Délibérations du comité sénatorial permanent
des pêches et des océans
Fascicule 3 - Témoignages du 25 février 2003
OTTAWA, le mardi 25 février 2003
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 19 h 04, afin d'étudier, et en faire rapport de façon ponctuelle, les questions relatives aux stocks chevauchants et à l'habitat du poisson.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, premièrement, je voudrais demander aux membres du comité la permission de télédiffuser la comparution de l'honorable Joan Fraser à notre séance du 18 mars. Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Je souhaite la bienvenue à nos deux témoins. M. Art May, qui a occupé plusieurs postes dans des organisations nationales et internationales, n'a pas besoin d'être présenté. Il a été le premier président de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest. M. May, qui est chercheur scientifique, a travaillé pendant de nombreuses années au ministère des Pêches et des Océans, où il est devenu sous-ministre. Plus récemment, en 1990, il a été nommé président et vice-chancelier de l'Université Memorial, où il est resté jusqu'en 1999. Il a eu une brillante carrière, que nous avons tous eu la chance de suivre et d'admirer.
M. Alastair O'Rielly est président de la Fisheries Association of Newfoundland and Labrador (FANL), qui représente de nombreuses entreprises de conditionnement de poissons et fruits de mer. La FANL regroupe des entreprises ayant un chiffre d'affaires de quelques millions de dollars, jusqu'à la plus importante entreprise de conditionnement de poissons et fruits de mer au Canada, la Fisheries Production International. La FANL s'occupe de négociation des prix avec la Fishermen, Food and Allied Workers et avec le Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile; elle conseille le gouvernement sur le commerce international, la gestion des pêches et les questions de conservation; et évalue la réglementation, les politiques et la législation qui touchent l'industrie des pêches à Terre- Neuve et au Labrador.
Nous avons parmi nous ce soir deux hommes d'une grande expérience et d'une grande compétence.
Monsieur O'Rielly, vous avez la parole.
M. Alastair O'Rielly, membre du Newfoundland Provincial Advisory Council on Foreign Overfishing: Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole devant vous ce soir, afin de discuter de l'un des plus importants problèmes auxquels fait face l'industrie des pêches dans l'Atlantique. Comme les honorables sénateurs le savent évidemment, l'objet de cette rencontre est la surpêche étrangère et la façon dont le Canada réagit à ce problème depuis 25 ans. J'ai présenté la documentation et mon exposé en format Power Point. Un de mes amis qualifie cela de béquille électronique, et je lui donne raison. Avec votre permission, je vais débuter mon exposé et faire un survol des principaux éléments, après quoi M. May pourra vous donner des précisions sur d'autres aspects du problème.
Notre association représente les entreprises de transformation des poissons et fruits de mer. Comme vous l'avez souligné, monsieur le président, l'association est en place depuis 1944. Depuis six ans, j'oeuvre auprès de l'association, dans le cadre de la FANL, à titre de représentant d'une partie de la délégation canadienne auprès de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO). Je suis également membre du Advisory Committee on Foreign Overfishing.
La carte sera d'une utilité limitée, et je suis certain que les honorables sénateurs connaissent bien le terrain et les problèmes auxquels nous sommes confrontés. La partie jaune de la carte correspond à la région où on pratique une pêche intensive. J'ai un autre tableau qui contient des données plus détaillées.
Selon moi, le problème fondamental est qu'en dépit du fait qu'elle existe depuis de 25 ans, l'OPANO n'a pas réussi à élaborer et mettre en oeuvre un régime efficace de conservation des ressources dans les eaux situées au-delà de la limite de 200 milles. L'OPANO fait preuve de laxisme et son régime n'est pas appliqué de façon efficace. L'un des aspects positifs concernant l'OPANO, et il y en a peu, concerne le niveau de présence des observateurs. Suite aux événements de 1991 et aux incidents impliquant l'Espagne et le chalutier Estai, nous surveillons maintenant la totalité des activités de pêche. Toutefois, la présence d'observateurs, si elle permet de détecter ce qui se passe, n'a pas d'effet dissuasif sur des activités ou des pratiques abusives.
Après dix ans de moratoire sur les principaux stocks de poisson de fond, on constate peu d'indices de rétablissement. Le déclin des stocks de flétan noir, qui étaient en voie de se rétablir, est décevant. L'OPANO en est en partie responsable dans la mesure où elle ne veille pas au rétablissement des stocks et continue de les surexploiter.
Les problèmes actuels incluent une fréquence accrue des infractions à la réglementation, notamment des prises excessives d'espèces visées par un moratoire dans le cadre d'une pêche dirigée; la déclaration incorrecte des prises; un dépassement des quotas; des infractions relatives à la taille des mailles des filets et la non-production ou la production tardive des rapports des observateurs.
Les quotas établis par l'OPANO ne respectent pas les conseils scientifiques émanant du conseil scientifique de l'OPANO. C'est notamment le cas du flétan noir et du turbot. Un certain nombre de membres de l'OPANO exercent activement des pressions afin de réduire l'observation intégrale des activités de pêche, qui a cours actuellement.
Ce tableau provenant du ministère des Pêches et des Océans montre l'activité dans les Grands Bancs. Les honorables sénateurs peuvent voir que l'activité illustrée est une série de points correspondant à au moins une semaine de pêche par bateau étranger en 1993. Les honorables sénateurs peuvent constater le niveau de pêche intensif le long du nez du banc, tout le long de la queue et, bien sûr tout autour du Bonnet Flamand. Vous pouvez vraiment voir le niveau d'activité auquel nous avons affaire.
Quelles sont les conséquences de notre laxisme? Il a évidemment des répercussions sur la conservation des ressources. Avant 1995, on a enregistré un effort de pêche très intensif, soit jusqu'à 26 000 journées de pêche par des bateaux étrangers à l'extérieur de la zone des 200 milles. Après 1995, l'effort de pêche est tombé à 6 000 jours. Toutefois, le niveau est remonté à 10 000 jours en 2001, et il continue de s'accroître. En 2000 et 2001, les bateaux étrangers ont capturé environ 10 000 tonnes métriques et 8 000 tonnes métriques, respectivement, d'espèces qui sont censées être visées par un moratoire.
De plus, l'Union européenne a dépassé son quota de 6 500 tonnes de turbot ou flétan noir. Les mémoires que le Canada a présentés aux rencontres de l'OPANO, qui se sont tenues au Danemark en janvier 2002 et en Espagne en septembre 2002 contiennent une explication détaillée de tous ces problèmes. J'invite les honorables sénateurs à se procurer ces documents pour en savoir plus sur l'inobservation de la réglementation.
Le laxisme entraîne également la perte de débouchés économiques. Si nous pouvions ramener les stocks de morue, de poisson plat, de limande à queue jaune, de plie et de sébaste aux niveaux du milieu des années 80, qui n'étaient pas des niveaux records mais des niveaux moyens, cela représenterait jusqu'à 60 000 tonnes de ressources supplémentaires pour le Canada. Ce serait suffisant pour entretenir six usines de traitement en mer, à longueur d'année. Le non- rétablissement des stocks nous oblige à renoncer à des avantages énormes.
Le Canada participe au processus de surveillance depuis maintenant 25 ans. L'intervention majeure de 1995, dont je parlais, a permis de réduire sensiblement les infractions de pêche pendant un certain temps, soit pendant l'application de la surveillance intégrale. Mais il nous en a coûté. Après 1995, afin de faire la paix et de parvenir à une entente avec l'Union européenne et d'autres membres de l'OPANO, le Canada a accepté de réduire considérablement sa part de prises de flétan noir. Le Canada, qui jusque-là détenait 60 p. 100 des quotas, a accepté de réduire sa part à 37 p. 100, en grande partie en guise d'apaisement dans la foulée de l'incident du chalutier Estai.
Ce que l'industrie veut, c'est un régime de conservation intégral qui s'appliquerait à l'extérieur de la zone des 200 milles; un régime qui comporterait les mêmes normes que celles qui s'appliquent à l'intérieur de la zone de 200 milles.
L'application d'un régime de conservation efficace à l'extérieur de la zone des 200 milles nous aiderait considérablement à améliorer le régime qui s'applique à l'intérieur de la zone. Trop souvent, l'industrie canadienne invoque le problème de la pêche étrangère comme prétexte pour ne pas s'attaquer à ses propres problèmes. La solution serait doublement avantageuse.
Il y a des choix possibles. L'un de ces choix consisterait à doter l'OPANO d'une réglementation adéquate dans des délais raisonnables. Nous pourrions aussi appliquer un régime de gestion axé sur la conservation, en vertu duquel le Canada appliquerait la réglementation à l'extérieur de la zone de 200 milles, ou nous pourrions étendre unilatéralement, comme nous avons envisagé de le faire dans le passé, notre zone de compétence, ce qui permettrait au Canada d'étendre sa zone économique pour y inclure le plateau continental, ou même le Bonnet Flamand.
Pour ce qui est d'améliorer l'OPANO, il faudrait tout d'abord informer les autres parties contractantes de l'organisme du régime réglementaire que nous réclamons et du calendrier de mise en oeuvre de ce régime. Dans une certaine mesure, le Canada a entamé ces démarches en 2002, à l'occasion de la rencontre au Danemark et de celle de Saint-Jacques de Compostelle, en Espagne, où il a fait des exposés sur l'inobservation de la réglementation.
