indiquent que les personnes concernées pourraient être admissibles. Nous examinons ensuite le registre des renseignements personnels qui contient tous les renseignements liés à l'achat du billet, comme les adresses et le nom des agents de voyages. C'est le type de renseignements utiles qui permettent d'établir plus facilement les liens et les tendances. Ces renseignements nous permettent de cibler la personne à laquelle nous voudrions poser quelques questions supplémentaires à son arrivée.
Depuis octobre, lorsque nous avons mis le système d'Information préalable sur les passagers à l'essai, nous avons pu cibler un assez grand nombre de personnes du côté de l'immigration. Nos collègues des douanes ont également fait des essais concluants en ce qui concerne le trafic des stupéfiants. L'unité mixte d'analyse des renseignements sur les voyageurs de Miami, composée de fonctionnaires canadiens et américains, a fait des interventions efficaces dans quelques cas impliquant des terroristes. C'est un outil très efficace.
Le sénateur Atkins: Il n'y a plus de secrets. Vous savez donc tout sur moi.
M. Jean: Je ne dirais pas ça. Nous n'en sommes pas encore arrivés à ce point. Cependant, c'est un outil efficace pour cibler les efforts de contrôle, lorsque les gens arrivent à un point d'entrée.
Le sénateur Atkins: Voulez-vous dire que l'ordinateur contient simultanément les renseignements du SCRS et ceux de la GRC?
M. Jean: Nous avons ce que nous appelons un système de signalements. La liste des signalements contient les noms des personnes qui pourraient être inadmissibles pour une raison ou pour une autre.
Le sénateur Atkins: J'ai un passeport vert. Pourquoi les agents examinent-ils un peu plus attentivement ce passeport qu'un passeport régulier de couleur bleue quand je rentre d'un voyage à l'étranger?
M. Jean: J'ai eu un passeport rouge pendant plusieurs années, lorsque j'étais à l'étranger. On l'examinait plus attentivement à l'occasion et j'ai dû subir un examen secondaire à deux occasions.
Le président: J'ai quelques petites questions à poser, monsieur Jean. Je suis certain qu'il y a quelques mois, un témoin a mentionné que les ordinateurs des Douanes et ceux de l'Immigration n'étaient pas compatibles. Est-ce bien le cas?
M. Jean: La vérification initiale lorsqu'on arrive à un point d'entrée au Canada est faite par Douanes Canada à la ligne d'inspection primaire. Les ordinateurs de Douanes Canada ont accès à nos listes de signalements.
Le président: Il faudra que je vérifie, mais je suis certain qu'un témoin a mentionné que les ordinateurs de Douanes Canada et les préposés à la ligne d'inspection primaire n'ont pas accès à vos données et que leur système informatique n'est pas compatible avec le vôtre.
M. Jean: Les agents qui se trouvent à la ligne d'inspection primaire ont accès à nos listes de signalements. Ces listes indiquent si une personne pourrait être inadmissible ou devrait être acheminée vers le service d'examen secondaire d'Immigration. En ce qui concerne l'accès aux bases de données sur les personnes qui pourraient être inadmissibles, ils y ont directement accès. Il faudrait que j'examine le témoignage que vous avez entendu pour voir si d'autres systèmes ne sont pas compatibles.
Le président: Nous devrons vérifier. Si nous le retrouvons, notre attaché de recherche pourra peut-être communiquer avec vous.
M. Jean: Je serais heureux de l'examiner.
Le président: À la question du sénateur Banks sur la saisie des documents des passagers d'un avion, vous avez répondu, si je ne me trompe, que certains documents ne seraient pas valides de toute façon parce qu'ils appartiennent à des réfugiés. Vous avez longuement expliqué que ce serait très long et difficile.
Je présume que vous ne saisiriez pas les documents de citoyens canadiens qui rentrent au pays. Ne représentent-ils pas la majorité des passagers? Dans ce cas, ne pourriez-vous pas instaurer un système qui s'appliquerait uniquement aux non-Canadiens?
M. Jean: La plupart des documents utilisés à des fins frauduleuses peuvent être des passeports canadiens sur lesquels la photo a été remplacée. Par conséquent, il serait très complexe d'instaurer un système nécessitant un tri des documents à exempter.
Lorsque j'ai répondu au sénateur Banks, j'ai tenté d'expliquer que l'on ne pouvait faire ce contrôle sans traiter ce groupe de passagers en bloc; il serait par conséquent nécessaire de placer tous les documents dans des sacs et de les amener tous au dernier poste de contrôle. Ce ne serait pas suffisant parce que certaines personnes pourraient détruire les documents entre la porte et le point d'entrée.
Au point d'entrée où sont les guichets de Douanes Canada, les passagers de plusieurs vols peuvent être réunis. Il faudrait mettre un système en place. Le meilleur exemple est le vestiaire du Centre national des arts où les spectateurs de plusieurs spectacles qui se terminent exactement à la même heure se rendent simultanément et où il faut retrouver le manteau de chaque client.
Le président: Ce ne serait pas très différent du carrousel à bagages du «vol 352 en provenance de Halifax», par exemple, par où arrivent les bagages. On pourrait adopter le même système à la ligne d'inspection primaire en indiquant que les passagers de tel vol doivent passer par telle ligne. C'est faisable.
M. Jean: Le carrousel est self-service. Si le gouvernement voulait instaurer un système semblable et maintenir une certaine intégrité, cela causerait une congestion énorme.
L'autre facteur est que cela représenterait, bien entendu, un coût très substantiel pour les compagnies aériennes.
Le président: La raison pour laquelle nous sommes déconcertés est que, lorsque nous voyageons, on nous demande une pièce d'identité. On nous dit, au moment de l'enregistrement des bagages, que nous devons montrer notre passeport, puis on appose un timbre «DOCS» sur notre carte d'embarquement, ce qui est, je présume, une abréviation pour «documents». Nous nous demandons pourquoi.
M. Jean: Vous vous souvenez peut-être qu'il y a 15 ans, on ne vous demandait jamais vos documents à la porte d'embarquement. On vous demandait toujours vos documents à l'enregistrement des bagages. À l'heure actuelle, on vous demande vos documents à l'enregistrement et plus tard également. Dans la plupart des aéroports, on vous demande maintenant vos documents à la porte d'embarquement. La raison est très simple. La seule vérification des documents qui soit vraiment importante pour le contrôle de sécurité et l'immigration est celle que l'on fait à la porte d'embarquement. Par exemple, je suis Daniel Jean, et je fais des voyages réguliers au Canada. Je fais enregistrer mes bagages et je reçois une carte d'embarquement. Quand je suis dans la salle de transit, je vous remets ma carte d'embarquement. Si l'on ne fait pas de contrôle de documents quand vous embarquez, vous pourrez monter dans l'avion en utilisant mon identité. C'est ce qui explique le nombre de vérifications. En réalité, la seule vérification importante est celle à la porte d'embarquement.
En ce qui concerne la porte d'arrivée, ce que je mentionnais tout à l'heure est que, même si l'on avait ramassé les documents à la porte d'embarquement et tenté de les rendre à leurs propriétaires à la porte d'arrivée, ce ne serait pas efficace parce que les passagers se rassembleraient autour de la ligne d'inspection de Douanes Canada. Ils pourraient donc détruire les documents ou les passer à quelqu'un d'autre. Pour que le système soit efficace, il serait nécessaire que les compagnies aériennes ramassent tous les titres de voyage avant que les passagers n'embarquent dans l'avion et trouvent un moyen de rassembler toutes ces personnes, ce qui n'est pas facile lorsque les passagers de plusieurs vols débarquent en même temps et se dirigent tous vers la ligne d'inspection au point d'entrée. Il faudrait donc trouver un moyen de faire le lien entre les passagers et leurs documents et de s'assurer qu'ils ne fassent pas d'échanges. C'est relativement simple en théorie mais, en pratique, ce n'est pas faisable.
Le président: Ceux qui ont déjà été faire des achats dans les magasins où il faut prendre un numéro au comptoir pensent que ce système pourrait être efficace. On remet les documents aux agents des douanes, on prend un numéro, ils appellent votre numéro et vous passez. Nous n'avons pas étudié la question d'aussi près que vous, mais je suis sûr que c'est beaucoup plus compliqué qu'il ne paraît.
Je pense que nous avons fait le tour de la question.
Le sénateur Smith: À ce propos, connaissez-vous des pays occidentaux qui ont adopté ce système?
M. Jean: Peut-être pour certains passagers soupçonnés d'être une source de risques. Je sais que lorsque Mme Atkinson a témoigné en juin, vous avez discuté de la politique en vertu de laquelle nous imposons des amendes aux compagnies aériennes qui transportent des passagers illégaux. Certains pays et certaines compagnies aériennes peuvent décider d'appliquer ce système lorsqu'ils ont des soupçons au sujet de deux ou trois passagers seulement.
Le sénateur Banks: En ce qui concerne les nouvelles cartes de résident permanent, y a-t-il eu à votre connaissance des cas de fraude?
M. Jean: Non.
Le sénateur Forrestall: D'une façon générale, est-ce que nous faisons bien notre travail? Sommes-nous justes? Sommes-nous bons, meilleurs que d'autres ou les meilleurs?
