Délibérations du comité sénatorial permanent
des pêches et des océans
Fascicule 2 - Témoignages du 26 novembre 2002
OTTAWA, le mardi 26 novembre 2002
Le Comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 19 heures pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, les questions relatives aux stocks chevauchants et à l'habitat du poisson.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président: Nous continuons ce soir l'étude, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, des questions relatives aux stocks chevauchants et à l'habitat du poisson.
[Traduction]
Nous entendrons ce soir des témoins du ministère des Pêches et des Océans. Bienvenue, messieurs.
M. Patrick Chamut, sous-ministre adjoint, Gestion des pêches, ministère des Pêches et des Océans: Nous allons discuter ce soir de la surpêche étrangère. Je vais d'abord vous présenter de l'information sur la réglementation des pêches à l'extérieur de la zone des 200 milles. Je vais aussi replacer le problème de la surpêche étrangère dans son contexte actuel. Je vais vous parler de certaines des questions liées au cadre juridique international, ainsi que du rapport récent du Comité permanent des pêches et des océans et de la réponse du gouvernement à ce rapport. Enfin, je vais conclure par quelques commentaires sur la rencontre de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest qui a eu lieu en Espagne en septembre dernier.
Le Canada a compétence pour gérer, conserver et pêcher les stocks de poisson à l'intérieur d'une zone de 200 milles au large de ses côtes, tant du côté de l'Atlantique que du Pacifique.
Sur la côte Est, le problème vient du fait que les Grands Bancs chevauchent cette limite de 200 milles et que les stocks de poisson qui s'y trouvent se déplacent également à l'extérieur de la zone. Ils peuvent alors être capturés par les navires étrangers, qui sont libres de pêcher en haute mer et qui sont dès lors assujettis aux dispositions adoptées par les Nations Unies dans le domaine du droit de la mer.
Si nous voulons gérer efficacement ces stocks, nous ne pouvons pas agir seuls. Nous avons besoin de la coopération internationale pour gérer et réglementer l'exploitation de ces poissons.
L'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, l'OPANO, réglemente les pêches à l'extérieur de la zone des 200 milles. Elle compte des membres de 18 pays, qui collaborent pour la plupart avec l'OPANO pour la gestion et la réglementation de la pêche à l'extérieur de la zone des 200 milles.
L'OPANO fournit des avis scientifiques visant à permettre la réglementation et la bonne gestion des pêches. Son conseil scientifique présente des recommandations sur divers sujets comme l'abondance des stocks et les niveaux d'exploitation durables.
L'OPANO fixe également des mesures de conservation. Elle a le pouvoir de réglementer la taille de l'équipement pouvant être utilisé pour la pêche. Elle fixe également des limites applicables aux prises accessoires. Elle est responsable de déterminer les mesures de conservation que doivent prendre tous ceux qui pratiquent la pêche en haute mer.
L'OPANO joue également un rôle important dans l'établissement de ce que nous appelons le TAC, c'est-à-dire le total autorisé des captures. Elle répartit les prises autorisées entre les différents pays qui pêchent à l'extérieur de la zone des 200 milles.
Enfin, l'OPANO a un rôle à jouer dans le régime d'inspection international. Les inspecteurs qui travaillent pour elle peuvent monter à bord de n'importe quel navire étranger pêchant à l'extérieur de la zone des 200 milles. Nous avons également, dans le cadre de ce régime d'inspection, des observateurs qui doivent être embarqués à bord des navires, ainsi que des systèmes de surveillance par satellite qui servent à vérifier l'emplacement et les opérations des différents navires.
L'OPANO a la responsabilité de la gestion, de la réglementation et de la conservation des stocks de poisson en haute mer. Elle n'a cependant pas toujours fonctionné aussi efficacement qu'elle l'aurait pu; c'est pourquoi il y a eu une importante surpêche à l'extérieur de la zone des 200 milles à la fin des années 80 et au début des années 90, ce qui a contribué à l'effondrement des stocks de poisson de fond. Il ne s'agissait pas d'une surpêche à petite échelle, monsieur le président; cela se faisait à très grande échelle.
Certaines parties ne respectaient pas l'obligation de collaborer à la gestion des stocks. Elles fixaient unilatéralement des quotas beaucoup plus élevés que les niveaux acceptables en fonction des avis scientifiques. Et elles ne tenaient même pas compte de ces quotas unilatéraux. Il y a eu également un certain nombre d'autres problèmes liés au non- respect des mesures de conservation. À la fin des années 80 et dans les années 90, nous avons eu un sérieux problème, qui a culminé par le litige entre le Canada et l'Espagne en 1995, et qui a mené à l'adoption de nouvelles mesures et à une meilleure observation de ces mesures par les flottilles étrangères.
La troisième diapositive est une carte de la zone visée par la convention de l'OPANO. C'est difficile à voir sur cette carte, mais la ligne plus foncée en bordure de l'image marque essentiellement la limite de la zone dont l'OPANO est responsable.
La quatrième diapositive porte sur les stocks réglementés par l'OPANO. Il y en a deux types. D'abord, les stocks chevauchants, c'est-à-dire les stocks de poisson qui vivent à l'intérieur et à l'extérieur de la zone des 200 miles. Et ensuite, ce que nous appelons les stocks particuliers, qui se trouvent exclusivement à l'extérieur de cette zone, dans ce que nous appelons le Bonnet Flamand, qui est un prolongement des Grands Bancs bien au-delà de la limite de 200 milles.
En plus des stocks particuliers et des stocks chevauchants, il y a des espèces qui ne sont pas réglementées du tout, par exemple la raie, le grenadier et certains types de sébaste.
La page 5 porte sur le problème comme tel. J'ai déjà dit que la surpêche avait créé un sérieux problème à la fin des années 80 et au début des années 90.
Grâce aux dispositions qui ont été prises à l'OPANO depuis 1995, nous constatons une diminution substantielle de la surpêche. Le problème auquel nous faisons face actuellement n'a pas la même ampleur que la crise que nous avons traversée à la fin des années 80 et au début des années 90.
Ce qui nous inquiète, c'est que les infractions aux règlements de l'OPANO sont à la hausse depuis 1995. En 1996, par exemple, il y avait eu moins de dix infractions commises par des navires étrangers. En 2000 et 2001, il y en a eu jusqu'à 25. Il y a donc une augmentation, qui n'est pas aussi significative qu'à la fin des années 80 et au début des années 90, mais qui nous fait craindre une tendance à la hausse du nombre d'infractions. Nous voulons donc mettre fin à ces infractions et renverser cette tendance.
En janvier 2002, nous avons présenté une analyse à l'OPANO. Nous avons signalé que certaines parties faisaient de fausses déclarations sur leurs prises; qu'elles dépassaient leurs quotas dans certains cas; qu'elles pratiquaient une pêche dirigée d'espèces protégées par un moratoire, ce qui est contraire aux règles de l'OPANO; et qu'elles utilisaient des filets à petit maillage, encore une fois en contravention aux règlements de l'OPANO.
Nous trouvions ces renseignements inquiétants et nous craignions que la situation «qui est actuellement relativement satisfaisante» s'aggrave encore une fois.
Notre analyse nous a permis de conclure que l'OPANO a des moyens efficaces pour détecter les infractions, mais peu de moyens de dissuasion, ce qui ne lui permet absolument pas de garantir le respect des règlements. Il y a des failles dans certaines des mesures de conservation et d'application des règlements de l'OPANO. Nous avons constaté que, dans bien des cas, le suivi des obligations des États d'immatriculation, qui doivent s'assurer que leurs flottilles respectent les règlements, n'était pas efficace.
Résultat, le public s'inquiète et fait de moins en moins confiance à l'OPANO. Nous nous demandons si l'OPANO est en mesure de protéger les stocks et de les gérer de façon durable.
La diapositive de la page 6 porte sur le contexte juridique international. Nous n'entrerons pas dans les détails à ce sujet-là, parce que je sais que les experts du ministère des Affaires étrangères vont vous fournir une information plus détaillée sur la question.
En vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, les États côtiers ont le droit de gérer et d'exploiter les ressources halieutiques à l'intérieur d'une zone de 200 milles au large de leurs côtes. Ils peuvent aussi pêcher librement en haute mer. Pour contrebalancer ce droit de pêche, ils doivent coopérer s'ils exploitent des stocks chevauchants. Ils n'ont pas carte blanche pour faire absolument tout ce qu'ils veulent. Les États d'immatriculation doivent eux aussi coopérer et ont l'obligation de contrôler les activités de leurs flottilles. Ils conservent également le droit d'appliquer les règlements à leurs propres navires. C'est un aspect important à souligner. Quand ces navires pêchent à l'extérieur de la zone des 200 milles, c'est l'État dans lequel ils sont immatriculés qui doit prendre les mesures de répression nécessaires s'il constate qu'ils ne respectent pas les règles établies par l'OPANO.
Le Canada n'est pas signataire de la Convention sur le droit de la mer. Cependant, les droits et obligations qui y sont énoncés sont aujourd'hui considérés comme faisant partie du droit international. Par conséquent, même si le Canada n'a pas ratifié la convention, il est lié par ces droits et obligations.
Je voudrais vous parler maintenant du rapport que le Comité permanent des pêches et des océans nous a soumis au sujet de la surpêche étrangère. Compte tenu des inquiétudes que suscitaient les répercussions de la surpêche étrangère et du non-respect des règlements par certaines parties, le comité a tenu des audiences dans les provinces de l'Atlantique au printemps 2002 au sujet de la surpêche étrangère. Il a déposé son rapport le 11 juin. Ce rapport contient un certain nombre de recommandations, dont les principales sont résumées ici.
Le comité recommandait notamment que le Canada se retire de l'OPANO; qu'il exerce une gestion axée sur la conservation des ressources halieutiques sur les Grands Bancs et le Bonnet Flamand; qu'il invoque l'APNU — l'Accord de pêche des Nations Unies — et les pouvoirs que lui confère le projet de loi C-29 pour lutter contre le problème de l'inobservation des règlements à l'intérieur de la zone des 200 milles; et qu'il lance une campagne d'information sur la surpêche.
Le gouvernement a déposé sa réponse au Parlement le 8 novembre. On voit ici sa réponse à chacune des recommandations. D'abord, le gouvernement a conclu que le retrait de l'OPANO irait à l'encontre des intérêts du Canada, en raison des risques de pêche non réglementée en haute mer. Si l'OPANO n'existait pas, il n'y aurait plus de tribune de discussion avec les autres pays. Et il n'y aurait pas non plus de consensus sur les règles à appliquer. Nous avons conclu qu'il y aurait des risques de pêche non réglementée, ce qui risquerait de nuire aux stocks de poisson à l'extérieur de la zone des 200 milles.
À notre avis, il vaut mieux une organisation imparfaite que pas d'organisation du tout. Le gouvernement canadien tient à rester à l'OPANO et à continuer d'y travailler pour améliorer la conservation et l'observation des règlements. Il espère également améliorer le programme des observateurs.
Le Comité permanent des pêches et des océans recommandait également que le Canada mette en oeuvre une gestion axée sur la conservation des ressources halieutiques en haute mer. Il devrait pour ce faire élargir sa compétence. Comme l'indiquait le comité, cette gestion axée sur la conservation des ressources signifierait que le Canada autoriserait toujours les navires étrangers à pêcher à l'extérieur de sa zone de 200 milles, mais que ces navires devraient respecter les règles adoptées par le Canada, les quotas fixés par le Canada, les règles de conservation édictées par le Canada et les régimes d'application établis par le Canada. En cas d'inobservation, il pourrait y avoir des poursuites devant les tribunaux canadiens.
Il y aurait deux manières d'appliquer cette recommandation. Le Canada pourrait revendiquer unilatéralement sa compétence et imposer par la force un régime de gestion axée sur la conservation, ou encore adopter un régime de ce genre avec l'accord ou le consensus des autres parties.
Il est à peu près certain qu'une gestion axée sur la conservation, comme toute forme d'élargissement de la compétence du Canada, soulèverait une forte opposition internationale. Les pays qui pratiquent la pêche en haute mer protégeraient leur droit de pêcher, et toute tentative pour empiéter sur ce droit rencontrerait une vive résistance.
Par conséquent, la mise en oeuvre unilatérale d'une gestion axée sur la conservation nécessiterait d'importantes capacités d'application et, à notre avis, irait à l'encontre des intérêts canadiens sur les plans juridique et politique, ainsi que du point de vue de la sécurité et de la défense nationale.
Nous sommes d'avis que la renégociation de la limite de 200 milles ne serait pas réalisable dans des délais raisonnables. Le gouvernement canadien souhaite explorer les possibilités de renforcer le rôle du Canada dans la gestion des stocks chevauchants sur son plateau continental, mais je tiens à souligner qu'il s'agit d'une entreprise à long terme.
Enfin, le ministre Thibeault a annoncé qu'une table ronde sera organisée à St. John's au printemps. Les discussions porteront sur les différentes solutions possibles pour améliorer la conservation et la gestion des stocks chevauchants sur la côte Est.
La dixième diapositive porte sur l'Accord de pêche des nations Unies, l'APNU. Le comité permanent recommandait que le Canada se serve de cet instrument international pour lutter contre le problème de l'inobservation des règlements de l'OPANO. Le Canada a ratifié cet accord le 3 août 1999, et l'accord est entré en vigueur le 11 décembre 2001. Jusqu'à présent, 32 pays ont signé cet accord et sont liés par ses dispositions.
L'Accord de pêche des Nations Unies offre un cadre pour mieux conserver et gérer les stocks de poissons chevauchants et de poissons grands migrateurs. Il contient notamment des principes généraux concernant la gestion de ces stocks. Par exemple, il souligne l'importance du principe de précaution et préconise l'adoption d'une approche écosystémique de gestion des stocks, fondée sur l'utilisation des meilleurs données scientifiques disponibles.
Un autre élément qui est très important pour le Canada, et que nous nous sommes battus pour faire inclure dans cet accord, c'est un régime d'application solide permettant aux États qui ne sont pas des États d'immatriculation d'envoyer des inspecteurs à bord des navires en haute mer afin de vérifier si ceux-ci respectent les règlements. L'accord prévoit également un mécanisme obligatoire et exécutoire de règlement des différends, ce qui est important lorsque les parties ne s'entendent pas sur la meilleure façon de procéder.
Le gouvernement canadien tient à ce que l'APNU s'applique aux navires des pays qui sont parties à l'accord, en particulier le Canada, les États-Unis, la Russie, la Norvège et l'Islande.
La Communauté européenne et un certain nombre d'États membres ont pris l'engagement politique de ratifier l'accord en tant que groupe, mais ils ne l'ont pas encore fait. Tant qu'il n'aura pas été ratifié par la Communauté européenne, l'APNU n'aura qu'une incidence pratique limitée à l'intérieur de l'OPANO.
La diapositive de la page 11 porte sur le projet de loi C-29, qui élargissait les pouvoirs prévus dans la Loi sur la protection des pêcheries côtières au sujet des mesures possibles en cas d'infractions aux règlements de pêche. Ces pouvoirs ont été invoqués en 1995 au moment du différend qui nous a opposés à l'Espagne et ils ont entraîné la saisie de l'Estai.
Le comité permanent recommandait que ce projet de loi soit appliqué pour autoriser les arraisonnements et les saisies. Nous avons cependant conclu que l'application de ces pouvoirs ne serait pas justifiée dans le contexte actuel.
Les choses ont bien changé depuis 1995. À notre avis, la situation n'est pas aussi critique qu'elle l'était à la fin des années 80 et au début des années 90. Le problème de surpêche et d'inobservation était beaucoup plus grave à l'époque. À ce moment-là, les mesures de conservation n'étaient pas respectées, le régime d'application suscitait des objections, la procédure d'opposition était appliquée de façon répétée pour fixer unilatéralement des quotas de plus en plus élevés, les quotas de pêche étaient fréquemment dépassés, et des navires battant pavillon de complaisance pratiquaient une pêche non réglementée.
La situation n'est plus la même aujourd'hui. Bien sûr, l'OPANO n'est pas parfaite, mais c'est une des organisations régionales de gestion des pêches les plus réglementées au monde.
