Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 15 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 28 avril 2003
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 18 heures pour examiner, pour ensuite en faire rapport, la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, le comité entendra aujourd'hui des témoignages sur la défense et la sécurité côtières du Canada.
Je suis un sénateur de l'Ontario et j'agis comme président du comité.
Est aussi présent le distingué Michael Forrestall de la Nouvelle-Écosse. Le sénateur Forrestall est au service des commettants de Dartmouth depuis 37 ans, d'abord à titre de député, puis de sénateur. Tout au long de sa carrière parlementaire, il s'est intéressé aux questions relatives à la défense et a siégé à divers comités parlementaires liés à la défense, y compris le Comité mixte spécial de 1993 sur l'avenir des Forces canadiennes.
Permettez-moi de présenter les autres sénateurs qui sont ici avec nous. Le sénateur Jane Cordy vient de la Nouvelle-Écosse. Éducatrice chevronnée, elle a, avant son entrée au Sénat en 2000, fait sa marque dans le domaine de l'engagement communautaire. Elle siège aussi au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, lequel a récemment publié un rapport sur les soins de santé qui a fait date et s'intéresse aujourd'hui à la question de la santé mentale. Elle a récemment été élue vice-présidente de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN.
Le sénateur Joe Day est originaire du Nouveau-Brunswick. Avocat et homme d'affaires accompli, il a été nommé au Sénat en 2001. Le sénateur Day est vice-président du Sous-comité des anciens combattants et du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il siège également au Comité sénatorial permanent des transports et des communications de même qu'au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Il a récemment été élu à l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN à titre de conseiller.
Le sénateur Banks nous vient de l'Alberta. Les Canadiens reconnaissent aussi en lui l'un de nos musiciens et artistes les plus polyvalents et les plus accomplis. Il a été nommé au Sénat en 2000. Le sénateur Banks préside le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. À l'heure actuelle, le comité étudie la sûreté et le contrôle nucléaires.
Notre comité est le premier comité sénatorial permanent ayant reçu pour mandat d'examiner la sécurité et la défense. Au cours des 18 derniers mois, nous avons produit un certain nombre de rapports, à commencer par «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense». Dans le cadre de cette étude, déposée en février 2002, nous avons examiné les principaux enjeux auxquels le Canada est confronté dans le domaine de la défense et de la sécurité.
Le Sénat a ensuite demandé à notre comité d'examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité. Jusqu'ici, nous avons publié trois rapports sur divers aspects de la sécurité nationale. Le premier, «La défense de l'Amérique du Nord: une responsabilité canadienne», a été publié en septembre 2002. Le deuxième, «Pour 130 $ de plus... Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes: une vue de bas en haut», a été publié en novembre 2002. Le troisième et le plus récent, «Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens» a été rendu public en janvier 2003.
Le comité poursuit son évaluation à long terme de la capacité du Canada de contribuer à la sécurité et à la défense de l'Amérique du Nord. Dans le cadre de ce travail, il a organisé des audiences sur l'appui dont les femmes et les hommes qui interviennent les premiers en cas d'urgence et de catastrophe bénéficient de la part du gouvernement fédéral. Cependant, le comité a décidé d'accorder un traitement prioritaire à l'évaluation continue de la capacité du Canada de défendre ses eaux territoriales et de contribuer au contrôle de l'accès au littoral du continent.
Dans le cadre des présentes audiences, on fait le point sur un rapport antérieur, «La défense de l'Amérique du Nord: une responsabilité canadienne», publié en septembre 2002, dans lequel les efforts déployés par le Canada pour défendre le littoral étaient jugés pour une large part ponctuels et fragmentaires.
Ce soir, notre premier témoin sera M. Peter Haydon.
Monsieur Haydon, nous sommes heureux de vous accueillir, et nous vous savons gré du document que vous avez soumis à notre attention. Bienvenue. Je crois comprendre que vous souhaitez présenter un bref exposé. Nous sommes impatients de l'entendre.
M. Peter T. Haydon, agrégé supérieur de recherches, Centre for Foreign Policy Studies, Université Dalhousie, témoignage à titre personnel: Honorables sénateurs, mes propos évoqueront pour vous des enjeux controversés dont il faut débattre.
Quel que soit le point de vue que l'on adopte et ce qu'on lit, il peut nous sembler que la capacité du Canada d'assurer la sécurité de son immense territoire maritime, ses ports, ses voies navigables et son infrastructure connexe est sujette à caution. En lisant les témoignages présentés antérieurement devant votre comité, j'ai compris que beaucoup de personnes voyaient la situation actuelle comme une nouveauté nécessitant de nouvelles réflexions et de nouvelles approches.
Selon mon optique plutôt pragmatique, je trouve que c'est une attitude un peu radicale et que cela démontre une méconnaissance de l'histoire. Non seulement le Canada s'est fortement engagé dans la défense de ses côtes et ports en plusieurs occasions dans le passé, mais il a aussi été très efficace dans cette tâche et a été en mesure de coordonner ses interventions avec celles des États-Unis. En d'autres mots, ce n'est pas la première fois que nous faisons face à une telle situation.
La première question à poser est donc la suivante: quelles sont donc alors les menaces réelles à notre sécurité nationale, auxquelles on peut s'attendre en mer et provenant de la mer? Il y a un fait qui ressort: ceux qui pourraient avoir recours à la violence contre le Canada ne sont plus seulement des membres de forces militaires d'un autre pays; les nouveaux agresseurs peuvent avoir une formation militaire et utiliser du matériel militaire, mais il est fort probable qu'ils sont membres de groupes terroristes, criminels ou autres groupes subversifs, motivés par le désir d'imposer la terreur et de provoquer l'instabilité.
Nous ne pouvons pas nous permettre de fermer les yeux sur le fait que le vide relatif du Canada à l'extérieur de ses grands centres de population fournit beaucoup d'avenues pour le soutien et le lancement d'activités terroristes et criminelles dirigées non seulement contre nos villes et citoyens, mais aussi contre celles et ceux des États-Unis.
Maintenant que la menace terroriste en Amérique du Nord est devenue une réalité et que les crimes internationaux sont en hausse, nous avons à juste titre commencé à voir l'aspect maritime de notre sécurité nationale d'un point de vue nouveau. Presque tous admettent désormais que notre sécurité nationale intérieure peut être défiée de bien des façons et à beaucoup d'endroits. Ce sont surtout nos villes, nos systèmes de transport et l'infrastructure nationale qui sont vulnérables car nous n'avons tout simplement pas mis en place tous les processus et systèmes requis pour garantir leur sécurité. Il aurait été déraisonnablement coûteux de le faire.
Dans l'environnement actuel de sécurité, on peut facilement identifier un bon nombre de risques sur le plan de la sécurité maritime, essentiellement: la sécurité de la navigation (incluant les cargaisons) sur les eaux canadiennes, en particulier concernant les navires de croisière qui constituent des cibles intéressantes pour les terroristes; la vulnérabilité des complexes portuaires et les réseaux de transport affiliés; la sécurité des installations situées au large des côtes; le fonctionnement légal et sécuritaire de la pêche; la sécurité de communautés et d'installations isolées et éloignées ainsi que la sécurité de zones côtières inhabitées; et, enfin, la sécurité des câbles sous-marins (aujourd'hui presque tous en fibre optique) et de leurs terminaux sur les côtes.
Aux yeux de certains, cette façon d'aborder la sécurité ressemble au syndrome de la forteresse assiégée, mais en réalité, la situation à laquelle nous sommes confrontés exige non seulement une diminution de notre vulnérabilité, mais aussi l'acquisition des capacités nécessaires pour être prêts à faire face à une incidence ou à une crise. Autre avantage, le fait d'être considérés comme étant en mesure de répondre rapidement et efficacement peut avoir un effet dissuasif.
Ainsi, le cœur et l'âme d'une sécurité maritime efficace reposent sur une connaissance précise de l'activité sur les eaux littorales canadiennes — entreprise colossale, mais possible. Si on peut s'attaquer à un problème en mer plutôt que sur la terre, il sera beaucoup plus facile à résoudre.
Pour exercer une telle surveillance de nos eaux, on doit satisfaire aux trois critères suivants: premièrement, savoir exactement qui utilise nos eaux et dans quel but; deuxièmement, fermement démontrer l'autorité du gouvernement sur ces eaux territoriales; troisièmement, être en mesure de réagir rapidement et efficacement aux infractions ou aux menaces à la sécurité nationale. Il s'agit là d'évidences peut-être plus connues par l'expression «surveillance, présence et intervention» que vous entendrez fréquemment; ce concept a résisté à l'épreuve du temps.
Cela mène à une question logique: est-ce absolument nécessaire d'exercer une surveillance complète de toutes les eaux du Canada? Si un pays ne peut répondre à tous les dangers pouvant menacer sa sécurité nationale, le contrôle de son territoire maritime devient alors problématique. Il serait toutefois trop coûteux de maintenir une surveillance complète et difficilement justifiable de le faire dans les circonstances actuelles.
La solution de compromis susceptible d'intéresser le comité est de maintenir un équilibre des ressources qui permettrait au gouvernement d'effectuer une surveillance, tout en étant capable de répondre rapidement et efficacement à tout incident pouvant survenir. La cueillette continuelle de renseignements peut réduire le facteur surprise et permettre une réponse rapide. Le maintien d'une présence sélective grâce à des patrouilles imprévisibles peut avoir un effet dissuasif et réduire le temps de réaction.
Comment faire pour que cela fonctionne? Voilà ce à quoi nous devons réfléchir. Nous pouvons également tirer des leçons de l'histoire.
De mon point de vue plutôt universitaire, je dirais qu'un système de défense côtière efficace a besoin d'une stratégie ou d'une politique nationale administrée par un seul ministère ou un organisme appuyé d'un organisme national de décision et de surveillance, assisté par un système intégré de gestion de l'information accessible et utilisé par tous les ministères participants. On a aussi besoin d'un système intégré de commandement et de contrôle pour la direction des opérations et de la formation, avec un personnel à temps plein pour évaluer le rendement des capacités de remplacement et les besoins en matière de développement de nouvelles capacités. Finalement, il faut aussi avoir des moyens suffisants pour effectuer la surveillance, patrouiller et intervenir. Sans ressources suffisantes, le système de gestion de l'information et de prise de décisions est tout à fait inutile.
Voilà qui nous amène au facteur décisif: si le gouvernement veut un système de sécurité côtière efficace, il doit accepter de payer pour avoir le personnel et le matériel nécessaires.
La question qui vient probablement à l'esprit de tout le monde en ce moment est: quel est le niveau d'efficacité du système canadien actuel? Pour répondre à cette question, on doit savoir précisément ce qui doit être fait et les éléments de contingence devant être maintenus.
Plutôt que de jongler avec des notions obtuses de menaces asymétriques et des niveaux fluctuants de menaces terroristes internationales, je vais aborder cette question en me fondant sur l'hypothèse que, pour réaliser les objectifs généraux de sécurité mentionnés auparavant, essentiellement avec l'idée d'exercer un contrôle sur toutes les eaux territoriales canadiennes et d'assurer la sécurité des ports, le gouvernement doit être en mesure de faire ce qui suit: premièrement, appréhender, mettre en quarantaine s'il le faut et fouiller tous les bateaux et leur contenu (y compris les personnes); deuxièmement, mener des fouilles sous-marines de tous les bateaux, postes de mouillage et chenaux d'accès; troisièmement, mener des opérations de neutralisation des explosifs (NEM); quatrièmement, contrôler toute la circulation maritime et côtière sur l'eau et sur les côtes dans les limites d'un port ou dans une région côtière spécifique — au besoin, essentiellement, fermer le système; cinquièmement, placer des équipes de sécurité spécialisées dans le transport, comme la FOI 2 et les équipes de la GRC, dans les endroits éloignés et sur les installations marines; sixièmement, assurer la sécurité de bâtiments, structures et installations spécifiques, comme les terminaux de lignes terrestres, les ponts, les écluses, les stations de radio et toute l'infrastructure qui assure le bon fonctionnement du réseau de navigation; septièmement, recueillir, analyser et diffuser les renseignements secrets et opérationnels; et, enfin, détenir et interroger les suspects.
À certains égards, il s'agit d'une fonction policière de base. Pour utiliser l'ensemble du système de façon à le rendre plus sécuritaire, on doit cependant prendre les mesures ci-dessus.
J'espère que ces conditions apparaissent comme évidentes. Si ce n'est pas le cas, je pourrais facilement proposer quelques scénarios fournissant des explications plus détaillées.
En supposant que tout le monde est à l'aise avec ce concept, je pose la question suivante: comment le Canada se tire- t-il d'affaire? Pour autant que je le sache, il n'existe pas de stratégie ni de politique générale nationale en ce qui concerne la sécurité du territoire. Certains pourraient soutenir que l'actuelle politique de défense remplit cette mission, mais je ne suis pas du tout d'accord. Le problème de la sécurité déborde le cadre du mandat du ministère de la Défense nationale. Nous avons besoin d'une stratégie nationale pour développer des ressources économiques et augmenter les effectifs du pays: alors seulement serons-nous en mesure de supporter ces forces de sécurité, de régulariser la distribution de l'autorité entre les différents ministères du gouvernement concernés par la sécurité nationale et d'établir les procédures pour la coopération internationale et la liaison avec le secteur privé, en particulier le secteur industriel. L'industrie doit jouer un rôle de premier plan au chapitre de l'application de la technologie.
Dans mon esprit, il n'y a pas d'organisme national chargé de superviser la prise de décisions. Il y en a qui soutiendront qu'un organisme national de décision existe déjà dans la structure du Groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime (GTISM). Pour plusieurs raisons, je pense toutefois que c'est faux. En premier lieu, il y a tellement de ministères en cause que la structure est nécessairement complexe et en proie à ce que j'appellerai les problèmes culturels — ou, pour reprendre l'expression de Graham Allison, «la politique bureaucratique» —, dont l'accent aujourd'hui mis par le gouvernement sur la gestion des activités commerciales plutôt que sur le rendement ou la prestation de services n'est pas le moindre. Il s'agit d'un syndrome qu'amplifie un manque de finalité commune. Personne ne peut s'aligner sur un phare unique et dire: «Voici ce que nous allons faire.» Deuxièmement, le GTISM n'a aucune autorité et ne peut donc pas ordonner que des actions soient entreprises ou qu'on achète de l'équipement, condition essentielle à la mise en place d'un bon système. Troisièmement, comme cela a été le cas avec beaucoup de comités, la tendance veut que l'engagement des ministères s'affaiblisse une fois que l'importance politique d'un problème commence à diminuer. Quatrièmement, et en dernier lieu, le groupe en question n'a pas de mandat international de coopération.
Le système de gestion d'information est essentiellement en place. Il n'est pas parfait, mais il fonctionne. Il satisfait aux besoins en information d'un large spectre d'utilisateurs, mais seulement au niveau régional. Ce système naval n'a pas encore été intégré pleinement au système national. Or, ce n'est qu'à cette condition que le système sera efficace. De même, tous les ministères n'utilisent pas le système de gestion de l'information. Son utilisation est une question de choix et non de nécessité. Nous pourrons revenir plus tard sur l'information et la gestion de l'information.
Si les organismes de commandement et de contrôle existent au niveau régional, c'est en grande partie parce que la Marine a les infrastructures nécessaires et prend invariablement le rôle de commandement par défaut. Encore ici, un obstacle majeur à une meilleure intégration vient de la culture de gestion des activités commerciales qui règne à l'intérieur des autres ministères où l'efficacité administrative passe avant l'efficacité opérationnelle. Une fois de plus, on note une absence de vision commune, ce qui est l'un des principaux obstacles à tout le processus.
Pour le moment, j'ai du mal à évaluer l'efficacité des ressources en matière de surveillance et de patrouille parce que nous vivons une période unique, où la majorité de la force navale est déployée en mer d'Arabie dans le cadre de l'opération Apollo. Ainsi, le fardeau de la capacité d'intervention repose sur les épaules étroites des 12 navires de défense côtière (NDC) et sur les éléments disponibles pouvant être fournis par d'autres ministères, en particulier la Garde côtière.
Il est juste de dire que nous avons aujourd'hui une capacité d'intervention suffisante pour répondre à une urgence, mais que nous n'avons pas la capacité de soutenir les opérations d'une certaine durée. Les NDC et le petit nombre de bateaux de la Garde côtière sont lents et ont une endurance limitée. Les bateaux sont limités par les conditions météorologiques. Ce n'est pas idéal. Pour patrouiller les eaux canadiennes et répondre efficacement, on doit être doté d'un navire de guerre moderne équipé d'un hélicoptère intégré. Même là, il y a des limites à la portée de tel navire pour des opérations nordiques. Voilà un autre problème auquel on devra s'intéresser à l'avenir.
On doit également mettre en doute la capacité de l'escadre Aurora d'assurer des missions de surveillance sur l'océan et s'interroger sur les coûts de telles opérations. À l'heure actuelle, on n'utilise pas pleinement cette capacité.
Si, par exemple, on devait maintenir une surveillance totale des abords du golfe du Saint-Laurent ou du détroit de Juan de Fuca avec les éléments d'accompagnement nécessaires pour effectuer un mouillage de quarantaine, je ne crois pas que cela puisse se faire actuellement. Je ne crois pas qu'on possède les capacités voulues pour créer ce genre de capacité.
Les NDC qui doivent se charger des activités de patrouille et d'intervention sont manœuvrés par des réservistes, et la réserve n'est pas un puits de main-d'œuvre sans fond. La Force régulière n'a pas assez de personnes pour utiliser ces navires sans retirer ceux qui sont engagés dans la mer d'Arabie et les payer, ce qui serait stupide. La Garde côtière a peu à offrir, et des équipages de la Marine seraient probablement nécessaires pour exécuter les tâches relatives à la sécurité. Tout ce qu'on semble avoir, ce sont des équipes de recherche capables de fouiller les cargaisons dans les ports. Il s'agit d'une procédure extrêmement lente. En conséquence, la question de savoir quelles capacités seront financées relève donc des priorités du gouvernement.
En conclusion, permettez que je propose quelques suggestions sur le type d'initiatives dont nous avons besoin pour obtenir une structure de sécurité côtière efficace. Premièrement, il nous faut une stratégie générale, élaborée par un ministère désigné en tant qu'organisme responsable. J'ai bien peur qu'il faudrait que ce soit le MDN, en dépit du fait qu'il n'a pas de mandat élargi concernant la sécurité, simplement parce que le MDN a une expertise dans la planification d'urgence ainsi qu'un système de commandement et de contrôle.
Deuxièmement, on doit avoir un organisme de surveillance et de décision pouvant accéder directement et immédiatement au Cabinet pour des questions opérationnelles. Il faut donc qu'il s'agisse d'un organisme parlementaire. Un coprésident canadien de la Commission permanente mixte de défense devrait faire partie du comité puisque, comme à la fin des années 40, une bonne partie de ce que le Canada planifie de faire et fera éventuellement devra être coordonnée avec les Américains.
L'adoption du système d'information de la Marine doit être universelle. C'est possible. Il s'agit pour une bonne part d'un problème de sensibilisation, mais il y a certaines exigences liées au matériel. Le MDN devrait également modifier le système de commandement et de contrôle pour en faire un système national de commandement et de contrôle des activités liées à la sécurité côtière. À cet égard, on doit officialiser et financer au besoin les opérations de sécurité régionale qui, à l'heure actuelle, fonctionnent essentiellement de façon ponctuelle.
L'essentiel de mes préoccupations en ce qui concerne les ressources revient à une simple question: quel est le degré de risque acceptable au niveau politique? C'est évident qu'il n'est pas réaliste de penser pouvoir obtenir une capacité totale; cela serait trop coûteux et prendrait beaucoup de temps à mettre en place. Par conséquent, l'approche de bon sens serait d'utiliser au mieux nos moyens actuels et de prendre les dispositions nécessaires pour l'amélioration systématique dans certains domaines.
