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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 11 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 3 avril 2003

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit ce jour à 8 h 39 pour étudier de nouvelles questions concernant son mandat (mise en oeuvre de Kyoto).

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Comme vous le savez, nous étudions un large éventail de questions reliées à l'énergie, à la production d'énergie et à nos obligations internationales à cet égard. Nous accueillons ce matin plusieurs témoins pour traiter de ces questions.

Il s'agit tout d'abord de M. Hans Konow et M. Roy Staveley, de l'Association canadienne de l'électricité.

Comme vous avez eu la gentillesse de nous envoyer votre mémoire à l'avance, la plupart d'entre nous avons pu y jeter un coup d'oeil pour nous préparer.

M. Hans Konow, président et chef de la direction, Association canadienne de l'électricité: Cela fait déjà plusieurs mois et, dans notre cas, plusieurs années, que le changement climatique retient notre attention. C'est peut-être une question difficile à saisir aujourd'hui, où le printemps semble avoir à nouveau disparu, mais il n'en reste pas moins que nous sommes très conscients des défis que suscite pour nous la décision de ratifier le Protocole de Kyoto, et je crois utile de vous exposer notre position à ce sujet et de vous indiquer comment nous voyons l'avenir.

Je vais faire mon exposé à partir des diapositives qui vous sont présentées et dont nous vous avons distribué des exemplaires.

Je passe tout d'abord à la page intitulée «Prévisions de la croissance de la demande au Canada jusqu'en 2020». Comme vous vous penchez sur le secteur de l'énergie dans son ensemble, c'est évidemment dans ce contexte qu'il faut analyser le changement climatique. Pour commencer, voyons comment nous envisageons l'évolution de la demande d'électricité.

Comme le montre cette diapositive, fondée sur des prévisions relativement prudentes — qui ne sont pas les nôtres, je le précise; elles viennent de l'ONE, de RNCan et d'un modèle de MARKAL — nous envisageons un taux de croissance probable de l'ordre de 1,3 p. 100. Évidemment, personne ne peut jamais prédire comment l'économie va se comporter ni, par conséquent, comment évoluera précisément la demande d'énergie.

Cela dit, nous pensons que la consommation d'électricité augmentera plus lentement que le PIB, ce qui veut dire que notre efficience énergétique s'améliorera. Dans le passé, ces deux taux de croissance étaient quasiment identiques. Parfois, la consommation d'énergie a augmenté plus vite que le PIB et plus vite que la population, ce qui permet de penser que certains d'entre-nous faisons peut-être aujourd'hui des choix plus intelligents pour nos véhicules et pour chauffer nos maisons.

Quoi qu'il en soit, les chiffres de la demande finale, en bas de la page, montrent clairement qu'il y aura une croissance notable de la demande dans les années à venir, ce qui veut dire que le rôle de notre industrie sera bien évidemment de veiller à ce que les Canadiens jouissent d'un approvisionnement en électricité fiable, abordable et écologique.

Il y a quelques années, ces adjectifs semblaient aller de soi. Aujourd'hui, quiconque se souvient de la Californie, quiconque se penche sur la situation en Ontario ou quiconque se souvient de ce qui s'est passé en Alberta il y a quelques années sait qu'il n'y a aucune garantie en ce qui concerne l'offre ou le prix de l'électricité. C'est donc dans ce contexte que nous devons envisager nos options relativement au changement climatique.

Sur la diapositive suivante, nous avons tenté de quantifier l'augmentation de l'offre qui sera nécessaire pour faire face à l'augmentation de la demande. Le résultat final est que nous devrons ajouter quelque 20 000 mégawatts de capacité par décennie d'ici à 2020, ce qui représente une augmentation d'environ 35 p. 100 par rapport à notre capacité actuelle. Je précise que cette augmentation est destinée à répondre non seulement à l'augmentation de la demande mais aussi au remplacement des vieilles centrales. Je précise à ce sujet qu'il y a des avantages considérables du point de vue de l'efficience et de l'environnement à remplacer les vieilles centrales, mais que cela exige un milieu favorable à l'investissement.

La troisième diapositive montre que cela devrait se traduire par une hausse de près de 2 p. 100 par an des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2010, c'est-à-dire que nous passerons, en chiffres bruts, d'un peu moins de 100 millions de tonnes d'équivalent de dioxyde de carbone à environ 140 millions de tonnes. Ce chiffre tient compte de notre engagement par rapport à 1990 qui, comme vous le savez tous, suppose une baisse de 6 p. 100.

Le sénateur Spivak: Ces chiffres tiennent-ils compte de mesures de conservation?

M. Konow: Tous les modèles que nous utilisons, de l'Office national de l'énergie et de RNCan, contiennent un certain nombre d'hypothèses. Je rappelle que ces projections ne sont pas les nôtres. Nous ne faisons que reprendre les estimations officielles du ministère et de l'Office national de l'énergie, sans y ajouter nos propres hypothèses.

Aurions-nous des changements à apporter à ces hypothèses? Je ne les ai pas examinées en détail mais je sais qu'il y a toujours des éléments dont on peut débattre, concernant par exemple les prévisions de croissance économique, la hausse de la demande intérieure, et cetera. Pour le moment, je ne connais pas les hypothèses détaillées qui fondent chacun des trois modèles que nous utilisons.

Avec le statu quo, on peut s'attendre à une hausse d'environ 40 p. 100 de nos émissions. Voilà le défi que nous avons à relever.

Si je passe à la diapositive suivante, je suis sûr que vous connaissez tous les grandes lignes du plan fédéral. Dans le contexte que je viens d'exposer, le gouvernement fédéral a établi un objectif de réduction de 55 mégatonnes, ce qui veut dire que la part du secteur de l'électricité, qui est l'une des sources importantes d'émissions industrielles, avec un calcul grossier d'un tiers par secteur, serait d'environ 18 mégatonnes.

En outre, en vertu du Plan d'action 2000 et du budget de 2001, on s'attend probablement à une contribution complémentaire de 18 à 22 mégatonnes du secteur de l'électricité. Toutes les mesures de réduction que pourraient prendre les provinces en plus de cela viendraient s'ajouter à ce total. L'Alberta et d'autres provinces envisagent actuellement de prendre leurs propres mesures.

Sur la diapositive suivante, nous avons tenté de résumer certaines des difficultés auxquelles nous ferons face pour réduire les émissions dans notre secteur. L'une des premières choses à comprendre est que nos centrales ont une très longue durée de vie. Nous y investissons des milliards de dollars et elles peuvent généralement fonctionner pendant une quarantaine d'années. Si l'on envisage des changements à court terme pour accroître leur efficience, on risque de perdre l'utilité des gros investissements qui ont été réalisés dans le passé, ce qui pourrait entraîner une hausse considérable des prix. Cela ne veut pas dire que nous ne puissions rien faire pour contribuer sérieusement à la résolution du problème des émissions, et j'indiquerai dans quelques instants les mesures que nous avons déjà prises à cet égard.

Un autre facteur clé sur lequel nous reviendrons est de savoir dans quelle mesure le consommateur est prêt à assumer une part des coûts de l'efficience énergétique. On a beaucoup parlé de cette question dans la presse et elle est importante. Mon collègue, qui connaît beaucoup mieux que moi les questions de gestion de la demande et de programmes d'efficience énergétique, vous indiquera nos plans à cet égard.

La longueur des délais d'intervention et les questions de réglementation auxquelles nous sommes confrontés pour implanter des technologies plus efficientes ne sont pas des problèmes insurmontables. Nous collaborons déjà avec plusieurs ministères pour essayer de raccourcir les délais de réalisation des nouveaux projets.

Les énergies renouvelables auront également un rôle à jouer. Leur incidence ne sera pas énorme, d'un point de vue global, mais elles apporteront quand même une contribution croissante à mesure que le temps passe, et beaucoup d'entreprises de notre secteur font déjà de gros investissements dans les énergies renouvelables, notamment l'énergie éolienne.

Comme je l'ai indiqué, fermer des centrales électriques avant la fin de leur vie utile représente des coûts non amortis et c'est pourquoi nous essayons de protéger cet investissement historique que les Canadiens ont déjà fait tout en essayant de mettre en place un processus de remplacement ordonné, avec des options plus efficientes. Nous pensons qu'il existe des opportunités non négligeables dans les technologies du charbon propre et du gaz naturel à cycle combiné.

Sur la diapositive suivante, «Repousser les contraintes: mesures prises», nous indiquons que notre secteur a été l'un des plus ardents partisans et l'un des pionniers du programme de Mesures volontaires et de registre (MVR), et qu'il continue de déclarer les réductions de GES qu'il parvient à faire. Évidemment, ce programme remonte à une époque où les diverses mesures étaient volontaires et nous vivons aujourd'hui dans un monde différent. Il n'en reste pas moins qu'il continuera peut-être à jouer un rôle important comme registre des réductions de GES.

L'une des conditions d'adhésion à notre association est l'établissement d'un Programme d'engagement et de responsabilité en environnement (PERE) qui oblige nos membres à implanter un SGE.

Le président: J'aurais dû vous signaler que nous avons adopté une méthode du Comité de la défense et de la sécurité nationale voulant que chaque mention d'un sigle non expliqué vous coûte trente sous. Évidemment, quand nous sommes avec des militaires, ça nous rapporte beaucoup parce qu'ils adorent les sigles.

M. Konow: Nous n'avons pas l'intention de leur faire concurrence à ce chapitre.

Le président: Dans ce cas, je vous invite à expliquer les sigles que vous utiliserez. Par exemple, que veut dire le SGE?

M. Konow: Le SGE est le Système de gestion environnementale. C'est un système d'information de gestion qui est compatible avec la norme ISO 14000 et qui garantit que les cadres supérieurs ne peuvent dire qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Le système les oblige à rendre des comptes. Nous avons un comité indépendant qui nous oblige à rendre compte de notre rendement au moyen d'indicateurs que nous devons divulguer annuellement.

Nous avons aussi négocié un protocole d'entente avec le ministère des Pêches et des Océans pour améliorer le rendement du point de vue de la protection de l'habitat halieutique. Plus important encore, et c'est plus pertinent pour notre discussion, nous avons mis au point un modèle relatif au changement climatique que nous appelons la Norme équivalente de rendement en émissions, afin de réduire les émissions de GES, et je vais le résumer avec la diapositive suivante.

Nous avons adopté cette démarche il y a deux ans et demi suite à des négociations de plus d'une année avec les gouvernements fédéral et provinciaux par le truchement du Comité de coordination national sur les problèmes atmosphériques. Nous avions fait quelques progrès vers l'élaboration d'un pacte mais ce processus a été arrêté quand a commencé le débat sur la ratification du Protocole de Kyoto étant donné que les gouvernements ne savaient plus exactement ce qu'ils voulaient comme architecture pour l'avenir.