Depuis le conflit qui nous a opposés à l'Espagne en 1995, l'OPANO a amélioré bon nombre de ses mesures. Les exigences relatives à l'inspection et à la surveillance prévoient maintenant l'utilisation d'appareils de suivi par satellite, la surveillance complète par les observateurs et les inspections à quai. Il y a aujourd'hui moins d'infractions, et celles qui se produisent sont certainement moins graves qu'au début des années 80 et dans les années 90.
Je ne passerai pas en revue tous les aspects de la situation actuelle, sauf pour dire que le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour lutter contre la surpêche étrangère. Nous avons lancé une campagne d'information et nous sommes en train de mettre l'APNU en application. Il s'est également fait beaucoup de travail au niveau des ministres et des hauts fonctionnaires pour améliorer la situation. En réponse aux dépassements de quotas, nous avons fermé les ports canadiens aux navires de l'Estonie et des îles Féroé. Nous avons adopté une nouvelle politique qui nous permettra de fermer nos ports non seulement aux navires de certains États d'immatriculation, mais également — sur une base individuelle — à ceux qui ne respectent pas les règlements. Enfin, nous avons travaillé fort du côté de la gestion de notre participation à l'OPANO afin d'apporter des améliorations au sein de l'organisation.
Notre objectif global est de garantir les avantages d'une pêche durable des stocks chevauchants et des stocks particuliers dans la zone réglementée par l'OPANO. Nous voulons reconstituer les stocks de poisson de fond et conserver les stocks de crustacés pour les pêcheurs canadiens. Nous travaillons de manière bilatérale avec l'OPANO et les parties contractantes afin d'améliorer les mesures de gestion, dans le but de parvenir à un niveau satisfaisant de conformité et de faire en sorte que les niveaux d'exploitation soient déterminés à partir d'avis scientifiques.
L'OPANO se réunit une fois par année; sa dernière assemblée a eu lieu en Espagne en septembre. Notre objectif pour cette rencontre était d'apporter des améliorations visant à rendre l'OPANO plus efficace, et nous avons réussi à faire adopter beaucoup de mesures en ce sens. Nous n'avons pas effectué une transformation radicale, mais nous avons réalisé des progrès en adoptant un certain nombre de mesures qui permettront de faire graduellement de l'OPANO une meilleure institution.
Le Canada a demandé instamment à l'OPANO d'adopter des mesures plus efficaces de conservation et de gestion afin de nous aider à réduire les prises accessoires pour les espèces visées par un moratoire. En ce qui concerne la conformité, nous avons convenu de maintenir en 2003 le programme de surveillance complète par les observateurs. Nous avons mis en place un groupe de travail chargé d'envisager de nouveaux mécanismes de surveillance et de contrôle, sur une base expérimentale, dans un effort pour améliorer la surveillance et, par conséquent, la capacité de détecter les infractions. Nous avons aussi adopté un nouveau processus d'évaluation du degré de conformité dans la zone réglementée par l'OPANO.
C'est maintenant l'OPANO qui évaluera la conformité, alors que dans le passé, c'était le Canada qui se chargeait de cette fonction. L'OPANO demandera des comptes aux parties concernées en cas de non-conformité.
Le TAC a été augmenté de 1 500 tonnes pour la limande à queue jaune. Cette hausse est particulièrement importante parce qu'elle est conforme aux avis scientifiques selon lesquels les stocks sont en train de se reconstituer. Le TAC, qui était de 6 000 tonnes en 1997, devrait passer à 14 500 tonnes en 2003. Le Canada détient près de 100 p. 100 du quota applicable à cette espèce.
Dans la division 3L, il y a eu une entente au sujet du TAC et des modalités du quota pour la crevette. Le Canada a une part de 83 p. 100 à cet égard. Il y a eu aussi un engagement à obtenir un avis scientifique complet sur les stocks de sébaste non réglementés dans le secteur 3O. Un TAC de 7 500 tonnes a par ailleurs été fixé pour le sébaste atlantique, ce qui offre au Canada et à d'autres de nouvelles possibilités de pêche. Les moratoires sur les stocks de poisson de fond seront cependant maintenus.
Bien que toutes ces mesures soient positives, tout n'est pas parfait pour autant. Les scientifiques recommandaient un TAC de 36 000 tonnes pour le flétan noir, alors que l'OPANO a fixé ce total à 42 000 tonnes.
Avons-nous atteint tous nos objectifs à l'OPANO? Non. Cependant, le résultat global répond à la majorité des objectifs que nous nous étions fixés pour la rencontre. À l'exception du TAC pour le flétan noir, nous estimons que le Canada a accompli des progrès importants dans un certain nombre de dossiers touchant la conformité et l'établissement de TAC durables.
Nous croyons que l'OPANO peut apporter des améliorations et qu'elle est prête à répondre positivement aux impératifs de réforme. Nous aimerions bien que les choses se passent différemment, mais rien ne se règle rapidement dans les tribunes internationales; les améliorations se font petit à petit et doivent se mesurer à long terme. Même si l'OPANO est loin d'être parfaite, nous jugeons qu'il est préférable de travailler au sein de cette organisation plutôt que de n'avoir aucune régime international de gestion des pêches.
Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Pouvez-vous nous dire pourquoi le Canada n'a pas encore ratifié l'UNCLOS?
M. Chamut: Mesdames et messieurs les sénateurs, cette convention sur le droit de la mer a été négociée il y a une vingtaine d'années et avait soulevé un certain nombre de préoccupations à ce moment-là. Plutôt que de vous les énumérer de mémoire et de risquer de vous induire en erreur, je préférerais laisser au représentant du ministère des Affaires étrangères le soin de vous fournir cette information.
Le sénateur Meighen: J'essaie de comprendre les différences et les liens entre l'OPANO, l'APNU et l'UNCLOS. J'aimerais savoir lesquels de ces instruments ont été signés et ratifiés. Il serait utile que nous ayons un tableau, mais ce sera pour un autre jour.
Vous avez dit que nous avions accepté qu'il y ait des observateurs indépendants à bord de tous les navires. À moins que ces observateurs soient corrompus, est-ce qu'il est possible qu'ils ne détectent pas une infraction aux accords de l'OPANO? Comment pourraient-ils ne pas s'en rendre compte? Est-il possible de berner un inspecteur?
M. Chamut: Oui, il est possible de berner un observateur. Il s'agit de très gros navires, dotés d'installations complètes de capture et de traitement. Il n'est pas impossible qu'un observateur se trouve dans la cale quand un filet est relevé et qu'il ne voie donc pas qu'il y a eu une infraction. Il y a un observateur par navire. Cependant, ces navires fonctionnent 24 heures par jour, et l'observateur n'est pas toujours à bord. Par conséquent, il peut y avoir des infractions quand il n'est pas là.
L'autre problème se rattache aux observateurs indépendants... qui ne sont pas toujours tout à fait indépendants. Bien que ce soit contraire aux règlements, cela s'est déjà vu.
Dans la plupart des cas, cependant, nous constatons que les observateurs nous donnent un excellent résumé de ce qui se passe à bord de la majorité des navires de pêche. Ils nous fournissent de l'information sur la zone de capture, la quantité de poisson pêché et le genre d'équipement utilisé. Tout incident de non-conformité fait l'objet d'un rapport, qui est envoyé à l'État d'immatriculation et aux autres pays intéressés, par exemple le Canada. Malheureusement, les rapports d'observateurs ne peuvent pas toujours être présentés comme éléments de preuve devant les tribunaux.
Le système fonctionne assez bien. Le problème, c'est que le suivi laisse souvent à désirer. Même si un problème a été signalé, l'État membre n'effectue pas toujours le suivi nécessaire une fois le navire rentré au pays.
Le sénateur Meighen: Est-ce que les poursuites judiciaires sont le seul recours possible contre les navires ou les États fautifs?
M. Chamut: La responsabilité du contrôle des activités des navires repose sur les États membres. Ce sont eux qui lancent des poursuites devant leurs propres tribunaux lorsqu'il est établi qu'un navire n'a pas respecté les règles établies. Le navire peut perdre son permis, se voir imposer une amende ou se faire interdire l'accès à la zone de pêche de l'OPANO. Ces mesures sont possibles, mais elles doivent être prises par l'État d'immatriculation, pas par le Canada.