M. Jean: D'après des publications américaines récentes d'auteurs comme Doris Meisner, l'ex-commissaire des U.S. Immigration and Naturalization Services, le Canada et l'Australie sont considérés comme des modèles en ce qui concerne la politique et les programmes en matière d'immigration et le contrôle des visas. Je pense donc que nous sommes très efficaces. Sommes-nous aussi efficaces que nous le souhaiterions? Nous ne le serons jamais.
Le sénateur Forrestall: Sommes-nous plus efficaces que la plupart des autres pays?
M. Jean: Je pense que oui.
Le sénateur Forrestall: Sommes-nous plus efficaces que les Américains?
M. Jean: Nous sommes de bons amis et nous travaillons en étroite collaboration.
Le sénateur Atkins: Combien d'armes Douanes et Immigration interceptent-elles à la frontière?
M. Jean: Je l'ignore. Je pense que ce sont nos collègues de Douanes qui manipulent la plupart des armes. Nous pourrions vérifier, si vous voulez.
Le président: Je vous remercie pour votre participation. Les explications que vous avez données sur le système sont très intéressantes. C'est un domaine sur lequel nous devrons nous renseigner davantage pour mettre rapidement nos connaissances à jour. Nous attendrons impatiemment la documentation que nous vous avons demandée. En ce qui concerne la comparaison entre les systèmes américain et canadien, un document très succinct ainsi qu'une comparaison numérique seraient très utiles.
Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.
Je signale à l'intention de ceux qui suivent nos délibérations que nous accueillons maintenant deux représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Les audiences d'aujourd'hui se termineront par des séances d'information sur les relations globales du Canada et des États-Unis et sur la sécurité internationale. Nous écouterons d'abord M. Jon Allen, puis Mme Jill Sinclair. Soyez les bienvenus.
M. Jon Allen, directeur général, Direction générale de l'Amérique du Nord, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: C'est un plaisir de participer à vos travaux. Je voudrais donner un bref aperçu de l'état actuel des relations avec les États-Unis et mentionner brièvement les défis qui se posent. À certains égards, nous procédons à rebours. Certains témoins ont probablement déjà mentionné plusieurs différends. Si je répète certaines choses, signalez- moi tout simplement de passer à un autre sujet. Je vous donnerai notre opinion. Jill Sinclair est notre experte en questions politiques militaires. Elle ne fera pas un exposé, mais elle est prête à répondre à vos questions dans ce domaine.
D'après les journaux canadiens, vous avez probablement l'impression que les relations canado-américaines ont atteint un creux. Vous pourriez penser que le gouvernement n'a pas de plan d'action ni de stratégie en ce qui concerne les États-Unis. J'ai le plaisir de signaler que ce n'est pas le cas. En fait, les relations sont bonnes et le gouvernement défend activement une série d'intérêts canadiens précis chez nos partenaires du Sud. La promotion des intérêts du Canada aux États-Unis a toujours reposé sur une approche axée sur un engagement permanent à un niveau élevé, sur l'initiative, sur la recherche de solutions précises en ce qui concerne les divers dossiers — de préférence ceux qui sont fondés sur des règlements mais, si cette approche n'est pas efficace, nous sommes prêts à être pragmatiques; cette approche consiste en outre à éviter d'associer divers dossiers et à défendre ou promouvoir activement nos intérêts. Vous avez en main une trousse de documentation que nous utilisons à cette fin. Elle est assez volumineuse et je suis prêt à discuter des documents qui vous intéressent pendant la période des questions.
Les relations personnelles ne suffisent pas, mais les relations qui ont été établies par le gouvernement actuel avec ses homologues américains sont extrêmement solides et extrêmement efficaces en ce qui concerne la promotion de notre programme. Comme vous le savez, le ministre Graham a rencontré dernièrement le secrétaire Powell à Ottawa et il est allé également à Washington. Le ministre Pettigrew est allé à Washington dernièrement où il a rencontré le secrétaire Zoellick et le secrétaire Evans. Ils ont discuté du dossier du bois d'oeuvre résineux et de l'OMC. Le représentant commercial américain, M. Zoellick, était à Québec où, pendant trois jours, il a tenté de développer ses relations avec le ministre Pettigrew. Le secrétaire à la Justice (Attorney General) entretenait d'excellentes relations avec l'ex-solliciteur général, qu'il a maintenues avec son successeur, M. Easter.
Dernièrement, le secrétaire à la Justice et le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, ont fait l'éloge du Canada pour ses efforts en matière de sécurité intérieure et en Afghanistan. Le processus Manley/Ridge est peut-être l'initiative la plus connue; ce sont probablement les relations qui ont été les plus fructueuses au cours des 12 derniers mois.
L'accord sur la frontière intelligente est également considéré comme une réussite aux États-Unis. Le secrétaire du Department of Homeland Security, Tom Ridge, ex-gouverneur de la Pennsylvanie, qui est conscient de l'importance des relations en matière d'économie et de sécurité, est un fervent défenseur du Canada au conseil des ministres américains. Le succès est dû en grande partie à ces relations et aux efforts déployés pour la mise en oeuvre de l'accord sur la frontière intelligente.
Comme vous le savez, le président Bush viendra à Ottawa le 5 mai. À cette occasion, nous fêterons nos relations au chapitre de l'énergie, nos relations commerciales, nos relations en matière de frontières et les relations que nous avons depuis des années, comme alliés.
Comme je l'ai déjà mentionné, les relations canado-américaines ne consistent pas uniquement à établir des relations personnelles mais aussi à défendre une série d'intérêts canadiens précis. Le gouvernement a collaboré étroitement avec les États-Unis pour assurer la sécurité des Canadiens sur le continent nord-américain. Nous avons mis en place le plan antiterrorisme qui a injecté 7,7 milliards de dollars de fonds frais dans la campagne contre le terrorisme; nous avons renforcé la législation dans ce domaine et intensifié la collaboration entre les services d'exécution de la loi et les services de renseignement; vous êtes déjà au courant. En outre, le gouvernement a décidé d'intensifier la collaboration en matière de sécurité sur le plan militaire. En décembre 2002, nous avons signé avec les États-Unis une entente portant sur l'établissement d'un groupe de planification binational établi dans les mêmes locaux que le NORAD. Ce groupe coordonnera la surveillance maritime binationale et l'échange de renseignements, lancera des avertissements; il fera des évaluations des menaces pour les deux gouvernements et élaborera des plans d'urgence.
En outre, le gouvernement a adopté une approche coordonnée pour s'attaquer activement à la mise en oeuvre de l'accord sur la frontière intelligente et de son plan d'action en 30 points. M. Fonberg était ici ce matin et vous avez eu l'occasion de discuter avec lui et avec M. Flack; nous nous ferons cependant un plaisir de répondre à vos questions sur le plan d'action en 30 points.
Le gouvernement accorde une très forte priorité à la poursuite des objectifs en matière de commerce et d'investissement. Alors que les relations commerciales sont, d'une façon générale, excellentes, des différends tenaces et coûteux persistent. Nous pourrons en discuter, si vous voulez. Le gouvernement examine en outre les possibilités d'améliorer le fonctionnement de l'espace économique nord-américain. Le ministre Pettigrew examine, avec ses collègues de l'ALENA, les possibilités d'aller plus loin dans des domaines comme les normes, la réforme de la réglementation, les règles d'origine et le mouvement des gens d'affaires.
Le gouvernement continue de chercher des solutions binationales aux problèmes environnementaux. En décembre, les deux pays ont signé le Traité du fleuve Yukon sur le saumon. Nous découvrons des possibilités d'améliorer la qualité de l'air en Amérique du Nord et il ne faut pas oublier la Commission mixte internationale, sous la direction dynamique de l'ex-solliciteur général et vice-premier ministre, M. Grey, qui met en oeuvre un plan d'action vigoureux.
Comme le signalera Mme Sinclair, nous sommes actifs sur divers fronts pour assurer la sécurité internationale. Le champ des relations qui s'étend de l'environnement aux pêches en passant par la politique étrangère, la frontière, l'immigration et la coopération en matière de commerce et de défense, est très vaste. L'ambassadeur Kergin compare souvent nos relations à un grand lac. Elles sont comparables à une vaste masse d'eau profonde et large. À l'occasion, cette masse d'eau s'agite et fait des vagues mais, d'une façon générale, elle est stable en eau profonde. J'espère que lorsque vous irez à Washington, vous aurez l'occasion d'assister à des séances d'information intéressantes à l'ambassade et ailleurs où l'on brossera un tableau semblable de nos relations. Je pense bien que ce sera le cas.
Quels sont les défis à relever au cours des 12 prochains mois? La sécurité intérieure est probablement le plus important. Comme vous le savez, la sécurité domine le programme politique aux États-Unis, bien plus qu'au Canada. Cette situation a une influence sur la plupart des approches stratégiques américaines en matière d'immigration, d'exécution de la loi et d'affaires étrangères. Pour les Américains, la question n'est pas de savoir si un autre attentat se produira, mais plutôt quand. En outre, les attentats du 11 septembre restent gravés dans la mémoire de nos amis américains alors que la plupart des Canadiens ont tendance à les oublier. Ironiquement, les États-Unis sont actuellement la seule hyperpuissance mondiale et pourtant, ils se sentent à plusieurs égards beaucoup plus vulnérables qu'ils ne l'ont jamais été. Naturellement, ce sentiment de vulnérabilité aura une influence sur les interactions permanentes entre le Canada et les États-Unis.