Ce qui est important au sujet de ce modèle, c'est qu'il repose sur une norme de rendement qui devrait améliorer à terme la qualité globale des émissions de notre flotte. Nous nous sommes demandé quelle pourrait être une option réaliste, applicable dans tout le pays, pour fixer un niveau acceptable d'émissions, avec la technologie commerciale actuellement disponible.

La réponse que nous avons trouvée est la technologie de turbine à gaz à cycle combiné, qui offre plusieurs niveaux d'efficience et que l'on peut déployer dans pratiquement toutes les provinces. J'aborderai cependant de manière plus détaillée dans un instant la question de la disponibilité et du prix du gaz naturel, étant donné que les entreprises ont le sentiment que les paramètres de cette option ont changé ces dernières années.

On pensait il y a quelque temps que cela serait l'étalon-or de toutes les nouvelles centrales que l'on construirait. Il s'appliquerait à toutes les centrales existantes au charbon et au pétrole au 40e anniversaire de leur date d'entrée en service, c'est-à-dire lorsque tous les coûts de leur vie économique auraient été complètement amortis. La période de démarrage était conforme à la période de Kyoto — 2008 à 2012 — mais nous n'avions pas fixé de date d'achèvement car nous pensions qu'il s'agirait d'un processus continu. Nous étions conscients que la norme de rendement changerait au cours des années avec les technologies qui deviendraient disponibles.

La règle fondamentale, qui est résumée ici, serait que toute centrale non conforme à la norme serait remplacée ou donnerait lieu à une compensation pour respecter la norme. Les nouvelles centrales dépassant la norme, par exemple les centrales éoliennes, solaires ou hydrauliques, recevraient un crédit qui produirait une incitation à investir dans des technologies à émissions nulles ou faibles. Ces crédits pourraient évidemment être vendus aux entreprises qui en auraient besoin pour compenser des centrales à taux d'émissions plus élevé, ce qui reviendrait à imposer une sanction économique aux centrales à fort taux d'émissions et un avantage économique aux centrales à faible taux.

Les conditions nécessaires comprendraient l'accès à un système de crédits international semblable à ceux que l'on prépare dans le contexte de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, un terrain de jeu égal du point de vue de son application à toutes les sources d'électricité au Canada et, idéalement, un engagement similaire des États-Unis à l'avenir.

J'ai fait allusion à la politique correspondante. Nous souhaitons en effet un régime fiscal amélioré, une réglementation efficiente et des activités de partenariat avec le gouvernement en matière de R-D.

Voilà donc le modèle. Le changement climatique ayant engendré un niveau de verbosité sans doute inégalé, je vais conclure dans quelques instants.

La dernière diapositive indique que nous sommes prêts et que nous négocions déjà avec le gouvernement. Il est certain que les règles du jeu ont changé. Nous sommes maintenant dans la réalité de Kyoto et nous essayons de modifier s'il y a lieu ce que nous avons à offrir, au moyen de cette approche destinée à atteindre les objectifs établis par le gouvernement avec le Protocole de Kyoto.

Voilà ce que j'avais à dire, monsieur le président. Croyez-vous que M. Staveley pourrait maintenant nous résumer les activités du secteur de l'électricité du point de vue du consommateur? Je pense que c'est l'une des questions qui vous intéressent le plus.

Le président: Je vous en prie, monsieur Staveley.

M. Roy G. Staveley, premier vice-président, Association canadienne de l'électricité: Comme l'a dit M. Konow, je vais parler brièvement de l'efficience énergétique au niveau de l'utilisation finale. J'insiste sur cette notion pour souligner que je ne vais pas parler de l'efficience interne des sociétés produisant de l'électricité mais plutôt de la manière dont on peut influer sur la demande d'électricité par les consommateurs.

Nous avons entrepris des activités parallèles à celles que décrivait M. Konow. Nous avons eu beaucoup de discussions avec Ressources naturelles Canada et, dans ce contexte, nous avons mené une enquête sur les activités du secteur relatives à l'efficience énergétique. Cette enquête commune a été résumée dans un rapport que j'ai remis au comité. Je pense que vous y trouverez des informations détaillées et utiles. On y résume les activités menées en ce moment par l'industrie canadienne de l'électricité.

Mon exposé reposera essentiellement sur ce rapport et, je l'espère, vous donnera des informations utiles sur ce qui se fait en ce moment.

L'un des principes fondamentaux, à notre avis et selon RNCan, est que l'Association canadienne de l'électricité serait un excellent intermédiaire pour dispenser des programmes d'efficience énergétique puisqu'elle touche tous les foyers du Canada. De fait, l'ACE appuie activement la prestation de ces services, de plusieurs manières différentes dont je parlerai durant mon exposé.

Notre position est fondée sur l'idée que l'efficience énergétique joue un rôle important pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de notre industrie, et nous savons que nous devons faire preuve de créativité à cet égard. Nous savons aussi que nous devons oeuvrer conjointement avec les gouvernements fédéral et provinciaux.

À la première diapositive, intitulée «Investissements élevés en matière d'efficacité énergétique», j'indique que les entreprises canadiennes d'électricité ont consacré environ 750 millions de dollars à des programmes d'efficience énergétique pendant les 10 dernières années. Les projections actuelles permettent de penser qu'elles y consacreront un milliard de dollars de plus au cours des 5 à 10 prochaines années. Cette conclusion provient d'une analyse attentive des plans des entreprises.

Nous croyons aussi que ces dépenses seront consacrées à l'élaboration et à la prestation de programmes, à la sensibilisation des consommateurs, à la transformation du marché et à d'autres activités de cette nature. Dans bien des cas, les activités ont déjà commencé et l'on s'attend à ce qu'elles continuent de plus en plus intensément.

Les choses ont beaucoup changé ces dernières années. À mesure que les marchés se sont ouverts et sont devenus plus compétitifs, les utilités publiques ont dû attacher plus d'importance à leurs résultats financiers, à la maîtrise de leurs coûts et à leur rentabilité. Autrement dit, elles ont dû justifier toutes leurs nouvelles propositions.

Les entreprises n'investiront pas dans le secteur de l'efficience énergétique si elles n'ont pas la conviction qu'elles pourront recouvrer complètement leurs coûts par le système tarifaire ou d'obtenir un taux de rendement au moins égal aux autres possibilités d'investissement qui s'offrent à elles.

Cela exige qu'elles préparent des argumentaires étoffés pour montrer que les programmes d'efficience énergétique permettront d'économiser l'énergie à un moindre coût que d'autres solutions telles que l'expansion des infrastructures et capacités de production pour faire face à la hausse de la demande.

Pour préparer ces argumentaires, elles doivent tenir compte d'un certain nombre de facteurs que je vais maintenant résumer.

Bon nombre de sociétés examineront les avantages qu'elles pourraient tirer d'un report de leurs investissements car, si la demande baisse, il n'est pas nécessaire d'accroître la capacité de production. En outre, il y a des gains d'efficience à réaliser. Si l'on peut influer sur la demande, on peut aussi influer sur le taux de charge et, par conséquent, faire un usage optimal des installations existantes.

Les entreprises désirent également répondre aux besoins de leur clientèle. Plus elles répondent à ces besoins et attentes, plus elles ont de chance d'attirer de nouveaux clients et de les conserver.

Certaines sociétés envisagent d'exporter leur épargne énergétique aux États-Unis où elles peuvent obtenir de meilleurs prix et, de ce fait, accroître leurs revenus.

Il y a manifestement aussi des avantages environnementaux à tirer de ces activités. Évidemment, celle qui retient le plus l'attention en ce moment est la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L'autre facteur crucial pour justifier des programmes d'efficience énergétique est relié à l'opinion publique. J'entends constamment dire que le public sait parfaitement que les tarifs de l'énergie vont augmenter à long terme et que le consommateur aimerait donc pouvoir gérer ses coûts. Autrement dit, les sociétés ont intérêt à donner aux consommateurs la possibilité de réduire leurs factures soit en faisant un investissement modeste, soit en obtenant de l'aide pour maîtriser leur consommation d'énergie, de façon à ne pas se contenter de subir les hausses de tarifs.

Vous voyez ici une brève liste de certains des programmes clés qui sont actuellement mis en oeuvre ou que l'on examine attentivement. Au fait, DEL signifie diode électroluminescente. Certains de ces programmes vous sont sans doute familiers car vous êtes aussi des consommateurs. Tous sont actuellement mis en oeuvre, à des degrés divers ou sous des formes différentes dans les diverses provinces.

J'ai constaté que la question des compteurs est très importante pour notre société. Nous avons engagé des discussions relativement intenses avec Industrie Canada à cet égard. Je veux aussi mettre en relief les pompes à chaleur géothermique qui connaissent beaucoup de succès aux États-Unis et dont nous voudrions accroître l'utilisation au Canada.

Voilà donc certains des programmes en cours au sujet desquels nous pourrions vous donner beaucoup de détails si vous le souhaitez.

Il vaut la peine de souligner que 50 p. 100 des consommateurs canadiens ont la possibilité de participer à un éventail relativement large de programmes d'efficience énergétique. Certains de ces programmes sont déjà très étoffés dans certaines provinces mais, comme vous pouvez le voir, il n'y a pas d'uniformité à cet égard. Nous avons essayé d'analyser les différents marchés et vous trouverez beaucoup d'informations à ce sujet dans le rapport.

Toutefois, comme vous pouvez le voir, une partie relativement importante de l'industrie ne participe pas encore pleinement aux programmes d'efficience énergétique. Certes, toutes les sociétés les examinent et s'y intéressent mais les règlements et les structures varient beaucoup d'un marché à l'autre. De ce fait, on constate beaucoup de variations quant au niveau et à la portée des programmes d'efficience énergétique du Canada, ce qui est aussi une source d'opportunités. Même les sociétés qui se sont dotées de programmes d'efficience énergétique très étoffés reconnaissent qu'elles pourraient faire beaucoup plus.

Selon nos estimations, l'efficience énergétique a permis de réduire la demande d'énergie de 5 millions de mégawatts/ heures au cours des 10 dernières années, ce qui équivaut à la consommation de villes comme Victoria ou Saint-Jean de Terre-Neuve. Nous prévoyons en outre une économie complémentaire de 5 millions de mégawatts-heures au cours des 5 à 10 années qui viennent, ce qui se traduit par environ 4 millions de tonnes de réductions dans les émissions de gaz à effet de serre. Je précise qu'il s'agit là des deux millions de tonnes déjà obtenues, auxquelles s'ajouteraient 2 millions de plus avec les programmes en cours et prévus par les utilités publiques. Si nous continuons dans cette voie, sous l'impulsion du marché, nous pensons être en mesure d'apporter une contribution importante à la conservation de l'énergie et à la réduction des GES.