Voici quelques pistes de réflexion. Est-ce raisonnable de dépendre de la Réserve navale pour fournir la plus grande part des moyens militaires devant assurer la sécurité des côtes et des ports militaires? Je ne le pense pas puisque, comme je l'ai déjà dit, la Réserve a des ressources limitées et n'a pas la capacité d'intervenir rapidement. Si une intervention rapide ou des capacités de patrouille permanentes sont nécessaires, elles devront être fournies par la Force régulière ou le Service de réserve utilisés dans le cadre d'interventions à long terme.
Pouvons-nous compter sur les bateaux de la Garde côtière pour augmenter nos capacités militaires et nous donner les moyens de surveiller, de patrouiller et d'intervenir efficacement? Là encore, je ne le crois pas. Pour dire les choses crûment, les gardes-côtes sont des marins marchands et ont un ensemble d'habiletés complètement différent de ceux que requiert la sécurité nationale. Toutefois, ils pourraient fournir les moyens de transport. En d'autres termes, ils peuvent «conduire l'autobus» pour certaines tâches, mais, en tant qu'organisme syndiqué, la Garde côtière n'a pas la flexibilité opérationnelle de la Marine.
On doit ensuite poser la question suivante: est-ce que la Marine devrait s'occuper du mandat policier de la Garde côtière, dans la mesure où il existe? La réponse est non parce que la Marine n'a présentement pas les ressources pour s'en occuper. Cependant, je peux entrevoir un jour où on sera en mesure de l'envisager, mais un tel changement devrait être accompagné d'une augmentation des effectifs de la Marine et presque certainement d'un programme de construction de navires pour produire plusieurs bâtiments de patrouille capables d'effectuer des opérations en mer de deux ou trois semaines, quel que soit le temps qu'il fasse, et d'aller dans le Nord. Ici, il serait peut-être utile d'examiner l'expérience du Danemark et de ses bâtiments de patrouille au Groenland.
La question finale est la suivante: est-ce que la flotte des ZPM est bien dirigée? Non. Cette ressource, on la gaspille.
Cela, honorables sénateurs, suffit. Je ne suis peut-être pas aussi pessimiste que ce à quoi vous vous attendiez peut- être. Mon optimisme limité est largement dû à ma longue expérience de planificateur d'urgence pour contingences durant la guerre froide. Comme je vous l'ai dit au début, nous avons déjà arpenté ce parcours de planification et nous l'avons fait avec succès. Le moment venu de rebâtir un système efficace de sécurité côtière, la première tâche à accomplir devrait être de déterminer ce qui doit être fait, du point de vue des tâches et de la coordination. Nous devrions ensuite évaluer les niveaux de risque politique. Une fois que ces derniers seront connus, on n'aura qu'à agencer les moyens actuels avec le travail à faire en bâtissant à partir de ce qui existe en ayant une vision claire de l'avenir.
Le sénateur Forrestall: Vous avez dit un certain nombre de choses intéressantes. J'avoue avoir une connaissance générale de certaines de vos vues. Ma question est peut-être un peu biaisée en ce sens.
Vous dites «non» aux réserves. Vous ne laissez pas entendre que les réserves peuvent être remplacées, n'est-ce pas?
M. Haydon: Non. Les réserves ont un rôle à jouer, mais nous ne devrions pas compter sur elles pour effectuer des interventions rapides. Il s'agit de marins civils qui ont d'autres emplois et qui ne sont pas toujours disponibles sur-le- champ pour effectuer telle ou telle tâche. Collectivement, à titre de nation, nous avons eu de la chance par le passé parce que, étant donné les taux élevés de chômage, un plus grand nombre de jeunes se sont montrés disposés à accepter un contrat d'une durée de deux ou trois ans dans la réserve. Au moment où nous nous parlons, les chiffres sont probablement en régression.
Le sénateur Forrestall: Le vaisseau à bord duquel ils effectuent leur service est-il adapté à ce genre de travail?
M. Haydon: Non, il est trop petit, et ses capacités, au titre de la tenue de mer, limitent les plans d'eau où il peut intervenir. Il y a 40 ans, à l'époque où j'étais jeune marin, nous utilisions les anciennes frégates héritées de la Deuxième Guerre mondiale, qui étaient presque deux fois plus grosses que ce genre de vaisseau, et nous nous faisions malgré tout secouer sur les Grands Bancs. Il faut un vaisseau conçu pour résister à de telles mers, malgré les intempéries.
Le sénateur Forrestall: Un tel vaisseau devrait-il être renforcé contre l'action des glaces?
M. Haydon: Oui, si nous allons nous intéresser sérieusement aux zones nordiques. Si, en revanche, nous allons les mettre de côté et ne pas nous en inquiéter, dans l'hypothèse que seuls les touristes en quête d'aventure s'y risqueront, nous pouvons nous en passer. Si les conditions climatiques changent et que ces eaux risquent d'être plus utilisées à long terme, on devra les patrouiller plus fréquemment.
Le sénateur Forrestall: Comme le changement climatique influe sur la limite des glaces au Nord, le passage devient plus attrayant pour de plus longues périodes de l'année, et nous avons véritablement affaire à une troisième côte que nous devons traiter presque au même titre, parce que l'ouverture du passage attirera le type d'activité qui voile les difficultés contre lesquelles nous tentons de nous défendre.
M. Haydon: Je crois que la communauté scientifique n'est pas encore unanime sur le moment où cela risque de se produire. Certains prétendent que le changement est imminent; d'autres soutiennent qu'il s'agit simplement d'un petit mouvement de balancier à l'intérieur d'un mouvement plus grand et que les choses changeront de nouveau. Les recherches sont incomplètes, mais nous ne pouvons pas faire abstraction du Nord, peu importe ce qui arrive, c'est l'évidence même.
Le sénateur Forrestall: Je suis plutôt d'accord avec vous. Tôt ou tard, on devra cesser de mettre au point des technologies en raison de la planification A, B, C et D requise pour la structure appelée à accueillir et à abriter ces technologies.
Envisagez-vous la création d'un navire de 2 000 tonnes?
M. Haydon: Il faut poser la question aux architectes navals. C'est à eux qu'il incombe de déterminer l'endurance requise par un bâtiment, l'équipement qu'il est appelé à transporter et s'il doit ou non avoir un hélicoptère à son bord. À mon avis, un bâtiment de 2 000 tonnes risque d'être trop petit. Je pense qu'il est ici question des navires beaucoup plus gros.
Dans la conception des navires, le carburant est un facteur d'importance. Si vous souhaitez qu'un navire passe quelques semaines dans ces régions du monde, il faudra le munir de larges réservoirs.
Le sénateur Forrestall: À votre connaissance, y a-t-il des pays du monde qui utilisent la Marine pour assurer la sécurité nationale de façon totale et absolue dans leurs eaux nationales? D'autres pays le font-ils?
M. Haydon: Les Norvégiens le font. Les Malaisiens le font à coup sûr. La Marine de Singapour a pour but d'assurer la sécurité nationale du pays.
Le sénateur Forrestall: Il s'agit d'un port.
M. Haydon: Le pays est confronté à des problèmes de sécurité intéressants. Il est équipé de sous-marins.
Certains pays ont une marine chargée de soutenir leur politique étrangère et d'assurer la sécurité nationale; d'autres le font principalement dans l'intérêt de la sécurité nationale. Je pense que la géographie et le climat auxquels nous sommes confrontés font de nous un cas unique.
Le sénateur Forrestall: En dernier lieu, quel genre de conduite le Canada devrait-il adopter pour entretenir avec les États-Unis des relations amicales dans le dossier de la sécurité du territoire, du point de vue de la défense côtière?
M. Haydon: D'après ce que je crois comprendre, au niveau bilatéral, les relations avec les Américains sont remarquablement bonnes, par exemple la coopération avec la Garde côtière, la Marine des États-Unis et ainsi de suite. En vertu de quelques initiatives en cours, un plus grand nombre de Canadiens agiront à titre d'agents de liaison dans le domaine de la sécurité du territoire. La carence que j'observe actuellement, c'est au niveau politique. Nous avons toujours eu des relations complexes avec les Américains, en vertu desquelles nous parvenons à coopérer brillamment à un niveau tout en divergeant d'opinion à un autre.
Ce qu'il faut, c'est ramener une bonne part de l'élaboration de concept et du processus de planification au niveau de la Commission permanente mixte de défense, comme c'était le cas dans les années 40, époque à laquelle nous mettions au point un plan de sécurité continental. Efficace, un tel système répondait aux exigences politiques et fournissait le cadre grâce auquel la planification militaire et autre s'effectuait harmonieusement.
Le sénateur Forrestall: La Marine devrait-elle exercer des pouvoirs policiers à bord de tous ses navires?
M. Haydon: Si on entend utiliser davantage la Marine pour ce genre de travail, il faudra mettre au point, en vertu des autres lois, un système de délégation de pouvoir d'arrestation et de fouille à certains officiers navals.
Le sénateur Forrestall: Confieriez-vous des pouvoirs délégués à une personne ou à un bureau? Choisiriez-vous une personne ou un poste?
M. Haydon: C'est une très bonne question. Parce que les missions changent une fois les bateaux en mer, on doit confier des pouvoirs au bateau à titre d'instrument du gouvernement, habilité à poser certains gestes qui lui étaient auparavant interdits. Un navire de guerre est déjà un prolongement de l'État souverain. Seulement, l'exercice de certains pouvoirs lui était refusé. Nous devons donc faire comme si les règles d'engagement s'appliquaient, en un sens, et dire que les marins sont désormais autorisés à poser certains autres gestes.
Le sénateur Forrestall: On devrait le faire, je suis d'accord. Je cherchais simplement à vous sonder, à établir s'il convient de le faire et comment on devrait s'y prendre. Il faut y réfléchir, et, franchement, je n'ai encore trouvé aucun document sur les formes que cela pourrait prendre.
M. Haydon: Il serait intéressant de déterminer le genre de pouvoirs que les officiers et les navires de la Garde côtière des États-Unis exercent puisqu'ils possèdent les pouvoirs nécessaires.
Le sénateur Banks: En vous entendant parler de la taille des navires requis, j'ai réfléchi au grand nombre d'amis et de collègues qui ont parcouru l'Atlantique-Nord, la mer du Nord et d'autres plans d'eau à bord de ces corvettes, appelées «boîtes de sardine», je crois, des bâtiments beaucoup plus petits que les frégates dont vous avez parlé. Cependant, nous devrions éviter de mettre qui que ce soit dans une situation pareille.
Pensez-vous que le navire que nous mettrons au point, à supposer qu'on puisse se doter d'un bateau répondant aux besoins que vous avez évoqués, doit obligatoirement être muni d'un hélicoptère pour être entièrement fonctionnel?
M. Haydon: Ce serait préférable. Les hélicoptères ont, pour reprendre une expression à la mode au ministère de la Défense nationale, une capacité démultipliée. On peut faire beaucoup plus avec un hélicoptère, qui sert d'oreilles et d'yeux supplémentaires. Pour peu que les conditions météorologiques soient propices, un hélicoptère procure un énorme avantage supplémentaire. Il serait malheureux de ne pas prévoir un hélicoptère pour un navire de ce genre.
Le sénateur Banks: Par définition, on se retrouve avec un bateau plus gros.
M. Haydon: Oui.
Le sénateur Banks: À deux ou trois reprises, vous avez dit: «Nous avons déjà emprunté cette voie.» Je veux simplement vous amener à réagir: on reproche aux militaires de toujours planifier la guerre suivante après avoir livré la dernière. Or, comme vous l'avez dit, la prochaine guerre ne sera pas comme la dernière. Les menaces qui pèsent aujourd'hui sur nous ne sont pas les mêmes qu'à l'époque de la guerre froide. Vous dites que nous nous sommes très bien tirés d'affaire pendant la guerre froide et la Deuxième Guerre mondiale.
Risquons-nous de ne pas avoir en main un document suffisamment clair lorsque nous réfléchirons à ce qu'il faut faire ici du point de vue d'une marine ou d'une force de police comme celle qui existait auparavant plutôt que, soit dit sans préjugé, celle qui devrait exister?
M. Haydon: À l'époque de la guerre froide, la tâche essentielle consistait à patrouiller les eaux continentales de l'Amérique du Nord et celles qui nous séparent du continent européen. À cette époque, ce sont les sous-marins soviétiques qui représentaient la principale menace, mais l'idée de pouvoir exercer un contrôle sur nos eaux s'appliquait aussi du fait que nous avions la flottille de pêche soviétique et les vaisseaux espions. Nous devions savoir où ils étaient et, au besoin, les empêcher de fréquenter certains secteurs. L'idée de garder ces eaux sous surveillance et de répondre à une intrusion de la part d'une personne ou d'un navire indésirable n'était pas si différente à l'époque de ce qu'elle est aujourd'hui. Les technologies ont énormément évolué, mais la fonction de base, savoir qui utilise nos eaux et à quelles fins, s'inscrit dans un continuum.
Le sénateur Banks: Nous sommes à la recherche d'un type d'agresseur différent, n'est-ce pas, du moins additionnel? En ce temps-là, nous étions à l'affût de forces navales conventionnelles organisant une attaque ou effectuant des activités de surveillance que nous jugions répréhensibles. Aujourd'hui, nous sommes à la recherche d'un type caché dans un conteneur de la troisième rangée d'un cargo.
M. Haydon: Ce n'est qu'une partie de l'équation. On doit aussi être à l'affût d'un vaisseau dont la fonction ne saute pas aux yeux. Il peut s'agir d'un navire détourné par son équipage ou quelqu'un d'autre, d'un navire qui ne s'en tient pas nécessairement à l'itinéraire prévu. On doit prémunir contre l'inconnu. À cet égard, du point de vue de l'analyse des renseignements, on est confronté aux mêmes éléments. Il faut être à l'affût de la moindre anomalie, et ce n'est qu'en prenant tout en compte qu'on parvient à les déceler.
Le sénateur Banks: Vous avez fait allusion à la sagesse — et nous partageons ce point de vue — qu'il y a à établir une capacité de surveillance, d'application de la loi et d'interception qui puisse au besoin se marier harmonieusement à celle des Américains et, je suppose, des Mexicains. Dans le cas des États-Unis, il est pourtant clair que la Marine doit s'occuper de choses éloignées des côtes. Plus près de la côte, les activités littorales ont un caractère plus policier, et c'est la Garde côtière, capable de fournir toutes sortes de personnes, qui s'en occupe. Il s'agit d'une organisation militaire. Si nous voulons être en mesure de nous intégrer, jusqu'à quel point sommes-nous fondés à faire autrement?
M. Haydon: Je pense que nous devons connaître la philosophie et les procédures des Américains. De la même façon, nous devons pouvoir passer par un mécanisme de partage de l'information sur la navigation dans son ensemble avec l'organisme auquel les États-Unis font appel à tel ou tel moment. Dans les eaux plus rapprochées, c'est la Garde côtière des États-Unis. À la lumière de discussions récentes que j'ai eues avec des gens à Halifax, je crois comprendre que les relations de travail entre la Garde côtière des États-Unis et les forces navales de Halifax se resserrent parce que les intéressés doivent pouvoir travailler ensemble, ne serait-ce qu'au chapitre de la communication entre deux navires et le fait de savoir où prend fin la responsabilité d'un bateau et où débute celle d'un autre.
Si, à titre d'exemple, un vaisseau soupçonne que de la drogue remonte la côte, l'autorité américaine pourra peut-être confier à une autorité canadienne la surveillance du bateau concerné à son arrivée. On doit établir un mécanisme qui permet de le faire. La coopération est essentielle à une gestion efficace.
Le sénateur Banks: À votre avis, qui devrait s'en occuper? D'un côté, vous avez dit que la militarisation de la Garde côtière canadienne ne serait pas une bonne idée puisque, dans l'état actuel des choses, ces employés sont syndiqués et sont, dans les faits, des marins marchands. Par ailleurs, vous dites que la Marine ne doit pas assumer une fonction policière. En ce qui concerne la fonction policière à l'intérieur, disons, de 15 milles nautiques du littoral, qui devrait s'en charger? Si la Garde côtière n'est pas en mesure de le faire et que la Marine ne devrait pas le faire, qui, à votre avis, devrait s'en charger?
M. Haydon: Je suis peut-être passé un peu vite sur certaines organisations régionales de sécurité maritime à caractère interministériel. J'ai oublié les acronymes aujourd'hui utilisés sur la côte; ils sont probablement quelque part dans mes notes. Sur la côte, il y a des comités interministériels au niveau opérationnel. L'information transmise par la Garde côtière des États-Unis à Transports Canada peut transiter par la Garde côtière. Le commandement et le contrôle centralisés et l'analyse centralisée de l'information sont les deux éléments principaux. Il s'agit d'aspects fondamentaux.
Le sénateur Banks: Vous apparaît-il sensé de confier la défense et la sécurité de notre littoral au ministère des Transports?
M. Haydon: Non, absolument pas, sénateur.
Le sénateur Cordy: Merci de comparaître aujourd'hui. Vous nous avez fourni beaucoup d'informations.
Je veux revenir sur les questions du sénateur Banks concernant la garde côtière. Vous avez évoqué le manque de flexibilité de la Garde côtière, en partie parce qu'elle est syndiquée, mais aussi en raison des temps de réaction, et cetera. Le rôle de la Garde côtière devrait-il changer? Êtes-vous en train de nous dire qu'il ne devrait pas changer du tout ou qu'il y a des moyens de modifier ce rôle?
M. Haydon: Si on remonte un peu dans l'histoire, la Garde côtière a été l'amalgame d'un certain nombre de flottilles, y compris celles de la GRC et diverses autres. Les fonctions ont toutes été intégrées au sein d'une seule et même force. La Garde côtière telle que nous la connaissons aujourd'hui se préoccupe essentiellement de la sécurité, procède à des inspections et mène des opérations de recherche et de sauvetage; elle assure une plate-forme aux agents d'inspection des pêches et à d'autres personnes, pour leur permettre de s'acquitter des mandats de leurs ministères respectifs.
Il est probablement faux de dire que la Garde côtière a une fonction policière si nous entendons par là une fonction d'application de la loi. Du point de vue de la sécurité nationale, la Garde côtière n'a pas un tel mandat, du moins à ma connaissance. Il est certain qu'elle a une fonction policière en ce qui concerne la sécurité maritime, les aides à la navigation, et cetera.
La Garde côtière assure un service des plus nécessaires en veillant à la sécurité au sens le plus large. Il est probablement trompeur de considérer la Garde côtière comme une organisation de sécurité potentielle. Il faudrait des décennies pour transformer la Garde côtière telle qu'elle existe aujourd'hui en une organisation paramilitaire, un peu comme l'est la Garde côtière des États-Unis. Il faudrait initier toute une nouvelle génération d'officiers, peut-être deux, à une nouvelle culture.
Si vous cherchez une meilleure façon de faire, il serait plus sensé de dire à la Marine qu'elle doit assumer une partie de cette fonction. Je ne pense pas qu'on puisse le faire sans doter la Marine d'un effectif plus grand et probablement de plus d'argent.
Le sénateur Cordy: Vous voulez parler de la défense?
M. Haydon: Oui.
Le sénateur Cordy: Sur la côte est de la Nouvelle-Écosse, on constate à coup sûr le rôle que joue actuellement la Garde côtière dans le domaine de la sécurité maritime. Il est donc heureux que la Garde côtière fasse partie du ministère des Pêches et des Océans plutôt que du MDN?