La création du Department of Homeland Security nous posera un défi. Vous avez entendu dire à de nombreuses reprises qu'il y aura neuf départements ministériels, 170 000 employés et que l'on procédera à la réorganisation bureaucratique la plus importante du département de la Défense depuis sa création. En outre, le président a maintenant le contrôle sur le Sénat, le Congrès et sur l'Exécutif. Par conséquent, il ne peut plus rejeter la responsabilité sur d'autres personnes en cas d'incident. Il doit rendre des comptes et ses collaborateurs en sont conscients. C'est notamment pour cette raison que les Américains appliquent actuellement une politique de tolérance zéro à leurs frontières et à l'échelle du système.
Le secrétaire Ridge demeurera un précieux allié. Le vice-premier ministre se rendra probablement à Washington au mois d'avril. Il se fera probablement accompagner d'un groupe de hauts fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) et des agences responsables de l'exécution des lois, afin de leur présenter quelques nouveaux membres de l'équipe de la sécurité intérieure à Washington, comme M. Asa Hutchinson, premier sous-secrétaire pour la sécurité à la frontière et dans les transports (Border and Transportation Security) — celui qui occupe le troisième rang au sein du Department of Homeland Security — et l'ex- directeur de la Drug Enforcement Agency, qui sera le «tsar de la frontière», ainsi que plusieurs autres fonctionnaires du nouveau ministère.
On ne peut insister suffisamment sur l'importance de cette visite parce que la plupart des liens qui avaient été établis entre les représentants d'Immigration Canada et ceux de l'INS et entre les représentants de Douanes Canada et ceux des services douaniers américains, ont été rompus. De nouvelles personnes occupent ces postes et il sera essentiel de faire leur connaissance pour les convaincre que nous partageons leurs préoccupations en matière de sécurité et que nous accordons beaucoup d'importance au volet économique des relations.
M. Robert Fonberg vous a déjà donné aujourd'hui des informations sur les questions frontalières. Je me contenterai de mentionner que nous réalisons des progrès importants en ce qui concerne la mise en place de NEXUS, d'EXPRESS et de NEXUS-Air, qui sera en place à Dorval (Montréal) à titre de système pilote. L'Entente sur les pays tiers sûrs a été signée et nous espérons qu'elle sera mise en oeuvre. Nous espérons en outre que vous arriverez à convaincre certains de vos collègues américains de promouvoir cette entente. Nous avons 11 équipes intégrées des mesures d'exécution à la frontière auxquelles trois autres viendront s'ajouter bientôt, pour un total de 14. D'une façon générale, nous continuons à réaliser des progrès avec les Américains, que ce soit dans le domaine de la biosécurité ou dans celui de l'Information préalable sur les passagers. C'est un défi perpétuel et nous faisons face tous les jours à des situations imprévues. Les Américains ne sont parfois même pas conscients de ces défis, que je mentionnerai dans une minute.
Notre principal problème est lié aux entrées-sorties. Vous savez probablement que les États-Unis ont décidé de suivre les 300 millions de visiteurs qui entrent et sortent des États-Unis chaque année; 200 millions d'entre eux passent aux frontières terrestres. Nous aurions de grosses difficultés si les agents américains décidaient de prendre la carte de sortie de toutes les personnes qui passent la frontière canado-américaine à un de leurs postes frontières avant qu'elles n'entrent au Canada et ne s'arrêtent à notre poste frontière. Nous sommes en négociations et en discussions avec nos collègues américains pour tenter de régler ce problème. Les Américains ont fait dans ce but des recommandations qui reconnaissent les difficultés qu'il engendrerait; nous avons bon espoir de le résoudre avec leur collaboration.
Vous êtes tous au courant du système national d'enregistrement des entrées et des sorties (National Security Entry- Exit Registration System [NSEERS]) qui exige qu'on prenne les empreintes digitales, photographie et interviewe les citoyens de 25 pays à leur entrée et à leur sortie des États-Unis. Nous avons des difficultés en ce qui concerne les personnes qui ont une double nationalité — par exemple, les Canadiens qui sont également ressortissants d'un de ces 25 pays ou qui sont nés dans un de ces pays. Nous en discutons activement avec les Américains pour tenter de régler ce problème. Alors qu'il n'est pas encore entièrement résolu, le niveau de tolérance zéro se relâche et nous constatons que, dans les cas raisonnables, les Canadiens nés dans un de ces 25 pays sont autorisés à passer sans devoir se soumettre au processus intégral.
En ce qui concerne les préavis aux douanes, les États-Unis comptent instaurer des règlements exigeant un préavis avant le chargement de marchandises à destination des États-Unis. À un certain moment, les autorités américaines ont mentionné qu'elles voulaient un préavis de quatre heures, ce qui aurait gravement perturbé le passage aux principaux postes frontaliers des marchandises destinées à la livraison juste à temps. Au cours des discussions que nous avons eues avec eux, nous avons convaincu les Américains de raccourcir ce délai. Nous ne nous sommes pas encore mis d'accord sur un délai précis, mais il est actuellement de 30 minutes tout au plus. Nous poursuivons ces discussions. En outre, les participants à EXPRESS seront dispensés du préavis aux douanes.
L'Information préalable sur les passagers est une autre source de difficultés que nous tentons de régler, étant donné que les Américains veulent des informations sur les passagers qui viennent au Canada et qui pourraient ensuite entrer aux États-Unis. Cette information n'est communiquée que sur une base de gestion des risques. Les données globales sur les voyageurs ne sont pas communiquées entre pays et seule l'information sur les passagers à risque élevé est communiquée. Nous sommes conscients des problèmes de protection des renseignements personnels que suscite ce système et nous nous efforçons de faire la part entre les exigences de la sécurité et la nécessité de protéger les renseignements personnels.
La question du transport des explosifs s'est posée subitement un vendredi après-midi; on nous a annoncé qu'à partir du milieu de la semaine suivante, les Canadiens ne seraient plus autorisés à passer la frontière avec des explosifs, même si nous en fournissons à des fabricants d'automobiles américains, au service de génie des forces armées et à d'autres services des Forces armées. Les responsables du bureau des boissons alcoolisées, du tabac et des armes à feu (Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms) n'avaient pas informé le département des Transports. Après une semaine de négociations, nous avons fait modifier ce projet; aussi, nos transporteurs et les compagnies de transport continuent de passer la frontière avec des explosifs.
Je saute les questions frontalières pour passer rapidement à quelques questions concernant la politique étrangère et à quelques enjeux économiques. Ensuite, nous répondrons à vos questions.
L'enjeu primordial en matière de politique étrangère et de sécurité pour l'administration Bush est indéniablement lié à la prolifération des armes de destruction massive et à la menace terroriste à l'échelle planétaire. Les États-Unis sont déterminés à désarmer l'Irak. Le président a déclaré sans ambages qu'il le ferait, de préférence avec, mais au besoin sans, la participation des Nations Unies.
Quelles seront les conséquences pour le Moyen-Orient, le système multilatéral, l'Europe et l'OTAN? Ce sont des questions délicates dont on discute en ce moment même. Il s'agit d'une politique extérieure à risque élevé qui est actuellement liée à la performance de l'économie américaine, ce qui pourrait avoir, bien entendu, des répercussions pour notre économie.
Les questions de défense continentale sont de nouveau au sommet des priorités canado-américaines. Aux États- Unis, la sécurité intérieure et la sécurité continentale convergent. Nous sommes prêts à répondre à vos questions à ce sujet.
En ce qui concerne notre prospérité économique, vous êtes au courant des faits et des chiffres. Le niveau de nos échanges atteint presque 2 milliards de dollars par jour; les États-Unis représentent 87 p. 100 de nos exportations et 37 p. 100 de notre PIB.
Nos relations commerciales sont une réussite éclatante. Quelques-uns des problèmes non réglés au cours de nos négociations sur l'ALENA, à l'occasion desquelles nous n'avons pas été en mesure de nous débarrasser de la législation américaine sur les recours commerciaux, subsistent. Nous tentons de régler actuellement la question du bois d'oeuvre résineux et celle des contestations concernant la Commission canadienne du blé — la dixième en dix ans. Cependant, ces questions sont examinées par le biais du processus de négociation et de règlement des différends de l'OMC et de l'ALENA, dans le cas du bois d'oeuvre résineux ou, dans le cas de la Commission canadienne du blé, par le biais du système de règlement des différends.
L'énergie est un des autres secteurs florissants. Cette situation est surtout due à nos excellentes relations. En 2000, le Canada a exporté de l'énergie pour une valeur de 52 milliards de dollars aux États-Unis, soit environ 97 p. 100 de nos exportations dans ce secteur.