Le sénateur Meighen: Les décisions de l'OPANO doivent-elles être prises à l'unanimité avant de devenir des décisions de l'organisation?
M. Chamut: Non. L'OPANO tente de fonctionner par consensus. Nous essayons d'en arriver à des résolutions, à des TAC et à des accords de répartition qui représentent le consensus des parties présentes. En l'absence de consensus, nous tenons des votes, et c'est alors la majorité qui décide.
Les votes soulèvent cependant de nombreuses difficultés.
Le problème, avec un vote, quand il y a dix parties qui sont d'accord et huit qui sont d'avis contraire, c'est que ces huit-là risquent d'être mécontentes du résultat. Et chacune des huit peut s'opposer à la décision parce que tous les membres présents autour de la table sont des États souverains. Puisqu'ils ont le droit de s'opposer, ils peuvent adopter leurs propres quotas d'après ce qu'ils jugent plus approprié à leurs besoins.
Le sénateur Meighen: Est-ce qu'ils établissent ces quotas pour eux-mêmes ou pour tout le monde?
M. Chamut: Pour eux-mêmes. C'est ce qui se passait dans les années 80 et 90: les parties fixaient souvent des quotas unilatéraux. Il est plus logique d'essayer de fonctionner par consensus. Comme dans toutes ces organisations régionales de gestion des pêches, chacune des parties a le droit de s'opposer et de se retirer de l'entente conclue à l'OPANO pour faire ce qu'elle a décidé de faire.
Le sénateur Cook: Vous dites qu'à l'OPANO, les décisions sont prises par consensus. Est-ce que l'OPANO a déjà envisagé la possibilité de constituer un tribunal? Vous dites que tous les membres présents autour de la table sont indépendants. Est-ce que l'existence d'un tribunal aiderait à consolider la position des pays?
M. Chamut: Tout dépend de ce que vous entendez par là. Voulez-vous parler d'un organe décisionnel?
Le sénateur Cook: Oui, je veux parler d'un organe qui serait établi à l'intérieur de l'organisation et qui constituerait un tribunal dont les décisions seraient exécutoires, plutôt que de laisser tout le monde prendre ses propres décisions. Est-ce que c'est une possibilité qui a déjà été envisagée?
M. Chamut: Je ne suis pas au courant d'une quelconque proposition précise à ce sujet depuis six à huit ans. Je peux vous dire que la convention portant création de l'OPANO est parfaitement claire au sujet de la souveraineté des parties.
Nous avons essayé de faire adopter un mécanisme de règlement des différends, mais la plupart des formules proposées ont suscité une vive résistance. Il y a des gens qui craignent que cela lie les parties d'une manière ou d'une autre et que cela les empêche d'exercer pleinement leur souveraineté.
Nous estimons que l'Accord de pêche des Nations Unies est important parce qu'il comprend un mécanisme de règlement des différends qui permet de prendre des décisions exécutoires. En cas de conflit, ce serait un moyen très efficace pour essayer d'en arriver à un règlement.
Il se fait certains efforts, au sein de l'OPANO, pour mettre en place un mécanisme de règlement des différends. À notre avis, le mécanisme prévu dans l'APNU constitue un outil puissant et efficace. Plutôt que de faire adopter à l'OPANO un mécanisme de règlement des différends qui risque d'être moins efficace, nous préférons atteindre que l'APNU entre en vigueur et nous servir ensuite du mécanisme qui y est prévu, et dont les décisions seront exécutoires pour toutes les parties signataires de l'accord.
Le sénateur Cook: Il me semble que nous devons aller au-delà du consensus. Tôt ou tard, nous allons devoir nous résoudre à adopter au sein de ces organismes des mesures qui seront dans les meilleurs intérêts de tous.
Vous dites que le mécanisme de règlement des différends n'en est pas encore rendu à l'étape de la mise en oeuvre. Est-ce à cause d'un manque de données scientifiques ou d'information fondée sur des faits précis' Pourquoi n'est-il pas encore en vigueur?
M. Chamut: L'Accord de pêche des Nations Unies contient un mécanisme très détaillé pour le règlement des différends. Malheureusement, parmi les membres de l'OPANO, il y a seulement cinq pays qui ont ratifié cet accord et qui y sont assujettis. Une fois que l'accord sera en vigueur dans un plus grand nombre de pays, il nous fournira le mécanisme nécessaire pour régler les différends qui peuvent surgir de temps en temps.
Votre question est intéressante. Vous vous demandez pourquoi l'accord n'a pas été mis en oeuvre. C'est une question sur laquelle il est très difficile de s'entendre. En réalité, cela revient à demander aux parties de renoncer à leur souveraineté et de se soumettre à des décisions prises par d'autres, et susceptibles d'avoir des répercussions importantes sur leurs intérêts.
Le sénateur Cook: Tôt ou tard, nous devons tous faire des compromis. Autrement, nous courons à l'échec. Quand est-ce que cela va se faire? Il y a cinq pays qui ont ratifié l'accord? Sur combien?
M. Chamut: Il y a au total 18 pays qui sont membres de l'OPANO.
Le sénateur Cook: Comment le Canada peut-il faire avancer ce dossier? Que pouvons-nous faire d'utile? Un de ces jours, il faudra bien que quelqu'un frappe sur la tête de quelqu'un d'autre à coups de bâton ou de morue — s'il est possible d'en trouver.
M. Chamut: Il y a deux pays de la Communauté européenne qui n'ont pas encore ratifié l'Accord de pêche des Nations Unies. La CEE a indiqué que, lorsqu'elle le ratifierait, elle le ferait en bloc. Nous travaillons avec nos collègues de la Communauté européenne pour les encourager à ratifier cet accord. C'est beaucoup plus long que prévu.
Le sénateur Cook: J'entends constamment des commentaires négatifs sur l'OPANO. Il doit bien y avoir un moyen de faire avancer les choses.
M. Chamut: Le problème, c'est que le Canada aborde cette question d'un point de vue très proche, presque personnel. Ces stocks de poisson sont extrêmement importants pour les communautés du Canada atlantique. Notre flottille de petits navires a été dévastée par la disparition du poisson de fond. Nous ne pouvons pas aller pêcher ailleurs, alors que les autres membres viennent souvent de loin pour pêcher dans cette zone.
Le sénateur Cook: Je remarque que c'est le cas de la Corée et du Japon.
M. Chamut: Les navires de la Corée, du Japon, de la Russie et d'un certain nombre de pays européens vont pêcher très loin. Ces pays ont donc une perspective tout à fait différente de la nôtre. Ils jugent que l'OPANO est déjà extrêmement réglementée. Il y a bien des gens qui ne trouvent pas les règlements de l'OPANO efficaces. C'est certainement ce que nous pensons au Canada. Cependant, si on compare ces règlements à ceux de beaucoup d'autres commissions du même genre, on se rend compte que les exigences de l'OPANO sont beaucoup plus strictes.
Nous ne trouvons pas ces exigences suffisantes, mais il y a beaucoup de pays qui souhaiteraient que les règles soient substantiellement assouplies parce qu'elles leur imposent souvent des coûts supplémentaires et qu'elles diminuent à leur avis l'efficacité de leurs opérations de pêche.
Nous avons fait des pressions pour que les règles soient de plus en plus sévères. Nous croyons qu'il faut une discipline de ce genre et une approche raisonnable comme celle-là pour que les pêches soient viables. Mais les autres parties présentes autour de la table ne sont pas du même avis.
Le sénateur Meighen: À quelle fréquence l'OPANO se réunit-elle?
M. Chamut: L'OPANO se réunit une fois par année, pendant une semaine. Elle tient également des rencontres intersessions au cours de l'année. Lors de ces rencontres, un certain nombre d'organes subsidiaires travaillent à des tâches spécifiques. Il y a quatre ou cinq de ces rencontres par année. L'institution elle-même ne se réunit qu'une fois par année pour examiner toutes les questions à son ordre du jour et pour fixer l'ordre du jour de la réunion de l'année suivante.
Le sénateur Meighen: Est-ce que les ONG sont autorisées ou encouragées à participer à cette réunion annuelle?