En septembre 2002, j'ai eu l'occasion d'exposer le point de vue de notre industrie sur le problème de la pêche étrangère devant la commission des pêches de la Communauté européenne. Je reviendrai sur certaines observations que j'avais faites alors. Pour ce qui est de l'amélioration de l'organisme, s'il est impossible d'y parvenir nous estimons qu'il faudrait nous retirer de l'OPANO.
J'ai fait part aux fonctionnaires de la commission des pêches de la Communauté européenne et aux participants de l'élément clé du problème, à savoir l'inefficacité de l'OPANO. Ils ont déclaré qu'ils n'étaient pas au courant du problème. On a également fait valoir, entre autres choses, que la plupart des quotas de l'OPANO étaient détenus par le Canada ou par la Communauté européenne. En fait, le Canada et la Communauté européenne ont accès à la majeure partie des stocks. Or, l'un et l'autre s'affrontent, principalement au sujet de l'accès aux ressources. Lorsque la question de l'accès aux ressources passe en premier, la conservation en souffre. Elle laisse beaucoup à désirer. Je pense que, dans l'optique de leur approche commune de l'OPANO, le Canada et la Communauté européenne sont tous deux responsables de la situation actuelle.
J'ai fait valoir aux représentants de la Communauté européenne que nous avions un intérêt commun à gérer les stocks et à favoriser leur reconstitution.
Je leur ai également rappelé les fermes engagements de conservation qu'ils ont pris au Sommet de la terre, à Rio, en Espagne et à Johannesburg, ainsi qu'en vertu de leur politique commune sur les pêches. Le Canada et la Communauté européenne ont des politiques compatibles au chapitre de la consultation, mais aucune des deux parties ne le montre au sein de l'OPANO.
J'ai également fait valoir que si nous ne trouvions pas de solution au problème, d'autres le feraient à notre place. Le mouvement écologique mondial, en particulier, remet sérieusement en question nos pratiques et notre droit de gérer ces ressources, compte tenu de notre bilan. La communauté mondiale est de moins en moins tolérante à l'égard de ceux qui ne pratiquent pas une bonne conservation des ressources et n'appliquent pas de régime de gestion des ressources. Si nous sommes incapables de faire ce qui s'impose ou si nous n'affichons pas notre volonté d'agir, nous risquons de ne plus avoir accès aux ressources.
La gestion des ressources comme solution au problème a pris une importance considérable au cours de la dernière année. La province de Terre-Neuve-et-du-Labrador a énergiquement défendu cette solution. Si le Canada l'appliquait, il lui incomberait, en tant qu'État côtier adjacent, de désigner les stocks chevauchants, dans le cadre de la zone économique exclusive, en vue d'appliquer des mesures de conservation uniformes.
Les grands principes de la gestion des ressources seraient, premièrement, de respecter l'accès historique aux quotas. En fait, c'est ce qui se fait déjà. Comme l'OPANO attribue déjà les quotas, on saurait quelle part des ressources attribuer à chaque pays à l'extérieur de la zone de 200 milles.
L'autre grand principe veut que le Canada, s'il décidait d'assurer la gestion des stocks, n'impose pas de contraintes plus lourdes aux pays qui exploitent les ressources à l'extérieur de la zone que n'en subissent les pêcheurs qui exploitent la ressource à l'intérieur de la zone de 200 milles. En fait, le Canada appliquerait un régime de gestion des ressources comparable pour tous les stocks chevauchants.
En tant qu'État côtier, le Canada assurerait la gestion, appliquerait les mesures uniformément et serait responsable de toutes les activités de surveillance. L'OPANO conserverait son conseil scientifique, effectuerait les évaluations de stocks, procéderait aux recherches nécessaires et soumettrait des recommandations sur le total autorisé des captures. L'OPANO prendrait également des décisions concernant l'accès aux ressources et l'établissement des quotas, et gérerait les stocks homogènes visés par la réglementation. Ces stocks se trouvent principalement dans la région du Bonnet Flamand.
Enfin, l'OPANO élaborerait et appliquerait, par l'intermédiaire des commissions des pêches, des sanctions contre les membres de l'organisation en situation d'infraction.
En étendant sa zone de compétence à la limite du plateau continental, ou au-delà, le Canada s'approprierait la ressource et exclurait toute activité de pêche étrangère de la zone du nez et de la queue du banc.
Dans l'état actuel du droit international et des conventions, le Canada ne trouverait quasiment aucun appui sur la planète s'il envisageait une mesure unilatérale. Cependant, il est possible de poursuivre cette option, d'aller plus loin avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer en ce qui concerne les espèces sédentaires et de rassembler des arguments expliquant comment et pourquoi nous devrions avoir le droit de gérer les ressources et d'y avoir accès en dehors de la limite de 200 milles.
De l'avis de notre groupe, une approche réaliste consisterait probablement à voir s'il est possible de travailler avec les pays membres de l'OPANO pour régler les problèmes de cette organisation, et plus particulièrement avec l'Union européenne, qui y joue un rôle prépondérant.
Notre suggestion serait de fixer des délais raisonnables en vue de trouver des solutions aux problèmes de l'OPANO. Par raisonnable nous entendons entre trois et cinq ans. J'aimerais que cela puisse se faire plus rapidement, mais étant réaliste, je pense que cela prendrait à peu près ce temps-là. Il faudrait que nous prouvions aux membres de l'OPANO et aux autres que nous avons donné à l'organisation toutes les chances de fonctionner correctement et de s'attaquer aux problèmes.
Simultanément, nous devrions continuer à explorer les options qui nous sont ouvertes en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et de l'entente des Nations Unies sur les pêches, l'entente sur les stocks chevauchants, ainsi que devant les tribunaux internationaux. Nous devrions continuer en même temps à explorer les choix qui s'offrent à nous. Si nous n'obtenons pas de résultats dans les délais fixés, ou bien nous assumerons alors la gestion de la garde ou bien nous prendrons les mesures que nous jugerons nécessaires à ce moment-là. Pour ce faire, nous serions obligés de lancer une campagne intensive au Canada et à l'étranger dans le but d'affermir l'appui pour ce qui serait considéré par la majorité comme une mesure unilatérale de la part du Canada.
Que peut faire votre comité? Nous aimerions que, collectivement et individuellement, vous appuyiez la cause de l'industrie et la cause du Canada dans la recherche d'une solution à ce problème à l'extérieur de la limite de 200 milles. Nous pensons qu'il faut appuyer une campagne de relations publiques, non seulement au Canada, mais à l'étranger. Il faut également appuyer l'intervention du Canada devant les instances de l'OPANO où notre pays doit s'affirmer et se montrer plus agressif et plus convaincant qu'il ne l'a été par le passé si nous voulons régler les problèmes de l'OPANO.
Enfin, il faut renforcer la détermination du ministère des Pêches et des Océans ainsi que du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et accroître les ressources qu'ils consacrent à ce dossier. Cela sera en grande partie fonction des démarches que vous ferez auprès de ces ministères.
C'est tout ce que j'ai à dire. M. May va prendre la relève et vous fournir de plus amples explications.
M. Art May, membre du Conseil consultatif de Terre-Neuve sur la surpêche étrangère: Hier, j'ai remis au greffier une documentation de quelques pages, dans l'une des langues officielles. Avec la permission du comité, on pourrait la faire circuler.
Je commencerai par dire que, du temps où j'étais beaucoup plus jeune, il y a environ 30 ans, j'ai été le conseiller scientifique de la délégation canadienne auprès du comité préparatoire du droit de la mer. Dix ans plus tard, en 1982, j'ai eu le privilège d'accompagner l'ambassadeur Beasley et le ministre De Bané en Jamaïque pour y signer la Convention du droit de la mer. Comme l'a dit le président, j'ai été le premier président de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest.
Plus de 30 ans plus tard, je devrais éprouver un sentiment de grande fierté quand je pense à tout ce qui a été accompli depuis. J'éprouve plutôt un sentiment de frustration parce que la situation à l'extérieur de la limite de 200 milles est pire qu'elle ne l'était il y a 30 ans en dépit de tous les progrès accomplis dans le monde.
Le problème est essentiellement que, en matière de compétence sur les pêches, une limite de 200 milles suffit amplement presque partout au monde. Elle n'est pas suffisante pour le Grand Banc de Terre-Neuve où elle divise les stocks de poissons de fond qui vivent sur le plateau continental.
La limite de 200 milles n'est un problème que pour quelques autres pays. Le gros problème concerne le Grand Banc.
Comme l'ai dit M. O'Rielly, l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest a été créée à l'époque où nous avons étendu notre compétence sur les pêches au-delà de la limite de 200 milles afin de nous attaquer au problème, la solution que nous offrait le droit de la mer étant imparfaite. L'OPANO existe depuis 24, 25 ans et les stocks à l'extérieur de la limite de 200 milles ont été décimés, cela ne fait aucun doute. Ils sont en pire état que lorsque l'OPANO a été créée. C'est un échec.
Et ce, essentiellement, parce que la convention est rédigée de telle manière que quiconque n'aime pas la conclusion d'une réunion annuelle a le droit de la contester et peut se soustraire légalement à toute obligation faite à la majorité. Cette procédure de contestation a été utilisée fréquemment au fil des ans.
L'autre problème est que seul l'État du pavillon, c'est-à-dire le pays qui immatricule le navire, peut appliquer des mesures de police. Le Canada peut arraisonner et inspecter un navire espagnol, mais il n'a pas le droit de l'arrêter même si une violation flagrante y a été découverte.