L'autre aspect dont personne ne semble être au courant aux États-Unis est que nous sommes le principal fournisseur d'énergie des États-Unis, et le plus fiable. Nous espérons que M. Abraham, le secrétaire à l'Énergie, pourra accompagner le président Bush lors de sa visite au Canada en mai. Nos collègues américains veulent diffuser la nouvelle également. En cette période marquée par un conflit au Venezuela et par un conflit possible en Irak, tous les Américains devraient savoir que nous sommes leur principal fournisseur d'énergie, et le plus fiable.
En ce qui concerne l'économie nord-américaine, vous êtes probablement au courant de l'approche «de choc» préconisée par certains organismes — comme le Conseil canadien des chefs d'entreprise et l'Institut C.D. Howe — un ensemble de mesures englobant la sécurité intérieure et continentale en contrepartie du règlement des questions commerciales et économiques. D'autres organismes comme le Conference Board et de nombreux commentateurs canadiens et américains recommandent toutefois une approche graduelle.
À notre avis, les grands projets américains suscitent actuellement peu d'enthousiasme de notre part. Nous avons néanmoins envisagé d'autres possibilités d'assurer notre sécurité économique dans l'espace économique nord- américain. Il a été question de «réglementation intelligente» dans le discours du Trône et le ministre Pettigrew examine des possibilités de faire progresser notre programme commercial. Grâce à la réforme réglementaire et aux modifications apportées aux règles d'origine, nous ferons économiser des milliards de dollars au secteur privé canadien.
Je voudrais faire quelques brefs commentaires au sujet d'une représentation accrue aux États-Unis. Nous vous avons distribué deux cartes. L'une intitulée «Why the U.S. Matters», qui a paru dans le Globe and Mail du samedi il y a 15 jours, dans l'article de Drew Fagan. Nous lui avions remis cette carte il y a quelques mois alors que nous étions ensemble dans l'avion et il la diffuse partout depuis lors.
Elle est très intéressante si l'on considère que la France a un PIB légèrement inférieur à celui de la Californie, que la Floride a un PIB analogue à celui de la Corée du Sud et que la Russie a un PIB analogue à celui du New Jersey. Autrement dit, sur le plan économique, la plupart des États sont aussi importants, voire davantage, pour nous que la plupart des pays avec lesquels nous entretenons des relations commerciales courantes. Il ne faut pas en conclure pour autant que nous devrions réduire nos relations avec d'autres pays. Cette situation démontre seulement que nous devons tenir compte de l'importance des États-Unis sur le plan économique.
La deuxième carte, intitulée «Les pièces manquantes» indique où nous ne sommes pas représentés aux États-Unis. Au cours des dix dernières années, nous avons réduit le nombre de bureaux qui nous représentent aux États-Unis de 29 à 14. Cette décision a notamment été prise parce que l'on pensait qu'il ne serait peut-être plus nécessaire d'avoir autant de bureaux pour encourager le commerce après la signature de l'ALENA. On avait oublié qu'il est nécessaire d'être présents aux États-Unis pour défendre et protéger nos intérêts.
On a signalé dans le discours du Trône qu'il était nécessaire d'accroître notre représentation aux États-Unis. Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international (CAECI) a également tiré cette conclusion dans son rapport. Dans le dernier budget, on nous a accordé des crédits de 71 millions de dollars; notre ministère et les ministères partenaires investiront également en contrepartie. Nous espérons ouvrir neuf nouveaux bureaux aux États- Unis au cours des deux prochaines années. Certains seront des consulats généraux. D'autres seront des bureaux qui serviront d'antennes à nos consulats. Nous espérons créer 20 nouveaux postes de ce que nous appelons les «champions canadiens», c'est-à-dire des consuls honoraires, aux États-Unis, dans les villes où nous n'avons pas encore de bureau et où nous ne comptons pas en établir. Le but de cette opération est de promouvoir l'investissement et notre plan d'action pour l'innovation; nous le faisons également dans un but de sensibilisation et pour protéger nos intérêts.
Au cours des années 70, il s'agissait surtout de convaincre l'administration américaine. Au cours des années 80, Alan Gotlieb a signalé que nous devions traiter avec le Congrès et c'est précisément avec lui que vous traiterez. Au cours des années 90 et en l'an 2000, nous nous sommes rendu compte qu'il était nécessaire d'établir également des contacts avec la base et pas seulement avec l'élite.
Il est nécessaire de convaincre les personnes qui travaillent sur le terrain et qui ont une influence sur les membres du Congrès et les sénateurs. Ces personnes prennent des décisions en fonction des événements qui se produisent autour d'elles et nous devons être sur place pour communiquer notre message. Nous investissons actuellement beaucoup de temps et des sommes assez considérables dans la sensibilisation. C'est encourageant.
Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je m'arrête pour vous permettre de poser des questions.
Le sénateur Forrestall (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président: Je vous remercie, monsieur Allen. À propos des messages qu'il est parfois très intéressant de véhiculer aux États-Unis pour défendre nos positions, je signale que notre dernière visite concernait l'énergie.
Le sénateur Smith: Je signale d'emblée que j'approuve votre évaluation des relations au niveau supérieur, même si les commentaires des médias ne sont pas toujours aussi optimistes. Je suis peut-être probablement influencé par le fait que le mois dernier, je faisais partie d'un groupe de 12 parlementaires qui sont allés aux États-Unis avec le ministre Pettigrew pour la «Journée du Canada». Il s'agissait de deux journées de réunion. Dans les salles de réception du Sénat et de la Chambre des représentants, il y avait une carte de très grand format représentant les 38 États où le Canada est le plus gros client des États-Unis. Étant donné que j'habite Toronto, j'ai pris plaisir à signaler à un des membres du Congrès qui mentionnait le Japon que le volume des échanges commerciaux de l'Ontario avec les États-Unis est égal au volume des échanges des États-Unis avec le Japon. Ce commentaire l'a légèrement secoué, ce qui m'a amusé. Il était très pertinent.
Quoi qu'il en soit, l'information était très utile, surtout celle sur les 38 États dont nous sommes les principaux clients. Une des réunions avait plutôt mal débuté, avec un représentant de la Géorgie. C'était mon premier commentaire et le ton a changé très rapidement. J'ai eu une quinzaine de conversations avec des membres du Congrès et des sénateurs. Nous pensions que nous étions peut-être sur la défensive, mais aucune de ces conversations n'était de cette nature.
Ce jour-là, nous avons entendu les opinions de diverses personnes. À votre avis, quelles sont les principales idées fausses sur le Canada qui doivent être rectifiées? En avez-vous à nous signaler? Nous en sommes peut-être conscients mais, par mesure de précaution supplémentaire, quelles sont les idées fausses au sujet desquelles il serait peut-être bon que nous apportions quelques rectifications?
M. Allen: Il y en a plusieurs.
Vous avez effectivement peut-être intérêt à les connaître. Les deux idées fausses qui sont les plus répandues concernent la porosité de notre frontière et la faiblesse de notre processus d'immigration. Elles sont en quelque sorte au coeur des préoccupations de personnes comme le sénateur Hillary Rodham Clinton et de plusieurs autres personnes. Ces personnes ont besoin d'être tenues constamment au courant de la nature de notre système et, surtout, de la coopération entre les services canadiens et américains d'application de la loi et du renseignement, et entre divers autres services frontaliers.
Comme je l'ai mentionné, si l'on demandait au secrétaire à la Justice, M. Ashcroft, quel est le partenaire le plus coopératif des États-Unis, je pense qu'il répondrait sans la moindre hésitation. Il sait que nous sommes très coopératifs en matière d'application de la loi et de renseignement.
Nous avons pris dernièrement diverses mesures pour renforcer notre processus d'immigration. Je pense que M. Jean a mentionné que notre processus est aussi efficace que le système américain. Un des problèmes que j'ai mentionnés la dernière fois que j'ai témoigné devant vous est que nous avons peut-être perdu la trace de quelques réfugiés. Les Américains ne doivent pas oublier que le nombre d'immigrants clandestins qui sont dans leur pays se situe entre 9 millions et 11 millions. Si les États-Unis ont des immigrants «clandestins» alors que nous avons des «réfugiés», c'est parce que les réfugiés sont détenus lorsqu'ils arrivent aux États-Unis. Ils entrent donc clandestinement pour éviter la détention. Par contre, à leur arrivée au Canada, les réfugiés ne sont pas mis en détention, à moins qu'ils ne constituent un risque pour la sécurité. Il nous arrive de perdre leur trace. Comme je l'ai mentionné, le nombre de personnes qui pourraient constituer une menace pour nous ou pour les États-Unis qui circulent librement au Canada n'est pas très élevé parce que nous mettons en détention celles qui posent un problème.
Le sénateur Smith: Nous apprécierions beaucoup que vous remettiez à notre greffière les notes d'information que vous avez sur ces questions.
Je ne tiens pas à vous mettre dans une situation embarrassante ou à faire des pronostics sur la décision finale du gouvernement. Cependant, dans deux ou trois conversations que j'ai eues le mois dernier au sujet de l'Irak — et je me demande si vous en avez entendu parler —, les Américains ont mentionné la réputation méritée que le Canada a acquise dans des rôles de surveillance policière, déjà à Suez et à Chypre, bien que mes interlocuteurs ne se soient pas attardés sur la question. Dans ces cas-là, il est essentiel que nos représentants sachent de quoi on parle et ne soient pas pris de court quand on leur pose des questions. Avez-vous souvent des conversations de cette nature?