M. Chamut: Tout dépend de ce que vous entendez par «participer».
Le sénateur Meighen: Est-ce qu'elles peuvent obtenir le statut d'observateurs?
M. Chamut: Il y a des observateurs. La délégation canadienne compte des gens qui représentent bien des aspects différents de notre industrie des pêches. C'est moi qui dirige la délégation canadienne, qui comprend des chefs de file de l'industrie des pêches de Terre-Neuve et de Nouvelle-Écosse, des représentants du secteur de la capture et du secteur de la transformation, et des gens des gouvernements provinciaux. C'est un groupe assez éclectique. Nous faisons front commun pour tenter de promouvoir les intérêts du Canada.
Le sénateur Meighen: Y a-t-il des ONG qui ont déjà obtenu le statut d'observateurs?
M. Chamut: Il y en a qui assistent aux réunions de temps en temps. Elles ne sont pas nombreuses. Je pourrais dire — mais je blague — qu'elles n'ont probablement souhaité comparaître qu'une seule fois.
M. Chamut: Il n'y a pas beaucoup d'intérêt de la part des ONG, mais il y a des règles régissant la participation des observateurs. Ils peuvent participer.
Le sénateur Phalen: Je suis membre du comité depuis relativement peu de temps, et je ne connais à peu près rien à la question des stocks chevauchants. Est-ce que c'est une situation propre au Canada ou s'il y a d'autres pays qui sont dans une situation similaire?
M. Chamut: Certains pays du Pacifique Sud ont des stocks qui chevauchent la limite de 200 milles. C'est également le cas en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il y a probablement d'autres endroits où le plateau continental s'étend au- delà des 200 milles, mais nous pensons que le problème est peut-être particulièrement aigu au Canada, compte tenu de la taille du plateau continental et de la valeur des stocks de poisson à l'extérieur de la zone des 200 milles.
Le sénateur Phalen: Est-ce que l'élargissement de la zone économique exclusive recueillerait des appuis au niveau international?
M. Chamut: Non. Beaucoup de pays sont parfaitement satisfaits du statu quo; ils sont disposés à appuyer la limite de 200 milles, mais ils ne sont pas prêts à accepter que cette limite soit repoussée. Il y a quelques pays qui pensent comme le Canada. Mais ils ne sont certainement pas aussi nombreux que ceux dont les flottilles pêchent très loin et qui résisteraient à une extension au-delà des 200 milles.
Le sénateur Adams: J'aimerais savoir jusqu'où vous iriez au-delà de cette zone de 200 milles. Les étrangers aiment pêcher près de nos frontières. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi? Vous dites que certains pays pêchent à l'extérieur de la zone des 200 milles. Ce qui est préoccupant, c'est que les poissons qui vivent à l'extérieur de la zone des 200 milles entrent parfois dans la zone indiquée ici, sur la carte. Ce qui nous inquiète, c'est que la morue a disparu par suite de la surpêche étrangère. Comment pouvez-vous exercer un meilleur contrôle sur les zones de pêche à l'extérieur de la zone des 200 milles, surtout pour les poissons qui viennent dans notre zone? Vous ne comprenez peut-être pas ma question. Le secteur 6H est-il contrôlé par les États-Unis?
M. Chamut: Je ne suis pas certain d'avoir bien compris votre question. La zone des 200 milles est indiquée sur la carte. Dans cette zone, le Canada a le plein contrôle sur la gestion et la surveillance de la pêche. À l'intérieur de cette bande de 200 milles, aucun navire étranger n'est autorisé à pêcher à moins d'avoir obtenu un permis spécial du Canada. Il peut arriver quelquefois qu'il y ait des coentreprises avec des navires étrangers, mais c'est plutôt rare en ce moment.
Vous avez raison au sujet du secteur 6; il se trouve dans les eaux américaines.
Le sénateur Adams: Ma deuxième question porte sur le flétan noir, pour lequel le quota était censé être de 36 000 tonnes alors qu'il a été porté à 42 000 tonnes. Est-ce que cette espèce est assez abondante pour justifier l'augmentation de ce quota? Dans le Pacifique, à l'intérieur de la zone des 200 milles, le flétan noir se déplace de ce secteur-ci, sur la carte, à celui-là.
M. Chamut: La pêche au flétan noir se pratique dans un vaste secteur, depuis ce que nous appelons le secteur OA, dans le détroit de Davis, jusqu'à l'île de Baffin et à la côte du Labrador.
Toute la pêche étrangère se fait dans les secteurs 3L, 3M, 3N et 3O. C'est là que les flottilles étrangères pêchent le flétan noir à l'extérieur de la zone des 200 milles.
Le Canada, en revanche, peut pêcher n'importe où à l'intérieur de la zone des 200 milles parce que les stocks se trouvent tout le long de la côte du Labrador, jusque dans le détroit de Davis. Cependant, le seul secteur où les flottilles étrangères peuvent pêcher le flétan noir, c'est en haute mer, en bordure du plateau continental.
Le sénateur Adams: Que signifie le sigle TAC?
M. Chamut: C'est le total autorisé des captures.
Le sénateur Adams: Pourquoi le Canada contrôle-t-il 97,5 p. 100 de ce secteur? Est-ce par suite d'une entente avec d'autres pays?
M. Chamut: Le Canada contrôle 97,5 p. 100 de la pêche à la limande à queue jaune parce que la part dévolue à chaque pays reflète une répartition historique. Il y a 20 ans, 30 ans ou plus, la majeure partie des captures de limande à queue jaune se faisaient à bord de navires canadiens. C'est à partir de cette donnée historique, et de la dépendance historique des navires canadiens, que nous avons obtenu une part de 97,5 p. 100. C'est la part reconnue par l'OPANO, qui n'est pas vraiment contestée. Il a été entendu que le Canada pourrait avoir cette part chaque année.
Le sénateur Adams: Est-ce que nous pouvons vendre nos quotas ou nos parts à des étrangers?
M. Chamut: Si nous n'atteignons pas notre quota, nous pouvons conclure une entente avec un navire étranger. Nous accordons alors un permis à ce navire en vertu des lois canadiennes et nous l'autorisons à récolter tout ce qui reste sur notre quota. Cependant, comme la capacité de pêche est beaucoup plus limitée qu'il y a 10 ou 15 ans, le Canada n'a aucune difficulté à prendre sa part et n'a aucun intérêt à partager son quota avec des navires étrangers.
Le sénateur Adams: Le projet de loi C-29 concerne-t-il uniquement le Canada ou s'il s'applique également aux navires étrangers?
M. Chamut: La Loi sur la protection des pêcheries côtières a été modifiée et autorise maintenant le Canada, dans certaines circonstances, à prendre des mesures contre des navires étrangers qui pêchent à l'extérieur de la zone des 200 milles. Cette loi a été invoquée à l'occasion pour arraisonner et saisir des navires naviguant sous ce qu'on appelle des «pavillons de complaisance». C'est ce qui s'est passé en 1994 dans le cas de l'incident du Christina Logos.
En 1995, une autre modification a autorisé le Canada à prendre des mesures contre des navires espagnols qui pêchaient à l'extérieur de la zone des 200 milles.
Le sénateur Mahovlich: En 1996, l'OPANO a réalisé d'importants progrès dus en partie aux pressions exercées par les actions unilatérales du Canada en 1995. Quelles sont les pressions unilatérales que nous avons appliquées?
M. Chamut: Monsieur le sénateur, en 1995, nous avions de bonnes raisons de nous inquiéter des activités de navires étrangers qui ne respectaient pas les bonnes pratiques de pêche. L'Union européenne avait imposé unilatéralement un quota sur le flétan noir. Nous estimions que ce quota risquait de nuire à la santé des stocks de poissons. C'est pourquoi, en 1995, le Canada a utilisé ses propres navires d'application de la loi pour arrêter et saisir un chalutier espagnol qui pêchait à l'extérieur de la zone des 200 milles. Le chalutier s'appelait Estai. Nous avons escorté ce chalutier au port de St. John's (Terre-Neuve) et nous avons déposé des accusations contre le capitaine et les propriétaires de l'Estai.
Le sénateur Mahovlich: Avons-nous porté des accusations?