Au cours du dernier quart de siècle, on s'est aperçu que ces dispositions ne constituent pas un régime de conservation approprié.
L'idée d'une gestion de la garde proposée par Terre-Neuve-et-Labrador en particulier pourrait très bien marcher. Une entité, le Canada, assurerait la gestion au nom de tous. Il existe une autre solution à laquelle, je crois, on n'a pas pensé, mais dont on pourrait débattre, à savoir que l'OPANO elle-même agisse à titre de gardienne si un pays donné refusait que ces navires soient arrêtés par un autre pays.
Je doute que les gens qui s'opposent à la réglementation de l'OPANO et à la gestion de la garde accepteraient plus facilement cette proposition qu'ils n'ont accepté toutes les autres jusqu'à présent.
Malheureusement, la gestion de la garde ne peut marcher que si les diverses entités acceptent collectivement que les ressources soient gérées par un gardien au nom de tous. Si elles ne l'acceptaient pas et si le Canada décidait d'assumer la gestion de la garde, il agirait unilatéralement. La logique est implacable. Une telle mesure serait alors chaudement contestée non seulement par les gens visés, mais également par beaucoup d'autres personnes que la question n'intéressait pas autrement, mais qui tout d'un coup se manifesteraient pour protester.
Il y a diverses façons de faire face au problème. M. O'Rielly en a mentionné quelques-unes. Permettez-moi de prendre un instant pour présenter une solution qui n'a reçu aucune attention et qui, pourtant, à bien des égards, est la plus logique.
Je reviens au droit de la mer et, en particulier, à la convention de 1982 qui a établi une limite de 200 milles au beau milieu du Grand Banc. Les poissons, sans égard à cette dernière, ont continué à se déplacer librement de part et d'autre. La loi est donc inadéquate. Elle est déficiente. Elle est inopérante quand les stocks de poissons ne sont pas situés à l'intérieur de la limite de 200 milles. Quand la loi est déficiente ou qu'elle présente d'énormes lacunes, habituellement on la modifie.
Je prétends que, 21 ans après la signature de la dernière convention, il est temps de modifier le droit de la mer. Il y a diverses manières de le faire pour résoudre ce problème. D'après moi, la plus logique serait d'élargir la définition des ressources naturelles qui figure à l'article 77 de la Convention sur le droit de la mer.
L'article 77, qui porte sur le plateau continental, définit les ressources naturelles, biologiques et non biologiques, qui s'y trouvent. L'article 77 prévoit que l'État côtier exerce des droits souverains sur le plateau continental et qu'il est propriétaire des ressources qui s'y trouvent telles que définies à l'article 77. Les ressources non biologiques sont le pétrole, le gaz naturel et les ressources minérales. Cela ne fait aucun doute. Les ressources biologiques sont définies comme étant les organismes qui sont immobiles sur le fond ou incapables de se déplacer autrement qu'en restant constamment en contact avec le fond ou le sous-sol. Cela signifie que les crabes font partie des ressources du plateau continental et sont donc la propriété de l'État côtier. Cela signifie que les pétoncles font partie des ressources du plateau continental et sont donc la propriété de l'État côtier tout comme d'ailleurs les étoiles de mer, les oursins, les coraux et bien d'autres choses qui ne sont pas toutes aussi précieuses les unes que les autres. Or, le poisson de fond, une espèce qui vit en proche association avec le fond, n'est pas défini comme faisant partie des ressources du plateau. Là est le problème. Ce serait une solution simple, logique et élégante. Est-ce que tout le monde serait d'accord? Nous ne le saurons pas tant que nous n'aurons pas tenté notre chance. La réponse initiale pourrait être: Non, c'est impossible car les gens pourraient penser que le Canada veut s'approprier la ressource, et les autres pays ne verraient aucun intérêt à la proposition et pourraient même s'y opposer.
En 1947, le Pérou et l'Équateur ont déclaré une limite de 200 milles. En 1982, tout le monde avait une limite de 200 milles. Ça prend du temps, mais si on ne commence pas u jour on n'y arrivera jamais.
C'est une solution, parmi d'autres, qui mérite d'être explorée. Le dossier en est au point où il faut maintenant que quelqu'un le prenne en main au niveau national. Le genre d'effort de la part de plusieurs ministères qui nous a donné la limite de 200 milles est à nouveau nécessaire pour éliminer ce que j'ai appelé une lacune.
Le président: Je vous remercie, monsieur May, de votre excellente suggestion à laquelle, j'en suis sûr, les membres du comité voudront donner suite.
Le sénateur Rompkey: Tout d'abord, quelles ont été les retombées de l'affaire Estai? Vous avez dit que nous en avions subi le contrecoup. Le livre publié récemment par Brian Tobin nous a rafraîchi la mémoire à cet égard. Tous les détails y sont, certains qui nous étaient connus et d'autres qui ne l'étaient pas. Clairement, nous en avons temporairement bénéficié, mais les avantages ont rapidement disparu. Quel compromis avons-nous dû accepter et pourquoi?
M. O'Rielly: Plusieurs choses se sont produites après l'arraisonnement spectaculaire de l'Estai en 1995. C'était sans précédent. C'était une mesure extrême de la part du Canada. Après avoir pris cette mesure, ayant été acculé à le faire, le Canada s'est senti obligé d'essayer de trouver un compromis avec la communauté internationale et, plus particulièrement, avec l'Union européenne. J'ai parlé de la répartition des prises de turbot par l'OPANO. Nous sommes passés de quasiment 60 p. 100 du quota reconnu à 37 p. 100. D'une certaine manière, c'était une concession en vue de parvenir à un compromis. Nous avons obtenu certaines choses comme, par exemple, une présence constante à titre d'observateur, mais cela fait des années que nous essayions de maintenir cet avantage. Nous perdons du terrain. Pour reprendre les termes de l'un de mes collègues, il y a longtemps qu'on ne ressent plus l'onde de choc de cette balle. Notre présence en tant qu'observateur ne sert plus à grand-chose. Elle était utile à l'époque. Elle a sans aucun doute entraîné une réduction du nombre de violations et de l'intensité de la pêche, mais au cours des deux ou trois dernières années, la situation est dans l'ensemble redevenue ce qu'elle était avant 1995.
Le sénateur Rompkey: J'ai une autre question. De combien de temps disposons-nous? Probablement, de très peu, voire de pas du tout. Il n'y a absolument aucun rétablissement des stocks de morue et vous avez mentionné le turbot. Des espèces comme le crabe sont également menacées, mais probablement pour des raisons différentes. Sur la question du temps et des options qui s'offrent à nous, M. May et vous-même avez dit que ça prendrait du temps de les étudier. Il faut négocier. Il faut brandir le drapeau et voir si les gens suivent. Avons-nous le temps nécessaire pour ce faire? J'ai l'impression que nous n'avons pas beaucoup de temps.
M. O'Rielly: C'est une bonne question. Parler du temps qu'il faudra aux stocks pour se rétablir est du domaine de la supposition. Une partie du problème est que la pêche sur le nez et la queue n'est pas rentable. Les taux de prises ne le permettent pas. Les poissons sont petits et, dans une grande mesure, le problème est aggravé par les subventions que l'Union européenne accorde à ces navires. C'est un facteur qui complique les choses. Pendant combien de temps vont- ils pouvoir continuer à pêcher et à rester en affaires si les taux de prises demeurent faibles et les poissons de petite taille? Je suppose tant que l'Union européenne les subventionnera. Les Européens ont leurs propres problèmes, comme vous le savez. La situation est grave dans la mer du Nord. Ils ont tendance, selon nous du moins, à continuer à exporter une partie de leurs problèmes sur le nez et la queue us Grand Banc. Ces deux derniers mois, ils ont annoncé des programmes de construction de bateaux pour le Portugal, payés par l'Union européenne, pour la pêche lointaine. Il est possible qu'ils aillent pêcher ailleurs, au large de l'Afrique ou dans d'autres régions du monde, mais il est également tout à fait possible qu'ils viennent pêcher au large du nez et de la queue du Grand Banc. Dans un tel environnement, il est difficile de dire combien de temps ça prendra. Vu le niveau des prises, le rétablissement des stocks n'est pas prévisible.
Le sénateur Rompkey: Pourquoi l'OPANO ferait-elle attention à nous maintenant alors qu'elle ne l'a pas fait par le passé, spécialement étant donné la force de l'Union européenne? Certains font des pieds-de-nez aux États-Unis. En tant que continent, d'une manière ou d'une autre, l'Europe est maintenant probablement aussi puissante que les États-Unis. Elle le prouve de plusieurs manières et constamment. Vous venez de dire que depuis l'incident de l'Estai, les choses se sont détériorées. M. May a laissé entendre que les règles de l'OPANO étaient telles qu'il y avait un droit de veto. On peut décrire la situation comme on veut, mais, si un État décide de ne pas accepter les conclusions, rien ne l'y oblige. Cela dit et vu notre expérience depuis l'incident de l'Estai, la manière dont l'OPANO est organisée et la puissance de l'Union européenne, pourquoi penser qu'elles feraient maintenant plus attention à ce que nous disons que par le passé? Si nous agissons unilatéralement, quel en serait le prix?
M. O'Rielly: M. May devrait probablement répondre lui aussi à cette question. Dans une grande mesure, l'Union européenne exporte son problème. Considérez la dynamique au sein de l'Union européenne. Pour l'Espagne et le Portugal, c'est une question importante. Pour le reste de l'Union européenne, cette affaire demeurera relativement insignifiante jusqu'à ce que d'autres pays s'en inquiètent, pour quelque raison que ce soit. Cela se fera peut-être sous la pression de groupes écologiques ou d'autres forces qui obligeront l'Union européenne à prendre le problème au sérieux.
