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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 4 - Témoignages du 17 février 2003 - Réunion du matin


VANCOUVER, le lundi 17 février 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 9 h 04 pour examiner, en vue d'en faire rapport, les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis d'Amérique et entre le Canada et le Mexique.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, mesdames et messieurs, la séance est ouverte.

J'ai le privilège de présider le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Je vais vous présenter mes collègues dans un instant, même si vous en connaissez sûrement quelques-uns. Au nom du comité, je voudrais vous souhaiter la bienvenue et vous dire à quel point nous sommes heureux d'être ici à Vancouver et d'avoir l'occasion d'entendre vos vues sur certains des défis que nous avons à relever aujourd'hui dans le secteur du commerce international. Nous avons pour mandat d'examiner, en vue d'en faire rapport, l'Accord de libre-échange Canada- États-Unis de 1988, l'Accord de libre-échange nord-américain de 1992, les garanties d'accès aux marchés américain et mexicain pour les biens et services canadiens, et la mise en place de mécanismes efficaces de règlement des différends. Nous devons présenter notre rapport final au plus tard en décembre.

Permettez-moi de vous dire, pour commencer, que nous nous trouvons actuellement dans une situation très difficile en ce qui concerne nos relations commerciales avec les Américains. Aucun secteur n'a été plus touché que celui du bois d'oeuvre. Vous connaissez mieux que quiconque les effets dévastateurs que l'imposition de lourds droits d'exportation a eus sur vos produits: pertes de contrats, fermetures d'usines, mises à pied de travailleurs spécialisés. Et les producteurs céréaliers de l'Ouest savent bien que leur secteur est la prochaine industrie canadienne dans la mire des Américains.

Dans le cours normal des choses, nous faisons le tour du marché. Qu'on soit un consommateur, une industrie ou une entreprise, on cherche à en avoir le plus possible pour son argent. C'est ce qui se passe quand le marché est parfaitement concurrentiel. Si vous n'aimez pas le prix qu'on vous propose, vous allez voir ailleurs. Mais le Canada ne peut pas aller voir ailleurs parce qu'il n'a qu'un seul acheteur — les États-Unis — et que cet acheteur nous tient en otage. Nos échanges commerciaux internationaux se font à 80 p. 100 vers le sud. Et notre produit intérieur brut dépend des États-Unis dans une proportion de 32 à 35 p. 100.

La Colombie-Britannique est une des provinces les moins dépendantes du commerce avec les États-Unis, mais c'est quand même là que s'en vont 70 p. 100 de vos produits d'exportation, dont plus de la moitié se compose de bois d'oeuvre résineux. Permettez-moi de vous rappeler les queues qui s'étiraient aux postes frontière, au sud de Vancouver, dans les jours qui ont suivi le 11 septembre, et les conséquences de cette situation sur les entreprises de la province qui dépendent du marché américain.

Ne vous y trompez pas: les États-Unis sont sur le pied de guerre. Ils se préoccupent beaucoup des questions de sécurité, en particulier à la frontière. S'il y a de nouvelles mesures de sécurité qui ralentissent le flot de la circulation, ne serait-ce que de quelques secondes, les conséquences seront dévastatrices non seulement pour la Colombie-Britannique, mais pour l'ensemble du Canada. Et je suis absolument convaincu de ne pas exagérer. Nous sommes dans une situation périlleuse.

Nous sommes venus écouter. Nous voulons connaître vos opinions, non seulement sur le commerce avec les États- Unis, mais aussi sur la nécessité d'envisager de nouer de nouveaux rapports commerciaux et de trouver de nouveaux débouchés de façon à ne plus dépendre à peu près exclusivement d'une relation avec des gens qui ne tiennent absolument pas compte de nos intérêts.

J'aimerais maintenant vous présenter nos témoins: M. Bob Flitton, de Doman Industries; M. David Larsen, de Weyerhaeuser, en remplacement de M. Paul Perkins; et le président du British Columbia Lumber Trade Council, M. John Allan.

M. Bob Flitton, directeur, Biens immobiliers et relations gouvernementales, Doman Industries Limited: Monsieur le président, nous sommes heureux de constater que votre comité s'intéresse à ce dossier, et d'être ici avec des gens comme le sénateur Carney, que je considère comme une spécialiste de la question et qui connaît nos frustrations aussi bien que nous tous, et comme le sénateur Jack Austin, qui s'occupe de ce dossier depuis des années et qui est également au courant des frustrations de notre industrie.

Je vais vous présenter le point de vue de Doman Industries. Nous avions préparé un discours au nom de l'entreprise, mais plutôt que de vous le lire en entier, je vais me contenter d'en faire ressortir certains paragraphes. Je voudrais également vous dire que j'ai vraiment l'impression de représenter ici les intérêts de l'île de Vancouver, des travailleurs de l'IWA sur l'île de Vancouver et des communautés côtières. Je connais très bien leur point de vue et je vous saurais gré de replacer mon exposé dans ce contexte.

Je répète qu'il s'agit du point de vue de Doman. Bien qu'il ne soit peut-être pas à 100 p. 100 exact en ce qui concerne les faits, il est à 100 p. 100 exact en ce qui concerne notre perception des faits.

Doman emploie environ 4 000 personnes. De 30 à 40 p. 100 de ses travailleurs ont été au chômage pendant la majeure partie des deux dernières années à cause du différend relatif au bois d'oeuvre résineux. Les communautés côtières ont été ravagées, et un grand nombre de familles qui tiraient leur revenu de l'industrie forestière ont connu de graves épreuves. Je peux vous dire qu'il a été très pénible de voir ce qui est arrivé à certaines de ces familles. Il y a eu des divorces, des faillites et une foule d'autres problèmes. C'est indescriptible.

Doman est un producteur d'espères côtières de grande valeur, dont le cèdre rouge de l'Ouest, le pin de la côte Nord et le sapin de Douglas, et nous ne nous sentons pas visés par les auteurs de la requête américaine.

J'ai distribué ce matin un graphique d'une page. La colonne 4 de ce graphique représente la production de l'île de Vancouver, et la colonne 5, la portion de cette production qui vient de Doman; cela correspond à nos exportations vers les États-Unis, et c'est absolument insignifiant par rapport à l'ensemble. Parce que nous avons des produits de grande valeur, nous ne faisons pas concurrence à l'industrie américaine. Nos exportations aux États-Unis représentent moins de 1 p. 100 de la consommation annuelle là-bas.

Comme nous avons des produits de grande valeur, nous payons des droits d'environ 27 p. 100. Doman a été une entreprises les plus durement touchées au Canada de ce point de vue-là. C'est un problème américain. Les États-Unis n'ont pas assez de bois pour alimenter leur propre marché du bois d'oeuvre résineux. La consommation annuelle à cet égard est d'environ 56 milliards de pieds-planche, alors que la production intérieure est de 35 milliards. Par conséquent, les Américains n'ont suffisamment de bois que pour produire les deux tiers de ce dont ils ont besoin. Le Canada comble la majeure partie du déficit, avec 18 milliards de pieds-planche. et les producteurs côtiers de la Colombie-Britannique fournissent environ 2 p. 100 de cette consommation annuelle. D'autres pays fournissent le reste et profitent actuellement du conflit pour accroître leur part du marché américain.

Des fonctionnaires américains ont confirmé, lors de rencontres qui se sont tenues plus tôt cette année, que les lois commerciales américaines avaient été instaurées pour protéger les entreprises américaines et ils ont reconnu qu'elles n'étaient pas toujours équitables.

La preuve en est que, si le bois d'oeuvre canadien se vend à un prix trop bas, cela ne se reflète pas dans la rentabilité de l'industrie. Le rendement des capitaux dans l'industrie forestière, ces dernières années, a été maigre et souvent même négatif. Les entreprises canadiennes ne font pas meilleure figure que leurs homologues américaines sur les marchés boursiers.

En ce qui a trait au préjudice potentiel, les Américains ont décrété que l'industrie canadienne risquait de leur causer du tort. Ils n'ont cependant constaté aucun méfait, et je tiens à le souligner. Jusqu'ici, Doman n'a jamais vu aucune preuve selon laquelle elle aurait causé un préjudice réel à l'industrie américaine.

Un groupe spécial de l'ALENA entendra bientôt les arguments du Canada selon lesquels les États-Unis ont erronément déclaré que le cèdre rouge de l'Ouest était un produit semblable à des produits américains et à d'autres produits canadiens de bois résineux, et qu'il ne devrait par conséquent pas être exclu du différend entre le Canada et les États-Unis au sujet du bois d'oeuvre résineux. Doman témoignera du fait que le cèdre rouge de l'Ouest est différent des produits américains et des autres produits canadiens et qu'il ne leur fait par conséquent par concurrence, ce qui fait qu'il devrait être exclu.

J'ajoute qu'il y a un représentant de Weyerhaeuser assis à ma droite et que c'est à Weyerhaeuser que revient une bonne partie du mérite d'avoir orchestré notre lutte contre les États-Unis au cours des deux ou trois dernières années.

Dans une affaire en instance engagée en vertu du chapitre 11, Doman soutient que la loi américaine appelée communément «amendement Byrd», selon laquelle les droits compensateurs et les droits antidumping perçus sur les importations de bois d'œuvre résineux en provenance du Canada sont remis à nos concurrents américains, constitue une violation de l'ALENA. Plus précisément, Doman affirme que l'amendement Byrd assure un avantage concurrentiel inacceptable aux producteurs américains. L'OMC a rendu publique récemment une décision dans laquelle elle confirme que l'amendement Byrd est illégal.

En 1996, le Canada et les États-Unis ont négocié un nouvel accord sur le bois d'œuvre résineux, et je pense que John Allan va vous en faire un historique un peu plus détaillé dans quelques minutes. Quoi qu'il en soit, l'accord de 1996 a entraîné l'imposition de contingents; nous sommes d'avis que les contingents applicables à l'île de Vancouver étaient injustes, et nous avons contesté la gestion de ce processus, Et, surtout, l'accord de 1996 devait durer cinq ans et expirer en 2001.

Ce qu'il faut souligner, c'est que nous savions donc cinq ans à l'avance que l'accord allait prendre fin. Et pourtant, quand il est arrivé à expiration, nous n'avions aucune stratégie en place pour en assurer le remplacement.

Dès l'expiration de cet accord, le SLA, la coalition américaine a, comme on s'y attendait, déposé contre le Canada une nouvelle requête qui a eu des conséquences désastreuses.

Le président et chef de la direction de Doman, Rick Doman, s'est rendu à Ottawa pour présenter au ministre du Commerce international, Pierre Pettigrew, une proposition prévoyant une taxe provisoire qui serait perçue à la frontière selon une échelle mobile. Il n'a pas reçu de réponse officielle à sa proposition.

À l'automne 2001, Doman a déposé au département du Commerce des États-Unis une requête dans laquelle elle avançait un certain nombre d'arguments juridiques, notamment que l'utilisation des prix américains comme repère pour déterminer si les taux des droits de coupe pratiqués au Canada équivalaient à des subventions, ce qu'on appelle une «référence transfrontalière», allait directement à l'encontre du libellé très clair de la loi sur les droits compensateurs établie en vertu du chapitre 19 de l'ALENA et de l'Accord sur les SCM, qui définit les subventions. La loi et l'Accord sur les SCM établissent explicitement que, pour déterminer si un bien ou un service a été vendu à un prix adéquat, le département du Commerce peut seulement tenir compte des conditions du marché dans le pays faisant l'objet de l'enquête.

Toujours à l'automne 2001, la nomination de l'ancien gouverneur du Montana, Marc Racicot, à titre d'envoyé spécial chargé du dossier du bois d'œuvre résineux a démontré la volonté des États-Unis de parvenir à un nouvel accord. Le gouverneur Racicot, républicain haut placé qui devait devenir président du Comité républicain national, avait été nommé directement par le président Bush afin de chercher à résoudre le différend.

Doman a rencontré M. Racicot immédiatement après sa nomination. Pendant cette rencontre à Washington, elle lui a présenté un exposé de 50 pages résumé dans sa recommandation d'imposer à la frontière une taxe provisoire de 15 p. 100 sur tous les envois de bois d'œuvre aux États-Unis d'un prix égal ou inférieur à 250 $ par millier de pieds-planche, FOB scierie, et calculée ponctuellement pour chaque envoi.

M. Racicot s'est montré réceptif à cette idée, mais il a informé Doman que, pour apporter son concours au processus, il aurait besoin que le gouvernement du Canada soumette une proposition à l'examen des États-Unis. À son retour au Canada, Doman a transmis copie de l'exposé et de la réponse de M. Racicot au ministre Pettigrew. Nous n'avons pas eu connaissance qu'une proposition canadienne écrite ait été soumise aux États-Unis.

Doman a par ailleurs rappelé au Canada, en mars 2001, lors d'une réunion tenue à Ottawa, la date limite du 21 mars 2002 à laquelle, selon la loi américaine, les États-Unis devraient avoir reçu une proposition du Canada, sans quoi le gouvernement américain serait incapable de régler le différend sans le consentement explicite de la coalition américaine.

Comme le Canada n'avait pas fait d'offre à cette date importante, la coalition a obtenu une influence indue dans le processus de négociation. Elle a adopté — et maintient toujours — une position intransigeante et inflexible qui a rendu un règlement impossible. Lors d'une réunion subséquente avec Doman, les gens du département du Commerce se sont dits déçus que le Canada n'ait pas fait d'offre, car il allait leur être difficile de régler l'affaire.

Il semble qu'une offre a peut-être été faite, mais qu'elle n'était pas réaliste. John en sait plus long que moi sur la question, mais avant ce matin, je n'avais jamais entendu dire qu'il y avait eu une offre.

Il était notoire que les États-Unis ne s'engageraient pas dans un processus visant à résoudre la question du bois d'œuvre résineux après le début de 2002, afin de ne pas compromettre les résultats des élections au Congrès en novembre 2002. De mars 2002 à novembre 2002, les négociations ont donc été au point mort.

À la suite des élections au Congrès, en novembre 2002, les États-Unis se sont concentrés de nouveau sur le dossier du bois d'œuvre résineux et ont signalé leur volonté de poursuivre leurs efforts de règlement. De nouveaux entretiens ont suivi, principalement entre le département du Commerce et la Colombie-Britannique.

La Colombie-Britannique a été la province la plus touchée par les droits compensateurs et les droits antidumping et a donc été — ce qui est tout à son honneur — la plus active et la plus désireuse de faire avancer le dossier. Lors d'une rencontre entre Doman et les gens du département du Commerce, en janvier 2003, ceux-ci ont reconnu que les efforts de la Colombie-Britannique étaient essentiels pour accomplir des progrès. Et c'est en bonne partie, évidemment, grâce à mon collègue John, assis à ma gauche.

Le Canada aurait pu accroître considérablement sa force dans le processus de négociation grâce à une meilleure liaison avec les groupes de consommateurs américains. Le Canada et ses provinces clés, dont la Colombie-Britannique, feraient bien, à l'avenir, d'établir de meilleurs rapports avec la National Association of Home Builders, la National Association of Realtors et des détaillants importants comme Home Depot.

Le 5 février 2003, le département du Commerce a publié une ébauche de bulletin de 20 pages qui devrait former la base d'un règlement à court terme.

Cette affirmation est cependant plus optimiste que ne le justifie la situation, à mon avis. Nous espérons qu'il y aura un règlement, mais nous en sommes encore loin.

On prévoit que ce règlement sera fondé sur une taxe provisoire à la frontière semblable à celle que Rick Doman avait proposée, et que Weyerhaeuser a proposée elle aussi depuis, et qu'il sera suivi par des modifications des politiques forestières provinciales. Le Canada et les États-Unis ont pour objectif d'en arriver à un règlement permanent et de s'assurer que le résultat final, que les médias ont décrit comme une «rampe de sortie», sera compris dès le début.

Les États-Unis suggèrent que les provinces éliminent toutes les contraintes actuelles qui empêchent les compagnies de s'adapter à l'évolution des conditions du marché. Ils suggèrent en outre que les provinces étendent leur système d'enchères de bois d'œuvre debout ou de billes suffisamment pour établir des prix marchands qui pourraient servir à fixer les droits de coupe visant le bois d'œuvre situé sur des terres publiques. Pour aider à résoudre le différend, Doman et Weyerhaeuser ont offert de mettre jusqu'à 25 p. 100 de leurs billes à la disposition du plus haut enchérisseur à des fins de consommation intérieure.

Certains détails d'un éventuel règlement restent problématiques. Il n'y a pas d'entente sur le niveau ou la structure d'une taxe à l'exportation, sur le sort du milliard de dollars de droits déjà perçus au Canada par les États-Unis, sur les réformes exactes que les provinces doivent apporter à leur politique forestière, sur les conséquences des initiatives antidumping, ni sur la question de savoir si les actions intentées dans le cadre de l'ALENA et auprès de l'OMC devraient être abandonnées comme condition préalable au règlement.

Selon le droit commercial découlant de l'ALENA, le Canada ou une province peuvent présenter une demande d'examen motivée par un changement de situation. Le département du Commerce entreprend alors l'examen conformément aux règlements et doit en publier le résultat final dans un délai de 270 jours. S'il est convaincu du bien- fondé juridique de cette mesure, il révoquera l'actuel décret relatif aux droits compensateurs à l'égard du Canada ou de la province.

C'est en raison de ce délai de 270 jours imparti pour achever le processus après une demande d'une province que Doman estime qu'une taxe provisoire à la frontière canadienne est d'importance capitale.

En résumé, le Canada n'a pas élaboré de position consensuelle, ce qui a finalement joué en faveur de la coalition américaine.

Le Canada n'avait apparemment aucun plan politique complet pour persuader l'Administration et le Congrès des États-Unis du bien-fondé de sa position. Il avait des atouts dans son jeu, mais ne semble pas s'en être servi. Ainsi, il aurait pu lier la question du bois d'œuvre à l'expédition d'autres ressources naturelles aux États-Unis ou fixer des conditions à son appui à la politique étrangère américaine.

En 2001 et 2002, nous avons raté l'occasion de sensibiliser non seulement les politiciens engagés dans le processus, mais encore tous les décideurs du Congrès américain. En 2002, un sondage auprès d'un certain nombre de sénateurs américains à propos de leur connaissance de la position canadienne a révélé qu'ils l'ignoraient complètement. Le Canada aurait peut-être été plus avantagé si le processus des négociations relatives au bois d'œuvre résineux avait été plus transparent.