M. Chamut: Oui, mais elles ont été retirées par la suite. Cependant, le Canada venait, dans les faits, d'exercer son autorité pour faire appliquer la loi à l'encontre d'un navire étranger qui pêchait à l'extérieur de la zone des 200 milles. L'événement avait défrayé la chronique et s'était soldé par l'arrestation d'un navire espagnol après une poursuite en haute mer et plusieurs coups de feu. Si vous voulez en savoir plus long sur cet événement, vous pouvez lire le nouveau livre de M. Tobin qui décrit cette affaire en détail.
Le sénateur Mahovlich: Votre délégation qui a participé aux réunions de l'OPANO a-t-elle jamais pensé inviter un membre du comité du Sénat à titre d'observateur?
M. Chamut: Sénateur, je ne suis pas en mesure de faire une telle invitation. Les réunions peuvent être assez fastidieuses. L'année dernière, le ministre des Pêches de la province de Terre-Neuve y avait participé et je crois que la délégation canadienne comprenait d'autres politiciens.
Le sénateur Mahovlich: Je pensais que ce serait une bonne idée de faire participer un sénateur.
Le président: Mais justement, si le sénateur Mahovlich voulait participer, qui pourrait l'inviter?
M. Chamut: Je crois, sénateur, que l'invitation devrait venir du ministre des Pêches et des Océans, M. Thibeault.
Le sénateur Hubley: Est-ce qu'on ne pourrait pas réduire le risque de surpêche en modifiant le type de navires ou les méthodes de pêche utilisés? J'ai entendu dire que certaines méthodes de pêche peuvent endommager les fonds océaniques. L'utilisation d'autres méthodes pourrait peut-être réduire les dégâts.
M. Chamut: Les différents types de pêche ont leurs avantages et leurs inconvénients. Pratiquement tous les attirails de pêche ont leurs défenseurs et leurs opposants.
La majorité des flottes étrangères sont composées de grands navires équipés de chaluts de fond pour pêcher le poisson de fond. La méthode du chalut de fond a recours à un grand filet tiré derrière le bateau. Le chalut permet de capturer le poisson qui vit dans les fonds marins ou juste au-dessus. On craint que le chalutage perturbe le substrat benthique au détriment de certains organismes qui y vivent. Cependant, c'est une question très controversée. En revanche, il y a certaines régions extrêmement sensibles où nous voulons interdire la pêche au chalut de fond. Il y a aussi des zones où le corail et certains animaux marins ne résisteraient pas à ce type de pêche. La pêche au chalut de fond est interdite dans beaucoup de ces zones.
Les pêcheurs étrangers ne seraient pas prêts à remplacer le chalut de fond par la pêche à la ligne, par exemple. Ce ne serait tout simplement pas rentable pour eux. Ils s'opposeraient farouchement à un tel changement qui bouleversait totalement la façon dont ils travaillent dans cette zone depuis très longtemps.
Le président: Les États-Unis font partie de l'OPANO depuis 1995. Est-ce qu'ils se sont beaucoup intéressés à l'OPANO depuis ce temps-là? Est-ce qu'ils prennent part à la pêche dans les stocks chevauchants du nez et de la queue du Bonnet Flamand?
M. Chamut: Les États-Unis ont adhéré en 1995 et depuis, ils ont participé activement à la plupart des réunions. Il est évident que les États-Unis et le Canada ont des vues communes sur des questions comme le principe de précaution et les méthodes de gestion durable des pêches. La présence des États-Unis dans cette tribune est très positive pour le Canada, puisque nous pouvons conjuguer nos forces pour atteindre des objectifs communs.
D'une part, notre voisin s'est avéré être un partenaire très efficace. Je sais toutefois que les États-Unis souhaiteraient voir augmenter les possibilités de pêche. Ils participent aux réunions. Ils soutiennent financièrement l'organisation, mais ils n'ont pas beaucoup d'opportunités de pêche.
Les États-Unis réclament «leur juste part» au cours des réunions de l'OPANO. Pour le moment, ils n'ont que de maigres quotas, puisqu'ils viennent d'adhérer tout récemment. Les quotas de pêche se fondent sur les prises historiques et les États-Unis qui ont adhéré récemment ne disposent pas de très gros quotas. C'est cela qui les préoccupe. Ils soulèvent ce point à toutes les réunions. Ils aimeraient avoir accès à un plus grand nombre de prises.
Le président: Dans la diapositive 11, vous faites observer que la situation actuelle n'est pas aussi grave qu'elle l'était à la fin des années 80 et au début des années 90. Est-ce parce que les stocks actuels sont en moins bon état dans la zone régie par l'OPANO qu'ils l'étaient à la fin des années 80 et dans les années 90?
M. Chamut: La situation a changé du fait que l'état des stocks de poissons n'est plus du tout le même qu'à l'époque. Dans les années 80 et 90, les parties concernées ont pris beaucoup de mesures unilatérales concernant leurs quotas de pêche. Ce genre de situation se produit rarement maintenant; depuis sept ans, un seul cas s'est produit, à ma connaissance.
Les sceptiques pourraient dire que ce changement est dû à la disparition des stocks. Si vous êtes de cet avis, rappelez- vous de la limande à queue jaune. Les quotas de ce poisson ont été portés à 14 500 tonnes. Les personnes qui voudraient s'objecter pourraient certainement prendre le cas de la limande à queue jaune par exemple, mais ils ne l'ont pas fait. Personne non plus ne s'est objecté aux quotas de crevettes. Dans certains cas, on a tenu compte d'un changement de comportement. Cela indique combien il est important de gérer les stocks de manière plus durable.
Le président: La crevette est gérée par les autorités canadiennes dans les eaux internationales et, étant une espèce sédentaire, elle ne pourrait être prise en compte, n'est-ce pas?
M. Chamut: Les pétoncles et les crabes sont considérés comme des espèces sédentaires. Les crevettes vivent juste au- dessus des fonds marins et ne sont pas considérées pour cette raison comme une espèce sédentaire. Elles ne font pas partie de la même catégorie que le crabe et les pétoncles. La gestion des crevettes est confiée en fait à l'OPANO. Les flottes étrangères ont pêché de 45 000 à 50 000 tonnes de crevettes dans la zone du Bonnet Flamand.
Le président: Les observateurs proviennent des pays de l'OPANO. Si le bateau de pêche provient de l'Union européenne, l'observateur doit-il lui aussi provenir de l'UE?
M. Chamut: Oui et c'est presque toujours le cas, mais il y a certaines exceptions. Par exemple, la Norvège préfère, pour des raisons de coûts, faire appel aux observateurs canadiens. Bien entendu, nous avons des rapports de collaboration très positifs avec la Norvège. Les Norvégiens pratiquent une pêche très responsable. Ils font appel aux observateurs canadiens et nous faisons pleinement confiance à leurs pêcheurs. Nous avons avec la Norvège des rapports tout à fait spéciaux. De manière générale, la plupart des intervenants font appel à des observateurs de leur propre gouvernement.
Le président: On nous a dit que les stocks de morue de la mer du Nord sont dans un piteux état. Cette diminution catastrophique des stocks va-t-elle contribuer à augmenter les pressions' La communauté européenne devra aller pêcher ailleurs' Quels seront les coûts de ces pressions imposées à nos stocks de poissons?
M. Chamut: C'est une très bonne question. Je l'ai moi-même posée à notre représentant à Bruxelles.
Le président: C'est ce qui arrive actuellement aux stocks de poissons irlandais.
M. Chamut: C'est exact. Il est difficile de répondre à cette question. Évidemment, il serait préoccupant que ces activités de pêche soient reportées vers le Canada. Pour le moment, je ne prévois pas un grand déplacement de ces activités, pour deux raisons.
Premièrement, la plupart des flottes touchées par la disparition de la morue en mer du Nord sont en général composées de plus petits bateaux de pêche côtière, un peu comme la flotte canadienne.
Deuxièmement, la zone canadienne n'offre pas de très grandes possibilités de pêche. Par conséquent, les plus grands bateaux de pêche déplacés de la mer du Nord se tourneraient probablement vers d'autres secteurs.
