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POFO - Comité permanent

Pêches et océans


Délibérations du comité sénatorial permanent des 
Pêches et des océans

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 10 juin 2003

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 19 h 03 pour étudier des questions relatives à l'industrie des pêches.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président: Je déclare la séance ouverte. Nous poursuivons ce soir notre étude sur les questions relatives aux stocks chevauchants et à l'habitat du poisson.

[Traduction]

Nous poursuivons notre étude sur l'habitat du poisson. Nous recevons ce soir M. Victor Shantora et son collègue, M. Garver. M. Shantora est directeur exécutif intérimaire de la Commission de coopération environnementale de l'Amérique du Nord, ou CCE. La CCE a été créée par le Canada, le Mexique et les États-Unis afin de favoriser la coopération entre les partenaires de l'ALENA — l'Accord de libre-échange nord-américain — par la mise en oeuvre de l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement, l'ANACDE, qui est le volet environnemental de l'ALENA.

Avant de se joindre à la CCE, M. Shantora a travaillé environ 26 ans pour Environnement Canada, où il a occupé des postes de direction et des postes techniques de haut niveau dans divers secteurs. M. Shantora nous apporte ce soir sa vaste expérience, dont nous espérons bien pouvoir tirer profit pour mieux comprendre les aspects positifs et négatifs concernant l'habitat, en ce qui a trait particulièrement à l'Accord de libre-échange nord-américain. Nous avons hâte d'entendre votre présentation, monsieur Shantora.

M. Victor Shantora, directeur exécutif intérimaire, Commission de coopération environnementale de l'Amérique du Nord: Je voudrais vous parler de quatre sujets. Je vais premièrement vous décrire brièvement ce qu'est la CCE, et aborder ensuite trois autres sujets qui se rattachent tous à l'habitat et aux écosystèmes marins en eau douce: d'abord le processus que nous appliquons pour les communications des citoyens sur l'application des lois, ensuite l'eau douce — nous allons présenter quelque chose à notre conseil à ce sujet dans deux semaines — et enfin la biodiversité; je vais vous donner un aperçu de cette question et, en particulier, de la question des espèces étrangères.

Je m'excuse si nous vous avons fourni un peu trop d'information, mais j'ignorais ce que vous saviez exactement au sujet de la CCE. Je vais vous faire mon exposé à partir d'une présentation en PowerPoint. Nous vous avons aussi fait remettre un exemplaire de notre programme de travail pour cette année et les deux années à venir, ainsi qu'un rapport provisoire sur les communications que nous avons reçues du grand public au sujet des questions relatives à l'application des lois.

Quand on regarde l'Amérique du Nord, il est important à mon avis de replacer les choses dans une perspective environnementale ou écologique régionale. Il y a 400 millions de personnes ici. Nous avons un écosystème commun, et la réalité, c'est que l'air, l'eau, les espèces — en particulier les espèces envahissantes — ne s'arrêtent pas aux frontières de nos trois pays. Nous avons maintenant une économie ouverte. Il se produit pour environ 11 billions de dollars de biens et de services dans nos trois pays, si on additionne le PIB de chacun. Depuis 1993, sous le régime de l'ALENA, les échanges entre les trois pays ont doublé pour atteindre à peu près 640 milliards de dollars par année.

Vous vous rappellerez peut-être qu'en 1993, au moment où les négociations sur l'ALENA étaient sur le point de se conclure, la population s'inquiétait beaucoup de ce qui pourrait arriver à l'environnement. C'est une question qui préoccupait aussi les trois gouvernements, mais en particulier l'administration Clinton. Le président Clinton savait en effet qu'il lui faudrait plus que l'ALENA pour obtenir l'approbation du Congrès. C'est ainsi que des accords parallèles sur l'environnement et la main-d'oeuvre ont été négociés et signés. L'année 1994 a été marquée par la mise en oeuvre de l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement, en vertu duquel a été créée la Commission de coopération environnementale, indépendante des gouvernements. On nous qualifie de «chien de garde». Nous avons pour rôle de réunir les trois pays pour régler leurs problèmes communs.

Les États-Unis possèdent la plus grosse économie au monde, et le Canada arrive au huitième rang à ce chapitre. Ce sont deux pays industrialisés. Le Mexique, quant à lui, a un pied dans le camp des pays en développement et l'autre dans celui des pays industrialisés. Son économie se classe généralement au 14e ou au 15e rang dans le monde. Même si on peut le considérer comme un pays en développement, ce rang est très significatif. Il montre que les Mexicains veulent faire les choses comme il faut. Souvent, cette volonté est limitée par le manque d'infrastructure et de mécanismes institutionnels. Les efforts de nos trois pays visent en partie à essayer de hausser la barre en termes de résultats environnementaux, mais aussi à faire en sorte que l'intérêt accordé au Mexique lui permette de mettre ses institutions à niveau par rapport à celles des États-Unis et du Canada.

Nous avons pour mission de promouvoir la coopération entre les trois pays, grâce à la participation du public, afin de favoriser la conservation, la protection et la mise en valeur de l'environnement nord-américain. Nous faisons cela dans le contexte du resserrement de nos liens économiques et commerciaux. La CCE s'occupe d'environnement, mais dans l'optique du commerce. Quelles sont les retombées du commerce sur l'environnement? Sont-elles positives, négatives ou neutres?

La structure de la CCE se compose de trois éléments clés. Le premier est le conseil: David Anderson pour le Canada, Victor Lichtinger pour le Mexique et Christine Todd Whitman pour les États-Unis. Ils se réunissent une fois par année pour établir l'orientation politique de nos programmes.

Il y a aussi un secrétariat à Montréal, que je dirige actuellement. Nous appliquons les mécanismes prévus dans l'accord.

Enfin, il y a le Comité consultatif public mixte. Il s'agit d'une nouvelle structure, comme je n'en ai jamais vu dans d'autres accords internationaux sur l'environnement. Ce comité regroupe quinze citoyens, cinq de chaque pays, qui ont reçu des ministres le mandat général de prendre le pouls de l'opinion publique et de s'informer des préoccupations que les questions d'environnement suscitent dans la population.