M. Haydon: Je vais m'exposer et dire que, à mon avis, ce n'est pas une bonne idée. Je pense que la Garde côtière aurait dû rester à Transports Canada. C'est beaucoup plus sensé dans la mesure où Transports Canada a des responsabilités liées à la sécurité dans un certain nombre d'autres domaines. Le mariage ne paraît pas très heureux, mais il s'agit d'une observation purement personnelle. Je n'ai pas effectué de recherche à ce sujet; j'ai l'impression que c'est probablement ainsi que les choses devraient être.
Le sénateur Cordy: La Garde côtière ne relève pas depuis bien longtemps de Pêches et Océans Canada, n'est-ce pas?
M. Haydon: Non.
Le sénateur Cordy: Vous avez parlé du contrôle des eaux canadiennes sur la foi de trois critères résumés par les mots «surveillance, présence et intervention». Comment satisfaisons-nous aujourd'hui à ces critères?
M. Haydon: C'est une très bonne question. La surveillance est fascinante. On l'effectue en partie par voie électronique; des gens vont prendre des images radar de ce qui se passe sur l'océan. On mise aussi beaucoup sur les comptes rendus volontaires du déplacement des navires. Il arrive aussi que quelqu'un dise: «Ah oui, j'ai vu untel là- bas.»
Tous ces renseignements sont aujourd'hui acheminés vers une organisation d'analyse centrale de la Marine. Il y en a une sur chacune des côtes. Cependant, il ne s'agit que de renseignements partiels. Un contact établi à partir d'un avion n'est jamais qu'un petit écho. On ne peut pas être certain que le SSUntel est bien le SSUntel avant de l'avoir vu.
Dans le mémoire plus complet, j'indique qu'on doit centraliser le contrôle des renseignements. Quand quelqu'un dit: «Nous devons savoir quel est le nom de ce bateau parce qu'il fournit des renseignements erratiques ou sa position est erratique», on se met en marche et on envoie une paire d'yeux au-dessus de l'objet en question pour obtenir une lecture précise.
Une des ironies de la situation, c'est qu'on peut suivre un conteneur sur l'océan et savoir exactement où il se trouve, mais qu'on ne peut pas encore le faire pour un bateau. Il n'y a pas de transpondeurs automatiques entre le bateau et le système satellite. On pourrait peut-être le faire assez facilement, mais, une fois de plus, on doit pouvoir compter sur la conformité. Tant et aussi longtemps qu'on exploite des régimes à participation volontaire, on doit savoir qu'il y a toujours quelqu'un qui refusera de se conformer à l'exigence.
Le sénateur Cordy: Réagissons-nous rapidement aux contraventions de la loi? Si un bateau n'observe pas les lois du pays, réagissons-nous assez rapidement? Réagissons-nous même dans tous les cas?
M. Haydon: Une fois de plus, c'est une très bonne question. Mon sentiment, c'est qu'on ne peut pas connaître ce qu'on n'a pas détecté. Comment savoir ce qu'on n'a pas détecté avant de hausser le niveau de surveillance et d'établir un seuil plus élevé pour l'information?
Le sénateur Cordy: À propos de la surveillance, vous avez parlé de la collecte de renseignements. À l'occasion des réunions du comité où nous avons entendu des représentants du gouvernement, ces derniers ont fait état de la nécessité de partager les renseignements. Néanmoins, nous constatons des cas où, si la collecte de renseignements avait été mise en commun, certains scénarios n'auraient peut-être pas connu le même dénouement. Comment veiller à ce que le ministère et divers organismes partagent effectivement les renseignements?
M. Haydon: Pour ce faire, on doit en revenir aux deux principaux instruments. L'un d'eux est la politique nationale qui oriente le déroulement des choses, et l'autre, le Comité de surveillance, qui déclare: «Voilà ce qui va se produire» et supervise le déroulement de ce qu'il a annoncé. Il faut du solide, et non une simple déclaration de la part d'un comité parlementaire spécial ou d'autre chose disant que les ministères ne partagent pas l'information. Il faut avoir le pouvoir de dire: «Vous allez partager l'information.» Les renseignements délicats concernant des tierces parties suscitent certaines préoccupations. Dans de tels cas, on a peut-être intérêt à protéger la source, mais je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire. Personne n'a intérêt à cacher son jeu et à ne divulguer que le minimum d'informations jugées nécessaires. Pour que le travail se fasse comme il faut, on doit, dans la mesure du possible, s'appuyer sur une mise en commun et un partage complet de l'information.
Le sénateur Cordy: Je suis d'accord avec vous. À propos de la politique maritime nationale et de l'élaboration d'une telle politique, vous avez dit que c'est le ministère de la Défense nationale qui devrait s'en charger, qui devrait conduire l'autobus.
M. Haydon: Ce sont ces représentants qui devraient agir comme chiens de garde de la politique, oui, parce qu'ils ont la formation et l'outillage pour le faire.
Le sénateur Cordy: Quel rôle le ministère des Transports devrait-il jouer? Il semble bien, à la lumière de ce que nous entendons, que le ministère des Transports soit en voie d'assumer la responsabilité des questions relatives à la sécurité maritime.
M. Haydon: On a ici affaire à l'un de ces cas difficiles où la possibilité existe, mais cela suppose une forme de coordination interministérielle très complexe. Je ne connais pas assez bien les cadres supérieurs de Transports Canada pour savoir s'ils possèdent une expérience suffisamment approfondie de la planification d'urgence et de l'élaboration de scénarios complexes nécessaires à la mise au point d'un tel concept.
Le sénateur Day: Monsieur Haydon, merci d'être ici. J'ai deux ou trois questions à vous poser pour m'aider à comprendre ce que vous dites. Connaissez-vous le rapport du comité intitulé «La défense de l'Amérique du Nord: une responsabilité canadienne?» Notre président y a fait référence au début. Avez-vous eu l'occasion, monsieur Haydon, d'examiner le rapport?
M. Haydon: Oui, je l'ai étudié au moment de sa parution. J'en ai même cité des extraits dans un éditorial que j'ai publié quelque part, je ne me souviens pas où. Essentiellement, je suis d'accord, dans ce cas, avec vos conclusions dans le dossier maritime. Je ne suis toutefois pas allé plus loin.
Le sénateur Day: Je voulais vous référer aux diverses conclusions dans le dossier maritime. Si, à votre avis, certaines de nos affirmations étaient erronées, nous vous saurions gré de nous écrire à ce sujet dès que vous aurez eu l'occasion de vous rafraîchir la mémoire. Cela nous serait utile parce que nous allons nous inspirer de ce rapport. Nous allons examiner le sort fait à nos recommandations.
Il y a quelque temps, le ministre des Transports s'est rendu à Halifax, où il a fait un certain nombre d'annonces dans le domaine de la sécurité marine et maritime, dont bon nombre rendaient compte de nos recommandations antérieures. Nous sommes heureux d'avoir apporté une contribution de cette nature, même si, pour une raison ou pour une autre, d'autres de nos recommandations sont demeurées lettre morte. Si vous avez une idée des raisons qui font qu'on n'a pas intérêt à y donner suite, nous vous saurions gré de nous en faire part.
L'une de nos recommandations a été mise en œuvre ou est en voie de l'être. Je veux parler de la modification des autorités canadiennes lorsque les bateaux quittent leur port d'attache et sont à 24 ou 48 heures des eaux canadiennes. Êtes-vous convaincu que cette information est partagée avec l'ensemble des ministères responsables et des autorités canadiennes qui doivent être au courant, ou qu'elle devrait l'être?
M. Haydon: Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, je ne crois pas être la bonne personne à qui poser cette question, qui est très technique. Je crois que vous allez vous rendre à Halifax, et c'est là que vous devriez poser la question. D'après les discussions que j'ai eues avec des gens de Halifax, la situation s'est nettement améliorée. Les seules réserves que m'inspire l'idée de déclaration volontaire viennent du fait qu'il arrive parfois que quelqu'un oublie de soumettre un rapport ou omette sciemment de le faire, autant d'irrégularités difficiles à déceler.
Le sénateur Day: À la suite de notre voyage précédent à Halifax et aussi à Esquimalt, nous croyions comprendre que la Marine avait un centre de collecte de renseignements à chacun de ces endroits. Je me demandais si on utilise ces centres de la Marine pour assurer la coordination des renseignements. Sommes-nous en voie de créer encore une direction des renseignements pour la navigation maritime?
M. Haydon: On utilise le système naval actuel. Aujourd'hui, on en est au point où il suffit d'apporter un ordinateur portatif au bureau de la GRC et de le brancher pour assurer un contact direct entre les deux établissements.
Le sénateur Day: Je vous remercie.
Nous avons eu une discussion sur le rôle policier dans les eaux canadiennes par rapport au rôle traditionnel joué par la Marine en haute mer. Y a-t-il, à votre connaissance, d'autres pays qui utilisent leur Marine pour patrouiller leurs eaux nationales? Est-ce un rôle typique pour la Marine dans certains pays?
M. Haydon: Oui, ils sont nombreux.
Le sénateur Day: Les résultats sont-ils probants?
M. Haydon: Oui. Les Australiens constituent un bon exemple dans la mesure où ils utilisent la Marine comme nous aux fins de la politique intérieure et étrangère. Les Néerlandais, je crois, font de même. Un certain nombre de Marines du monde assument les deux rôles. Comme je l'ai déjà indiqué, un certain nombre de marines sont utilisées uniquement aux fins de la sécurité intérieure.
Le sénateur Day: Dans les pays qui font les deux, qui ont la Marine internationale traditionnelle et utilisent la Marine pour patrouiller et assurer des services de police dans leurs eaux côtières, fait-on appel à deux types de personnel de la Marine, ou peuvent-ils passer de l'un à l'autre librement et sans difficulté?
M. Haydon: Pour l'essentiel, on peut dire qu'ils passent librement de l'un à l'autre. Dans certains domaines, il y a toujours des spécialistes. Un spécialiste de la lutte contre les mines consacrera probablement le plus clair de son temps à cette activité, à l'instar d'un spécialiste de la neutralisation des explosifs et munitions (NEM) ou à un plongeur- démineur. Les aviateurs navals tendent à passer l'essentiel de leur temps dans les airs, même si, dans l'ancienne Marine canadienne, on leur assurait une formation polyvalente et que, à l'occasion, on leur permettait de piloter un destroyer.
Le sénateur Day: À l'heure actuelle, nous avons tendance à utiliser — et vous n'êtes pas trop d'accord — les navires de défense côtière et la réserve navale pour faire une bonne part du travail côtier. C'est du moins ce que je comprends. Ce que je retiens de votre exposé, c'est que, à votre avis, il ne s'agit pas de la meilleure solution.
M. Haydon: Oui, c'est exact. Il y a un autre facteur auquel je n'ai pas fait allusion, mais que je mentionne dans le mémoire. Si vous détournez un vaisseau de la réserve navale de sa fonction primaire, soit la formation, pour faire de la patrouille côtière, c'est la formation qui souffre. Le problème fondamental, c'est que les fonctions sont trop nombreuses, et les ressources, trop limitées. On doit examiner cette question et parvenir à un équilibre. Comme je l'ai indiqué dès le départ, la situation d'aujourd'hui est un peu différente puisqu'une si grande part de la flotte est engagée dans la mer d'Arabie. En fait, la situation n'est pas sans rappeler celle qu'on a connue de 1950 à 1955: il avait alors fallu immobiliser la quasi-totalité de la Marine canadienne pour garder trois destroyers en Corée. Un engagement gouvernemental majeur de ce genre tend à fausser le reste des fonctions.
Le sénateur Day: Si nous avions une politique maritime accordant une importance égale à nos obligations internationales et à notre défense côtière, on peut penser que nous serions moins susceptibles de prendre à l'un pour donner à l'autre.
M. Haydon: Je pense que oui. Je l'espère, en tout cas.
Le sénateur Day: Moi aussi. Le problème que nous avons aujourd'hui, c'est que cela n'est pas prescrit dans une politique de défense maritime.
Selon ce que je retiens de votre témoignage, vous pensez que la Marine n'est actuellement pas bien équipée pour jouer un rôle au chapitre de la défense côtière; vous ne recommanderiez pas un tel rôle pour la Marine, du moins pour le moment. Cependant, dans l'hypothèse où elle obtiendrait plus de navires et plus de personnel, la Marine pourrait et, en toute logique, devrait se charger de ce rôle. Vous ai-je bien compris?
M. Haydon: Je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas en être ainsi. Cette notion de sécurité comporte très peu de tâches spécialisées ne relevant pas déjà de l'éventail fondamental de compétences que possèdent les marins.
Le sénateur Day: Ma dernière question porte sur l'enjeu fondamental que représente l'inclusion de la politique de défense maritime dans une politique de défense plus générale. Le fait que nous fermions des chantiers navals et que nous ne fassions pas l'acquisition de nouveaux bâtiments — quand vous dites que nous avons besoin de nouveaux bateaux spécialisés pour jouer ce rôle, on peut penser que nous ne fermerions pas de chantiers navals si cela faisait partie de notre politique, à moins qu'on puisse trouver ailleurs des bâtiments répondant aux besoins propres à l'Amérique du Nord, ce dont je doute.
Deuxièmement, le gouvernement a récemment annoncé l'acquisition du nouveau radar qui suit la surface de l'eau. J'ai oublié le terme exact. Je ne vais même pas utiliser l'acronyme parce que je n'arrive pas à me rappeler les bons mots. N'agit-on pas à la pièce? Procède-t-on de la sorte pour des motifs autres que ceux que dicte une orientation stratégique générale?
M. Haydon: Permettez-moi d'abord de dire un mot du radar. Pour ce que j'en sais — et d'autres personnes pourront vous donner une meilleure réponse que la mienne, mais c'est une bonne question —, le radar fait depuis des années partie des projets de R-D. Quelqu'un y tenait. Même au niveau actuel, il s'agit d'un prototype: on va voir s'il fonctionne, puis on passera à la suite des choses. Depuis longtemps, on sait qu'il faut intégrer les besoins en bâtiments à long terme à la capacité des chantiers navals. Le problème ne date pas d'hier: de nombreux auteurs, moi y compris, ont produit des rapports à ce sujet, disant qu'on doit se doter d'une flotte gérée où les remplacements se font de façon routinière, et non utiliser les projets de construction comme des instruments politiques visant à injecter de l'argent dans les économies locales. Il faudrait presque sortir la construction navale du politique et dire: «Nous devons remplacer un éventail complet de navires au cours d'une période donnée, et vous devez vous doter d'une politique viable dans ce domaine, en vertu de laquelle un bâtiment sortirait des cales tous les 15 mois, disons, ce qui permettrait à un ou deux chantiers navals de demeurer en affaires.»
Le sénateur Day: Cela devrait-il faire partie d'une politique nationale de défense ou de sécurité, ou encore d'une politique industrielle distincte?
M. Haydon: Toutes ces réponses, y compris une politique nationale industrielle. Voilà où tous ces éléments doivent être intégrés. Une politique nationale au plus haut niveau permettrait de commencer à le faire.
Le président: Monsieur Haydon, le modèle que vous décrivez dans le mémoire que vous nous avez soumis semble mettre du temps à s'installer. S'il vous fallait réfléchir au moyen d'adapter la politique surtout aux actifs dont nous disposons aujourd'hui et de tenter de mettre au point ce que j'appellerais une solution à moyen terme plutôt qu'à court terme, quelque chose qui pourrait être mis sur pied et fonctionnel d'ici trois ou quatre ans, à supposer que la décision soit prise l'année prochaine, en quoi vos vues changeraient-elles?
M. Haydon: C'est une bonne question. Sur le plan politique, on doit admettre un degré de risque plus élevé au cours de la période intérimaire. En même temps qu'on cherche les moyens de faire plus avec les ressources dont on dispose, on doit réaliser des progrès sensibles dans la mise au point à long terme de nouvelles capacités, de nouvelles plates- formes et de nouveaux niveaux de coopération.
À Halifax, on s'est livré à une certaine forme de simulation interministérielle, qui m'a été expliquée. La piste semble prometteuse, et on examine des possibilités de gestion de divers scénarios. Le bateau qu'on a fouillé l'autre jour à la recherche du bacille du charbon relève en fait d'un de ces scénarios. On examine maintenant l'étape suivante: «Si nous avons fait ceci, quel est le meilleur moyen de faire cela?»
Les capacités existent, mais elles ne sont pas idéales. Comme on l'a fait si souvent par le passé, on fait preuve d'un peu d'ingéniosité et d'esprit d'initiative: dans l'attente de la solution à long terme, on règle le problème avec de la broche et de la gomme à mâcher. Mon impression, c'est que l'injection de ressources humaines et financières additionnelles dans le budget de fonctionnement et le budget de formation produirait un énorme effet à court terme.
Le problème des ressources humaines est à mes yeux le plus difficile à régler. La Force régulière n'a peut-être pas suffisamment de femmes et d'hommes pour assurer une intervention rapide pendant une opération très complexe dans le golfe Persique et la mer d'Arabie.
Le président: Étant donné le temps que dure toute procédure d'approvisionnement au pays, presque toutes les formes de planification de ce genre sont problématiques.
Vos commentaires sur les chantiers navals et l'appariement des chantiers navals aux besoins de la Marine semblent reposer sur la possibilité de soustraire l'approvisionnement à la politique. Vous n'y croyez pas du tout, n'est-ce pas?
M. Haydon: Hélas, non.
Le président: Dans ce cas, pourquoi s'engager sur cette voie? Si la politique fait partie intégrante de l'approvisionnement, pourquoi ne pas en tenir compte?
M. Haydon: Je suis d'accord. Ce serait le mode de fonctionnement optimal. Cependant, il s'ensuit que les politiciens doivent s'entendre sur la nécessité fondamentale de remplacer les bateaux en premier. Si quelqu'un dit ensuite: «Nous avons convenu de la nécessité d'agir de la sorte», on va l'avant. S'il faut utiliser deux, trois ou quatre chantiers navals, qu'il en soit ainsi.
Le président: Le Canada en a cinq ou six, et il n'y a pas assez de travail pour un seul.
M. Haydon: Non. Je ne crois pas qu'il y a assez de capacité excédentaire dans le réseau international pour s'approvisionner à l'étranger.
Le président: Ne croyez-vous pas que la capacité existe?
M. Haydon: Pas pour le genre de navire spécialisé envisagé, non.
Le président: Nous avons vu certains vaisseaux des plus remarquables construits en Corée et venus travailler dans l'Arctique canadien. Ils s'acquittent de cette tâche fort inhabituelle. Le problème semble plus politique, en ce sens que nous expédions des emplois à l'étranger. Cependant, le prix de revient est plus bas, et la qualité est bonne.
M. Haydon: Au risque de vous sembler irrévérencieux, je dirais qu'il y a la façon commerciale de faire les choses et celle de la Marine. À l'intérieur de la Marine, il faudrait organiser une campagne d'éducation et faire un acte de foi pour en revenir à la philosophie de l'époque de la Deuxième Guerre mondiale, de façon qu'on aborde la conception dans son ensemble et qu'on ne tente pas de tout canadianiser en installant tel ou tel système de radar, équipement de cuisine et tout le reste. Il faudrait dire: «Achetez ce qui est offert sur le marché.» Il y a un processus d'éducation à prendre en considération.
Le président: Voilà où je veux en venir. Il semble que les budgets de la Marine aient pour but de subventionner le développement régional. Ne serait-il pas moins coûteux au total d'éviter qu'ils aient à subventionner les budgets de la Marine? Nous pourrions alors avoir un bon programme de développement régional et un bon programme de construction navale, sans que jamais les deux se rencontrent.
M. Haydon: Idéalement, oui.
Le président: Vous avez fait allusion à la Commission permanente mixte de défense. À la mention de cette Commission, les Parlementaires se grattent la tête. Elle ne nous est pas particulièrement familière. Nous constatons qu'elle suscite un certain degré de respect chez les militaires. L'idée ou le concept est qu'on doit compter sur une certaine forme de comité de surveillance parlementaire — j'entends surveillance au sens propre du mot, c'est-à-dire une véritable capacité de dire oui et non. Pensez-vous que cela cadre dans un régime parlementaire britannique?