C'est une bonne question et nous surveillons la situation. Nous allons faire en sorte que les navires étrangers ne soient pas trop nombreux à venir pêcher dans la zone régie par l'OPANO.
Le président: Sans vouloir proposer une gestion unilatérale de la conservation du nez et de la queue du Bonnet Flamand, pensez-vous que les autres pays accepteraient que le Canada étende sa compétence sur cette zone?
M. Chamut: Cela nous ramène à la question précédente concernant les autres pays qui ont aussi un problème de stocks chevauchants. Certaines parties concernées telles que des petites îles du Pacifique Sud pourraient peut-être accorder leur appui.
Nous avons examiné la question et conclu que la grande majorité résisterait à tout changement concernant la zone actuelle des 200 milles.
Nous avons remarqué, au moment de la négociation de l'Accord de pêche des Nations Unies, que le Canada a fait front commun avec un certain nombre de parties concernées pour pouvoir faire adopter l'accord. Nous avons tendance à collaborer avec ces pays qui comprennent l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les îles du Pacifique Sud. Un grand nombre de parties concernées s'opposeraient farouchement et très violemment à toute augmentation.
Ce n'est pas quelque chose que nous envisageons à court terme. À long terme, nous voudrions continuer à améliorer notre capacité à gérer ces stocks chevauchants, car les difficultés et les défis sont nombreux. Cependant, c'est une chose très difficile à envisager à court terme et de réunir un consensus international. C'est une proposition à très long terme.
Le président: L'Espagne et le Portugal sont devenus membres de l'Union européenne très peu de temps avant qu'interviennent les problèmes à la fin des années 80 et au début des années 90. Est-il possible que l'Espagne et le Portugal se soient servis de leurs nouveaux alliés au sein de l'UE pour chercher à s'imposer et pratiquer la surpêche jusqu'à ce que la loi C-29 les en empêche?
M. Chamut: Je ne sais pas s'ils profitaient de leur nouvelle adhésion à l'Union européenne pour chercher à s'imposer. Cependant, on peut noter une certaine coïncidence. La surpêche se pratiquait à grande échelle et nous avions des relations extrêmement difficiles et plutôt négatives avec la Communauté européenne ainsi qu'avec l'Espagne et le Portugal relativement à leurs activités de pêche. Il se pratiquait à l'époque une surpêche qui paraît inimaginable dans le contexte actuel. Il suffit de revenir en arrière pour se rendre compte que l'on pêchait à l'époque des centaines de milliers de tonnes métriques de poisson au-dessus des niveaux acceptables pour une gestion durable.
Le président: J'ai consulté ces chiffres il y a quelques jours et je me suis rendu compte en effet qu'ils étaient effarants. Avez-vous dit que les rapports de l'observateur ne peuvent pas être pris en compte par un tribunal?
M. Chamut: C'est exact.
Le président: Est-ce que la loi C-29 respecte le droit international' Mais peut-être devrais-je poser cette question à un spécialiste des affaires internationales.
M. Chamut: Je vous invite en effet à le faire, monsieur le sénateur. Je ne suis moi-même qu'un simple biologiste des pêches et il n'est absolument pas de mon ressort de commenter le droit international. Cependant, j'aurais quelques mots à vous dire en privé après cette séance.
Le président: C'est parfait.
Le sénateur Cook: Combien en coûte-t-il chaque année au Canada pour être membre de l'OPANO?
M. Chamut: Il y a deux types de coûts. Tout d'abord, nous fournissons la plus grande part du budget de fonctionnement de l'organisme lui-même. L'OPANO dispose d'un secrétaire général et d'un personnel. Je crois que le Canada paie environ 60 p. 100 du coût d'infrastructure qui permet à l'organisme de fonctionner. Cela représente de 500 000 $ à 600 000 $ par année, soit 60 p. 100 des coûts d'opération de l'organisme.
Chaque pays paie une partie des frais d'opération, mais nous prenons en charge la plus grosse partie, puisque nous sommes considérés comme un «État côtier» ayant le plus grand intérêt en la matière.
Nous assumons également les coûts de programme qui se chiffrent sans doute à 10 millions ou 15 millions de dollars par année. Ces fonds sont consacrés aux activités de surveillance et d'application. Nous pratiquons une surveillance aérienne à partir de Terre-Neuve. Nous avons conclu un contrat avec des lignes aériennes provinciales qui mettent à notre disposition un avion nous permettant d'observer et de surveiller le comportement et la position des flottes étrangères.
Nous avons également des navires qui patrouillent à l'extérieur de la limite de 200 milles. Ces plates-formes nous permettent de surveiller les activités des flottes étrangères. Nous montons à bord des navires étrangers afin de les inspecter. Le coût global des activités de surveillance aérienne et de surveillance maritime se chiffre à environ à 15 millions de dollars par année.
Le sénateur Cook: Lorsqu'on parle des stocks chevauchants, est-ce qu'on se limite au nez et à la queue du Bonnet Flamand ou est-ce qu'il s'agit d'une zone beaucoup plus grande?
M. Chamut: Les stocks chevauchants se situent à l'intérieur et à l'extérieur de la limite de 200 milles. Ces stocks fréquentent le nez et la queue du Grand Banc. Ce sont des poissons qui vivent sur le plateau continental. Si vous regardez la carte, vous remarquerez qu'une petite tranche du plateau se trouve dans le nez et qu'une autre pointe vers la queue. De manière générale, les stocks chevauchants sont composés des poissons qui se situent à l'intérieur de la zone de 200 milles et qui fréquentent à la fois le nez et la queue. Les stocks qui se trouvent dans le secteur 3M, c'est-à-dire le Bonnet Flamand, sont ceux que nous appelons les stocks particuliers. On les différencie des stocks chevauchants parce que les stocks du Bonnet Flamand demeurent en général sur place et ne fréquentent pas limite canadienne de 200 milles.
Le sénateur Cook: Si je comprends bien, les poissons situés à l'intérieur de la limite sont protégés mais pas les autres?
M. Chamut: Les poissons qui vivent à l'intérieur de la limite de 200 milles sont protégés, mais ils ont la fâcheuse tendance à se rendre à l'extérieur et alors, ils se font pêcher par les flottes étrangères.
Le sénateur Cook: A-t-on des informations scientifiques ou des preuves que cette zone particulière est une frayère? A-t-on étudié l'habitat de ce secteur général? Est-il menacé de destruction?
M. Chamut: Des études ont montré que certains secteurs du Grand Banc sont d'importantes frayères et des aires d'élevage.
Le sénateur Cook: Est-ce que cela se trouve dans la zone occupée par les stocks chevauchants?
M. Chamut: Oui. Il s'agit du plateau continental et cette zone comprend le nez et la queue. Certains secteurs sont plus importants que d'autres pour le frai et la croissance des jeunes poissons. Le secteur que l'on appelle la basse sud- est est un haut-fond qui sert d'aire de croissance pour certaines espèces et d'aire d'élevage pour d'autres. Nous avons d'ailleurs proposé que toute activité de pêche soit carrément interdite dans ces aires. Cette proposition n'a pas encore été acceptée.
Le sénateur Cook: Si je vous ai bien compris, les scientifiques ont recommandé la pêche d'un certain nombre de tonnes, mais l'OPANO applique de toute façon ses propres quotas. Est-ce que c'est exact? Et dans ce cas, à quoi bon?
M. Chamut: Les scientifiques n'établissent pas de quotas.
Le sénateur Cook: Ils recommandent les quotas.
M. Chamut: Les scientifiques font des recommandations. Ils font des séries d'analyses et, dans le cas du flétan noir, ils concluent par exemple qu'il ne faudrait pas en pêcher plus de 36 000 tonnes. Ils présentent cette recommandation à l'OPANO. Cette recommandation est examinée et débattue par les 18 membres présents.
Au cours de la réunion de septembre dernier, la validité des analyses scientifiques a été remise en question. Il y a toujours place pour un débat et pour des opinions différentes.
Le Canada souhaitait l'imposition d'un TAC à 36 000 tonnes. Notre proposition a suscité un débat animé au sujet du nombre approprié de captures. Par ailleurs, quelqu'un a fait remarquer à la commission qu'il était fort peu probable que les prises soient supérieures à 36 000 tonnes même si le TAC était fixé à 42 000 tonnes. Le Canada ne prélève pas toujours son quota de flétan noir, pour des raisons que je ne vais pas vous exposer maintenant. C'est une question compliquée.
