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Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes
UNE VUE DE BAS EN HAUT
II. La
crise par rapport aux opérations :
fonds insuffisants sur les
plans des opérations, de la maintenance et de l’infrastructure
|
Le budget d’exploitation et de maintenance des Forces
canadiennes est manifestement insuffisant. Les
heures de vol, les jours en mer, le stock de pièces de rechange, les
exercices de tir réel, etc. ont été ramenés au strict minimum par mesure
d’économie. Les répercussions d’un tel budget n’ont pas tardé à se
manifester dans presque toutes les escadres et unités que nous avons visitées.
Pendant les visites d’étude du Comité, des militaires nous ont signalé,
à maintes occasions, que l’infrastructure des bases (particulièrement
celles de l’Armée de terre) était insuffisante, en raison de la détérioration
ou de l’absence des installations. De plus, l’insuffisance du budget
d’exploitation et de maintenance n’a pas permis d’affecter les montants
nécessaires à la rénovation, à la maintenance et à la construction de
l’infrastructure dans les bases militaires. Ce problème ne touche pas que
les bases de l’Armée de terre, mais il a été souligné avec plus
d’insistance dans celles-ci que dans les bases de la Marine et de la Force aérienne. |
Le manque de fonds d’exploitation et de maintenance a été signalé dans les unités suivantes en particulier :
Au Quartier général des Forces maritimes du Pacifique − FMAR(P) −, des témoins ont donné plusieurs exemples des répercussions des budgets réduits. Par exemple, les FMAR(P) ont diminué leurs activités de surveillance parce qu’il a fallu ramener à deux ou trois le nombre de patrouilles hebdomadaires effectuées à l’aide de l’Aurora, qui est le moyen le plus efficace d’assurer la surveillance aérienne en mer. Les unités des autres pays de l’OTAN passent en moyenne 125 jours en mer, mais le budget de la Marine canadienne ne prévoit du carburant que pour 60 jours en mer par année. À cause des budgets insuffisants et du manque de personnel, seulement 60 % de la flotte peut être maintenue au seuil de préparation maximale. Le 443e Escadron ne dispose que de six hélicoptères Sea King pour appuyer les FMAR(P). Et l’un de ces appareils est inutilisable. Les officiers et les militaires du rang ont signalé que les nouveaux arrivants trouvaient que le prix des logements familiaux était très élevé à l’intérieur comme à l’extérieur de la base.
Au Quartier général de la Région canadienne du NORAD au sein de la 1re Division aérienne du Canada, les compressions budgétaires ont entraîné la réduction de tous les genres de formation ou d’instruction : individuelle, collective, nationale et internationale. Par conséquent, le niveau général de préparation a baissé. Seuls quelques pilotes se trouvent au seuil de préparation maximal (c’est-à-dire qu’ils sont prêts au combat air-sol et au combat air-air).
La
formation axée sur plusieurs genres de missions a été suspendue. Les pilotes
de CF-18 ne peuvent plus s’entraîner au vol à basse altitude, en
raison de la réduction du nombre annuel d’heures de vol, lequel est passé de
210 à 180. Au début des années 90, la norme était de 240 heures de
vol par année.
De la
même façon, les heures de vol ont été réduites pour les pilotes des
appareils Aurora. Le recours aux simulateurs et la fin de la formation à la
lutte anti-sous-marine constituent les raisons invoquées pour expliquer la réduction
des heures de vol pour les pilotes et l’équipage de ces appareils de
patrouille.
Les
militaires ont signalé au Comité que le manque de matériel et de personnel
s’est répercuté sur le rythme des opérations et la qualité de vie au sein
des Forces maritimes de l’Atlantique. Lors de notre visite, ils se plaignaient
davantage de la pénurie de techniciens que du manque de fonds. Lors d’une réunion
non officielle avec les membres du Comité, des militaires se sont plaints des
longs délais dans l’acquisition du matériel nécessaire.
Des
officiers et des militaires du rang ont également indiqué que les logements
militaires ne correspondaient pas aux normes à Halifax. Les logements familiaux
(LF) ont été construits dans les années 50 en fonction des normes en
vigueur dans les années 40. Par conséquent, environ 70 % des
officiers et des militaires du rang ont acheté une maison ou loué un logement
à Halifax. En raison des conditions régnant sur le marché local, la demande
n’était pas très élevée à l’égard des appartements militaires de
taille réduite, et bon nombre de ceux-ci étaient par conséquent inoccupés.