Pour terminer, le message que Doman veut laisser aujourd'hui au Comité des affaires étrangères, c'est qu'il faut intensifier nos rapports commerciaux avec les États-Unis et le Mexique. Une vérification, par un vérificateur professionnel indépendant, des négociations menées de 2001 à 2003 sur le bois d'œuvre résineux serait peut-être utile pour déterminer comment le Canada pourrait mieux se préparer et élaborer une meilleure stratégie pour ses négociations commerciales futures, ou s'il aurait intérêt à accroître sa représentation commerciale aux États-Unis.

Frank Dottori, du Conseil du libre-échange pour le bois d'œuvre, est venu vous parler il y a environ une semaine, il me semble. Il proposait de porter ce litige devant l'OMC ou devant les instances de l'ALENA plutôt que de négocier. Encore là, cela montre les divergences d'opinions entre les différentes industries du pays. Mais le problème, avec la proposition de M. Dottori, c'est que même si nous menons la bataille sur le front juridique et que nous gagnons, il n'y a absolument rien qui empêchera l'industrie américaine de déposer une autre requête dès le lendemain. C'est pourquoi nous devons essayer d'obtenir un règlement négocié. C'est ce qui serait le mieux pour les deux pays. M. Dottori a également mentionné que l'industrie avait demandé au gouvernement canadien de l'aider à payer les droits, ce qui aurait donné un peu plus de poids à l'industrie dans cette bataille, et je suis parfaitement d'accord avec lui sur ce point.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Flitton. Nous aurons naturellement des questions à vous poser à la fin des présentations.

M. David A. Larsen, vice-président, Affaires gouvernementales et publiques, Weyerhaeuser: Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, bonjour.

Le sénateur Carney: Excusez-moi, monsieur Larsen, pouvez-vous nous dire quelles sont vos fonctions chez Weyerhaeuser?

M. Larsen: Je suis vice-président aux Affaires gouvernementales et aux affaires publiques pour les opérations de Weyerhaeuser au Canada. Je vous présente les excuses de Paul Perkins, qui a été retenu dans l'Est. Il voulait rentrer à Washington hier, mais je pense qu'il en a été empêché à cause de la neige.

Je vais vous parler surtout d'une proposition de Weyerhaeuser visant à régler le conflit qui oppose actuellement les États-Unis et le Canada dans le dossier du bois d'œuvre. C'est une proposition que nous avons présentée pour la première fois en novembre 2002.

Puisque notre entreprise est établie des deux côtés de la frontière, nous étions inquiets de constater qu'on était en train d'ériger un mur entre les États-Unis et le Canada, un mur fait de deux par quatre, de deux par six et de deux par huit. Pourquoi le point de vue de Weyerhaeuser est-il si important? Parce que nous avons la capacité — ce qui est rare — de voir ce conflit sous les deux angles, des deux côtés de la frontière. Nous sommes le plus grand fabricant de bois d'œuvre au monde; nos intérêts dans ce dossier sont donc évidents, et nous avons des usines de fabrication de produits de bois des deux côtés de la frontière. Nous avons 18 usines au Canada et 27 aux États-Unis. Nous sommes établis au Canada depuis 37 ans, sur nos 102 ans d'existence, ce qui représente plus d'un tiers de siècle. Nous employons actuellement 10 600 Canadiens, et notre effectif total est de 58 000 personnes.

Comme vous le savez, les produits de bois canadiens importés par les États-Unis ont été pendant cinq ans, jusqu'au 31 mars 2001, régis par un système de contingentement en vertu de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux. Quand cet accord a pris fin, une coalition de producteurs et de fabricants américains de bois d'œuvre a déposé des plaintes en vertu des lois américaines sur les droits compensateurs et les droits antidumping, en alléguant des pratiques commerciales déloyales et en réclamant l'imposition de droits sur les importations canadiennes de bois d'œuvre. Le sénateur Carney se rappelle certainement les cas similaires qui remontent à 16 ou 18 ans. Le résultat, c'est que depuis le 22 mai 2002, les produits de bois canadiens sont assujettis à des droits compensatoires et à des droits antidumping qui s'élèvent au total à 27 p. 100.

La coalition de producteurs américains de bois d'œuvre qui avait réclamé l'imposition de ces droits espérait ainsi ralentir les importations de produits de bois d'œuvre résineux du Canada et faire augmenter les prix de ces produits aux États-Unis. Mais ces droits n'ont eu ni l'un ni l'autre de ces résultats et ont entraîné plutôt de nombreuses conséquences négatives imprévues, par exemple une baisse et une instabilité des prix; des mises à pied et des fermetures d'usines causées par la distorsion des conditions du marché des deux côtés de la frontière; une augmentation marquée des importations de produits de bois européens aux États-Unis au début de 2002, à cause de la volatilité des prix; de l'incertitude chez les consommateurs et les investisseurs; et des relations tendues entre les États-Unis et le Canada.

Il est clair que les droits antidumping ne fonctionnent pas. En fait, cette initiative s'est retournée contre leurs auteurs puisque les entreprises canadiennes ont augmenté leur production pour abaisser leur coût unitaire ou leur coût moyen. Les droits antidumping ont aggravé la situation d'offre excédentaire en Amérique du Nord et ont fait baisser les prix à un moment où la demande du marché est presque sans précédent.

En outre, parce que ces droits n'ont pas permis de s'attaquer à la cause première du conflit, à savoir l'application de méthodes de mesure différentes pour l'estimation de la valeur du bois aux États-Unis et au Canada, ils n'offrent ni une solution à long terme, ni un équilibre rationnel de l'offre et de la demande en fonction des producteurs les plus efficaces.

La plupart des membres de notre industrie s'entendent pour dire que les droits n'ont pas du tout amélioré la situation. Depuis l'expiration de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux, Weyerhaeuser a tenté de se poser en intermédiaire impartial pour en arriver à une solution avec toutes les parties en cause. Nous sommes intervenus en novembre dernier tout simplement parce que nous ne pouvons pas laisser les choses telles qu'elles sont. Les entreprises et leurs employés, des deux côtés de la frontière, en souffrent énormément. Les clients, en gros et au détail, sont craintifs, et les relations entre le Canada et les États-Unis continuent de se détériorer. Avec l'imposition des droits et l'augmentation des pertes, le temps est l'ennemi du progrès dans ce dossier.

Avant de vous présenter notre proposition, je pense qu'il est important de replacer toute cette question dans son contexte général. Les produits de bois canadiens jouent un rôle important dans l'économie américaine depuis des décennies. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles Weyerhaeuser a commencé à investir au Canada au milieu des années 60. En fait, si l'industrie canadienne du bois d'œuvre résineux a atteint sa taille actuelle, c'est surtout parce qu'elle devait répondre à la demande américaine. Les producteurs américains ne suffisent pas à la demande. Le tiers environ des produits de bois utilisés actuellement aux États-Unis proviennent du Canada. Autrement dit, les Américains dépendent et profitent depuis des années du bois que leur fournissent leurs voisins canadiens.

À mesure que le Canada comblait une proportion de plus en plus grande des besoins américains en bois, certains producteurs américains de bois d'œuvre ont commencé à se sentir menacés par cette concurrence. Comme je l'ai déjà dit, certains d'entre eux ont soutenu que les méthodes d'inventaire forestier appliquées au Canada assurait aux produits de bois canadiens un avantage indu. Ces producteurs, dont beaucoup font partie de la U.S. Coalition for Fair Softwood Lumber Imports dont nous avons déjà parlé, ont commencé dès 1982 à essayer de faire imposer des droits compensateurs sur les importations de bois d'œuvre résineux.

Notre proposition reconnaît que les arguments de la coalition sont justifiés dans une certaine mesure. Le fonctionnement actuel du système canadien d'établissement du prix des billes a tendance à désavantager les usines américaines quand les prix sont bas. Pour toutes les raisons que nous avons déjà énumérées, et parce que les négociations entre nos gouvernements n'ont rien donné jusqu'ici — même si elles ont maintenant repris —, Weyerhaeuser souhaite présenter une proposition qui offrirait à notre avis un bon point de départ pour résoudre le problème.

Notre proposition doit être considérée comme un processus qui permettrait de reprendre les négociations et comme une solution potentielle permanente, quoiqu'elle ne soit peut-être parfaite dans tous ses détails. Permettez-moi de vous la résumer rapidement. Elle comporte deux étapes.

Premièrement, il faudrait suspendre toutes les instances judiciaires des deux côtés de la frontière, y compris la perception de dépôts en garantie des droits compensateurs et des droits antidumping imposés par les États-Unis sur le bois d'œuvre canadien, et les appels interjetés par le Canada devant l'OMC et sous le régime de l'ALENA. Si les négociations ne permettent pas d'en arriver à une solution, ces instances pourront être remises en branle. En même temps, il faudrait appliquer à la frontière canadienne une taxe à échelle mobile qui resterait en vigueur jusqu'à ce que les parties en arrivent à un règlement durable.

Comme le conflit porte sur le bois de charpente, nous proposons également, pour faire écho aux propos de M. Flitton, que les produits de cèdre rouge de l'Ouest soient exemptés de cette taxe, tout comme les autres produits de valeur supérieure à 800 $ les 1 000 pieds-planche.

Deuxièmement, à plus long terme, il faudrait négocier des changements dans les pratiques canadiennes d'établissement du prix des billes afin de rapprocher ces pratiques de celles des États-Unis.

À cet égard, nous appuyons la proposition du département du Commerce américain, qui suggère de laisser chacune des provinces canadiennes établir son propre plan d'action pour que le système soit plus sensible aux forces du marché.

Nous reconnaissons par ailleurs que toute solution doit permettre une répartition équitable des fonds canadiens déjà placés en dépôt pour garantir les droits exigés, et dont la valeur était estimée à environ 750 millions de dollars à la fin de 2002.

Nous ne prétendons pas détenir toutes les réponses, mais nous offrons un point de départ. Nous avons présenté notre proposition à tous les gouvernements en cause et à tous les intéressés, dans les industries des deux côtés de la frontière. Nous ne tenons pas mordicus à notre proposition, mais nous tenons à une solution permanente.

Les deux parties doivent travailler ensemble pour trouver une solution durable à ce différend. Comme ce sont les principaux partenaires commerciaux en Amérique du Nord, et comme ils sont alliés depuis longtemps, les États-Unis et le Canada doivent régler le problème, et vite.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions plus tard.

M. John Allan, président, British Columbia Lumber Trade Council: Bonjour à tous. Je suis très heureux de comparaître devant vous aujourd'hui. Comme l'a dit M. Flitton tout à l'heure, il s'agit d'une question extrêmement importante pour la Colombie-Britannique et le Canada.

Je suis président du B.C. Lumber Trade Council et, dans une vie antérieure, j'ai été sous-ministre provincial dans différents ministères, y compris — comme M. Flitton — celui des Forêts; nous apportons donc ici la perspective historique des deux côtés de la clôture, c'est-à-dire des secteurs public et privé.

Le B.C. Lumber Trade Council se compose d'un certain nombre d'entreprises de Colombie-Britannique qui assurent la majeure partie de la production de bois d'œuvre et des exportations de ce bois aux États-Unis. Notre groupe comprend notamment Canfor, Interfor, Lignum, Pope and Talbot, Riverside, Slocan, Tolko, Weyerhaeuser, Weldwood et West Fraser — ce sont de grosses compagnies, y compris le plus gros producteur canadien de bois d'œuvre, Canfor.

En 2001, nos membres ont dépensé environ 30 millions de dollars, surtout en frais juridiques, pour mener cette bataille. En 2002, nous avons déboursé environ 25 millions de dollars, et nous prévoyons qu'il faudra en débourser encore 25 millions en frais juridiques cette année — et ce chiffre concerne uniquement les dix compagnies que je viens d'énumérer — si nous poursuivons nos efforts jusqu'à la fin de l'année. Nous avons dépensé de l'argent à la fois pour les actions concernant les subventions et le dumping et pour les appels devant la Commission internationale du commerce au sujet du préjudice. Ces instances coûtent très cher et prennent énormément de temps; j'y reviendrai dans un instant.

Pour replacer la question dans son contexte, je sais que vous savez tous que l'industrie forestière demeure l'industrie dominante en Colombie-Britannique. Elle est toujours le principal employeur de la province, puisqu'elle emploie à peu près 14 p. 100 de la population active. Les trois paliers de gouvernement en tirent des revenus d'environ 4 milliards de dollars par année, et quelque 270 communautés dépendent de la forêt pour vivre. Nous avons connu certains succès avec l'industrie de haute technologie et l'industrie du cinéma dans la province, mais l'industrie forestière est encore, et de loin, l'industrie dominante, surtout dans l'arrière-pays, mais aussi à Vancouver et en particulier dans l'île de Vancouver.

Nous en sommes à la quatrième série d'instances depuis 1982. Depuis cette année-là, nous sommes passés — en incluant le conflit actuel — par quatre actions concernant le bois d'œuvre, un système de contingentement, dont M. Flitton vous a parlé, et une taxe à la frontière. Par conséquent, le commerce entre le Canada et les États-Unis a été administré, d'une manière ou d'une autre, pendant la majeure partie des 20 dernières années, même si ce conflit remonte bien plus loin, jusqu'aux siècles précédents. Comme vous le voyez, ma présentation a un certain caractère historique. Encore une fois, je vous encourage à vous pencher brièvement sur cet aspect de la question parce que cela vous donnera une bonne idée des raisons pour lesquelles nous en sommes rendus là aujourd'hui.

J'ai pensé vous donner aujourd'hui un aperçu de ce qui s'est passé ces dernières semaines et de ce que je prévois pour la semaine ou les deux semaines qui viennent. Je suis allé à Washington deux fois au cours des quatre dernières semaines et je devrais y retourner plus tard cette semaine pour les négociations. Cependant, comme M. Larsen l'a souligné tout à l'heure, nous sommes soumis à des droits de 18,8 p. 100 à peu près, pour ce qui est des droits compensateurs, et de 8,43 p. 100 dans le cas des droits antidumping, ce qui fait en moyenne 27 p. 100 au total. Les taux de dumping varient au Canada selon les entreprises.

Les taux de dumping sont établis après une enquête auprès de chaque entreprise. Quatre de mes membres représentent six compagnies qui ont fait l'objet d'une enquête du département du Commerce. Chacune de ces six compagnies fait l'objet d'un taux spécifique, qui va de 2,2 à 12,4 p. 100, malheureusement. dans le cas d'Abitibi. Les droits appliqués au Canada aujourd'hui vont d'environ 21 à 31 p. 100, mais la majorité des compagnies paient le taux moyen de 27 p. 100.

À une certaine époque, toutes les expéditions de bois d'œuvre devaient être placées sous douane; et maintenant, depuis le 22 mai dernier, les entreprises qui expédient du bois d'œuvre doivent faire un dépôt en espèces. Chaque bout de bois qui sort du Canada doit faire l'objet d'un dépôt en espèces en vue du paiement des droits. Il ne s'agit pas de paiements définitifs. Ce sont des dépôts en espèces à un taux, comme je l'ai dit, d'environ 26 ou 27 p. 100. Entre le 22 mai et la fin de décembre, les entreprises canadiennes de bois d'œuvre ont versé 600 millions de dollars américains en droits et en dépôts en espèces. Je prévois qu'après une année complète sous ce régime, nous aurons payé environ un milliard de dollars. C'est beaucoup d'argent qui sort du Canada. Il va au département des Douanes des États-Unis et, en vertu d'un amendement aux lois commerciales américaines que le sénateur Byrd a fait adopter en douce dans les derniers jours de l'administration Clinton, ces dépôts en espèces, quand il deviendront des paiements définitifs, ce qui ne sera pas le cas avant novembre dernier — je vais y revenir dans une minute —, ces dépôts, donc, s'ils sont confirmés, iront aux requérants américains, en l'occurrence l'industrie américaine du bois d'oeuvre.

Nous avons fait appel de l'amendement Byrd devant l'OMC, avec un certain succès. Cependant, rien ne nous garantit que le gouvernement américain va respecter une quelconque décision de cette organisation. En ce qui me concerne, pour le moment, la loi américaine dit que, si les États-Unis l'emportent dans tous ces appels et que les droits sont maintenus, tout l'argent que versent ces entreprises canadiennes va se retrouver entre les mains du lobby américain.

Comme je l'ai dit, les sommes versées actuellement ne sont que des dépôts en espèces. Elles ne deviendront des paiements définitifs qu'une fois que les Américains auront terminé ce qu'on appelle un examen administratif. Cet examen commencera un an après le mois de mai dernier — autrement dit ce printemps — et durera environ un an et demi. Par conséquent, les compagnies canadiennes de bois d'oeuvre ne savent pas, pour le moment, quels droits elles vont devoir payer en définitive pour la production et les expéditions de l'année dernière. Elles ne le sauront pas avant l'automne 2004. À ce moment-là, les droits pourraient augmenter ou diminuer. S'ils diminuent, elles auront droit à un remboursement, avec intérêt. Cela crée énormément d'incertitude.

Si vous me demandez pourquoi nous voulons négocier, pourquoi mes membres veulent poursuivre les négociations et obtenir un règlement à l'amiable, pourquoi Weyerhaeuser présente une proposition, pourquoi Doman présente une proposition, c'est parce que tous ces litiges, devant l'OMC, sous le régime de l'ALENA et dans le cadre des examens administratifs du département du Commerce, vont s'étirer d'après nos calculs au moins jusqu'à 2007, et peut-être 2008.

Si une compagnie veut se soustraire aux droits antidumping, elle a deux moyens de le faire. Elle peut l'emporter à l'ALENA, ce qui n'est pas impossible. Elle peut l'emporter à l'ALENA, probablement d'ici un an, ou alors elle peut se plier aux examens administratifs du département du Commerce et obtenir ce qu'on appelle un «taux de minimis», un taux presque nul, si elle passe avec succès trois examens de suite. Et cela va l'amener encore une fois jusqu'à 2007 ou 2008.