M. Allen: Je laisserai à Mme Sinclair le soin de répondre; il est cependant indéniable que les États-Unis aimeraient faire participer le plus grand nombre possible de pays, surtout des pays comme le Canada. C'est compréhensible; le Royaume-Uni a la même réaction.
Le sénateur Smith: Il s'agissait d'une allusion précise à la période suivant un combat.
M. Allen: À l'après-conflit?
Le sénateur Smith: C'est bien cela. Ils étaient au courant du rôle des navires de ravitaillement, qu'ils ont bien réagi. Le terme qu'ils ont employé est «créneau»; «nous savons que vous vous êtes taillé un créneau; ne soyons donc pas étonnés».
M. Allen: Je voudrais faire deux commentaires, puis je laisserai la parole à Mme Sinclair. Le premier est que si l'on est confronté à des critiques plus acerbes — ce que nous ne prévoyons pas —, il faut rappeler à nos voisins que nous avons assuré une présence en Irak, au Kosovo, en Bosnie, à Haïti et en Afghanistan, et que nous continuons de le faire. En ce qui concerne notre présence après les conflits, je pense que le premier ministre a fait à ce sujet aujourd'hui une déclaration qui ne laisse subsister aucun doute au sujet de notre présence après le conflit en Irak et qui a rappelé que nous participons habituellement aux opérations de reconstruction après un conflit.
Je laisse maintenant la parole à l'experte dans ce domaine.
Mme Jill Sinclair, directrice générale, Direction générale de la sécurité internationale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Honorables sénateurs, nous participerons, comme vous le savez déjà, aux travaux de reconstruction après le conflit en Afghanistan. C'est quand les Américains mentionnent ce créneau qu'il faut répondre que le Canada est à la hauteur de sa réputation dans ce domaine. À la suite des sollicitations des États-Unis, mais aussi de la communauté internationale, le Canada s'est engagé à être à la hauteur en ce qui concerne sa participation au sein de la Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan et à déployer un groupement tactique d'environ 2 000 personnes l'été prochain pour une période de roulement de 12 mois. C'est plus que ce qu'ont fait les autres pays; la plupart des forces sont envoyées pour des périodes de six mois. Nous sommes donc à la hauteur de cette réputation. Nos possibilités sont limitées, mais c'est une contribution importante à la paix et à la sécurité internationales. C'est donc une réponse pertinente à ce type de questions.
M. Allen a mentionné que nous avions assuré une présence en Bosnie et dans d'autres pays. Je signale que nous maintenons une présence en Bosnie et sur le Plateau du Golan. En ce qui concerne les pays où les Américains apprécient notre présence parce que nous apportons une certaine sécurité, une certaine stabilité et un professionnalisme de haut niveau; nous faisons partie de la force multinationale et de la mission d'observateurs dans le Sinaï, entre l'Égypte et Israël. Nous sommes présents dans toutes ces régions, mais les autres pays doivent respecter les limites de nos capacités et comprendre que nous participons en fonction de nos possibilités.
Le sénateur Smith: Je suis allé à notre base sur le Plateau du Golan en janvier. J'y ai entendu de nombreux commentaires élogieux au sujet de notre effectif local.
Pourriez-vous donner des précisions au sujet du refus d'associer divers dossiers? Lorsque nous étions aux États- Unis, les problèmes concernant le bois d'oeuvre résineux avaient atteint leur point culminant et risquaient de provoquer un désaccord. Il semblerait que l'on ait fait des efforts conscients pour éviter de faire un lien entre ces problèmes et les questions touchant la sécurité frontalière. Pourriez-vous faire des commentaires sur ce principe et sur l'approche à adopter pour éviter d'établir des associations?
M. Allen: Nous avons établi des associations dans certains cas; c'est toutefois entre les dossiers économiques et celui de la sécurité que nous avons établi des liens, ce qui est constructif. Nous tentons de démontrer que nous sommes des partenaires fiables en matière de sécurité et que nous tenons à ce que l'économie demeure prospère dans l'un et l'autre pays. Nous établissons des associations lorsque c'est constructif.
On pourrait toutefois avoir des problèmes si les Canadiens pensent qu'il serait possible de suspendre l'exportation d'énergie. La vente d'énergie aux États-Unis nous rapporte 52 milliards de dollars par an. Certaines personnes pensent que nous pourrions suspendre provisoirement les livraisons afin de convaincre les responsables américains de résoudre les problèmes liés au bois d'oeuvre résineux. La difficulté est que si l'on met cette théorie de choc en pratique, les divers volets du jeu seront sous le contrôle de personnes différentes. Ce n'est pas l'administration américaine qui représente l'obstacle majeur en ce qui concerne le bois d'oeuvre résineux. C'est une coalition qui a convaincu plusieurs membres du Congrès et sénateurs d'utiliser les recours commerciaux. Je pense que la suspension des livraisons d'énergie n'influencerait pas nécessairement ces personnes. Nous risquerions de nous nuire.
D'une façon générale, nous ne sommes pas assez puissants et nous n'avons pas assez d'influence pour résister. Ce n'est toutefois pas une raison pour ne pas expliquer aux Américains que nous sommes des partenaires importants.
En ce qui concerne les dossiers du bois d'oeuvre résineux, de l'acier et divers autres dossiers, nous tentons de convaincre les Américains que nos marchés sont intégrés. Les Américains ont actuellement des aciéries au Canada et les Canadiens en ont aux États-Unis; Weyerhaeuser possède des usines des deux côtés de la frontière.
Notre message est que si les États-Unis causent un préjudice au Canada, ils se causent du tort à eux-mêmes. Nous établissons en quelque sorte le lien.
L'honorable sénateur a mentionné la Géorgie. Nous avons constaté qu'un membre du Congrès a prêté une oreille attentive aux doléances d'une petite scierie et que sa position sur le bois d'oeuvre résineux est fondée sur ces doléances. Il ne s'est pas rendu compte que, dans sa circonscription, le nombre de ses électeurs qui travaillent pour Home Depot est plus élevé que le nombre de travailleurs de cette scierie. D'un point de vue strictement politique, il aurait dû voter en faveur du règlement de ce dossier.
Le sénateur Smith: Je le connais.
M. Allen: L'établissement de liens entre divers dossiers est un peu dangereux pour nous parce que nous sommes le partenaire le moins puissant. Il est dès lors nécessaire de le faire uniquement dans un but constructif.
Il faut éviter de menacer nos voisins; ce serait probablement inutile. Ils seraient peut-être capables de résister à toutes les pressions que nous pourrions exercer sur eux.
Le sénateur Smith: Ironiquement, la coalition et Home Depot, qui a financé le groupe de consommateurs, ont l'une et l'autre leur siège à Atlanta.
Le sénateur Banks: Monsieur Allen, vous avez mentionné tantôt que vous espériez que nous ferions notre possible pour convaincre les membres du Congrès d'appuyer l'Entente sur les pays tiers sûrs. Quels sont les risques à ce niveau? Quelles seront leurs réactions? Fait-on des tentatives pour faire échouer cette entente? Y a-t-il des tentatives d'obstruction? Le Congrès pourrait-il intervenir pour crever l'abcès?
M. Allen: Je ne le pense pas. Nous sommes sur la bonne voie. L'entente a été signée il y a un certain temps et nous nous appliquons en fait à la mettre en oeuvre.
Contrairement à la Chambre et au Sénat, le Congrès américain est soumis à des pressions. Certains groupes de réfugiés qui sont aux États-Unis s'opposent à sa mise en oeuvre. Cette attitude a des répercussions sur les réfugiés qui recherchent la sécurité.
Comme vous le savez, nous estimons que les réfugiés ne devraient pas utiliser les États-Unis comme point de transit vers le Canada.
Le sénateur Banks: S'ils sont au courant des statistiques, les membres du Congrès américain sont conscients qu'ils seraient les grands perdants. Ce sont eux et pas nous qui auraient sur le dos 10 000 demandeurs d'asile qui auraient pu venir au Canada par les États-Unis.
M. Allen: C'est exact. Par contre, ils ne peuvent pas reprocher à notre processus de détermination du statut de réfugié d'être peu efficace et nous recommander de faire preuve de plus de circonspection en signalant d'autre part qu'ils aimeraient laisser 40 000 personnes à Buffalo et que nous devons les accueillir. Ce serait inéquitable.
L'administration et la plupart des membres du Congrès pourraient tenir ce type de raisonnement. Certaines pressions de votre part ne seraient pas inutiles.
Le sénateur Banks: Nous en ferons. Les commentaires anecdotiques que vous faites parce que vous les entendez tous les jours, nous seraient très utiles. Nous en avons déjà noté un grand nombre, mais nous avons intérêt à être prêts à une avalanche de commentaires de cette nature. Pourriez-vous nous mettre au courant de toutes les situations anecdotiques possibles? Si un sénateur de la Géorgie nous critique à l'occasion d'un déjeuner causerie, il serait utile que nous puissions lui signaler qu'il n'est pas parfaitement informé. Ce serait utile.
M. Allen: Nous le ferons. La petite trousse que nous vous avons remise contient de nombreux messages. La petite brochure bleue est l'équivalent du Livre rouge. Elle contient les principaux messages. Nous vous remettrons un aide- mémoire.