La CCE joue un rôle de catalyseur de la coopération régionale. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de coopération avant sa création, mais en vertu de l'accord parallèle sur l'environnement, nous avons légitimé et officialisé nos relations de travail. Nous avons des groupes de travail, des groupes d'experts qui sont constitués pour cerner et résoudre les problèmes.

Nous sommes un centre d'information et d'analyse indépendantes. Nous prenons du recul pour examiner les questions d'environnement dans l'optique de nos trois pays. Nous n'avons pas un point de vue national, mais plutôt un point de vue général sur la situation en Amérique du Nord.

Enfin, nous offrons une tribune permettant le dialogue et la participation du grand public. Nous avons spécifiquement pour tâche, en vertu de l'accord, de solliciter les commentaires des gens et de les faire participer à tous nos travaux.

Pour vous donner une idée de ce que nous faisons en termes de coopération régionale, je voudrais vous énumérer quelques-uns des domaines dans lesquels nous travaillons: la gestion rationnelle des produits chimiques, la santé des enfants, la promotion du commerce des produits et services écologiques et la protection des oiseaux de l'Amérique du Nord.

Nous faisons un certain nombre de choses dans les domaines de l'information et de l'analyse. Nous publions chaque année un rapport intitulé «À l'heure des comptes» au sujet des émissions polluantes au Canada et aux États-Unis. Nous surveillons ces émissions et nous en faisons rapport, et le Mexique va bientôt y contribuer lui aussi. Nous produisons aussi des rapports sur l'état de l'environnement et sur les effets de l'ALENA, de même que des rapports spéciaux sur des sujets comme l'intégration du marché nord-américain de l'électricité.

Nous tenons également de nombreuses consultations publiques. Nous recevons des communications des citoyens. Si les gens croient que les lois ne sont pas appliquées, nous examinons cela séparément. Nous avons créé un fonds pour verser des subventions aux groupes communautaires locaux qui souhaitent travailler à des projets visant à intégrer une optique nord-américaine dans les dossiers locaux touchant l'environnement.

Nous avons un budget annuel de 9 millions de dollars U.S., partagés également entre les trois pays. Notre siège social, à Montréal, compte 55 employés.

Permettez-moi de passer maintenant aux communications sur les questions d'application des lois. Si des citoyens nord-américains jugent qu'une loi environnementale n'est pas respectée, ils peuvent nous soumettre une communication, que nous allons juger d'après certains critères. Si nous établissons qu'une de ces communications semble fondée, nous pouvons demander de plus amples renseignements. Nous pouvons examiner la question plus à fond et demander au conseil, puisque nous faisons office de secrétariat, de nous autoriser à préparer un rapport dans lequel nous réunissons tous les faits dont nous avons connaissance. Nous recueillons ces faits sur le terrain et nous les rendons publics. Nous ne passons pas de jugements, nous ne tirons pas de conclusions et nous ne faisons pas de recommandations; nous disons seulement qu'il y a eu des allégations selon lesquelles une loi n'était pas respectée et nous présentons les faits pertinents.

Nous avons traité environ 39 communications depuis neuf ans et nous avons actuellement 13 dossiers en chantier. Comme vous le verrez, huit des treize communications qui concernent le Canada se rattachent à l'application de la Loi sur les pêches, et en particulier de ses dispositions sur la protection de l'habitat et sur la prévention de la pollution.

Je voudrais vous parler aussi de l'utilisation durable et de la conservation de l'eau douce en Amérique du Nord. C'est une question qui intéresse votre comité. Quand le conseil s'est réuni en 2001, il a reconnu que la question de l'eau douce représentait un enjeu majeur, tant pour aujourd'hui que pour demain, et il s'est demandé si la CCE devrait en examiner certains aspects. Il nous a demandé de sortir sur le terrain et de faire enquête à ce sujet-là.

Nous avons rédigé l'automne dernier ce que nous avons appelé un «aperçu des options» et nous avons ensuite tenu des consultations publiques sur ce document. Il s'agissait de vastes consultations, qui ont réuni notamment les gouvernements, la Commission mixte internationale et la Commission internationale des frontières et des eaux. Nous voulions déterminer s'il y avait un aspect de la question qui se prêterait bien à une étude de la CCE. Nous ne voulions pas répéter ce que d'autres personnes faisaient déjà, mais savoir si nous pouvions faire quelque chose d'utile de notre côté.

Nous avons pris les neuf options et nous les avons réduites à deux, à partir des commentaires recueillis au cours des consultations publiques; nous espérons les présenter au conseil d'ici quelques semaines. La première de ces options serait de déterminer comment des techniques et des technologies abordables pourraient aider à conserver l'eau et à rétablir les milieux aquatiques, et quels seraient les obstacles à leur application. Et la deuxième consisterait à trouver des exemples de pratiques durables de gestion des bassins hydrographiques en Amérique du Nord.

Sur le premier point, la notion de techniques et de technologies abordables s'applique à l'ensemble de l'Amérique du Nord, mais plus particulièrement au Mexique. Les Mexicains ne peuvent pas se payer des solutions coûteuses et hautement perfectionnées, et c'est pourquoi il est important de trouver des mesures simples, facilement réalisables et relativement peu coûteuses à mettre en place. Les propositions que nous allons soumettre au conseil dans quelques semaines vont dans ce sens-là. Malheureusement, nous devrons ensuite attendre que le conseil examine la question, qu'il prenne une décision et qu'il nous donne ses instructions, mais je voulais vous montrer qu'il s'agit d'une priorité pour la CCE dans le contexte nord-américain et que nous trouvons important de ne pas faire le même travail que les autres.

Le dernier domaine de coopération se rattache aux espèces marines et aux espaces marins en Amérique du Nord. Comme vous le savez, nous avons un certain nombre de défis à relever à cet égard, nous seulement au Canada, mais partout en Amérique du Nord: la fragmentation et la disparition des habitats; les hausses de population, particulièrement sur la côte; la surpêche et les conflits relatifs à l'utilisation des ressources; et la gestion des ressources. Nous continuons à voir des espèces disparaître ou connaître des changements en termes d'abondance et d'aire de répartition, et à voir des zones de protection devenir des îlots de conservation potentiels. Avec la croissance prévue du commerce mondial, des espèces étrangères envahissantes peuvent s'implanter rapidement dans des régions où elles n'existaient pas auparavant. Et la demande énergétique augmente, ce qui va imposer des pressions sur nos habitats et nos écosystèmes sauvages.

