Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 15 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 8 octobre 2003
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 18 h 23 pour étudier, afin d'en faire rapport, les questions relatives aux allocations de quotas accordées aux pêcheurs du Nunavut et du Nunavik, ainsi qu'aux bénéfices en découlant.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[N.D.L.R.: Les interventions en inuktitut ont été interprétées en anglais.]
[Traduction]
Le président: Ce soir, nous poursuivons l'examen des allocations de quotas et des avantages qui en découlent pour les pêcheurs du Nunavut et du Nunavik. M. Neil Greig, directeur de la Division des pêches à la Société Makivik de Kuujjuaq, Québec, est parmi. M. Greig est un expert reconnu en matière de pêches et de transformation des aliments dans le Nord. Il oeuvre dans ce secteur depuis longtemps à divers niveaux politiques, il a déjà été propriétaire d'un gros navire de pêche à la crevette nordique et il a été un pionnier dans l'établissement d'abattoirs mobiles pour le caribou et d'installations de transformation du poisson dans le Nord.
Bienvenue, monsieur Greig. Vous pouvez présenter votre collègue. Nous attendons avec impatience vos commentaires et les questions qui vont suivre.
[Traduction de l'interprétation]
M. Neil Greig, conseiller, Société Makivik: M. Berthe, notre secrétaire à la Société Makivik, devait participer à une réunion à Kuujjuaq et n'a pas pu se présenter ici aujourd'hui. M. Adamie Alaku, le vice-président de notre programme, a pris l'avion de Nunavik mais n'a pas pu arriver à temps pour cette séance.
[Traduction]
Pour faciliter la discussion, je vous présente mon associé, M. Marc Allard, qui est conseiller en matière de pêches et de biologie marine et qui siège à de nombreux comités au nom de la division des pêches de Makivik. Il réside à Montréal, et il s'intéresse à la chasse au phoque. Il travaille avec nous dans le domaine des pêches depuis presque 25 ans. Je ne raconterai pas l'histoire de notre première rencontre, mais elle avait à voir avec le mesurage de poisson. Cela s'est passé à l'époque où le poisson était abondant.
La Société Makivik a été créée en vertu d'une loi spéciale aux termes de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ). Il a fallu que les gouvernements du Québec et du Canada adoptent des lois spéciales pour que la loi constitutive puisse être promulguée.
La Société Makivik est la partie inuite chargée de gérer les retombées de la CBJNQ. Conformément à sa charte, la Société Makivik a pour objet de: recevoir, administrer, utiliser et investir l'indemnité destinée aux Inuits, conformément aux dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois; lutter contre la pauvreté et promouvoir le bien-être, le progrès et l'éducation des Inuits; encourager, promouvoir et protéger le mode de vie, les valeurs et les traditions des Inuits, ainsi que contribuer à leur conservation; créer, stimuler et développer des occasions permettant aux Inuits de participer à l'expansion économique de leur société en y investissant leurs compétences et leurs capitaux; exercer les fonctions qui lui sont dévolues par la loi et la Convention; développer les collectivités inuites et améliorer leur habilité d'agir; contribuer à la création, au financement ou à l'expansion des entreprises et des industries des Inuits, ainsi qu'au développement de leurs ressources et propriétés.
Les Inuits du Nord québécois ont une tradition de pêche commerciale dans le Nord. Ils ont fait commerce avec la Compagnie de la Baie d'Hudson et d'autres compagnies marchandes à la fin du XIXe siècle et au cours du XXe siècle, notamment de cétacés, de saumon et d'omble arctique. Plus récemment, les Inuits du Nunavik ont exploité commercialement la morue, le flétan noir, la crevette, le saumon et l'omble arctique.
L'accès à la ressource est un facteur important de la croissance de la pêche dans le Nord et constitue le capital sur lequel se bâtit une pêche. La saisonnalité de la pêche est un autre aspect qui pèse lourdement sur l'évolution de cette activité. La pêche moderne à laquelle nous participons maintenant nécessite des investissements considérables, à telle enseigne que nous devons disposer d'entreprises appropriées qui génèrent des bénéfices et offrent des possibilités d'emploi aux Inuits du Nunavik. En temps normal, il est déjà difficile de satisfaire à toutes les exigences d'une bonne entreprise, et cela l'est encore davantage dans le Nord.
Dans la section de notre mémoire sur les interventions et l'aide financière des gouvernements, nous avons essayé d'examiner certaines questions soulevées dans les documents précédents. Ces dernières années, la Société Makivik a construit quatre petites usines de transformation du caribou et des produits de la mer destinées à approvisionner les collectivités en nourriture locale saine.
Ces installations de transformation offrent des possibilités commerciales dans le domaine de l'exportation de produits du caribou et de poissons. Au Nunavik, les établissements de ce genre ne bénéficient pas de subventions gouvernementales au titre des immobilisations ou du fonds d'exploitation; elles sont censées se financer par leurs propres moyens. La Société Makivik est la seule entreprise dotée de cette faculté.
À titre de promoteurs des économies locales de notre région, nous cherchons continuellement à créer de nouvelles possibilités pour les entreprises. Souvent, des habitants de la région demandent d'avoir accès à des immeubles ou à des installations qu'ils souhaiteraient louer à court ou à long terme. Personne ne saurait contester que, dans des régions plus développées du pays, il existe des routes, des infrastructures de communications et des réseaux de distribution de l'eau ainsi que des sites aménagés, de sorte qu'il est beaucoup plus facile d'y instaurer un cadre d'affaires moderne. Dans le Nord, les entreprises doivent se doter de leurs propres installations, ce qui constitue un frein considérable à la croissance.
Mais il demeure le problème du fonds de roulement nécessaire au lancement de l'entreprise et au maintien de celle-ci dans un contexte très concurrentiel. Le commerce du poisson est hautement compétitif; la difficulté consiste à offrir un produit aux prix mondiaux à tous les consommateurs. Y a-t-il de la place pour des subventions au transport de produits finis jusqu'au marché ou serait-il possible de subventionner les coûts de lancement ou le fonds de roulement? Dans un monde idéal, les subventions ne seraient pas nécessaires; toutefois, dans le Nord, nous devons chercher des moyens créatifs qui permettront à certaines entreprises de voir le jour.
Les coûts de l'électricité, de la main-d'oeuvre, des assurances, de l'eau, du traitement des eaux usées, des combustibles et du transport et les taxes comptent énormément dans l'exploitation d'une entreprise dans le Nord. Il suffit de réduire ces postes de dépenses pour améliorer les perspectives de croissance.
L'investissement dans les usines de transformation du poisson crée de nombreuses possibilités d'emploi dans certaines localités; or, dans le Nord, la pêche est saisonnière, elle dépend des variations des prix mondiaux et est réalisée au moyen d'une flottille très mobile. Il faudrait investir dans des installations de congélation qui permettraient de conserver les stocks et autoriseraient une production à longueur d'année dans une usine de transformation louée d'un promoteur. Pour que l'entreprise soit concurrentielle, il faudrait que le loyer soit comparable aux loyers payés au Canada Atlantique. Inversement, quant à investir, l'idéal serait de consacrer de l'argent à un navire usine-congélateur.
Pour ce qui est de l'exploitation des bateaux, la question qui est posée constamment dans l'industrie, et par le gouvernement et par les parties intéressées, est la suivante: «Êtes-vous propriétaire de votre bateau?» Et l'on insiste passablement sur la question qui suit immanquablement: «Comment se fait-il que vous ne soyez pas propriétaire?» Apparemment, dans l'industrie de la pêche, il est impérieux de posséder chaque moyen de production. Est-ce qu'Air Canada possède tous ses appareils? Non, Air Canada loue la plupart de ses avions. Pourquoi ne serait-il pas possible de faire de même dans l'industrie de la pêche?
La Société Makivik a obtenu son premier permis en 1979, exclusivement pour le Nord. Le permis exigeait que la société possède et exploite un bâtiment de pêche seulement dans la région de la baie d'Ungava et le détroit d'Hudson et pêche la crevette uniquement dans les zones 0A et 0B de l'OPANO. Ces faits ont incité la société Makivik à acheter un chalutier congélateur, pour devenir membre à part entière de l'industrie de la pêche, ce qu'elle fit. La société a aussi investi plus de cinq millions de dollars dans la recherche sur l'identification des populations de poisson dans la Baie d'Ungava et le détroit d'Hudson, de 1979 à 1981. Cette décision fut appuyée sur l'hypothèse que nous étions la seule société autorisée à pêcher dans ce secteur et le fait que nous étions exclus des secteurs plus méridionaux.