M. Haydon: Je ne vois pas pourquoi pas.
Après s'être rendu compte qu'il fallait parfois obtenir directement de l'information auprès des cadres supérieurs du ministère, sans les assujettir aux contraintes normales des conseils ministériels, qui doivent remonter jusqu'au niveau du ministre pour être approuvés, avant de redescendre, on a discuté de cette possibilité dans les corridors à l'époque de l'examen de la défense de 1994. On s'est également rendu compte qu'il fallait examiner de plus près certaines décisions tout au long du processus, jusqu'aux déploiements et ainsi de suite. C'était l'un des concepts défendus par le sénateur Rompkey à l'époque. L'idée est morte de sa belle mort parce que, de toute évidence, elle n'allait nulle part.
Je plaide en faveur d'un retour à ce concept de façon que nous puissions faire l'essai de quelque chose de nouveau. Si on examine la nature de la menace potentielle, on se rend compte qu'on n'aura pas beaucoup de temps pour préparer une réaction efficace. Il faudra peut-être faire rapidement bouger les choses. Pour le moment, je ne suis pas certain que nous ayons, dans le cadre du régime britannique, la possibilité d'agir rapidement.
Pour renouer avec l'innovation, ne serait-ce qu'un peu, on doit faire l'essai de quelque chose de nouveau. Certains de mes collègues sont allés jusqu'à dire que nous devrions constituer une forme de comité ou de conseil national de sécurité. La solution est peut-être un peu draconienne.
Si les honorables sénateurs veulent bien se remémorer la politique de défense des années 50 et du début des années 60, ils se rappelleront que le Cabinet avait un comité de la défense qui détenait des pouvoirs considérables et pouvait réagir rapidement en cas de problème. Ce n'est pas un mauvais modèle, à ce détail près qu'on devrait miser sur une entité un peu plus vaste qu'un simple comité du Cabinet. Le moment venu de réagir à certains de ces actes, on peut devoir limiter les libertés individuelles le temps de régler tel ou tel problème dans une région donnée.
Le président: Certains de nous qui siégeons au comité étions en poste en 1993 et 1994. La réponse à la proposition a été: «Vous me passerez d'abord sur le corps.» Voilà pourquoi on n'a pas insisté. C'est également pourquoi les parlementaires se montrent sceptiques à l'endroit de la Commission permanente mixte de défense. Nous demeurons curieux de son impact.
Dans un autre ordre d'idées, monsieur Haydon, vous dites qu'il n'y a pas moyen de suivre les vaisseaux. Dans le rapport dont vous avez reçu copie, nous recommandons d'équiper de transpondeurs les vaisseaux d'une taille supérieure à un seuil donné. Le gouvernement semble avoir réagi de façon positive à cette suggestion. Pourquoi cela ne permettrait-il pas de régler le problème et, en fait, de l'atténuer: ainsi, les vaisseaux non munis de transpondeurs deviendraient alors des bâtiments d'intérêt auxquels on pourrait s'intéresser de plus près?
M. Haydon: Ça ne donnerait rien. Une fois de plus, le problème vient du fait qu'il s'agit d'un programme à participation volontaire.
Le président: Pas pour les bateaux qui souhaitent s'arrêter dans un port canadien.
M. Haydon: D'accord. Cependant, certains vaisseaux passent près de la rive sans s'arrêter dans les ports canadiens.
Le président: Ces derniers feraient l'objet d'une attention plus soutenue, pas vrai?
M. Haydon: Oui, il faudrait qu'il en soit ainsi. L'idée de recourir à un transpondeur contribuerait à atténuer le problème.
Le président: Il me semble bizarre que nous ayons une idée assez complète de ce qui se passe dans les airs, où on retrouve en tout temps un nombre remarquable d'appareils, qui se déplacent tous très rapidement, tandis que nous n'avons pas une idée aussi complète de ce qui se passe en mer. Des raisons techniques expliquent-elles le phénomène?
M. Haydon: Pas à ma connaissance. Je reviens sans cesse à la question de la conformité. Des personnes animées de mauvaises intentions n'allumeront pas leur transpondeur ou refuseront de faire rapport selon la procédure prévue. Par conséquent, comme vous l'avez dit plus tôt, ce sont les navires qui ne se conforment pas aux règles qui devront faire l'objet de vérification. Pour ce faire, on doit disposer de moyens d'effectuer des vérifications.
Le président: Le sénateur Cordy a soulevé la question du partage des renseignements, tout comme le sénateur Day l'a fait. Lorsqu'il pose ce genre de questions au gouvernement, le comité est presque invariablement confronté à une position organisationnelle. On nous dit: «Tout le monde coopère, et tout le monde partage. Nous nous connaissons très bien, et nous nous entendons à merveille. Tous mes collègues savent ce qu'ils doivent savoir, et je sais tout ce que j'ai besoin de savoir. Soyez assuré, sénateur, qu'il n'y a pas de problèmes à ce chapitre.» Auriez-vous des vues à communiquer aux membres du comité sur le moyen d'obtenir une idée plus nette de la situation actuelle que celle qui découle de la position organisationnelle habituelle du gouvernement?
M. Haydon: Il suffit d'examiner des cas précis où il n'y a pas d'échange d'informations. Il y a un certain temps, à Halifax, des compagnies aériennes qui effectuaient des vols pour le compte du MPO enregistraient de nombreuses données. Il a fallu déployer pas mal d'efforts pour obtenir que ces données soient mises en commun. Une fois que le partage a débuté, tout le monde a dit: «Nous aurions dû agir de la sorte bien avant.»
Comme je l'ai indiqué plus tôt, le problème qui se pose en est souvent un d'éducation. Les détenteurs de renseignements doivent comprendre que, dans ce cas particulier, tout le monde profite du partage. Il n'y a rien à gagner en refusant de partager l'information.
On se trouvera toujours confronté à des situations malheureuses où quelqu'un dit: «Je ne veux pas divulguer cette information.» Il s'agit d'un jugement porté par une personne. Une fois de plus, c'est une évolution. La situation va s'améliorer peu à peu.
Nous devons avoir foi dans le système. Il évolue au moment où nous nous parlons. À la suite des discussions que j'ai eues à Halifax, j'ai été fort impressionné par les progrès réalisés à ce niveau. On n'a pas fait des pas de géant. Ce sont des pas en avant, petits et positifs. Peut-être faudrait-il quelque peu accélérer les choses. Cela découle d'un point de vue collectif supérieur sur ce qu'est l'objectif.
Le président: Au risque de trop simplifier, la position de la Marine en ce qui concerne la question dont nous discutons semble être la suivante: on s'intéresse beaucoup plus aux questions qui supposent le déploiement de la force très loin, et on porte un intérêt limité, voire inexistant, à ce qui se passe près de la côte. Cela relèverait de la responsabilité de quelqu'un d'autre. Voulez-vous dire quelques mots à ce sujet et peut-être risquer une hypothèse sur ce qui fait que la Marine voit les choses ainsi?
M. Haydon: Monsieur le président, il s'agit d'une observation intéressante. Vous avez raison. C'est exactement ainsi que les choses se passent. Le phénomène s'explique par la culture navale canadienne, en vertu de laquelle la Marine a toujours été au service de la politique étrangère — il s'agit, si vous le voulez, d'une Marine hauturière —, tandis que les tâches côtières ont toujours été considérées comme des obligations secondaires. À l'examen de la gestion du budget naval dans les années 50 et 60, époque où la Marine avait son propre budget, vous vous rendrez compte que les activités hauturières faisaient la fierté de la flotte, tandis qu'il était très difficile de faire déclarer prioritaires les exigences côtières — jusqu'à ce qu'elles s'imposent, à l'insistance des Américains, en 1959-1960, dans le contexte de la nécessité de la lutte anti-sous-marine, du lien avec le système SOSUS et du fait qu'un nombre conséquent de sous- marins soviétiques fréquentaient le littoral est. Puis, tout d'un coup, la question est devenue prioritaire parce qu'on était confronté à une menace claire et définissable.
Le sénateur Banks: Ce serait bien de pouvoir disposer, comme vous le dites, de 20 ou 30 navires spécialement conçus avec les équipages que cela suppose, mais nous sommes encore loin du compte. Pour les besoins de la cause, je vais présumer que la situation comporte tout au moins un certain degré d'urgence en ce moment. Présumons que vous êtes roi, qu'il y a un certain degré d'urgence et qu'il faut faire quelque chose rapidement et concrètement. Nous ne voulons pas dépenser des sommes astronomiques. En dressant le bilan des ressources à notre disposition, nous constatons que la Garde côtière a 47 vaisseaux — si ma mémoire ne me fait pas défaut —, dont certains sont importants, dont certains peuvent servir de brise-glace et dont certains peuvent servir de porte-hélicoptère. Il y a les grands navires aussi bien que les caboteurs, sans compter les toutes petites embarcations.
Pour susciter une réaction, à mon avis, si vous armiez et entraîniez 400 marines ou membres de la police maritime, et que vous les affectiez en nombres variables sur les navires en question, sans modifier beaucoup la capacité ou l'infrastructure de ces navires, à court terme, vous régleriez le problème à peu de frais, en termes relatifs. Vous auriez donc une force policière et une fonction d'exécution de la loi, au-delà de ce qui touche la sécurité et les pêches, sur ces navires oranges. Par conséquent, celui qui commet un acte répréhensible ou qui pose une menace pour la sécurité au sens où nous en parlons en ce moment ne se dirait pas, devant l'arrivée d'un navire orange: ces gens-là ne peuvent rien faire. Parce que ce ne serait plus vrai.
Je suis sûr que vous vous dites déjà: «voilà un terrien dans toute sa splendeur.» Tout de même, ne serait-il pas possible d'agir rapidement et faire quelque chose comme cela? Nous n'allons pas dépenser les 70 millions ou les 80 millions de dollars nécessaires pour mettre sur pied ce dont il est question. De toute manière, cela prendrait beaucoup de temps. Il me semble que le fait de s'organiser pour avoir ce genre de capacité à bord des 47 vaisseaux en question — si c'est bien le bon chiffre — permettrait tout au moins de régler le problème en un laps de temps relativement court et moyennant des dépenses modestes.
M. Haydon: Je ne vois pas pourquoi cela ne serait pas possible. La réponse que vous donnera la Garde côtière, c'est que si vous employez l'un de ses vaisseaux, une partie de l'une des tâches qui lui incombent ne se fera pas.
Le sénateur Banks: Je m'excuse de vous interrompre. Pour les besoins de la cause, disons qu'un de nos vaisseaux se trouve dans la mer de Beaufort ou qu'il attend devant le nez et la queue du Grand Banc, il se trouve que c'est un navire orange plutôt qu'un navire gris, s'il a la capacité d'intercepter un bâtiment et d'agir, il me semble que ce n'est pas trop demander que de dire: «Un instant, plutôt que d'aller réparer ces bouées-là ou d'aller voir ce que fait le pêcheur portugais, il y a un bateau là-bas qu'il faudrait aller voir parce que nous croyons qu'il a été détourné de son itinéraire allégué.»
Je sais que nous allons obtenir la réaction dont vous parliez, parce qu'il y a toujours une réaction bien humaine. C'est l'inertie. Personne ne veut bouger. Tout de même, quelqu'un doit agir d'une façon quelconque pour régler le problème.
M. Haydon: L'idée d'affecter des membres de la force navale à des navires qui ne sont pas les leurs, pour qu'ils puissent accomplir des tâches comme celles-là, a déjà bien servi. Les Britanniques en ont fait grand usage dans les Malouines; ils ont déployé toute sorte de navires marchands avec à bord des membres de la force navale. Nous aurions procédé de cette façon pendant la guerre froide, à plusieurs occasions, conformément aux divers protocoles d'entente intervenus entre la Marine et, pour une grande part, Transports Canada, de manière à attribuer à ces navires une double tâche.
Sénateur, cela n'échappe pas au domaine du possible, à mes yeux, tout au moins.
Le sénateur Banks: J'ai une dernière question à poser. Le président a fait allusion à la question. Nous avons entendu parler du Groupe de travail interministériel sur la sûreté maritime, qui, si je comprends bien ce que vous dites, ne vaut pas grand-chose. C'est un groupe, mais qui ne fait pas le travail. Ai-je bien compris?
M. Haydon: Je crois que le groupe fait le travail, mais je ne suis pas convaincu qu'il travaille à tous les problèmes que nous devons étudier. Il n'a pas le pouvoir nécessaire pour ordonner que des mesures soient prises. C'est un comité du personnel qui a produit un mémoire à l'intention du Cabinet, je crois, en novembre ou au début décembre pour proposer des modifications. Encore une fois, aucun sentiment d'urgence ou d'importance n'est attaché au travail de ce comité.
Comme je l'ai dit aussi, je crois qu'il y a des éléments de coordination internationale et de coordination avec l'industrie dont il faudra s'occuper. Le comité prend en charge un certain nombre d'activités de coordination, mais je crains qu'il ne s'occupe pas de certaines des plus importantes.
Le sénateur Forrestall: Comme vous, j'ai certaines réserves à propos du groupe de travail. Ce qui me préoccupe, c'est peut-être le rythme auquel nous développons ce groupe. Qu'importe le nom qui lui est donné. Nombre des membres sont les mêmes, quel que soit le groupe que l'on décide d'établir.
Il y a un navire à 10 kilomètres de l'entrée du port de Halifax qui captera l'attention du monde entier d'une manière qu'il est très difficile pour nous d'imaginer. Selon moi, c'est une menace éventuelle. Ce qui est advenu en rapport avec ce navire depuis 30 ou 40 jours et avec certains des membres de l'équipage donne à penser que si nous n'adoptons pas des mesures ou si nous n'affectons pas à la tâche quelqu'un qui puisse agir — et agir rapidement —, nous allons nous retrouver dans un joli pétrin.
Je crois — et je crois que la plupart des Canadiens le croient aussi, et je crois que c'est le cas ailleurs dans le monde aussi — que chaque pays a la responsabilité d'exporter des produits propres et sans danger, quels qu'ils soient, des trucs dont les gens n'ont pas à se soucier.
Est-il possible de prendre le groupe maritime et de lui accorder des pouvoirs selon la loi? Il y a bien la question des douanes et celle de la santé et des transports. Tout est là.
Si on regarde le navire battant pavillon égyptien qui se trouve actuellement au large du port de Halifax et qu'on se demande qui est responsable de tout cela... Est-ce la GRC? Est-ce la Défense nationale? Je ne sais pas très bien qui se trouve à bord de ce vaisseau, cet après-midi. Je ne sais pas qui y sera demain. Comment faisons-nous pour prendre cette situation en main? Je ne veux pas être alarmiste; je dis simplement qu'il s'agit d'une menace majeure. Que transporte ce navire et où se dirige-t-il? Quelle est la cargaison? Quels sont les articles qui sont à l'origine du bacille du charbon? Quels sont les conteneurs où se trouve le bacille du charbon?
M. Haydon: Vous venez de mettre le doigt sur l'un des problèmes que je vois, soit qu'il faut que quelqu'un, quelque part, dans le système dispose de pouvoirs d'exécution. L'idée que je propose — qu'il y ait une sorte de comité parlementaire qui s'occupe de la question — n'est pas très populaire, mais, d'une façon ou d'une autre, il faut transformer ce comité interministériel, qui n'évolue pas à une altitude très élevée dans la sphère bureaucratique, en une bête qui a du mordant, pour que quelqu'un puisse dire: «Voilà qui est mauvais.» Il faut qu'il y ait une voie qui permet de prendre des questions urgentes comme celles-là et d'en saisir le Cabinet, que des décisions se prennent et que des directives soient données.
Le sénateur Forrestall: Je veux dire immédiatement.
M. Haydon: On ne peut se permettre d'attendre dix jours.
Le sénateur Forrestall: Ce que nous avons fait.
M. Haydon: C'est pourquoi il faut réfléchir sérieusement à la manière dont cela peut se faire. Je suis revenu à la structure d'un truc comme le Comité de défense du Cabinet des années 50 et 60 parce que ces gens-là avaient ce type de mandat, mais il était question alors du champ de responsabilité d'un seul ministère. Aujourd'hui, il s'agit de multiples ministères. Ce sera très difficile.
Le sénateur Forrestall: À un moment donné, nous avons étudié, en rapport avec ce type d'opération, la possibilité de réunir un faible nombre d'éminences membres du Conseil privé qui ont quitté la scène politique, ou la scène judiciaire ou une autre scène, de les réunir et de leur attribuer un pouvoir de surveillance en temps réel. Il s'agit de dire ici qu'il y a bel et bien une façon de procéder, et nous l'avons maintenant définie. Si nous n'en tirons pas d'autres leçons, il vaut mieux voir à quel point c'est urgent, et il faut tirer les leçons de la situation que nous avons au large de nos côtes ce soir.
Le président: Pour clore cette partie du débat, puis-je, monsieur Haydon, vous poser la question suivante: est-ce qu'un comité présidé par un vice-premier ministre, un comité du Cabinet chargé de la sécurité nationale comptant des représentants du Solliciteur général, de la Défense — quelque chose comme cela — correspondrait à ce qui est recherché?
M. Haydon: Ce serait un pas fait dans la bonne direction. La seule mise en garde que je ferais, c'est qu'il faudrait qu'il y ait une hiérarchie clairement définie, entre la sphère de décisions et le personnel exécutif chargé de concrétiser les mesures adoptées.
Le président: Est-ce que le personnel exécutif viendrait du Bureau du Conseil privé? Visiblement, un secrétariat du Cabinet peut prendre en charge une telle fonction. Le problème, de notre point de vue, c'est que ce n'est pas seulement une question militaire. À nos yeux, le problème touche la question des frontières, le service de sécurité et la police.
M. Haydon: C'est bien à ce niveau qu'il faut travailler. La seule réflexion que j'ai, c'est que se serait peut-être une très bonne idée de l'essayer et de voir si ça marche — on fait seulement des progrès quand on essaie quelque chose.
Le président: Monsieur Haydon, au nom du comité, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant nous. Votre mémoire a été très instructif. Nous avons apprécié le dialogue suscité et nous espérons vous accueillir à nouveau, pour d'autres conseils.
Habituellement, nos meilleures questions nous viennent dix minutes après que le témoin a quitté la pièce; si nous pouvons vous écrire au moment où ces questions vont nous venir, votre réponse serait appréciée. Merci beaucoup, et à bientôt.
Nos prochains témoins ce soir sont le contre-amiral à la retraite Bruce Johnston et le commodore à la retraite Hans Hendel, expert-conseil au Collège d'état-major des Forces canadiennes.
Messieurs, bienvenue à la séance du comité. Si vous avez une remarque préliminaire à faire, nous sommes prêts à vous écouter.
Le contre-amiral à la retraite Bruce Johnston, à titre personnel: Honorables sénateurs, je dois dire que le commodore Hendel et moi-même, par le passé, avons travaillé cette question ensemble, il y a de cela un certain nombre d'années.
J'apprécie l'occasion qui m'est offerte. À titre personnel, je vous dirais que j'ai été commandant à bord de bateaux sur les deux côtes. De 1989 à 1991, j'ai été directeur général responsable des plans militaires et des opérations au quartier général de la Défense nationale, pendant la crise d'Oka et la crise du Golfe. Nous ne chômions pas. De 1991 à 1994, j'ai exercé les fonctions de sous-chef d'état-major aux Opérations pour le Commandant suprême des Forces alliées de l'Atlantique, puis pour le commandant des Forces maritimes du Pacifique (1994 à 1996); et, bien entendu, comme commandant responsable régionalement des missions de recherche et de sauvetage.