Comme je le disais il y a un instant, les sociétés et RNCan ont la conviction que l'on peut faire beaucoup plus et nous avons entrepris des discussions intensives avec le gouvernement fédéral et RNCan ces derniers mois à ce sujet. Nous avons cependant certains problèmes à régler. Nous devons par exemple voir comment nous pourrions mieux harmoniser les programmes des sociétés avec les politiques et initiatives fédérales et provinciales de manière à inciter vraiment l'industrie à faire encore plus que maintenant.

RNCan dispose d'un budget destiné à faire la promotion de différents types de programmes d'efficience énergétique. Comment pourrions-nous mieux harmoniser ces activités et programmes avec ce que fait l'industrie de façon à tirer le meilleur parti possible des budgets disponibles?

Je pense que cela concerne aussi les gouvernements provinciaux et que nous devrions mieux concentrer nos efforts dans tout le pays car il serait utile de diffuser les meilleures méthodes identifiées ici ou là pour optimiser les résultats. Autrement dit, il serait utile que toutes les parties concernées profitent des meilleures méthodes appliquées par les autres de façon à éviter de répéter les erreurs des uns et des autres. Nous pouvons partager notre savoir de façon à optimiser nos investissements respectifs.

À titre d'exemple, je peux dire que le gouvernement fédéral a pris contact avec nous au sujet du programme de sensibilisation d'une tonne. Il aimerait collaborer avec l'industrie de l'électricité de façon à utiliser nos ressources pour sensibiliser la population à ce programme. Voilà un autre exemple de cas où les industries de l'électricité et du gaz naturel peuvent être des outils efficaces de prestation des programmes et de sensibilisation de la population.

Nous nous efforçons depuis de nombreuses années d'élaborer des normes et nous nous occupons aussi de transformation du marché et des initiatives que j'ai mentionnées quand j'ai donné la liste des technologies actuellement diffusées par l'industrie. Tout cela exige une stratégie nationale pour toute l'industrie afin de sensibiliser l'ensemble de la population, d'accroître la demande des produits disponibles, de réduire les prix et d'augmenter les chances de diffusion des technologies dans tout le pays. Nous avons donc tout à gagner à collaborer à ces divers efforts.

Voilà les choses dont nous avons discuté. Nous pensons qu'il faudrait revoir les incitatifs, qu'il s'agisse d'incitatifs fiscaux ou d'incitatifs intégrés aux programmes pour amener le consommateur à envisager un investissement de départ.

Nous souhaitons aussi une réforme de la réglementation. Nous collaborons étroitement avec Industrie Canada sur la question des compteurs électroniques et sur la nécessité de mieux harmoniser leur réglementation avec ce qui se fait à l'échelle internationale. Réduire le prix des compteurs électroniques en favoriserait la diffusion. Cela produirait également d'autres possibilités pour les programmes d'efficience énergétique.

Cela ouvre la porte à un système de compteurs par intervalles, c'est-à-dire facturer des tarifs plus élevés en période de pointe et moins élevés quand la demande est plus faible. Si l'on applique une telle mesure dans le cadre d'une stratégie intégrée, on peut faire de grands progrès en matière d'efficience énergétique.

À la dernière diapositive, nous résumons les mesures que nous avons prises. Une lettre de coopération sur l'efficience de l'utilisation finale est sur le point d'être signée par RNCan et l'Association canadienne de l'électricité. Nous avons participé directement à la mise sur pied de ce qu'on appelle la Coalition canadienne de l'énergie géothermique, qui s'efforce d'accélérer la diffusion des pompes à chaleur géothermique, ce qui produirait des économies d'énergie énormes car c'est une technologie beaucoup plus efficiente que d'autres systèmes de chauffage et de climatisation. RNCan a demandé à l'industrie d'intensifier ses efforts dans ce domaine.

Comme je l'ai dit, nous nous occupons aussi beaucoup des compteurs électroniques. Nous avons collaboré avec Industrie Canada pour formuler les recommandations de révision du secteur de l'électricité. Les 16 recommandations issues de ce processus de consultation ont toutes été adoptées et nous avons commencé à les mettre en oeuvre.

Nous sommes également actifs dans CAMPUT, l'Association canadienne des membres des tribunaux d'utilité publique, qui est l'association des instances de réglementation qui tiendra sa prochaine réunion en mai à Banff. Nous discutons avec l'Association d'un système de réglementation fondé sur le rendement. Je suis certain que l'on discutera aussi dans ce contexte de la manière dont les instances provinciales de réglementation peuvent offrir des incitatifs à l'efficience énergétique sur leur propre territoire. Il y aura peut-être des discussions sur les méthodes plus ou moins efficaces dans ce domaine, à partir des meilleures pratiques et de l'expérience acquise par d'autres parties.

Nous faisons beaucoup de gestion de données et d'analyses comparatives des meilleures pratiques, aussi bien au Canada qu'aux États-Unis et en Europe.

Voilà donc certaines des activités auxquelles nous participons actuellement. Vous pouvez constater que c'est un programme très chargé, très stimulant et qui offre beaucoup d'opportunités.

Le sénateur Spivak: Nous sommes allés récemment en Californie où nous avons entendu parler d'une surcharge de 0,9 cent le kilowatt-heure sur les factures d'électricité. Je suis sûre que vous connaissez la situation. Il me semble que la Californie a obtenu des réductions importantes. En outre, cela n'a rien coûté à l'économie de l'État mais lui a plutôt donné un bénéfice net de 3 milliards de dollars dans les années 90.

Qu'en pensez-vous? Pourrait-on imposer une telle surcharge? Quels sont les coûts et bénéfices des programmes Énersage actuels? Dans un monde idéal, comment devrait-on utiliser les utilités publiques pour mettre en oeuvre des programmes d'efficience énergétique? Vous parliez de coopération mais cela ne pourrait-il pas être «le fer de lance»? Pensez-vous que les provinces collaboreraient?

M. Konow: M. Stavely pourra vous parler des détails. Je ne sais pas de quelle surcharge vous parlez. Était-elle destinée à financer des programmes d'efficience énergétique?

Le sénateur Spivak: Oui.

M. Konow: C'est donc essentiellement une taxe pour financer des programmes publics. Tout ce qui permet d'accumuler un budget pour tirer parti des choses dont a parlé M. Staveley est utile. Je m'empresse d'ajouter que cela n'aurait pas d'incidence réelle sur le comportement du consommateur par le mécanisme du prix.

Le sénateur Spivak: Non, ce n'est pas destiné à cela.

M. Konow: Il s'agit de savoir si les programmes mis en oeuvre ont vraiment été efficaces. Si on vous a parlé d'un bénéfice net de 3 milliards de dollars, c'est certainement la vérité.

Je reviens à ce que je disais au début sur le fait que la situation en Californie a été absolument catastrophique pour les consommateurs du point de vue des prix et de la fiabilité.

Le sénateur Spivak: Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

M. Konow: Mai ça l'était. Ce fut une catastrophe absolue. Je ne veux certainement pas dénigrer le programme dont vous parlez mais il faut adopter une démarche prudente et intégrée pour s'assurer que l'on obtient tous les avantages de l'efficience énergétique par le financement, le partenariat et les programmes. M. Staveley pourra vous donner plus de détails que moi sur ce que cette surcharge a produit et sur les résultats que l'on a obtenus. Il n'empêche qu'il faut veiller à ne pas négliger le fonctionnement général des marchés de l'électricité et les paramètres essentiels pour s'assurer que l'on adopte les bons éléments.

Le sénateur Spivak: On nous a dit en Californie que ces programmes existaient avant la catastrophe. On nous a donné une excellente explication de la catastrophe mais je n'insiste pas, ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui. L'État avait enlevé aux utilités publiques la responsabilité de la mise en oeuvre des programmes mais il a maintenant fait marche arrière parce que ça marche.

Je pense que c'est un problème différent de celui de l'offre. Il ne s'agit pas de perturber tout le système. Ils ont là-bas quelque chose qu'ils appellent «gestion intégrée des ressources», c'est-à-dire qu'on utilise les utilités publiques, les sociétés qui fournissent l'énergie, comme agents de changement. Comme vous l'avez dit, elles sont en contact avec chaque consommateur et c'est donc très efficient. Il y a beaucoup d'autres programmes dont on pourrait parler mais ce qui m'intéresse maintenant, ce serait un programme pour tout le pays. Est-ce que ce serait une méthode plus rapide pour changer la situation?

M. Konow: Je vais donner la parole à M. Staveley mais je peux vous dire que oui, sans hésitation. Nous avons dit que l'industrie et RNCan savent bien que les sociétés privées possèdent collectivement le système de distribution. Les sociétés sont en contact avec chaque foyer et avec chaque entreprise. Nous avons essayé d'indiquer qu'il y a là un défi étant donné que les marchés sont très différents. La planification intégrée de l'offre peut fonctionner sur un marché de monopole avec un distributeur totalement intégré. Il est cependant trop tôt pour dire si ça marcherait bien.

Sur un marché totalement compétitif, chaque acteur n'a pas la même motivation.

Voilà pourquoi nous disons qu'il nous faut trouver des méthodes créatives pour veiller à ce que le déploiement des systèmes d'efficience énergétique soit efficace, sur la base d'arguments économiques solides, autant pour les producteurs que pour les distributeurs.

M. Staveley: Il existe des utilités publiques intégrées verticalement — B.C. Hydro et Manitoba Hydro, par exemple — dont les programmes ont beaucoup de succès.

Ces sociétés ont du succès parce qu'elles peuvent offrir à leurs clients des programmes à des prix compétitifs et réaliser aussi des réductions importantes de la consommation d'énergie sans que cela nuise à leur rentabilité. Vous pourrez constater à l'avenir que ces utilités publiques restent des chefs de file dans l'élaboration et la prestation de programmes d'efficience.

Pour en revenir à ce que disait M. Konow, il y a d'autres territoires où le marché est différent, c'est-à-dire où les utilités publiques ne sont pas intégrées, notamment en Alberta et en Ontario, mais on peut aussi ajouter le Nouveau- Brunswick comme exemple plus récent. Les paramètres économiques y sont différents parce qu'il n'y a pas de monopole. Quand les sociétés font leurs calculs, elles constatent souvent qu'elles auraient intérêt à investir leur argent ailleurs de manière plus profitable, et c'est généralement ce qui les amène à être moins actives sur le marché de l'efficience énergétique.