En règle générale, les militaires du rang ont fait valoir au Comité que les
logements militaires ne valaient pas le prix de location demandé, qui est fréquemment
supérieur au montant nécessaire à l’achat d’une maison sur le marché
local. Cependant, on s’entendait pour dire qu’il fallait encore des
logements de trois et quatre chambres.
Le
colonel MacLeod, commandant du 3e Groupe de soutien de secteur, a signalé
au Comité qu’il y a une pénurie de chambres simples, même en hiver, et il a
ajouté que 200 militaires ont dû vivre à deux ou trois par chambre.
Pendant la période estivale, la situation est beaucoup pire : les
militaires et les stagiaires doivent vivre dans des tentes. L’infrastructure
de la base se détériore, et certains bâtiments sont en fait dangereux. Les
autorités ne disposaient pas des 100 millions nécessaires afin de rénover
les installations de formation de la base.
La pénurie
de pièces de rechange et de munitions posait un autre grave problème. En
particulier, il était extrêmement difficile de fournir les pièces de rechange
et les munitions permettant d’assurer le soutien logistique lors des missions
à l’étranger. Cette pénurie débouche sur une formation inadéquate qui non
seulement entraîne un rendement inférieur sur le champ de bataille et lors
d’autres situations d’urgence mais qui également amène des militaires compétents
à abandonner et à quitter les Forces canadiennes.
Le
major Hall, commandant adjoint de l’École du génie électronique et des
communications des Forces canadiennes, a signalé au Comité que son unité
enseignait comment assurer l’installation, le fonctionnement et la maintenance
des systèmes de communications radiophoniques, téléphoniques et informatiques
au Canada et à l’étranger.
Le
Comité a appris que, en raison de la pause dans le recrutement à la suite de
la réduction des effectifs militaires dans les années 90, l’École a
perdu l’un de ses principaux édifices. La reprise du recrutement et
l’obligation d’augmenter les contingents ont entraîné une grave pénurie
d’espace, dont il sera question dans la prochaine partie du rapport. Cette pénurie
d’espace a engendré des répercussions négatives sur le moral du personnel
opérationnel et des stagiaires.
Pour
le cours d’électronique axé sur le rendement, le nombre de places était
limité actuellement à 180. Même si les responsables comptent le porter à
384, la demande varie entre 550 et 600 places.
Il
est difficile d’accorder trop d’importance à l’effet débilitant du
manque de ressources en formation, et cette question a été soulignée au Comité
à maintes reprises. Un tel manque de ressources signifie qu’aucun technicien
subalterne ne sera formé pendant plusieurs années, ce qui implique que trop
peu de ces techniciens pourront acquérir l’expérience nécessaire afin de
devenir des superviseurs. L’âge moyen des techniciens augmente, et ils ne
sont pas remplacés lorsqu’ils quittent les FC, découragés parce qu’ils ne
disposent pas des moyens nécessaires pour accomplir leur travail. La tâche à
accomplir est simplement trop lourde pour le nombre trop restreint de
techniciens.
À la
suite de cet exposé, le Comité a visité les salles de classe et s’est
entretenu avec les instructeurs ainsi qu’avec les stagiaires avant de prendre
le repas avec quelques-uns de ces derniers. La perte d’un édifice dans les
années 90 a obligé l’École à aménager environ 20 structures
portatives temporaires sur son terrain de parade. De plus, 12 remorques
doubles ont été commandées et seront installées dans un autre endroit. Un
garage a été transformé en salle de classe, mais il a été surnommé la
« piscine » en raison des fuites. Même si elle est potable, l’eau
est d’une couleur brune désagréable. Les fonds manquent tellement qu’il
est impossible de démolir les vieux édifices inutilisés. Les stagiaires
partagent les mêmes logements : quatre peuvent habiter une chambre de 16 pieds
sur 16 pieds.
2e Escadron de guerre électronique (Kingston)
Lors
d’un repas pris debout avec les membres du rang de l’Escadron, les membres
du Comité en ont beaucoup appris sur l’inefficacité du matériel militaire
et les frustrations que le tout engendre.
Par
exemple, le Système de recueil de renseignements n’a jamais fonctionné comme
le fournisseur initial l’avait promis. Ce dernier a cessé ses activités et,
en fait, n’a jamais fabriqué le système en question. En raison du manque de
pièces de rechange, un second système fait l’objet d’une cannibalisation
qui permet le fonctionnement de trois autres. Des pannes surviennent souvent
dans les éléments électroniques, après des manœuvres exigeant une mobilité
tous terrains. Bon nombre de fonctions de cryptage et de décryptage sont désuètes.