Je dois vous dire que le Comité de défense des eaux territoriales du Canada a formulé des recommandations qui m'ont beaucoup impressionné. Pour vous aider à comprendre pourquoi j'ai été si impressionné, je vais vous parler un peu de la période 1995-1996. Le premier extrait que je vais citer provient d'un document d'orientation conçu en 1996, sous ma direction, avec le concours du commandant Hendel.
D'un point de vue maritime, la défense du Canada et de ses intérêts nationaux se traduit, fondamentalement, par des opérations relatives à la souveraineté et l'assistance prêtée à d'autres ministères. La souveraineté nationale est telle qu'il faut pouvoir assurer une présence maritime dans nos eaux limitrophes, ce qui comprend une capacité de surveillance, de patrouille et d'intervention.
On connaît la chanson.
Cela suppose l'observation systématique de la zone de responsabilité maritime, la présence physique d'une force ayant la mobilité et la taille nécessaires pour faire respecter les engagements pris et la capacité de contrôler, d'interrompre et de réprimer des activités qui nuisent à nos intérêts maritimes. Or, seule la Marine est en mesure de prendre en charge des opérations de surveillance de grande envergure, de mettre à profit les capacités, y compris les installations essentielles de commandement, de contrôle et de communications, nécessaires à la coordination de cette activité, et de soutenir et d'appliquer les opérations de surveillance dans l'ensemble de nos zones de responsabilité maritimes.
Après l'unification de la flotte de la Garde côtière et de la flotte des pêches, et en réponse à un éditorial publié dans le Victoria Times-Colonist, j'ai fait valoir mon point de vue. Je citerai une phrase de ma missive, c'est une phrase que vous devriez, à mon avis, considérer comme importante:
Dans le climat politique que nous connaissons aujourd'hui...
Et, n'oubliez pas, j'ai écrit cela en 1995.
... qui dit souveraineté dit exécution de la loi, ce qui dépend de la surveillance et ce qui relève des unités aériennes de la force navale et maritime, car, pour être tout à fait franc, nous sommes les seuls à pouvoir le faire.
La Marine n'a jamais eu la responsabilité de la surveillance maritime. Le mandat de la Marine consiste à créer et à entretenir les capacités nécessaires pour que la surveillance se fasse. Bien entendu, la Marine et la force aérienne fournissent des éléments suivant un niveau négocié avec d'autres ministères, par exemple, celui des Pêches, pour aider à l'exécution des responsabilités relatives à la surveillance.
Je me rappelle que, à la fin des années 80, au moment où je préparais les documents nécessaires pour que le Cabinet approuve le projet de navire de défense côtière, je me souciais beaucoup du message que nous étions en train d'envoyer avec la fermeture de Summerside et la mise hors service de l'intégralité de notre parc d'aéronefs de défense côtière. Bon nombre d'entre vous vous rappellerez le parc des Tracker qui, à l'origine, partait de Bonaventure. Ces aéronefs fournissaient au ministère des Pêches un excellent service du point de vue de la surveillance.
Quand le gouvernement a décidé que les ministères allaient recouvrer le coût des services qu'ils se rendent les uns aux autres, toutefois, les Tracker se sont révélés hors de prix, au point de disparaître. Aujourd'hui, le coût imputé à d'autres ministères pour le travail des aéronefs Aurora ou Arcturus, au-delà du niveau négocié, équivaut à environ 30 000 $ l'heure de vol. Il n'est donc pas difficile de savoir pourquoi le ministère des Pêches confie cette tâche par contrat à Provincial Airlines. Par conséquent, non seulement la Marine et les unités de soutien de la force aérienne n'ont pas la responsabilité de la surveillance, mais, en plus, notre travail se révèle hors de prix.
Sur ce plan, je crois que nous allons voir bientôt la mise en service des trois aéronefs Arcturus, qui ont la possibilité d'être les instruments les plus efficaces que nous ayons du point de vue de la surveillance.
Qui est au volant de l'autobus? Voilà une excellente question. Je pourrais dire que c'est la Marine et la force aérienne qui sont les propriétaires de l'autobus, mais qui n'ont pas le mandat voulu pour le conduire. Ils ont seulement le droit de fournir l'autobus à d'autres ministères, à des tarifs exorbitants.
Qui devrait conduire l'autobus? L'amiral Buck, dans son témoignage, a fait la remarque suivante:
Avant le 11 septembre, il était facile de dissocier les préoccupations militaires des préoccupations civiles en matière de sécurité. Ce n'est plus le cas.
Je dirais que cela n'est plus le cas depuis un certain temps déjà. Comme je l'ai écrit en 1995, dans le climat politique que nous connaissons aujourd'hui, qui dit souveraineté dit exécution de la loi.
En dernière analyse, la distinction n'est pas importante, car il faut le même autobus pour se défendre contre les deux menaces. Il n'y a qu'un conducteur attitré de l'autobus, c'est la Marine.
Je vais clore ce court exposé en disant que j'appuie sans réserve les recommandations du rapport de septembre 2002. Je crois que la recommandation 1 et la recommandation 2, sous la rubrique «Le comité recommande particulièrement» doivent être renforcées en ce qui concerne l'exécution de la surveillance. L'objectif doit revenir à dire que, dans le cours normal des choses, la surveillance maritime que réalise le ministère de la Défense nationale suffit à répondre aux besoins de tous les ministères.
Un passage en particulier de votre rapport de septembre m'a frappé:
La défense de l'Amérique du Nord doit être aussi importante aux yeux des Canadiens qu'aux yeux des Américains.
On pourrait ajouter: elle doit être perçue comme étant aussi importante aux yeux des Canadiens qu'aux yeux des Américains.
J'ai peut-être été négligent en n'articulant pas le fait que j'appuie une bonne part du travail que fait actuellement le GTISM; dans l'ensemble, les projets que nous avons réalisés dans le domaine de la sûreté maritime n'ont pas été impressionnants. Merci.
Le président: Merci.
Le commodore à la retraite Hans Hendel, expert-conseil, Collège d'état-major des Forces canadiennes, témoignage à titre personnel: J'aimerais d'abord vous donner quelques renseignements sur ce que je peux apporter à la discussion, en me fondant sur les trois dernières années que j'ai vécues au Collège des Forces canadiennes, où j'ai été engagé par contrat à titre de mentor, si vous voulez, en rapport avec les deux cours les plus avancés. Un cours en particulier traite du niveau opérationnel?. Il s'agit du cours supérieur des études militaires. L'autre cours, c'est le cours des études de sécurité nationale, qui, de fait, se donne ici à Ottawa aujourd'hui et qui s'échelonne sur six mois environ, et couvre tous les aspects de la sécurité nationale, tant pour les affaires locales que pour les affaires internationales au sens plus vaste du terme. Après avoir écouté pendant trois ans les propos des experts en la matière et, de fait, ceux d'étudiants très avancés parmi lesquels des colonels et brigadiers généraux subalternes, j'ai appris beaucoup de choses sur la sécurité nationale, au point où je voudrais peut-être vous en faire part aujourd'hui.
J'ai eu peu de temps pour me préparer à mon témoignage, mais j'ai examiné votre rapport de septembre 2002; j'ai examiné aussi le compte rendu des délibérations de votre comité le 7 avril. J'aimerais d'abord formuler quelques observations à propos de ces documents, car je les ai considérés comme le noyau autour duquel viendraient s'articuler la discussion et les questions subséquentes.
Premièrement, votre rapport — «La défense de l'Amérique du Nord: une responsabilité canadienne»— soit dit en passant, nous n'avons pas collaboré en ce qui concerne cette séance particulière —, j'ai produit un rapport semblable pour les recommandations que vous avez formulées à propos du front maritime. En particulier, je tiens à souligner que, à mon avis, votre troisième recommandation se révélera très controversée. C'est celle où il est question d'établir des centres d'opérations multiministérielles à Halifax et à Esquimalt. J'y reviendrai plus tard, car la question va surgir de nouveau.
Pour ce qui est de la recommandation générale où les auteurs préconisent une politique de défense de nos approches océaniques et de nos côtes, je dirais encore une fois que je suis tout à fait d'accord, mais je signalerais qu'il y a une plus grande question en jeu ici, soit la nécessité d'adopter une politique de sécurité nationale dont le volet maritime ne serait qu'un élément. Nous pouvons réexaminer la question davantage plus tard, mais je dirais que c'est cette question qui est à l'avant-plan dans l'esprit de nombreux savants au Canada, et que nous, au collège, l'avons approfondie quelque peu dans le cadre du cours des études de sécurité nationale. En bref, nous avons conclu qu'une telle politique s'impose tout à fait au niveau stratégique — une politique de sécurité générale et non pas une politique de défense, et non pas une politique étrangère, mais une politique de sécurité générale qui déboucherait sur des politiques annexes comme une politique de sécurité maritime.
Quant au compte rendu des délibérations du comité le 7 avril, j'ai également quelques observations à formuler, auxquelles vous allez peut-être vouloir donner suite pendant la période des questions.
La première concerne les questions du sénateur Banks à savoir qui est au volant de l'autobus. Voilà une question extraordinaire. Je crois qu'elle a été soulevée dans le contexte d'une discussion sur le Groupe de travail interministériel de la sûreté maritime, dont il a été question plus tôt aujourd'hui, ici même, et qui compte 17 membres des divers ministères et organismes, qui essaient de régler le problème. Il est tout à fait pertinent de demander qui conduit l'autobus. Je peux approfondir la question un peu plus, plus tard. Je soupçonne que les diverses réponses données jusqu'à maintenant, celles qui ont été évaluées le 7 avril, sont certainement insatisfaisantes. Tout de même, il faut répondre à une question sous la forme d'une politique et par l'instauration d'une stratégie. En termes militaires, c'est une question de commandement et de contrôle, et il faut un système de commandement conçu pour la mission de sûreté maritime.
Cela m'amène à formuler ma deuxième observation concernant l'étonnement du président quant au dédoublement apparent des centres de commandement. Encore une fois, je crois que c'est le sénateur Banks qui a dit: «Voici un centre, et un autre centre encore, et voici encore un autre centre.» En fait, c'est pire encore que cela. Vous parliez du niveau opérationnel des activités, je présume, mais au niveau stratégique il vient se greffer d'autres centres encore comme celui du SCRS, celui de la GRC, celui du MDN et celui du BPIECP entre autres.
Cela dit, j'aimerais revenir à la recommandation no 3 en ce qui concerne les centres de commandement multiministériels. À mon avis, cette recommandation a beaucoup de sens, mais si elle est mal conçue et mal appliquée, elle sera probablement à l'origine de beaucoup d'angoisse, car c'est une menace pour l'ordre actuel des choses. Durant la période de questions, je peux vous donner un cadre conceptuel qui pourra servir de point de départ à l'approfondissement des travaux à cet égard, que nous avons explorés au collège.
Ma troisième observation se rapporte à la flotte civile et particulièrement à la Garde côtière canadienne. Premièrement, je suis d'accord pour dire qu'il devrait y avoir des études du type de ce dont il est question dans le rapport Osbaldeston en ce qui concerne les flottes civiles, mais sous réserve qu'il y ait d'abord et avant tout une politique — une politique qui, en partie, confère à notre Garde côtière un nouveau mandat, mandat digne de l'appellation «Garde côtière».
Soit dit en passant, quand on mentionne le rapport Osbaldeston, les collègues de la Marine font une crise d'apoplexie, craignant que, d'une manière ou d'une autre, la Marine soit transformée en Garde côtière ou, inversement, que la Garde côtière, avec tous les problèmes qu'elle a, soit attribuée de force à la Marine avec les conséquences budgétaires que cela comporte. Personnellement, je ne me soucie pas tant de cette question: je crois que les Canadiens comprennent bien ce à quoi sert une marine. La Marine ne sert pas à lancer des missiles de croisière aux voleurs de trappes à homards à Burnt Church. Tout de même, la Garde côtière est une autre question. Avoir une garde côtière armée est une façon beaucoup plus rentable d'intercepter des vaisseaux qui nous intéressent près de nos côtes, en comparaison avec le destroyer, qui coûte cher, ou la frégate, comme l'amiral Buck a pu le dire le 7 avril.
Voilà qui conclut mes remarques préliminaires. Je souhaite qu'elles serviront à stimuler un certain débat.
Le président: Vous avez parlé de la recommandation no 3, qui favorise la coopération et la coordination avec nos homologues américains. Est-ce que vous vouliez dire la recommandation no 6, qui consiste en l'établissement de centres d'opérations multiministériels à Halifax et à Esquimalt, centres capables de recueillir des données, de les analyser, et cetera?
Cmdre Hendel: C'est correct dans le dernier cas. C'est le numéro trois dans mon document.
Le sénateur Day: C'est le deuxième numéro trois.
Le président: Nous n'avons pas les mêmes documents, mais nous sommes à la même page.
Le sénateur Day: J'aimerais aborder la question de la recommandation no 3, si vous le permettez, mais d'abord, permettez-moi de vous remercier et de remercier le Collège des Forces canadiennes d'avoir fait venir au Sénat, vendredi, les étudiants inscrits au cours des études de sécurité nationale. J'ai beaucoup apprécié la séance que nous avons tenue avec les officiers, l'après-midi, dans la salle du Sénat. Le fait que vous ayez reconnu le Sénat a été apprécié au plus haut point. Nous avons parlé à ce moment-là de certains de nos rapports. Nous apprécions cela. Si l'un quelconque de vos compagnons de classe a des informations à nous donner au sujet de l'un quelconque des rapports que je leur ai remis à ce moment-là, nous allons certainement l'apprécier.
Cmdre Hendel: Je peux vous dire déjà que la réaction a été extrêmement positive. Cela a été considéré comme une séance très utile.
Le sénateur Day: J'aimerais obtenir de votre part des précisions sur notre deuxième recommandation no 3. Vous étiez là tous les deux, vous avez entendu la discussion que nous avons eue pendant la séance antérieure sur les établissements navals existants à Halifax et à Esquimalt en ce qui concerne les communications et la collecte d'informations, et ce qu'a pu nous dire un témoin précédent, soit que les renseignements maritimes supplémentaires annoncés par Transports Canada et le ministre des Transports, M. Collenette, quant à savoir que les navires signalent aux autorités canadiennes quand ils arrivent dans nos eaux ou quand ils vont le faire d'ici un certain nombre d'heures, — l'information est recueillie par les gens à Esquimalt et à Halifax, selon la côte où vous vous trouvez, et, nous devons le présumer, ces établissements de la Marine diffusent alors l'information en question. Ne voyez-vous pas la possibilité que ces établissements, à Esquimalt et à Halifax, deviennent des centres de convergence multiministériels pour l'information et peut-être un centre de commandement et de contrôle pour les opérations navales et les opérations de navigation?
Cmdre Hendel: Je crois qu'il y a là tout un potentiel. On a déjà fait un travail considérable. Le problème, si tant est qu'il y a un problème, c'est qu'il n'existe aucun mandat officiel à cet égard et, par conséquent, il n'y a pas de plan quant à savoir comment il faut échafauder cela. À l'instigation de mon ancien patron, qui se trouve ici à ma droite, nous avons communiqué avec d'autres ministères à cet égard, il y a même dix ans de cela, en ce qui concerne la GRC, la Garde côtière, le système de contrôle de la circulation maritime et ainsi de suite.
Du point de vue opérationnel, la volonté est manifeste de retransmettre la plus grande quantité possible d'information à ces centres, à fusionner cela, à diffuser l'information à l'intention des autres ministères et organismes touchés, qui ont un rôle à jouer dans la sécurité nationale en ce qui concerne la surveillance et les patrouilles et le contrôle de nos côtes, mais cela, pour l'essentiel, n'est pas énoncé dans un mandat en bonne et due forme. Manifestement, quand quelqu'un s'adresse à un de ces centres depuis le quartier général de la Défense nationale ou d'ailleurs, dans le cas des autres ministères, la réaction, c'est de l'étonnement. Les gens sont impressionnés par les centres en question et les possibilités que présentent ceux-ci non seulement sur le plan de la défense, mais aussi sur celui de la sécurité au sens large du terme.
Absolument, je dirais que la recommandation est parfaitement indiquée. Tout de même, la difficulté à cet égard résidera dans le fait que les autres ministères et organismes, qui peuvent avoir des raisons valables de fonctionner avec leurs propres centres en rapport avec d'autres aspects de leur mandat, éprouveront de la difficulté à prévoir le personnel, l'expertise et la connectivité nécessaires du point de vue des communications, en particulier, des systèmes de données et ainsi de suite, pour que toute l'information y soit fusionnée là.
Le sénateur Day: Nous pouvons tout de même nous organiser pour que cela se fasse.
Cmdre Hendel: Cela me ramène à ma recommandation principale: d'une manière ou d'une autre, il nous faut une stratégie de sécurité nationale qui découle de la politique de sécurité nationale. L'époque où il était possible d'avoir un livre blanc sur la défense et un livre blanc sur la politique étrangère, puis d'essayer de les faire converger est révolue.
Si on remonte dix ans plus tôt, comme les honorables sénateurs s'en souviendront, il y a eu un comité parlementaire spécial du Sénat qui s'est penché sur toute la question de la sécurité dans l'ère consécutive à la Guerre froide. À mon avis, ce rapport aurait pu servir de point de départ à une bonne politique de la sécurité pour le Canada.
Comme les honorables sénateurs s'en souviendront aussi, les deux livres blancs qui ont été publiés par la suite étaient distincts. Le livre blanc sur la défense a été publié avant le livre blanc sur la politique étrangère, ce que d'aucuns ont trouvé assez intéressant. Dans le contexte d'aujourd'hui, où il faut entreprendre un changement de régime au pays et où les questions relatives au terrorisme ont servi à canaliser notre attention sur la sécurité au sens large du terme, ne serait-ce pas utile, peut-être, de ressusciter ce comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat et de lui demander de poser les fondements d'une politique de sécurité pour le Canada, ce qui pourrait alors donner lieu à une stratégie qui s'appliquerait au plan opérationnel? Je suis sûr que les responsables seraient fins prêts à instaurer cette stratégie pour le Canada et pour les Canadiens.
Le sénateur Day: Monsieur Johnston, que pensez-vous de cela?
Cam Johnston: Il y a loin de la coupe aux lèvres. Compte tenu du délai que nous avions sur la côte Ouest... dans le livre blanc de 1994, nous avons recommandé de mettre l'accent davantage sur la souveraineté. Je crois que nous avons pris la question au sérieux. Nous avons instauré des régimes de contrôles de souveraineté. Nous avons fait venir des Aurora depuis 800 milles de la côte, et le long de la côte. Nous avons divisé le temps consacré aux patrouilles opérationnelles et à l'entraînement. Par le passé, c'était de l'entraînement à presque 100 p. 100. Nous avons sollicité l'apport de la GRC. Nous avons eu un programme de surveillance de la côte. Le numéro 1-800 de la surveillance côtière déclenchait la sonnerie dans mon centre d'opération à moi. Nous avons recouru à un agent de liaison de la GRC. Nous avons réinstallé le centre d'opération aux côtés du centre de coordination des sauvetages, pour que les centres d'opération de la Garde côtière et de la Marine puissent se parler et poser des questions comme: «Nous avons un radar pour la gestion de la circulation maritime, à Tofino, cela se trouve à 50 milles; pourquoi n'est-il pas possible pour moi de voir ces gens chez nous?» Pour être bref, la réponse à tout cela, à bien des égards, était la suivante: «Ce n'est pas votre travail.» Personnellement, j'étais d'avis que cela aurait dû l'être.
À bien des égards, je ne suis pas convaincu du fait que nous ayons besoin d'une nouvelle politique de sécurité nationale. Ce qu'il nous faut, c'est un mandat du ministère de la Défense nationale pour jeter, fondamentalement, les fondements de toute cette question de la sécurité maritime, ce qui revient à une responsabilité à l'égard de la surveillance.