Je peux vous dire tout de suite, après avoir vu comment le département du Commerce calcule les taux pour les subventions et le dumping, que c'est impossible. Les Américains vont inventer des moyens de s'assurer que les compagnies gardent les mains liées. Je ne le dis pas pour être désagréable. Je ne veux pas insulter les gens du département du Commerce. Mais c'est ainsi que les choses se passent dans ce dossier. Les taux que nous avons vus jusqu'ici en ce qui concerne le dumping vont à coup sûr se traduire par des marges de dumping.

Pour ce qui est des subventions, les Américains ont fait des comparaisons de prix de part et d'autre de la frontière. Ils ont comparé les droits de coupe imposés dans chaque province à ce qui se passait dans les États contigus, de l'autre côté de la frontière, et ils en sont arrivés à un taux de subvention fabriqué de toutes pièces pour le Canada. Nous avons refait tous leurs calculs, au moins pour la Colombie-Britannique, et nous n'avons trouvé aucune subvention. Et l'OMC a décrété elle aussi que ces comparaisons de prix vont à l'encontre des obligations des États-Unis vis-à-vis de l'OMC, mais jusqu'ici, tout ce que cela veut dire, c'est que les Américains peuvent recalculer les taux de subvention en appliquant une méthodologie différente.

Il faut bien comprendre qu'il y a des montants énormes qui sortent du Canada et qu'il faudra des années pour résoudre ce différend par les voies judiciaires. Comme l'a dit M. Flitton, supposons que nous gagnions. Supposons que nous l'emportions à l'OMC et devant les instances de l'ALENA. Supposons que nous obtenions gain de cause dans tous les renvois qui opposent le Canada et le département du Commerce au sujet des taux. Alors, il y aura probablement un cinquième conflit du bois d'oeuvre parce que, toujours comme l'a dit M. Flitton, il n'y a rien qui empêche les Américains de recommencer.

Pourquoi voulons-nous des négociations? Eh bien, parce que l'option judiciaire prend du temps. Elle coûte cher. Elle est risquée. Elle n'offre aucune garantie, ni d'un côté ni de l'autre, et je pense que dans tous les litiges de ce genre, il faut toujours chercher si possible à régler hors cour.

Nous ne voulons pas une entente à n'importe quel prix. Cette entente doit être raisonnable, mais pour le moment, voici de quoi elle pourrait avoir l'air. Le département du Commerce est habilité légalement à émettre des bulletins de politique. Il a déjà rendu public un avant-projet de bulletin qui prescrit ce que j'appellerais les conditions de libre marché qui devraient sous-tendre la politique forestière du Canada et, si une province voulait modifier ses pratiques forestières pour se conformer à ce bulletin, elle serait assujettie à ce qu'on appelle un «examen motivé par un changement de situation», et le taux de subvention serait recalculé. Il est permis de croire que, si elle respectait les exigences prescrites par le bulletin, ce taux serait de zéro.

Il y a une très nette symétrie entre le contenu de ce bulletin et les changements que le gouvernement de la Colombie- Britannique compte apporter à sa politique forestière. Il aimerait passer à une politique fondée sur les forces du marché, ce qui est conforme au bulletin. D'autres provinces ont un peu plus de mal avec ce bulletin, mais il y a trois options. Le bois peut être vendu par enchères publiques, sur le marché privé comme cela se fait au Québec ou selon un prix de référence, ce qui est probablement la voie que l'Ontario préférerait.

Ce bulletin permettrait, si vous voulez, à chaque province du Canada de trouver une solution, même si ce ne sera pas facile. Notre problème, cependant, c'est que le processus que prévoit le bulletin de politique et qui peut mener à un examen motivé par un changement de situation n'offre pas de solution dans le cas du dumping.

Comme l'a souligné M. Larsen, le dumping a eu des conséquences énormes et inattendues au Canada. Il y a des allégations de dumping quand un producteur vend à un prix inférieur à ses coûts; or, pour abaisser vos coûts, si vous êtes un producteur canadien de bois d'oeuvre, vous ajoutez des quarts de travail, vous accélérez la production, vous faites baisser votre coût unitaire. Mais vous produisez du même coup plus de bois, qui se retrouve sur le marché, ce qui fait baisser les prix. Bien franchement, c'est un peu la course vers le bas. Il faut toujours surveiller les marges de prix par rapport aux marges de coûts. C'est en quelque sorte un jeu à somme nulle quand il y a du dumping à la suite d'une hausse de la production au Canada, ce qui fait que les exportations en provenance du Canada n'ont diminué que d'environ 4 p. 100 par rapport au moment où les droits ont été appliqués. Je suis certain que les Américains croyaient qu'elles connaîtraient une baisse de 15 à 20 p. 100.

Grâce à cette baisse tout à fait négligeable de leurs exportations, les usines canadiennes ont réussi, dans l'ensemble, à survivre à ce conflit. Il y a eu un certain nombre de fermetures en Colombie-Britannique, et les exportations ont diminué considérablement au Québec. Il y a eu des ralentissements au Québec, mais où y en a-t-il eu ailleurs? Aux États-Unis. L'action en dumping a causé du tort des deux côtés de la frontière, à mon avis, et c'est pourquoi les Américains sont plus intéressés à en arriver à une solution négociée.

Nous devons nous débarrasser de cette action en dumping, et c'est un des éléments de la proposition du gouvernement de la Colombie-Britannique. Je l'explique dans mes diapositives, mais si nous pouvions nous débarrasser de cette action, je dirais que la production reprendrait des tendances «plus normales» des deux côtés de la frontière et que le marché se stabiliserait parce que nous pourrions négocier des changements dans notre politique forestière, en ce qui concerne l'établissement des prix du bois d'oeuvre, par la voie de bulletins de politique, Si nous pouvions négocier avec les Américains pour qu'ils retirent leur action en dumping, et que nous pouvions ensuite mettre en oeuvre, du moins à court terme, une taxe à la frontière au lieu du taux de subvention, nous aurions probablement en main tous les éléments nécessaires à une solution provisoire, et même à une solution à long terme fondée sur des changements de politique à long terme.

À l'heure actuelle, il y a un certain nombre de propositions sur la table au sujet d'une taxe à la frontière. L'entreprise de M. Larsen a parlé d'une taxe appliquée selon les fluctuations du marché, et dont le taux serait de 25 p. 100 en période creuse. Il a fait allusion au fait que son entreprise reconnaît que les Américains n'ont pas tout à fait tort de dire que, quand il y a un creux sur le marché, le Canada ne prend pas sa juste part des temps d'arrêt. La raison en est simple. Nos systèmes de droits de coupe réagissent beaucoup plus vite aux changements de prix que les systèmes américains et, par conséquent, quand le marché ralentit, nos droits de coupe diminuent généralement plus vite que les leurs. C'est pourquoi nous continuons à fonctionner pendant que les Américains sont arrêtés.

Si nous pouvons en arriver à une meilleure symétrie en ce qui concerne nos mécanismes de fixation des prix, nos retards, nos reprises, et ainsi de suite, par rapport au système américain, nous aurons des règles du jeu plus uniformes pour ce qui est de la façon dont ces mécanismes de fixation des prix réagissent aux changements sur le marché. Nous pouvons peut-être trouver une solution provisoire pour faire bouger le bois quand le marché est au ralenti, en percevant une taxe relativement élevée quand les prix sont bas et une taxe nulle quand ils sont plus hauts. La proposition du gouvernement de la Colombie-Britannique comprend un système de réductions graduelles de la taxe, qui serait de 17,5 p. 100 en période creuse et baisserait à zéro quand le marché serait au maximum. Le Canada a présenté à Washington, il y a deux semaines, une proposition qui prévoit une taxe à échelle mobile allant de 18 p. 100 — pendant les périodes creuses — à zéro. Il y a donc toutes sortes de propositions qui viennent du Canada.

Les Américains envisagent encore une série de taxes relativement onéreuses. La position de la coalition, à l'heure actuelle, c'est qu'il faudrait convertir le taux de subvention de 18 p. 100 en taxe à la frontière et adopter un tarif à échelle mobile pour le dumping, en fonction des prix. C'est inutilement élevé, mais toutes ces propositions visent le même objectif, à savoir une taxe plus élevée en période creuse afin de créer une certaine stabilité et de faire monter les prix. Mais ils ne faut pas que les prix augmentent trop, parce que nous avons vu arriver énormément de bois d'Europe au cours des six dernières années, ou à peu près. Ce sont nos nouveaux concurrents. Comme les prix ont augmenté en raison de l'accord de contingentement et qu'ils sont restés élevés pendant toute la durée de cet accord, nous avons maintenant de la concurrence de l'Europe. Il s'est construit en Europe, ces dernières années, des usines qui s'approvisionnent en billes en Russie, et les marchands de bois européens ont fait des percées considérables dans l'est des États-Unis, à un point tel que ce sont maintenant pour nous des concurrents importants.

Nous allons suivre deux voies. Je sais que mes membres, tout comme le reste du Canada et le gouvernement fédéral, vont poursuivre les actions judiciaires aussi longtemps qu'il le faudra. La position de M. Dottori, qui était ici la semaine dernière, est tout à fait défendable, à savoir que nous ne pouvons pas abandonner les instances en cours. Nous devons poursuivre dans cette voie et faire appel à l'OMC et aux mécanismes de l'ALENA. Mais nous devons aussi essayer de négocier un règlement, et je pense que la solution réside dans une modification de la politique à long terme et dans la mise en place d'une taxe d'entrée à la frontière, peut-être pendant un an ou deux, pour garantir une certaine stabilité.

Je crois qu'Ottawa a maintenant le dossier bien en main et que l'industrie va pouvoir respirer un peu. Cela a aidé les associations industrielles, notamment dans le secteur à valeur ajoutée. Il y a eu de l'argent d'investi dans la recherche de débouchés sur les marchés étrangers, dans la recherche et le développement et dans la recherche de nouvelles occasions d'affaires, et cette aide est la bienvenue. Si nous pouvons trouver une solution économique qui conviendra aux deux côtés, c'est ce que nous devons faire.

Je vous encourage aussi à réfléchir à ceci: il faut maintenant voir cette question comme un dossier concernant l'ensemble de l'Amérique du Nord. Il serait ridicule de nous exposer à vivre un nouveau conflit du bois d'oeuvre quand l'accord en vigueur, si nous réussissons à en conclure un, arrivera à expiration. Je pense que, des deux côtés de la frontière, nous devons maintenant envisager un marché nord-américain intégré pour le bois d'oeuvre résineux. Nous devons trouver un moyen de prévenir les plaintes au département du Commerce à notre endroit, de même que les requêtes de l'industrie américaine du bois d'oeuvre. L'industrie du bois est maintenant intégrée dans une large mesure à l'échelle mondiale, et il ne serait guère raisonnable que nous nous battions entre nous alors que nous avons de la concurrence en Europe et en Amérique du Sud. Les compagnies des deux côtés de la frontière doivent chercher à augmenter leur part de marché ailleurs. Bien sûr, quand on mène des batailles commerciales incessantes et qu'on ajoute constamment des droits, tout ce qu'on fait, à part encourager les importations de l'extérieur, c'est favoriser les produits de remplacement comme le plastique et l'acier.

Il y a évidemment bien d'autres détails dont je ne vous ai pas parlé, mais encore une fois, simplement pour vous donner une idée, les négociations vont reprendre d'ici la fin de la semaine à Washington. Il nous reste probablement environ deux semaines pour établir les paramètres généraux d'une entente, et nous allons reprendre les négociations, probablement d'ici mercredi soir ou jeudi, tant sur le bulletin de politique que sur la taxe à la frontière.

Le président: On nous a parlé du ralentissement et des fluctuations du marché, parce que c'est un produit de base, mais il y a une chose que je ne comprends pas: je croyais qu'il allait y avoir une période de croissance dans le domaine du logement aux États-Unis et que le marché allait par conséquent être à la hausse; or, on nous dit que c'est le contraire. C'est bien cela? Pouvez-vous clarifier cette question pour moi? Mais peut-être qu'il n'y a pas de boom du logement?

M. Flitton: Eh, bien l'industrie américaine du logement est solide et stable aux États-Unis, et le principe que vous énoncez devrait se vérifier. Je pense qu'il y a deux facteurs qui entrent en jeu. Le premier, c'est que la hausse des expéditions d'EPS séchés au séchoir au Canada a fait augmenter considérablement l'offre de bois de faible valeur, ce qui a eu des conséquences sur le marché. Et surtout, je pense que le marché a été un peu faussé ces derniers mois en raison du froid extrême qui a sévi dans l'est des États-Unis. La construction a sensiblement ralenti dans l'Est, et c'est en bonne partie à cause de cela. Elle devrait reprendre bientôt.

Le président: Ce ralentissement du marché s'est produit seulement ces derniers mois?

M. Flitton: Je pense que le ralentissement a été plus prononcé qu'il aurait dû l'être à cause du froid extrême dans l'Est.

M. Larsen: Le fait est que, pendant les cinq ans où nous avions des quotas de bois pour les États-Unis, beaucoup d'entreprises canadiennes ont augmenté leur capacité; donc, même s'il y a eu une énorme demande de bois d'oeuvre sur le marché, l'offre est de loin supérieure à ce qu'elle était il y a cinq ou sept ans. Nous sommes actuellement en situation de surcapacité, à cause de la hausse de la production des deux côtés de la frontière — et partout dans le monde, d'ailleurs, avec le bois qui arrive d'Europe, d'Asie et d'Amérique du Sud. Le monde n'est pas resté immobile pendant les cinq années de quotas, durant lesquelles la situation est demeurée relativement stable. Nous avons aujourd'hui sur le marché du bois d'oeuvre une surcapacité qui ne disparaîtra pas même si nous réglons ce problème le mois prochain.

Le président: Non, cela paraît très sérieux.

M. Allan: J'aimerais ajouter encore un commentaire sur la question du dumping. Si vous fermez votre usine, vous devez amortir le coût de cette fermeture dans les droits de dumping. Il y a une réaction bien naturelle qui pousse les entreprises à ne pas fermer et à faire fonctionner leurs usines au maximum pour survivre aux droits de dumping, en prévision de l'examen auquel procédera ce printemps le département du Commerce, qui va analyser leur conduite passée. Toutes les entreprises craignent que leurs droits de dumping soient recalculés à un taux beaucoup plus élevé. En outre, il y a environ un milliard et demi de pieds de bois qui arrivent d'Europe, et environ 19 millions de pieds qui proviennent du Canada, ce qui crée une énorme surcapacité, soutenue par les droits de dumping qui incitent à éviter les fermetures.

Le sénateur Austin: Il y a tellement de façons d'aborder cette question que je suis un peu perdu. Cependant, quand j'y réfléchis, j'aimerais commencer par imaginer certaines des conditions que le Canada voudrait voir inclure dans un accord général avec les États-Unis au sujet du commerce du bois d'oeuvre résineux. Une de ces conditions, que vous avez tous mentionnée à un moment ou à un autre, ce serait un accord négocié qui ne pourrait pas être rouvert par de nouvelles actions intentées par l'industrie américaine. Si c'était le cas, il faudrait présumer que cet accord obligerait à modifier à la fois les lois intérieures américaines et les lois intérieures canadiennes, et qu'il s'agirait au moins d'un accord exécutif entre les deux pays, ce qui fait que le Congrès devrait intervenir. Si cette supposition est bonne, j'imagine que nous pourrions avoir un accord provisoire, mais son sort dépendrait des décisions du Congrès et du Parlement. Est-ce le genre de scénario à long terme que vous envisagez, et est-ce que cela inclut le conseil canado- américain de l'industrie du bois d'oeuvre dont la création a été suggérée et dont il a été question dans les médias? Quelles seraient les fonctions de ce conseil? J'aimeriez que vous répondiez tous à cette question, peut-être dans l'ordre où vous avez présenté vos témoignages.

M. Flitton: Je pense qu'en vertu des lois commerciales américaines, nous pouvons conclure avec les Américains un accord qui n'aurait pas besoin d'être approuvé par le Congrès. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Austin: J'aimerais que vous nous donniez des détails, si vous les connaissez. En vertu des lois commerciales américaines, le département du Commerce peut prendre une décision, mais si je comprends bien, il n'y a rien dans les lois actuelles qui empêche la coalition d'intenter de nouvelles actions pour obtenir des droits compensateurs ou des droits antidumping.

M. Flitton: Sauf si elle approuve l'accord, ce que recherche le département du Commerce. C'est la raison pour laquelle le gouvernement canadien et l'industrie canadienne, tout comme le gouvernement américain et l'industrie américaine, sont à la table des négociations dans l'espoir que toutes les parties pourront en arriver à un accord permanent.

Le sénateur Austin: Mais rien n'empêche les fabricants américains de bois d'oeuvre d'agir seuls, ce qui aurait les mêmes conséquences juridiques qu'une intervention de la coalition. Comment prévenir toute possibilité d'action de ce genre?

M. Flitton: Vous avez raison. En théorie, n'importe quelle entreprise peut présenter une requête contre le Canada. D'après ce que nous ont dit nos avocats américains, la seule façon d'empêcher cela, c'est d'avoir l'appui du secrétaire au Commerce américain. Sans l'appui du département du Commerce, on ne peut pas aller très loin avec ce genre de requête.

Le sénateur Austin: Selon le jugement en vigueur, le département du Commerce doit prendre sa décision en se fondant sur les faits; il y aurait donc un processus quelconque.

M. Flitton: Si le département du Commerce constate que l'industrie canadienne a adopté des changements de politique qui influent sur les principes du marché, il ne tranchera pas dans le sens des intérêts de la compagnie américaine qui a déposé la requête.

Le sénateur Austin: À quel niveau le Canada et les États-Unis doivent-ils conclure un tel accord qui empêcherait tout nouveau recours contre l'industrie canadienne? S'agirait-il d'un accord exécutif entre les deux gouvernements?

M. Flitton: Je pense qu'il faudrait une décision du Cabinet. Cela concerne le secrétaire au Commerce et le ministre canadien du Commerce international et des Affaires étrangères.

Le sénateur Austin: Par conséquent, il s'agit d'un accord en bonne et due forme entre les deux gouvernements.

M. Flitton: En effet.

Le sénateur Austin: Je me demande si M. Allan et M. Larsen me feraient la même réponse?