Les
systèmes numériques modernes, comme ceux utilisés par les troupes américaines,
sont dotés de sauts de fréquence comme mesure de sécurité supplémentaire.
Les militaires font cependant remarquer que, même s’ils disposaient de ce
genre de matériel moderne, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes restreint les militaires à des largeurs de bande déterminées.
Sans les sauts de fréquence, il est plus difficile de perfectionner l’analyse
cryptographique afin d’augmenter la sécurité des communications canadiennes
et de coordonner les opérations avec les forces alliées.
Les
militaires ont signalé aux membres du Comité qu’ils pourraient utiliser le
Système de recueil de renseignements s’ils étaient autorisés à contourner
le système d’acquisition pour acheter les pièces directement dans le
commerce, notamment dans les magasins Radio Shack. Ils ont ajouté que ces pièces
comportent également l’avantage d’être relativement peu coûteuses et
faciles à remplacer.
Au
Quartier général du Groupe du recrutement des Forces canadiennes, les membres
du Comité ont pris leur repas avec des militaires du rang subalternes. Ces
militaires aimeraient de toute évidence que les niveaux de solde soient plus élevés
ou que des primes supérieures soient accordées lors d’un réengagement, mais
ils se plaignaient surtout de la difficulté d’obtenir la formation et du
manque d’occasions suffisantes d’accomplir les choses pour lesquelles ils se
sont joints aux Forces canadiennes : prendre part à des exercices de
combat, de tir, etc. Ces problèmes ainsi que le rythme illogique des opérations
ont amené beaucoup de militaires à ne pas se rengager. L’attitude envers les
primes était paradoxale : elles attiraient surtout les militaires qui
avaient l’intention de se rengager de toute façon.
Les
officiers du 2e Groupe-brigade mécanisé du Canada ont signalé au Comité
que des crédits supplémentaires permettraient à la brigade de satisfaire une
priorité, en l’occurrence améliorer l’infrastructure de la base. Par
exemple, les bataillons ont reçu l’ordre de ne pas laisser à l’extérieur
leurs véhicules blindés légers, mais les fonds ne permettaient pas la
construction de garages. Les ordinateurs utilisés lors de la formation ne
pouvaient, eux non plus, être entreposés dans un bâtiment pertinent.
À la
8e Escadre Trenton, le Comité a appris que les appareils de transport
Hercules vieillissent plus vite que les sénateurs. La plupart de ces appareils
ont été achetés entre 1964 et 1967. Il faut planifier en tenant compte du
fait qu’environ un appareil sur quatre est toujours inutilisable en raison de
la maintenance et des réparations. Les FC doivent assurer l’entretien et la
maintenance de cinq modèles différents dotés de deux moteurs distincts. Selon
les techniciens, les appareils ne peuvent voler à cause du manque de pièces de
rechange. D’après eux, le délai maximum pour obtenir une pièce de rechange
devrait être de deux jours, ce qui n’est certes pas le cas actuellement.
Lors
d’un dîner sans caractère officiel avec le personnel de l’Escadron, le
Comité a continué à explorer les raisons pour lesquelles des militaires possédant
une solide formation ne se rengageaient pas. Voici les réponses données :
les pilotes ne pouvaient voler et les missions de transport aérien devaient être
annulées en raison du manque d’aéronefs utilisables; les mécaniciens et les
techniciens devaient attendre la livraison des pièces de rechange et ne possédaient
pas le matériel nécessaire pour exécuter rapidement la maintenance. La
frustration des techniciens et des mécaniciens est exacerbée parce que, selon
eux, les pièces de rechange ou le matériel dont ils ont fréquemment besoin
pourraient être achetés localement.
Les
officiers du 2e Groupe-brigade mécanisé du Canada ont signalé au Comité
que, s’ils disposaient d’un budget supérieur, leur priorité consisterait
à tenir des exercices de combat et à acquérir des munitions pour l’entraînement
de tir réel, deux aspects qui ont été restreints considérablement. Selon
eux, le manque de ressources (munitions chargées, missiles, etc.) et le fait
que les militaires aient le sentiment que l’Armée de terre ne leur procure
pas les défis auxquels ils s’attendaient, constituent des raisons principales
pour lesquelles beaucoup ne se rengagent pas pour une période supplémentaire
de trois ans.