Que s'est-il passé? Nous savons que, dans les années 70, nous avions environ 800 aires protégées en Amérique du Nord et qu'il y en a maintenant plus de 3 000. Ces zones sont passées d'environ 100 millions à 250 millions d'hectares, soit à peu près 9 p. 100 de la superficie du continent.

Nous constatons aussi que l'intégration économique plus poussée pourrait aussi offrir des perspectives d'intégration sur le plan de l'environnement et des écosystèmes. En outre, nous pensons qu'il serait possible d'établir des partenariats entre les secteurs public et privé, et d'amener la société civile à participer davantage à la gestion et à la conservation de nos espèces et de nos espaces, surtout grâce à l'éducation publique et à l'écotourisme. Il s'agit de faire la bonne chose au bon endroit et au bon moment.

Nous avons réuni un important groupe de biologistes de toute l'Amérique du Nord pour essayer de mieux comprendre nos écorégions. Ces experts nous ont aidés à délimiter les sous-régions et les écorégions au niveau sous- continental. Nous serons ensuite mieux en mesure de déterminer les besoins propres à ces sous-régions et les moyens à prendre pour en améliorer la protection et la conservation. Nous pourrons donc tirer un meilleur profit des connaissances de ces experts, de sorte que, si nous essayons par exemple de sauver une espèce de baleine en particulier, nous aurons une meilleure idée de son habitat et des pressions que subit une écorégion donnée. Les experts pourront ainsi se concentrer sur une zone particulière de cette région.

Nous avons dressé une liste de régions à protéger en priorité. L'habitat n'est pas aussi menacé partout, mais nous connaissons certains habitats essentiels qui le sont et nous savons quelles sont les mesures à prendre. Ces zones de conservation vont de la Basse-Californie à la mer de Béring. Nous avons aussi dressé une liste des espèces marines dont la conservation constitue une préoccupation commune, et nous sommes en train de mettre en place un réseau d'intendance pour aider à protéger les zones à risque.

Pour finir, je voudrais vous dire quelques mots sur les espèces aquatiques envahissantes. Nous sommes en train d'élaborer un réseau d'information sur les espèces envahissantes nord-américaines, une base de données informatisée qui permettra d'échanger de l'information. Il y a beaucoup d'information disponible, mais elle est fragmentée. Nous essayons de réunir des experts et de rassembler les données dont ils disposent pour trouver une façon de mettre ces données en commun.

Nous avons organisé à San Diego un atelier au cours duquel nous avons dressé une liste des espèces envahissantes qui posent un problème pour nos trois pays, ainsi que des voies par lesquelles elles se répandent. Nous nous intéressons tout particulièrement en ce moment à certaines espèces végétales qui poussent en Californie et sur les côtes californiennes. C'est le dossier sur lequel nous allons nous concentrer d'ici un an à peu près. Nous allons nous servir des outils habituels, c'est-à-dire réunir des experts, rendre l'information publique, sensibiliser les gens et travailler avec l'industrie afin de voir ce que nous pouvons faire pour combattre certaines de ces espèces envahissantes.

Voilà en quelques mots qui nous sommes, ce que nous faisons et comment cela se rattache à l'important travail de votre comité.

Le sénateur Watt: C'est la première fois que j'entends parler de votre organisation, qui regroupe trois pays. Dans quelle mesure le conseil s'intéresse-t-il à l'Arctique? La Conférence circumpolaire inuite s'est penchée sur la pollution, les chaînes alimentaires, les habitats et d'autres problèmes touchant l'Arctique. Connaissez-vous la Conférence circumpolaire inuite et avez-vous des liens avec ce groupe?

M. Shantora: Nous connaissons la Conférence circumpolaire inuite. Nous avons lancé une initiative avec elle, mais elle porte sur la gestion rationnelle des produits chimiques, en particulier sur les substances toxiques persistantes et les produits chimiques bioaccumulables qui touchent directement les populations arctiques. Nous avons actuellement des plans d'action en cours de réalisation au sujet du DDT, du mercure, du chlordane et des BPC. Nous allons aussi élaborer un plan d'action sur le lindane, un polluant organique persistant, ainsi que sur les dioxines et les furannes.

Tout le monde reconnaît que, même s'il y a un certain nombre de pays qui contribuent au problème de la pollution causée par les substances toxiques persistantes dans l'Arctique, nous devons faire notre juste part en Amérique du Nord. En adoptant ces plans d'action régionaux, le Mexique, les États-Unis et le Canada se sont réunis pour essayer de supprimer les sources de ce type de pollution.

Nous avons lancé certains de ces plans d'action en 1995 ou 1996, bien avant la convention de Stockholm, qui vient d'être ratifiée il y a un peu plus d'un an. Nous avons un groupe de travail sur la gestion rationnelle des produits chimiques. Ses membres se sont réunis en Alaska il y a deux ans, et je pense qu'ils ont rencontré des membres de la Conférence circumpolaire inuite dans le cadre de leur assemblée publique. Nous apprécions le travail des nations circumpolaires et de la Conférence, et nous essayons de nous tenir au courant des préoccupations des habitants de l'Arctique grâce à l'initiative en cours sur la gestion des produits chimiques.

Le sénateur Watt: J'ai participé aux travaux de la Commission circumpolaire inuite et du Conseil de l'Arctique, et j'ai souvent eu l'impression en sortant des réunions qu'il n'y avait pas de plan d'action. Quand le plan d'action sera prêt, seriez-vous intéressés à établir un système de surveillance dans l'Arctique? Je pense qu'il est important, quoi que nous décidions de faire dans l'Arctique, de prendre des moyens pour établir un système de surveillance, non seulement de l'environnement, mais aussi des changements climatiques.