L'exécution de la loi, à bien des égards, représente une tâche plus facile, parce qu'on sait ce à quoi on a affaire. Les gens peuvent se réunir en comité avant et établir comment le travail sera coordonné, qui aura le premier rôle et ainsi de suite. Tout de même, il faut que quelqu'un sonne le carillon et dise qu'il y a quelque chose qui se passe et, fondamentalement, s'assure que tout le monde est renseigné, bien réuni et que le premier ministère responsable, s'il s'agit de la GRC, fait intervenir un bateau ou un hélicoptère — et voilà, c'est parti. Dans le contexte, je suis d'avis que ce n'est pas vraiment d'astrophysique dont il s'agit ici.
Le sénateur Day: Si nous disposions de ce que M. Hendel vient de qualifier de politique de sécurité maritime et si le rôle des forces armées y était énoncé, vous n'auriez pas eu cette difficulté que vous nous avez si bien expliquée, le déclin des Tracker, les sommes d'argent récupérées entre ministères, car votre rôle aurait été défini et que cela aurait fait partie du rôle ainsi défini.
Cam Johnston: Quand on vous donne un rôle bien défini, il faut situer ce rôle dans le contexte des autres rôles qui vous reviennent, établir un ordre de priorité et trouver le juste équilibre nécessaire pour bien utiliser vos biens.
Je ne suis pas vraiment contre l'idée de déployer des navires au Moyen-Orient, comme on le fait en ce moment. Par contre, je ne suis pas très d'accord avec l'idée de déployer des avions Aurora au Moyen-Orient à un moment où les moyens manquent pour exercer une surveillance de base chez nous.
Par rapport à ce qu'on pourrait qualifier de rôles prioritaires, par exemple la sécurité maritime, j'envisagerais que des décisions très différentes soient prises quant au prix qu'on est prêt à payer pour prendre un tel élément et le déployer à l'étranger. De nos jours, les Forces canadiennes dans leur entier sont presque assimilables à de l'aide étrangère. C'est quelque chose que l'on prête aux autres, pour agir en leur nom. Il est difficile de justifier auprès des Canadiens l'importance de ces éléments, à savoir que ces gens cessent d'agir ainsi, quelqu'un va payer le prix. Il a été très enrichissant de constater l'orientation que prend ce groupe et les modifications qu'on apporte peut-être ici.
Le sénateur Day: Pour ce qui est du fait que vous recommandez d'ajouter — et je crois que c'est une bonne recommandation — les recommandations que nous avons formulées, vous proposez que cela devrait faire partie du travail normal de surveillance maritime, par opposition à une tâche ponctuelle.
Au moment où nous étions dans l'Ouest, nous avons rendu visite à une unité de l'aéronavale. On nous a dit que, faute d'avions en état de fonctionner, non seulement nous étions chanceux d'aller dans le Nord une fois par année, mais en plus nous n'exercions pas de surveillance le long de la côte ouest des États-Unis à une fréquence qui permettrait, disons, de repérer un navire bondé d'immigrants illégaux. Un tel navire pourrait facilement s'approcher des côtes entre les moments où les patrouilles se font.
Pouvez-vous confirmer que la situation est bien comme cela en ce moment?
Cam Johnston: Je crois que c'était un peu mieux il y a six ou sept ans. Certes, les ressources se font rares. Depuis le 11 septembre, le Nord ne m'inquiète pas tant. Il y a des problèmes plus immédiats à régler au Sud — justement, l'entrée du détroit de Juan de Fuca.
Nous avons l'aéronef Buffalo, probablement le meilleur aéronef de surveillance qui peut être utilisé sur la côte ouest, pour tous ces passages dans la zone littorale dans l'île de Vancouver et dans les îles de la Reine-Charlotte. C'est un aéronef qui peut voler lentement, à basse altitude, et repérer des choses. Cela me ferait mal de voir, une fois les hélicoptères de recherche et de sauvetage tous déployés, la disparition de la flotte des Buffalo. J'aimerais bien mieux voir ces ressources-là.
Les deux dimensions que prend la surveillance, comme vous avez pu l'entendre, sont entièrement différentes suivant qu'on se trouve sur la côte Est ou sur la côte Ouest. Nous pouvons approfondir cette question. Tout de même, en ce moment, les ressources manquent vraiment dans l'Ouest.
Les navires de défense côtiers, soit dit en passant, sont nettement plus utiles dans l'Ouest que dans l'Est. Par ailleurs, dans la voie du Saint-Laurent et dans les Grands Lacs, les navires de défense côtiers sont idéaux.
Le sénateur Day: Enfin, j'aimerais savoir quel rôle vous envisagez pour les navires. J'ai entendu l'amiral Buck signaler que le rôle traditionnel de la Marine se joue en eaux profondes et comporte une dimension internationale, et non pas tant une défense côtière.
M. Haydon a fini par dire que, selon lui, nous pourrions opter pour l'une ou l'autre des solutions, à condition de se doter de moyens conséquents et de bien définir le rôle de chacun. Il a souligné que si la Marine avait le personnel voulu et le matériel voulu, elle pourrait fonctionner comme cela se fait en Australie, où la Marine s'occupe à la fois de la défense côtière et des activités en haute mer. Pourriez-vous dire quelle serait la voie la plus souhaitable pour le Canada?
Cam Johnston: Cela dépend des priorités établies. À une certaine époque, j'aimais parler de protection du territoire, d'intervention sur le théâtre des opérations et d'opérations de contingence. Avec la protection du territoire et les opérations de contingence, à mes yeux, les responsabilités chez soi passent en premier. Les ressources qu'il faut y sont consacrées. Ce qu'il reste est à la disposition du gouvernement en vue d'un déploiement dans le cadre des opérations de contingence. Il n'y a pas de contradiction là dedans, pas du tout.
Cmdre Hendel: C'est la politique qui détermine la décision. Si ce dont il s'agit, c'est que nous ne sommes pas en mesure, avec nos forces déployées et nos forces chez nous, de prendre en charge une surveillance et des patrouilles suffisantes le long de nos propres côtes, et s'il s'agit de se donner davantage les moyens de le faire dans un délai raisonnable, alors il est tout à fait raisonnable de sortir le chéquier et de, peut-être, donner à notre Garde côtière la possibilité d'intercepter les vaisseaux, de les arraisonner et de procéder à des arrestations, peut-être de concert avec la GRC. Je crois qu'une formule semblable a été appliquée il y a quelque temps. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, les garde-côtes de la Garde côtière que je me souviens d'avoir vus — et je crois qu'on les appelait les R-boats — étaient armés. À un moment donné, notre garde côtière était une garde côtière. Toutefois, cela s'est atrophié au fil du temps.
Si, dans une perspective à court terme, compte tenu d'une menace pressentie, il faut en faire plus en ce qui concerne les patrouilles côtières et l'interception, sans toutefois renoncer au rôle international que nous jouons pour ce qui est de refléter les valeurs canadiennes et les intérêts du Canada à l'étranger, alors la façon qui est probablement la plus rentable d'accroître cette exigence locale consiste à employer la Garde côtière, à établir une nouvelle fonction, à donner de l'expansion au Projet de navires de défense côtière, quelque chose du genre.
Tout bien considéré, une fois que le personnel a fait son travail et que vous avez déterminé à quel point il est coûteux de disposer d'une frégate avec un hélicoptère, plutôt que d'une flotte de petits bateaux, alors il faut peut-être s'accommoder d'une capacité de surveillance qui est inférieure à 100 p. 100. Oui, ces bateaux n'ont pas l'endurance ou la portée nécessaire et ils peuvent être inconfortables. Tout de même, étant donné le genre de travail que vous envisagez probablement, dans les eaux limitrophes, jusqu'à 24 milles de la côte, si vous avez quelques garde-côtes qui longent le littoral, peut-être en faisant d'autres tâches, et que la politique est telle que, en réponse à un appel du centre d'Esquimalt, vous interceptez tel ou tel bateau dans telle ou telle position, alors vous mettez de côté la tâche que vous étiez en train de faire et vous allez intercepter le bateau. Voilà certes une façon rentable et raisonnable d'aborder le problème à court terme.
Le sénateur Day: En ce moment, ce serait surtout des réservistes qui se trouvent à bord des vaisseaux de défense côtière. Croyez-vous qu'il peut y avoir là un rôle élargi pour les réservistes?
Cmdre Hendel: C'est évidemment possible. Il faut faire attention au mot employé. Certaines personnes disent qu'il s'agit de dragueurs de mine, alors que d'autres parlent de bateaux-écoles. J'étais là à l'époque où les exigences ont été établies à leur égard. Les bateaux devaient servir à de multiples tâches. Ils ne pouvaient d'aucune façon être considérés comme parfaits; ils représentaient un compromis. Ils jouaient trois rôles. Ils devaient servir à repérer les mines et à faire le levé des fonds marins. Ils avaient un rôle d'entraînement parce que nous devions nous débarrasser du quatrième escadron de destroyers, véhicules coûteux pour l'entraînement, et que nous devions acheter des simulateurs. Il fallait donc un élément d'entraînement. Il y avait aussi la patrouille des côtes. C'est en fonction de ces rôles que les architectes de la Marine ont conçu ces vaisseaux. Permettent-ils d'exécuter à la perfection l'une quelconque de ces tâches, ou une combinaison de ces tâches? Non. Nous n'avions pas l'argent voulu. Ils demeurent très utiles.
Cam Johnston: C'est dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, où l'attention accordée à la patrouille des côtes est assez modeste. Si on augmente cela de quelques crans et que les vaisseaux assument une importante responsabilité en ce qui concerne les patrouilles côtières, le tempo opérationnel s'accroît, et les attentes face aux réservistes s'accroissent. Le réserviste qui travaille à bord d'un bateau à temps plein, de fait, ne diffère pas vraiment du membre actif de la Marine. C'est là, en vérité, où M. Hendel veut en venir, jusqu'à un certain point. Il faut se soucier un peu de l'ampleur de la tâche que l'on décide de confier à un réserviste qui, après tout, sur le plan théorique, consacre une part modeste de son temps, tous les ans, aux activités navales.
Le sénateur Forrestall: Je veux faire appel à l'expérience combinée des témoins. Nous nous trouvons devant un dilemme: il nous faut une sorte d'organisation, un organisme qui peut servir de pont, un commandement exécutif pour ce groupe. Jusqu'à maintenant, le rôle maritime suppose la participation de presque 16 ministères différents, dont la Défense nationale, la Garde côtière et Pêches et Océans. S'il faut décrire celui qui est aux commandes de l'autobus, et ce ne sera pas la Marine, comment décririez-vous l'organisme qui dirigerait ce truc, enfin, que nous essayons de faire pour satisfaire nos voisins, pour leur envoyer un produit qui est propre et bon et tout le reste? Comment mettre toutes les pièces du puzzle ensemble? Comment trier tout cela dans notre esprit? Qui devrait se charger de cela? Comment doser les apports politiques, ministériels, publics de telle sorte que ce soit approprié et, surtout, que ce soit rapide?
Sans m'attarder là-dessus, je dirai que la situation qu'il y a au large de nos côtes en ce moment pourrait devenir grave. Je ne sais pas très bien qui est aux commandes de cet autobus. Je sais qui est le propriétaire du vaisseau tout juste à côté. Je ne sais pas où se trouve ce vaisseau ce soir. Je ne sais pas quel progrès on fait. Il y a tout un secret qui entoure cela. Cela ne me tracasse pas. Ce qui me tracasse, c'est qu'il n'y a personne vers qui je peux me tourner pour dire: «Et alors, est-ce que tout va bien? Est-ce vous qui êtes responsable? Avez-vous la main haute sur la situation?».
Je n'ai pas vraiment besoin de connaître les détails; je veux simplement sentir que je suis en sécurité. Ciel, je ne me sens pas très en sécurité avec le groupe maritime qui est en place en ce moment. Je ne sais pas qui y joue le rôle de policier. Qui devrait avoir le pouvoir d'arrêter ces gens et de parler aux Canadiens? À qui devrait revenir la responsabilité énorme de déterminer ce que les Canadiens devraient savoir et ce qu'ils ne devraient pas savoir?
Avez-vous une quelconque idée de ce que cela pourrait être? Vous êtes-vous installé tranquillement pour bien réfléchir à ce qui fonctionnerait le mieux, ce qui serait le plus efficace, avec la possibilité de rassurer non seulement les Canadiens, mais également nos voisins du Sud, sur le fait que le produit maritime que nous offrons, comme le produit aérien, est bien propre et en bon état de fonctionnement?
Savez-vous qui seraient idéalement les membres de ce groupe et comment on les choisirait?
Cam Johnston: Tout à l'heure, quelqu'un a parlé du BCP. Premièrement, le GTISM est un mécanisme exceptionnel pour examiner toute l'infrastructure maritime et la sûreté de l'infrastructure maritime. Il y a un pan colossal d'infrastructure qu'il faut coordonner, et il faut déterminer la meilleure façon de dépenser l'argent. Les membres de cet organisme particulier doivent se réunir et aider les ministères à prévoir, peut-être, la façon de répondre à votre question, au moment où le comité se réunira plus tard.
Vous êtes aux prises avec un incident en ce moment, visiblement. Si je regarde la crise d'Oka, je constate que nous avons eu des réunions quotidiennes avec le BCP sous la direction du greffier du Conseil du privé. C'était une question d'importance nationale. C'est visiblement une possibilité à cet égard. Est-ce vers lui qu'on devrait se tourner? Je n'en suis pas sûr. C'est le seul que je connaisse, dans le contexte d'aujourd'hui. Je trouve qu'il est très difficile d'envisager de créer un organisme en vue de répondre à cette question. À quel moment toute la puissance de l'État peut-elle être mise à profit pour régler un problème? Si vous en êtes au stade où le degré d'urgence ou l'importance n'est pas si grand, je crois que cela pourrait être très difficile. Je n'ai pas beaucoup de solutions de plus à offrir.
Le sénateur Forrestall: Vous êtes en train de dire que le groupe qui existe en ce moment et qui travaille à cette question est peut-être celui avec lequel nous allons nous retrouver; c'est bien cela?
Cam Johnston: Pas du tout. Le GTISM s'occupe d'une tâche administrative. C'est la bureaucratie qui entre en jeu pour planifier en vue de l'avenir, avec toutes les difficultés et tous les défis qui se présentent aux bureaucraties dans le contexte.
Nous avons dit que, au moment de la crise d'Oka, il y a eu une interface opérationnelle avec le cabinet, par l'entremise du BCP, en rapport avec l'incident particulier dont il était question.
Le sénateur Forrestall: Un comité du BCP ne compte que des ministres. Or, les ministres ont des responsabilités énormes quand vient le temps de diriger leur propre ministère, de travailler à l'élaboration des politiques, d'instaurer un programme législatif. Le ministre est une bête assez occupée. Demander qu'il intervienne, c'est faire en sorte qu'il consacre quatre heures supplémentaires par jour à ce problème. Le meilleur premier ministre qui soit dans le monde, travaillant 12 heures par jour, n'aide pas beaucoup son peuple s'il consacre huit heures de sa journée à étudier l'agriculture et non pas les 27 autres champs de responsabilité qui lui reviennent.
C'est une notion qui me pose des difficultés, particulièrement du fait que cela sera permanent. Je ne crois pas qu'on envisage quelque chose de passager, une mesure qui sera en place pendant trois mois.
Cam Johnston: De même, je ne crois pas que l'on puisse sous-estimer les moyens actuels en place, dont la Défense nationale fait partie, dans le secteur local pour ces entités — la GRC, la Défense nationale, la Garde côtière, mais probablement moins dans ce cas, l'administration portuaire, la ville de Halifax — pour qu'elles se réunissent et planifient la façon de composer avec cette situation. S'il s'agit d'employer la force physique et d'expulser le navire du port, alors, manifestement, c'est une décision qui doit être prise à un échelon plus élevé. Je ne sais pas — là où vous avez eu à composer avec cette question et à rechercher des renseignements — si vous avez trouvé ces moyens à Halifax récemment. On dirait que non.
Le sénateur Forrestall: C'est une porte fermée pour moi. On ne me laisse pas entrer, pour diverses raisons.
Je me soucie encore de savoir qui est responsable, qui est aux commandes de l'autobus, enfin employez le terme que vous voulez.
Cam Johnston: Il faut se rappeler que la direction prise par l'autobus, à tout instant, peut déterminer qui est le conducteur. À mes yeux, l'autobus, fondamentalement, c'est la capacité de savoir ce qui se passe aux larges de nos côtes. La façon d'envisager l'exécution de la loi détermine, sinon le conducteur, au moins le copilote qui est responsable de faire respecter la loi, et l'autobus doit lui permettre d'arriver au bon endroit, au bon moment.
Le sénateur Forrestall: Il faut qu'il y ait un conducteur, et le président sait qui je proposerais moi-même. Ressuscitons les Halifax Rifles. Vous seriez tout à fait étonné de voir ce dont ils sont capables.
Merci d'être venu. Plus nous en saurons sur votre réaction à ce qui se produit, plus il sera facile de comprendre l'importance d'apporter des changements adéquats et convenables, au lieu de seulement changer pour changer.
Cmdre Hendel: Si je peux ajouter une certaine perspective à cette question, j'estime que la création des GTISM et du comité ministériel spécial — présidé par le vice-premier ministre — sur la sécurité publique et l'antiterrorisme, je crois que c'est comme ça qu'on l'appelle, est symptomatique de quelque chose. Elle montre que quelque chose dans le monde a changé, que quelque chose qui a un impact sur les Canadiens a changé. Les structures et politiques existantes ne permettent pas de composer avec ce changement. Devant une telle situation, il est naturel que le gouvernement réagisse. Il réagit probablement bien, à mon avis.
Il y a deux questions à se poser en ce qui concerne le conducteur de l'autobus. Nous pourrions facilement trouver un conducteur si nous savions où nous voulons qu'il aille. Il y a un vide politique. Compte tenu de ses préoccupations actuelles, je ne crois pas que M. Manley soit en mesure de se présenter aux membres de son comité spécial et de leur dire: «Bon, nos structures politiques sont-elles adéquates? Dans quels domaines devons-nous revoir nos politiques en ce qui concerne les questions de compétence, les questions liées à la mise en commun de l'information et les questions qui supposent une coopération à l'échelle du gouvernement et avec le gouvernement américain? Comment devrions- nous orienter notre politique? Devrions-nous élaborer une nouvelle politique?»
S'il posait ces questions à une entité comme un GTISM, peut-être que ce groupe pourrait se réunir et dire: «D'accord, voici les aspects de notre vase clos stratégique que nous pourrions modifier afin d'accroître notre capacité de manoeuvrer», et nous pourrons dire que c'est là que nous voulons que l'autobus se rende.
Vous êtes en mesure d'apprécier le fait que les membres de ce groupe, probablement, selon mon expérience, se sentiront naturellement limités par les lois et règlements qui s'appliquent à l'organisme ou au ministère que chacun représente. Le membre sera heureux d'expliquer la nature de ces contraintes à ses collègues, mais il ne sera pas en mesure de dire: «Oui, je crois que nous pourrions probablement changer cela.» On n'y trouve pas un tel niveau de surveillance et d'orientation de cadres supérieurs. Votre comité ministériel spécial n'est probablement pas en mesure de faire cela. Cela répond partiellement à votre question.
L'autre partie de ma réponse est liée à ce que j'appellerais l'exécution. S'il y a un problème ou un événement, je suis beaucoup plus heureux de savoir que le système actuel serait capable de réagir. Si une crise devait survenir, les bonnes choses se produiraient, par exemple sous la direction du greffier du Conseil privé, peut-être sous la direction du CEMD au moyen d'ententes existantes qui continuent d'évoluer et d'être mises au point par les divers organismes qui travaillent très dur pour coordonner leurs efforts.