Il n'empêche cependant qu'elles discutent aussi avec les instances provinciales de réglementation pour savoir comment favoriser l'efficience énergétique sur leurs marchés, et les méthodes peuvent différer d'une province à l'autre. L'ACE, dans ses discussions avec l'Office de l'efficacité énergétique, de RNCan, et avec l'approbation générale de ses membres, a accepté d'entreprendre une analyse relativement exhaustive des diverses méthodes employées aux États- Unis, en Europe et ailleurs. La méthode californienne est l'une des méthodes possibles. Ce n'est pas nécessairement la meilleure. Ce n'est en tout cas certainement pas la meilleure pour chaque juridiction. Il faut donc étudier attentivement toutes les solutions possibles afin de trouver les meilleures. Nous aimerions pouvoir fournir des informations utiles à ce sujet aux gouvernements ou organismes de réglementation, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau provincial.

Si l'on essaie d'appliquer l'expérience de la Californie à l'ensemble du Canada, on devra au minimum tenir compte du fait que les régimes de réglementation ne sont pas les mêmes partout et que la même méthode n'est pas nécessairement la meilleure partout.

Le sénateur Spivak: Quand pensez-vous avoir terminé cette étude?

M. Konow: Nous espérons la finir pour septembre.

Le président: Avant de quitter ce sujet, vous disiez que certaines juridictions et utilités publiques s'efforcent activement de convaincre le consommateur de participer aux programmes d'économie d'énergie, alors que d'autres ne le font pas. Y a-t-il un lien à cet égard entre la nature de la réglementation au niveau supérieur de cette activité et l'absence de réglementation au niveau inférieur? Autrement dit, doit-on conclure de votre affirmation que la seule solution est le matraquage?

M. Staveley: Je ne pense pas que le matraquage soit nécessairement la bonne méthode. En Colombie-Britannique, par exemple, on a pu mettre en place un programme assez robuste d'efficience énergétique parce qu'on a pu en intégrer le coût au tarif de base, mais il faut dire aussi qu'on a présenté une argumentation très solide sur le fait qu'il est préférable d'avoir un programme d'efficience énergétique que de construire une nouvelle centrale. C'est cette argumentation qui a permis de convaincre l'instance de réglementation d'accepter que le coût soit intégré au tarif de base. Cette méthode fonctionne bien en Colombie-Britannique avec une utilité publique intégrée verticalement.

En Ontario, où le marché est morcelé, il faudra manifestement adopter une méthode différente. Je sais que les utilités publiques en discutent actuellement avec l'organisme provincial de réglementation. Troisièmement, et c'est à notre avis encore plus important, il faut que le gouvernement fédéral contribue au processus car il a adopté un certain nombre de règlements différents sur des mécanismes fiscaux et des mécanismes d'incitation qui peuvent beaucoup contribuer au succès d'un programme d'efficience énergétique à l'échelle nationale. Je songe particulièrement au fait qu'Industrie Canada, par exemple, assume la responsabilité de toute la réglementation relative aux compteurs, qu'il s'agisse de compteurs électriques, de compteurs de gaz ou d'autres types de compteurs. Cette réglementation aura un effet important sur notre aptitude à utiliser des compteurs automatisés fournissant des informations utiles au consommateur, en complément du programme d'efficience énergétique. Voilà pourquoi nous pensons que l'effort doit être collectif.

Il n'existe pas de solution unique. Il faut adopter plusieurs solutions différentes, de manière harmonieuse et en collaboration pour agir de manière efficace. C'est d'ailleurs le thème des discussions auxquelles je participe actuellement. Je suis heureux de dire que tous les participants à ce processus sont généralement conscients de cette nécessité.

Le sénateur Cochrane: Je voudrais revenir sur vos programmes, notamment sur les différents types de compteurs et sur les pompes à chaleur. Pourriez-vous nous donner des précisions là-dessus? Vous dites que le gouvernement fédéral s'occupe actuellement d'un programme de compteurs d'électricité. Est-ce le seul gouvernement qui doive s'en occuper? Les provinces ont-elles un rôle à jouer à cet égard?

M. Staveley: Une province ou un organisme provincial de réglementation peut toujours imposer l'achat et l'utilisation de compteurs électroniques. Notre position est qu'il conviendrait d'abord d'en faire baisser le prix, par voie réglementaire, comme cela s'est fait aux États-Unis et dans d'autres pays, par exemple en Italie et au Royaume-Uni. Cela inciterait les utilités publiques et les autres parties concernées à acheter et à installer des compteurs électroniques beaucoup plus rapidement qu'on ne le fait actuellement. L'expérience américaine montre que ces compteurs connaissent de plus en plus de succès et sont de plus en plus utilisés. Au Canada, la situation ne change pas parce que les compteurs électroniques coûtent tellement cher que les utilités publiques ne veulent tout simplement pas les acheter. Il leur coûte moins cher de conserver les compteurs mécaniques, qui ne peuvent absolument pas inciter de la même manière le consommateur à économiser l'énergie.

Pour ce qui est des pompes à chaleur géothermique, c'est une autre technologie qui se répand de plus en plus aux États-Unis où le marché augmente de 30 p. 100 par an. Je me suis laissé dire que le taux de croissance y serait aussi élevé que cela. C'est une méthode extrêmement efficiente de chauffage et de refroidissement. RNCan voudrait que nous soyions beaucoup plus agressifs à ce sujet au Canada. Nous avons mis sur pied notre coalition pour tenter de copier les États-Unis.

Le sénateur Cochrane: Pourriez-vous me dire comment cela fonctionne?

Le sénateur Spivak: Est-ce à usage industriel ou résidentiel?

M. Staveley: Les deux. Il s'agit simplement d'une boucle placée dans un puits, une rivière ou le sol, verticalement ou horizontalement, afin d'en extraire le chaud ou le froid, selon ce qu'on veut faire: réchauffer ou refroidir.

La pompe extrait la chaleur naturelle du sol, ou le froid, pour la faire circuler dans la maison. Dans certains cas, cela permet de réduire les coûts dans une proportion pouvant atteindre 80 p. 100. Cela réduit incontestablement l'utilisation d'énergie. En Suisse, 80 p. 100 à 90 p. 100 des maisons utilisent cette technologie. En Suède, le pourcentage est aussi très élevé, même si l'on n'atteint pas ce niveau-là. C'est une technologie qui est aussi très répandue en Allemagne et dans d'autres pays d'Europe. Aux États-Unis, elle se répand très rapidement. Au Canada, nous en sommes à peine au début. De fait, nous avons même du mal à lancer la coalition à cause des contraintes de financement imposées par RNCan, qui nous encourage pourtant à faire plus. Quoi qu'il en soit, le jour où nous pourrons démarrer, cela contribuera sérieusement à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le sénateur Spivak: Peut-on installer ça dans des maisons existantes?

M. Staveley: Oui, cela peut faire partie d'une rénovation. C'est très efficient sur le plan financier.

Le sénateur Spivak: Vous dites dans votre mémoire, monsieur Staveley, que 50 p. 100 des consommateurs canadiens vivent dans des marchés qui offrent des programmes importants d'efficience énergétique. S'agit-il plus de marchés urbains ou de marchés ruraux?

M. Staveley: C'est réparti assez également, selon la technologie. L'incitatif a plus de valeur dans les régions rurales à cause du coût de transmission de l'électricité. Par exemple, les régions rurales qui ne font pas partie du réseau sont approvisionnées par des centrales au mazout ou au diesel et les consommateurs sont donc fortement incités à changer. Tout dépend de la nature du marché. Il faut l'analyser attentivement pour voir quelle est la technologie de remplacement qui serait le plus efficace. Mes discussions avec B.C. Hydro, par exemple, m'indiquent tous ces programmes sont offerts à tous les consommateurs, de manière générale.

Le sénateur Cochrane: Et à Terre-Neuve?

M. Staveley: Oui, il y a aussi des programmes de ce genre à Terre-Neuve, mais ils ne sont pas aussi développés. Je n'ai aucune hésitation à dire que toutes les utilités publiques se penchent sur ces programmes et essaient sérieusement de préparer des argumentaires solides. Elles savent que les consommateurs s'attendent de plus en plus à avoir accès à ce genre de service et je pense qu'elles tiennent beaucoup à les leur fournir. En revanche, leur rôle n'est pas de subventionner des programmes d'efficience énergétique. Il faut que ces programmes soient justifiés sur le plan économique car il ne faudrait pas que la construction d'une centrale coûte moins cher que la mise en oeuvre d'un programme très dispendieux.

Le sénateur Cochrane: Les consommateurs de Terre-Neuve aimeraient aussi payer moins cher.

M. Staveley: Bien sûr.

Le président: Je voudrais avoir des précisions sur ce que vous avez dit au sénateur Cochrane. Pour reprendre votre expression, je crois comprendre que les programmes ne sont pas très «robustes» à Terre-Neuve. Ils le sont, par contre, en Colombie-Britannique. B.C. Hydro semble être un exemple remarquable de ce que vous disiez, c'est-à-dire: «Ne construisons pas de nouvelles centrales, trouvons de nouvelles manières d'utiliser la technologie existante.» Quelle est la différence? Si j'exploite une utilité publique à Terre-Neuve, pourquoi ne suis-je pas autant incité qu'en Colombie- Britannique à gagner plus d'argent?

M. Staveley: Il faut comprendre que chaque utilité publique fonctionne dans un environnement économique différent. Il y a aussi des règlements à respecter dans chaque province. Je vais prendre le cas de Manitoba Hydro, car je ne connais pas bien celui de Terre-Neuve. Certaines de ces utilités publiques cherchent des possibilités d'exportation, lesquelles sont excellentes en Colombie-Britannique, au Manitoba et au Québec. En revanche, elles ne le sont pas à Terre-Neuve. Cela est intégré aux calculs économiques et influe sur les décisions ultimes. Voilà donc un facteur qu'il faut prendre en considération, et il y en a beaucoup d'autres.

Le président: Si cela ne vous dérange pas, nous vous enverrons peut-être d'autres questions en vous demandant d'y répondre par écrit. J'espère que vous n'y voyez pas d'inconvénient. Vous pourrez envoyer vos réponses au greffier du comité.

M. Konow: J'en serais très heureux.

Le président: Nous avons tous beaucoup de questions à poser mais, hélas, nous avons aussi d'autres témoins à entendre.

Le sénateur Christensen: Je vais vous poser une question en vous demandant d'y répondre par écrit, étant donné qu'il ne nous reste pas de temps.

Je suis peut-être moins au courant de ce sujet que je ne devrais l'être car cela fait 20 ans que je ne m'occupe plus du secteur de l'énergie. Autrefois, les pertes de ligne étaient un gros problème pour les sociétés de transmission d'électricité, surtout sur les grandes distances. Quand il faut desservir une collectivité rurale, l'électricité doit être transportée sur de longues distances et il y a beaucoup de pertes de ligne.