Un mois à peine après avoir identifié des quantités considérables de crevettes (Pandalu Montagui), la chose s'est sue et nous avons été envahis par des crevettiers venus du Sud qui ont été autorisés à profiter de la manne nouvellement découverte. Nous avons fini par obtenir le droit exclusif sur la ressource, dans tous les secteurs, mais il a fallu attendre 1986. À ce moment, nous avions appris les coûteuses leçons de l'industrie de la pêche. En raison des pertes accumulées, il a fallu vendre le bâtiment et entreprendre des discussions avec le gouvernement afin d'obtenir un accès amélioré à la ressource et de tirer des avantages régionaux accrus de notre permis.
Depuis le milieu des années 80, de nombreux titulaires de permis, notamment dans le Nord, fonctionnent dans un régime de coentreprises à partage des revenus — une formule qui profite aux deux parties — avec des propriétaires de navires du Sud, dont beaucoup sont également titulaires d'un permis. La Société Makivik possède 35 p. 100 d'une société d'exploitation qui affrète un chalutier.
Afin de dissiper une bonne partie du flou qui entoure la question de la propriété, la Société Makivik a, en 2003, demandé au ministre des précisions sur cette question. On nous a répondu que notre position était la bonne et que nous n'étions pas tenus de posséder un bateau. Cela ne signifie pas que nous ne posséderons pas un bateau; d'ailleurs, nous négocions actuellement une entente de propriété d'un bâtiment.
Mais il faudrait clarifier davantage la situation. Si les titulaires de permis étaient tenus de posséder un bateau, les propriétaires de bateau liés par des ententes de partage risqueraient de subir un préjudice financier, car leur investissement serait compromis du fait que les titulaires de permis pourraient être tenus d'acquérir leur propre bateau et, partant, de retirer leur permis des bateaux loués. De plus, cette décision ferait augmenter la capacité au moment où cela n'est pas indiqué.
Des permis ont été octroyés à des groupes régionaux du Nord afin de produire des retombées économiques dans les régions concernées. La Société Makivik est une organisation régionale qui produit des retombées économiques dans sa région. Elle a réinvesti une bonne partie des bénéfices dans d'autres programmes de recherche et d'autres activités de développement économique. Tant que ces permis conserveront leur nature régionale ou communautaire, la collectivité en général en profitera. Toutefois, s'il devient possible pour des particuliers de détenir ces permis, la collectivité ne pourra plus profiter des avantages garantis par le régime de partage des revenus.
En ce qui concerne la ressource, en vertu de divers accords, la Société Makivik y a accès dans différentes régions du Nord. L'Accord de principe sur la région marine du Nunavik reconnaît la Société Makivik et ses filiales; en 2003, le ministre des Pêches et des Océans en a tenu compte et a octroyé à la Société Makivik une proportion de l'augmentation globale.
La pêche à la crevette nordique dans les secteurs 0AB ou dans les ZPC 1, 2, 3 et 4 est assujettie aux fluctuations saisonnières des conditions environnementales, et les pêcheurs doivent composer avec ces fluctuations. C'est pourquoi les zones 5 et 6 comptent énormément pour terminer nos activités de l'année.
La Société Makivik a toujours souscrit au partage des ressources canadiennes par ceux qui habitent à proximité de ces ressources. Quand la pêche à la crevette en haute mer a commencé, une proportion très faible des prises était réalisée dans la zone 5 et cette proportion était encore plus faible dans la zone 6. Les conditions environnementales ont changé au cours des 10 dernières années, et nous avons assisté à un déplacement de la ressource vers le sud. Ce phénomène est devenu plus évident à mesure que les stocks de morue ont décliné jusqu'à leur quasi-disparition. La crevette et d'autres crustacés ont remplacé la morue dans ces secteurs. Nous avons été enchantés lorsque le ministre des Pêches et des Océans a accordé à la Coalition nordique des quotas additionnels de crevettes dans la ZPC 5. Toutefois, il faut souligner que nos résultats ont été inférieurs aux attentes, puisque les ressources ont aussi augmenté dans d'autres zones.
Le quota de crevettes accordé aux pêcheurs hauturiers selon le principe du dernier arrivé premier parti s'élève à 37 600 tonnes métriques, dont un dix-septième est octroyé à la Société Makivik. En prévision du moment où la ressource commencera à diminuer et pour garantir la rentabilité de la pêche, nous croyons que cette proportion devrait être augmentée. De plus, nous estimons que l'allocation de la Coalition nordique devrait être protégée.
En ce qui concerne le poisson de fond, nous n'avons pas réussi à négocier un permis d'exploitation dans le cadre des revendications territoriales. Plusieurs ministres nous ont dit que nous devions acheter un permis de pêche du poisson de fond. Cela n'est pas facile et, qui plus est, notre accès insuffisant au flétan noir ne nous permet pas d'envisager l'acquisition d'un bâtiment adéquat pour cette pêche.
En 1985, dans le cadre d'une pêche expérimentale de développement, nous avons pêché le flétan noir dans la partie nord de la zone 2G, qui touche le Nunavik et le Labrador, à bord d'un palangrier étranger. Nous avions un équipage du Nunavik et un bâtiment très performant. Aucune autre entreprise canadienne n'exploitait le flétan noir dans ces eaux ni dans la zone 0B. Toutefois, à cette époque, les activités de pêche étaient encore concentrées plus au sud. Ce permis n'a jamais été renouvelé.
En vertu du système des quotas de développement en vigueur de 1992 à 1998, notre participation à cette pêche a diminué jusqu'au niveau actuel de 140 tonnes métriques, soit 2,5 p. 100 du TAC. Les entreprises du Nunavut ont droit à 1 500 tonnes métriques, c'est-à-dire 27,2 p. 100 du TAC, et une entreprise du sud a droit à 34,5 p. 100 du TAC, ce qui est tout à fait injuste.
À notre avis, nos antécédents sont aussi valables et nous sommes situés aussi près de la ressource que nos voisins au Nord et à l'Est; pourtant, la ressource n'est pas répartie équitablement. Cette situation doit changer et seul le gouvernement a le pouvoir d'apporter ce changement. Si nous devons acheter ou acquérir un permis de pêche de poisson de fond ou une entreprise d'exploitation de cette ressource, le gouvernement du Canada devrait abolir tout obstacle à cette acquisition, afin de garantir qu'aucun gouvernement ne nous n'empêche de le faire.
Le gouvernement doit nous aider financièrement à acquérir ces permis, comme cela s'est fait aux termes de l'arrêt Marshall.
Le développement de la pêche au flétan noir dans la zone 0A nous inquiète, et nous ne devrions pas être les seuls à nous en inquiéter. Nous ne voulons pas nier à nos voisins le droit d'exploiter les ressources qui sont à proximité, et nous saluons les efforts qu'ils ont récemment déployés pour développer cette pêche. Nous croyons avoir droit à une partie de la ressource dans cette zone; cependant, notre principale inquiétude concerne la quantité de cette ressource et sa gestion.
Très peu de relevés et d'évaluations des stocks ont été effectués dans les parties septentrionales, notamment dans les zones 0AB et 2GH de l'OPANO au cours des dernières années. Les titulaires de permis de pêche à la crevette nordique et le gouvernement du Canada ont établi la Fondation de recherche sur la crevette nordique. Cet organisme est chargé d'effectuer de la recherche sur les populations de crevettes dans les zones 0B et 2GH; cette façon de procéder n'est pas unique dans le monde, mais beaucoup de gens s'y opposent et estiment que cette responsabilité incombe au gouvernement.
Les relevés ne viseront pas le flétan noir et la crevette dans la zone 0A, et nous croyons que le gouvernement du Canada, par le truchement de l'OPANO, devrait procéder à des relevés plus réguliers dans les zones 0AB et 1A, B, C, D et E. Ce qui nous préoccupe — compte tenu de l'information transmise par des capitaines et des hommes d'équipage de bâtiments qui pêchent dans la région — c'est que le poisson est de petite taille et qu'il semble que la zone 0A est une zone d'alevinage du poisson, qui passe dans la zone 0B quand il a atteint l'âge adulte. D'autres intervenants soulèveront peut-être cette question. Cette information pourrait nous inciter à aborder le développement de la pêche de manière plus prudente.