Les
militaires du rang avec lesquels les membres du Comité ont pris leur repas ont
soulevé bon nombre des mêmes problèmes : ils ne peuvent plus exercer
leur profession en fonction de leurs capacités, qu’ils appartiennent à
l’infanterie (manque d’exercices et de munitions chargées), à
l’artillerie ou aux blindés (matériel désuet, ainsi que manque
d’exercices de combat et de tir) ou au groupe des mécaniciens et des
techniciens (manque de pièces de rechange et formation insuffisante). Ceux
appartenant à l’artillerie, aux blindés et à la défense aérienne ont
exprimé leur incertitude face à l’avenir de leurs professions respectives au
sein des Forces canadiennes.
Comme
les autres unités de la Réserve, le Black Watch manque de matériel ainsi que
de fonds d’exploitation et de formation. Les résultats mêmes de la campagne
de recrutement actuelle pourraient empirer la situation parce qu’aucun crédit
n’a été accordé pour payer l’augmentation proposée à l’effectif de la
Réserve et le matériel nécessaire à la formation des nouvelles recrues.
Le
Black Watch est aux prises avec une pénurie de tous les genres de matériel, et
celui dont il dispose est désuet, sinon vétuste dans la plupart des cas. Les
militaires ont signalé aux membres du Comité les pénuries d’équipements
personnels pour les recrues masculines et féminines ainsi que le manque de matériel
didactique, ce qui ne permet pas de rendre intéressantes la partie théorique
de l’instruction des recrues et l’initiation aux groupes professionnels.
La
partie théorique des cours ne peut pas être donnée par les manèges
militaires. Les stagiaires et les instructeurs doivent se rendre dans un centre
d’instruction de la milice pour le tir avec armes portatives, la tactique de
la section, etc. La pénurie de munitions chargées affaiblit la valeur de
l’instruction.
III. La crise des biens d’équipement :
vétusté
du matériel militaire canadien
Ce n’est un secret pour personne : la principale différence entre les forces militaires américaines et celles des autres pays est imputable aux progrès phénoménaux que les Américains ont accomplis dans la modernisation de leur matériel.
Un pays de la taille du Canada ne peut pas s’attendre à suivre le rythme des percées technologiques de la seule superpuissance au monde ni permettre qu’un écart considérable se creuse entre ses biens d’équipement et ceux de ses alliés. Cet écart existe, et il s’accentue non seulement avec bon nombre de nos alliés, mais également avec nos ennemis éventuels. Le Canada n’a pas les moyens de se doter d’une force militaire d’avant-garde, mais il peut acquérir du matériel à la fine pointe de la technologie, ce qui lui donnera une force militaire efficace et compétente.
Pénurie de biens d’équipement signalée à plusieurs endroits
À la
BFC Esquimalt et à la BFC Halifax, les membres du Comité ont conclu qu’au
moins deux programmes d’acquisition de biens d’équipement devaient être
mis en œuvre immédiatement si le Canada souhaitait continuer à utiliser des
éléments de la Marine lors de missions à l’étranger : premièrement,
le Projet des hélicoptères maritimes pour remplacer les hélicoptères Sea
King; deuxièmement, le programme Capacité de soutien logistique en mer et de
transport maritime, afin de remplacer les ravitailleurs d’escadre de la classe
Protecteur.
L’Aurora
effectue les patrouilles, mais l’hélicoptère Sea King s’acquitte des
missions de reconnaissance de la flotte. Ce dernier est cependant désuet, et
seul un programme de réparations et de maintenance exceptionnel, coûteux et
exigeant beaucoup de temps permet à cet appareil de voler.
Le
commandant de la 12e Escadre Shearwater a utilisé des termes des plus
directs pour indiquer au Comité que le Sea King pouvait et pourrait voler en
toute sécurité. Néanmoins, l’hélicoptère perd de plus en plus de sa
fiabilité et est inutilisable la moitié du temps en raison de pannes, des réparations
ou de la maintenance.
Sans
hélicoptère fiable, les flottes du Pacifique et de l’Atlantique courent de
plus en plus de risques lors des opérations. Sans l’ombre d’un doute, le
Projet des hélicoptères maritimes constitue le projet de biens
d’investissement le plus urgent. Presque neuf années après l’annulation de
la commande des hélicoptères EH 101 pour remplacer le Sea King, le
gouvernement n’a toujours pas passé les contrats nécessaires à cette fin.