Qu'est-ce que cela représente aujourd'hui, par rapport à la production? Qu'a-t-on fait pour réduire ces pertes? Quels sont les plans des sociétés pour utiliser d'autres sources d'énergie dans les régions rurales, comme l'énergie éolienne, l'énergie solaire ou des mini-centrales? Pourriez-vous répondre à ces questions par écrit?

M. Staveley: Avec plaisir.

Le président: Je vous remercie beaucoup de nous avoir communiqué vos rapports, ils nous seront très utiles. Nous vous enverrons d'autres questions par écrit mais, si vous avez d'autres informations à nous communiquer en attendant, n'hésitez pas à nous écrire. Nous sommes très intéressés par ce que vous pourriez avoir à nous dire.

M. Konow: Je vous remercie à nouveau de nous avoir prêté attention. Quand on parle d'efficience énergétique, le premier critère est toujours le prix, c'est-à-dire le signal que le prix de l'électricité donne au consommateur, quel que soit son marché. Voilà pourquoi le potentiel existant au Canada n'est pas le même qu'en Allemagne, en Suisse ou au Japon, où il y a des coûts élevés ou des prix élevés. Il faut tenir compte de sa propre réalité économique et c'est dans ce contexte que nous essayons de formuler des programmes destinés à offrir des avantages réels au consommateur.

Le président: Pourriez-vous nous dire exactement par écrit, monsieur Staveley, à quoi vous pensez quand vous dites que le Parlement du Canada pourrait intervenir pour faire baisser le prix des compteurs électroniques? Songez-vous à une subvention directe, à une incitation fiscale ou à autre chose?

Pourriez-vous nous dire également par écrit quels obstacles ont été causés par le gouvernement du Canada, ou par ses ministères ou agences, dans les négociations dont vous avez parlé?

Nous accueillons maintenant des représentants de la Chambre de commerce du Canada et du Conseil canadien des chefs d'entreprise.

M. Michael Murphy, vice-président principal, Politiques, Chambre de commerce du Canada: C'est un plaisir de revenir ce matin devant votre comité, monsieur le président. Je crois que tout le monde a reçu un exemplaire du mémoire que nous avons préparé. Au lieu de le lire, je vais passer en revue les diapositives que nous avons préparées, après quoi nous pourrons répondre à vos questions.

Notre exposé contient beaucoup d'informations générales qu'il n'est pas nécessaire de mentionner maintenant. Je passe tout de suite à la troisième diapositive qui établit le contexte général du débat dans lequel nous sommes maintenant engagés suite à la ratification. Nous y indiquons ce qui s'est passé au sujet des émissions depuis une dizaine d'années, ce qui s'est passé sur le plan de la croissance économique, facteur qui est certainement très important pour la Chambre de commerce, et ce qui s'est passé du point de vue de la consommation canadienne et des paramètres démographiques.

À la quatrième diapositive, nous formulons le défi auquel nous sommes confrontés, en comparant les objectifs visés à ce que nous faisons actuellement, et nous indiquons que l'on s'attend à une réduction de 30 p. 100 des émissions prévues d'ici à 2010, soit l'année intermédiaire de la première période, ce qui représente un écart considérable de 240 millions de tonnes que nous allons devoir faire sortir du système d'une manière ou d'une autre. Ce qui nous inquiète, c'est que nous n'avons aucune stratégie pour y arriver.

À la page 5, nous indiquons ce que l'industrie a déjà fait jusqu'à maintenant par rapport au programme de Kyoto. Il s'agit donc d'efficience énergétique et de réduction des émissions de GES, ce dont s'occupent les entreprises depuis de nombreuses années. Pour ce qui est de la participation au PEEIC, Programme d'économies d'énergie dans l'industrie canadienne, et au MVR — on vous a sans doute déjà parlé de ce programme — le PEEIC est le programme que la Chambre de commerce du Canada applique vigoureusement depuis plusieurs années. L'un de mes collègues fait partie du groupe de travail général du secteur manufacturier du PEEIC depuis plusieurs années. Ce qu'il faut souligner, en ce qui concerne le travail des entreprises participant au PEEIC, c'est qu'elles ont atteint en moyenne 2,4 p. 100 de réduction des émissions pendant cette période. Si l'on renverse cette proposition, on peut dire que, sans le programme, les émissions de GES auraient été de 27 p. 100 supérieures à ce qu'elles étaient en 2000. Cela représente donc une contribution importante.

À la page 6, j'indique que notre organisation a collaboré avec RNCan pour le PEEIC. Nous avons soulevé cette question lors de notre assemblée annuelle l'an dernier, où nous en avons discuté en détail, car le Comité de l'environnement de la Chambre estimait qu'il était important que les délégués appuient le concept de participation accrue de la Chambre et de ses membres.

Nous travaillons aussi avec les autres chambres de commerce du pays, et je précise que nous en avons entre 350 à 400 parmi nos membres. Les choses ont débuté à la Chambre de commerce de Hamilton dans le cadre d'un projet pilote pour les PME. Il faut dire que les PME posent des problèmes particuliers dans la mesure où elles représentent une proportion énorme de notre économie et qu'il est difficile de les faire participer au processus — mais c'est un défi que nous avons l'intention de relever.

À la page 7 de notre mémoire, je mentionne certains des obstacles que rencontre l'industrie. Je parle des «fruits les plus bas» pour dire que bon nombre des mesures des plus rentables que peuvent prendre les entreprises, dans la structure de coût actuelle, l'ont déjà été. Les entreprises ne sont pas restées inactives. Ce qui devient crucial aujourd'hui, pour aller plus loin, c'est le problème du remplacement de l'infrastructure, c'est-à-dire la nécessité d'amortir des investissements qui ont été faits de bonne foi et qu'on ne peut pas purement et simplement abandonner.

À la page 8, je parle de nos préoccupations au sujet du plan du gouvernement. En novembre, quand le document est sorti, on n'y parlait pas du fossé de Kyoto. On reconnaissait que tout n'avait pas été réglé et qu'il y avait encore 60 mégatonnes dont il faudrait s'occuper.

L'un des grands problèmes est que nous parlons de cela depuis un certain temps mais que nous ne sommes maintenant qu'à cinq ans de la période d'engagement initiale.

Le problème est particulièrement grave pour les grandes sources d'émissions industrielles. Je suis sûr que les divers secteurs industriels vous en ont déjà parlé. Quelle est la situation de ceux qui sont à l'extérieur et dans quelle mesure le plan existant est-il solide et robuste en ce qui concerne les autres engagements qui devront être pris?

Je mentionne brièvement à la page 9 que nous n'avons pas 10 ans pour nous préparer. On a beaucoup dit, l'automne dernier, que nous avions une marge de 10 ans pour dresser un plan d'action. C'était l'automne de 2002 et la période d'engagement allait jusqu'en 2012. Toutefois, ce calcul est faux car, en réalité, l'engagement qui a été pris exige que des mesures fermes soient mises en oeuvre chaque année durant cette période de cinq ans, et toute année de retard ne fait qu'aggraver les difficultés.

J'indique aussi à la page 10 que plusieurs secteurs industriels ont déjà apporté des changements à leurs méthodes en utilisant de nouvelles technologies et que la question maintenant est de savoir ce qu'il faudra faire pour atteindre les objectifs prévus durant la période d'engagement. Dans bien des cas, le défi sera considérable. Je parle aussi des nombreuses initiatives qui font déjà l'objet de projets pilotes, par exemple les cellules à hydrogène. Il y a aussi un certain nombre d'entreprises qui envisagent des projets pilotes concernant, par exemple, la technologie du charbon propre et le secteur de l'électricité.

À la page 11, je parle du taux de roulement des investissements. C'est un facteur absolument fondamental pour toute entreprise. Les secteurs dont nous parlons ont tendance à exiger de gros investissements dans des installations lourdes, avec des périodes d'amortissement calculées à l'avance, et c'est un facteur crucial quand on parle de remplacement.

Aux diapositives 12 et 13, j'aborde très brièvement notre réalité, qui est essentiellement que, dans le contexte nord- américain, nous sommes le seul pays à avoir pris un engagement à l'égard de Kyoto. Je parle un peu ici de ce que font les Américains.

Je passe maintenant au fait que la relation entre le Canada et les États-Unis est extrêmement importante dans le contexte de Kyoto. Vous connaissez tous les paramètres de notre relation commerciale, je n'ai pas besoin d'en parler.

Il y a eu beaucoup de discussions au sein des entreprises et du gouvernement sur les choses qui pourraient se faire en matière de consommation d'énergie si le monde des affaires y trouve un intérêt évident, ce qui est le cas. Que pouvons- nous faire pour coopérer avec les Américains? Nous le faisons déjà dans de nombreux domaines et il n'y a aucune raison de ne pas le faire dans celui-ci.

À partir de la page 14, les dernières diapositives portent sur les projets d'avenir. Dans le monde des affaires, et dans une organisation comme la nôtre dont tous les membres sont touchés par cette question, il y a des thèmes qui intéressent tout le monde. Chaque entreprise peut établir ses propres plans mais il y a certaines choses que toutes veulent faire pour aller de l'avant. La première, manifestement, est que nous voulons une approche nationale et un système national de déclaration des émissions. Nous risquerions de faire face à de graves difficultés si la répartition fédérale-provinciale des tâches entraînait des coûts additionnels pour les entreprises.

Dans les dernières diapositives, nous mentionnons les principes fondamentaux de la politique qu'il conviendrait d'adopter. Je ne vous surprendrai pas en disant que la Chambre de commerce du Canada est en faveur d'une stimulation de la croissance et de la concurrence, de manière générale, choses qui occupent l'essentiel de ma réflexion chaque jour. Nous sommes d'accord pour qu'on établisse des objectifs réalistes en matière d'émissions de GES dans le secteur industriel, et pas seulement pour les sources importantes d'émissions industrielles. Cela dit, vous savez aussi que les gens d'affaires n'aiment pas l'incertitude, alors que c'est précisément ce qui caractérise encore cette politique. Cela fait partie du problème global et cela doit changer.

Je souligne ici qu'il est crucial de faire des investissements dans la nouvelle technologie. En fin de compte, le vrai problème de réduction des émissions de GES réside dans la technologie. C'est aussi une question d'échéanciers, d'investissement et de prise de mesures adéquates tout en préservant la solidité de nos entreprises et la compétitivité de notre économie.