Le gouvernement du Canada devrait financer un relevé de la baie d'Ungava et du détroit d'Hudson sur une période de quatre ans, afin de recenser les stocks qui s'y trouvent.
En résumé, il faudrait que des mesures économiques visant à établir l'infrastructure adéquate soient appliquées d'une manière ordonnée, pour stimuler la croissance tout en évitant les effets négatifs sur les ressources. Il faut mettre l'accent sur le traitement à valeur ajoutée et les marchés qui généreront des revenus d'exportation au Nunavik.
Nous ne devrions pas être forcés d'acheter de grands bâtiments de pêche si la ressource ou la saisonnalité de la pêche ne justifie pas un tel investissement, surtout dans le cas d'un permis régional ou communautaire.
Il faut acquérir une entreprise d'exploitation du poisson de fond. Le gouvernement devrait mettre en place un programme semblable à celui qui découle de l'arrêt Marshall. Aucune restriction ne devrait être imposée quant au type du bateau ou au lieu d'exploitation. Le gouvernement doit accorder son aide.
Nous aimerions obtenir la garantie que nous aurons un accès accru au flétan noir de la zone 0B. Nous souhaitons que notre quota actuel de 140 tonnes métriques soit porté à 1 000 tonnes. Nous aimerions avoir accès à la zone 0A.
Il faudrait que les permis de pêche à la crevette soient protégés afin que la Société Makivik dispose d'un quota garanti ne représentant pas moins de un dix-septième des 37 600 tonnes métriques, soit 2 211 tonnes, et que l'allocation de 6 120 tonnes de la Coalition nordique soit rendue permanente.
Il est primordial d'assurer la meilleure formation des équipages inuits et de la maintenir.
Il faudrait que les relevés scientifiques et les exercices d'identification de la ressource soient plus fréquents et que l'on procède dès maintenant à des relevés dans la zone 0AB et dans la Baie d'Ungava et le détroit d'Hudson.
Nous sommes également préoccupés par la pêche pratiquée dans la zone 0A, pour laquelle nous préconisons une approche plus prudente.
Je voudrais ajouter que les revenus tirés des emplois directs de la pêche à la crevette au Nunavik sont supérieurs à 1,5 million de dollars par année. Soixante-quinze pour cent des membres d'équipage à bord de ces bateaux sont des Inuits du Nunavik, ou des bénéficiaires du Nunavik. Des avantages indirects proviennent de l'exploitation de nos lignes aériennes, First Air et Air Inuit, qui transportent tous nos équipages à destination et en provenance des bateaux de pêche.
Je pourrais peut-être ajouter encore que Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse tirent également des avantages d'égale importance à cause du fait que nous déchargeons nos bateaux dans ces provinces et que nous y ravitaillons. Le coût moyen pour chaque accostage est supérieur à 200 000 $. Par conséquent, il y a également d'importantes retombées dans d'autres régions du Canada.
Le président: Je vais demander aux membres du comité de faire preuve d'indulgence à mon égard ce soir. Comme nous allons siéger de nouveau plus tard dans la soirée, nous ne pourrons pas dépasser le temps imparti. Quand je ferai signe aux sénateurs, je leur demanderais de céder la parole au sénateur suivant, afin que chacun ait également l'occasion de poser des questions. Si nous avons le temps de faire un deuxième tour, je redonnerai évidemment la parole aux intervenants.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Adams: Votre exposé était clair, mais je voudrais avoir de plus amples détails sur ce qui s'est passé dans la localité de Kuujjuaq depuis 1979. Que s'est-il passé jusqu'à maintenant?
[Traduction]
M. Greig: Il y a partage des revenus tirés des arrangements de pêche, et nous tirons des avantages très considérables de ces arrangements. Ces revenus ont été réinvestis dans différents projets communautaires, notamment les quatre usines qui ont été créées pour le caribou. On a également investi dans le développement de l'artisanat et dans le centre de recherche à Kuujjuaq. On a aussi apporté une aide indirecte au projet d'écloserie que vous avez vu à Kuujjuaq il y a deux ans.
Makivik donne de l'argent à des projets par l'entremise du fonds de dons communautaires. De 1984 à 1990 ou presque, nous avons investi à parts égales avec le gouvernement fédéral, plus précisément Pêches et Océans, dans la R- D des pêches côtières, essentiellement dans la baie de l'Ungava. Nous avons également fait des travaux de développement dans la Baie d'Hudson pour les mollusques et les fruits de mer, sous forme d'opérations de plongée.
Nous avons tendance à laisser les promoteurs locaux essayer de lancer eux-mêmes des projets, au lieu que ce soit nous qui prenions l'initiative tout le temps. Nous croyons que c'est à eux de le faire. Nous investissons du temps et des efforts pour leur venir en aide, mais ils doivent s'occuper du développement comme tel. Cependant, si un projet est de nature régionale, Makivik va jouer le rôle de chef de file. J'espère que cela répond à votre question.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Adams: Ma question suivante porte sur le flétan noir pêché dans les eaux situées entre la Terre de Baffin et le Québec. Si je comprends bien, le gouvernement attribue les quotas dans ce secteur et met de côté une allocation expérimentale. La société Makivik a une certaine allocation dans le secteur 0B et la situation est différente dans le secteur 0A. Je crois savoir également qu'aux termes de l'entente, la Coalition des pêches de la Terre de Baffin attribue certains quotas aux sociétés, à hauteur de 10 p. 100. Est-ce que ce quota est suffisant pour vous? La Coalition accorde- t-elle des quotas suffisants aux localités pour qu'elles puissent en tirer profit? Attribue-t-on des quotas aux pêcheurs de Terre-Neuve qui ont des bateaux de pêche?
[Traduction]
M. Greig: Je vais essayer de répondre à cette question le plus diplomatiquement possible. Comme les deux sénateurs du Nord le savent, je n'ai pas la réputation d'être diplomate.
Le processus d'attribution des quotas est établi par l'OPANO, l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord- Ouest. Il y a des ententes bilatérales entre le Canada et le Groenland, mais c'est essentiellement l'OPANO qui fait tout le travail de recensement des stocks. Dans le cadre d'un processus scientifique, nous nous mettons d'accord sur un chiffre.
Comme vous le dites, la pêche dans 0A est très différente par rapport à 0B. À mon avis, il faut accorder beaucoup plus d'attention et être beaucoup plus prudent pour l'établissement de la pêche dans le secteur 0A. C'est encore une pêche expérimentale. Il y a encore des bateaux étrangers qui pêchent dans ce secteur, au nom de la Coalition des pêches de la Terre de Baffin ou d'autres entités du Nunavut. Ces gens-là pratiquent la pêche en application de diverses ententes de pêche. Je ne connais pas la teneur de leurs ententes et, en fait, ce n'est pas de mes affaires. Beaucoup de ces bateaux viennent de Terre-Neuve. Sans connaître la situation dans tous ses détails, je peux dire que ces bateaux sont disponibles et qu'ils apportent autant d'avantages au Nunavut qu'à Terre-Neuve.
La région et les collectivités dans leur ensemble en tirent-elles des avantages? Là encore, je ne peux pas répondre à cela. Il faut s'en remettre au Nunavut. Je dois supposer que, dans leur méthode d'attribution de ce que j'appellerais des sous-permis à des compagnies représentatives du Nunavut — représentant des associations locales de chasse, de pêche ou de piégeage — la collectivité doit en tirer un avantage. Je suppose que tels sont en fait les arrangements. Je répète que je ne suis pas au courant de la teneur des arrangements.
Pour ce qui est de 0B, le quota canadien est de 5 500 tonnes métriques. Peu importe ce que nous souhaitons ou voulons faire, nous devons nous limiter à ces quotas. Le Nunavut a 1 500 tonnes métriques. Ce quota de 1 500 tonnes devrait lui permettre d'exploiter un bateau durant la saison qui existe là-bas. Cela dit, les conditions de pêche, le taux des prises et la performance du bateau, tout cela va déterminer s'ils sont en mesure de pêcher une telle quantité de poissons.
Je crois qu'ils ont fait une ventilation du total en éléments plus petits afin de permettre à d'autres bateaux de venir pêcher dans le secteur. Nous n'avons aucune objection à cela, pourvu que la région en soit avantagée. Là encore, ce qu'ils font de leur quota n'est pas de mes affaires.