Pour le moment, il existe une solution politique relativement facile pour les gens qui, à Bruxelles, sont aux prises avec leurs propres problèmes et que l'Espagne et le Portugal dérangent.
Il est également important de noter que plusieurs pays membres de l'OPANO cherchent actuellement à adhérer à l'Union européenne, c'est le cas des pays Baltes en particulier. Au cours des deux dernières années, ces pays ont voté à l'OPANO avec l'Union européenne dans l'espoir de se faire accepter et d'améliorer leurs chances. Dans l'ensemble, l'OPANO est essentiellement un régime dominé par l'Union européenne. C'est le défi que nous devons relever.
M. May: Dans la dernière partie de sa question, le sénateur Rompkey a demandé quelles seraient les conséquences si nous agissions unilatéralement. Elles seraient doubles. Premièrement, l'Union européenne se ferait des alliés des pays qui, dans d'autres régions du monde, l'appuieraient parce que nous aurions agi contrairement au droit international tel qu'il existe actuellement. La deuxième conséquence, et la pire, serait la possibilité d'une confrontation armée. Nous en étions très près en 1995 lors de l'incident de l'Estai.
L'Union européenne ne s'occupera jamais beaucoup de ce qui se passe dans l'Atlantique Nord-Ouest à moins qu'elle n'y soit forcée par des pressions internes. Il est possible de stimuler ces pressions par l'intermédiaire du mouvement écologique et des partis verts présents dans plusieurs pays ainsi que par l'intermédiaire d'organismes de défense de l'environnement.
Je ne sais pas si vous avez vu la réclame parue dans le National Geographic de novembre-décembre. Il s'agit d'une annonce pleine page représentant un poisson minuscule sur une assiette énorme. La légende est très simple: Ce ne sont pas les assiettes qui sont devenues plus grandes. C'est une condamnation de la politique de l'Union européenne en matière de pêche. Ce genre de pression pourrait finir par porter des fruits et amener l'Union européenne à prendre davantage conscience de ce qu'elle fait. Pour le moment, elle trouve son compte dans ses activités à l'est du Grand Banc. La pêche qui, autrement, se pratiquerait dans la mer du Nord ou ailleurs dans les eaux de l'Union européenne se pratique loin de ses yeux de l'autre côté de l'Atlantique.
Depuis 25 ans, l'Union européenne applique une politique d'une ignorance et d'une indifférence crasses, dévastatrice pour l'environnement, à l'égard de la zone située à l'extérieur de la limite de 200 milles dans l'Atlantique canadien. Jusqu'à maintenant elle a pu s'en tirer sans pratiquement aucune conséquence parce que personne ne l'a confrontée. Pour être efficace, la confrontation devra probablement venir de l'intérieur même de l'Union européenne.
Le sénateur Rompkey: Mme le sénateur Spivak est une écologiste notoire qui entretient d'excellentes relations avec le mouvement écologiste du Canada. Nous pourrions sans doute la recruter pour faire avancer cette cause.
Nous avons vu ce que cela a donné dans le cas des phoques — Je ne sais pas si je devrais parler d'une guerre, d'un débat, d'une confrontation ou d'un désastre. Ce fut un désastre, mais nous avons certes vu le mouvement écologiste à l'oeuvre. Il n'a certainement pas pris fait et cause pour le poisson comme il l'a fait pour les phoques.
Le gouvernement de Terre-Neuve a retenu la gestion de la garde comme étant son option préférée. Est-ce la vôtre, monsieur O'Rielly?
M. O'Rielly: Nous devons poursuivre plusieurs options simultanément. La gestion de la garde est une démarche plausible à présenter aux membres de l'OPANO, y compris l'Union européenne. On peut la présenter au reste du monde comme une nécessité si l'OPANO continue à agir de manière irresponsable. Il y a des mesures que nous pouvons et que nous devons prendre aux termes de l'entente sur les stocks chevauchants qui a été récemment ratifiée et mise en place, même si l'Union européenne ne l'a pas encore fait. Il se pourrait que nous puissions avoir recours simultanément à plusieurs mesures et à diverses options.
Le Canada doit ratifier la Convention sur le droit de la mer et envisager de prendre certaines mesures prévues par cette dernière. Nous devons surtout sensibiliser le monde à la nature du problème. Nous devons établir des alliances, là où nous le pouvons, avec les mouvements écologistes et autres afin de multiplier les possibilités d'action.
Comme l'a expliqué M. May, nous essayons de créer un droit nouveau. Pour ce faire, il doit y avoir réceptivité, le sentiment que c'est nécessaire et justifié. Pour le moment, cet élément est absent. Pour ce qui est des recours judiciaires dont nous disposons actuellement, il semble que l'OPANO ait entièrement le droit et le pouvoir de continuer à se comporter comme elle le fait. La possibilité pour le Canada d'agir unilatéralement est limitée. Toutes ces mesures peuvent être prises concurremment, que ce soit la gestion de la garde ou l'option proposée par M. May concernant les espèces sédentaires. Toutefois, nous devons agir de manière beaucoup plus stratégique que nous ne l'avons fait jusqu'à présent, avec une plus grande conviction et davantage de ressources.
M. May: En résumé, nous avons à notre disposition quatre ou cinq approches qui pourraient donner des résultats. Nous devrions les explorer toutes mais cela signifie que le gouvernement du Canada doit être convaincu que ce problème doit être réglé. Le gouvernement doit donner l'ordre à ses ministères de s'atteler à la tâche. Ce n'est qu'ainsi qu'il sera un jour réglé. C'est comme ça que nous avons imposé une limite de 200 milles et c'est comme ça que nous devons agir maintenant.
Je ne prétends pas un instant que le problème peut être réglé en deux ans ni même en cinq, mais pour le moment, nous faisons du sur-place. Notre seule approche consiste à regarder l'OPANO tourner en rond.
Le sénateur Cook: Je souhaite la bienvenue à mes deux compatriotes de Terre-Neuve. M. May a répondu à ma première question. Je vous ai entendu dire que le régime de l'OPANO était laxiste. Cela fait votre désespoir quelque 30 ans plus tard. Est-ce que les autres pays membres savent que l'OPANO ne fonctionne pas ou est-ce qu'ils y voient un moyen pour parvenir à leurs fins? Si on ne peut pas régler les problèmes de l'OPANO et si le Canada s'en retirait, où est-ce que ça nous laisserait?
M. May: Si le Canada se retirait de l'OPANO, la région située à l'extérieur de la limite de 200 milles ne serait pas réglementée. La réponse courte, après avoir soupesé toutes les options, est qu'il est marginalement préférable de continuer à adhérer à l'OPANO que de ne rien avoir du tout. Si le Canada ne faisait plus partie de l'OPANO, il n'aurait aucune influence sur ce qui se passe à l'extérieur de la limite de 200 milles. Au moins, maintenant, nous pouvons arraisonner et inspecter les navires et recueillir des renseignements. Nous pouvons débattre à la réunion annuelle de l'OPANO de ce que les quotas devraient ou ne devraient pas être. Aussi catastrophique que la situation puisse être, il est probablement préférable d'avoir l'OPANO plutôt que rien du tout.
Le sénateur Cook:Autour de cette table et ailleurs, je suis noyée par l'information que nous communiquent tous ces gens pleins d'expériences et de connaissances. J'ai écouté et j'ai essayé de comprendre. Qu'attendons-nous?
Qui allons-nous pousser dans la marre ou dans la baie en premier? Tout le monde a identifié le problème. Tout le monde a une solution. Qui devrions-nous pousser en premier?
M. May: Si nous avions la réponse à cette question, nous aurions déjà résolu le problème. Je vais essayer de vous en donner une.
À l'OPANO, les principaux joueurs sont le Canada et la Communauté européenne. Les quotas sont détenus en majorité par des pays de l'Union européenne et par le Canada.
Pour répondre à votre question je dirai que nous devrions exercer des pressions sur nos homologues de la Communauté européenne aux échelons les plus élevés de la diplomatie et du gouvernement car, ce qui se passe est irrationnel et inconcevable. Ça devrait être embarrassant pour des pays qui sont parmi les plus développés au monde. En fait, des organisations non gouvernementales font de la publicité dans le National Geographic pour les mettre dans l'embarras.
Une démarche diplomatique est nécessaire pour attirer l'attention des échelons les plus élevés des autres gouvernements et pour les persuader que ce comportement est lamentable. Il est temps d'y mettre fin.
La réalité est qu'il est difficile d'attirer l'attention des gens quand l'autre aspect du problème est que les stocks de morue de la mer du Nord sont décimés et que les pêcheurs britanniques ne veulent pas voir les Espagnols pêcher dans la mer du Nord. Il faut qu'ils aillent ailleurs. Il est plus facile de les envoyer vers le Grand Banc que de les garder dans les eaux européennes. Telle est la réalité de la situation.
Essentiellement, il y a deux principaux joueurs à l'OPANO — le Canada et la Communauté européenne. Si nous ne parvenons pas à régler le problème dans ce contexte, il y a d'autres solutions, notamment modifier le droit de la mer; mais c'est une initiative d'envergure qui prendra du temps.