M. Larsen: Il est tout à fait louable, sénateur Austin, d'envisager un accord qui ne pourrait pas être rouvert, mais notre industrie — peut-être parce que nous nous occupons de ce dossier depuis plus de 20 ans — n'ose pas viser aussi haut pour le moment. Nous rêvons plutôt de mesures provisoires qui vont nous permettre de négocier vraiment un accord à long terme et un changement de politique au Canada. Le troisième élément dans cette affaire, le troisième pied du tabouret auquel John a fait allusion brièvement, je pense, ce serait un conseil coopératif réunissant les deux industries, au sein duquel nous commencerions à bâtir ensemble une demande pour le bois en Amérique du Nord, puisque nous avons bien des choses en commun et que les enjeux sont importants. Nous pouvons tous réussir si nous travaillons ensemble, si nous nous concentrons sur la véritable concurrence, celle des pays d'outre-mer, et aussi celle du béton, du plastique et de l'acier, si nous sommes beaucoup plus orientés vers le marché et si nous nous occupons vraiment de nos activités commerciales plutôt que du conflit qui nous oppose. Il est difficile d'imaginer, puisque nous fonctionnons des deux côtés de la frontière, qu'il soit possible de créer des lois qui ne contiendraient aucune échappatoire dont quelqu'un pourrait profiter un jour pour intenter une action contre le Canada. C'est pourquoi il faut presque agir par consentement unanime et bâtir des relations différentes de celles que nous entretenons aujourd'hui.

Le sénateur Austin: Vous comprenez facilement que je trouverais très troublant que nous ayons à passer par le Congrès, parce que les amendements, les sous-amendements et les sous-sous-amendements peuvent garder ce processus en otage. Par conséquent, si vous savez clairement où vous allez en ce qui concerne la forme finale d'un accord éventuel, c'est-à-dire un accord exécutif durable entre les gouvernements américain et canadien, un accord qui ne pourrait pas être rouvert ou annulé, je pense que c'est très certainement la voie à suivre.

M. Larsen: L'important, c'est que nous obtenions un cessez-le-feu pendant lequel nous pourrons bâtir pour l'avenir des relations différentes avec les Américains.

Le sénateur Austin: Je vous ai entendu dire tous les trois que vous voulez un accord de commerce administré pour l'industrie nord-américaine du bois d'oeuvre. C'est aussi l'objectif dont les dirigeants de l'industrie américaine et les porte-parole du Congrès américain nous ont parlé, à mes collègues et à moi, quand nous étions à Washington. Il y a trois ans, ils ont dit que nous avions besoin d'échelles mobiles en ce qui a trait aux prix et aux volumes. Nous avons besoin d'un système administré pour l'ensemble de l'industrie, et il est clair que cela changerait considérablement la nature et la position de l'industrie de la Colombie-Britannique et que cela réorienterait les intérêts acquis dans l'industrie.

Passons à M. Allan. Je vous remercie de vos remarques, qui étaient très claires. Si vous avez des commentaires à faire sur les deux dernières questions, tant mieux, mais je voudrais vous poser la question suivante: à quel point un accord de ce genre sur un système de commerce administré changerait-il la structure de l'industrie forestière en Colombie-Britannique, tant au privé qu'au public?

M. Allan: C'est une question intéressante, et la réponse est assez compliquée. À ce que je vois, nous pourrions nous sortir du conflit actuel de différentes façons. Nous pourrions poursuivre dans la voie judiciaire et remporter notre cause, ce qui entraînerait probablement un autre recours commercial.

Le président: Un autre conflit commercial.

M. Allan: Un autre recours, un autre conflit, une nouvelle ronde. Nous pourrions aussi en arriver à un accord qui imposerait une taxe à la frontière à court terme et dont une province pourrait se désengager en apportant certains changements à sa politique forestière — en acceptant par exemple de procéder par vente aux enchères pour établir le prix du bois —, et cet accord pourrait être signé par le Canada, probablement par l'intermédiaire du MAECI, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et par le département du Commerce, du côté américain, probablement avec le représentant au commerce des États-Unis. L'Accord sur le bois d'oeuvre résineux qui s'est appliqué de 1996 à 2001, et que l'industrie américaine du bois d'oeuvre avait approuvé, en est un exemple. L'industrie américaine du bois a été invitée à signer des lettres d'approbation. Elle reconnaissait dans ces lettres l'absence de tout préjudice, et l'accord a été respecté pendant toute sa durée d'application. Il a duré cinq ans. Il y avait une disposition d'arbitrage, et nous avons eu des conflits et des batailles dans le contexte de l'accord, mais celui-ci a permis à toutes fins utiles de prévenir toute action judiciaire sous forme de requête pour subvention ou dumping.

Je pense que, si nous obtenons un accord provisoire, nous allons obtenir l'accord de l'industrie américaine encore une fois. Une entreprise ne peut pas déposer une requête toute seule. Il faut au moins représenter au moins 50 p. 100 de la production américaine de bois d'oeuvre, et c'est essentiellement la coalition qui détermine si des requêtes vont être déposées ou non.

La troisième façon de mettre fin à la situation actuelle, c'est ce qu'on appelle l'examen motivé par un changement de situation; à cet égard, le département du Commerce a indiqué qu'il allait émettre un bulletin de politique prescrivant des changements à la politique forestière qui garantiront à toutes fins utiles, si une province canadienne les applique, qu'il n'y aura pas d'allégations de subvention.

Le problème, c'est que ce mécanisme, comme je l'ai dit tout à l'heure, ne permet pas de régler la question du dumping et ne porte que sur les subventions; c'est en bonne partie de cette façon-là que le prix du bois est établi au Canada, et il y a un mécanisme qui permet d'en appeler du bulletin, ce qui n'empêche donc pas qu'une nouvelle requête alléguant l'existence de subventions soit déposée dans deux ans. Rien ne garantit que le bulletin résistera à l'épreuve du temps.

Par conséquent, nous visons actuellement une approche plutôt hybride, qui comporte à la fois un bulletin et une taxe à la frontière.

Le sénateur Austin: Est-ce qu'une requête pour dumping nécessite aussi 50 p. 100 de l'industrie?

M. Allan: Oui, le minimum est de 50 p. 100.

Le sénateur Di Nino: J'aimerais avoir des éclaircissements. Pendant les présentations que vous avez faites tous les trois, de façons différentes, au sujet d'un accord négocié, je croyais que vous parliez d'un «accord négocié» non seulement entre les deux États souverains, le Canada et les États-Unis, mais aussi au sein de l'industrie, et cette question a été soulevée pendant l'intervention du sénateur Austin. Est-il vrai que tout accord négocié devrait inclure l'industrie des deux côtés de la frontière, tout autant que les deux États souverains?

M. Allan: Il est certain que ce genre de dossier doit être réglé par des négociations de gouvernement à gouvernement. Il y a toutes sortes de questions qui se posent sur les mesures antitrust quand les membres d'une industrie négocient des ententes pour administrer le marché, mais il faudrait certainement que l'industrie soit raisonnablement à l'aise avec les conditions de l'accord.

J'aimerais préciser une chose. Quand on parle de «commerce administré», c'est ce qui se passe depuis 20 ans, mais le but que tout le monde vise, cette fois-ci, c'est le libre-échange. Nous aurons un commerce administré pendant un an ou deux, probablement, mais je pense qu'il est juste de dire qu'en Colombie-Britannique, le but ultime de l'industrie et du gouvernement est d'éliminer la taxe à la frontière, d'apporter des modifications à la politique et de permettre au bois d'oeuvre de circuler librement de part et d'autre de la frontière. Je ne voudrais pas vous sembler naïf en disant cela, parce que nous connaissons bien les Américains, mais c'est le but que nous visons cette fois-ci.

Le sénateur Austin: Alors, permettez-moi de pousser plus loin sur la dernière question que je vous ai posée, monsieur Allan, au sujet des répercussions de ce que vous appelez un «régime de libre-échange» sur les communautés de Colombie-Britannique, sur les employés et sur la structure de revenus provinciale, parce que c'est un virage à 180 degrés, comme vous le savez, dans la conception de notre politique forestière.

M. Allan: Eh bien, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons payé des droits de 600 millions de dollars américains jusqu'en décembre. Disons, pour les besoins de la discussion, que cela fait un milliard de dollars canadiens. La moitié de cette somme vient de la Colombie-Britannique. Pour ce qui est des revenus gouvernementaux, je pense que le gouvernement souhaite surtout que ces droits soient transformés en taxes à la frontière, pour que l'argent aille au moins au gouvernement fédéral, qui pourra ensuite le transmettre au gouvernement provincial.

Deuxièmement, notre système de droits de coupe est ajusté en fonction des droits de douane, ce qui a fait perdre de l'argent au gouvernement.

Enfin, le dernier élément, mais non le moindre, c'est qu'il y a eu un certain nombre de fermetures d'usines en Colombie-Britannique, malgré ce que j'ai dit au sujet du fait que les usines accéléraient leur production. Slocan Forest Products a fermé quelques usines de façon permanente, Abitibi a connu un temps d'arrêt dans le Nord. L'industrie côtière — et je laisse à M. Flitton et à M. Larsen le soin de vous en parler parce qu'ils ont des usines sur la côte — a été durement touchée par les droits de douane, en plus du reste. Elle traverse actuellement une période de crise dans la province et, quand les droits ont été imposés, certains avaient prédit que nous perdrions environ 20 000 emplois en Colombie-Britannique. Cela ne s'est pas produit à cause de la nécessité de fonctionner pour tenir compte des droits antidumping.

Mais je dois ajouter quelque chose: nous ne pouvons pas continuer à fonctionner comme cela. Certaines compagnies doivent puiser dans leurs réserves. Vous pouvez regarder les résultats des sociétés ouvertes. Par exemple, les résultats de Canfor ont été rendus publics la semaine dernière. La compagnie a perdu plus de 50 millions de dollars au dernier trimestre. Certaines compagnies doivent puiser dans leurs réserves pour survivre en attendant soit la fin du conflit, soit une solution négociée. Sans vouloir dévoiler de renseignements importants à l'autre côté, il y a beaucoup d'entreprises canadiennes qui ne pourront pas lutter indéfiniment, jusqu'à l'an 2007, contre les droits imposés; elles n'en ont tout simplement pas les moyens.

Le sénateur Carney: Monsieur le président, je voudrais préciser pour le compte rendu que je suis très satisfaite du genre de questions qui ont été posées jusqu'ici.

Le sénateur Austin: Dans notre système, en Colombie-Britannique, nous avons consacré des ressources à deux usines en fonction d'une politique sociale visant à soutenir les communautés et à soutenir l'emploi. J'essaie de comprendre ce qui va arriver, dans votre régime de libre-échange, aux principes sociaux qui sous-tendent nos politiques jusqu'ici.

M. Flitton: Merci de poser la question parce que c'est important pour l'avenir de l'industrie. Mais je pense que nous aurons ainsi une industrie plus concurrentielle en Colombie-Britannique, ce qui apportera plus de stabilité à long terme pour tout le monde. J'approuve, en principe, l'orientation que la province veut donner à sa politique forestière. Je crains un peu qu'elle se serve des négociations sur le bois d'oeuvre résineux pour faire passer en douce certaines choses mineures qui ne feront pas notre affaire. Mais les dirigeants provinciaux affirment, de façon claire et raisonnée, qu'ils veulent se débarrasser de cette attitude socialiste, ce qui rendra l'industrie plus efficiente et plus concurrentielle et qui apportera beaucoup plus de stabilité aux communautés, aux travailleurs et aux industries, à mon avis.

Le sénateur Austin: Ce sera certainement le cas, monsieur Flitton, pour les industries qui sont en tête du peloton, et pourtant il y a dans la province un certain nombre de localités où la situation actuelle a détruit le capital d'investissement et le capital social. Je me demande si, dans une situation de libre marché, vous ne seriez pas tenté de réclamer, en tant qu'ancien sous-ministre, une quelconque politique d'ajustement pour la phase de transition. Sur un marché pleinement concurrentiel, il y a inévitablement des gagnants et des perdants. Qu'est-ce qui va arriver aux perdants qui auront bâti leur industrie selon l'ancienne structure de la politique?

M. Flitton: Bien franchement, le ménage qui devait se faire à cet égard a déjà été fait en bonne partie; il y a des communautés qui vont y perdre et d'autres qui vont y gagner, comme nous l'avons déjà vu. Nous sommes déjà passés par là. Je pense en particulier à une communauté qui dépendait entièrement d'une usine dont les employés et l'employeur se sont entendus pour suspendre les opérations. Les employés se sont fait offrir d'être replacés dans d'autres usines, où il y aura à mon avis un environnement beaucoup plus stable. C'est à l'avantage des travailleurs. La communauté elle-même va devoir s'ajuster au fait que sa principale source d'emploi a disparu — ce sont des choses qui arrivent —, mais à long terme, je pense que ce sera plus sain pour tout le monde. Je tiens à le répéter.

Je voudrais dire quelque chose, sénateur Di Nino, au sujet de votre commentaire sur le fait que les compagnies des deux côtés de la frontière devront s'entendre. Une des conditions pour en arriver à une entente, c'est que toutes les actions soient retirées, et Doman a actuellement une action en instance aux États-Unis en vertu du chapitre 11. Nous sommes tout à fait prêts à accepter un accord équitable et nous espérons qu'avant toute entente, on nous demandera de retirer notre action et que nous aurons alors une idée de ce que contiendra cet accord. Nous avons bien l'intention de coopérer pleinement et, d'après ce que j'ai pu constater, il y a beaucoup d'entreprises américaines qui sont exactement du même avis.

Le président: Vous vous rappellerez, sénateur Carney, qu'on nous a dit la semaine dernière que les frais judiciaires engagés depuis les années 80 sont évalués à 800 millions de dollars, ce qui est un chiffre plutôt impressionnant, du moins il me semble.

Le sénateur Carney: Premièrement, vous avez très bien réussi tous les trois à nous présenter très clairement une situation très complexe, à un point tel qu'on pourrait presque croire que la solution consiste à négocier et à accepter le bulletin du département du Commerce américain, à créer la commission bilatérale chargée de l'administrer, à avoir en quelque sorte un accord de temporarisation, et que le problème sera réglé. Mais, comme vous le savez tous, ce n'est pas si facile. Ce n'est pas si simple. Avant de poursuivre sur la lancée du sénateur Austin, je voudrais préciser certaines choses.

La première chose, c'est que vous serez probablement d'accord pour dire que c'est le Congrès qui contrôle la politique commerciale, et non l'exécutif, et que le Congrès n'a jamais voulu jusqu'ici céder ce pouvoir. Il est important de comprendre qu'il ne peut pas y avoir d'accord bilatéral à cet égard entre le Président et le Premier ministre. C'est entièrement entre les mains du Congrès, et c'est pourquoi notre ami le sénateur Baucus a déposé une résolution au Congrès en vue de doubler le taux des droits. Donc, quelle que soit notre volonté d'en arriver à un règlement, tant que le Congrès ne renoncera pas à son droit de gérer le commerce et de conclure des accords commerciaux, nous n'y arriverons pas, comme vous l'avez tous souligné. Il y a une formule aux États-Unis qui dit qu'un pourcentage donné — vous avez parlé de 50 p. 100 — de l'industrie doit assurer un certain pourcentage de la production. Je ne connais pas le chiffre exact. Je pense que c'est autour de 60 p. 100.

M. Allan: Quelque chose du genre.

Le sénateur Carney: Un autre groupe d'une autre région pourrait prendre d'autres mesures commerciales; c'est donc un véritable talon d'Achille.

Je voulais souligner, au sujet du bulletin de politique américain et de la proposition de la Colombie-Britannique qui a suivi il y a un an, que cette proposition est antérieure à l'accord du département du Commerce, à l'accord original présenté au sujet de la Colombie-Britannique.

M. Allan: La Colombie-Britannique a présenté une proposition au printemps dernier, il y a un an. La plus récente, dans mes diapositives, date de novembre dernier.

Le sénateur Carney: Oui mais, comme vous l'avez souligné, il y a des similitudes entre les deux.

M. Allan: Oui.

Le sénateur Carney: À mon avis, c'est une intrusion très nette. Ce que je veux dire, c'est que ce sont les Américains qui vont dicter la politique forestière canadienne. Ce sont eux, en particulier, qui vont dicter la politique sociale de la Colombie-Britannique pour toute la durée de l'accord. C'est un élément sur lequel nous devons nous pencher. C'est un pays étranger qui va dire au gouvernement comment établir sa politique sociale en Colombie-Britannique et ce que nos entreprises devront faire parce que, s'il doit y avoir une commission, il y aura un problème pour les compagnies qui devront appliquer des règles qui pourraient évoluer assez lentement, comme vous l'avez fait remarquer. Par conséquent, je pense que c'est une ingérence très nette dans nos affaires.

Une des deux questions que je voudrais examiner tout particulièrement, c'est celle de l'avenir de la gestion forestière à rendement soutenu. Le document du département du Commerce parle de rentabilité «maximale», de la nécessité de fonctionner en vue d'une rentabilité «maximale», alors que la Colombie-Britannique a toujours visé la rentabilité «optimale» parce que nous avons des coûts et des avantages sur le plan social. Qu'adviendra-t-il de la capacité de la province à gérer les forêts à perpétuité en fonction d'un rendement soutenu, et sera-t-elle en mesure d'établir sa politique forestière de façon à assurer le maintien des communautés et des emplois, ou si nous allons voir une situation dans laquelle le bois s'en ira au sud de la frontière, les billes s'en iront au sud de la frontière, les emplois s'en iront au sud de la frontière, et nous ne serons plus que des bûcherons? Je dois préciser que mon genre est abatteur et qu'il dirige une entreprise d'abattage; il n'y a donc rien de mal à être un bûcheron.

Le président: J'imagine que la communauté serait fermée.

Le sénateur Carney: La communauté perdrait tous ses emplois au profit des Américains, et c'est un aspect sur lequel nous devons nous pencher. Nous devons nous demander ce qui va se passer. Vous êtes tous les deux d'anciens sous- ministres des Forêts. Qu'adviendra-t-il de la capacité du gouvernement à appliquer sa propre politique sociale, et qu'adviendra-t-il de la gestion forestière à rendement soutenu?