Le Nunavik ou Makivik en veulent évidemment plus. Nous ne pouvons même pas envisager d'acheter un bateau ou de faire des investissements considérables quand nous avons seulement 140 tonnes de poisson. Ce n'est tout simplement pas rentable. Nous avons obtenu beaucoup de succès dans le cadre de l'arrangement que nous avons pour ces 140 tonnes, mais ce n'est pas suffisant pour envisager d'investir. Nous avons besoin d'une allocation de 1 000 tonnes métriques et c'est évidemment ce que nous réclamons. Si on nous le donnait, nous le prendrions.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Watt: Je comprends quelle était la nature des questions posées par le sénateur Adams. C'est difficile de discuter de tout cela. Cependant, vous nous parlez de la manière dont vous obtenez vos quotas et de ce que vous avez à l'heure actuelle, les tonnes métriques que vous recevez actuellement, et vous dites que vous n'arrivez pas à faire de l'argent à même cette quantité.
Où pouvez-vous trouver cette ressource? À qui vous adresser?
[Traduction]
M. Greig: Nos seules options sont d'acheter une entreprise existante de poisson de fond. Ce serait une entreprise de base, probablement de Terre-Neuve ou de Nouvelle-Écosse. Tout dépend de la taille du bateau et du quota dont l'entreprise dispose ou de l'allocation qu'elle a reçue, et il faut voir aussi s'il s'agit d'un permis de pêche fraîche ou de poisson congelé.
Si nous parvenions à en acheter une ayant une capacité et une allocation suffisantes, nous pourrions pêcher dans le Nord et pêcher d'autres espèces de poisson de fond ailleurs dans le Sud, quoiqu'il ne reste pas beaucoup de poissons de fond à pêcher. Le quota de 24 000 tonnes métriques récemment annoncé dans 2J3KL ne représente pas beaucoup de poisson.
Cependant, le prix du flétan noir et d'autres espèces de poissons de fond est très bon dans le marché d'aujourd'hui, presque trois fois le prix de la crevette. Auparavant, c'était l'inverse. Ce sont les seules possibilités qui s'offrent à nous d'aller ailleurs. Pourrions-nous aller outre-mer et pêcher à l'extérieur des eaux canadiennes? Nous ne pouvons pas le faire sans les permis exprès du gouvernement du Canada.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Adams: Aujourd'hui, savez-vous quelles ressources économiques sont à votre disposition?
M. Greig: Oui, nous en connaissons une, ou deux ou trois. Il y a des gens qui font énormément d'argent. Cependant, je ne veux pas dire combien d'argent, parce que nous sommes en public, n'importe qui peut nous écouter.
Le sénateur Watt: Vous avez dit que peu de temps après vos débuts en 1979, vous avez travaillé avec les Nunavummiuts, les amenant pêcher avec vous.
Pourquoi cela ne se fait-il plus? Vous êtes voisin du Nunavut. Il me semble que vous devriez travailler ensemble.
[Traduction]
M. Greig: C'est une question extrêmement difficile. Pendant de nombreuses années, les Inuits du Nunavut n'ont pas participé à la pêche. En 1986, j'ai reçu l'aide des sénateurs Adams et Watt pour m'attaquer à cette question. Nous avons fait des démarches auprès du gouvernement du Canada, insistant sur le fait que les Inuits du Nunavut devraient participer à la pêche. Chacun savait que des revendications territoriales étaient en instance, mais personne ne savait quand la question serait réglée.
Nous avons pris des arrangements à cette époque pour qu'ils obtiennent un permis. Ici, je dois parler à titre personnel et non pas en tant que représentant de Makivik. À cette époque, j'étais également propriétaire d'un bateau de pêche. Nous possédions deux bateaux — l'Aqviq et le Kinguk —que nous utilisions pour des coentreprises, une avec la Société Makivik et l'autre avec la Société Qikiqtaaluk du Nunavut.
À ce jour, la Société Makivik continue de fonctionner de concert avec cette société exploitante. Ils ont des relations de longue date avec cette compagnie. De 1986 jusqu'en l'an 2000, probablement, la Société Qikiqtaaluk a participé également à ce système. Nous leur avons fourni de la formation, je leur ai transmis une bonne part de mes connaissances personnelles, parfois moyennant paiement, parfois gratuitement, mais c'était un arrangement commercial. Essentiellement, nous leur avons donné un coup de main jusqu'à ce qu'ils soient capables de se débrouiller eux-mêmes, ce qui est tout naturel.
Nous avons une autre coentreprise avec la Société Qikiqtaaluk, au titre d'une compagnie appelée Unaaq Fisheries, qui a également été fondée en 1987 et qui fonctionne dans le cadre d'une entente de partage des revenus avec la Clearwater Fine Foods de Nouvelle-Écosse. Elle obtient beaucoup de succès depuis 1987. À cette époque, de 1987 jusqu'en 1991, je participais également à cette coentreprise avec Clearwater, je veux dire Farocan et moi-même — Farocan étant la société exploitante qui était installée en Nouvelle-Écosse.
Le Nunavut a choisi de voler de ses propres ailes, ce qui est tout à fait légitime. Nous avons choisi une voie différente, tout en ayant le même objectif, savoir de posséder un jour notre propre bateau. Cependant, l'analyse de rentabilité d'une pêche saisonnière ne permet tout simplement pas de consentir un investissement suffisant dans la pêche. Les grands propriétaires de bateaux sont ceux qui ont investi dans la pêche jusqu'à maintenant: un chalutier neuf coûte 34 millions de dollars. C'est beaucoup d'argent à prêter pour une banque et à garantir pour un propriétaire. Le capital nécessaire pour faire tout cela est excessif, dans le meilleur des cas.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Watt: Je voudrais obtenir tout à l'heure davantage de précisions sur la manière dont vous pouvez travailler ensemble en tant qu'Inuits. Nous allons laisser cela de côté pour l'instant. Nous y reviendrons.
Je voudrais comprendre ce que vous voulez que nous fassions pour vous. Quelles recommandations faites-vous aujourd'hui au comité du Sénat?
[Traduction]
M. Greig: Je dois me montrer plutôt prudent ici parce que je peux parler au nom de Makivik et je peux aussi parler en me fondant sur mon expérience. Plus il y a coopération, mieux c'est pour tout le monde. Je voudrais qu'il y ait davantage de coopération, mais il faut que cela se fasse sur un pied d'égalité. Il ne faut pas que l'un des partenaires ait le gros bout du bâton et l'autre un cure-dent. Tant que les règles du jeu ne seront pas égales pour tous, malheureusement, c'est Makivik qui aura le cure-dent.
Un meilleur partage des ressources déboucherait sur de meilleures possibilités de coentreprise. Nous devons surmonter les obstacles. Je ne parle pas au nom de Makivik; je me fonde sur mon expérience personnelle. On ne peut pas avoir cinq usines de transformation du poisson dans le Nord pour produire des crevettes. C'est tout simplement absurde. Nous aimerions tous avoir les emplois et l'argent dans nos localités. Cependant, certaines collectivités sont meilleures que d'autres dans cette tâche et peut-être que nous devons nous en accommoder.
La Royal Greenland envisage en fait d'ouvrir une usine d'épluchage des crevettes au Danemark. C'est une grosse décision et elle est prise pour des raisons économiques également. Il faut réfléchir soigneusement à tout processus qui nécessite des investissements importants dans le Nord.
Par exemple, la Société Makivik doit rendre des comptes à tous ses actionnaires. Elle ne peut pas investir ouvertement dans un seul bateau qui pourrait donner de l'emploi à 110 personnes durant l'année. Elle doit satisfaire l'ensemble des autres investisseurs ou actionnaires dans la région. Toute coentreprise avec le Nunavut doit tenir compte de tout cela. Il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tous, ce qui est primordial pour déterminer quelle pourrait être la meilleure solution d'avenir. En l'absence d'un accès libre aux quotas, il n'y a pas égalité des chances.
Le gouvernement du Canada avait fait cela pour nous dans les années 80. Il avait établi des règles du jeu équitables; il avait fait de nous un partenaire égal, placé sur le même pied que les autres intervenants dans la pêche au Canada. Nous avions alors investi dans la crevette. Il avait pris cette initiative qui a été grandement appréciée. Je suis certain que le sénateur Watt se rappelle l'époque où nous nous débattions pour lancer cette entreprise.
Le sénateur Watt: Y a-t-il autre chose que vous voulez que nous fassions?