Le vice-président: Puisque vous réalisez les souhaits de Noël de mon collègue, pourriez-vous citer quelques chiffres sur le coût d'extraction du pétrole des sables bitumineux au Canada par rapport au coût d'extraction du pétrole du schiste aux États-Unis, afin de démontrer une fois de plus au secrétaire Rumsfeld que nous sommes capables de rentabiliser cette opération?
M. Allen: Bien sûr.
Le sénateur Banks: Nous avons parfois obtenu de bons résultats à cet égard. Ce type d'information est très utile.
Madame Sinclair, lorsque nous avons posé une question à M. Allen au sujet des frictions, il a mentionné l'immigration, les demandes de statut de réfugié et la porosité de la frontière. On nous a mentionné — et je suis sûr qu'on vous l'a mentionné également, puisque je présume que vous avez de temps en temps des entretiens avec des Américains — que les principaux irritants ne sont pas nos contributions au maintien de la paix après un conflit, aux services policiers et à la reconstruction, ni notre degré de participation au conflit et l'effectif que nous envoyons, qui est, d'après vous, à la limite de nos capacités.
On pose toutefois certaines questions au sujet de notre capacité. Les Américains se demandent quel pourcentage de nos ressources et de nos dépenses nationales nous consacrons à cette capacité. Ils font des comparaisons détestables.
Notre comité a mentionné dans plusieurs rapports que dans aucune comparaison ni dans aucun contexte, les prestations de notre pays ne semblent impressionnantes du point de vue des fonds investis dans l'infrastructure, dans les effectifs ou dans la capacité de transport. Nos capacités de transport de troupes sur les lieux ne sont pas impressionnantes.
On nous a signalé plusieurs situations embarrassantes dernièrement. Nous en entendons parler de temps en temps lorsque nous sommes aux États-Unis. Elles nous sont signalées non seulement par des Américains, mais surtout lorsque nous allons à Washington. Je présume que vous en avez entendu parler également.
Pouvez-vous nous donner des conseils ou nous aider? Nous connaissons les statistiques. Nous n'avons plus aucune possibilité de nous cacher parce que nous avons dénoncé ces faits. Par contre, nous tenons à être du côté des bons quand nous serons à Washington.
Outre des conseils et des encouragements, avez-vous d'autres commentaires à faire? Est-ce que la récente augmentation de 800 millions de dollars par an a été remarquée et est-ce que vos homologues et vos interlocuteurs à Washington le croient?
Mme Sinclair: J'ai régulièrement des entretiens avec des Américains, notamment avec de nombreux responsables de la défense et de la sécurité au Pentagone, et pas seulement avec des responsables du département d'État.
L'augmentation de 800 millions de dollars a été remarquée. Je ne sais pas si M. Allen en a entendu parler de son côté. Cette augmentation a été prise en note et approuvée et elle est considérée comme un progrès important.
Les États-Unis aimeraient certes que ses alliés participent davantage. Ils ont mentionné que c'était une bonne initiative et nous ont posé des questions au sujet de la prochaine tranche d'augmentation.
Si l'on fait un examen comparatif avec les autres postes budgétaires, cette augmentation représente un investissement majeur du gouvernement canadien dans les Forces armées. Elle est appréciée.
Le sénateur Banks: N'est-il pas dangereux de parler d'études comparatives?
Mme Sinclair: Je ne pense pas. Par rapport aux dépenses globales du gouvernement, cela représente un investissement important du gouvernement dans les Forces armées, par rapport aux autres secteurs. Les Américains qui sont bien informés, le personnel de l'ambassade des États-Unis au Canada et nos interlocuteurs à Washington qui suivent les événements au Canada reconnaissent que cette contribution n'est pas négligeable.
Le sénateur Banks: Pourriez-vous donner des précisions à ce sujet? Cela ne représente pas un montant considérable en pourcentage du PIB ou en pourcentage des dépenses gouvernementales. C'est une somme minime pour la plupart des personnes que nous considérons comme des amis.
Mme Sinclair: Nous ne comparons pas notre budget à celui de nos alliés.
Le sénateur Banks: Nous pas, mais bien nos amis.
Mme Sinclair: Oui. Je voudrais répondre à la demande de M. Allen concernant des preuves anecdotiques pour détruire les idées fausses qui circulent. J'aimerais vous remettre quelques documents que me fourniront mes collègues du ministère de la Défense nationale.
Je ne peux pas donner des informations très précises, mais le Canada est en tête en ce qui concerne le pourcentage des forces déployées à l'étranger.
Vous pourriez répliquer que c'est parce que nos effectifs sont minimes — 58 000 ou 60 000. Cependant, le pourcentage des forces que nous avons déployées à l'étranger est plus élevé que le pourcentage des Forces américaines, des Forces britanniques ou des autres forces. C'est une situation qui, comme vous le savez, à la suite des travaux que vous avez faits, met le personnel à rude épreuve, mais nous sommes présents.
Vous vous demandiez si le bilan était positif en ce qui concerne les fonds, l'effectif ou notre capacité de transport. En ce qui concerne l'effectif, je pense que le niveau des forces armées des autres pays ne dépasse pas celui de nos Forces armées. Je m'aventure sur le terrain de mes collègues de la Défense nationale, mais aucun autre pays n'est invité à interopérer avec les États-Unis; je n'aime pas ce terme, mais il signifie que l'on fait partie intégrante des unités américaines. Ce sont les Forces canadiennes qui dirigent actuellement la force d'intervention 151 de la Coalition dans le golfe et dans le détroit d'Hormuz. Les seuls qui peuvent le faire sont les Américains ou les Canadiens. Aucune autre force ne suscite autant de respect sur le plan professionnel et ce, à l'échelle mondiale. Ce respect ne se limite pas à nos forces navales. Dans les divers services, la qualité de notre personnel est tellement appréciée que les Américains préfèrent une douzaine de Canadiens à n'importe quels autres militaires étrangers.
Le sénateur Banks: Ils préféreraient deux douzaines de Canadiens.
Mme Sinclair: C'est indéniable, mais ce n'est pas mal s'ils peuvent obtenir une douzaine.
Le sénateur Banks: Comme vous l'avez si bien mentionné, ma question ne porte pas sur la qualité des membres de nos forces ni sur leur engagement ou leurs capacités; elle concerne leur équipement et leur nombre. Elle ne concerne pas la compétence avec laquelle les membres des Forces armées s'acquittent de leurs fonctions mais plutôt sur le soutien logistique. Ils s'acquittent parfaitement de leurs fonctions. Ils atteignent un niveau d'excellence dans tout ce qu'ils font, où que ce soit.
Mme Sinclair: Ce n'est pas ce que j'insinuais non plus. Des problèmes d'équipement se posent de toute évidence et nous espérons que certains des crédits budgétaires permettront de les atténuer.
À mes risques et périls, je m'aventure dans un domaine où il serait préférable que mes collègues de la défense donnent les réponses. Nous avons certaines capacités. Je pense notamment aux escadrons de Coyote. Nous avons des capacités militaires précises qui sont en demande de la part des Américains. On en revient à la notion de créneau. Nous aimerions peut-être établir des créneaux plus intéressants ou plus étendus. Les États-Unis aimeraient en profiter. Nous sommes efficaces dans certains domaines. Nos frégates par exemple sont très bien équipées. Leurs systèmes intégrés ne sont pas surpassés à l'échelle mondiale. Ce serait intéressant d'avoir des capacités plus étendues, mais celles que nous avons sont efficaces.
Il est indéniable que les Forces armées seraient heureuses d'avoir des capacités accrues et que les Américains l'apprécieraient également. Nous avons toutefois des points positifs à signaler et j'aimerais obtenir les chiffres et quelques feuillets d'information pour vous afin que vous puissiez détruire ces idées fausses lorsque vous serez à Washington. Nous vous les ferons parvenir.
M. Allen: Les dépenses américaines sont actuellement de l'ordre de 380 milliards de dollars. Il est très difficile d'établir des comparaisons avec eux. À ce propos, je pense que nos dépenses actuelles sont proportionnellement beaucoup plus considérables que celles de tous les autres pays membres de l'OTAN réunis.
Le sénateur Banks: C'est un fait.
Mme Sinclair: Nos dépenses militaires globales ne sont pas égales aux dépenses militaires américaines. Comme l'a mentionné M. Allen, il y a différents niveaux de comparaison.
Le sénateur Banks: Je n'établissais pas une comparaison entre nous et les États-Unis en termes de pourcentage du PIB ou du budget ni en termes de montant, mais on fait souvent d'autres comparaisons qui ne sont pas déraisonnables et dont nous sommes très conscients; nous les avons d'ailleurs mentionnées.