M. Allan: Eh bien, permettez-moi de répondre en premier, après quoi mes collègues pourront commenter à leur tour. La première chose que je voudrais dire, c'est qu'encore la semaine dernière, l'industrie et le gouvernement de la Colombie-Britannique faisaient des pressions sur les gens du département du Commerce au sujet du bulletin dont vous avez parlé, et en particulier au sujet de ce que nous appelons le «critère des effets». Si nous devons réaliser une réforme de notre politique en fonction des lois du marché en Colombie-Britannique, nous avons dit clairement aux gens du département du Commerce qu'ils devront se fier aux résultats. Nous ne voulons pas qu'ils reviennent mesurer ce que nous faisons si nous procédons à une réforme pour établir un marché parfaitement concurrentiel ou adopter une politique fondée sur le marché. Nous ne voulons pas de ce genre de mesures. Nos coûts ont-ils augmenté? Avons-nous mis plus de gens à pied? Y a-t-il eu des fermetures d'usines? Le marché va dicter les résultats et ce sera très clair.

Il y a dans ce bulletin un élément de mesures constantes, de surveillance constante, et de volonté que les résultats soient déterminés à l'avance. La première version que nous avons vue contenait une longue liste de conséquences négatives qui pourraient faire l'objet d'inspections: mises à pied, fermetures d'usines et hausses de coûts. Nous avons fait des pressions à ce sujet-là.

Sénateur Carney, au sujet de votre commentaire sur la gestion forestière à rendement soutenu, nous trouvons nous aussi que le bulletin ne devrait pas parler de «fonctionner en vue d'une rentabilité maximale». Nous avons fait valoir aux gens du département du Commerce que, si nous voulions maximiser les profits, nous liquiderions la forêt le plus vite possible. Si les Américains recherchent vraiment une gestion forestière saine et responsable, sur une base économique, ils vont vouloir que nous adoptions une gestion à rendement soutenu. Ils vont vouloir que nous gérions la PRA comme nous l'avons toujours fait et que nous établissions un équilibre à long terme.

Nous avons actuellement un problème très spécifique dans la province, à cause du dendroctone du pin argenté. Nous avons une épidémie de dendroctones dans la province, et les entreprises, en particulier dans l'arrière-pays, se font dire d'abattre le plus rapidement possible les arbres attaqués, mais c'est surtout un programme de substitution selon lequel les arbres qui ne sont pas attaqués sont laissés debout et ceux qui sont attaqués depuis plus ou moins longtemps sont abattus rapidement afin de contenir la propagation de cette épidémie. Malgré tout ce que vous pouvez lire dans les journaux au sujet des allégations américaines, ce bois n'est pas vendu à prix de liquidation. Il est soumis aux droits de coupe normaux.

Nous avons des discussions avec les Américains au sujet de la PRA, la possibilité réalisable annuelle; nous leur avons donné l'assurance que nous allions gérer nos forêts en fonction d'un rendement soutenu et nous leur avons dit qu'ils ne devaient pas essayer de nous forcer à liquider notre forêt. Ce que vous voyez dans ce bulletin, c'est un amalgame de principes d'économie et de foresterie. Franchement, ce n'est pas bien écrit.

Pour ce qui est de la politique provinciale, de la stabilité des communautés et des questions sociales, je suis d'accord avec M. Flitton. Je pense que ces questions sont en bonne partie résolues dans notre province. D'après mon expérience, les entreprises peuvent fermer des usines dans la province — et elles le font — et elles ne sont pas vraiment pénalisées malgré ce que prévoit la Loi sur les forêts. C'est particulièrement vrai sur la côte, où l'industrie est plus ancienne que dans l'arrière-pays. Elle a de l'équipement excédentaire et désuet. Elle a besoin de modernisation, et je pense que des changements sur la côte sont inévitables.

Mais, bien franchement, je ne prévois pas beaucoup de fermetures d'usines dans l'arrière-pays. L'industrie y est efficiente et bien capitalisée. Sa faiblesse, peut-être, c'est qu'elle est organisée de manière à répondre à la demande des Américains, mais comme vous le savez, quand le marché américain est très actif et quand nous ne sommes pas trop harcelés, c'est une industrie extrêmement rentable. Le taux de rendement du capital dans l'industrie du bois d'oeuvre, dans l'arrière-pays, était de 39 p. 100 en 1999. Même les pires années, les entreprises ont réussi à faire leurs frais. La solution, c'est que cette industrie soit aussi concurrentielle que possible, au plus bas coût possible, et qu'elle soit organisée de manière à soutenir la concurrence dans un marché mondial de plus en plus vaste.

Le sénateur Carney: Je vous interromps parce que vous vous écartez de la question, qui portait sur la responsabilité des coûts de la sylviculture. Qui paie ces coûts? Qui établit les normes pour les chemins forestiers? Qui détermine les multiples utilisations du terrain forestier appartenant au domaine public? Qui fixe les conditions d'accès? Je remarque que le document du département du Commerce suggère — ce qui va être très populaire — que la superficie des terres publiques en Colombie-Britannique, qui est actuellement d'environ 95 p. 100, soit encore réduite par la création de nouveaux parcs afin de soustraire une plus grande partie de ces terres à l'exploitation forestière. C'est très bien, mais les parcs occupent déjà 13 p. 100 de nos forêts, de notre territoire, et le rétrécissement du terrain forestier va entraîner une baisse de production et des pertes d'emplois, ce qui va avoir des répercussions sur les communautés. Plus précisément, j'aimerais savoir qui paie pour les activités de sylviculture et qui détermine l'usage que nous faisons de nos forêts. Je voudrais ensuite passer à la question des enchères.

M. Allan: Votre commentaire est intéressant, et vos questions aussi. Si j'ai bien compris, ces projets de parcs concernent le Québec, et non la Colombie-Britannique. Je ne dis pas que c'est une réponse acceptable. Je vous donne tout simplement des détails sur ce que je sais du débat et des négociations entourant ce bulletin. La Colombie- Britannique n'a pas à avoir honte de ce qu'elle veut faire dans le domaine des parcs et de ce qu'elle a déjà fait. Nous avons plus de 12 p. 100 du territoire de la province en zones protégées, et le gouvernement va continuer à établir des normes, j'imagine. Le gouvernement provincial va établir des normes et, comme beaucoup d'entre vous le savent probablement, nous nous dirigeons dans la province vers un système de gestion forestière orienté davantage vers les résultats. Le gouvernement a proposé à l'automne des modifications au code d'exploitation forestière pour qu'il soit axé sur les résultats. Il va refiler une bonne partie des coûts à l'industrie, mais dans une large mesure, il va continuer à dicter quel sera notre système de gestion forestière, et l'industrie va mettre en oeuvre une bonne partie de ce que le gouvernement faisait avant.

Honnêtement, je ne crois pas que le département du Commerce exercera trop de surveillance en Colombie- Britannique.

Le sénateur Carney: C'est un point de vue intéressant. J'aimerais avoir les commentaires de M. Larsen, de Weyerhaeuser, et de Bob Flitton sur la question de l'exploitation des terres. Toute cette histoire d'examen motivé par un changement de situation vise uniquement à consolider le système de mise aux enchères, ce qui semble tout à fait raisonnable; alors, pourquoi ne pas passer à un système de mise aux enchères du bois d'oeuvre? Il y a différentes essences de bois. Il y a différentes qualités de bois. Il y a le problème du dendroctone du pin argenté. Monsieur Flitton, vous dites que Doman offre de mettre 25 p. 100 de ses billes à la disposition du pus haut enchérisseur à des fins de consommation intérieure. Vous ne parlez pas de «consommation internationale». Je dois expliquer qu'à l'origine, la part réservée pour les enchères était d'environ 13 p. 100. Le gouvernement de la Colombie-Britannique avait prévu la mise de côté de 13 p. 100 du produit de l'exploitation forestière pour les petites entreprises, et il a ensuite porté cette part à 20 p. 100 environ. Qu'est-ce que vous jugeriez satisfaisant pour la mise aux enchères? En outre, quel pourcentage des terres que vous exploitez vous-mêmes, en vertu de concessions de fermes forestières, êtes-vous prêts à céder pour ces enchères, et quelle indemnisation voudriez-vous pour ce faire? Ce sont des questions très importantes.

M. Flitton: Des questions extrêmement importantes. Pour ce qui est des terres auxquelles nous serions prêts à renoncer, c'est zéro.

Le sénateur Carney: Ce qui limite la superficie des terres dont le produit pourrait être mis aux enchères. Continuez.

M. Flitton: Je vais essayer de vous expliquer la situation très rapidement. Premièrement, environ 25 p. 100 des billes produites en Colombie-Britannique sont actuellement vendues par enchères publiques. Elles viennent soit du programme des petites entreprises, soit des terres publiques. Avec les propositions de Weyerhaeuser et de Doman, qui ajouteraient à cela environ 25 p. 100, il y aurait 50 p. 100 des billes qui seraient vendues par enchères publiques en Colombie-Britannique. D'après ce que nous disent nos espions à Washington, ce serait probablement suffisant pour satisfaire la coalition américaine, du moins dans un premier temps, et les modifications de la politique forestière dont nous avons déjà parlé feraient en sorte que ce chiffre augmenterait graduellement avec le temps.

Je veux vous parler des ventes aux enchères de billes, parce que vous parlez de bois sur pied alors que je parle de billes. Il y a une énorme différence entre les deux.

Le sénateur Carney: Ce sont deux questions distinctes, qu'il faudra régler toutes les deux parce qu'il y a des terres publiques et des terres privées. Je voulais simplement souligner qu'il y avait une énorme différence entre 13 p. 100 et 50 p. 100 pour la vente aux enchères. Mais allez-y, expliquez-nous ce qui se passe.

M. Flitton: C'est un changement considérable. Cela change complètement la dynamique et, soit dit en passant, quand vous parlez des effets que cela peut avoir sur l'industrie, nous avons appliqué une matrice pour prévoir les conséquences que cela aurait sur l'emploi. Nous prévoyons en fait que notre entreprise pourrait embaucher plus de gens sur l'île de Vancouver et dans le secteur central de la côte.

Nous sommes allés à Washington pour discuter de la question du bois sur pied. Nous avons rencontré des sénateurs et des membres du Congrès. Nous avons rencontré aussi beaucoup de gens, au Commerce et au Commerce international. Tout commence par un arbre sur pied, que quelqu'un doit abattre. Et cet arbre doit ensuite est transporté vers le marché, à bord d'un navire ou d'un camion. Ce que dit Doman, c'est que ce qui est important, ce n'est pas de savoir qui abat l'arbre; c'est ce qui arrive au bois une fois coupé. Nous parlons de vente aux enchères de billes, alors que bien des gens parlent de vente aux enchères de bois sur pied. Les Américains nous ont dit très clairement qu'ils s'intéressent en fait aux billes, et non au bois sur pied, et c'est un des éléments clés des représentations que nous faisons constamment là-bas.

Doman a une société appelée Western Forest Products; c'est une importante compagnie forestière qui fait de l'abattage et qui est très concurrentielle. C'est une des entreprises les plus concurrentielles de l'industrie en Colombie- Britannique, et nous pensons que, s'il fallait la morceler en une série de petites entreprises, cela rendrait l'industrie moins efficiente à cause de la disparition des économies d'échelle. C'est une des raisons pour lesquelles nous préconisons la vente aux enchères des billes plutôt que du bois sur pied, et je pense que Weyerhaeuser en est arrivée récemment à une conclusion similaire.

Le sénateur Carney: Voulez-vous nous en parler? Cela nous amène à la question des exportations de billes, qui est très controversée ici. Je dois souligner que Weyerhaeuser a acheté MacMillan Bloedel, qui faisait partie de l'histoire de la province et qui, depuis ses débuts sous H.R. MacMillan, qui était notre chef forestier, a vraiment déterminé l'orientation de la politique forestière en Colombie-Britannique. Vous avez très bien réussi à maintenir cette tradition historique. Vous avez d'immenses terres privées. Vous avez aussi des droits de coupe sur d'immenses terres publiques. Quel pourcentage de ces terres êtes-vous prêts à céder?

M. Larsen: Je pense que c'est Weyerhaeuser qui a proposé au départ de céder du bois sur la côte, et je tiens à souligner que c'est une solution qui s'appliquerait expressément à la côte — d'ailleurs, M. Flitton représente une compagnie établie uniquement sur la côte. Les deux tiers de nos opérations au Canada, soit 70 p. 100, se passent ailleurs que sur la côte de Colombie-Britannique, et le genre de ventes aux enchères que nous proposons n'est pas la solution pour toutes ces autres régions. Pour tenir des enchères, il faut de nombreux acheteurs, de nombreux vendeurs et la capacité de transporter les billes. Sur la côte de Colombie-Britannique, si vous pouvez mettre vos billes à l'eau, vous pouvez les transporter à un coût très bas, ce qui ouvre la porte à un processus d'enchères très dynamique.

Nous avons proposé il y a quelque temps de renoncer à une proportion qui pourrait atteindre 25 p. 100 de nos licences d'exploitation forestière sur les terres publiques de la côte et d'inclure ces billes dans un processus d'enchères pour la côte de Colombie-Britannique.

Le sénateur Carney: Et quelle indemnisation vouliez-vous pour cela?

M. Larsen: Nous n'avons pas défini quelle indemnisation nous comptions demander. Ce ne serait pas nécessairement de l'argent. Cela pourrait être autre chose. Il est certain que, dans certains cas, nous avons des droits d'exploitation par la voie des licences dont nous avons hérité sur la côte et qui sont valables jusqu'à cent ans; nous estimons donc que, par principe, nous devrions être indemnisés pour la perte de ces droits d'exploitation, mais nous n'avons pas précisé en quoi devrait consister cette indemnisation et nous pensons que cela devrait être négocié.

Le sénateur Carney: Alors qu'est-ce qui empêcherait toutes les billes mises aux enchères de sortir de Colombie- Britannique et de se retrouver dans vos usines américaines? Je dois expliquer que vous ne pouvez pas exporter des billes provenant des terres publiques si elles n'ont pas été refusées par deux autres usines, je pense, mais que vous pouvez en exporter si elles proviennent de terres privées. Et je pense que nous allons nous rendre compte que les chiffres ont augmenté. D'après la solution que vous proposez, qu'est-ce qui empêcherait d'exporter les billes — et les emplois — vers les usines américaines, ce que craignent beaucoup les gens des communautés visées?

M. Larsen: Ce qui empêcherait ce genre de chose, c'est la politique provinciale sur l'exportation des billes, qui interdit depuis toujours l'exportation de billes provenant des terres publiques de Colombie-Britannique. Vous pouvez exporter des billes des terres publiques si, après en avoir annoncé la vente, vous ne trouvez pas d'acheteur canadien, mais dans l'ensemble, la réglementation est plutôt stricte; elle est d'ailleurs assez stricte également pour les billes provenant de terres privées.

Nous avons des terres privées en Colombie-Britannique, que nous avons obtenues là encore dans le cadre de notre transaction avec MacMillan Bloedel. Cela représente environ 240 000 hectares de terres sur la côte de Colombie- Britannique. Nous cherchons à faire alléger les restrictions relatives à l'exportation des billes provenant de ces terres, mais dans le cas des terres publiques, je ne pense pas que ce soit un problème important. La province peut réglementer cela.

Nous avons aussi parlé, comme solution potentielle à ce problème, de la possibilité que le Canada adopte une loi reflétant la loi américaine au sujet de l'exportation de billes provenant des terres publiques. En Oregon, par exemple, si vous exportez des billes provenant de terres privées, vous n'êtes pas autorisé à en acheter qui proviennent des terres publiques. Nous n'exportons pas de billes provenant de terres privées de l'Oregon. L'État de Washington limite lu aussi l'exportation de billes provenant des terres publiques.

Le sénateur Carney: Où allez-vous trouver tous ces acheteurs et ces vendeurs supplémentaires? Le fondement de la proposition américaine, c'est qu'il faut plus d'acheteurs et de vendeurs pour obtenir des prix plus élevés, mais dans une industrie qui est en fait en phase de consolidation, où sont tous ces acheteurs et tous ces vendeurs, et est-ce qu'ils vont venir des États-Unis pour acheter du bois sur pied ou pour acheter des billes? Quelles seront les conséquences? De qui voulez-vous parler?

M. Larsen: Je pense que si nous renonçons à une partie de nos droits d'exploitation, Weyerhaeuser sera une des compagnies qui vont enchérir pour acheter ces billes parce que nous avons six usines dans la région de la côte et que nous avons besoin d'approvisionner nos scieries. Nous ne pourrons pas y arriver après avoir cédé 25 p. 100 de notre bois; nous allons donc devoir acheter des billes sur le marché. Nous nous attendons à nous retrouver en concurrence avec d'autres entreprises pour racheter ces billes et, du même coup, pour avoir accès aux enchères concernant les billes qu'elles auront cédées de leur côté. Nous ne nous attendons pas à être les seuls à le faire, mais nous nous sommes dit que, comme geste symbolique pour amorcer le processus, nous devions chercher à sortir de l'impasse. Nous devons faire quelque chose de tout à fait nouveau, et c'est pourquoi nous sommes prêts à participer au processus de vente aux enchères.

Le sénateur Carney: Je me suis concentrée surtout sur la Colombie-Britannique, et je sais que mes collègues voudraient poser des questions sur le Québec et les autres provinces, mais j'aimerais savoir comment cela fonctionnerait dans un endroit comme Gold River, une communauté qui a été dévastée par la perte de son usine et, par conséquent, de ses droits d'exploitation. Je dois expliquer que l'usine avait été construite à cet endroit-là parce que la compagnie possédait les droits sur la forêt environnante, et c'est ce qui assurait la survie de cette merveilleuse communauté. Mais l'usine a fermé et la ville a été dévastée. La population a diminué au moins de moitié, et les gens ont connu des temps difficiles, mais on me dit que Doman parle de créer 85 nouveaux emplois dans cette localité. Est-ce que ce sont simplement des vieux pieux ou si cela se rattache aux changements que connaît l'industrie? Et qu'est-ce que vous allez faire pour Gold River?