Le sénateur Forrestall: J'ai un dernier commentaire. S'il est aussi important que les Canadiens y accordent autant d'importance que nos amis du Sud, comment diable y arrivera-t-on dans ces circonstances?
Cam Johnston: C'est un très bon point. Je suis soulagé de ne pas avoir à m'asseoir avec mes anciens collègues des forces navales des États-Unis, et qu'on me dise: «Notre Garde côtière surveille les 200 premiers milles, et les forces navales s'occupent du reste. Comment fonctionnez-vous au Canada?» Je répondrais: «Je peux vous dire ce qui se produit après 200 milles, mais vous ne voulez pas savoir ce qui se passe dans les 200 premiers milles».
Le sénateur Forrestall: Je suppose que non. Merci beaucoup.
Le président: Maintenant que nous avons entendu l'allusion obligatoire aux Halifax Rifles, nous pouvons passer à autre chose.
Le sénateur Forrestall: Avez-vous remarqué que je n'en ai pas parlé à M. Haydon?
Le président: Votre retenue m'étonne.
Le sénateur Forrestall: J'ai fait preuve d'une retenue et d'un contrôle absolus.
Le président: Et elle sera mentionnée au compte rendu.
Le sénateur Banks: Messieurs, merci de nous avoir rencontrés aujourd'hui et d'avoir présenté des témoignages aussi intéressants.
Amiral, vous affirmé que seules les forces navales ont la capacité d'assurer une surveillance, mais ce n'est pas tout à fait vrai. La Garde côtière jouit d'une certaine capacité de surveillance, et elle a au large, de temps à autre, des navires qui peuvent voir des choses ou facilement être adaptés à cette fin. La Garde côtière a une certaine capacité, n'est-ce pas?
Cam Johnston: Mon point, c'est que si on devait choisir entre les forces navales, les forces aériennes ou la Garde côtière, notre choix s'arrêterait probablement sur les forces navales et l'aviation navale.
L'un des défis liés à la Garde côtière — et j'apprécie la question que vous avez posée plus tôt au commandant Haydon sur la possibilité d'affecter 400 marines armés à des vaisseaux de la Garde côtière — lorsque nous nous sommes penchés sur la question de la surveillance et de la souveraineté, il y a quelques années, il était extrêmement difficile même d'obtenir les vaisseaux de la Garde côtière. C'était impossible. Notre mandat ne nous permettait pas d'exiger que les vaisseaux de la Garde côtière signalent ce qu'ils voient lorsqu'ils procèdent normalement à leurs autres fonctions.
Sur la côte Ouest, de nombreux vaisseaux sont très petits. Sur la côte Est, les baliseurs et autres bateaux du genre travaillent dans des zones très précises. Certes, il y a des brise-glace dans le nord, mais il ne s'agit pas d'une zone où la menace est particulièrement grave. Certainement, la Garde côtière peut contribuer à cet effort de surveillance, en particulier si on la mandate pour le faire, et, bien sûr, dans le cas des vaisseaux chargés de l'application de la législation sur les personnes handicapées, c'est à peu près la même chose.
Ils peuvent certainement faire partie intégrante de la capacité de surveillance globale, et j'estime que c'est sur cela que nous devrions insister — c'est-à-dire, tenter de faire participer tous les intervenants en milieu marin à la surveillance, car les forces navales, les forces aériennes et les organismes d'exécution de la loi peuvent se charger de l'exécution proprement dite.
Le sénateur Banks: Le peuvent-ils vraiment? Dans la mesure où une surveillance est assurée, n'y a-t-il pas insuffisance de ressources affectées à l'exécution?
Cam Johnston: Je crois que nous disposons de ressources d'exécution suffisantes, si on fait exception des scénarios les plus terribles, et compte tenu des menaces possibles sur lesquelles nous mettons l'accent, c'est-à-dire surtout les menaces à notre infrastructure marine, le risque d'actes terroristes d'envergure.
Lorsqu'on revient aux aspects qui nous préoccupaient au cours de la période qui s'étend de 1994 à 1996, c'est-à-dire le trafic de stupéfiants et les immigrants clandestins, les choses se compliquent un peu plus. La meilleure façon de réagir à ces problèmes est, encore une fois, la surveillance et une certaine forme de réponse aérienne, car les hélicoptères n'ont pas toujours besoin de partir d'un navire. Ils peuvent certainement partir aussi de la côte. Il serait difficile de justifier l'affectation de telles ressources à des fins d'exécution.
Cmdre Hendel: Je ne suis pas certain que nous ayons la capacité nécessaire en matière d'exécution, et je serais étonné d'entendre l'amiral Buck — si on lui posait la question maintenant — dire qu'il est plutôt satisfait des ressources dont il dispose, par l'entremise de la Garde côtière ou de ses propres navires de garde. Si nous voulons réagir de façon sérieuse à cet égard, il faudra en faire plus.
Comme l'a signalé l'amiral Johnston, la côte Ouest est pleine de fjords et de baies. Il faut des ressources considérables pour revoir ces zones, pour assurer une présence, et si elle était assurée par des navires à coque orange avec une bande blanche — oui, la Garde côtière —, si elle était capable de garder la côte, elle finirait par jouer un rôle important au sein de la collectivité, les gens comprendraient qu'elle est là, il y aurait un certain niveau de dissuasion, et ainsi de suite.
Pour ce qui est de la possibilité d'un événement d'envergure, il y a probablement assez de ressources pour réagir, mais l'avenir a la fâcheuse habitude d'être imprévisible.
Le sénateur Banks: Commodore, dans vos observations préliminaires, vous avez affirmé que la Garde côtière — je crois vous citer correctement — n'est pas vraiment une Garde côtière. Pourriez-vous nous fournir des précisions là- dessus.
Cmdre Hendel: Elle ne possède aucune capacité d'interception, d'arraisonnement, d'inspection, d'arrestation et de saisie, lesquelles sont, selon moi, essentielles. Sinon, elle peut fournir de l'information aux forces navales ou à quiconque conduit l'autobus de la surveillance, mais c'est tout ce qu'elle peut faire. Le témoin précédent a déclaré qu'un garde-côte qui est témoin d'un acte illégal ne pourrait rien y faire, et c'est dommage. Je ne crois pas que les Canadiens soient au courant de cela.
Le sénateur Banks: Cela me semble une utilisation peu efficiente de ressources coûteuses.
Cmdre Hendel: Absolument.
Le sénateur Banks: Amiral, vous avez mentionné la surveillance aérienne et déclaré que les Tracker et autres avions militaires étaient trop coûteux à utiliser, et que ce type de tâche est désormais confié à Provincial Airlines. Pourriez- vous nous en dire plus à ce sujet? Je n'avais jamais entendu cela.
Cam Johnston: L'une des annonces effectuées en janvier par le ministre des Transports à Halifax concernant l'ensemble d'initiatives de sécurité prévoyait l'augmentation du budget de surveillance par le ministère des Pêches. Depuis, on a lancé une DP concernant quelque 4 000 à 5 000 heures par année de capacité de surveillance, d'appareils multimoteurs, de radars, de capteurs d'infrarouge et d'ordinateurs de bord, et tout cela sera confié à l'industrie. On peut s'attendre à ce que Provincial Airlines, qui est titulaire de ce contrat depuis un certain temps...
Le sénateur Banks: S'agit-il du nom d'une entreprise?
Cam Johnston: Exactement, Provincial Airlines. Le siège social de l'entreprise est à Terre-Neuve. Elle fournit la principale ressource de surveillance aérienne au ministère des Pêches, et cette information est aussi transmise aux forces navales, à ce centre de coordination des renseignements. Le problème, c'est qu'on s'intéresse surtout, bien sûr, aux navires de pêche, et il est certainement difficile pour les forces navales de tenter de faire dévier l'appareil de surveillance vers un événement d'intérêt militaire.
Comme je l'ai déjà mentionné, cette surveillance est assurée par Provincial Airlines pour des raisons de recouvrement des coûts. Lorsqu'on établit le coût d'exploitation d'un appareil de la Défense nationale, il faut tenir compte du coût de l'appareil, du carburant, du salaire de l'équipage, du coût de la base, des pistes d'atterrissage et de l'amortissement complet de l'appareil. C'est pourquoi les coûts sont énormes.
Le sénateur Banks: C'est de la comptabilité analytique. Si les militaires disposent de ces ressources et ne les utilisent pas, ce n'est pas comme si nous perdions 30 000 $ l'heure.
Cam Johnston: Dans mes propres activités, j'ai toujours décrié le fait que lorsqu'un Aurora décollait de Comox, s'il tournait à droite et volait pour moi, il ne coûtait rien, mais que s'il tournait à gauche et volait pour le compte des Pêches, il coûtait 30 000 $ l'heure.
Le sénateur Banks: C'est absurde.
Le président: Si vous le permettez, amiral, Provincial Airlines assume les mêmes coûts d'exploitation à l'égard de ses appareils. Pouvez-vous dire au comité pourquoi les appareils militaires utilisés à d'autres fins sont plus dispendieux que les appareils civils?
Cam Johnston: Les trois avions Arcturus, qui ont probablement été livrés autour de 1993, ont été achetés à la suite de l'engagement du livre blanc de 1987 prévoyant l'achat d'appareils supplémentaires pour la patrouille maritime. Je fais des suppositions, mais je crois que ces trois appareils ont coûté plus de 300 millions de dollars. Il faut ensuite amortir ces 300 millions de dollars sur une certaine période. Il faut aussi tenir compte de la part des ressources de la Base des Forces canadiennes Greenwood affectée à l'exploitation des appareils, et on peut imaginer à quel point les coûts de fonctionnement de cette base sont élevés, alors il faut en tenir compte. Le salaire des équipages et du personnel de soutien et de maintenance, les pièces de rechange, les réparations et les remises en état sont aussi pris en compte. Si on envisage le coût total d'une ressource, il est considérablement plus élevé, de toute évidence, que celui qu'assumerait Provincial Airlines. Lorsqu'on compare le coût d'une heure de vol, l'écart n'est pas si important.
Le président: Je ne comprends pas. Tous les éléments que vous mentionnez doivent aussi être assurés par une entreprise au civil. Elle doit être dotée d'un hangar et d'une base, payer un loyer, entretenir l'appareil et payer son équipage. Je n'ai entendu aucun coût auquel échappe Provincial Airlines.
Cam Johnston: Elle ne paierait pas 300 millions de dollars pour trois appareils.
Le président: C'est juste.
Cam Johnston: Je ne suis pas certain du nombre de personnes qu'on trouverait dans un vol de Provincial Airlines, probablement deux personnes — je suppose — par comparaison avec ce qu'on pourrait trouver dans un appareil Aurora ou Arcturus. Les redevances d'abri et les droits d'atterrissage dans un aéroport civil ne sauraient être comparés avec les coûts d'exploitation de la base Greenwood. La liste est infinie.
Le sénateur Banks: Je pousse la question du président plus loin. Toutes mes excuses à Provincial Airlines, car les affaires sont les affaires, mais si le gouvernement lui verse un chèque pour — combien de millions de dollars avez-vous dit?
Cam Johnston: J'ignore le montant exact. Il s'agit d'environ 4 000 ou 5 000 heures par année, ce qui représente probablement 15 ou 20 millions de dollars.
Le sénateur Banks: Si le gouvernement remet un chèque de 15 ou 20 millions de dollars à une entreprise privée, ne serait-il pas sensé de confier la tâche à des appareils militaires et d'éviter qu'une telle somme ne quitte les coffres de l'État? Les avions militaires sont déjà là de toute façon. Greenwood existe, et les pilotes sont là; n'est-ce pas?
Cam Johnston: Ils sont là. Comme je l'ai déjà mentionné, nous nous débarrasserons probablement des trois appareils Arcturus, parce que nous ne croyons pas avoir les moyens de les garder, et ils n'ont pas de rôle à jouer.
Le sénateur Banks: J'ai une dernière question, purement pour le plaisir. Reportons-nous à l'époque où vous étiez respectivement CEMD et SCEMD. Par souci d'équité, je ne tiendrai aucunement compte des trois semaines, mais supposons qu'il y a un «danger clair et présent» imprévu. Supposons qu'on vous demande comment nous pourrions améliorer notre situation — tout en convainquant le monde et nos amis que nous avons amélioré notre situation — en ce qui concerne l'interception de navires et l'évaluation des menaces à la sécurité de nos côtes. Je parle de menaces classiques et non classiques, symétriques et asymétriques. Comment réagiriez-vous, avec les ressources existantes et un délai de six mois à un an? Que feriez-vous?
Cam Johnston: Si notre objectif était de convaincre nos amis du Sud que nous abordons la situation avec le même degré de diligence et de gravité qu'eux, on pourrait le faire bien plus rapidement qu'en six mois. Essentiellement, cela suppose de réorienter les priorités. On pourrait recommander, par exemple, que le gouvernement rapatrie les navires de l'opération Apollo. La guerre contre le terrorisme commence chez soi, alors il faut que ces navires et avions reviennent. Afin de composer avec l'accroissement de l'activité au large de nos côtes, nous devons combler les lacunes évidentes de ces navires au chapitre de la cadence opérationnelle. On ne peut pas se contenter de les rapatrier et de les renvoyer de nouveau. Il faut établir une certaine normalité.
Je tenterais de tirer avantage des engagements pris par Provincial Airlines. Lorsque j'affirme que les forces navales et aériennes devraient conduire l'autobus, cela n'exclut pas la possibilité d'inclure cette ressource dans l'arsenal militaire et d'attribuer à Provincial Airlines des missions. D'ailleurs, nombre de leurs pilotes sont d'ex-militaires. Il s'agit de pilotes très compétents. Puisque nous dépensons déjà cet argent, nous pouvons miser sur cette ressource.
Ce serait l'essentiel de ma réaction — ramener nos actifs dans le théâtre d'opérations principales, c'est-à-dire le Canada. Sur le plan conceptuel, ce n'est pas difficile.
Cmdre Hendel: J'ai tendance à être d'accord, en général. Cela dépend du message qu'on veut transmettre à nos amis du sud.
Le sénateur Banks: Soit dit en passant, je posais la question en m'attachant uniquement à l'intérêt national du Canada. Je parle non pas des besoins, des intérêts et de la sécurité d'autrui, mais bien des nôtres.
Cmdre Hendel: Je comprends, mais le fait de voir aux intérêts du Canada à cet égard peut supposer de tenir compte de l'intérêt de notre ami pour sa sécurité nationale. S'il s'agissait d'une mesure concrète qu'il fallait prendre, je crois que le ministère de la Défense pourrait recourir à un certain nombre d'options. Je crois qu'on dispose de ressources suffisantes pour faire des vagues, si vous permettez l'expression, de façon à susciter une réaction comme: «saperlotte, ils ne plaisantent pas!» Comme l'a signalé M. Johnston, il y a suffisamment de ressources pour que, pendant une brève période, dans une zone concentrée — comme un point de passage obligatoire dans le détroit de Juan de Fuca ou le golfe Saint-Laurent — on pourrait rassembler une capacité relativement imposante. Le fait d'assurer une présence manifeste pourrait même se révéler plutôt efficace pendant un certain temps.
Toutefois, le problème de surveillance de nos côtes est énorme. Les zones de responsabilité sont vastes, et il y a de nombreuses baies le long de la côte. Contre un adversaire déterminé et rusé, nous sommes très vulnérables.
Cam Johnston: Il y a aujourd'hui des militaires très compétents qui sont en mesure de déterminer où les ressources doivent être déployées. Si nous sommes préoccupés par des menaces similaires aux événements du 11 septembre et par des incidents terroristes d'envergure, si on met l'accent là-dessus, nous n'avons peut-être pas besoin de nous inquiéter autant des petites baies et des anses. Je crois que c'est parfaitement réalisable.
Dans les commentaires canadiens, il existe une perception selon laquelle les Canadiens ne croient pas qu'il y a un problème et que, par conséquent, nous consacrons peut-être trop de temps à nous inquiéter de la perception américaine du Canada. Personnellement, je crois que nous avons effectivement un problème, et qu'il y a des solutions.
Le sénateur Cordy: Merci de votre témoignage intéressant. Vous avez fait preuve d'une très grande ouverture en dialoguant avec nous ce soir.
Commodore, j'aimerais parler de Garde côtière et de vos commentaires sur l'accroissement ou le changement du rôle de la Garde côtière. Premièrement, estimez-vous que la Garde côtière devrait se détacher du ministère des Pêches et des Océans?
Cmdre Hendel: À mon avis, il serait raisonnable de la confier au ministère des Transports. On pourrait même envisager l'idée de la confier à la Défense en vertu d'une entente, sans pour autant faire de la Garde côtière une organisation militaire.
Dans le milieu militaire, lorsque nos activités misent sur plus d'un domaine d'expertise — comme l'armée et les forces aériennes et navales —, nous créons un système de commande et de contrôle qui respecte les capacités et les compétences particulières des divers éléments. Les personnes qui contrôlent les activités sont des «commandants d'éléments». Sur le plan conceptuel, rien n'empêche la Garde côtière d'être un commandant d'élément supplémentaire au sein d'un système de commandement relevant d'une politique qui prévoit que, sous certaines circonstances, le commandant d'élément de la Garde côtière répondra aux besoins d'une mission donnée.
De fait, si on y pense bien, on le fait déjà aujourd'hui dans le cadre de missions de recherche et sauvetage. Si un garde-côte est bien placé pour réagir à un incident de recherche et sauvetage, le centre de coordination des opérations de sauvetage faisant partie du centre de commandement global d'Esquimalt, par exemple, chargera le navire de la Garde côtière de procéder au sauvetage. Il n'est pas si difficile d'imaginer cela.
Y aurait-il une incidence au chapitre législatif et réglementaire? Probablement. Mais on peut certainement surmonter ces obstacles, s'il y a une volonté de le faire.
Je parle d'une Garde côtière dont les responsabilités iraient au-delà de la réparation des bouées et des systèmes de navigation, mais je ne fais pas allusion aux garde-côtes haut de gamme des États-Unis, qui sont plus ou moins des navires de guerre. Ce n'est pas ce que je propose. Je parle d'attribuer à la Garde côtière la capacité d'enquêter, d'intercepter, d'interdire, de fouiller, de saisir et d'appréhender.
Le sénateur Cordy: Dans certaines situations, elle pourrait intercepter un navire, alors qu'il lui est impossible de le faire à l'heure actuelle. C'est bien ce que vous laissez entendre?
Cmdre Hendel: Absolument. Si elle est mandatée à le faire elle-même dans certaines zones contiguës, et si elle en avait la capacité, elle pourrait le faire elle-même.
Le sénateur Cordy: Son principal rôle continuerait d'être lié aux inspections de sécurité maritime et aux activités de recherche et sauvetage, comme vous l'avez expliqué, mais, en plus, elle pourrait au besoin arraisonner un navire?
Cmdre Hendel: Exactement. Moyennant un investissement supplémentaire minime, on pourrait accroître grandement la capacité de couverture, par exemple.
Le sénateur Cordy: Notre témoin précédent affirmait que la Garde côtière pourrait manquer de souplesse ou être incapable de réagir parce que son personnel est syndiqué. Est-ce l'un des obstacles insurmontables auxquels vous faisiez allusion?
Cmdre Hendel: Si, à l'échelon ministériel, quelqu'un posait ces questions, on repérerait un certain nombre d'options. Oui, au bout du compte, ces questions pourraient être résolues — peut-être pas en vertu des dispositions actuelles, mais le monde évolue, et les lois peuvent évoluer aussi.
Le sénateur Cordy: Avez-vous un commentaire au sujet de la Garde côtière?
Cam Johnston: Concernant votre dernière question, je tiens à signaler que l'affectation à un garde-côte effectuant des missions de recherche et sauvetage sur la côte Ouest n'est pas de tout repos. Les conditions météo sont pires qu'au large de Halifax. Je ne comprends pas, personnellement, en quoi la syndicalisation du personnel pose problème.