M. Greig: Il nous faut un meilleur accès; il nous faut davantage de science dans le nord.
Le sénateur Watt: Plus de science?
M. Greig: Absolument.
Le sénateur Hubley: Vous avez dit que vous avez actuellement accès à 140 tonnes métriques de flétan noir dans le secteur 0B. Où se situerait le seuil de la rentabilité? Quel quota permettrait d'employer à plein temps un bateau de pêche? La pêche ne pourrait probablement pas se faire toute l'année, mais quel serait le chiffre approximatif?
M. Greig: Mille tonnes métriques n'est pas un chiffre arbitraire.
Le sénateur Hubley: Ça ne l'est pas.
M. Greig: Non. Cela nous donne un accès suffisant à cette ressource pour servir de complément à nos activités de pêche actuelles, de manière à les rendre plus rentables. Nous pêchons la crevette et nous utiliserions probablement le même bateau que d'autres exploitants utilisent déjà pour pêcher cette ressource. Cela rend l'entreprise d'autant plus viable. Cela rend les emplois plus solides.
Le sénateur Hubley: C'est ce qu'il vous faudrait, à votre avis, pour fonctionner.
M. Greig: Tout montant inférieur à ce chiffre ne justifierait pas l'investissement ni même la remise en état de notre chalutier actuel pour pêcher cette ressource.
Le sénateur Hubley: Vous avez dit qu'un chalutier neuf coûte 34 millions de dollars.
M. Greig: C'est à peu près le prix d'un chalutier de 17 mètres, un chalutier congélateur usine doté de tout l'outillage au complet, et les bateaux de ce prix là bénéficient à la fois de permis de pêche au poisson de fond et à la crevette.
Le sénateur Hubley: Le permis vient avec le bateau, c'est bien cela?
M. Greig: Non, le permis est octroyé par le gouvernement du Canada. On nous accorde une allocation que nous attribuons ensuite aux bateaux.
Le sénateur Hubley: Vous avez fait allusion à un congélateur, et il vous faudrait un chalutier congélateur. Vous avez dit que vous déchargez vos prises à Halifax. N'y a-t-il pas d'usines de transformation plus proche?
M. Allard: Non. La seule usine dans le nord se trouve au Groenland, à Nuuk.
M. Greig: J'ai dit que si vous vouliez créer l'infrastructure dans le nord, il vous faudrait construire un congélateur dans le nord pour stocker le tonnage des prises. Si l'on peut débarquer ces prises, il devient alors possible d'ouvrir une usine de transformation permettant de faire la transformation de la crevette, tout comme on le fait à Terre-Neuve, au Groenland ou en Nouvelle-Écosse. Cependant, cela ne peut pas se faire en l'absence d'infrastructure. J'ignore qui possède les capitaux voulus pour investir dans cette infrastructure.
Le président: Je voudrais une précision: vous parlez de la crevette ou du flétan noir?
M. Allard: La question portait sur les congélateurs.
Le président: Pour les stocks?
M. Greig: Normalement, nous considérons la crevette comme la source des profits. À ma connaissance, il n'y a au Nunavut aucune installation capable de traiter le tonnage des prises débarquées.
Le président: De crevette.
M. Greig: De crevette.
Le président: Nous ne parlons donc pas du flétan noir.
M. Greig: Au Nunavut, il y a une usine qui traite le flétan. On y débarque 300 tonnes métriques par année de flétan noir, ou même plus, dans le congélateur. En un seul voyage.
M. Allard: Essentiellement, nous essayons de dire que pour que nous puissions investir dans la pêche et atteindre à une certaine stabilité à l'heure actuelle dans le cas de la crevette — et nous avons de grandes quantités de crevettes —, ce serait bon d'avoir accès à plusieurs espèces. Tout est là. La combinaison qu'il nous faut, ce n'est pas seulement différentes espèces de poisson; il nous faut plus qu'une seule espèce. Ce ne sont pas seulement les quantités; c'est aussi l'endroit où l'on peut pêcher. C'est la combinaison de ces trois éléments.
En une année comme celle-ci, où le flétan noir est bon tandis que la crevette n'a jamais été aussi mauvaise, le flétan noir aiderait à compenser la baisse du prix des crevettes. Si nous ne pouvons compter que sur la crevette, nous avons de bonnes années et de très mauvaises années. C'est très instable. Il nous faut cet équilibre pour rendre l'affaire soutenable à long terme.
Le sénateur Hubley: L'un des points de votre résumé est qu'il est primordial d'assurer la meilleure formation possible des équipages inuits et de la maintenir. Je trouve que c'est très bon. Pouvez-vous me dire quel pourcentage des équipages les Inuits représentent, en général?
M. Greig: Soixante-dix pour-cent des membres d'équipage de notre bateau sont inuits ou bénéficiaires du Nunavik. Au début, nous en avions probablement 4 sur 20.
Le sénateur Hubley: Vous avez offert beaucoup de possibilités?
M. Greig: Nous ne pouvons pas cesser la formation. Certains de ces pêcheurs vont partir; certains ne vaudront rien. Cependant, certains d'entre eux sont devenus d'excellents pêcheurs; d'autres sont devenus d'excellents agents de police ou pompiers, grâce à la discipline qu'ils ont apprise à bord du bateau pendant leur formation. Cela les aide à se lancer dans d'autres carrières.
Le sénateur Hubley: Ont-ils des possibilités de carrière dans la pêche grâce à la formation?
M. Greig: Oui.
Le sénateur Cook: Je m'intéresse à vos plates-formes mobiles. Dans quelle mesure est-ce rentable pour construire des usines de transformation du poisson?
M. Greig: C'est plus un terme employé dans l'industrie qu'un projet immobilier. Quand nous disons «plate-forme flottante», nous faisons allusion à un chalutier congélateur usine.
Le sénateur Cook: Je m'imaginais une plate-forme en forme de barge avec une usine.
M. Greig: Vous n'êtes pas loin de la vérité. Pendant des années, M. Allard et moi-même avons réfléchi à cette possibilité qui nous semblait une manière plus faisable d'implanter des ressources marines dans le nord. Nous englobons le phoque dans ce projet.
Ce sont en effet des ressources qui se déplacent. Elles ne restent pas au même endroit. Cela pourrait répondre en partie à la question du sénateur Watt. Dans le secteur de la baie d'Ungava et du détroit d'Hudson, le Nunavut et le Nunavik vont se partager les ressources quand toutes les revendications seront réglées. Si l'on met de côté tout le jargon juridique, on peut dire que nous allons appeler nos cousins à Kingnait ou Iqaluit et leur dire: «Nous allons pêcher à tel endroit, voulez-vous venir?» À la fin, c'est ainsi que ça va se passer, mais tant que nous n'en serons pas là, nous devrons endurer le système réglementé extrêmement lourd que nous avons actuellement.
Nous serons en mesure d'exploiter les ressources, non pas comme vous pouvez le faire à Terre-Neuve ou ailleurs, mais de telles usines mobiles pourraient et devraient être envisagées. S'il y a de l'argent qui reste, nous pourrions peut- être envisager de faire de la recherche sur la viabilité de telles usines. À un moment donné, il faudra exporter le produit et s'il est possible de remorquer le produit sur la barge à bord de laquelle on fait la transformation, tant mieux, c'est ainsi qu'on procédera, ou bien on rencontrera les navires cargos qui se trouvent dans la région.
Le sénateur Cook: Aidez-moi à comprendre le quota, la subvention et le permis. Le quota est fixé pour le secteur par l'OPANO.
M. Greig: Le quota scientifique est établi par l'OPANO.
Le sénateur Cook: Qui délivre la licence, qui répartit les parts du gâteau? Le MPO?
M. Greig: Le gouvernement du Canada, par l'entremise du ministre des Pêches et des Océans.
Le sénateur Cook: Nous entendons dire constamment que le problème se situe au niveau de la capacité du quota de rendre la pêche rentable.
M. Greig: Oui, pour que nous obtenions nos 1 000 tonnes métriques, il faudrait priver quelqu'un d'autre. C'est la seule manière de procéder dans le cadre de l'arrangement actuel pour les quotas.
Le sénateur Cook: Aidez-moi à comprendre le facteur de contiguïté. Vous voulez dire par là contigu à votre littoral. En quoi consiste exactement le principe de la contiguïté tel qu'il s'applique dans le nord? Vous parlez d'un secteur de pêche situé loin au nord de la terre de Baffin dans lequel vous faites la pêche. En quoi le facteur de contiguïté entre-t-il en jeu?