M. Allen: À propos d'idées fausses, une des dépenses importantes qui est mentionnée sans cesse sont peut-être les 7,7 milliards de dollars qui ont été injectés l'année dernière dans le budget de la sécurité intérieure, qui est à maints égards la préoccupation majeure des États-Unis à l'heure actuelle. C'est une somme importante. Si l'on applique la règle des 10 p. 100, cela représente 750 milliards de dollars; c'est donc une dépense substantielle. Nous avons encore augmenté le montant cette année-ci. Je pense que si vos interlocuteurs abordent le sujet, vous pourriez peut-être mentionner l'enveloppe de la sécurité intérieure. Comme je l'ai déjà fait remarquer, la sécurité continentale et la sécurité intérieure sont actuellement associées. Vous pourriez signaler que nous avons considérablement augmenté notre budget de la défense et que nous espérons continuer de le faire parce que c'est important mais que nous axons nos efforts sur nos préoccupations communes en matière de sécurité, c'est-à-dire aux questions frontalières et aux autres questions qui y sont liées.
Le sénateur Banks: C'est ce que nous avons fait. Comme vous le savez, lorsqu'on véhicule une idée fausse comme celle concernant la porosité de notre frontière, il est difficile de la détruire au moyen d'arguments raisonnables et logiques.
Le vice-président: Le 12 mars, le ministre de la Défense nationale a mentionné, à propos du remplacement des Sea King par d'autres hélicoptères, qu'il fallait continuer à faire les changements nécessaires pour s'adapter à un environnement dangereux et imprévisible en matière de sécurité et veiller à un bon rapport qualité-prix des investissements du Canada dans la défense. Je vous recommande de soutenir votre ministre dans sa volonté de mettre l'accent sur le rapport qualité-prix. Je ne parle pas du plus bas prix, mais d'un bon rapport qualité-prix.
Le sénateur Atkins: Vous trouverez intéressant d'apprendre que l'année dernière, quand nous étions aux États-Unis, nous avons été invités lorsque le secrétaire Rumsfeld a fait son exposé sur le budget au Comité de la défense. Je pense que le budget était de 285 milliards de dollars alors qu'il serait maintenant de 380 milliards de dollars, d'après vous.
Je suis étonné que les Américains pensent que 800 millions de dollars représentent un investissement important; en effet, quand nous étions là-bas, les investisseurs américains et Colin Powell ont recommandé au gouvernement canadien d'investir dans la défense et je pense qu'ils avaient en tête un chiffre beaucoup plus élevé que le montant prévu dans le dernier budget.
Je voudrais poser des questions sur deux ou trois sujets différents, notamment sur l'Information préalable sur les passagers. Vous avez mentionné quelque chose dont je n'étais pas conscient, à savoir que les Américains réclament les listes des passagers des appareils en provenance d'autres pays qui atterrissent au Canada.
M. Allen: Le problème, c'est que les passagers qui viennent au Canada peuvent ensuite aller aux États-Unis. Le fait qu'ils veuillent savoir qui pourrait entrer au Canada et pourrait par conséquent ensuite se rendre aux États-Unis semble justifié, s'ils sont préoccupés au sujet de la sécurité. Comme je l'ai mentionné, nous avons mis au point avec les Américains un système qui nous permet de ne pas communiquer toute l'information sur les passagers. Nous nous sommes entendus sur les critères permettant de déterminer quels passagers pourraient présenter un risque et nous communiquons uniquement l'information sur ces passagers. Nous avons pris toutes les précautions possibles pour protéger les droits de nos citoyens et des citoyens d'autres pays en ce qui concerne les renseignements personnels et nous communiquons uniquement de l'information sur les personnes qui présentent un risque élevé au lieu de communiquer de l'information sur tous les passagers.
C'est en fait l'objectif que nous visons en ce qui concerne les entrées-sorties. Ce n'est pas en suivant 300 millions de personnes qui entrent et sortent des États-Unis que l'on assure nécessairement leur sécurité de façon plus efficace mais si nos programmes NEXUS et EXPRESS et diverses autres méthodes de collaboration permettent de cibler les personnes présentant des risques élevés, nous pourrons aider à protéger la sécurité des Américains et la nôtre.
Le sénateur Atkins: Ceci nous amène tout naturellement à nous poser une autre question. Les événements du 11 septembre étaient tragiques, mais l'on se demande si les États-Unis ne sont pas allés trop loin et si les arguments liés à la sécurité qu'ils invoquent pour justifier la protection de leurs frontières ne sont pas des excuses.
M. Allen: Grâce au processus de la Frontière intelligente et à nos ripostes sur divers autres différends qui ont surgi, nous avons été en mesure de tempérer ce qui aurait peut-être été une trop grande précipitation en matière de sécurité ne tenant compte d'aucun autre facteur. Il est compréhensible que la première réaction du Congrès et de l'administration soit de prendre d'abord toutes les mesures nécessaires pour se protéger, puis de réfléchir aux conséquences. Dans une certaine mesure, notre rôle est de les aider à réfléchir aux conséquences, dans nos propres intérêts — parce que nous serons touchés s'ils ne tiennent pas compte de nous —, mais aussi de procéder à un second examen objectif pour eux.
En ce qui concerne les entrées et les sorties, un agent de sécurité qui est allé à Detroit-Windsor a été bouleversé quand on lui a expliqué les projets. Les fonctionnaires de Washington qui examinent diverses lois ne sont pas toujours conscients des conséquences. Il est nécessaire de leur signaler qu'il y a 200 millions de passages aux frontières et que, selon la façon dont le système sera mis en oeuvre, tous les voyageurs devraient peut-être s'arrêter deux fois avant de pouvoir traverser la frontière. Ils ont alors compris.
Ils dépasseront effectivement probablement parfois les limites, mais il est de notre devoir et de notre intérêt de nous défendre en invoquant des arguments rationnels. La mise en oeuvre de notre plan d'action pour la frontière intelligente indique que c'est possible dans la plupart des cas grâce au climat de confiance qui s'est établi. Cette confiance est due à l'investissement de 7,7 milliards de dollars que nous avons fait dans la sécurité. Les Américains ne nous croiront pas uniquement sur parole et ils n'accepteront pas les arguments économiques.
Le sénateur Atkins: Les accords sur la frontière intelligente sont d'excellents accords. C'est toujours un atout de mettre en place des initiatives semblables.
Une situation nouvelle se développe, à savoir la priorité à accorder à la sécurité par rapport à la liberté. Je présume que le secrétaire Ridge et ses collaborateurs y sont très sensibles. Les idées fausses qui circulent également à ce sujet et l'opinion publique sont inquiétantes.
M. Allen: Il faut également tenir compte des mouvements de balancier. Les États-Unis représentent une nation très complexe car elle est multidimensionnelle et est composée de nombreuses ethnies. Les Canadiens se pensent plus libéraux que les Américains, mais certains citoyens de la Californie sont beaucoup plus libéraux que certains Canadiens, et réciproquement. La balance penche actuellement en faveur de la sécurité mais, à mesure que le temps passe, la Constitution américaine et l'attachement à la liberté rétabliront l'équilibre. On craint un autre attentat. Un attentat est probable, mais on ne sait pas très bien quelle en sera la gravité, quelles seront les réactions ni si les Américains ramèneront la menace à de justes proportions. Nous espérons qu'ils feront preuve de modération.
Le sénateur Atkins: Que faut-il faire à propos du sénateur Clinton? Est-ce que nous devrions essayer de la rencontrer?
M. Allen: Absolument. Le vice-premier ministre l'a rencontrée et a exposé sa position. Nous pensons que nous l'avons convaincue.
Le sénateur Atkins: C'est entièrement politique.
M. Allen: C'est un facteur. Les Démocrates tentent de démontrer que les Républicains ne consacrent pas suffisamment de fonds au Department of Homeland Security; vous comprenez certainement leurs motivations. Le sénateur Clinton prétend qu'ils ne consacrent pas suffisamment de fonds à la sécurité.
Nous interprétons cette réaction comme une critique à notre endroit. Elle réclame une application plus rigoureuse des lois à la frontière. Nous en déduisons qu'elle trouve que nous faisons preuve de faiblesse. Elle ne nous a en fait pas fait ce reproche. Tout ira bien pour autant que l'application des lois soit bien dosée et que les deux pays collaborent. Si l'on augmente les effectifs à la frontière pour l'inspection des voitures afin de ne pas bloquer la circulation, il n'y aura pas de problème.
La situation n'est pas extrêmement grave. Le problème est que les citoyens en déduisent qu'il est nécessaire d'augmenter les effectifs aux frontières parce que les Canadiens n'assument pas leurs responsabilités.
Le sénateur Atkins: Si vous frappiez à sa porte, quels seraient les deux points sur lesquels vous mettriez l'accent?
M. Allen: Je mettrais l'accent sur le fait que nous sommes les deux pays qui collaborent le plus en matière d'échange de renseignements et d'exécution de la loi. Je lui montrerais la «carte de pointage» de la mise en oeuvre de la Frontière intelligente et j'attirerais son attention sur le fait que nous collaborons sur toute la ligne, que ce soit au niveau de NEXUS et d'EXPRESS, ou des équipes frontalières intégrées, ou encore de la coopération en matière de bioterrorisme.
Je signale que M. Ressam n'est pas parvenu à traverser la frontière. Notre frontière a 5 000 kilomètres de long et quelqu'un arrivera un jour à la franchir clandestinement. Cependant, combien de personnes sont-elles arrivées à traverser la frontière clandestinement depuis le début de notre longue collaboration, malgré quelques postes où la surveillance n'est pas très stricte? Les 19 terroristes impliqués dans les attentats du 11 septembre venaient d'Europe. Ils étaient arrivés aux États-Unis par avion. Ils avaient appris à piloter un avion aux États-Unis. Ils ne venaient pas du Canada. C'est le type de messages que nous diffusons activement aux États-Unis.