M. Shantora: C'est une question importante. J'ai oublié de mentionner qu'un des projets approuvés par le conseil consiste à élaborer un plan d'action pour le suivi et l'évaluation de l'environnement, axé tout particulièrement sur les polluants organiques. Il est vrai que nous n'avons pas autant de surveillance que nous pourrions ou que nous devrions en avoir dans l'Arctique — comme au Mexique, d'ailleurs. Nous sommes en train d'élaborer un programme de travail à cet égard. Ce sera en définitive une question d'argent, puisque cette initiative exigera beaucoup de ressources. Nous espérons trouver des partenaires et réunir des ressources pour aider à mettre en place des mécanismes de surveillance dans certaines de ces régions clés.

Je voudrais ajouter deux choses. Nous avons réalisé une étude sur les toxines, les furannes et le rapport source- récepteur. Autrement dit, d'où viennent les dioxines? Et où se retrouvent-elles en Amérique du Nord? C'est ce qu'on appelle l'étude Commoner. Nous pourrons vous fournir ce rapport et certains de nos plans d'action, monsieur le président.

Le président: Si c'était possible, merci.

M. Shantora: Je suis heureux de vous annoncer que le Mexique a cessé d'utiliser du DDT et du chlordane il y a environ 18 mois. L'Amérique du Nord est maintenant une zone exempte de DDT et de chlordane. Je pense que c'est une bonne nouvelle pour nos collègues de l'Arctique.

Nous examinons les changements climatiques dans une optique restreinte. Nous n'avons pas prévu de programme d'envergure. Nous nous intéressons aux combustibles renouvelables et à la façon de les introduire sur le marché. Je ne peux pas répondre à vos questions dans ce domaine.

Le sénateur Cochrane: J'aimerais savoir comment votre réseau nord-américain a été mis sur pied.

M. Shantora: Le réseau d'experts dont je vous ai parlé?

Le sénateur Cochrane: Votre réseau d'aires marines protégées.

M. Shantora: Une des forces des organisations comme la nôtre, c'est que si nous sonnons l'alarme au sujet d'une espèce donnée, de la biodiversité, des oiseaux ou des animaux terrestres, par exemple, nous attirons l'attention des trois gouvernements fédéraux de l'Amérique du Nord. Si nous organisons un atelier ou une conférence, nous obtenons un appui exceptionnel des experts qui se préoccupent de leur région écologique ou de l'animal qu'ils cherchent à protéger. Ils reconnaissent par exemple que les baleines ou les oiseaux migrateurs se déplacent à l'échelle du continent, et ils se rendent compte que leur pièce du casse-tête doit s'ajouter aux autres. L'établissement de ces réseaux se fait presque par osmose. Ce n'est pas sorcier. Les gens sont tellement motivés qu'ils se réunissent pour échanger de l'information, et ces échanges ne se terminent pas avec la rencontre. Ils communiquent ensuite entre eux par téléphone ou par Internet, et ils peuvent créer par exemple un petit noyau grâce auquel les gens peuvent se servir d'Internet pour diffuser leurs données les plus récentes, et qui prend ensuite de l'expansion. C'est merveilleux de voir comment cela fonctionne.

Le sénateur Cochrane: On nous a déjà parlé de la difficulté de recueillir des appuis internationaux pour les idées fondées sur la conservation. Je suis content de vous entendre dire que vous avez du succès. Pouvez-vous nous dire quel était au départ le niveau de coopération entre les partenaires?

M. Shantora: Au début, la coopération était plutôt ponctuelle. Si quelqu'un connaissait quelqu'un d'autre ou si des gens se rencontraient à l'occasion d'une conférence, ils maintenaient des liens et continuaient à travailler ensemble. Le modèle que nous employons en tant que commission — et selon lequel notre conseil des ministres peut dire par exemple, en se fondant sur des avis d'experts, qu'il a répertorié cinq ou six espèces d'oiseaux dont la situation est préoccupante dans toute l'Amérique du Nord — semble inciter les experts des trois gouvernements fédéraux à se réunir et à faire appel ensuite aux autorités des provinces et des États, ainsi qu'à certaines organisations non gouvernementales locales. Dans le passé, cela se faisait de façon ponctuelle. Mais maintenant, quand le conseil des ministres dit: «Nous pensons que ceci est une priorité sur laquelle nos trois gouvernements doivent se pencher collectivement», c'est l'élément déclencheur qui rassemble et qui mobilise les experts.

Le sénateur Cochrane: Est-ce que nous pourrions profiter de votre expérience pour résoudre le problème des pêches sur la côte Est?

M. Shantora: Je ne vois pas pourquoi pas. Mais il nous faudrait un mandat du conseil.

Le sénateur Cochrane: C'est tout ce qu'il faudrait. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. C'est ce qui me désole.

Je sais que vous êtes en train de réaliser une série d'études approfondies et de rapports d'information sur des espèces marines dont la conservation est une préoccupation commune. Le premier rapport porte sur les activités de pêche commerciale et non commerciale. Pouvez-vous nous en dire plus long sur ce qui a été fait jusqu'ici à cet égard?

M. Shantora: J'ai bien peur que non. J'aurais dû me faire accompagner de notre spécialiste de la biodiversité, qui aurait probablement pu vous fournir une bonne explication. Mais je peux lui transmettre la question, monsieur le président, pour essayer de trouver une réponse plus satisfaisante.

Le président: Certainement.

Le sénateur Phalen: À la page 3 de votre mémoire, vous parlez de la nécessité de comprendre les liens entre l'environnement et le commerce. Que voulez-vous dire quand vous parlez des enjeux environnementaux liés au commerce? Pouvez-vous nous en dire plus long là-dessus?

M. Shantora: Quand l'ALENA a été signé, il y a bien des gens qui s'inquiétaient de ce qui allait arriver à l'environnement. Est-ce que le droit commercial l'emporterait sur le droit environnemental? Est-ce que les industries quitteraient les endroits où les normes sont les plus sévères pour ceux où elles sont les plus laxistes? Il y avait beaucoup d'opinions et d'idées qui circulaient, mais il n'y avait pas de preuve que le libre-échange aurait des répercussions sur l'environnement, et pas de méthodologie pour le prouver.