Je recommanderais peut-être au comité de charger son personnel de mener une recherche sur l'expérience chilienne. Le Chili mise sur des sous-mariniers, des officiers de lutte antisurface et des aviateurs, et elle dispose d'une direction des opérations maritimes. Les officiers qui relèvent de la direction des opérations maritimes assument les mêmes fonctions que notre Garde côtière en ce qui concerne le brisage de glaces et l'entretien des bouées, l'aide à la navigation, les cartes marines et l'hydrographie, et la direction des opérations maritimes se charge aussi des ports et des douanes et des fonctions de transport. Les Chiliens confient toutes ces activités à un seul secteur de ses forces navales. Ce n'est peut- être pas le modèle idéal pour le Canada, mais il serait peut-être utile de l'examiner.
Le sénateur Cordy: Commodore, vous avez mentionné qu'il fallait non seulement adopter une politique maritime nationale, mais aussi une politique relative à la sécurité nationale. Selon vous, comment cela pourrait-il se dérouler? Qui serait responsable d'élaborer ces politiques? S'agirait-il du comité dont vous avez parlé plus tôt, qui relève du vice- premier ministre, ou des membres du Cabinet? Comment imaginez-vous l'élaboration ou le démarrage d'une telle initiative?
Cmdre Hendel: C'est certainement une possibilité, si ce comité peut trouver le temps de fournir une orientation stratégique au personnel de soutien qui élaborerait la politique. Toutefois, les questions suivantes s'imposent: à qui confierait-on l'élaboration? À la Défense? Il s'agit de bien plus qu'une politique de défense. À un groupe de travail? Ce n'est pas très satisfaisant. Aux Affaires étrangères? Ce n'est pas très satisfaisant.
Ce que j'avance, finalement, c'est que le monde a changé, que les structures actuelles, même à cet échelon, ne sont plus tout à fait adéquates, et qu'il nous faudrait peut-être inventer quelque chose de nouveau. Nous devons peut-être accroître le rôle d'un ou de plusieurs ministères, ou fusionner plusieurs ministères. J'ignore quelle forme cela prendrait, mais je crois certainement qu'il est indiqué d'envisager cette possibilité.
M. Haydon s'est dit d'avis qu'il serait exagéré de créer un conseil de sécurité national constitué d'experts d'une gamme de domaines liés à la sécurité. Je ne partage pas nécessairement ce point de vue. Le système semble chercher à se doter d'une telle capacité, d'où la création de comités spéciaux, de groupes de travail, et cetera. Il y a un vide, et le système tente de le combler. Je ne suggère pas d'adopter le modèle américain d'une stratégie de sécurité nationale et tout ce que cela comporte, mais je favorise certainement la création d'un bloc de connaissances expertes concernant les enjeux liés à la sécurité en général, ce qui renvoie à de nombreux facteurs, y compris des facteurs économiques.
Certes, à l'échelon ministériel, la décision du gouvernement de charger M. Manley de diriger ce comité interministériel constitue un pas exceptionnel dans la bonne direction, mais il doit recourir à des bureaucraties ministérielles existantes qui se considèrent comme si restreintes par la réglementation existante, et cetera, qu'elles ne semblent pas en mesure de trouver de nouvelles avenues en matière de sécurité nationale. Nous avons des gens qui nous disent qu'ils se chargent de la coordination stratégique, d'autres qui affirment qu'ils auront un plan, et, encore une fois, personne ne conduit l'autobus.
Le sénateur Cordy: Amiral, vous avez parlé de surveillance, et d'autres témoins ont affirmé que nous avons besoin d'une capacité de surveillance, de patrouille et d'intervention pour faire en sorte que le système de sécurité fonctionne. Vous avez déclaré que la surveillance doit être renforcée. Vous suggérez qu'on y affecte des ressources supplémentaires et qu'on établisse un ordre de priorité afin qu'on tienne compte de nos besoins nationaux avant d'envoyer nos Aurora et autres appareils dans d'autres régions du monde. Selon nous, de quelle autre façon pourrions-nous renforcer la surveillance? Comment devrions-nous procéder?
Cam Johnston: Je ne crois pas avoir dit que nous avons besoin de davantage de ressources. Il s'agit plutôt de revoir l'affectation des ressources dont nous disposons pour relever ce défi, et, tel que mentionné précédemment, cela suppose des changements organisationnels. Si on ne fait pas cela, on ne pourra pas faire grand-chose. Si on ne change pas le mandat afin de vraiment mettre quelqu'un aux commandes, on ne peut pas faire grand-chose. Les radars haute fréquence à ondes de surface, par exemple, fourniront beaucoup d'information sur de nombreux contacts de navires en mer. Le vrai défi commence lorsque vient le temps de vérifier ces contacts et de déterminer quels navires doivent être examinés et identifiés, le cas échéant.
Personne ne nous a encore dit s'il y a suffisamment d'échanges de renseignements entre les États-Unis et le Canada. Il y a énormément de renseignements qui sont divulgués aujourd'hui à l'égard de problèmes d'exécution, par opposition au problème plus global de la surveillance. Pour utiliser les autres renseignements, obtenus au moyen de satellites ou d'interceptions électroniques, il faut comparer l'information à certaines descriptions dans notre propre théâtre opérationnel. Le radar haute fréquence à ondes de surface, RHFOS, sera très utile dans ce contexte, car il procure une source qui peut être comparée à une autre source, et je crois qu'on projette déjà d'installer du matériel de fusionnement plus efficace dans les centres de surveillance existants.
Si vous vous adressez aux gens qui font ce travail à Halifax, ils vous diront que, même si on peut brosser un portrait maritime reconnu, il y a beaucoup de choses qu'on ne reconnaît pas pour l'instant. Il y a possibilité de traiter beaucoup plus d'information que nous ne le faisons à l'heure actuelle.
Pour répondre brièvement, nous devons aller de l'avant avec le changement organisationnel et tenir compte du fait que les forces navales et aériennes ont déployé des efforts énormes pour établir ces centres de fusionnement à Esquimalt et à Halifax. Compte tenu du mandat d'être utile lorsque survient un incident, ou même la possibilité qu'un jour le mandat ultime soit lancé, au cours de la majeure partie de ma carrière navale, nous étions destinés à envoyer nos navires au Commandant suprême allié de l'Atlantique, et nous n'avions pas trop à nous inquiéter des capacités de notre propre état-major. Heureusement, la situation a grandement changé au cours des dernières années.
Le sénateur Cordy: En Nouvelle-Écosse, par exemple, la côte, avec tous ses passages, est tout simplement phénoménale, et nous n'avons pas des gens dans toutes les petites anses et les baies de la province, et cela s'applique à toutes les côtes du Canada. Une part importante de l'information que nous avons provient de personnes qui téléphonent volontairement pour dire «je vais accoster» ou «un bateau vient d'accoster». J'ai l'impression qu'une surveillance accrue nous permettrait au moins de savoir que ces bateaux sont dans nos eaux, mais que peut-on faire d'autre?
Cam Johnston: Encore une fois, je ne suis probablement pas la meilleure personne pour répondre à cette question. J'ai de la difficulté à extrapoler à partir de la situation en 1996 et du programme de surveillance côtière que j'ai mentionné. La GRC se rendait dans ces petites baies et ces anses au moyen de petites embarcations. De petits bateaux de pêche peuvent être en train de poser des casiers à crabes ou de pêcher, et l'agent de la GRC viendrait voir les pêcheurs, au moyen d'un canot pneumatique rigide, pour leur dire: «La prochaine fois que vous verrez quelque chose, veuillez téléphoner au numéro suivant aussitôt que vous arriverez à terre.» C'est en travaillant avec les gens qui vivent et travaillent dans ces régions que les navires militaires seraient utiles, car ils disposent de bateaux patrouilleurs rapides qui peuvent conduire les agents de la GRC dans de petites localités pour parler aux pêcheurs, et l'hélicoptère, bien sûr, pourrait atterrir dans les petits villages et tenir des séances d'information et autres activités. La sensibilisation de la population locale était un volet important de cette initiative. Je crois que l'initiative se poursuit probablement toujours, mais je ne peux l'affirmer avec certitude.
Le sénateur Cordy: Nous recueillons une quantité considérable d'information parce que les nouvelles technologies nous le permettent. Comment pouvons-nous veiller à ce que l'information soit divulguée aux gens qui en auraient peut- être besoin?
Cam Johnston: C'est une assez belle aventure. Les initiatives dont vous avez entendu parler, comme CANMARNET et d'autres, permettront de veiller à ce que cela se produise. Le vrai défi consiste à déterminer qui consulte ces renseignements. À cette fin, il faudra examiner toutes les opérations et tous les centres. C'était toujours un défi pour moi, lorsque j'étais commandant sur la côte Ouest. Je ne connaissais personne d'autre qui lisait tout cela, car je recevais et je diffusais de l'information. J'étais assez intéressé pour veiller à ce que mon personnel tienne compte de cette information, et nous décidions où aller observer.
Nous ne disposons pas tous des mêmes ressources. De nombreux organismes fonctionnent de façon ponctuelle, et font appel à des renforts, et cetera. C'est à cet égard que le centre de fusionnement multiministériel offre un potentiel important, car il sert de centre de renseignements pour tout le monde et fournit les ressources de commandement nécessaires à l'exécution.
Le président: Supposons qu'on adopte une politique fondée sur la recommandation du rapport que nous avons déposé concernant la défense côtière, supposons qu'il y a un mandat clair — l'une des faiblesses de notre rapport tient peut-être au fait que le mandat n'est pas clair. Nous croyions qu'il l'était, mais quand nous l'avons lu plus tard, nous avons conclu que notre rapport n'était pas aussi clair qu'il aurait dû l'être.
Pourriez-vous nous fournir vos réflexions sur votre expérience à Oka? On a souvent l'impression que les Canadiens exerçant des fonctions gouvernementales sont fiers d'appliquer une approche ponctuelle. Un problème survient, on rassemble les gens compétents, on résout le problème et on passe à autre chose. L'une des questions qui intéressent le comité consiste à déterminer si on devrait mettre un terme à cette tendance, si on ne devrait pas plutôt créer un groupe permanent qui se pencherait sur ces problèmes, et le seul intervenant qui semble indiqué, pour l'instant, est le Bureau du Conseil privé. Qu'en pensez-vous?
Cam Johnston: Pendant la crise d'Oka, compte tenu du fait que la première guerre du golfe avait lieu en même temps, je n'étais pas très joyeux. Le chef d'état-major de la défense et le BCP consacraient 90 p. 100 de leur travail à Oka, en raison des défis énormes que cela constituait, et le reste du ministère de la Défense nationale se consacrait à 90 p. 100 à la crise du Golfe, et j'étais pris entre les deux. Ça n'a pas d'importance. Dans les deux cas, par contre, nous avons su tirer avantage du fait que l'ensemble de notre structure de gestion de crise était mobilisé à 110 p. 100. Le ministère de la Défense nationale se consacrait totalement aux opérations à partir du milieu de la crise d'Oka, et du début de la guerre du Golfe, jusqu'à ce que tout cela soit fini.
Le BCP rencontrait chaque matin la Défense nationale et les Affaires étrangères à 8 h 30, et la rencontre était présidée par le greffier du Conseil privé. Nous disposions de ressources énormes pour composer avec la situation. Nous avons obtenu des résultats extraordinaires, et nous avons pu miser sur des gens très compétents, comme, évidemment, le général Chastelain, qui était CEMD à l'époque, alors nous étions bien servis. La question qui s'impose est la suivante: comment peut-on s'assurer d'être aussi bien servi s'il survient une crise d'une ampleur légèrement inférieure? Moi non plus, je ne peux trouver un organisme mieux placé que le BCP.
Le président: Le BCP est capable d'adopter diverses structures. Au début des années 70, époque où l'unité nationale était particulièrement importante et où la place du Québec dans le Canada était importante à nos yeux, le greffier d'alors, Gordon Robertson, est devenu secrétaire au Cabinet des relations fédérales-provinciales, et le sénateur Pitfield a pris les rênes du BCP à titre de greffier. On a établi un groupe de taille ayant pour mandat de travailler sur le dossier des relations fédérales-provinciales.
Il ne relevait pas d'un ministre particulier. Les deux étaient comptables au premier ministre, mais il n'y avait pas de vice-premier ministre à l'époque. De nos jours, le vice-premier ministre a accès au personnel de soutien du BCP. Cela devient compliqué lorsqu'une personne est aussi ministre des Finances et qu'il y a une campagne au leadership.
Je vous pose donc la question, et je serais heureux d'entendre votre point de vue aussi, Monsieur Johnston, mais un modèle prévoyant l'affectation d'un deuxième greffier ou d'un deuxième secrétaire au cabinet qui jouerait le même rôle que Gordon Robertson à l'époque, cette fonction existe encore au BCP, mais à un échelon inférieur et avec un personnel réduit, tout simplement parce que le problème n'existe plus. Si la sécurité nationale devient problématique dans un avenir prévisible, et supposons que le point de départ soit une politique analogue à celle vers laquelle nous tendons, est-ce le type de mécanisme gouvernemental qui vous plairait?
Cam Johnston: Ça m'a l'air d'une bonne idée, monsieur le président.
Je crois que M. Hendel a peut-être passé plus de temps que moi à réfléchir à cette question, certainement depuis Oka.
Cmdre Hendel: Lorsqu'on débat de la question d'une politique de sécurité nationale et de structures de soutien au collège, la plupart des gens disent que c'est une bonne idée. Nous invitons les experts en la matière de partout au Canada et d'ailleurs, et lorsqu'on leur demande pourquoi ils ne font pas cela, on nous répond que ce n'est pas la façon canadienne de faire les choses. J'y ai réfléchi pendant un certain temps, et j'ai conclu que la réponse n'était pas désinvolte. Il y a des moments où une approche ponctuelle s'impose. Certainement, comme je l'ai déjà dit, le comité spécial présidé par le vice-premier ministre est une excellente réaction aux événements du 11 septembre. Les crises se prêtent à des mesures ponctuelles. Lorsqu'une crise survient, il n'y a pas d'autre façon, car elle sera unique et extrêmement importante. Par conséquent, la structure qu'on met en place pour la gérer doit être adaptée à la crise.
En établissant d'autres mécanismes au sein du gouvernement, on pourrait peut-être arriver au point où l'adoption de politiques et de stratégies adéquates préviendrait certaines de ces crises.
Lorsque je regarde ce qui se produit aux échelons supérieurs du gouvernement et au sein du MDN et que je constate les pressions extrêmes qui semblent être exercées sur tout le monde — les agents, les dirigeants politiques, les cadres supérieurs et ainsi de suite —, j'ai bien peur que nous soyons toujours en train de lutter contre de nouvelles crises. À mon avis, cela met en relief le fait qu'il y a peut-être des problèmes structurels, et que si on établissait davantage de structures permanentes pour composer avec ces problèmes, comme la sécurité nationale, on pourrait peut-être prévenir certaines de ces crises.
Comme vous le savez bien, honorables sénateurs, nous avions autrefois un comité ministériel sur la politique étrangère et la défense. Ce ne serait probablement plus suffisant de nos jours, car la sécurité va bien au-delà de la défense nationale et des affaires étrangères. Le problème est beaucoup plus étendu. Une sorte de réseau d'experts se penchant sur ce gros problème complexe, ainsi que sur tous les enjeux connexes liés aux lois et aux compétences, pourrait au moins établir la base de connaissances et le réseau de personnes-ressources et de concertation qui permettrait de résoudre une crise naissante avant qu'elle ne prenne de l'ampleur.
Je concède que de nombreuses situations se prêtent à des mesures ponctuelles et que les Canadiens semblent particulièrement doués à cet égard, et je le dis sans arrière-pensée.
Le président: J'ignore quelle est votre réponse, monsieur. Laissez-moi poser la question de nouveau. Je ne favorisais pas un rôle par rapport à un autre. Je faisais simplement remarquer qu'on semble réagir de façon ponctuelle, d'une crise à l'autre. Elles semblent se produire à une telle fréquence que certaines personnes avancent que nous devrions peut-être créer un secrétariat permanent qui serait responsable des crises. On s'est souvent demandé aujourd'hui qui conduit l'autobus. On pourrait aussi se demander qui se lève chaque matin en disant que «le Canada est un lieu sûr».
L'un des points que vous avez tous deux soulevés tient au fait que les gens se lèvent le matin et se disent: «Je réalise mon mandat et je respecte la législation dont je suis responsable. Je n'ai pas à m'inquiéter d'autre chose. Ce n'est pas le travail des forces navales. Alors vous n'obtiendrez pas l'information.» Personne n'adopte une vue d'ensemble et se dit: «Eh bien, je crois que j'y jetterai un coup d'œil.»
Si vous répondez qu'il est préférable pour nous d'agir de façon ponctuelle, c'est une réponse intéressante. À l'égard de certaines crises, comme les désastres naturels, la responsabilité ira probablement à la Défense nationale. S'il s'agit d'un acte terroriste, le dossier ira probablement au solliciteur général. S'il s'agit d'un problème assez grave, nous savons que le dossier finit toujours sur le bureau du premier ministre. Cela revient toujours au BCP, si le dossier prend suffisamment d'importance.
Si les choses se produisent de cette façon, n'est-il pas sensé de créer un cadre pour cela? Est-il préférable de procéder comme nous le faisons à l'heure actuelle?
Je vous ai entendu dire au début que les mesures ponctuelles étaient une bonne chose, et que c'est la façon canadienne de faire les choses. Toutefois, à la fin de votre réponse, je vous ai entendu dire qu'il serait peut-être préférable d'établir une structure. Je n'ai peut-être pas bien entendu. Voudriez-vous nous l'expliquer de nouveau?
Cam Johnston: Vous m'avez entendu saluer.
Le président: Le compte rendu en fera mention.
Cam Johnston: À Oka, nous avons appris comment une crise pouvait être gérée. L'idée de reproduire cette capacité à l'échelon inférieur est géniale.
À l'époque où sir Brian Urquhart était sous-secrétaire général des Nations Unies, il parlait souvent de se «tirer d'affaire». Il disait qu'il était peut-être mieux pour les Nations Unies de se tirer d'affaire. Au point où nous en sommes, la plupart d'entre nous ne croient pas qu'il est suffisant de simplement se tirer d'affaire. Je ne sais pas s'il faisait allusion à cette tendance à réagir de façon ponctuelle.
Cmdre Hendel: Je crois que la question de la sécurité est si complexe et si importante qu'il n'est plus approprié de recourir à des mesures ponctuelles. Il faut établir une sorte de structure permettant d'encadrer le tout aux échelons supérieurs. Il faut qu'il y ait un échelon supérieur. Nous devons aller au-delà des vases clos.
Cela dit, j'estime que la sécurité nationale au sens large, y compris le volet international, est un enjeu si complexe que même une structure établie par les plus grands penseurs devra occasionnellement adopter des mesures ponctuelles pour gérer une crise.
Le président: Je vous comprends maintenant.
Je vous remercie tous deux d'avoir témoigné ce soir. Nous avons pris plus de temps que prévu, car vos témoignages se sont révélés forts intéressants et utiles. Nous tenons à vous remercier de nous avoir rencontrés, malgré un court préavis. Nous vous remercions d'avoir présenté candidement vos opinions.
Si vous avez des questions ou des commentaires, nous vous invitons à visiter notre site Web, au www.sen-sec.ca. Nous y affichons les témoignages ainsi que tous les calendriers d'audience confirmés. Pour obtenir de plus amples renseignements ou de l'aide pour communiquer avec les membres du comité, vous pouvez aussi téléphoner au greffier du comité, au 1 800 267-7362.
La séance est levée.