Si nous adoptons simultanément trois ou quatre approches, le monde commencera à accepter que nous prenons le problème au sérieux et qu'il doit être résolu.
Le sénateur Cook: Vous dites que le gouvernement du Canada doit assumer un rôle prépondérant et faire le premier pas. Nous avons toute l'information sous la main et toutes les connaissances voulues. Le gouvernement du Canada a la responsabilité, par l'intermédiaire du MPO, des Affaires étrangères et autres organismes, de faire le premier pas.
Je veux parler des stocks de morue du Nord. Se trouvent-ils à l'intérieur de la limite de 200 milles? Est-ce pour ça que, chez nous, la zone K3JL nord-est, si c'est bien comme ça qu'on l'appelle, est fermée?
Quelqu'un doit prendre l'initiative. Je suppose que ça devrait être le gouvernement du Canada?
M. May: Oui. Les Affaires étrangères, le MPO, Environnement Canada, Ressources naturelles Canada et peut-être d'autres ministères devraient s'organiser au plus haut niveau pour dire à l'Union européenne: Ce problème doit être résolu sinon nos relations dans les autres secteurs s'en ressentiront.
Le sénateur Cook: Si plusieurs ministères élaboraient un plan stratégique sur cinq ans, il aurait plus de poids et aurait une plus grande influence que si le MPO agissait seul. Est-ce que la mobilisation de tous les ministères pourrait être une première démarche?
M. May: Oui, c'est ce que je suggère.
Le sénateur Cochrane: Il me semble que les Terre-Neuviens sont sur la sellette ce soir.
Avant Noël, Gus Etchegary a comparu devant le comité. Il a cité l'Islande et la Norvège comme étant les deux pays qui ont réussi à bien gérer leurs pêches. Êtes-vous d'accord, monsieur May?
M. May: Oui. La pêche est extrêmement importante pour l'Islande et la Norvège. Ces deux pays seraient dans une situation désespérée, bien que la Norvège ait quelques terres à cultiver si elle ne gérait pas la pêche correctement. La nécessité est la mère de l'invention. Ils font du bon travail.
Le sénateur Cochrane: Si la pêche était la principale ressource du Canada, le problème serait probablement résolu?
M. May: Ni l'Islande ni la Norvège n'ont des ressources importantes en dehors de la limite de 200 milles. Si ces pays ont réussi, c'est en premier lieu parce que la nécessité est la mère de l'invention. La pêche est très importante pour eux. Et en deuxième lieu, c'est parce que toutes leurs ressources se trouvent à l'intérieur de la limite de 200 milles.
Le sénateur Cochrane: Même dans notre situation, pouvons-nous tirer des leçons de ce qu'ils font?
M. May: Oui, bien sûr.
Le sénateur Cochrane: Qu'avons-nous appris?
M. May: Cela nous emmènerait sur un terrain totalement différent. Les Islandais ont fait une expérience: ils ont modifier le régime de propriété des pêches, qui étaient un bien commun et qui sont devenues un bien surtout privé. Je ne devrais pas en parler car c'est une question entièrement différente. Elle a déjà été portée à l'attention des comités parlementaires.
Le président: On l'a abordée, effectivement.
M. May: Je pense que c'est l'une des raisons qui expliquent le succès actuel de l'Islande.
Le sénateur Cochrane: J'aimerais vous demander ce que vous penser de l'engagement du Canada à l'égard de la recherche halieutique.
M. May: Je vais devoir me fier à ce que j'ai entendu dire car cela fait longtemps que je n'ai pas été près du ministère et de son programme de recherche. On m'a dit qu'on avait réduit les ressources et qu'elles n'avaient pas été remplacées. Nous n'investissons pas autant que nous le devrions dans la recherche halieutique et océanographique .
M. O'Rielly en sait probablement davantage que moi sur ce sujet.
M. O'Rielly: Il y a eu des réductions spectaculaires des ressources consacrées par le MPO à la recherche halieutique. Le MPO a connu les mêmes réductions que l'ensemble du gouvernement il y a plusieurs années. Il a subi des compressions budgétaires spectaculaires. En même temps, le ministère s'est vu confié un mandat beaucoup plus vaste concernant la gestion des océans, en dehors du poisson, dans lequel il a englouti une grande partie de ses ressources.
Si on regarde le total des chiffres, il n'a pas l'air très différent. Toutefois, si on tient compte du mandat supplémentaire et de l'inclusion de la Garde côtière dans le budget du MPO, il est évident que le ministère fonctionne à un niveau minimum pour ce qui est des ressources, des chercheurs et des navires. Il se fait beaucoup moins de travail.
Cela ne veut pas nécessairement dire que la solution soit de faire davantage de recherche. Le problème que nous connaissons à l'extérieur de la limite de 200 milles n'est pas réellement en soi une question d'évaluation des stocks. C'est avant tout une question d'imposition de mesures de police, d'autorité réglementaire et de compétence.
Cela nous ramène au fait que nous devons trouver une solution au sein de l'OPANO. Et cela n'arrivera que lorsque nous aurons réussi à modifier l'attitude du reste du monde, en particulier de l'Union européenne.
C'est réellement la solution vers laquelle nous devons tendre. Autrement, on aura beau évaluer les stocks, on ne réglera pas le problème de la pêche non réglementée et effrénée.
Le sénateur Cochrane: Je suis d'accord avec vous jusqu'à un certain point. Nous avons quand même besoin de la recherche pour déterminer l'état des stocks et les mesures à prendre dans certaines régions. Devrions-nous fermer la pêche dans certaines régions de notre province si les stocks sont dans un état déplorable? Peut-être devrions-nous ouvrir la pêche en hiver. Pour en décider, nous avons besoin de la recherche. N'en conviendrez-vous pas?
M. O'Rielly: Oui, bien sûr. Il faut faire davantage de recherche. Je ne veux pas donner l'impression que je ne suis pas en faveur de la recherche.
Je parlais, bien sûr, des problèmes à l'extérieur de la limite de 200 milles. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas beaucoup de doutes quant à l'état des stocks au Canada, leur décimation n'est qu'une question de degré. En ce qui concerne les stocks de morue du Nord, le sénateur Cook a parlé plus tôt de la pêche à la morue de 2J3KL. Il ne reste presque plus rien de ce stock. Il a été quasiment éliminé. Du point de vue commercial, il a disparu, c'est sûr, et il n'est probablement pas très loin d'avoir disparu du point de vue biologique également.
Nous le savons. Nous ne comprenons pas entièrement les facteurs qui en empêchent le rétablissement. Il y a toute une série de questions. L'action prédatrice des phoques est un énorme problème. La surpêche, tant de la part des Canadiens que des étrangers, est probablement un facteur. Il y a tout un tas d'autres théories concernant les changements environnementaux et leurs effets. La triste réalité, dans le contexte de la question que vous posez, est que non seulement il n'y a pas eu rétablissement des stocks clés comme la morue du Nord, mais encore nous ne pouvons pas dire réellement que nous savons exactement ce qui est arrivé à la morue du Nord, à part le fait qu'elle a disparu. Nous ignorons quels facteurs ont contribué à ce phénomène. Nous ne savons pas quels facteurs, ou quel ensemble de facteurs, empêchent son rétablissement. Nous ignorons totalement quand ou si ce stock reviendra. Dans une grande mesure, je pense que vous avez raison de dire que nous avons besoin de plus de recherche.
Le sénateur Cochrane: Quelle est l'influence des activités dans les régions du nez et de la queue du Grand Banc sur la zone 2J3KL?
M. O'Rielly: Je pourrais dire cavalièrement que je n'en sais rien, mais les chercheurs du MPO, dans la mesure où ils estiment qu'ils ont fait suffisamment de recherche sur le profil des stocks, avancent que les activités sur le nez et la queue du Grand Banc n'ont que peu ou pas d'influence sur la morue du Nord, par exemple. C'est un stock homogène sur le nez et la queue du Grand Banc. L'interaction est limitée. Les activités en dehors de la limite de 200 milles ne sont pas réellement un facteur en ce qui concerne le rétablissement de ce stock. Elles ont probablement été un facteur beaucoup plus important et, selon toute vraisemblance, un facteur extrêmement important dans la disparition de ce stock. Et cela, parce qu'il migrait de part et d'autre de la ligne et que la pêche n'était quasiment pas réglementée à l'extérieur de la limite. Elles ont certainement contribué grandement à la dévastation de ce stock. Toutefois, elles n'expliquent probablement pas pourquoi il ne se rétablit pas.
Le sénateur Cochrane: Je crois comprendre que vous avez assisté à une réunion à Bruxelles il y a cinq ou six mois. Est-ce exact?
M. O'Rielly: C'est exact.
Le sénateur Cochrane: Quelle a été la réaction de la Communauté européenne, de l'Espagne et des autres à l'égard de notre problème?
M. O'Rielly: Ce fut une expérience extrêmement intéressante. Peut-être que, à la réflexion, j'aurais pu prévoir leurs réactions. Les députés du Royaume-Uni ont été très positifs, ils ont apprécié notre présentation, nos critiques et nos commentaires. D'autres représentants, en particulier un parlementaire allemand ont été plus analytiques et plus cliniques dans leur intervention. Ils n'ont fait preuve d'aucun préjugé dans un sens ou dans l'autre. Les Espagnols se sont violemment opposés à presque tout ce que j'ai dit. C'était prévisible et compréhensible. Je n'en attendais pas moins de leur part.