M. Greig: Pour nous, le facteur de contiguïté a été réglé durant les années 80 par une note du gouvernement établissant que le Nunavik est contigu au détroit de Davis, surtout le secteur 0B de l'OPANO, par opposition à 0A, et contigu à 2G, par opposition à 2H.
Killiniq, qui est reconnue comme collectivité aux termes de la Convention de la Baie James et du nord québécois, était tout à fait contiguë aux ressources du Labrador et du détroit de Davis. Je le sais pertinemment; je faisais la pêche là-bas. C'était à l'époque où nous sortions 180 000 livres de morue. Cette belle époque a pris fin à la fin des années 70. Voilà pour la question de la contiguïté.
Maintenant, quant à savoir qui est contigu et qui l'est moins — avec tout le respect que je dois aux Terre-neuviens, ces derniers prétendaient être plus contigus que nous ne l'étions de certains secteurs.
Le sénateur Cook: Je m'attardais au facteur de contiguïté dans la baie de l'Ungava et le détroit de Davis. Comment pouvons-nous résoudre ce dilemme, pour rendre la pêche rentable? Y a-t-il trop de permis ou trop peu de poisson? Est- ce que l'on se dirige dans le nord vers la même situation que nous avons connue dans les grands bancs? Qu'est-ce qui est en jeu?
M. Greig: Je ne pense pas qu'il y ait vraiment de ressemblance pour ce qui est de la répartition de la ressource entre les grands bancs et le secteur du détroit de Davis et le secteur 2G. Nous sommes assujettis à des restrictions saisonnières et environnementales et la ressource est donc relativement en bon état par rapport à d'autres ressources.
Cela dit, les compagnies de pêche, les pêcheurs, les bateaux trouveront bien le moyen de récolter quelque chose, n'importe quoi qui ait la moindre valeur. Je ne veux pas dire qu'il y a malveillance. C'est comme cela que ça se passe dans cette industrie; c'est la même chose pour les agriculteurs: s'il y a de l'argent à faire, ils vont le faire.
Y a-t-il trop de permis? J'aimerais dire que non parce que j'en veux un. Je dis simplement le fond de ma pensée. La ressource dans le nord est-elle souscrite à outrance? De mon point de vue, qui est partial, non. Cependant, d'autres pourraient avoir un point de vue différent.
Le secteur 0A n'est pas souscrit à outrance en ce moment. Nous sommes extrêmement inquiets au sujet de l'état des stocks. Est-ce un stock composé de jeunes poissons qui vont s'en aller ailleurs? Les poissons sont petits en comparaison de ce que nous prenons ailleurs, dans le secteur 0A en comparaison de 0B. Cela nous inquiète.
Est-ce un problème génétique? Nous ne le pensons pas; cependant, les scientifiques doivent répondre à cette question.
Le sénateur Cook: Je vous ai entendu dire qu'à l'heure actuelle, la pêche au flétan noir est très lucrative en comparaison de la pêche aux crevettes. J'ai lu tout à l'heure dans mes notes qu'à votre avis, le secteur 0A est une aire d'alevinage pour le flétan noir. Cela s'appuie-t-il sur des preuves, ou bien posez-vous tout simplement la question pour que les scientifiques y répondent?
M. Greig: Nous demandons au programme scientifique de le déterminer. Nous devons établir plus précisément l'âge des poissons. Nous avons des pêcheurs qui nous disent — et je pense que le taux des prises et les statistiques le démontrent — que 50 p. 100 ou 60 p. 100 des poissons pris dans 0A pèsent moins de 500 grammes. Ce n'est pas du très gros poisson. Chose certaine, ce ne sont pas des poissons adultes. Les plus lourds pèsent moins d'un kilo et je ne pense pas que ce soient des flétans noirs adultes non plus. Un poisson de 2,2 livres a six ans tout au plus.
Le sénateur Cook: Le turbot que l'on pêchait dans mon enfance pesait beaucoup plus que 2,2 livres.
M. Greig: À Killiniq, quand nous pêchions là-bas en 1985 — je parle de l'intersection de 2G et de 0B —, le poids moyen du poisson était de 3,5 kilogrammes.
Le sénateur Cook: Si vous pêchez du flétan noir, c'est petit.
M. Greig: Nous ne le pensons pas. La pêche dans 0B a prouvé que c'est soutenable. Par contre, nous ne savons pas si c'est le cas dans 0A.
Le sénateur Mahovlich: Vous avez dit que vous n'êtes pas au courant, que vous ne savez pas où certains bateaux ont obtenu leurs permis, est-ce bien cela?
M. Greig: Oui, c'est ce que j'ai dit.
Le sénateur Mahovlich: Les permis sont publics.
M. Greig: Les permis sont du domaine public.
Le sénateur Mahovlich: C'est gouvernemental.
M. Greig: Les permis sont accordés — je pense qu'en l'occurrence, ils sont accordés à la Coalition des pêches de Baffin, mais ensuite, ils achètent ou affrètent des navires.
Le sénateur Mahovlich: Qui cela, la coalition?
M. Greig: Oui. Je ne sais pas combien de bateaux ils affrètent pour pêcher leur quota. Je pourrais obtenir cette information.
Le sénateur Mahovlich: Oui, ce devrait être du domaine public.
M. Greig: C'est du domaine public. Ils doivent obtenir un permis pour chaque bateau. Il y a à la fois des bateaux étrangers et des bateaux canadiens qui font cette pêche.
Le président: Je vais citer directement votre exposé de tout à l'heure, quand vous avez dit: «Tant que ces permis conserveront un accent régional ou communautaire, la collectivité en général en profitera; toutefois, s'il est permis à des particuliers de détenir ces permis, la collectivité ne pourra plus profiter des avantages garantis par le régime de partage des revenus.» J'ai trouvé que c'était une déclaration extrêmement importante qui était dans la droite ligne de ce que vous aviez dit auparavant.
Qu'essayez-vous de dire par là? Y a-t-il des particuliers qui veulent obtenir des permis dans ce secteur? Ou bien est-ce que vous vouliez les garder pour votre collectivité?
M. Greig: Un examen de l'octroi des permis au Labrador par le ministre des Pêches à l'époque, à Torngait Fisheries, à la Société Makivik, à l'Union des pêcheurs du Labrador et à la Compagnie de crevettes révèle que ces permis ont été accordés à titre de permis régionaux devant bénéficier à la région, et non pas au particulier. C'était un moyen de permettre à ces régions d'obtenir des revenus sans accorder de subventions gouvernementales. Je ne connais pas de manière plus facile de le dire. Si vous accordez le même accès à un particulier, bien sûr que j'en voudrai.
Le président: Est-ce envisagé?
M. Greig: Je connais des compagnies qui appartiennent à un ou des particuliers qui veulent en effet faire cela. Je ne peux pas m'en prendre à eux. Je voudrais en faire autant si on me le permettait. Cela revient à la question dont nous discutions, à savoir si la ressource est sur-souscrite.
Le président: Je m'inquiète au plus haut point à ce sujet parce que c'est une région du Canada qui semble s'efforcer de faire bénéficier l'ensemble de la collectivité de la ressource. D'autres collectivités se sont tournées vers les grandes entreprises qui donnent des permis, avec la bienveillante participation du MPO, lequel octroie ces permis aux grandes entreprises.
Dans le nord, on semble avoir une manière rafraîchissante de considérer la ressource comme un avantage appartenant à l'ensemble de la collectivité et non pas aux grandes entreprises. Je ne suis pas socialiste, loin de là, mais c'est bon de voir la collectivité bénéficier d'un tel avantage. Si l'on propose d'établir dans le nord les mêmes arrangements de pêche que dans le sud, l'avantage d'une ressource communautaire pourrait disparaître. Cela m'inquiète beaucoup. Je vais examiner cela de plus près parce que je comprends le message.
M. Greig: Pour nous, c'est important. Même si l'accès à la ressource était accordé à un particulier, pas l'accès étendu qu'on nous accorde, mais des allocations plus limitées dans la région ou à une localité dotée de l'infrastructure voulue, alors je pourrais comprendre cela, parce que la collectivité en serait avantagée tout autant que le particulier. Cependant, le particulier risque des capitaux. Si l'on adopte une vision d'ensemble, il est certain que l'approche régionale est bien meilleure. Si vous étudiez le dossier des quotas de développement communautaire en Alaska, vous apprendrez que M. Gregory Fisk, anciennement de Makivik, s'en occupe et qu'il connaît très bien la manière dont nous avions organisé tout cela avant son retour en Alaska.