Nous avons travaillé ces dernières années avec des économistes réputés afin de mettre au point une méthodologie qui nous aiderait à réaliser des études économiques utiles pour déterminer si l'intensification du commerce des produits agricoles, par exemple, sera bonne ou mauvaise pour l'environnement. Si l'Amérique du Nord a un appétit de plus en plus insatiable pour l'énergie, et pour l'électricité en particulier — ce qui est le cas —, quelles seront les retombées sur l'environnement? Les lois sont-elles suffisantes pour nous assurer qu'il n'y aura pas de dommages à l'environnement?

Nous avons tenu deux symposiums jusqu'à maintenant. Nous venons d'en terminer un en mars, à Mexico, où nous avons réparti les liens commerciaux par secteur. Au cours de ce dernier symposium, nous nous sommes penchés sur l'agriculture et l'énergie. Nous avons demandé aux meilleurs spécialistes de nous dire comment l'environnement a été touché par l'augmentation du commerce. Il n'y a pas seulement une réponse. Dans certains cas, le résultat est négatif. Dans d'autres, il est positif. Et dans d'autres encore, il est neutre. C'est le genre d'analyse que nous faisons.

Le sénateur Phalen: La semaine dernière, nous avons reçu un groupe de témoins qui nous ont présenté de l'information sur le déversement de munitions et de produits chimiques; est-ce que c'est un sujet qui vous préoccupe ou sur lequel vous avez fait quelque chose?

M. Shantora: Pas sur les munitions. Vous avez bien dit «munitions»?

Le sénateur Phalen: Oui.

Le président: Pendant la Seconde Guerre mondiale, et par la suite, des munitions ont été déversées sur la côte Est du Canada.

M. Shantora: Non, nous n'avons rien fait au sujet des munitions. Mais nous nous intéressons au commerce des déchets dangereux entre les trois pays. Nous examinons les normes à cet égard. Jusqu'à quel point sont-elles similaires? Comment serait-il possible de les harmoniser davantage pour garantir une meilleure protection en ce qui concerne les déchets dangereux? Mais je ne pense pas que ce soit ce sujet-là qui vous intéresse.

Le sénateur Phalen: Il y a eu du gaz moutarde déversé à bien des endroits. Est-ce que c'est une question qui vous intéresse?

M. Shantora: Il n'en a jamais été question au cours de nos travaux en comité.

Le président: C'est une question que le sénateur Phalen pourrait très bien soulever dans le cadre d'une communication de citoyen, n'est-ce pas?

Le sénateur Phalen: Je pense que oui.

M. Shantora: Oui, certainement.

Le président: Je trouve merveilleux que vous ayez ce genre d'approche selon laquelle les citoyens inquiets peuvent porter un problème à votre attention. J'encourage le sénateur Phalen à le faire.

M. Geoffrey Garver, directeur, Unité des communications sur les questions d'application, Commission de coopération environnementale de l'Amérique du Nord: Nous sommes là pour cela. Je me ferai un plaisir d'envoyer un complément d'information au comité. Nous avons un petit guide qui contient le texte de l'accord, ainsi que des lignes directrices à l'intention des gens qui pourraient vouloir présenter des communications.

Le président: Vous pouvez nous l'envoyer? Nous serions très heureux de l'avoir. Merci.

Le sénateur Mahovlich: Est-ce qu'il y a eu une étude sur les moules zébrées dans le lac Ontario? J'ai entendu dire qu'il y avait des efforts de nettoyage en cours. On a probablement importé des anguilles pour dévorer les moules. C'est un problème très sérieux.

M. Shantora: Les populations de moules zébrées ont augmenté partout dans les Grands Lacs et les environs.

Le sénateur Mahovlich: Est-ce qu'il y a un problème du même genre au Mexique?

M. Shantora: Oui. L'espèce est arrivée par le bassin du Mississippi et est en train de se répandre aux États-Unis. Nous n'avons pas étudié cette question-là. La Commission mixte internationale a présenté des recommandations aux gouvernements au cours des six derniers mois, pas seulement sur la moule zébrée, mais aussi sur d'autres espèces étrangères envahissantes. Ce qui est inquiétant, c'est que cette espèce semble avoir été importée dans l'eau de ballast des navires qui transportent des marchandises d'outre-mer. Mais je n'ai pas entendu dire qu'il y avait un prédateur naturel capable de renverser la situation.

Le sénateur Mahovlich: Vous avez parlé des baleines qui se déplacent de Baja jusqu'au détroit de Béring. Combien y a-t-il de zones de conservation sur ce trajet, ou alors, est-ce que tout ce territoire est une région de conservation? C'est un très grand territoire.

M. Shantora: Cela englobe une dizaine des écorégions de la côte. Il y a 40 ou 50 espèces qui ont été répertoriées, et elles sont toutes différentes. Elles ne sont pas toutes menacées, mais certaines le sont. En segmentant la côte de cette façon, il est plus facile de savoir quelles devraient être les mesures d'intervention. Nous pourrons vous fournir plus d'information sur ce point si vous le désirez, monsieur le président.

Le sénateur Mahovlich: Je me suis arrêté à Whitehorse, en route vers l'Arctique, et je suis allé voir les cygnes. Est-ce que votre commission surveille le nombre d'oiseaux présents chaque année ou si les gens vous téléphonent pour vous donner des chiffres?

M. Shantora: Nous ne faisons pas ce genre de travail. Ce sont généralement les gouvernements qui s'en occupent, à différents paliers et en collaboration avec le public. En réunissant des experts, nous pouvons replacer cette information dans une perspective nord-américaine pour avoir une idée des espèces qui ont besoin de protection.

Une des choses que nous jugeons critiques pour la protection des oiseaux migrateurs au Mexique, c'est de mieux comprendre leur habitat. Nous avons répertorié, en collaboration avec le gouvernement mexicain, six régions clés où on retrouve une proportion importante des espèces migratrices. Ces régions doivent être protégées à cause de l'empiétement des terres agricoles sur l'habitat de ces espèces, de la déforestation et de la présence de populations humaines. Si nous pouvons travailler dans ces régions avec le gouvernement mexicain, après avoir établi les partenariats nécessaires avec des groupes communautaires locaux du Canada et des États-Unis, nous aurons un genre de chaîne, sur les parcours de migration, qui nous aidera à protéger ces espèces.