Ce qui m'a réellement choqué toutefois a été la réaction des fonctionnaires de la commission européenne à qui l'on avait demandé de prendre la parole après moi et de commenter ce que j'avais dit. Ils ont présenté l'OPANO comme la meilleure organisation régionale de réglementation des pêches au monde. Ils ont dit que le comportement de l'Union européenne à l'OPANO était absolument exemplaire. Ils ont cité le fait que l'Union européenne avait son propre bateau de surveillance, ce qui est vrai, sur le nez et la queue du Grand Banc. Ils ont dit que l'Union européenne se conformait entièrement à toutes les règles de l'OPANO. Ils ont ensuite attaqué le Canada à deux égards.
Premièrement, ils ont attaqué la décision du Canada de ne pas ratifier la Convention du droit de la mer. Deuxièmement, ils ont attaqué le fait que le Canada continuait à pêcher la morue du Nord, qui fait l'objet d'un moratoire. Cette réponse de la commission européenne était d'autant plus choquante qu'elle était la preuve que les parlementaires européens ne reçoivent pas la même information que nous. Leurs propres fonctionnaires leur ont dit que le comportement de l'Union européenne était tout à fait noble.
Une des bonnes choses qui est ressortie de cette réunion est que le président du comité, un Écossais du nom de Struant Stevenson, a porté intérêt à ce que je disais. Ma présence était le résultat de la visite qu'il avait effectuée à St. John's et de l'entretien que j'y avais eu avec lui. Il m'avait invité à venir faire un exposé devant son comité. Puis, il a lui- même décidé de participer à une réunion de l'OPANO, qui devait se tenir en Espagne, la semaine suivante. Il a pu voir de première main ce qui se passait et retourner chez lui avec une compréhension et une conception de la situation complètement différentes de celles que lui avaient communiquées ses propres fonctionnaires.
Malheureusement, à ma connaissance, car j'ai tenté de vérifier par la suite, il est reparti en emportant des arguments et des preuves importants d'actes illicites de la part de la Communauté européenne. Je lui ai été utile car, grâce à certains contacts au ministère des Pêches et des Océans, j'ai pu lui obtenir des renseignements supplémentaires. Nos fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, à Bruxelles, ont contrôlé les activités du comité et, depuis la fin de septembre, ils ne se sont pas réunis pour examiner cette question et la dévoiler. Je m'attendais à un débat très animé entre M. Stevenson et son prédécesseur, l'Espagnol Daniel Varella.
Le sénateur Cochrane: Monsieur May, je connais votre expérience et les divers comités auxquels vous avez siégé. Lors de la conférence sur le droit de la mer, aviez-vous parlé à certains de vos prédécesseurs et de vos anciens collègues relativement à l'article 77, que vous voudriez voir révisé, et leur avez-vous demandé ce qu'ils en pensaient?
M. May: Non, tout simplement parce que je ne me suis pas beaucoup occupé de ces questions ces dix dernières années. Lorsqu'on m'a invité à comparaître devant ce comité, j'ai dû dépoussiérer certaines connaissances anciennes et les mettre à jour. Cette question m'a frappé. Il existe une importante échappatoire dans la loi actuelle. Cela constitue une lacune. De notre point de vue, il suffirait de modifier quelques mots seulement pour résoudre le problème. Ce serait très avantageux pour le Canada. Par ailleurs, d'autres n'y verraient pas un avantage pour eux-mêmes. Notre première réaction serait favorable, alors que pour d'autres ce serait une très mauvaise idée. Il faudrait au moins que nous puissions discuter avec eux, puis négocier et, un jour ou l'autre, conclure une entente. Ce serait une façon de procéder. Mais il y en a d'autres, et nous devrions les examiner.
Le sénateur Cochrane: C'est une chose à retenir, monsieur le président.
Le sénateur Johnson: Dans la foulée de la dernière question du sénateur Cochrane, notre gouvernement a-t-il pris position sur cette dernière question?
M. May: Le gouvernement n'a pas encore ratifié la Convention de 1982 sur le droit de la mer, en raison des doutes qu'il avait au sujet de l'Autorité internationale des fonds marins, de son mode de fonctionnement et de divers autres aspects.
Suite à des conversations récentes avec des hauts fonctionnaires, je suis arrivé à la conclusion qu'il n'y avait probablement pas de raison impérieuse, pour le gouvernement canadien, de ne pas ratifier la convention de 1982. Cela étant, je crois savoir qu'après ratification, la convention pourrait assez rapidement faire l'objet de modifications. C'est pourquoi j'estime que nous devrions ratifier la convention, pour pouvoir ensuite y proposer des modifications.
Le sénateur Johnson: Cela semble tout à fait logique. Comment nous y prendrons-nous? Quelles seraient les conditions préalables? Vous dites aussi que nous devons nous mettre au travail. Ne serait-ce pas un bon point de départ? Vous dites, dans votre document, qu'il faudra compter entre cinq et dix ans. Je siège à ce comité depuis des années, et j'ai entendu la même chose à de nombreuses reprises. J'ai déjà vécu à Terre-Neuve.
Ma famille est originaire d'Icelande, où les gens ont le plus grand respect pour les pêches. Tout dépend de cette industrie. Je ne comprends pas comment nous avons pu permettre aux choses d'en arriver là. Les personnes que nous voyons ne nous disent jamais que la situation s'est améliorée. Notre gouvernement dit qu'il agit, mais il ne fait rien. Devrions-nous commencer par là? Faut-il exercer des pressions en ce sens? Il faut bien commencer quelque part.
M. May: Cette approche pourrait être ou ne pas être fructueuse, mais elle repose au moins sur une certaine logique.
Le Canada a ratifié la convention sur les stocks chevauchants, mais la Communauté européenne ne l'a pas ratifiée. Nous devrions aussi aborder cette question, afin de voir comment nous pourrions faire avancer le dossier.
Il faudrait exercer des pressions auprès de l'OPANO, afin d'améliorer cette entente. Étant donné que les deux principaux intéressés sont le Canada et la Communauté européenne, il est permis d'espérer que s'ils parvenaient à une certaine forme d'entente, les autres suivraient.
Je ne pense pas qu'il faille se limiter à une seule approche. Nous devrions plutôt prendre toutes les mesures qui s'imposent. Nous devons toutefois attirer l'attention du gouvernement national, pour qu'il puisse ensuite dire aux gouvernements des autres pays que nous attendons depuis 25 ans et que le moment est maintenant venu de trouver une solution. Ces solutions ne sont pas hors de portée de l'intelligence humaine. Mettons-nous au travail.
Le sénateur Johnson: Je terminerai en vous demandant ce que ressentent les Terre-Neuviens face à la situation actuelle.
M. May: Je vous répondrai en vous rappelant cette histoire où l'on demande comment on fait pour reconnaître des Terre-Neuviens au paradis. La réponse: ce sont ceux qui veulent retourner chez eux. Terre-Neuve est toujours un merveilleux endroit où vivre, peu importe la situation.
La situation est irritante. Tout le monde à Terre-Neuve est conscient qu'il y a un problème à l'extérieur de la zone de 200 milles. L'OPANO ne fonctionne pas. Il faut l'améliorer. Il y a actuellement une commission royale à l'oeuvre à Terre-Neuve. Je serais étonné qu'elle n'ait rien à dire sur cette question. On y dira et redira que le problème ne peut être résolu par la province et que la question relève du gouvernement national. Le pays doit prendre les choses en main et s'attaquer au problème.
Le président: La question du sénateur Cochrane au sujet de la recherche m'a amené à penser que le Canada n'a pas fait preuve de transparence en ce qui concerne les fonds engagés dans la recherche depuis un certain nombre d'années. Nous ne savons toujours pas ce qui a causé l'effondrement des stocks de morue du Nord. En fait, lorsque les stocks étaient sur le point d'atteindre leur niveau le plus bas, le gouvernement a coupé le financement, ce qui nous a empêchés de savoir ce qui s'était passé. Nous n'avons pas fait mieux dans d'autres domaines. Nous avons réduit la recherche presque partout. Les ressources d'application ont également été réduites. De nombreux secteurs ont subi des compressions.
Nous n'avons pas fait ce qu'il fallait pour pouvoir nous vanter, auprès des autres pays, de la qualité de notre gestion des stocks. En fait, les stocks continuent de baisser dans nos eaux. Nous serions malvenus de défendre la qualité de notre gestion des ressources auprès de nos collègues européens. Il serait peut-être préférable de faire notre autocritique avant de nous vanter.
Cela étant dit, comment devrions-nous réagir s'ils nous disent nos quatre vérités lorsque nous tenterons de leur expliquer que nous voulons assurer nous-mêmes la gestion des stocks?
M. May: Je voudrais vous rappeler ce que disait plus tôt M. O'Rielly. Le problème, à l'extérieur de la zone de 200 milles, est clairement défini et il n'est pas nécessaire de faire d'autres recherches scientifiques pour en savoir plus à ce sujet. Le problème a été bien défini.
Le président: Est-ce exact dans l'optique canadienne?
M. May: C'est exact.
Le président: Permettez-moi de me faire l'avocat du diable. Si j'étais un Européen et qu'un Canadien venait plaider en faveur d'une gestion canadienne des ressources et vanter la compétence des Canadiens en la matière, est-ce que je ne serais pas tenté de lui donner l'heure juste? Nous ne pouvons pas simplement dire que notre problème est indéfinissable, alors que le problème est définissable en ce qui concerne la région du nez et de la queue.