À
Shearwater, le personnel de piste nous a indiqué que les tergiversations
relatives au Projet des hélicoptères maritimes démotivent les militaires. Un
jour, on entend que le Projet sera mené à terme d’ici 2005, pour apprendre
le lendemain qu’il est retardé encore de deux ans. Ces militaires
s’enorgueillissent du rôle qu’ils jouent, mais ils sont aux prises, de
toute évidence, avec les frustrations engendrées par ces tergiversations.
Les
militaires nous ont répété à maintes occasions que la Marine canadienne ne
pouvait pas effectuer la manutention horizontale lui permettant de transporter
le matériel lourd et d’appuyer les groupes opérationnels qui se déploient.
La Marine ne possède que deux vieux bâtiments de soutien – des pétroliers
ayant une capacité restreinte. Il est donc extrêmement difficile de
transporter les troupes et le matériel lors d’une situation d’urgence. Les
responsables de la Marine ont présenté au gouvernement un plan visant à se
doter d’une capacité de manutention horizontale en 2001, mais personne ne
sait si le plan sera approuvé.
1re Division aérienne du Canada – Winnipeg
Les
militaires nous ont indiqué qu’il fallait également se pencher sur la
capacité de transport aérien des Forces canadiennes pour déterminer si
celle-ci est actuellement appropriée et si elle le sera vraisemblablement
au cours des années à venir. Des unités de la Force régulière de l’Armée
de terre se trouvant dans les provinces côtières ont été ramenées à la BFC
Edmonton (Alberta), à la BFC Petawawa (Ontario) et à la BFC Valcartier (Québec).
En cas d’urgence, il est avantageux que le transport des unités de l’Armée
de terre s’effectue par air dorénavant, particulièrement lorsque les réseaux
routiers et ferroviaires entre les bases intérieures et les collectivités côtières
sont considérablement perturbés.
Le
Groupe des opérations interarmées des Forces canadiennes est responsable de
l’Équipe d’intervention en cas de catastrophe qui se trouve à la BFC
Kingston. Le matériel de cette équipe est stocké à la BFC Trenton. Le 2e Groupe-brigade
mécanisé du Canada de la BFC Petawawa doit être prêt à déployer dans les
12 heures un poste de commandement de compagnie et quatre pelotons –
soit environ 200 militaires – sur les lieux d’une catastrophe au
Canada ou ailleurs dans le monde.
Le
Comité a été surpris d’apprendre qu’il fallait environ 26 vols
d’appareils militaires Hercules pour transporter le matériel et le personnel
de l’Équipe d’intervention en cas de catastrophe, alors que qu’il ne
faudrait qu’environ quatre vols avec un aéronef Antonov. Le Canada est
d’ailleurs forcé de louer un tel appareil lorsqu’il doit transporter
d’urgence ses troupes. Le Comité a été tout aussi surpris d’apprendre que
seulement entre la moitié et les trois quarts des appareils Hercules canadiens
sont utilisables à n’importe quel jour. En cas d’urgence, il faudrait donc
des jours plutôt que des heures pour que l’Équipe d’intervention en cas de
catastrophe puisse se rendre sur l’une ou l’autre côte.
Même
si les autorités militaires canadiennes ont engagé des fonds afin d’améliorer
le CF18, le calendrier d’exécution pour mener à terme le projet a été étalé
sur plusieurs années. Les fonds autorisés permettent uniquement d’améliorer
80 des 119 appareils de la flotte.
Le
programme d’amélioration des Aurora a été approuvé, mais, tout comme le
programme visant les CF18, il faudra compter plusieurs années afin qu’il
puisse être mené à terme. En outre, les les fonds autorisés ne permettent
pas d’améliorer tous les appareils de la flotte.
Les
militaires nous ont révélé que les récentes améliorations apportées aux
appareils Hercules
ont au moins débouché sur une « configuration commune des postes de
pilotage » des différents modèles utilisés par le Canada. Cependant,
ces anciens appareils tombent rapidement en désuétude. Les militaires ont
l’impression que le fait d’obliger les militaires canadiens à louer des
appareils pour assurer le transport stratégique des troupes et du matériel
mine la crédibilité des Forces canadiennes.