M. Garver: Au moins deux des communications de citoyens que nous avons reçues portaient sur les oiseaux migrateurs y compris une au sujet de l'exploitation forestière et ses conséquences en Ontario. Les modèles et les données étaient fondés sur de l'information établie par le Service canadien de la faune, par exemple. Il y a de nombreuses données qui montrent quels oiseaux vont où, particulièrement au Canada et aux États-Unis, et quelle est leur situation. À l'aide de ces modèles, les gens qui ont présenté ces communications ont pu évaluer, grâce à des données précises et localisées, que l'exploitation dans 59 forêts provinciales de l'Ontario a probablement détruit, en un an, quelque chose comme 85 000 nids d'oiseaux.

Le sénateur Mahovlich: Nous avons des huards en Ontario, dans les lacs Muskoka, et le développement résidentiel détruit une partie de leur habitat sur les rives de ces lacs. Il serait intéressant de savoir combien il y en a et où ils vont pendant l'hiver.

Le président: Nous voudrons peut-être étudier cette question avec un autre groupe. C'est un sujet passionnant que nous devrions examiner plus à fond.

Le sénateur Cook: J'ai écouté attentivement mes collègues dans l'espoir de comprendre qui vous êtes et comment vous pourriez m'être utile en tant que Terre-Neuvien préoccupé par la crise de la pêche à la morue dans l'Atlantique Nord.

Je comprends votre énoncé de mission. Vous parlez de votre travail dans le contexte de l'intensification des liens économiques et commerciaux. Est-ce que vous vous contentez de surveiller la situation dans les trois pays — le Mexique, les États-Unis et le Canada — ou si vous êtes là pour défendre les intérêts des régions du Canada? Comment pouvez-vous aider les Canadiens, dans le contexte de cet accord, à régler le problème de l'effondrement de la pêche à la morue dans l'Atlantique Nord? Est-ce que cela fait partie de vos fonctions?

M. Shantora: Laissez-moi vous expliquer. Premièrement, notre organisation ne s'immisce pas dans les affaires intérieures du Canada, des États-Unis ou du Mexique. Notre rôle consiste à réunir les trois pays pour déterminer quels sont les sujets de préoccupation communs. Comme je ne suis pas spécialiste de la biologie marine, je ne suis pas absolument certain de ce que j'avance, mais je dirais que le problème de la pêche à la morue du Nord est strictement canadien. Il ne se pose pas dans un contexte nord-américain. Nous pourrions nous intéresser par exemple à une espèce d'oiseaux migrateurs qui passe l'hiver au Mexique, survole les États-Unis et niche dans l'Arctique.

S'il se passe quelque chose, dans l'économie ou dans nos rapports commerciaux, qui impose des pressions accrues sur notre environnement collectif, nous allons certainement nous pencher sur la question.

Le sénateur Cook: Au sujet des réseaux d'eau douce en Amérique du Nord — je pense par exemple au lac Winnipeg et à la dérivation des eaux du lac Devil, ce qui est un problème commun aux États-Unis et au Canada —, il y a bien des gens qui craignaient qu'une espèce envahissante se répande des États-Unis au Canada.

Le président: Le bassin du Mississipi communiquerait avec le lac Winnipeg par suite de cette dérivation, ce qui pourrait permettre à cette espèce envahissante venant du sud d'atteindre l'Arctique.

Le sénateur Cook: Est-ce que c'est un dossier sur lequel vous vous pencheriez? J'essaie de comprendre quel est votre mandat par rapport aux écosystèmes marins.

M. Shantora: Je pense que ce dossier — le dossier de la dérivation et du Mississippi — est entre les mains de la Commission mixte internationale. Je ne crois pas que nous pourrions ajouter grand-chose au travail que fait la Commission.

Le sénateur Cook: Vous auriez un mandat de surveillance?

M. Shantora: Oui de surveillance des trois pays, pas des questions bilatérales.

Le sénateur Cook: De surveillance dans les domaines pouvant concerner les trois pays?

M. Shantora: En effet.

Le sénateur Cook: Comme l'effondrement des stocks de morue du Nord ne concerne que le Canada, ce n'est pas une question qui pourrait être soumise à l'examen de votre secrétariat?

M. Shantora: Non, je ne crois pas.

Le sénateur Cook: Et le trafic commercial transatlantique, qui entraîne des problèmes de pollution et de déversements de pétrole? Est-ce que c'est un dossier sur lequel votre groupe pourrait se pencher?

M. Shantora: Je ne pense pas. Il n'en a pas été question. Nous nous intéressons au commerce entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Une bonne partie de ce trafic se fait par camion, et il y a des goulots d'étranglement à sept postes frontaliers. Nous avons fait des études sur la qualité de l'air. Quelles sont les normes applicables aux émissions de ces camions? Il y a un peu de trafic maritime, mais le transport par camion et par chemin de fer prédomine. C'est sur cela que nous nous concentrons en ce moment.

Le sénateur Cook: Est-ce qu'il n'y a pas un trafic transfrontalier relativement important qui passe par les Grands Lacs, entre le Canada et les États-Unis?

M. Shantora: Il semble que le trafic dans les Grands Lacs soit surtout attribuable aux navires qui viennent d'outre- mer, par la voie maritime du Saint-Laurent. C'est du commerce extérieur, en effet, mais pas dans le contexte du Canada, des États-Unis et du Mexique. C'est du commerce entre le Canada et une autre partie du monde, ou entre les États-Unis et une autre partie du monde. Dans ce sens-là, ce n'est pas une question qui nous préoccupe.

Le sénateur Cook: Votre mandat concerne uniquement ce qui touche le Canada, le Mexique et les États-Unis, et vous ne vous intéressez pas aux questions qui touchent deux de ces pays sur trois, par exemple?

M. Shantora: C'est exact.

Le sénateur Adams: Avez-vous étudié la situation des oiseaux migrateurs, et en particulier des oies des neiges, dans l'Arctique?

M. Shantora: Il faudrait que je demande à nos experts quel travail ils ont fait dans ce domaine-là. Je n'en suis pas sûr. Nous avons lancé l'Initiative de conservation des oiseaux de l'Amérique du Nord. Je pense que le problème des oies des neiges, c'est qu'elles sont trop nombreuses, pas qu'elles ne le sont pas assez. Mais nous allons essayer de trouver plus d'information à ce sujet-là, monsieur le président.