Le président: Le comité voudra peut-être se pencher de nouveau sur la question de la valeur et de l'avantage pour une collectivité d'être titulaire des quotas, par opposition à des intérêts privés qui en seraient titulaires. Nous avons examiné cette question il y a un certain nombre d'années et il vaudrait peut-être la peine de revenir là-dessus.
M. Greig: Vous pourriez le faire. Je pense que ce serait également utile à d'autres de faire le point là-dessus. Cependant, beaucoup d'entités et d'entreprises dans le monde, comme Clearwater, ont une conscience communautaire. Je dois en convenir.
Le président: Je le reconnais. Cependant, les entreprises fonctionnent un peu différemment par rapport aux collectivités.
J'ai une question sur le flétan noir dans 0A. Savez-vous si le flétan noir du Canada de l'Atlantique, y compris le flétan noir du secteur 0A, du nord au sud jusqu'aux régions de l'OPANO, constitue un seul stock homogène, ou bien y a-t-il des stocks différents?
M. Greig: Je ne suis pas scientifique, mais avant l'OPANO, il y avait la Commission internationale pour les pêcheries de l'Atlantique nord-ouest, et cette organisation avait établi que le flétan noir était un seul stock. Cependant, ces dernières années, l'OPANO a adopté un point de vue différent. Initialement, ils ont étudié le flétan noir parce qu'ils s'intéressaient à la pêche dans les fjords du Groenland, pour déterminer s'il s'agissait du même stock ou bien d'un stock de frayère ou d'alevinage. Ils ont examiné tous ces facteurs. Nous avons de très bons scientifiques au Canada qui ont déterminé que le flétan noir constitue un seul stock. Beaucoup de capitaines pêchent le flétan noir dans le secteur du nez et de la queue des Grands Bancs et ont constaté que ce même flétan a passé un certain temps dans le nord.
C'est une question à laquelle les scientifiques seraient peut-être mieux placés pour répondre.
M. Allard: Vous avez raison là-dessus, monsieur Greig.
Le président: Nous allons poser la question aux scientifiques. Pensez-vous que le 0A constitue l'aire d'alevinage de l'ensemble du stock de la côte Est?
M. Greig: Je ne dois m'en remettre aux capitaines et à ceux qui pratiquent la pêche. Eux pourront vous le dire.
Le président: Merci.
Le sénateur Mahovlich: Et le thon? À la fin des années 60, je suis allé à la pêche au thon et je n'entends plus jamais parler de cette pêche.
M. Greig: La pêche au thon était praticable cette année dans le détroit de Northumberland, en I.-P.-E, c'est-à-dire dans le sud.
Le sénateur Mahovlich: Trouve-t-on du thon du nord?
M. Greig: Non, il fait trop froid.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Adams: Le gouvernement du Nunavut a écrit au premier ministre au sujet des tonnes attribuées. Avez- vous eu des discussions avec le gouvernement du Nunavut, la Coalition des pêches de Baffin, et les sociétés que vous avez nommées, pour voir comment vous pouvez travailler ensemble dans le secteur des pêches?
[Traduction]
M. Greig: Oui, mais j'en reviens à ce que je disais tout à l'heure: C'est beaucoup plus facile de discuter de tout cela si les règles du jeu sont les mêmes pour tous. Nous avons essayé de promouvoir de tels arrangements de partage par l'entremise d'une autre organisation appelée la coalition du nord. Le Nunavut, à juste titre, veut un accès entier et il s'en tient à sa position; que je sois d'accord ou pas, cela n'a pas d'importance. Si j'étais à leur place, je ferais la même chose et je reviendrais constamment à la charge pour demander un meilleur accès.
Ce que je crois, c'est que si la Société Makivik ne partage pas les ressources d'une manière plus fonctionnelle, nous allons nos disputer entre nous une ressource qui n'existera peut-être même plus dans dix ans si nous n'en prenons pas soin. Ce que je dis est peut-être un peu dur à prendre pour certains, mais c'est ce que je pense.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Adams: La Coalition des pêches de Baffin achète du poisson de localités comme Qikiqtarjuaw, Clyde River et Pond Inlet. Ils payent à la tonne métrique. Est-ce le meilleur moyen de s'y prendre pour vendre du poisson?
[Traduction]
M. Greig: Si j'avais l'occasion de le faire, je vendrais mon poisson dans l'eau et je ferais beaucoup d'argent. L'Île-du- Prince-Édouard le fait, à l'instar de beaucoup d'autres intervenants. Ce n'est pas un nouveau processus, cela se fait partout dans le monde. Du moment que la collectivité ou la région touche les avantages, peut-être qu'il n'y a rien de mal là-dedans.
Pourquoi voudriez-vous investir des capitaux dans une pêcherie qui — si les conditions environnementales sont favorables — n'est ouverte que pendant un maximum de huit mois par année? Dans les meilleures conditions, on parle de 12 semaines par année.
Font-ils ce qu'ils doivent faire? Je ne peux les blâmer parce que je ferais la même chose. J'ai participé à l'élaboration de ces processus, alors je ne peux les dénoncer et dire qu'ils ne sont pas bons.
[Interprétation]
Le sénateur Adams: Vous avez dit qu'il faut entreprendre des analyses plus approfondies. Le ministre des Pêches et des Océans a dit que 200 millions de dollars seraient accordés à la recherche en Colombie-Britannique et à Terre- Neuve. Est-ce que des fonds ont été accordés pour la recherche dans les régions de la baie d'Ungava, du détroit d'Hudson et des zones 0A et 0B?
[Traduction]
M. Greig: Je n'ai pas vu de travaux substantiels se faire dans notre région. C'est pourquoi nous avons créé la Fondation de recherche sur la crevette nordique. Le gouvernement donne à l'industrie un accès très vaste à un quota que nous avons traduit en dollars, de manière que nous soyons en mesure de noliser des bateaux de recherche pour effectuer de la recherche dans les zones de pêche à la crevette 2, 4 et 5.
La recherche sera faite sous stricte supervision gouvernementale, parce qu'il s'agit du programme du gouvernement, mais nous payons ce programme par le biais d'une ressource commune. C'est une autre forme d'impôt, mais c'est l'industrie plutôt que le public canadien qui paye cet impôt. Il s'agit d'un impôt volontaire. Cependant, s'il s'agit d'une pratique courante ailleurs, ce n'est pas quelque chose qui se fait au Canada. Encore une fois, une grande partie de cette activité dépend du prix des crevettes sur le marché et il s'agit d'un projet d'une durée de quatre à cinq ans qui nous fournira une analyse des stocks de crevette dans ces régions.
Je crois qu'un certain travail a été effectué sur les stocks dans les zones 0A et 1, A, B et C en 1999 et en 2000 par le Nunavut, le MPO et le gouvernement du Groenland. Cependant, le programme manque de cohérence. Pour obtenir des données fiables, vous devez appliquer un programme approprié sur une certaine période de temps qui vous donnera les réponses que vous recherchez et qui vous permettra de prendre de bonnes décisions, plutôt que des décisions incertaines. De plus, le gouvernement devrait permettre, et financer, beaucoup plus de recherche, mais comme l'a dit le ministre, le ministère n'a pas d'argent et il doit constamment faire face à des réductions budgétaires. Ce mécanisme avait pour but d'essayer de faire fonctionner les choses.
Lorsque la Société Makivik a fait son arrivée dans la pêcherie, toute la recherche dans la baie d'Ungava et dans le détroit d'Hudson a été effectuée avec de l'argent provenant de cette société; il n'y a pas eu d'argent du gouvernement. Le dernier relevé, qui date de 1956, a été effectué dans la baie Frobisher. Nous n'avons pas d'antécédents de recherche efficace concernant l'analyse et l'identification de la ressource dans le nord — sauf dans le cas des pêcheries côtières.
Le sénateur Adams: Je pense qu'actuellement on parle de 8 000 tonnes métriques pour le Nunavut. Le flétan noir et les crevettes représentent quel pourcentage de ce total? Avez-vous une idée du pourcentage capturé? Je ne sais pas si c'est vrai, mais je pense qu'ils ne capturent qu'environ 3 p. 100, mais peut-être est-ce 10 p. 100.