M. May: Permettez-moi de souligner que nous savons quel est le problème dans cette région. Nous nous en tiendrons à cela.
Comme M. O'Rielly le disait plus tôt, lorsqu'il a parlé à des représentants de la Communauté européenne, ils ont précisément fait ce dont vous parliez, monsieur le président; ils ont joué le rôle de l'avocat du diable, ou même plus, en nous demandant ce que nous faisions dans le cas de la morue du Nord, qui est visée par un moratoire. D'autre part, les Européens pourraient nous rappeler que la pêche sportive permet à n'importe qui de pêcher un certain nombre de poissons. Cette question est une véritable patate chaude pour les Terre-Neuviens. Si vous leur demandiez s'ils accepteraient de renoncer à la pêche sportive de la morue du Nord, afin de mieux convaincre les Européens de modifier leurs pratiques à l'extérieur de la zone des 200 milles, je ne suis pas certain de ce qu'ils répondraient.
On a raison, dans une certaine mesure, de nous reprocher de vouloir gagner sur tous les plans.
Le président: Je voulais surtout dire que nous n'avons absolument aucune idée de ce qui a causé l'effondrement des stocks de morue du Nord. J'ai entendu toutes les explications possibles, depuis les phoques jusqu'aux eaux froides, en passant par la variation des températures de l'eau et l'ancien gouvernement fédéral. Tout le monde a invoqué toutes les raisons possibles. Mais nous ne connaissons toujours pas les véritables causes. En définitive, il faudrait poursuivre les recherches, mais les fonds ont été coupés.
M. May: Nous ne pourrons jamais expliquer ce qui nous échappe à l'heure actuelle, car il faudrait remonter dans l'histoire.
Nous pourrions vous expliquer brièvement ce qui, selon nous, est arrivé à la morue du Nord. Il me suffira de deux minutes.
À la fin des années 60, les quantités de morue du Nord prises par les bateaux de pêche étrangers sont passées de 300 000 tonnes à 800 000 tonnes. C'est une augmentation énorme.
En 1977, le Canada a étendu sa zone de compétence, en partie en raison de cet accroissement massif de la pêche étrangère, qui a eu des répercussions. Vers le milieu des années 70, le nombre de pêcheurs à Terre-Neuve avait atteint son niveau le plus bas depuis le début du XXe siècle. Cette situation était directement attribuable à l'augmentation très marquée des prises étrangères à la fin des années 60. Nous avons étendu notre zone de compétence à la fin des années 70, en croyant contrôler la situation. Il n'en fut rien.
Nous n'avions pas compris que le fait de pêcher 800 000 tonnes de poisson pendant plusieurs années avait réduit les stocks à un niveau très faible, plus faible que nous ne le pensions.
Il ne s'agit pas là de faits scientifiques. Je vous expose plutôt une théorie, une hypothèse. L'affaiblissement des stocks, attribuable aux prises énormes de la fin des années 60, a été suivi, à la fin des années 80, d'une période de quatre ou cinq ans au cours de laquelle la température de l'eau était considérablement plus froide. En raison de ce refroidissement, le taux de survie des jeunes morues est demeuré très faible pendant cinq années de suite, soit durant les années 1979, 1980, 1981, 1982, et suivantes. Les jeunes morues naissaient mais ne survivaient pas, si bien que les stocks diminuaient de plus en plus. Il est impossible de vérifier scientifiquement cette situation avant que les poissons n'aient atteint l'âge de quatre ou cinq ans; on peut alors constater les effets sur la pêche commerciale.
Vers 1989, trois ans avant le moratoire, les scientifiques ont dit qu'il y avait moins de morue du Nord qu'ils ne s'y attendaient. La situation paraissait peu encourageante, car il n'y avait pas eu de nouvelles naissances depuis quatre ou cinq ans. Les scientifiques ont informé le gouvernement canadien de cette situation en 1989.
Plusieurs comités de haut niveau ont été formés, la question étant toujours de savoir si la situation était vraiment mauvaise. La réponse: Oui, elle est vraiment mauvaise et elle empire. Trois années ont passé et, en 1992, le moratoire a été déclaré.
C'était l'effet combiné d'un stock déjà réduit et de plusieurs années de conditions environnementales malsaines. J'oublie un point important, toutefois. Lorsque l'eau s'est refroidie, le poisson s'est déplacé vers le Sud — non seulement la morue, mais aussi beaucoup d'autres espèces. Le poisson s'est déplacé vers le Sud, puis vers l'Est. Lorsqu'il s'est déplacé vers l'Est, il est sorti de la zone des 200 milles; et lorsqu'il est sorti de la zone des 200 milles, les pêcheurs de l'Espagne, du Portugal et d'autres pays étaient là et ce fut la fin. Je suis sûr à 90 pour 100 que c'est en gros ce qui s'est passé.
Le président: Je crois que vous avez raison. Il y a eu des problèmes. C'est intéressant d'avoir ainsi une évaluation a posteriori de la situation.
Vous avez notamment signalé ici ce soir qu'il nous faut travailler sur plusieurs fronts. Il y a plusieurs fronts. Vous en avez exposé un et M. O'Rielly, un autre. Il faut travailler sur tous ces fronts à la fois. Avec des comités comme celui-ci, d'autres députés, sénateurs, etc., tous doivent contribuer à l'effort.
Il faut dire que nous avons beaucoup d'alliés. Le Canada a beaucoup d'alliés en Europe. Je songe à des pays comme l'Islande, la Norvège, le Royaume-Uni et de nombreux pays qui seraient bien disposés à l'égard, pas nécessairement de la gestion de la garde, mais des problèmes qui nous assaillent. Certains de ces pays, à l'exception peut-être de l'Islande, connaissent des problèmes similaires.
La solution serait peut-être que les parlementaires provinciaux et fédéraux exploitent ces contacts et fassent appel à des personnes sensibilisées à l'environnement comme les sénateurs Johnson et Spivak pour animer et soutenir les efforts de préservation de ces stocks en déclin. La solution consiste peut-être à travailler sur plusieurs fronts.
M. May: Absolument. J'ajouterai seulement que, si le problème peut être résolu dans le cadre des accords internationaux existants, tous les pays qui sont associés depuis toujours à cette région en bénéficieront et pas seulement le Canada.
Le président: Un ancien ministre fédéral des Pêches a dit en parlant de l'Entente des Nations Unies sur les pêches, l'ENUP, que le meilleur moyen de mettre fin à la surpêche hauturière était de vraiment l'appliquer en permanence. Êtes-vous d'accord?
M. May: Il est trop tôt pour le dire. L'Union européenne n'a pas encore ratifié cette entente. C'est encore tout nouveau. Il est à espérer que l'entente sera efficace, mais on ne l'a pas encore mise à l'épreuve.
Le président: Une dernière question: la morue du Nord de la zone 2J3K3L est-elle considérée comme un stock chevauchant? Je ne l'ai jamais vue sur aucune des listes qui nous ont été présentées par qui que ce soit à l'OPANO.
M. May: Oui, 2J3K3L représente la répartition — 3L s'étend au-delà de la zone des 200 milles; c'est le Nez du Banc.
Le président: C'est un stock chevauchant.
M. May: Oui, et cela tient à ce que je viens de vous expliquer. Normalement, il ne chevauche pas beaucoup; 5 ou 10 pour 100 du stock peut se trouver à l'extérieur. Toutefois, à la fin des années 80 et au début des années 90, lorsque l'eau s'est refroidie et que le poisson s'est déplacé vers le Sud et l'Est, le stock s'est en grande partie trouvé hors de la zone des 200 milles.
Le sénateur Rompkey: Si le comité souhaitait entendre des écologistes, qui devrait-il inviter à votre avis? Un nom qui me vient à l'esprit, par exemple, est celui d'Elizabeth May, du Sierra Club. Le comité gagnerait-il à entendre une personne comme celle-là, ou avez-vous d'autres personnes à nous proposer?
M. May: J'ai quelqu'un à vous proposer, mais permettez-moi d'abord une mise en garde car, compte tenu de la gravité de la situation, on pourrait décider tout de suite que tout le monde devrait cesser de pêcher. Aucun pays de pêche n'y consentirait à cause de l'incidence que cela aurait sur ses localités. Cela étant dit, toutefois, je sais que le Fonds mondial pour la nature s'intéresse beaucoup à toute cette situation. Il condamne dans ses annonces publicitaires la politique européenne en matière de pêches. Il a tenu récemment un atelier à St. John's afin de s'informer des problèmes et de trouver des solutions. Le Fonds mondial pour la nature est un groupe déjà engagé.
M. O'Rielly: Je conviens avec M. May que des organisations comme le Fonds mondial pour la nature ont une certaine crédibilité. Le défi que pose le recours au mouvement écologiste est que cela peut entraîner des restrictions sur la pêche qui ne nous paraîtront peut-être pas acceptables. Le traitement risque d'être pire que la maladie.
Le sénateur Rompkey: Diriez-vous qu'il ne faut pas s'en occuper?
M. O'Rielly: Nous n'avons pas le choix. Les écologistes sont au courant du problème. Ils sont préoccupés. Ils interviendront et ils auront un rôle à jouer. Il nous incombe de le reconnaître et de trouver le moyen de collaborer avec eux pour maintenir notre activité de pêche, et d'obtenir leur appui dans la promotion d'une stratégie de rétablissement. Je le répète, cela ne se fera certes jamais au sein de l'Union européenne. Cela ne se fera apparemment pas, compte tenu des intérêts de pêche. Nous avons traité des intérêts de pêche, canadiens et européens. Le défi et notre intérêt consistent à avoir accès à la ressource.