Les
militaires ont recommandé d’examiner exhaustivement l’ensemble des moyens
de transport afin qu’ils puissent
utiliser l’appareil pertinent en fonction de la mission à accomplir. Ils
ont fait valoir notamment que le recours aux Hercules pendant les missions de
recherche et de sauvetage mettait à rude épreuve l’appareil en raison du
type de vol que nécessite ce
genre de mission. Il est possible de se procurer des appareils de recherche et
de sauvetage « spéciaux », dont les coûts d’exploitation sont
inférieurs. Cette acquisition permettrait de réduire les coûts
d’exploitation et de maintenance par rapport aux opérations de recherche et
de sauvetage. Tous aiment bien utiliser les Airbus achetés à Lignes aériennes
Canadien International, mais sont consternés par l’argent dépensé, soit 200 millions
de dollars, pour transformer, en un appareil militaire, un aéronef de
l’aviation civile de moins de 60 millions de dollars.
En
règle générale, les militaires sont d’avis que, même si les nouveaux
transports de troupes blindés (TTB) ont été achetés, il en manque beaucoup
trop pour répondre à nos
besoins, ce qui oblige l’Armée de terre à moderniser certains des ses vieux
véhicules M113. Les demi-mesures semblent être à l’ordre du jour : par
exemple, les nouveaux véhicules à roues sont censés être garés à l’intérieur,
mais le projet d’acquisition ne prévoyait pas suffisamment de fonds pour
construire les garages nécessaires à cette fin.
2e
Escadron de guerre électronique − BFC Kingston
Les
militaires spécialistes de la guerre électronique nous ont signalé que,
concernant leur matériel, les essais
n’avaient jamais dépassé le stade expérimental avant que l’entreprise ne
fasse faillite. Ils travaillent donc avec des « modèles d’essai électronique ».
Non seulement il est difficile d’obtenir des pièces de rechange pour cet équipement,
mais de plus, ce dernier est incompatible avec celui
des alliés du Canada.
Le Livre blanc sur la défense de 1994 : promesses rompues
Notre rapport ne saurait être complet sans que nous signalions que le délabrement dans lequel les militaires canadiens se retrouvent aujourd’hui n’aurait pas empiré au cours de la dernière décennie si le gouvernement canadien avait suivi les recommandations formulées dans le Livre blanc sur la défense de 1994. Ce document contenait un plan pertinent qui n’était certes pas extravagant. Les Forces canadiennes sont loin d’avoir obtenu ce qui était recommandé à l’égard du personnel, du matériel et des capacités.
Le
Livre blanc, qui était de toute évidence l’ébauche de la stratégie
gouvernementale, avait promis que les forces armées canadiennes
|
« . . . se tiendront prêtes à déployer
des forces d’intervention pouvant comprendre jusqu’à un groupe opérationnel
maritime, un groupe-brigade et un groupe bataillon d’infanterie, ainsi
qu’une escadre de chasseurs et un escadron d’aéronefs de transport
tactique. Si toutes ces unités devaient se déployer simultanément,
c’est quelque 10 000 militaires qui seraient mis à
contribution. Le Canada augmentera le nombre de ses troupes en réserve de
l’ONU. Celles-ci compteraient désormais : deux navires, un
groupement tactique, un groupe bataillon d’infanterie, un escadron de
chasseurs, une escadrille de transport aérien tactique, un élément des
communications et un élément de quartier général. Si tous ces éléments
se déployaient simultanément, c’est environ 4 000 militaires
qui seraient mis à contribution. » |
Il s’agissait là d’un engagement qui avait été pris envers le peuple canadien et qui lui assurait que leurs forces militaires seraient capables de déployer et de soutenir environ 4 000 militaires lors des missions de l’ONU à l’étranger, et ce d’une façon permanente. Ce scénario ne s’est jamais produit. Le Canada n’a jamais déployé 4 000 militaires à l’étranger par la suite, parce qu’il ne possédait ni le personnel ni les ressources pour satisfaire à cet engagement. En deux occasions, soit en Bosnie et en Afghanistan, le Canada s’est lancé dans un exercice ambitieux sur le théâtre des opérations, uniquement pour être forcé par la suite de se retirer, en raison de son manque de capacités.