M. Flitton: Eh bien, je ne peux pas vous dire aujourd'hui ce que nous allons faire pour Gold River, mais je peux vous dire que Gold River a perdu une usine de pâtes, ce qui a entraîné des pertes d'emplois. Je pense cependant que la communauté s'est très bien stabilisée. Même si l'économie y est plus restreinte qu'avant, le climat économique y est très stable.

Le sénateur Carney: Mais vous avez offert de créer 85 nouveaux emplois, n'est-ce pas?

M. Flitton: Il a été question de nouveaux emplois à Gold River, à Nanaimo et ailleurs, mais je ne peux pas vraiment vous donner de détails. J'aimerais ajouter un bref commentaire sur la question des exportations de billes: Doman s'oppose aux exportations de billes. Nous avons besoin de plus de 100 p. 100 de nos coupes annuelles simplement pour maintenir notre capacité de production et nous allons nous aussi livrer une concurrence énergique au moment des ventes. Cependant, les Américains réclament l'accès aux billes de Colombie-Britannique. Cela me tue. Ils ont déjà un problème avec beaucoup d'autres régions du Canada à cause de l'offre excédentaire de bois à bas prix qui entre aux États-Unis. C'est ce que je perçois. Ils sont en colère contre d'autres régions du Canada et ils veulent résoudre leur problèmes en ayant accès aux billes de l'île de Vancouver et de la côte de Colombie-Britannique. Ce n'est pas juste, à mon avis. Le problème reste entier, et j'ai vraiment hâte qu'il soit résolu.

Le président: Merci.

Le sénateur Lawson: Vous nous avez présenté tous les trois d'excellents exposés et votre préférence pour une entente négociée me plaît.

Revenant à M. Larsen et à la proposition de Weyerhaeuser. L'idée d'abandonner toutes les actions en justice en vertu de l'OMC et de l'ALENA plaît beaucoup à un ancien spécialiste des négociations collectives comme moi, à une exception près. Vous nous dites que les compagnies forestières canadiennes ont déboursé au total environ 1 milliard de dollars en droits et frais. Si la situation perdure jusqu'en 2007, les coûts s'élèveront à 2 ou 3 milliards de dollars. Il y a cela et il y a la coalition de l'autre côté. Je les entends tous se plaindre dans les journaux que ce droit s'est retourné contre eux, qu'ils sont pénalisés et qu'ils doivent fermer des usines, qu'ils font des pertes, et cetera. Ensuite, ils prennent conscience des 2 ou 3 milliards de dollars et ils se disent «Tiens, tiens, peut-être qu'il serait plus intéressant pour nous de partager ce gâteau entre nous.» Par conséquent, si l'on doit tout retirer, il me semble que l'amendement Byrd doit lui aussi disparaître. Je crois qu'un tribunal quelconque a statué que c'était illégal, mais il faut bien s'assurer que c'est le cas. Il faut bien s'assurer d'enterrer l'amendement Byrd, sinon, vous ne serez pas en bonne position de négociation. Ne pensez-vous pas que ce serait une approche raisonnable?

M. Larsen: Nous avons proposé ce qui nous paraissait indispensable pour amener les deux parties à la table de négociation. Le Canada s'engagerait à renoncer à ses recours juridiques en vertu de l'OMC et de l'ALENA parce que nous estimons que cela serait nécessaire pour amener la coalition américaine à la table de négociation, mais en retour, le gouvernement fédéral canadien pourrait recueillir une taxe provisoire à la frontière afin que l'argent puisse continuer à s'accumuler et rester au Canada. Nous laisserions quand même entre 600 millions et 750 millions de dollars dans un compte de garantie bloqué et ce montant serait l'enjeu des négociations ultérieures. À notre avis, ce sont là les éléments indispensables pour amener les deux parties à la table de négociation, pour que les deux parties n'aient pas l'impression d'avoir à tout mettre en jeu dans un processus de négociation incertain.

Le sénateur Lawson: Et l'amendement Byrd? A-t-il été déclaré officiellement illégal ou quelle est la situation à ce sujet?

M. Larsen: Je crois que l'OMC s'est prononcée à une ou deux reprises contre l'amendement Byrd. Que vont faire les États-Unis au sujet de cet amendement? Eh bien, ils ne feront peut-être rien pendant longtemps. Ils l'étudieront peut- être plus en profondeur. Je sais que le président Bush l'a inscrit à son ordre du jour économique et à son budget de cette année, mais qui sait ce qui arrivera lorsque le Congrès en sera saisi? Il semble qu'ils devront réagir au rejet de l'amendement Byrd. Nous sommes convaincus, et le Canada aussi, que l'amendement Byrd sera invalidé, mais ce sera peut-être dans plusieurs mois. Nous ne pensons pas que l'amendement Byrd posera problème, mais en revanche, nous savons qu'en politique américaine, presque tout peut arriver.

Le sénateur Lawson: Je crois que l'un d'entre vous a indiqué que les frais judiciaires totalisaient environ 85 millions de dollars jusqu'à présent. Depuis combien de temps cela dure-t-il?

M. Allan: Et c'est uniquement pour mon groupe.

Le sénateur Lawson: Uniquement pour votre groupe?

M. Allan: Oui, uniquement pour mon groupe. Les dix compagnies ont payé environ 85 millions de dollars en 2001, 2002 et 2003.

Le sénateur Lawson: Par conséquent, si cela dure jusqu'en 2007, le chiffre sera d'environ 200 millions de dollars.

M. Allan: Si nous sommes toujours là.

Le sénateur Lawson: C'est vrai. Si vous obtenez un règlement, vous économiserez peut-être quelques centaines de millions de dollars en frais judiciaires.

M. Flitton: En passant, les honoraires d'avocat à Washington commencent aux alentours de 400 $ canadiens de l'heure et s'accumulent rapidement.

La société Doman est en pourparler avec un éminent avocat américain qui enseigne le droit commercial dans deux importantes universités de l'Est des États-Unis. Il est également conseiller commercial au Congrès. Nous avons eu avec lui de longues discussions au sujet de l'amendement Byrd et il est absolument convaincu que l'amendement Byrd est illégal, qu'une action en justice entraînerait son annulation et qu'une entreprise qui en est victime obtiendrait gain de cause. Il a d'ailleurs proposé de défendre provisoirement notre cause. Tel est le fondement de l'action en justice que nous avons intentée aux États-Unis et si les Américains souhaitent que nous suspendions ce recours dans le cadre d'une suspension générale de toutes les actions, nous insisterons pour examiner avec eux les conséquences de l'amendement Byrd.

Le sénateur Lawson: Tout cela est très utile. J'aimerais poser une dernière question là-dessus à M. Allan, du Lumber Trade Council. Canfor n'a-t-il pas intenté une action qui est encore en cours?

M. Allan: En effet. Canfor a lancé une action en vertu du chapitre 11 de l'ALENA.

Le sénateur Lawson: La suspension des actions toucherait-elle celle de Canfor?

M. Allan: Tout cela serait à négocier.

Le sénateur Di Nino: Et pourquoi est-ce Doman et non pas tout le secteur qui s'est chargé de contester l'amendement Byrd?

M. Flitton: C'est une très bonne question, mais quelqu'un d'autre devrait y répondre, puisque nous n'appartenons pas au groupe de John Allan. J'ai beaucoup de respect pour le travail que fait John et pour son organisation. Je pense que John connaît quelques difficultés et je ne lui demanderai pas de répondre à cette question, mais c'est mon impression, puisqu'il y a deux industries en Colombie-Britannique. Il y a l'industrie côtière et l'industrie de l'intérieur. Elles sont très différentes. Doman s'en est rendu compte dès le départ et nous avons décidé de faire cavalier seul, mais nous accueillons volontiers les autres entreprises qui souhaitent se joindre à nous pour combattre l'amendement Byrd. Nous avons lancé l'invitation au B.C. Lumber Trade Council et à d'autres organismes canadiens. Il est possible qu'ils se joignent à nous avant que ce soit terminé, mais pour le moment, ils ne l'ont pas fait.

M. Allan: Nous sommes impliqués indirectement. L'appel à l'OMC se fait de gouvernement à gouvernement, si bien que les avocats sont ceux du gouvernement du Canada, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Nous les rencontrons régulièrement. Nous les avons aidés à rédiger le mémoire. Nos avocats collaborent avec les avocats du fédéral pour tous les aspects de la cause et nous partageons les frais.

M. Larsen: Notre position est analogue à celle de M. Allan et nous faisons partie de son groupe. Je pense qu'il y a beaucoup d'autres affaires en train sur le front des négociations et si nous devons nous pencher sur l'amendement Byrd, ce n'est pas pour tout de suite, même si nos avocats aux États-Unis sont convaincus qu'il s'agit d'un texte terrible qui devrait être abrogé. Il faut parfois longtemps aux États-Unis pour éliminer une mauvaise loi et nous ne voulions pas que cela nous empêche de nous concentrer sur une solution plus immédiate.

Le président: Je dois avouer que je ne sais pas exactement qui pourra l'invalider. C'est le Congrès qui a adopté la loi et, je connais notre système parlementaire, mais il me semble qu'il faudrait la déclarer inconstitutionnelle. Sinon, comment l'invalider? Je ne sais pas exactement quel recours on peut avoir contre une loi adoptée par le Congrès, même si l'OMC la déclare contraire aux normes internationales. Quel recours véritable a-t-on? Je n'en sais rien, mais je ne veux pas me lancer dans un tel débat.

Le sénateur Carney: C'est une question importante, puisque l'OMC a déclaré que la loi n'est pas conforme au droit international.

Le président: Mais quel est le recours? Je n'en vois aucun.

M. Allan: À mon avis, le Congrès devrait abroger la loi. Mais, politiquement parlant, la possibilité que cela arrive à court terme est nulle. Comme l'a mentionné le sénateur Carney, le Congrès prend les décisions en matière de droit commercial et de politique et il ne va rejeter cette loi pour rien au monde.

Le président: Le Congrès est souverain.

M. Larsen: Je ne suis pas un avocat américain, mais je crois savoir que l'amendement Byrd était une clause ajoutée à un autre énorme texte législatif et qu'on pourrait tout simplement le remplacer par une autre clause additionnelle.

Le président: Oui, mais le problème c'est qu'il doit être abrogé par le Congrès.

M. Larsen: C'est exact.

Le sénateur De Bané: Je dois dire à nos trois éminents témoins que je regrette beaucoup l'absence des médias de la province qui devraient entendre le témoignage de ces experts de premier plan.

Le président: Je pense que les médias sont présents.

Le sénateur De Bané: Ils ne sont pas assez nombreux. Je suis certain que les meilleurs médias sont là, mais c'est dommage qu'ils n'y soient pas tous, car c'est une question si importante et vos exposés ont été si complets. J'aimerais poser trois brèves questions à nos trois éminents témoins.

À M. Larsen de Weyerhaeuser: Vous fonctionnez sous deux régimes, l'un aux États-Unis, l'autre au Canada. Il semble donc que cela soit possible. Vous êtes installés aux États-Unis depuis plus de 100 ans. Ici au Canada, le régime de style américain existe dans les Maritimes. À votre avis et puisque vous êtes implanté dans les deux pays, pourquoi ne serait-il pas réalisable de l'imposer dans d'autres provinces, en particulier en Colombie-Britannique? Pourquoi cela causerait-il de grands problèmes?

Deuxièmement, à l'intention de M. Flitton: j'ai vraiment été surpris par ce que vous avez dit à la page 10 de votre mémoire:

Le Canada n'avait apparemment aucun plan politique complet pour persuader l'Administration et le Congrès des États-Unis du bien-fondé de sa position. Il avait des atouts dans son jeu, mais il n'a pas semblé s'en servir. Ainsi, il aurait pu lier la question du bois d'œuvre à l'expédition d'autres ressources naturelles aux États-Unis, ou fixer des conditions à son appui pour leur politique internationale.

Vous affirmez qu'il n'y a aucun plan politique global apparent au Canada et j'aimerais entendre votre point de vue plus en détail sur cette question.

Monsieur Allan, votre maîtrise de ce dossier complexe m'a beaucoup impressionné et j'aimerais vous poser la question suivante: En supposant que les États-Unis étaient en mesure de répondre à tous leurs besoins en bois d'œuvre, ce qui n'est pas le cas, est-ce que vous maintiendriez malgré tout la position actuelle de négociation des dix plus grandes compagnies que vous représentez? Nous faisons grand cas du fait que les États-Unis ne sont pas autosuffisants et nous ne comprenons pas pourquoi ils se plaignent. Il faut peut-être se demander ce qui se passerait si nous voulions vraiment réaliser ce projet à long terme de votre vision d'une industrie du bois d'œuvre nord-américaine pleinement intégrée.

La dernière chose que j'aimerais vous dire à tous les trois est que nous avons été sidérés d'entendre la semaine dernière un professeur de l'Université Carleton à Ottawa nous déclarer que la question du bois d'œuvre n'était qu'un petit détail qui ne touchait qu'à peine 300 localités du Canada et qu'il ne fallait pas laisser ce détail déteindre sur la situation globale. Nous avons tous été absolument sidérés par ce genre d'attitude. Mais enfin, c'est peut-être ce que l'on pense dans certaines universités.

Le président: Nous avons tous été sidérés d'entendre cela.

M. Larsen: Vous avez dit que Weyerhaeuser existe depuis plus de 100 ans aux États-Unis et depuis 37 ou 38 ans au Canada où nous opérons en vertu des deux régimes dont nous comprenons les différences. D'après notre expérience du cycle commercial du bois d'œuvre depuis près de quatre décennies maintenant, nous savons que le rendement de nos investissements dans le bois d'œuvre au Canada est à peu près le même qu'aux États-Unis. Par conséquent, nous sommes profondément convaincus que les allégations de la coalition américaine ne sont pas justifiées et nous n'avons jamais accepté ni appuyé cette partie de leurs allégations. Nous ne pensons pas que les entreprises canadiennes sont subventionnées.

Nous proposons une solution de mise à l'enchère dans la région côtière de la Colombie-Britannique où nous sommes prêts à céder 25 p. 100 de nos permis, mais nous ne recommandons pas cette formule pour le reste du Canada où les exploitations ont des dimensions et des volumes plus grands que sur la côte. Nous ne pensons pas qu'il sera nécessaire, à la suite des négociations, de mettre en place un processus de ventes aux enchères dans chaque province tout simplement pour valider les prix sur le marché des billes et du bois d'œuvre. Nous pensons que cette réclamation des États-Unis est tout à fait symbolique. Ils nous disent: «Vous ne pouvez tout simplement pas vous contenter d'un système administré dans certaines provinces. Nous voulons un mécanisme de marché qui soit transparent et qui permette suffisamment de transactions en pleine concurrence afin de nous convaincre que le prix du bois d'œuvre canadien est établi de manière équitable.» Nous sommes prêts à étudier cet argument pour eux. Sinon, comme l'a dit M. Allan, les contestations ne cesseront de s'accumuler, puisque les Américains considèrent que notre système est dépourvu de mécanismes de marché. Je pense que nous pourrions appliquer un mécanisme de marché dans plusieurs provinces du Canada. Si l'on procédait à des ventes aux enchères dans le nord de la Saskatchewan, le plus souvent, nous serions le seul soumissionnaire véritable, puisque nous sommes les seuls à posséder des installations dans un rayon de 200 milles. Est-ce qu'une vente aux enchères serait possible dans cette région? Nous ne le pensons pas, mais il y a d'autres endroits où ce serait possible. Nous pouvons affirmer qu'il serait possible d'établir un processus de vente aux enchères dans d'autres régions afin de valider les prix du bois d'œuvre sur le marché, et c'est ce que nous proposons pour des régions autres que la côte de la Colombie-Britannique. Cela nous permettrait de présenter aux Américains un processus commercial transparent au Canada.

M. Flitton: Ma question portait sur l'absence de plan politique complet au Canada. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, lorsque l'Accord sur le bois d'œuvre est parvenu à échéance en 2001, nous savions depuis cinq ans qu'il faudrait le remplacer par un autre accord. On arrive donc à la conclusion inévitable que nous aurions été beaucoup mieux placés si nous avions disposé, à l'échéance, au printemps 2001, d'un plan très complet sur la façon d'aborder cette question. Nous avons été très déçus de ne pouvoir nous appuyer sur aucun plan.

Les Industries Doman sont représentées à Washington par un avocat — en fait plusieurs, mais nous en avons un en particulier qui a lui-même siégé au Congrès pendant 12 ans. Il a de très bons contacts. Je peux vous dire que lorsque j'étais à Washington, il a pu me faire rencontrer le vice-président des États-Unis. Il a permis à Rick Doman et moi- même de rencontre Max Baucus. Il a ouvert pour nous beaucoup de portes qui seraient restées fermées sinon et les mots contenus dans ce paragraphe sont de lui. Il est vraiment convaincu que le Canada pourrait tout d'abord bénéficier de meilleurs conseils juridiques que ceux qu'il obtient actuellement dans certains domaines. Il estime que le Canada aurait dû disposer d'une politique plus ferme sur la question et qu'il aurait dû être plus agressif au départ.

Nous sommes en contact avec les représentants de l'industrie de toutes les régions du pays. J'ai été déçu par mes rencontres avec nos cohortes de l'industrie du Québec, de l'Ontario, de l'Alberta et des autre provinces. Ce matin, nous parlions, John et moi d'un négociateur de premier plan de l'équipe canadienne qui ne dit pas la même chose pendant les réunions et à l'extérieur. J'ai toujours pensé qu'il fallait régler cette question au Canada en réunissant tous les intervenants dans une même pièce jusqu'à ce qu'ils parviennent à un consensus sur la direction que nous devrions prendre, plutôt que de réagir de façon ponctuelle. Aujourd'hui, le Canada a fait des déclarations au sujet des ressources naturelles. Il s'est prononcé en matière de politique commerciale internationale, mais ces déclarations sont adaptées aux besoins du moment. Il n'existe aucun plan complet en la matière.