M. Greig: Si vous parlez des stocks des zones 0A ou 0B, il y a des chiffres différents pour chacune d'elles et je ne me rappelle pas les chiffres exacts. Dans le cas du flétan noir, je pense que le chiffre est d'environ 27 p. 100 dans la région 0B et de 100 p. 100 dans la région 0A, pour le Nunavut. Ce dernier a un plus grand accès à la crevette que nous, essentiellement à cause du fait qu'il revendique le stock que nous avons découvert. Cela fait maintenant partie de l'histoire.
Je ne veux pas donner de chiffres précis. Vos chercheurs auront probablement les bons chiffres. C'est plus que le pourcentage auquel nous avons droit.
Le président: Nous allons obtenir ces chiffres plus tard.
Le sénateur Cook: Tout au long de votre exposé, vous avez parlé de rendre les règles du jeu équitables. Vous avez dit qu'à une certaine époque, vous avez profité de règles du jeu équitables dans l'industrie de la pêche. Dois-je comprendre que les règles vous défavorisent maintenant? Si tel est le cas, pouvez-vous nous dire en quoi?
M. Greig: En 1986, les règles du jeu étaient équitables du fait que nous avions un accès égal aux ressources de crevette — comme les autres titulaires de permis de pêche hauturière à la crevette nordique. Avant cela, nous n'avions pas le même accès. C'était une très bonne décision du gouvernement à cette époque, non seulement pour nous, mais également pour les autres intervenants.
Je parlais de règles du jeu équitables dans l'optique du degré d'accès différent à la ressource dont dispose le Nunavik par rapport au Nunavut. Encore une fois, je ne peux parler pour le Labrador, mais je sais qu'il a encore moins accès au flétan noir que nous. Ces gens vont se présenter à la table avec la même revendication, j'en suis sûr.
Le sénateur Cook: S'agissait-il d'une décision du MPO?
M. Greig: Je suppose que c'était une décision du MPO, parce que nous n'étions certainement pas d'accord. Je pense que cela faisait partie du processus des revendications territoriales, processus qui a permis un plus grand accès au Nunavut. Je ne peux pas contester cela et je ne parle pas au nom de nos négociateurs qui font valoir nos revendications en matière de pêche hauturière. Je vis dans le domaine de la réalité et non dans celui des hypothèses.
Le sénateur Watt: J'ai deux questions. Il y a quelques semaines, des représentants de Nunavut Tunngavik Inc. ont fait un exposé dans lequel ils ont fait état de ce qu'ils voulaient: ils veulent 90 p. 100.
Pourquoi ne pourriez-vous pas en arriver à une entente avec le Nunavut? Il n'a pas 90 p. 100 à l'heure actuelle, mais c'est la proportion du contingent que ces gens exigent. Si les contingents utilisés par les autres entreprises — autres que Nunavik — sont élevés, pourquoi ne négociez-vous pas une entente avec Nunavut Tunngavik, même si vous devez payer des redevances, outre la formule de partage des recettes. Est-ce faisable?
M. Greig: Si j'avais 90 p. 100 de la ressource, pourquoi voudrais-je la partager avec quiconque d'autre?
Le sénateur Watt: Ils n'ont pas d'infrastructure et n'ont pas de vote.
M. Greig: S'ils ont 90 p. 100 de la ressource, ils peuvent se permettre de faire d'autres choses.
Le sénateur Watt: Ne voulez-vous pas courir la chance?
M. Greig: Ce n'est pas une question de vouloir ou de ne pas vouloir courir la chance. Si le Nunavut ou n'importe quelle autre région a accès à 90 p. 100 de la ressource, pourquoi vouloir partager avec quelqu'un d'autre? Je comprends cela. Pourrions-nous partager ce 90 p. 100 avec eux? Nous serions certainement prêts à en discuter. Cependant, l'histoire récente nous montre que c'est quelque chose qui n'arrivera pas.
M. Allard: Si nous ne pouvions obtenir notre propre accès, ce serait notre plan B. Le premier choix serait d'obtenir notre propre accès pour créer nos propres plans de récolte et, peut-être, investir dans un bateau qui pourrait servir à la fois à la pêche à la crevette et à la pêche au flétan noir. Une des choses importantes qui émerge ici, c'est le partage des ressources. Pour ce qui est de l'industrie de la crevette, il est important de dire qu'elle fait probablement exception par rapport aux autres types de pêche, parce qu'à l'heure actuelle, il y a un bon partage de la ressource dans cette industrie.
Le danger lorsqu'on réclame 90 p. 100 d'une ressource pour Makivik ou Qikiqtaaluk, et pour le Nunavut et le Nunavik, c'est que vous avez besoin d'un accès à la ressource dans le sud pour vous doter d'une activité qui fonctionne à l'année longue. Si vous avez 90 p. 100 de la ressource dans le nord seulement, alors, vous faites de l'argent pendant cinq mois et en perdez pendant les sept autres. Vous devez avoir un accès dans le sud. Nous avons partagé. Terre- Neuve pêche dans le nord tout comme nous pêchons dans le sud. Il y a sept zones de pêche et chaque titulaire de permis a le même degré d'accès. Il y a eu quelques entorses à ce principe, mais fondamentalement, le contingent est divisé en 17 parties. Terre-Neuve pêche dans le nord de la même manière que nous, nous pêchons dans le sud.
Le sénateur Watt: Je comprends que vous avez une entente avec Clearwater.
M. Allard: Oui.
Le sénateur Watt: Le Nunavut aurait également une entente avec Clearwater. Quelle est la différence entre les deux ententes?
M. Allard: Nunavik et Nunavut forment une coentreprise appelée Unaaq Fisheries, qui fonctionne avec Clearwater dans un partenariat à 50 p. 100.
Le sénateur Watt: Une coentreprise existe toujours.
M. Allard: Oui.
Le sénateur Watt: Existe-t-elle encore aujourd'hui?
M. Allard: Unaaq Fisheries existe toujours. Makivik possède son propre permis de pêche à la crevette et les deux font affaire avec la même entreprise. Par conséquent, nous partageons un partenaire, mais il ne s'agit pas d'une entente tripartite. Makivik a une entente avec Farocan; la Société Qikiqtaaluk a également une entente. Nous avons des bateaux et des permis distincts, mais une même entreprise de gestion.
M. Greig: Est-ce que les ententes étaient identiques en termes de gains financiers et de création d'emplois? Je peux répondre pour les deux côtés de la table et dire que oui, elles étaient égales.
Le sénateur Watt: Soixante-dix pour cent de l'équipage à bord des navires est constitué d'Inuits provenant de Nunavik. Est-ce que la même chose s'applique dans le cas du Nunavut? Est-ce que 70 p. 100 des pêcheurs sur ces navires sont des Inuits?
M. Greig: Je crois qu'à l'heure actuelle, le chiffre est inférieur à 70 p. 100.
Le sénateur Watt: Des témoins en provenance d'une des petites collectivités de l'île de Baffin — Clyde River, je crois — ont affirmé qu'il n'y avait qu'une poignée des leurs qui travaillaient sur les plus gros bateaux.
Vous avez dit que vous avez une fondation de recherche. Quel pourcentage des recettes dérivées de vos prises est consacré à la recherche sur une base annuelle?
M. Greig: Le pourcentage de notre contingent global n'est que de 5 p. 100.
Le sénateur Watt: Serait-ce une bonne idée que le comité fasse des recommandations au ministère des Pêches et des Océans pour qu'il fasse l'appoint, parce que vous contribuez à une fondation pour la recherche scientifique?
M. Greig: La position du Comité consultatif de la crevette nordique était telle que pour s'assurer que ces relevés se poursuivent d'une manière substantielle et d'une manière gérable, nous avons accepté que cette proportion de l'augmentation du contingent attribuée par le gouvernement du Canada soit mise de côté. Il s'agit d'une ressource publique. Essentiellement, le gouvernement ne peut pas nous donner l'argent liquide, mais il peut mettre à notre disposition une ressource publique qui nous permet de financer la recherche. S'agissait-il d'une bonne chose? Je pense que oui. Du point de vue fiscal, c'est une bonne chose, parce que ce sont les entreprises de pêche qui paient cet impôt et non le peuple canadien.
Le président: Messieurs, au nom du comité, je vous remercie de votre contribution ici ce soir.
La séance est levée.