Le sénateur Atkins: L'État de New York est probablement, après le Michigan, le principal bénéficiaire de l'immigration entre les deux pays.
M. Allen: Je dirais au sénateur Clinton d'en discuter avec le secrétaire Ridge qui, avec ses collaborateurs, a établi d'excellentes relations avec le vice-premier ministre. Il est responsable de la sécurité intérieure et pourrait faire une évaluation objective de la nature de la coopération. Nous vous ferons parvenir l'aide-mémoire dont vous pourrez vous inspirer.
Le sénateur Atkins: Je recommanderais d'essayer de la rencontrer.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
Le président: Elle a son propre programme politique.
Le sénateur Atkins: Bien sûr.
Le sénateur Banks: Je voudrais faire un commentaire qui se greffe à ceux du sénateur Atkins. Le processus des sorties mandatées par le Congrès ne toucherait pas 200 millions de personnes parce qu'on ne propose pas de faire des contrôles à la sortie sur les citoyens américains, mais uniquement sur les étrangers. Est-ce bien cela?
M. Allen: Oui. Cela ralentirait tout le processus. Dans certains cas, on pourrait avoir affaire à des non-Américains qui voyagent dans des voitures américaines ou on ne serait pas certain que l'occupant d'une voiture est américain et on arrêterait la voiture. Selon l'issue de nos entretiens avec les responsables américains, il est possible que les Canadiens ne soient pas assujettis non plus à ce processus.
Le sénateur Cordy: Vous nous avez donné de nombreuses informations. Je signale à mes collègues de l'Ontario que dans la brochure contenant les messages clés, on mentionne qu'en 2001, la valeur des exportations américaines vers l'Ontario était près du double de celle des exportations américaines vers le Japon.
Au cours des six derniers mois, plusieurs fonctionnaires ont fait des commentaires anti-américains qui ont été largement diffusés par les médias au Canada.
Est-ce que les Américains ont eu vent de ces commentaires?
M. Allen: Il y a quelques semaines, j'ai passé une heure avec un correspondant du New York Times pour l'aider à préparer quelques articles. Lorsque nous avons parlé des commentaires faits par un de nos députés, sa réaction a été la suivante: «J'ai voyagé à travers le monde. Certaines personnes me détestent parce que je suis Américain. D'autres m'apprécient parce que je suis Américain. Je crois que dans les deux cas, c'est un raisonnement ridicule». Il m'a dit qu'il serait étonné que ces commentaires suscitent de vives réactions aux États-Unis.
J'ai tendance à en convenir. Je pense que nous amplifions énormément tout ce qui concerne les États-Unis. Je suis davantage préoccupé par l'attitude de certains animateurs du Cable News Network qui traitent d'un sujet comme notre système d'immigration sans être bien renseignés et décrivent le Canada comme un pays dont la frontière est poreuse, où les contrôles ne sont pas très stricts. Ce qui est intéressant, c'est que lorsque j'ai mentionné le nom d'un de ces animateurs d'émission de télévision au correspondant en question, un certain O'Reilly, il m'a dit qu'il n'en avait encore jamais entendu parler. C'est uniquement un segment précis de la population américaine qui écoute ce type d'âneries. Il y a deux mois, cet animateur s'en prenait au Canada. La semaine dernière, il s'en prenait aux Français et aux frites. Ce genre d'attitude doit nous préoccuper, mais je pense que l'administration, le Congrès et d'autres personnes n'en ont pas entendu parler, ou du moins qu'ils acceptent ce type de commentaires avec résignation. Je ne pense pas qu'ils aient causé des dommages irréparables.
Le président: Je ne le pense pas non plus. Vous devez écouter les émissions d'actualité qui véhiculent des idées d'extrême-droite.
Le sénateur Cordy: Je voudrais poser, à l'instar du sénateur Banks, des questions sur le plan du contrôle des entrées- sorties, que vous avez mentionné. Nous avons entendu des commentaires à ce sujet ce matin. De quelle marge de manoeuvre dispose-t-on pour en arriver à un terrain d'entente dans le cadre des discussions concernant ce plan avec les États-Unis? Le mandat de ce plan a été établi par le Congrès américain. S'agit-il d'un mandat général ou est-il très précis? Quelle marge de manoeuvre avons-nous dans les discussions concernant un plan qui semble être plutôt lourd?
M. Allen: Il s'agit d'un mandat général. Il n'exige pas par exemple que les Canadiens soient inclus, parce qu'actuellement, on ne nous demande pas de voyager avec un passeport. Il n'exige pas que nous soyons inclus et, d'après les entretiens que nous avons eus à ce sujet, il semblerait que, légalement, il y ait possibilité que les Canadiens soient exclus; nous n'en avons toutefois pas eu confirmation. Nous ne sommes pas en mesure de prévoir les décisions du Congrès ni les réactions de certains membres du Congrès ou des responsables d'autres organismes. Nous avons eu des entretiens avec les représentants de quelques organismes, mais pas de tous les organismes concernés. Nous venons d'entamer les discussions à ce sujet.
Je pense que les fonctionnaires avec lesquels nous avons eu des entretiens sont disposés à prendre nos intérêts en considération pour autant que les préoccupations des États-Unis en matière de sécurité soient satisfaites. Comme vous le savez, le DMIA Task Force, qui a été créé aux États-Unis, a recommandé que les cartes de sortie soient ramassées par les Canadiens, ce qui permettrait d'éliminer le double arrêt. Plusieurs Américains sont conscients des possibilités de procéder à ces vérifications de façon plus efficace tout en répondant aux besoins des États-Unis. Nous verrons.
Le sénateur Cordy: Nous nous rendons à Washington la semaine prochaine. D'ici là, il est très possible que les États- Unis soient en guerre. Si c'est le cas, quelles questions seront probablement abordées en notre présence lorsque nous rencontrerons les sénateurs et les membres du Congrès?
Mme Sinclair: Sénateur, je ne sais pas si vous avez suivi la période des questions aujourd'hui à la Chambre. Le premier ministre a fait une déclaration sur la politique du gouvernement canadien, à savoir que le Canada ne ferait pas partie d'une coalition militaire américaine contre l'Irak mais que nos navires et autres dispositifs resteraient déployés dans le golfe et continueraient de participer à la campagne antiterroriste. Vous entendrez peut-être de part et d'autre des commentaires à ce sujet.
Les sénateurs et les membres du Congrès américains qui ont depuis longtemps des contacts avec le Canada ne seront pas surpris de cette position. Le premier ministre a mentionné, au cours de la période des questions, qu'il a eu de nombreuses conversations avec le président Bush. Notre ministre, M. Graham, a eu des entretiens avec le secrétaire Powell et le ministre McCallum en a eus avec M. Rumsfeld. Les Américains comprennent notre position. Le dialogue se poursuit depuis plusieurs mois, à savoir depuis le mois de septembre. Nous avons toujours maintenu la même position en ce qui concerne le rôle des États-Unis et la nécessité qu'ils prennent la direction des opérations, surtout en ce qui concerne le recours à la force et notre appui aux efforts américains pour défendre leur position aux Nations Unies. Il a malheureusement été impossible d'obtenir l'accord des membres du Conseil de sécurité à la suite d'une deuxième tentative. Vous entendrez peut-être des commentaires à ce sujet, mais le premier ministre a exposé clairement notre position aujourd'hui même. En fait, vous devriez veiller à emporter dans vos bagages un exemplaire de cette déclaration.
Le sénateur Cordy: Bien sûr. Nous avons assisté à des réunions toute la journée.
Le président: Au nom de mes collègues, je vous remercie pour votre participation. Je regrette d'avoir été absent pendant la majeure partie de votre exposé, mais je le lirai attentivement. J'étais au courant de la position du premier ministre avant mes collègues et nous en discuterons à la prochaine réunion.
Je vous remercie de nous avoir aidés à préparer notre voyage. C'est toujours un plaisir de vous accueillir et nous espérons vous revoir souvent dans le cadre de nos travaux.
Je signale à l'intention des personnes qui suivent nos délibérations que, dans deux semaines, à savoir le 31 mars, les témoins seront, dans l'ordre de comparution, le chef du service des incendies de Saint John (Nouveau-Brunswick), Glen Tait, M. David Blackmore, du Centre des opérations d'urgence de St. John's (Terre-Neuve), M. Rudy Fries, coordonnateur de la gestion des mesures d'urgence de London (Ontario) et M. William Pasel, coordonnateur de la gestion des mesures d'urgence de Hamilton (Ontario).
Si vous avez des questions à poser ou des commentaires à faire, rendez-vous sur notre site Web à www.sen-sec.ca. Nous y affichons les témoignages ainsi que les horaires des audiences qui sont confirmées. Vous pouvez toujours communiquer également avec la greffière du comité au 1-800-267-7362 pour obtenir de plus amples renseignements ou pour qu'elle vous aide à entrer en contact avec des membres du comité.
La séance se poursuit à huis clos.