Je crois que le ministre Pettigrew a plaidé devant votre comité en faveur de plus grandes ressources politiques à Washington pour permettre au gouvernement canadien de mieux faire face à l'industrie là-bas. J'ai un fait divers à vous raconter. Je me suis présenté dans un grand cabinet d'avocats des États-Unis n'ayant aucun lien avec une compagnie canadienne de notre industrie ni avec cette question particulière et j'ai demandé à parler à leur avocat expert en droit commercial. «J'aimerais vous poser une question, lui ai-je dit. À votre avis, quelles sont les chances du Canada de régler ses différends commerciaux avec Washington?» Elles ne sont pas bonnes et c'est bien dommage. Si nous pouvions résoudre ces questions, je crois que l'industrie du bois d'œuvre s'en porterait mieux, de même que l'industrie du blé, celle de l'acier, et cetera et j'espère que c'est là un sujet de réflexion que vous pouvez prendre en considération. Merci beaucoup.

M. Allan: Ma première question était la suivante: Si les États-Unis étaient autosuffisants en matière de bois d'œuvre, est-ce que nous conserverions la même position de négociation? C'était, je crois, le fond de votre question et je peux répondre brièvement par l'affirmative. Même si les États-Unis étaient autosuffisants en matière de bois d'œuvre, ils continueraient d'avoir besoin de certains types et de certaines qualités de bois que l'on ne retrouve qu'au Canada. Toutes les roses sont différentes, tous les morceaux de bois aussi. Le bois d'œuvre que Western SPF produit dans cette province est un produit de qualité supérieure. Canfor est le plus grand fournisseur de bois d'œuvre de Home Depot. Des compagnies comme Weyerhaeuser et Doman fournissent des produits de cèdre. Elles aussi sont concernées par le litige. Ce ne sont pas des producteurs de bois d'œuvre, mais le marché pour ce type de produit est énorme aux États- Unis.

Dans votre deuxième question, vous vous demandiez pourquoi les États-Unis se plaignent tant? Tout est une question de part de marché. Traditionnellement, notre part sur le marché américain est d'environ 33, 34 ou 35 p. 100 et lorsque nous dépassons ce pourcentage, l'industrie américaine du bois d'œuvre s'énerve. Dans les années 70, notre part du marché était inférieure à 20 p. 100. Elle a augmenté rapidement en raison de l'expansion du marché et du retrait de certains terrains forestiers exploitables aux États-Unis pour des raisons environnementales. J'en ai parlé dans mon exposé. La coalition du bois d'œuvre américaine regroupe deux types de compagnies. Il y a les propriétaires de terrains forestiers exploitables et les petites scieries indépendantes. Ces dernières sont situées surtout dans le sud des États-Unis et ce sont des entreprises plus petites et relativement moins efficaces que nous. Je regrette de vous inonder tout le temps de chiffres, mais en Colombie-Britannique, 70 p. 100 de nos scieries produisent chaque année 50 millions de pieds de bois d'œuvre ou plus. Dans le sud des États-Unis, 70 p. 100 des scieries produisent moins de 50 millions de pieds. Notre efficacité supérieure, nos économies d'échelle, nos facteurs de rétablissement forestier comptent parmi les meilleurs du monde. Notre industrie est vraiment moderne, efficiente et bien gérée, en particulier dans la région intérieure de la Colombie-Britannique et nous pouvons soutenir n'importe quelle concurrence aussi, lorsque les Américains voient nos parts de marché augmenter, ils imposent des tarifs, des quotas, des surtaxes. Selon la théorie, tout cela entraîne une augmentation du prix du bois d'œuvre. La théorie veut que cela augmente la valeur des exploitations forestières, que les terres à bois ont une plus grande valeur comptable et que les propriétaires de petites scieries indépendantes américaines ont plus de chances d'obtenir un meilleur rendement puisque le bois d'œuvre coûte plus cher. Les scieries indépendantes sont à la merci des propriétaires de terres forestières aux États-Unis car, lorsque ces derniers n'en obtiennent pas assez pour leur bois, ils le retirent du marché en attendant que les prix augmentent.

Il semble qu'il faut un an au marché américain pour s'adapter, alors qu'au Canada il suffit de quelques mois. J'ai parlé de tout cela il y a quelques temps. C'est uniquement une question de parts de marché et de prix.

Le sénateur Carney: Rappel au règlement. J'aimerais rajouter un commentaire à la question soulevée par le sénateur De Bané. On nous demande souvent pourquoi le MAECI n'agit pas de manière plus énergique. Je regrette de venir à la défense du gouvernement libéral, mais j'ai moi-même occupé les fonctions de M. Pettigrew et j'aimerais souligner pour les besoins du compte rendu que les forêts relèvent de la compétence provinciale. La politique commerciale est fédérale, mais les forêts relèvent de la compétence provinciale et l'industrie, c'est l'industrie. L'industrie n'appartient pas au gouvernement. Avant l'expiration de l'Accord sur le bois d'œuvre de 1996, Doug Waddell, «M. Bois d'œuvre» comme on l'appelle au ministère, qui a consacré la plus grande partie de sa carrière à cette question, s'est rendu dans toutes les régions du pays, dans toutes les provinces, pour rencontrer les groupes du secteur, pour leur poser la question suivante: «Que souhaitez-vous que l'on fasse lorsque l'entente parviendra à échéance?» Il me l'a raconté personnellement. À l'époque, à tort ou à raison et peut-être naïvement, on ne s'attendait pas à ce que la coalition récidive et, de manière générale, les provinces répliquaient: «Merci beaucoup, mais nous ne prévoyons pas d'autres problèmes dans ce dossier. Le libre-échange va tout régler.» Notre consul général à Seattle m'a dit la même chose. «Pourquoi vous inquiétez, Pat? Vous remuez toujours ciel et terre, mais en fait, il n'y aura aucun problème.» De son côté, l'industrie affirmait: «Nous remercions le ministère, mais rien n'indique que le dossier sera réactivé et nous pensons que nous nous dirigeons vers le libre-échange.»

C'était très décevant pour le MAECI qui avait fait des consultations et ensemble, l'industrie, le gouvernement et les provinces n'ont rien vu venir dans leur boule de cristal. Je tenais à le préciser, monsieur Flitton, car je sais que les gens sont déçus de part et d'autre. Les provinces n'appartiennent pas au MAECI. Le MAECI ne peut pas se substituer au gouvernement et je tiens à le souligner pour le besoin du compte rendu, il ne peut répondre qu'aux demandes qui lui sont adressées.

Le président: Je crois que c'est un commentaire très important, sénateur.

Le sénateur Di Nino: À mon avis, c'est suffisamment important pour que nous demandions le point de vue de nos collègues afin que nous puissions nous y reporter lors de la préparation d'un rapport.

M. Flitton: J'aimerais tout simplement préciser que je sais qu'il existe un certain découragement au sein du gouvernement canadien. Je sais que le ministre est plutôt découragé par ce dossier. Les provinces ont beaucoup d'autonomie, puisqu'il s'agit d'une industrie forestière provinciale et c'est très difficile d'amener toutes les provinces à suivre une même ligne de pensée.

D'après ce que je sais, Doug Waddell ou Doug Ketchison, un des deux, avait écrit une lettre afin de sonder l'industrie au sujet des questions susceptibles de surgir dans ce domaine. Je ne pense pas que les industries Doman l'avait reçue. À ma connaissance, Doman n'était pas intervenu. Si nous l'avions fait, nous aurions peut-être tenté de les convaincre du contraire. Je sais qu'au tout début j'ai essayé de leur présenter notre point de vue, mais ils n'étaient pas d'accord avec vous.

Quoi qu'il en soit, cela ne change rien au fait que nous savions depuis cinq ans que l'accord parviendrait à échéance et qu'il fallait trouver une autre solution. Nous n'avons rien prévu pour le remplacer et c'est bien dommage. Je n'en fais reproche à personne en particulier. J'en accepte une part de responsabilité, mais je pense qu'en général cette situation a divisé le Canada, nous a affaiblis et a réduit notre capacité à améliorer notre situation.

M. Larsen: Ma première réaction aux commentaires du sénateur Carney est que tous les intervenants de l'industrie forestière n'ont pas d'autre choix que de garder leur optimisme. Ils doivent toujours espérer que les choses vont s'améliorer et que les problèmes vont finalement se résoudre. Comme vous, nous apprécions le bon travail de M. Pettigrew dans ce dossier très difficile. Il est très difficile d'obtenir un point de vue commun dans cette industrie au Canada, d'amener tous les intervenants à agir dans la même direction et même à s'entendre sur ce qui devrait être fait. J'ai énormément de sympathie pour le gouvernement fédéral dans le défi auquel il fait face dans ce dossier. La situation est très complexe et le sénateur Carney a dû elle-même tenter de comprendre les complexités et les particularités de cette industrie ainsi que la complexité du bois d'œuvre lui-même. J'ai beaucoup de respect pour Doug Waddell et j'accepte son commentaire — tout le monde avait tort, une fois de plus. Nous espérions tous que cette approche dirigée nous ferait gagner plus de cinq ans, mais ce ne fut pas le cas.

M. Allan: Rétrospectivement, tout paraît facile et clair. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral avait beaucoup de choix. Lors de la négociation de l'Accord sur le bois d'œuvre, vers 1998, on peut dire qu'il était le souffre-douleur. En 1998, le marché était déprimé aux États-Unis et à l'étranger et l'Asie traversait une crise économique. Les compagnies qui n'avaient pas de quota ont tenté en vain d'expédier du bois aux États-Unis. Par conséquent, elles se sont farouchement opposées à l'établissement de quotas. Au Canada, cet argument était avancé par un regroupement appelé Free Trade Lumber Council. Je n'ai pas l'intention de le dénigrer, mais il faut le mentionner. Même au sein de mon groupe, certains éléments qui disposaient d'importants quotas se sont prononcés contre la prolongation ou le renouvellement de cet accord. Dès le départ, la situation se présentait mal, puisqu'il y avait au Canada deux catégories d'exportateurs de bois, ceux qui disposaient de quotas et ceux qui n'en avaient pas. Pendant les années au cours desquelles les quotas se sont appliqués, notre capacité à exporter était limitée, mais les prix étaient relativement plus élevés. Voilà l'effet que produisent les quotas.

L'entente est parvenue à échéance le samedi 31 mars 2001 et la coalition a déposé sa pétition le lundi 2 avril. Comme le disait le sénateur Carney, nous savions qu'une pétition était en préparation, mais nous n'avons pas pu nous organiser dans l'industrie, entre l'Est et l'Ouest, le MAECI, et cetera. J'ai assisté aux réunions de Doug Waddell. Il nous a adressé la parole ici au cours d'une réunion publique. Je l'ai connu lorsque j'étais au gouvernement. C'est un fonctionnaire intelligent et de premier ordre, un grand travailleur qui connaît bien ses dossiers. Mais il avait les mains liées. Ne croyez surtout pas que j'essaie de justifier l'attitude d'Ottawa...

Le sénateur Carney: Surtout pas.

Le président: Je pense que personne ne veut le faire.

M. Allan: — mais il faut reconnaître que l'industrie canadienne lui a demandé de ne pas négocier et que c'est seulement beaucoup plus tard que les représentants de l'industrie ont rencontré M. Pettigrew et qu'ils lui ont demandé d'entamer des négociations. Cela a mené au processus que M. Flitton a mentionné, sous la direction de l'ancien gouverneur du Montana, Marc Racicot. Quand il s'est présenté, nous avons eu l'impression qu'il était l'homme de la situation. Il apportait une bouffée d'air frais. Il allait résoudre le problème. Ensuite, il a été confronté lui aussi à la réalité, il a compris que c'est la coalition qui fait la loi dans ce dossier et qu'elle avait choisi de ne pas négocier avec nous jusqu'au printemps dernier, il y a un an. Le gouverneur Racicot a fait les frais de la situation. Il a disparu et on ne l'a plus jamais revu. Nous traitons maintenant avec un fonctionnaire supérieur de l'administration, Grant Aldonas, sous-secrétaire au Commerce, qui cherche une solution autre que judiciaire et c'est actuellement à cela que nous consacrons notre énergie.

À mon avis, la coalition a suffisamment de poids politique pour bloquer n'importe quelle entente. Par conséquent, ce sont les impacts économiques sur la coalition qui peuvent les inciter à négocier et cette incitation existe actuellement, c'est aussi simple que cela.

Le sénateur Setlakwe: J'ai trois questions brèves. La première s'adresse en partie à mon collègue Pierre De Bané et se rapporte à vos remarques, monsieur Flitton, au sujet de la position du gouvernement canadien. Est-ce que l'un d'entre vous sait exactement quand le gouvernement va aboutir à une conclusion, parce que, selon la machine à rumeurs, le gouvernement est sur le point de conclure une entente avec les Américains, mais je me demande dans quelle mesure c'est exact?

Ma deuxième question concerne la taxe dégressive à la frontière qui est une taxe à l'exportation. Je crois que ma collègue, le sénateur Carney, s'y était beaucoup intéressée lorsqu'elle était ministre et le sénateur Austin m'a appris ce matin que la taxe à l'exportation ne serait pas remise aux entreprises. Les Américains n'accepteraient jamais qu'elle soit remise aux entreprises. En revanche, si nous parvenons à conclure une entente négociée, les droits compensateurs et les pénalités pour dumping seront remis aux entreprises.

Ma troisième question porte sur les importations européennes. Dans quelle mesure la situation est-elle permanente et où en sont les exportations de bois d'œuvre à l'Union européenne? Ils exportent vers les États-Unis. Est-ce que nous leur exportons quelque chose?

M. Flitton: Je vais commencer par votre dernière question si vous n'y voyez pas d'inconvénients, celle qui concerne les importations européennes. Les producteurs internationaux jouent essentiellement un très petit rôle sur le marché américain. Certains d'entre eux ont augmenté leurs exportations de 250 p. 100 par rapport à leurs expéditions antérieures vers les États-Unis, mais ils continuent d'être des intervenants relativement mineurs.

En passant, Rick Doman était invité à venir témoigner aujourd'hui et je parle en son nom, puisqu'il n'a pu venir. Rick est actuellement en Europe où il étudie la possibilité d'élargir le marché européen pour l'exportation de produits du bois.

Quelles sont les possibilités pour le Canada de vendre du bois dans les autres parties du monde?

Comme le sénateur Carney l'a très bien expliqué un peu plus tôt, la forêt est composée de sapins, de pruches, de cèdres, de résineux, d'arbres à feuilles caduques, de conifères — tout un assortiment. Quand on fait l'abattage du bois, on ne fait pas le tri. On n'abat pas un arbre particulier, on prend tout l'assortiment. Notre marché est tel que nous ne pouvons vendre certaines billes de bois qu'aux États-Unis. C'est le seul marché que nous avons pour ce type de bois. Et si nous voulons vendre nos produits ailleurs dans le monde, nous devrons toujours réserver un certain pourcentage au marché américain.

Certains pays du monde ont le potentiel de devenir d'énormes marchés sur lesquels nous souhaiterions écouler notre bois. La Chine en est un exemple. Cependant, l'idée d'utiliser du bois d'œuvre n'a pas encore fait son chemin dans ce pays. Les Chinois utilisent du bois rond et il faudra vraiment toute une adaptation sociale pour qu'ils se fassent à l'idée d'utiliser plutôt du bois de construction. Cela prendra du temps. Il ne sera pas facile de développer d'autres marchés internationaux.

Si nous optons pour une taxe canadienne à la frontière, l'argent récolté ira au gouvernement du Canada et les États- Unis exigent qu'il ne soit pas remis à l'industrie forestière, en Colombie-Britannique ou ailleurs. Les droits actuels sont versés dans un fonds à la frontière et sont donc en possession des États-Unis. On n'a pas encore décidé de quelle façon ils seront répartis, s'ils seront versés à l'industrie américaine, à l'industrie canadienne ou aux gouvernements. La décision n'a pas encore été prise et fera l'objet de négociations, mais John peut en parler mieux que moi.

Enfin, votre premier commentaire portait sur la possibilité d'une entente. Je serais très surpris que l'on aboutisse prochainement à une entente. J'espère que ce sera possible, mais je peux vous dire que nous avons, John et moi, participé à une réunion à Washington au cours de laquelle nous étions persuadés de pouvoir conclure une entente avant la fin de l'après-midi. Il s'est avéré que nous en étions très loin. Au fond de moi, je suis assez pessimiste quant à la conclusion d'une entente, mais je peux vous dire que je suis très confiant car il y a de part et d'autre une volonté d'aboutir à un accord dans les prochaines semaines. Si l'entente est possible, nous y parviendrons, mais nous avons encore de nombreux obstacles à franchir.

M. Larsen: Sénateur Setlakwe, j'ai écouté attentivement M. Flitton répondre à votre première question, parce que moi aussi je suis intéressé à savoir. Je pense que nous traversons actuellement une période importante pour la politique électorale américaine et nous y pensions beaucoup lorsque Weyerhaeuser a déposé sa proposition l'an dernier. Nous pensons que la période située entre le début et le milieu de l'année est sans doute un moment propice pour obtenir une entente. Nous pensons que si les négociations n'aboutissent pas, la politique électorale et présidentielle américaine va anéantir toutes nos chances d'une entente négociée et nous n'aurons plus d'autres solutions que le recours judiciaire. C'est pourquoi nous croyons que cela vaut la peine de concentrer nos efforts et d'entreprendre maintenant une importante initiative en vue de conclure une entente. La coalition semble vouloir négocier, comme l'a dit M. Allan et nous bénéficions d'un créneau politique favorable.

Pour ce qui est de la taxe à la frontière, c'est vrai que les entreprises ne récupèrent pas l'argent mais nous pensons, en tant qu'entreprises établies aux États-Unis qui œuvrent au Canada, qu'il est de loin préférable que l'argent soit au moins gardé au Canada et qu'une partie soit, espérons-le, réinvestie dans les ressources forestières publiques, comme cela avait été le cas la dernière fois que le Canada avait appliqué une taxe à la frontière. Au moins, les contribuables canadiens pouvaient ainsi récupérer une partie de leur avoir sous la forme du reboisement des forêts publiques. Rien que pour cela, nous estimons que c'est utile. Cet argent ne nous reviendra pas et c'est une chose que nous acceptons.

Quant aux importations européennes de bois d'œuvre, nous pensons qu'elles diminuent un peu et qu'elles suivent véritablement les taux de change. L'euro et les autres devises européennes comme les devises scandinaves ont légèrement perdu de leur valeur. La chute a été plus grande qu'au Canada. La fluctuation du taux de change américain peut nous faire aussi beaucoup de tort, mais actuellement l'Europe souffre plus que nous et nous constatons une réduction du volume européen. En cas de renversement, nous pensons être prêts à en prendre avantage.