Finalement, le TAC a été fixé à 42 000 tonnes. À notre avis, ce n'est pas une bonne façon de gérer les stocks, mais c'est la quantité totale de prises qui a été adoptée par consensus, étant donné qu'il paraissait peu probable que le nombre total de prises excède 36 000 tonnes.
Le sénateur Cook: Qui est chargé de rassembler les informations scientifiques' Est-ce tous les membres de l'OPANO ou principalement le Canada? Qui dépose les informations à l'OPANO pour lui permettre de prendre ses décisions?
M. Chamut: L'OPANO est un conseil scientifique qui réunit des représentants de tous les États membres. Ces scientifiques se penchent sur des questions telles que les TAC et l'abondance des stocks. Tous les États membres recueillent des données. En raison de son intérêt particulier et de sa proximité par rapport à la zone, le Canada fournit une quantité substantielle d'informations scientifiques. Les autres parties concernées le font également. Par exemple, l'Espagne, le Portugal et la Russie effectuent des études scientifiques. Ils se livrent à des activités scientifiques dans la zone réglementée.
Le conseil scientifique étudie les informations et s'en sert comme fondement des recommandations qu'il présente à la commission des pêches de l'OPANO.
Le sénateur Cook: Voilà qui est positif. Je n'avais entendu que des choses négatives au sujet de l'OPANO. Cela me fait plaisir d'entendre des commentaires positifs.
M. Chamut: Je ne suis pas ici pour faire l'apologie de l'OPANO. Il y a beaucoup d'aspects qui ne sont pas satisfaisants à l'OPANO et, d'après moi, la façon de fonctionner de l'OPANO n'est pas conforme aux pratiques de pêche durable. Cependant, l'OPANO dispose de bons scientifiques qui fournissent de bonnes analyses et de bons conseils. L'OPANO nous offre aussi une tribune qui nous permet d'appliquer une réglementation plus efficace des activités de pêche à l'extérieur de la limite de 200 milles.
Ce n'est pas aussi une organisation parfaite, loin de là, mais nous cherchons par tous les moyens des façons de l'améliorer. Nous ne prétendons pas que l'OPANO agit exactement de la manière que nous le souhaitons et réalise tous nos objectifs. Cependant, nous sommes convaincus qu'elle propose aux parties concernées une base raisonnable de coopération dans la gestion de cette ressource. Nous continuons à chercher des moyens d'améliorer l'organisation et c'est le but que nous nous donnons pour les deux prochaines années.
Le sénateur Adams: Dans votre présentation, vous avez parlé de la crevette du secteur 3L en 2000 et du sébaste en 2002. Est-ce que cela signifie que l'on ne peut plus en pêcher? Je suis à la page 4 de votre exposé et il est question de la crevette du secteur 3L.
M. Chamut: Monsieur le sénateur, cela signifie que jusqu'en 2000 on ne pouvait pas pêcher la crevette dans le secteur 3L. Auparavant, la plus grande partie de la pêche à la crevette se passait plus au nord. Au cours des sept dernières années, on a assisté à la croissance des stocks et de la distribution de la crevette dans le secteur situé plus au sud. Nous constatons que la crevette est maintenant plus abondante dans le secteur 3L.
En 2000, nous avons pu fixer un TAC de 6 000 tonnes pour la pêche à la crevette dans le secteur 3L. C'est une zone de pêche relativement nouvelle. «2000» fait référence à l'année. C'est cette année-là que nous avons commencé à autoriser la pêche dans cette zone.
Le sénateur Adams: Est-ce que cela signifie que d'autres pays exercent un plus grand contrôle sur la zone de la carte située entre le périmètre de 200 milles et le secteur 1F?
M. Chamut: Le secteur 1F se trouve en eaux internationales. C'est un secteur qui relève de la compétence de l'OPANO.
Le président: Si j'ai bien compris, il y a deux écoles de pensée concernant les stocks chevauchants. La première estime qu'il est préférable de conserver l'OPANO car c'est mieux que rien. L'autre école préfère livrer la gestion de la conservation à l'action unilatérale. A-t-on proposé une solution pour résoudre cette question?
M. Chamut: Vous êtes au courant du débat actuel. Certaines personnes préconisent en effet une action unilatérale radicale. Dans sa réponse, le gouvernement affirme en effet qu'il adoptera une stratégie visant à améliorer l'OPANO et consistant à appuyer l'adoption de l'Accord de pêche des Nations Unies et, à long terme, à examiner d'autres façons d'améliorer la gestion des stocks chevauchants.
Le ministre a annoncé que nous prendrons part à une sorte de tribune sur les stocks chevauchants à St. John's, à la fin de l'hiver. Cette tribune se penchera sur le droit international actuel concernant les stocks chevauchants et examinera les nouvelles idées ou approches que nous pourrions adopter pour améliorer les techniques de conservation et les pratiques de pêche durable à l'extérieur de la limite de 200 milles. Le droit international n'est pas statique. Nous savons qu'il peut évoluer. Nous réunissons des experts afin qu'ils nous donnent des idées que nous pourrions mettre à profit. La réponse à votre question sera peut-être énoncée au cours de la tribune.
Le président: Les eaux limitrophes de Saint-Pierre et Miquelon sont très proches des aires à problème situées au large de la côte Sud de Terre-Neuve. Quelle est la situation du poisson dans ce secteur? Les stocks chevauchants vont-ils poser des problèmes dans ce secteur?
Il s'agit d'un secteur très étroit. Je crois que Pierre Trudeau a dit un jour que le problème avec les poissons, c'est qu'ils nagent. Entrevoyez-vous des problèmes dans ce secteur?
M. Chamut: Cette zone que nous partageons avec Saint-Pierre et Miquelon s'appelle le secteur 3PS. Il semble que dans ce secteur la morue soit plus robuste.
Nous avons conclu avec Saint-Pierre et Miquelon une entente de pêche et de partage. Chaque année, nous avons des discussions bilatérales portant sur l'application de ces arrangements. Nous avons également des arrangements réciproques avec Saint-Pierre et Miquelon. Les débats ou les différends sont plutôt rares. Nous avons été déçus par les résultats obtenus dans certains secteurs, mais le comportement de Saint-Pierre et Miquelon n'était pas en cause. La raison était plutôt imputable au comportement des stocks de pétoncles dans le secteur auquel nous avions négocié l'accès.
Le président: Même si ces îles appartiennent à la France, le stock ne relève pas de l'Union européenne. Il est considéré comme un stock appartenant à Saint-Pierre et Miquelon.
M. Chamut: Exactement. L'Union européenne représente l'Espagne et le Portugal et les autres pays membres de la Communauté européenne à l'OPANO. Saint-Pierre et Miquelon a une voix distincte à l'OPANO. En raison de leur situation géographique, ces îles ont tendance à partager la plus grande partie de nos intérêts.
Le président: Monsieur Chamut, nous aimerions pouvoir vous faire parvenir des questions à une date ultérieure. Nous espérons qu'à votre demande vos fonctionnaires nous répondront. Cela serait très utile pour le comité.
Nous vous remercions pour le temps que vous avez passé avec nous ce soir. Comme vous avez pu le constater d'après l'intérêt manifesté par les membres du comité, cette séance a été très productive pour nous. Nous souhaitons que les membres se familiarisent avec ce dossier important concernant les stocks de poissons canadiens.
M. Chamut: Honorables sénateurs, ce fut un plaisir pour moi de vous présenter ce soir ce dossier que je sais complexe, difficile et important. C'est un dossier qui mobilise une grande quantité de temps professionnel et personnel. Nous nous efforçons tous de trouver une meilleure façon de gérer ce dossier.
Nous apprécions les efforts des membres du comité et je tiens à les assurer que nous serons ravis de répondre aux questions supplémentaires qu'ils voudront bien nous poser. Nous nous ferons même un plaisir de revenir pour une autre séance d'information, si vous le jugez utile.
Le président: Il se pourrait bien que nous fassions encore appel à vous.
La séance est levée.