Le président: J'ai regardé la liste des communications des citoyens. Vous avez fait beaucoup de travail dans une vaste gamme de domaines.

Est-ce que c'est la première fois que vous présentez un mémoire ou que vous comparaissez devant un comité parlementaire, ou si vous avez déjà fait ce genre de chose?

M. Shantora: Mon prédécesseur a travaillé un peu avec le Comité de l'environnement. J'ai moi-même témoigné devant ce comité, qui s'est montré intéressé au rapport que nous préparons actuellement sur la pollution en Amérique du Nord.

Nous avons discuté, entre nous, du fait que nous n'avons pas suffisamment d'activités de ce genre dans les trois pays. À mesure que nous développons notre savoir-faire et que nous recueillons de l'information, nous pensons qu'il vaut la peine de partager tout cela. Si le comité est d'accord, nous nous ferons un plaisir de vous présenter et de vous envoyer de l'information quand il vous plaira.

Le président: Si vous comparaissez devant des comités, il pourrait y avoir des questions — comme celle qu'a soulevée le sénateur Cook — que nous pourrions soumettre à votre conseil et à nos gouvernements pour essayer d'obtenir des réponses. Si nous avons des préoccupations, il pourrait y avoir des moyens de répondre à certaines d'entre elles, et ceci en est un.

J'imagine que votre groupe doit être embarrassant pour Maude Barlow, David Orchard et d'autres environnementalistes, parce que l'Accord de libre-échange nord-américain n'était pas censé être bon pour l'environnement. Diriez-vous que votre organisation est embarrassante pour Maude Barlow?

M. Shantora: Je vous suggère d'en parler à Maude Barlow. Nous avons adopté un point de vue détaché. Nous n'avions pas d'opinions ou d'idées préconçues quant à savoir si le libre-échange était une bonne ou une mauvaise chose, ou encore s'il n'aurait aucun effet sur l'environnement. On nous a demandé expressément, aux termes de l'accord, d'étudier cette question. Nous allons vous faire parvenir un rapport que nous venons de terminer sur les liens entre le commerce et l'environnement. En faisant appel aux meilleurs spécialistes que nous avons pu trouver en Amérique du Nord, nous découvrons que le commerce a nui à l'environnement dans certains domaines, qu'il a été bénéfique dans certains et qu'il n'a eu aucun effet dans d'autres. Il n'y a pas de réponse unique. Il faut analyser attentivement la situation pour mieux la comprendre.

M. Garver: Pour ajouter une perspective historique, je précise que notre personnel se répartit également entre les trois pays. Je suis Américain et je m'intéressais à ce qui se passait. Tout le débat sur l'ALENA, et même sur l'accord parallèle, a divisé les écologistes aux États-Unis. Six ou sept des grandes organisations américaines ont dit que, si nous pouvions conclure un bon accord parallèle, elles étaient prêtes à appuyer l'ensemble. Cela a été une période difficile pour ces organisations, collectivement, parce qu'elles étaient divisées sur la question. Ce qui s'est passé depuis sera particulièrement intéressant cette année parce que nous approchons du dixième anniversaire de l'ALENA, le 1er janvier 2004. Un certain nombre d'organisations commencent à y penser. Notre conseil nous a demandé d'appuyer une étude indépendante sur ce qui s'est passé en dix ans, depuis la signature de l'ALENA, tant pour savoir quels ont été les effets sur l'environnement que pour déterminer si notre commission fait un travail utile.

Le président: Il y a des gens dans notre pays qui frémissent à la pensée d'examiner ce qui s'est passé depuis la signature de l'ALENA il y a dix ans.

Pour en revenir à la question du sénateur Cook sur les stocks chevauchants de la côte est du Canada, en particulier dans la zone de l'OPANO en dehors des limites canadiennes, vous avez dit qu'il s'agissait d'un problème intérieur canadien qui n'intéresserait peut-être votre commission. Je vous demande d'y repenser parce qu'en fait, les États-Unis et le Canada sont partenaires dans la zone d'application de l'OPANO.

Votre décision est-elle fondée sur le fait que le Mexique n'est pas un partenaire de l'OPANO? Est-ce qu'il faudrait que les trois pays soient concernés, ou si le fait que la protection des stocks de poissons dans la zone de l'OPANO est un enjeu important pour le Canada et les États-Unis pourrait vous faire changer d'idée?

M. Shantora: C'est difficile à dire. Je préférerais y réfléchir un peu avant de vous donner une réponse. La question n'a pas été soulevée dans notre sphère d'activité. Je persiste à dire que le Mexique n'a rien à voir là-dedans et qu'il faut normalement, pour qu'il se passe quelque chose, que les trois pays se réunissent et déterminent qu'un problème les concerne tous les trois.

Le président: C'est un problème nord-américain. J'ai suivi les reportages des médias américains ces derniers mois et j'ai constaté que les Américains s'intéressent à la question des pêches, surtout à la conservation et à la diminution des stocks de poissons dans le contexte nord-américain, ainsi qu'à la taille croissante de la flotte européenne, qui reçoit des subventions. Il y a eu des commentaires bien sentis sur les stocks qui migrent entre les eaux européennes et les eaux nord-américaines.

Je suis content que les Américains s'intéressent un peu plus à la question. Ils ont commencé à dire qu'il faudrait étudier les stocks de poissons au large des côtes américaines dans une optique plus nationale, plutôt que dans le contexte des conseils régionaux qui gèrent ces stocks depuis quelque temps. Les Américains semblent s'intéresser de plus en plus aux stocks de poissons. La commission Pew va publier un autre rapport bientôt. Il y a des rapports importants qui s'en viennent. Je me suis intéressé tout particulièrement aux moyens à prendre pour amener les Américains à se préoccuper davantage de ces questions.

Je suis content que vous examiniez la question d'un peu plus près pour voir si vous pouvez la considérer dans une perspective nord-américaine.

Vous avez un budget d'environ 9 millions de dollars U.S., ce qui est appréciable. Quand vous réalisez des études sur des sujets précis, faites-vous appel à votre propre personnel ou si vous embauchez des experts des universités?