Les auteurs du Livre blanc signalaient que les Forces canadiennes « seront en mesure de déployer (ou de redéployer à partir d’autres opérations multilatérales) un quartier général de force opérationnelle combinée ainsi que, séparément ou collectivement, un ou plusieurs des éléments suivants :
·
Un groupe opérationnel naval composé au maximum de quatre combattants
(destroyers, frégates ou sous-marins) et d’un navire de soutien, et doté
d’un appui aéronaval approprié [l’intervention
en Afghanistan a montré que le Canada ne pouvait respecter cet engagement
pendant une période supérieure à un roulement des troupes].
·
Trois groupements tactiques distincts ou un groupe-brigade (formé de
trois bataillons d’infanterie, d’un régiment blindé et d’un régiment
d’artillerie, et dotés de l’appui au combat et du soutien logistique
appropriés) [le Canada n’a
jamais été en mesure de respecter cet engagement. Les interventions en Bosnie
et en Afghanistan ont montré clairement que les militaires canadiens pouvaient
à peine respecter la moitié de cet engagement].
·
Une escadre de chasseurs avec soutien approprié [la dernière fois que le Canada a déployé un
escadron important d’aéronefs (28), ce fut lors de la guerre du Golfe en
1990-1991. Nos moyens à cet égard ont par la suite diminué jusqu’au
point où les militaires canadiens ont pu difficilement déployer un escadron
restreint de huit à dix aéronefs lors des opérations de bombardement au
Kosovo. Une escadre comprend au moins 36 appareils et peut compter sur le
soutien et l’équipage pertinents].
·
Un escadron d’aéronefs de transport tactique [le Canada n’a jamais déployé un tel
escadron depuis la guerre du Golfe, notre contribution actuelle en Afghanistan
se limitant à deux aéronefs et au soutien].
·
Dans un délai de trois semaines, des éléments individuels ou des éléments
d’avant-garde de cette force, qui sont soutenus tant que cela est nécessaire
dans un contexte de menace réduite, et, dans un délai de trois mois, le reste
des éléments de la force d’intervention [jusqu’à ce que les Forces canadiennes se dotent
d’une capacité de transport aérien et maritime stratégique, elles ne seront
jamais en mesure de déployer leurs troupes dans les délais nécessaires, pas
plus que les militaires ne posséderont les ressources susceptibles de leur
donner le moindre espoir d’appuyer de tels éléments d’avant-garde pendant
plus de six mois].
Les auteurs du Livre blanc ont ajouté que les
militaires canadiens devront :
·
Affecter un groupe bataillon d’infanterie, soit en réserve de l’ONU,
soit au service de la Force de réaction immédiate de l’OTAN [les militaires canadiens possèdent au
moins les ressources suffisantes leur permettant d’affecter un bataillon
d’infanterie, mais ce serait une toute autre histoire que d’en déployer un
dans les conditions actuelles, en raison du manque de crédits et du nombre trop
élevé d’engagements].
·
Disposer de plans de mise en œuvre des
mesures visant à accroître la capacité des Forces canadiennes de remplir
leurs engagements existants ou de faire face à une crise grave [nous
faisons face à une crise grave, mais nous ne disposons pas des moyens
pertinents nous permettant d’y faire face].
Conséquences : un pays affaibli
Au 20e siècle, le Canada a accompli un travail digne de mention sur deux plans particuliers : il a aidé à défendre le monde contre le chaos et la tyrannie, tout en protégeant sa population et sa culture; il a établi une présence nationale sur la scène mondiale. Dans une grande mesure, ces deux contributions allaient de pair. Au cours du dernier siècle, les réalisations militaires canadiennes ont accru considérablement la stature de notre pays aux yeux du reste du monde.
Il est ironique que, même si la croissance démographique se poursuit au Canada et même si notre économie est florissante, la stature de notre pays est diminuée par notre refus de nous imposer militairement dans un monde de plus en plus imprévisible. Une telle perte de stature s’accompagne d’une diminution de notre influence sur les affaires internationales.
Le tout premier rôle d’un gouvernement consiste à protéger sa population. Les Canadiens ne sont pas protégés adéquatement. Le refus d’accorder les fonds nécessaires afin de garantir un degré raisonnable de sécurité militaire équivaut tout simplement à confier notre sort au hasard. Lorsqu’un propriétaire n’assure pas sa maison, il gage qu’aucun événement malheureux ne surviendra et que l’argent ainsi économisé rapportera d’autres avantages.
Le
gouvernement canadien est privilégié de diriger un pays possédant
d’innombrables trésors. Cependant, il lésine sur les moyens pour assurer sa
protection ainsi que sur ses obligations envers ses alliés.