Il va sans dire que le gouvernement doit établir un cadre efficace pour des ententes avec l'industrie. Notre principale préoccupation à ce sujet est qu'il n'existe pas de règles fondamentales pour obtenir un minimum de certitude d'un point de vue fédéral-provincial.

À la page 16, j'aborde des questions de gouvernance. On a beaucoup parlé de la manière dont le gouvernement fédéral s'est organisé pour faire face au problème de Kyoto mais il y a encore beaucoup d'inquiétude à cet égard dans le monde des affaires.

Il faudra à l'évidence fournir des incitatifs aux entreprises lorsqu'elles voudront dresser des plans, afin de choisir la meilleure démarche pour décider de faire des dépenses importantes.

J'ai déjà parlé des difficultés que nous pose le plan actuel, et de la nécessité cruciale d'agir en collaboration avec les provinces étant donné qu'il s'agit ici, comme je le dis à la page 17, d'un problème national et non pas régional, ce dont on a parlé durant la période qui a précédé l'annonce de la ratification en décembre.

Bien des gens doutent que nous puissions atteindre nos objectifs au moyen des mesures identifiées dans ce document. Le principe fondamental consisterait à utiliser un système d'achat et de vente de crédits d'émissions pour permettre aux grandes sources de faire du rattrapage. D'un point de vue général, cependant, nous doutons qu'il soit possible d'atteindre les 55 mégatonnes qui manquent. Allez-vous donc imposer une taxe sur les sources importantes d'émissions, afin d'atteindre cet objectif? Au fond, c'est ce que cela veut dire.

La dernière diapositive traite de questions touchant la chaîne d'approvisionnement. Beaucoup de facteurs doivent être pris en considération par les divers secteurs industriels, qui doivent faire face à leurs propres problèmes, mais quel effet un changement dans la production d'acier ou d'aluminium aura-t-il sur les acheteurs qui se trouvent au bout de la chaîne?

À nos yeux, il est évident que l'on doit discuter du changement climatique dans le contexte de tous nos autres objectifs économiques nationaux. Je ne pense pas que l'on puisse traiter de cette question séparément des autres. Cela aussi devrait être un principe général.

M. John Dillon, vice-président, Politiques et conseiller juridique, Conseil canadien des chefs d'entreprise: Bonjour, honorables sénateurs. Je suis très heureux de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui. Comme M. Murphy, j'ai préparé une série de diapositives mais je n'ai pas l'intention de les expliquer toutes en détail. Comme vous pouvez l'imaginer, nos positions sont assez communes.

Je veux parler d'abord de la troisième diapositive, qui contient des informations que vous connaissez certainement déjà. Mon objectif est simplement de rappeler quelles sont les grandes sources d'émissions de GES au Canada et quels sont les secteurs où la croissance est la plus rapide. Évidemment, suite à l'expansion considérable du secteur pétrolier depuis 1990, avec les sables bitumineux, l'exploitation de bassins du Grand Nord et au large de la côte Est, et avec de grands projets de développement jusqu'en 2010, ce secteur est celui qui connaît la plus forte croissance, même si toutes ces industries, notamment les sables bitumineux, ont déjà fait des progrès considérables pour réduire les émissions par baril de pétrole.

L'autre secteur important est celui du transport. Ici, nous constatons que les véhicules deviennent chaque année de plus en plus efficients mais qu'il y en a chaque année de plus en plus sur nos routes parce que notre population augmente, et que les distances sont de plus en plus longues. Il est intéressant de constater que le secteur industriel, et M. Murphy a déjà mentionné les progrès qu'il a réalisés, est l'un de ceux dont la croissance est la plus faible au Canada.

Dans la diapositive suivante, je rappelle ce que le gouvernement fédéral nous a dit, dans son plan de mise en oeuvre de novembre dernier, au sujet de ses prévisions en matière d'émissions à l'étape intermédiaire de la période d'engagement, et de ce que sera le fossé à combler. Autrement dit, il y a 55 millions de donnes de ce qu'on appelle les grandes sources d'émissions industrielles, et diverses mesures ont été proposées à leur sujet. Il y a cependant encore 60 mégatonnes qui ne sont pas prises en compte, comme l'a dit M. Murphy.

Ceci m'amène à la cinquième diapositive qui concerne les grands défis que notre pays doit relever. On envisage une réduction de 30 p. 100 des émissions globales dans un délai relativement bref. Cela exigera des gains d'efficience trois ou quatre fois supérieurs à ceux que nous avons déjà réalisés dans le passé, notamment dans les années 70, lorsque les prix du pétrole ont brutalement augmenté.

Par rapport aux autres pays, cet objectif est très ambitieux car l'économie canadienne connaît un taux de croissance plus élevé que la plupart des autres pays de l'OCDE, ce qui est aussi le cas de notre croissance démographique. L'exportation de biens à forte intensité d'énergie reste une source importante de nouveaux emplois, de recettes pour le gouvernement et de prospérité générale pour le Canada. À la différence de nombreux autres pays d'Europe qui ont aussi des objectifs à atteindre, le Canada est en fait un gros exportateur net d'énergie.

M. Murphy parlait plus tôt du plan concernant les grands émetteurs industriels. Alors que certains détails ont été divulgués à la fin de l'an dernier, on est resté très préoccupé à la fin de l'automne et jusqu'en décembre par les nombreux secteurs d'incertitude. Le ministre Dhaliwal, des Ressources naturelles, a publié une lettre donnant certaines précisions en ce qui concerne notamment le secteur du pétrole et du gaz naturel, limitant la réduction qui serait demandée à ce secteur et offrant une protection de 15 $ la tonne, mais il y a encore beaucoup d'autres détails à préciser.

Le reste du plan fédéral est résumé à la page 7, l'élément crucial étant ici que, même s'il y a eu plusieurs investissements pendant plusieurs années, notamment la somme de 1,7 milliard de dollars annoncée par le gouvernement fédéral dans le budget de février, la vraie question qui se pose est de savoir ce que l'on a déjà accompli par les mesures existantes et combien il reste à faire pour combler l'écart ultime. Les entreprises ont déjà pris des mesures et s'efforcent depuis de nombreuses années d'améliorer leur efficience, tout simplement parce que c'est rentable pour celles qui utilisent beaucoup d'énergie. Le vrai problème, à bien des égards, étant donné qu'il s'agit ici d'un objectif national, est de savoir comment nous pourrons apporter les changements requis et faire participer les consommateurs. Il n'est pas clair dans notre esprit que le gouvernement ait vraiment pris les mesures nécessaires pour attirer les consommateurs dans le plan et pour les amener à changer fondamentalement la manière dont ils utilisent l'énergie.

Le plan que nous avons vu l'an dernier, même s'il a fallu beaucoup de temps au gouvernement pour le préparer, ne contient que des objectifs généraux. On va demander aux Canadiens de réduire leur consommation d'énergie de 20 p. 100 et leur utilisation des automobiles de 10 p. 100 mais on voit mal comment cela pourra se faire.

J'ai entendu une partie de votre discussion avec les représentants du secteur de l'électricité. Je peux vous dire que je perçois fort peu d'enthousiasme dans le pays pour de nouvelles taxes sur l'énergie ou pour des prix plus élevés des produits énergétiques. Pourtant, sans ce genre de signal, comment les consommateurs feront-ils les changements nécessaires?

Je n'ai pas besoin de vous rappeler que le Canada aura de gros défis à relever pour atteindre son objectif. L'une des choses que les sénateurs ne savent peut-être pas est que le gouvernement prépare une autre projection sur les émissions d'ici à 2010 qui risque de montrer qu'elles sont encore plus élevées que nous le pensions. Quatre estimations différentes ont été formulées depuis la signature de Kyoto en 1997 et, chaque fois, le chiffre était plus élevé. Cette augmentation est reliée à la croissance démographique, à la croissance économique et à l'utilisation de l'énergie, ainsi qu'au fait qu'il est difficile de changer les comportements des gens dans un délai relativement court. En dernière analyse, si le pays dans son ensemble n'atteint pas l'objectif fixé, pensez-vous que la population acceptera que l'on fasse un gros achat de crédits d'émissions à la Russie, qui aura des excédents à revendre?

M. Murphy a fort bien clarifié et précisé les préoccupations du secteur industriel. Je serai donc très bref à ce sujet, que nous abordons aux pages 9 et 10 de mon exposé. Il est absolument essentiel d'entreprendre des discussions avec les gouvernements pour préciser les objectifs proposés pour les grands secteurs industriels. Il importe aussi que ces objectifs soient logiquement reliés à ce qui est techniquement et économiquement possible dans ces secteurs. Il importe de tenir compte du fait que certaines industries ont déjà pris des mesures importantes depuis 1990 en réponse aux programmes volontaires et gouvernementaux évoqués par M. Murphy. Il est essentiel que cela se fasse dans un contexte fédéral-provincial harmonisé. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral engage des négociations sectorielles sans y faire participer les provinces, ce qui n'est certainement pas la recette que préfèrent les milieux d'affaires. Il est indispensable, comme l'a dit M. Murphy, d'instaurer un système national de rapport qui soit simple. Nous avons besoin d'une plus grande certitude en ce qui concerne les politiques à long terme et leur incidence. Bon nombre des industries dont nous parlons sont des industries à forte intensité de capital qui lancent des projets d'investissement à long terme. Elles auront donc besoin que les gouvernements prennent des engagements à l'égard de leurs politiques, qu'ils rationalisent leur réglementation et qu'ils éliminent les obstacles aux mesures qu'elles voudraient prendre.

Ces ententes doivent viser à rendre les industries aussi efficientes que possibles. Le gouvernement hollandais a signé des pactes avec ses propres industries en ce qui concerne les gaz à effet de serre. Il leur a dit très clairement que, si elles font partie des 10 p. 100 supérieurs à l'échelle mondiale, c'est tout ce qu'il leur demandera de faire. Si des mesures additionnelles sont nécessaires pour atteindre l'objectif hollandais, le gouvernement obtiendra des crédits et n'imposera pas de nouvelles mesures aux industries. Voilà le genre de chose dont nous avons besoin au Canada.

À la page 11, je dis que nous avons besoin d'une harmonisation fédérale-provinciale pour cette approche. Il y a aussi beaucoup à faire au palier municipal. Il est clair en effet que les municipalités ont certaines responsabilités en ce qui concerne les ressources, les transports, l'urbanisme et le traitement des déchets, ce qui va largement au-delà de ce que le gouvernement fédéral peut faire à lui seul.

À l'échelle internationale, je suis sûr que vous le savez, l'une de nos grandes préoccupations est que les États-Unis se sont engagés dans une voie différente de la nôtre en ce qui concerne le changement climatique. Bien que l'on ait prêté beaucoup attention au fait qu'ils n'aient pas ratifié le Protocole de Kyoto et qu'ils se soient fixé un objectif différent, il est intéressant de constater qu'ils sont très fortement axés sur la nouvelle technologie à plus long terme. C'est là une donnée cruciale, comme M. Murphy l'a déjà indiqué.