M. Shantora: Les deux. Les membres de notre personnel sont pour la plupart des experts dans un domaine précis, qui composent notre équipe de base. Ils peuvent donner nos études à contrat, ou encore rassembler les meilleurs spécialistes qu'ils peuvent trouver — pour un atelier ou dans un autre cadre où ils pourront échanger de l'information, l'analyser et l'assimiler — et produire ensuite un rapport d'interprétation. Je dirais que nous comptons beaucoup sur des experts de l'extérieur pour nous aider à réunir l'information nécessaire.

Le président: Le processus de communications des citoyens est très semblable à celui du commissaire au développement durable, qui est rattaché au Bureau du vérificateur général, au Canada. Mme Gelinas a comparu devant le comité et nous a dit que la Commission n'avait pas reçu autant de communications que prévu. Vous en avez reçu un nombre relativement élevé de votre côté, mais ce n'est pas ce à quoi je m'attendais. Pourquoi ne recevez-vous pas autant de communications de citoyens qu'on aurait pu le prévoir?

M. Garver: Les prédictions, au début, étaient assez vagues. Nous n'avons pas constaté d'augmentation. Il faut tenir compte notamment des autres options offertes aux gens qui veulent faire quelque chose au niveau national pour essayer de résoudre un problème. Les États-Unis et le Canada offrent plus d'options que le Mexique. C'est peut-être une explication partielle.

Je pense que les organisations cherchent encore à décider s'il vaut la peine de recueillir l'information nécessaire pour étayer une communication. Certains groupes se disent qu'en définitive, il n'y aura qu'un rapport sur les faits, sans recommandations aux pays sur les mesures à prendre et sans qu'ils soient obligés de faire quoi que ce soit.

Nous avons cependant constaté que l'information que nous avons rendue publique à la suite de certaines communications a fait bouger les choses, en incitant les gouvernements à se comporter différemment et à examiner les problèmes d'un peu plus près. Mais les gens n'ont toujours pas déterminé comment ce processus s'inscrit parmi toutes les autres options à leur disposition.

Le président: Vous avez parlé d'un réseau d'intendance. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet-là?

M. Shantora: Nous n'avons aucune autorité juridique. Notre force, c'est de rassembler les gens. S'ils établissent un consensus sur un problème donné, les solutions sont généralement mises en place grâce aux forces de ces gens-là et des autres qui partagent le même point de vue, des autres intéressés, et c'est ce que nous appelons un réseau d'intendance. Cela inclura les différents paliers de gouvernement, des organisations environnementales non gouvernementales, des groupes communautaires et des entreprises. C'est dans ce sens-là qu'il s'agit d'intendance; ce n'est pas quelque chose de rigide et réglementé, mais plutôt l'expression d'une volonté commune.

Le sénateur Watt: Combien de temps doit exister votre organisation?

M. Shantora: L'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement ne fixe pas de limite de temps. Nous serons là tant et aussi longtemps que nous serons utiles. Nous approchons de notre dixième anniversaire, et notre conseil a demandé à un comité d'examen indépendant de regarder ce que nous avons fait jusqu'ici et de présenter des recommandations pour les dix prochaines années. J'ai l'impression que nous allons faire le point périodiquement sur ce que nous sommes, sur ce que nous avons accompli et sur notre efficacité; nous le ferons l'an prochain pour la première fois. Si vous continuez à suivre le dossier, vous verrez ce que les experts ont à dire. Il me semble que notre travail a une certaine utilité; ce n'est pas nous qui le disons, mais les gens avec qui nous travaillons. Nous sommes là dans un but précis; si l'Amérique du Nord est un écosystème, nous devons penser non seulement en tant que Canadiens, Américains ou Mexicains, mais en tant que Nord-Américains.

Le sénateur Cook: Je suis d'accord avec vous: il faut avoir une optique mondiale. Du point de vue géographique, les trois pays sont bordés par deux océans, ce qui fait que nous avons un écosystème marin commun, qui est vulnérable aux changements climatiques et aux polluants, ainsi qu'aux risques que présentent les centrales au charbon et les centrales nucléaires, et je dirais qu'au cours des dix prochaines années, nous allons peut-être devoir nous habituer à une diète sans poisson si nous ne réglons pas les problèmes dont tout le monde parle, mais que personne n'est capable de résoudre, dirait-on.

Il me semble que vous pourriez élargir votre travail en vous penchant sur l'écosystème marin. Les pays sont bordés par deux océans. Il faut que quelqu'un assure une surveillance et s'occupe de la protection des ressources. En plus du travail que vous accomplissez déjà, j'aimerais bien que vous élargissiez vos horizons pour inclure ce genre de chose.

M. Shantora: Je suis en train de me dire que le comité d'examen qui sera mis sur pied pour le dixième anniversaire est un comité indépendant, mais je vais certainement m'assurer que vos vues lui sont transmises. Étant donné la nature de son mandat, il pourra vous rencontrer pour entendre ce que vous avez à dire.

Le président: Si vous voulez bien leur transmettre ce message, nous aimerions rencontrer les membres du comité pour les intéresser à la question des stocks chevauchants et de l'absence de pouvoirs d'exécution sous le régime actuel de l'OPANO. C'est une question qui touche le Canada et les États-Unis directement, et nos partenaires mexicains indirectement, en ce sens que nous ne pourrons pas produire autant ou maintenir nos stocks de poissons dans cette région. Cela aura des répercussions sur tout le monde, pas seulement sur le Canada et les États-Unis, mais aussi sur le Mexique et sur nos futurs partenaires sud-américains. Je pense qu'il est dans notre intérêt de ne pas nous livrer au même genre de réflexion que les Européens. La période de dix ans pendant laquelle certains pays européens n'étaient pas autorisés à pêcher dans certaines zones tire à sa fin. Certains pays plus préoccupés de conservation que d'autres se rendent compte de ce qui les attend. Je pense que vous savez de qui je parle. Nous ne voulons pas que cela se produise ici.

Merci. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir consacré votre temps et de nous avoir fait profiter de votre expérience et de vos connaissances.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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