Les secteurs de la pêche des deux côtés de l'Atlantique n'ont fait preuve d'aucune réelle détermination en matière de conservation. En l'absence de toute détermination à cet égard, le mouvement écologiste aura beaucoup plus d'influence à l'avenir qu'il n'en a eu jusqu'à maintenant.
Le sénateur Rompkey: Je veux être sûr d'avoir bien compris. M. May a dit au sénateur Cook qu'il valait un peu mieux pour nous que nous fassions partie de l'OPANO plutôt que pas du tout. Vous avez proposé des choses. Nous avons parlé de diverses mesures possibles. Il faut manifestement commencer par amener le gouvernement à agir. Puis, il existe un certain nombre d'options.
Monsieur O'Rielly, vous avez dit au cours de votre exposé que le Canada devrait décider unilatéralement d'accroître sa compétence et d'étendre sa zone économique jusqu'au bord de la plate-forme continentale. Vous avez dit aussi que si le régime prescrit n'était pas mis en œuvre dans un délai raisonnable, nous devrions quitter l'OPANO. J'ai compris que vous préféreriez rester au sein de l'OPANO et essayer les diverses options possibles au sein de l'OPANO. Est-ce là ce que vous recommandez?
M. O'Rielly: Au fond, c'est une question de plausibilité. Nous n'avons d'autre choix que de montrer aux autres membres de l'OPANO, et au monde entier, que nous avons épuisé tous les moyens possibles de faire fonctionner l'OPANO. De par sa structure même, l'OPANO est un outil idéal. Il peut servir à un certain nombre de fins utiles. Il peut notamment limiter la pêche aux pays membres de l'OPANO. C'est considérable. À l'heure actuelle, le nez et la queue du Grand banc ne sont vraiment ouverts qu'aux pays membres de l'OPANO. Si nous adoptions des mesures responsables au sein de l'OPANO et si nous protégions la ressource pour tous les pays participants — si ce message était compris et si cela était fait — l'OPANO pourrait être une organisation extrêmement utile.
La volonté de changer les choses, de réaliser une véritable métamorphose ou presque, n'existe pas. C'est ce que nous cherchons à obtenir. Sans cette volonté, on en revient aux mesures concurrentes dont nous avons parlé. Quand cela fait deux à cinq ans — le délai est discutable — que vous essayez de régler le problème au sein de l'OPANO, il arrive un moment où vous devez dire que c'est assez. Vous devez décider d'agir unilatéralement et espérer montrer au reste du monde qu'une telle mesure s'impose. S'il y avait consensus sur la nécessité pour l'État côtier de prendre une mesure unilatérale ou vraiment démonstrative, ce serait alors acceptable. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Le sénateur Johnson: Le sénateur Rompkey demandait si les écologistes pourraient promouvoir la cause. Il s'agit au bout du compte de vraiment sensibiliser l'opinion publique. Lorsqu'on ne vit pas à Terre-Neuve, lorsqu'on vient comme moi d'une localité située sur le lac Winnipeg, par exemple, tout ce qu'on sait du problème, c'est qu'il n'y a plus autant de morue qu'avant. Il s'agit de trouver des moyens de conscientiser davantage les Canadiens. Nous devons le faire pour nos lacs comme pour les deux océans. Le Fonds mondial pour la nature, comme l'a dit le sénateur Spivak, est un des meilleurs organismes à cet égard — compte tenu même des annonces publicitaires dont vous parliez, avec l'assiette. La promotion est importante aussi. Il ne se passera jamais rien au plan environnemental tant que les gens ne seront pas directement touchés dans la qualité de leur eau ou de leur nourriture. C'est là que nous, parlementaires, devons prendre des mesures proactives.
Le sénateur Spivak: N'est-il pas vrai que les 17 zones de pêche du monde sont surexploitées ou exploitées au maximum à l'heure actuelle? La crise est imminente. J'estime — et je sais que cela ne sera pas bien reçu — que c'est Greenpeace qui attire le plus l'attention.
Le sénateur Johnson: J'adore Greenpeace à certains égards.
Le sénateur Spivak: Les groupes environnementalistes ne sont pas tous pour la défense des droits des animaux; bien au contraire, en fait. De nombreux groupes environnementalistes comprennent que s'il n'y a pas d'animaux, il n'y a pas non plus d'habitat ni de moyen de subsistance pour les humains. Beaucoup d'écologistes le comprennent. La plupart, en fait. Le problème des phoques, notamment, a surtout à voir avec la façon dont ils sont tués. Je ne m'y connais pas beaucoup en la matière, mais je ne crois pas qu'on puisse avoir des idées sensées sur ce qu'il faut faire ici-bas et condamner la chasse au phoque autant que le font certains groupes.
Toutefois, c'est l'organisation Greenpeace qui réussit le mieux à retenir l'attention parce qu'elle choque. Elle a fait bouger d'énormes pétrolières. Elle a eu beaucoup de succès. Il serait intéressant de voir ce qu'elle a à dire.
Le sénateur Johnson: Je crois que nous le savons.
M. May: Le mouvement écologiste est capable de livrer un message à un vaste auditoire et le temps est venu de s'en servir, surtout pour informer les États membres de l'Union européenne et leurs citoyens des dommages qu'ils causent dans cette partie du monde depuis 25 ans. Comme on parle des phoques, je ne peux m'empêcher de dire qu'il y en a beaucoup trop.
Le sénateur Spivak: Oui. À l'instar de toutes les autres organisations, les organismes à vocation environnementale ne sont pas unanimes. Il y en a de plus raisonnables que d'autres, et ils sont nombreux.
Le président: Je vous ferai remarquer qu'un des meilleurs communicateurs que nous ayons eus à cet égard était, en fait, un ancien ministre des Pêches. Je n'oublierai jamais le jour où il est allé à New York et où il a tenu ce pauvre petit turbot qui s'accrochait désespérément au filet avec les dernières petites nageoires qui lui restaient. C'est une des scènes les plus émouvantes que j'aie jamais vues, et quel grand communicateur il était alors! On ne peut pas oublier des communicateurs comme lui. Je crois qu'on l'appelait Tobinator.
Le sénateur Cook: Monsieur May, je conviens qu'il vaut mieux travailler à l'intérieur qu'à l'extérieur de la tente, et les Terre-Neuviens ont un vocabulaire très savoureux à cet égard.
Il y a environ un mois, nous avons entendu M. David Bevan, de Dalhousie, qui préside le Comité permanent de contrôle international, ou STACTIC, au sein de l'OPANO. Voyez-vous là une possibilité de renforcer l'OPANO et de lui donner une discipline et des moyens?
M. May: M. O'Reilly connaît mieux que moi le fonctionnement actuel de l'OPANO, mais je soupçonne que nous avons promu la question du contrôle international autant qu'on peut le faire sans établir une certaine forme de tutelle, du Canada ou de l'OPANO.
Le sénateur Cook: Voyez-vous là un véhicule pour prendre cette mesure additionnelle?
M. O'Rielly: C'est effectivement un comité de l'OPANO, et M. Bevan est un haut fonctionnaire du MPO. La présidence du comité STACTIC de l'OPANO fait partie intégrante des responsabilités associées à son poste.
Le Canada documente bien les problèmes, présentant les preuves et exposant la nécessité d'adopter de meilleures mesures de mise en application, mais la réceptivité et la volonté d'agir ne sont pas là. Tel est le problème fondamental. En bref, non, je ne vois pas là un moyen de résoudre le problème de l'OPANO.
Le sénateur Cook: J'espérais que ce fut une option.
Le président: Avez-vous participé à la table ronde que le ministre a tenue il y a quelques jours sur la surpêche étrangère?
M. May: Nous y étions tous les deux.
Le président: En est-il ressorti quoi que ce soit de renversant ou de révolutionnaire?
M. O'Rielly: Non, il s'agissait d'une réunion d'experts internationaux du droit maritime, qui ont débattu ces questions de façon très savante. On a fait un historique intéressant et utile du problème, mais on a surtout expliqué clairement pourquoi nous n'avons pas le droit légal de prendre des mesures unilatérales. Cela n'avait rien de normatif. Il n'en est ressorti aucune avenue ni moyen d'action que nous pourrions prendre, sinon des allusions à des mesures dont il a déjà été question, telles celles prévues dans le cadre de l'ENUP.
Dans son exposé, Douglas Johnson a parlé de la possibilité de collaborer à nouveau avec le mouvement écologiste et de mieux conscientiser le monde au fait qu'il s'agit ici d'un problème international de sécurité alimentaire et non de la volonté égocentrique du Canada de protéger son secteur de la pêche, notamment, comme d'un autre stratagème pour essayer de recueillir des appuis. Beaucoup de suggestions ont été présentées, mais peu étaient originales. Il s'agissait d'un pot-pourri de recettes possibles, dont beaucoup sont valables et font l'objet de mesures concurrentes.
Il n'y avait rien là, toutefois, qui nous amène à croire que nous sommes sur la bonne voie, que nous pouvons et devrions faire quelque chose. Cela n'est pas ressorti de la table ronde, à mon avis.
Le président: On s'en est tenu aux discours habituels.
M. O'Rielly: Beaucoup.
Le président: Pour terminer, je tiens à remercier nos témoins pour une séance qui a été ce soir des plus intéressantes.
(La séance est levée.)