Avec les États-Unis et l'Australie en dehors du système, et comme les pays en développement ne prennent pas d'engagement pour le moment, Kyoto ne porte que sur 30 p. 100 à 35 p. 100 environ des émissions mondiales. Nous n'avons pas de solution à long terme. Les échéanciers de négociation de nouvelles ententes et de nouveaux objectifs pour 2012 et au-delà approchent très rapidement, puisque c'est 2005. On ne saisit pas aujourd'hui quelle est la stratégie de notre gouvernement à long terme pour y faire face.

Au sujet de la treizième diapositive, on entend beaucoup de belles paroles en Europe mais je tiens à signaler quelque chose en ce qui concerne la manière dont le fardeau sera partagé au sein de l'Union européenne. En effet, bon nombre de pays européens ont des objectifs très différents, et relativement peu font des progrès satisfaisants.

Une bonne partie des efforts de l'Union européenne dépendra de la réduction des émissions au Royaume-Uni et en Allemagne, pour deux grandes raisons. Premièrement, le Royaume-Uni a largement remplacé sa production d'électricité au charbon par une production au gaz naturel et, deuxièmement, l'industrie de l'Allemagne de l'Est a essentiellement fermé ses portes après la réunification. Cela offre des avantages considérables. Les autres pays se sont fixé des objectifs fort généreux mais ils ne font pas grand-chose pour les atteindre. Cela dit, la question n'est pas de savoir qui agit bien ou qui agit mal mais plutôt de trouver une stratégie pour le long terme.

Je termine avec deux diapositives qui nous semblent absolument cruciale pour l'avenir. Il est évident qu'il faut envisager tout cela à long terme. Autrement dit, il nous faut une stratégie garantissant le maintien de l'innovation et du développement technologique au Canada, non seulement parce que nous avons des technologies importantes, comme les cellules à hydrogène et la capture et l'entreposage du carbone, que nous pouvons adopter ici, mais aussi parce que nous devons adopter beaucoup de technologies qui sont mises au point ailleurs. Nous devrons commercialiser beaucoup de technologies qui seront mises au point et réfléchir à une stratégie à long terme à ce sujet. Comme je l'ai déjà dit, il nous faut des objectifs réalistes pour l'industrie. Celle-ci veut être efficiente mais, si c'est le cas, notre but doit être d'améliorer en même temps notre compétitivité et notre performance sur les GES.

Finalement, il faut mobiliser les consommateurs pour les faire participer vraiment aux changements qui sont nécessaires à long terme. Cela veut dire qu'il faudra effectuer des investissements sérieux dans des choses telles que les transports publics. Ces choses ne sont pas faciles à faire et plusieurs facteurs autres que le changement climatique, comme les embouteillages et la qualité de l'air, font que ces investissements sont nécessaires. Nous avons besoin d'une vraie stratégie nationale pour toutes ces questions.

Le Canada se doit d'être proactif pour tenter de ramener les États-Unis dans une stratégie à long terme. Nous devons jouer un rôle pour accélérer le développement technologique dans les pays en développement. En fin de compte, nous ne pourrons les convaincre de participer aux efforts sur le changement climatique que si nous pouvons leur démontrer que cela contribue aussi à la croissance économique, à la réduction des émissions et à la compétitivité. Il faut que tous ces pays fassent partie d'une vraie stratégie à long terme. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: J'ai lu votre rapport, monsieur Dillon, où vous indiquez clairement que nous devrions revoir toutes ces questions et, en fait, revoir notre plan. Je ne pense pas que ça se fera.

Quand vous parlez d'une stratégie à long terme, voulez-vous dire que nous avons simplement besoin de plus de temps pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés? Ne serait-ce pas là la plus simple manière de reformuler ce que vous avez dit?

M. Dillon: Comme plusieurs autres organisations, nous avons avancé des idées en 2002 au sujet d'une autre solution que Kyoto. Évidemment, elles n'ont pas été retenues, comme vous venez de l'indiquer. Nous sommes donc maintenant engagés à formuler un plan de mise en oeuvre efficace.

Je n'ai pas de solution miracle, et le monde des affaires non plus, qui nous permettrait d'atteindre très rapidement nos objectifs. Je sais toutefois que le Canada, pas plus que le monde, ne pourra régler le problème des gaz à effet de serre sans des changements technologiques profonds qui rejetteront aux oubliettes ce que nous avons aujourd'hui, afin d'obtenir beaucoup d'énergie de sources à teneur faible ou nulle en carbone. Il pourrait s'agir d'énergie éolienne, d'énergie solaire, d'énergie marémotrice, de cellules à hydrogène ou de toute une gamme de nouvelles technologies. Les témoins qui nous ont précédés vous ont probablement parlé de l'extraction du carbone de la production d'électricité pour l'entreposer dans des puits ou s'en servir pour la récupération du pétrole. Il y a beaucoup de choses que l'on peut faire. Toutes les nouvelles technologies, même les cellules à hydrogène pour les véhicules, ne seront pas généralisées avant un certain temps. Les fabricants d'automobiles vous diront qu'il faudra encore beaucoup d'années pour voir une production de masse de véhicules propulsés à l'hydrogène.

Voilà les changements dont nous aurons besoin mais la plupart d'entre eux ne tombent pas dans la période d'engagement de Kyoto et c'est ça le problème. Il ne fait cependant aucun doute que tous seront absolument essentiels si l'on veut vraiment changer les choses — réduire les émissions pas seulement du Canada mais du monde entier.

Le sénateur Christensen: Vous avez tous les deux parlé d'amener les États-Unis dans le cadre de Kyoto. Pourtant, de nombreux témoins nous disent que, même si les États-Unis n'ont pas ratifié Kyoto, les États eux-mêmes lancent de grosses campagnes de réduction des émissions et de mise en oeuvre de nouvelles technologies — et qu'ils sont en fait en avance sur le Canada du point de vue de l'efficience énergétique. En fait, c'est nous qui devrons faire du rattrapage.

Est-ce que cela ne montre pas que nous devrons faire beaucoup plus pour rester compétitifs?

M. Dillon: Il y a deux volets à votre question. Tout d'abord, les États-Unis font-ils quelque chose? Absolument. Je ne suis pas prêt à critiquer l'administration Bush et les États-Unis pour ce qu'ils font sur le problème du changement climatique. Il ne fait aucun doute qu'ils passeront à l'action à longue échéance.

Certains États prennent déjà des mesures importantes. Je crois comprendre que la plupart portent sur la production d'électricité dans des centrales au charbon. Il ne faut pas oublier que les États-Unis produisent beaucoup d'électricité à partir du charbon. Or, je crois que 35 p. 100 à 40 p. 100 des émissions de GES des États-Unis proviennent de l'électricité produite au charbon. Au Canada, c'est 15 p. 100, sinon moins.

La plupart des États qui prennent des mesures concrètes agissent sur la production d'électricité au charbon. Cela s'explique à la fois pour des raisons reliées au changement climatique et, ce qui est probablement encore plus important, pour des raisons de qualité de l'air dans leurs communautés. Voilà la réalité.

Je n'ai pas vu — il y en a peut-être des exemples mais ils ne portent pas sur l'ensemble des États-Unis — de plans de contrôle des GES touchant tout à la fois l'acier, les produits forestiers, les produits chimiques et tout l'éventail d'industries dont nous voulons nous occuper ici, au Canada, pour protéger leur compétitivité. Cela ne se fait pas, à ma connaissance.

Pour ce qui est maintenant de la technologie et de la question de savoir si nous devrons faire du rattrapage, je ne doute aucunement que les États-Unis continueront à produire beaucoup de technologie nécessaire pour réduire les gaz à effet de serre. Cela se fera quelle que soit la position du gouvernement fédéral ou des États. Cela a toujours été le cas des technologies utilisées par les industries. Les États-Unis en sont une source cruciale, comme l'Allemagne et le Japon.

Le gouvernement américain en est conscient et sait qu'il y a des avantages à stimuler ces développements technologiques à long terme. Comme je l'ai dit, beaucoup de nos secteurs sont importateurs de technologies et, malheureusement, cette situation n'est pas près de changer. Cela nous préoccupe beaucoup.

Le sénateur Christensen: Certaines de nos grandes entreprises, comme Shell et BP, estiment que c'est une opportunité. C'est aussi l'opinion d'autres compagnies pétrolières. Les ressources en pétrole sont limitées et il arrivera un jour où nous n'en aurons plus. Toutes ces grandes compagnies d'énergie se retrouveront sur le carreau si elles ne sont pas à la pointe des technologies de remplacement. C'est donc là une occasion exceptionnelle qui leur est offerte d'agir pour faire face à cette nouvelle situation quand nous commencerons à nous sevrer du pétrole.

M. Murphy: Vous avez parfaitement raison. Prenons le cas des compagnies d'électricité qui produisent de l'énergie au moyen du charbon mais qui investissent aujourd'hui dans des technologies de charbon propre et même d'énergie éolienne. TransAlta en est un exemple et il y en a beaucoup d'autres. Ce qui compte, c'est le contexte dans lequel on prend la décision.

C'est un peu la même question que pour les États-Unis: pourquoi ont-ils refusé Kyoto? Au fond, il faut faire une distinction entre la mise en oeuvre de Kyoto et l'adoption de mesures contre les émissions de GES. Il peut s'agir de deux choses complètement séparées.

On fait beaucoup de choses dans les deux pays à ce sujet mais la position des États-Unis est qu'ils ne pensent pas que cela puisse se faire sans causer un tort considérable à leur économie. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'ils ne feront pas face au problème. On peut dire la même du Canada.

On peut dire aussi la même chose des compagnies individuelles. Chaque firme doit prendre ses propres décisions sur la manière dont elle investit son capital. Nous ne sommes pas tous dans le même bateau mais, pour ce qui est de cette décision, et si l'on considère les exemples que vous avez utilisés, tout le monde peut prendre ce type d'engagement en disant: «Oui, c'est ce que je vais faire. Ça correspond à ma structure de coûts et au remplacement des investissements que j'ai déjà effectués.» Chaque compagnie peut toujours prendre cette décision individuellement. Pour nous, la question est de savoir si nous pouvons mettre ce plan en application, de manière générale, sans causer un tort considérable à notre économie. Nous ne le pensons pas mais chaque firme peut prendre ses propres décisions à ce sujet.

Le sénateur Spivak: D'après vous, quel est le principal obstacle à Kyoto? Au fait, je ne pense pas que Kyoto soit la bonne réponse au problème — c'est simplement un très petit pas en avant. Est-ce que c'est l'échéancier qui constitue le plus gros obstacle? Sinon, est-ce le fait que certaines entreprises, grandes ou petites, n'ont pas encore pris conscience du problème?

Voyez-vous ce que je veux dire? La nécessité est mère de l'invention. Vous parliez tout à l'heure de la Californie, qui a fait ce qu'elle devait faire parce que l'air y était devenu irrespirable. Et il se trouve que cela ne lui a rien coûté, au contraire. Quel est donc, d'après vous, le plus gros obstacle à surmonter?

M. Dillon: Je vais vous donner mon avis et M. Murphy vous donnera le sien. À mon sens, il y a deux éléments fondamentaux. Le premier est l'échéancier. Ces choses-là prendront du temps. On investit actuellement des milliards de dollars au Canada et dans d'autres pays pour mettre au point de nouvelles technologies, comme les cellules à hydrogène, le charbon propre, l'énergie éolienne ou l'énergie solaire.

L'énergie solaire existe depuis les pénuries d'énergie des années 70. Or, au Canada, nous n'avons pas fait grand- chose pour en tirer parti. Ça coûte encore très cher. Pourtant, c'est généralement le genre d'échéancier qu'il faut envisager.

Je suis sûr que vous avez parlé à des constructeurs d'automobiles, qui investissent des milliards de dollars mais ne s'attendent pas à avoir des véhicules à hydrogène en production de masse avant 15 ou 20 ans. Je pense que c'est l'échéancier qu'ils envisagent mais vous pouvez le vérifier directement. L'échéancier est absolument crucial car on parle de technologies qu'il faut mettre au point, qu'il faut payer et qu'il faut ensuite distribuer dans le monde entier.

Deuxièmement, je ne pense pas qu'il y ait un problème d'attitude de la part des entreprises. Je le répète, les entrepreneurs sont très conscients de l'efficience énergétique. Cela fait partie de leurs paramètres quotidiens. En revanche, la réalité est un peu différente pour les consommateurs car, pour eux, il faudrait faire de gros investissements de départ.

Vous parliez plus tôt d'électricité et de pompes à chaleur. Pour quelqu'un qui a déjà un système de chauffage chez lui, ce changement constitue une grosse dépense. Les chiffres montrent que c'est rentable au bout de plusieurs années mais c'est quand même une grosse dépense à faire quand on a des ressources limitées.

On voit apparaître chaque année, de nouveaux véhicules et de nouvelles machines plus efficientes du point de vue énergétique. Toutefois, la réalité est que la plupart des Canadiens n'ont pas le capital nécessaire pour investir dans ces choses-là si l'échéance de remboursement par les économies d'énergie est de 15 ans.

Le sénateur Spivak: Que pensez-vous des mesures volontaires par rapport aux mesures obligatoires? Par exemple, nous possédons déjà la technologie nécessaire pour améliorer considérablement l'efficience des véhicules, ce qui pourrait entraîner une forte réduction des émissions de GES. Par contre, il faudrait obliger les fabricants à s'en servir pour qu'ils réagissent. Or, il existe des exemptions pour des véhicules comme les VUS et les camions. Je veux dire qu'il y a des choses qu'on pourrait faire rapidement si elles étaient imposées. Que pensez-vous de cette idée, par rapport à votre programme volontaire qui, au fait, n'a pas très bien marché?

M. Dillon: Je ne suis pas sûr qu'une solution aussi simple soit possible. L'exemple des véhicules est utile mais ça ne suffit pas, il faut tenir compte de toute l'industrie. La réalité est que les consommateurs achètent leurs véhicules en fonction de nombreux critères différents, comme la sécurité, la performance, le confort et l'espace.

Le sénateur Spivak: Ces éléments n'ont rien à voir avec l'efficience énergétique.

M. Dillon: Bien sûr, mais les fabricants vous diront qu'il est difficile d'intégrer tous ces éléments. L'efficience des véhicules s'améliore chaque année mais il est difficile de faire des progrès considérables d'un seul coup parce qu'il y a des besoins différents à satisfaire.

En fin de compte, la question est de savoir si le consommateur est prêt à payer le prix. Il existe des appareils ménagers efficients sur le marché et, quand j'ai changé ma fournaise, il y a quelques années, la différence de prix entre une fournaise très efficiente et une fournaise d'efficience moyenne était d'environ 800 $. Le vendeur lui-même essayait de me convaincre que la fournaise d'efficience intermédiaire constituait un meilleur achat parce que les économies d'énergie étaient relativement minces par rapport à la différence de prix. Voilà la réalité dont les consommateurs doivent tenir compte quand ils veulent faire leurs achats.

Le président: Un autre élément de cette réalité est qu'il faut convaincre le consommateur des avantages non financiers de sa décision.

M. Dillon: Absolument.

Le président: Nous aimerions tous pouvoir économiser quelques dollars sur le chauffage dans les prochaines années. Les choses vont s'améliorer.

M. Dillon: Le gouvernement met en oeuvre depuis des années des programmes d'éducation pour essayer de convaincre le consommateur qu'il finira par économiser de l'argent et qu'il contribuera à améliorer l'environnement. Certaines personnes sont sensibles à ces arguments mais, dans la plupart des cas, les gens finissent par décider en fonction du prix. À une époque, les fabricants d'appareils ménagers ou de véhicules ne plaçaient pas de grosses étiquettes sur leurs produits pour vanter leur efficience énergétique parce que la plupart des consommateurs ne semblaient pas particulièrement intéressés. C'est peut-être en train de changer. Espérons-le.

Le président: Cela ne change pas assez vite et vous avez tout à fait raison de dire que nous aurons échoué si nous ne parvenons pas à convaincre les consommateurs. C'est absolument la clé de toute cette question.

Le sénateur Cochrane: Puisque vous parlez de prix, pourriez-vous nous donner une idée du coût d'installation d'une pompe à chaleur dans une maison?

M. Dillon: Ce n'est pas à nous qu'il faut poser cette question. Il ne suffit pas d'installer l'équipement, il faut aussi tenir compte des aménagements à faire à l'extérieur, comme enterrer les tuyaux en dessous de la ligne de gel. Tout cela représente une grosse dépense de départ. Les frais d'exploitation baissent considérablement après l'installation, mais je ne saurais vous donner de chiffre exact.

Le sénateur Cochrane: C'est toujours la même chose, l'installation coûte toujours plus cher que l'équipement lui- même.

Le sénateur Cook: Les pompes à chaleur ne coûtent pas si cher que ça. Elles permettent de faire des économies à long terme, mais il faut réussir à convaincre le public. Nous devrions faire beaucoup plus pour éduquer le consommateur.

M. Murphy: Pour ce qui est des engagements dont nous avons discuté au sujet de Kyoto, les hypothèses relatives à la répartition du fardeau seront clairement énoncées dans les plans du gouvernement. Comme l'a dit M. Dillon, il est important de modifier le comportement des consommateurs, pas seulement en ce qui concerne leurs maisons mais aussi au sujet des infrastructures urbaines, par exemple pour le transport public. Même si les villes font les investissements nécessaires, il faut encore que les gens utilisent les systèmes.

Toutes ces choses sont difficiles à analyser, même s'il est clair qu'elles font partie de la solution ultime.

Le sénateur Buchanan: Je voudrais avoir d'autres précisions sur votre diapositive concernant les résultats en Europe. Je vois deux colonnes, intitulées «Objectif» et «Objectif atteint». Il n'y a cependant rien dans la colonne «Objectif».

M. Dillon: Il s'agit de l'engagement global de l'Union européenne moins huit.

Le sénateur Buchanan: Ce chiffre correspond à quelle année?

M. Dillon: L'objectif est de réduire les émissions de 8 p. 100 par rapport à l'année de base de 1990. La période d'engagement va de 2008 à 2012. Le chiffre provient d'une évaluation de l'Agence européenne pour l'environnement. Je n'ai pas vu les calculs moi-même et j'aurais dû le préciser sur cette diapositive. Elle montre quels ont été les changements d'émissions dans chaque cas entre 1990 et 2000, ce qu'est l'objectif pour 2010 et comment le fardeau global de l'UE sera réparti entre les différents pays — c'est l'objectif différencié. Cela donne un total moins huit pour les 15 membres en tout. Les réductions et objectifs réels pour chaque pays varient considérablement.

Le sénateur Buchanan: Je sais. Il manque un pays.

M. Dillon: Oui, le Luxembourg. Je pense que c'est environ 10 millions de tonnes par an.

Le sénateur Buchanan: Je viens de la Nouvelle-Écosse et, comme vous le savez probablement, 80 p. 100 de notre électricité provient du charbon. Nous étions très inquiets quand on disait que nous devrions réduire notre consommation. Aujourd'hui, ça n'a plus vraiment d'importance parce que nous n'utilisons plus de charbon local. Nous importons du charbon des États-Unis et de Colombie. Il serait bon que nous puissions nous passer totalement de charbon mais ce serait difficile, surtout si l'on tient compte du coût.

La plupart de nos centrales au charbon sont au Cap-Breton et les vents dominants vont d'Ouest en Est. Ce n'est donc pas très important pour nous puisque nos émissions s'en vont sur Terre-Neuve.

M. Murphy: Votre exemple soulève le problème des délais de remplacement de la technologie et de l'infrastructure. Je ne suis pas expert en matière de production d'électricité au charbon et de remplacement du charbon par le gaz naturel mais, si l'infrastructure n'existait pas, ce serait très difficile à faire du point de vue financier, physique et temporel. Voilà donc un autre exemple très clair de ce que nous voulions dire.

Le sénateur Buchanan: Exactement. Notre problème est que nous produisons environ 1 000 mégawatts d'électricité à partir du charbon. D'aucuns disent qu'il serait relativement simple de convertir nos centrales du Cap-Breton au gaz naturel parce que nous en avons beaucoup en haute mer.

Le problème est qu'il n'y a pas de gaz naturel au Cap-Breton. Il y en a dans le détroit de Canso mais les frais d'acheminement seraient extrêmement élevés. Les frais de conversion des centrales du charbon au gaz naturel seraient aussi élevés. En outre, le prix du gaz naturel est aujourd'hui très élevé aussi. Nous ne prévoyons donc pas de changement avant un grand nombre d'années.

Le président: Nous devrons vous faire changer d'opinion, sénateur Buchanan.

Messieurs, certaines questions nous viendront peut-être à l'esprit plus tard, suite à vos exposés. J'espère que nous pourrons vous les communiquer par écrit et que vous accepterez d'y répondre.

M. Dillon: Absolument.

La séance est levée.


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