Depuis longtemps, nous nous efforçons de consolider nos marchés du bois d'œuvre en Europe et nous tentons toujours de les conserver. Nous avons de bons marchés en Europe pour certaines espèces de la côte. Nous recherchons toujours de nouveaux débouchés sur ces marchés. La question du bois d'œuvre nous distrait un peu actuellement, mais je pense que vous avez raison et que la solution à long terme consiste à conquérir des marchés plus diversifiés pour les produits du bois canadien.

M. Allan: Sénateur Setlakwe, je n'ai pas grand-chose à ajouter aux commentaires de mes deux collègues. Je prends à mon compte tout ce qu'ils ont déclaré. Je pense qu'actuellement les conditions sont réunies pour aboutir à une entente, mais le créneau est étroit et nous avons encore du chemin à faire. Je souscris à 100 p. 100 à tous les autres commentaires.

M. Flitton: Permettez-moi d'ajouter que toutes nos attentes reposent sur John Allan pour aboutir à une entente.

Le sénateur Setlakwe: J'ai une question concernant la taxe à l'exportation. J'ai l'impression que le gouvernement est et a toujours été contre. Pourquoi?

M. Allan: Encore une fois, je reviens au moment dont parlait le sénateur Carney un peu plus tôt, c'est-à-dire lorsque le MAECI s'est adressé aux entreprises canadiennes pour leur demander ce qu'elles souhaitaient et s'est fait répondre: «Nous voulons le libre-échange. Nous allons porter l'affaire devant les tribunaux et nous allons avoir gain de cause. Nous allons obtenir le libre-échange.» Pratiquement toutes les entreprises canadiennes étaient de cet avis. Selon moi, le Free Trade Lumber Council avait une position extrême. Au sein de mon groupe, on pensait plutôt que pour obtenir le libre-échange, il fallait peut-être disposer auparavant d'un accord provisoire. Il faut peut-être avoir certaines dispositions en place pour pouvoir instaurer le libre-échange, soit par règlement judiciaire, soit par négociation en vue d'un changement de politique, parce que l'industrie et le gouvernement des États-Unis préconisaient, en 1990 et 1991, vers la fin de l'Accord sur le bois d'œuvre, d'éliminer la gestion du bois. Ils privilégiaient un marché parfaitement concurrentiel. Évidemment, on pouvait penser que ce point de vue de la coalition américaine était un peu cynique. Elle nous demande d'adopter un régime de gestion forestière qui n'existe pas dans son pays. Elle nous réclame des changements extrêmes et c'est à ce moment-là que M. Pettigrew a décidé de porter l'affaire en justice, et il a eu tout à fait raison. Il ne voulait absolument pas négocier une taxe à la frontière. Il nous fallait une solution permanente à long terme et il nous paraissait à l'époque que l'imposition d'une taxe à la frontière serait oubliée sitôt après avoir été négociée, tout comme ce fut le cas pour l'Accord sur le bois d'œuvre. Dès que l'accord a été signé, nous avons poussé un soupir de soulagement, nous sommes rentrés chez nous et nous n'en avons plus parlé. Lors des négociations de l'Accord sur le bois d'œuvre en 1995 et 1996, l'application de quotas est apparue comme une solution temporaire qui nous permettait de négocier un changement de politique à long terme pour obtenir le libre-échange. Le problème, c'est que chaque fois que nous avons une entente provisoire, nous n'obtenons jamais une solution à long terme.

Cette fois, le département du Commerce a insisté pour que l'on vise d'abord une solution à long terme et que l'on se penche ensuite sur la question de la taxe. Je crois que M. Pettigrew est à l'écoute de l'industrie et c'est ce qu'elle souhaite actuellement au Canada. Mettons en place une solution à long terme. Nous allons maintenir notre recours devant les tribunaux de manière à activer les négociations et la question de la taxe sera au second plan.

Le sénateur Austin: Votre présentation des choses est tout à fait exacte, mais à titre de complément, j'aimerais ajouter qu'il y a eu une réunion à Ottawa en février 2001 à laquelle je participais moi-même, afin d'étudier la position du gouvernement fédéral et l'industrie du bois d'œuvre a présenté la position que vous avez décrite. Les provinces et l'industrie avaient l'impression de saisir une possibilité d'obtenir une entente de libre-échange et ne souhaitaient pas envisager une taxe à la frontière, bien que cela avait été suggéré. Il était clair à ce moment-là qu'il serait acceptable pour la coalition de passer d'un système de quotas à une taxe à l'importation, mais l'industrie canadienne n'y était pas favorable et nous avons manqué notre chance. Le MAECI a pris note des instructions, si je peux m'exprimer ainsi, ou du consensus entre l'industrie et les provinces et je ne vois pas comment il aurait pu agir autrement. Il lui était impossible de ne pas tenir compte du point de vue des régions qu'il représentait. Dans notre système, la dimension fédérale-provinciale rend les négociations extrêmement complexes, alors qu'aux États-Unis les États n'interviennent pas entre la coalition, l'industrie et le département du Commerce.

Parmi les différents points que j'aimerais aborder, il y a surtout deux questions qui me préoccupent. Premièrement, je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Flitton lorsqu'il mentionne, à l'avant-dernière page de son exposé, qu'il faudrait établir un lien avec d'autres enjeux commerciaux canado-américains. On propose à l'occasion de lier certaines choses lorsque le mécontentement se fait sentir dans l'industrie forestière, mais j'espère qu'on se rendra compte après réflexion que l'établissement de tels liens aurait des conséquences très graves sur l'industrie forestière dans une situation inverse, si par exemple une autre industrie cherchait à se prévaloir de notre politique forestière pour favoriser la vente de tomates ou d'autres produits. C'est une notion qui passe très bien dans un message politique, mais je suis certain qu'elle n'est pas intéressante.

Par exemple, l'industrie des ressources naturelles de Colombie-Britannique et d'Alberta se sont carrément opposées à l'idée d'inclure dans les négociations l'exportation de pétrole et de gaz ou la construction d'un pipeline nord-sud. Je ne pense pas que l'établissement de liens soit dans l'intérêt du Canada. Je viens, monsieur Flitton, d'exprimer mon point de vue, plutôt que de vous poser une question.

Par ailleurs, un des buts de notre comité est de présenter des recommandations au sujet de notre position globale en matière de politique commerciale. Existe-t-il des moyens qui nous permettent d'améliorer notre position multilatérale et notre position sectorielle à partir d'un processus multilatéral? Par exemple, est-ce que Doha a une incidence sur l'industrie forestière de Colombie-Britannique? Si c'est le cas, de quelle manière pourrions-nous représenter vos intérêts pendant les négociations de Doha? Est-il possible de se prévaloir des modalités de l'ALENA pour mettre en place un meilleur mécanisme de règlement des différends ou pensez-vous que les relations commerciales de l'industrie forestière sont si particulières qu'elles devraient faire l'objet de dispositions spécifiques? En fait, ce sont deux questions que je vous pose.

M. Flitton: Permettez-moi de faire un bref commentaire au sujet des liens. Je respecte entièrement votre point de vue. Je sais que j'ai donné des détails précis, mais je peux vous dire que de manière générale nos très sages et très savants avocats aux États-Unis estiment que le premier ministre canadien devrait insister auprès des États-Unis sur la gravité de ces questions, qu'il faut leur trouver une solution et qu'elle devraient être inscrites à l'ordre du jour plus vaste des négociations canado-américaines. Je n'ai pas l'intention de vous dire comment cela devrait se faire, et cela m'amène à la deuxième partie de votre question qui concerne l'ALENA et Doha.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que je suis fermement convaincu qu'il serait très utile d'étudier le processus que nous avons suivi, de l'analyser et de dialoguer avec certains intervenants clés afin de définir ce qu'on peut faire pour améliorer à l'avenir les relations entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

À mon avis, le Canada a fait de l'excellent travail en portant cette cause devant les tribunaux de l'OMC et de l'ALENA, mais le résultat ne semble pas avoir été assez catégorique et c'est une question qu'il faut résoudre d'une manière ou d'une autre, mais je n'ai pas de réponse à vous offrir.

Le sénateur Austin: Je pense que vous avez mis le doigt sur le point critique en matière de négociation. Si nous l'emportons à l'OMC, nous aurons le droit d'appliquer des mesures de rétorsion. Pouvez-vous imaginer le Canada imposant des mesures de rétorsion aux États-Unis? À quel produit interdirions-nous l'accès à notre marché? Est-ce que nos électeurs canadiens accepteraient d'être privés de salade, d'oranges ou de pamplemousses en hiver? Sur quel autre produit pourraient porter nos mesures de rétorsion? Le problème, c'est que nous ne pouvons pas imposer aux États- Unis des mesures qui les touchent vraiment, alors qu'eux peuvent le faire.

M. Flitton: Les gens me demandent pourquoi le Canada n'adopte pas une position plus ferme à l'égard des États- Unis. Moi je leur réponds qu'il ne faut pas oublier que ce sont nos clients et que ce n'est pas une façon de traiter des clients. Nous avons parlé de tout ça lors de réunions à Washington, D.C. avec d'éminents avocats. Ils nous ont dit que le Canada devrait notamment renforcer ses efforts de lobbying au Sénat où ils sont loin d'être suffisants.

Max Baucus a présenté l'argument de la coalition. C'est un homme très bien, très impressionnant, que j'ai eu l'occasion de rencontrer en réunion. John Ragosta est le principal avocat de la coalition américaine depuis 25 ans et M. Baucus nous a dit: «Dans cette affaire, vous n'êtes pas très réalistes.» Je lui ai répondu: «Non, ce n'est pas vrai. C'est Ragosta qui n'est pas réaliste dans toute cette affaire.» Il m'a regardé et il m'a dit: «Qui est Ragosta?» J'ai failli tomber en bas de ma chaise. Je n'en croyais pas mes oreilles.

Le sénateur Austin: Quelqu'un a-t-il des commentaires à formuler au sujet des négociations de Doha ou d'un régime commercial spécial autre que l'ALENA pour l'industrie forestière?

M. Larsen: Certainement, nous sommes intéressés par les négociations de Doha. Les États-Unis sont un marché naturel pour un important volume de bois canadien, tant sur le plan de la valeur que de l'accès, compte tenu de la nature du produit et de la possibilité de le transporter sur de longues distances. Nous sommes très bien placés pour occuper une position dominante, celle du principal fournisseur de bois d'œuvre du marché américain, marché qui est sous bien des égards le plus lucratif et le plus convoité du monde. Cependant, nous espérons bien diversifier nos marchés.

Pour le meilleur ou pour le pire, je pense que les dispositifs de règlement des conflits de l'ALENA ne peuvent plus rien désormais pour le bois d'œuvre. Je pensais un peu plus tôt aux étonnants commentaires de ce professeur qui jugeait tout cela sans importance. J'entendais quelqu'un dire que les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis sont de l'ordre de 350 milliards de dollars par an, bien que je ne sois pas certain que ce chiffre soit exact, et la controverse porte sur un pan de 50 milliards de dollars. Par conséquent, en tentant de trouver une solution pour les 50 milliards de dollars, il ne faudrait pas nuire au reste des échanges commerciaux qui se portent bien actuellement. Le libre-échange donne-t-il de bons résultats? Peut-être, mais il ne fait pas bon se trouver dans le secteur controversé des 50 milliards de dollars et c'est là où nous sommes pris depuis 20 ans.

Dans la mesure où on peut modifier le mécanisme de règlement des différends en vertu de l'ALENA sans porter préjudice au reste, nous pensons que le Canada devrait envisager de telles options, mais il est difficile de tirer les leçons de toutes les expériences que nous avons vécues tous les trois depuis 20 ans et de savoir comment il faut s'y prendre exactement pour modifier la politique et les mécanismes de règlement des différends. Je ne sais pas par où commencer.

M. Allan: Nous avons été consultés au sujet de Doha. Nous présentons des commentaires au MAECI. Je ne pense pas que nous devons nous démener le plus possible pour exprimer notre point de vue dans ces instances commerciales multilatérales.

Je suis d'accord avec M. Flitton. Sur le plan économique, nous sommes relativement peu puissants par rapport aux États-Unis, mais j'ai pensé également, sénateur Austin, qu'il existe déjà un régime commercial spécial pour le bois d'œuvre. Chaque fois, le bois d'œuvre se fait fourrer; excusez l'expression. J'ai vu la correspondance du président Reagan à Bob Packwood de l'Oregon dans laquelle il écrivait «Ne vous inquiétez pas Bob, nous allons régler son compte au bois d'œuvre.»

Le bois d'œuvre est un dossier politique et Washington est une ville politique. C'est pourquoi, je partage le point de vue de M. Flitton. Si Ottawa pouvait consacrer plus de temps, d'énergie et de ressources aux activités politiques à Washington, je pense que ce serait de l'argent bien dépensé. Nous avons un programme assez bon et dynamique financé par Ottawa dispensé par l'Association des produits forestiers du Canada. Nous y participons, tout comme M. Larsen. C'est un programme très efficace, mais il a commencé un peu trop tard. Nous avons fait des interventions au Capitole. Nous avons publié des publicités. On connaît mieux le bois d'œuvre, mais comme l'a dit M. Flitton, certains membres de l'administration américaine, certains politiciens américains en ont entendu parler, mais d'autres pas. Il y a des sénateurs et des membres du Congrès qui signent des lettres sans même savoir la plupart du temps où se trouve le Canada. Pour eux, c'est tout simplement un dossier politique qui se règle par une mesure politique.

Le sénateur Carney: J'aimerais faire un commentaire et poser ensuite une question. Pour faire suite à l'intervention du sénateur Setlakwe, je voulais préciser que lorsque je m'occupais de ce dossier, nous avions adopté la taxe à l'exportation afin d'éviter les mesures de rétorsion, parce qu'il était évident, comme nous le savons maintenant, qu'il est plus facile d'appliquer une mesure de rétorsion que de la supprimer. Par ailleurs, la taxe à l'exportation donnait aux provinces plus de temps pour modifier leurs politiques de coupe et de gestion afin de les rendre conformes, ce qu'elles ont fait, et nous avons conservé l'argent au Canada. Nous l'avons remis aux provinces. C'était une solution provisoire plutôt qu'à long terme. Toutefois, je tiens également à appuyer ce qu'a dit M. Allan. J'ai subi des attaques féroces, on m'a accusée d'ingérence dans les tribunes radiophoniques et l'industrie a affirmé que je créais des obstacles au libre- échange.

L'avertissement que je donnerais à vos négociateurs, c'est que les solutions qui font appel à l'instauration d'un marché concurrentiel ne sont pas des solutions gagnantes dans ce dossier et j'ai bien peur que les localités en feront les frais. Les répercussions sociales sur les collectivités ne relèvent pas de la responsabilité directe de l'industrie et je déplore que l'on n'en tienne pas compte dans ce dossier.

Monsieur Flitton, je sais que Gold River a atteint une certaine stabilité, mais sa population a fondu de moitié depuis que la scierie a cessé de fonctionner.

Si l'accord qui est en cours adopte les politiques énoncées par le bulletin du département du Commerce et dont le gouvernement de Colombie-Britannique tient compte dans sa position, il faut être bien clair sur ce qui se produira, parce que les liens entre le bois et les scieries d'une même région seront brisés et la collectivité perdra son approvisionnement assuré en bois de coupe.

Deuxièmement, les dispositions concernant les coupes permises qui exigent une coupe minimale, en partie par souci de gestion des forêts et en partie pour l'approvisionnement des scieries, seront éliminées et la loi du marché remplacera le système actuel de droit de coupe qui permet de contrebalancer les coûts sociaux.

Tant que nous ne connaîtrons pas mieux les répercussions des négociations sur les localités côtières, je ne pense pas que nous devrions nous satisfaire du cadre actuel. Voilà, je suppose que vous avez des commentaires à formuler.

M. Allan: Le sénateur Carney décrit avec beaucoup de précision les changements de politique que souhaitent les provinces. Je crois qu'elles souhaitent un système d'établissement des prix aux enchères selon lequel le prix du bois serait établi sur le parterre de coupe et non pas un système se fondant sur les billes de bois, comme M. Flitton en a parlé un peu plus tôt. Je crois qu'elles veulent éliminer ce qu'on appelle le contrôle des coupes, une règle qui impose un minimum et un maximum annuels aux compagnies forestières. Je crois qu'elles veulent éliminer ce qu'on appelle les clauses de «dépendance» dans le Forest Act et dans les documents et permis de traitement du bois, en vertu desquels un certain volume de bois doit être conditionné dans les scieries des environs.

En guise de réponse, je rappelle que le gouvernement a précisé — il y a quelque temps, mais pas dans le discours du Trône de la semaine dernière — qu'il mettrait sur pied un fonds de transition à la disposition des travailleurs et des localités pour lesquels les coûts d'adaptation seraient trop élevés.

Deuxièmement, les Américains pointent toujours ces trois secteurs dans les litiges commerciaux: les méthodes dites d'établissement du prix du bois, les exigences autorisées telles que les clauses de dépendance et le contrôle des coupes. En les éliminant et en adoptant un nouveau système, on pourrait penser qu'on serait protégés tout au moins contre d'autres contestations futures, quelle que soit leur nature politique. Grâce à de tels changements, nos chances seraient meilleures à l'ALENA et à l'OMC.

Troisièmement, le gouvernement provincial actuel a été élu avec le mandat d'effectuer ces changements et les ministres affirment publiquement depuis des mois que c'est la bonne façon de procéder. Je ne conteste pas le bien-fondé des préoccupations du sénateur Carney au sujet des travailleurs et des collectivités, mais je pense qu'il est indispensable que l'industrie forestière de Colombie-Britannique et du Canada dans son ensemble conserve une compétitivité relative et que ces barrières artificielles, si l'on veut, ne constituent sans doute pas la meilleure option pour l'avenir. C'est pour des raisons économiques que les scieries ferment leurs portes dans notre province et qu'elles continueront à le faire, avec ou sans de tels changements.

Le gouvernement a choisi cette option et je pense que le défi consiste à l'appliquer et à la gérer de la manière appropriée, plutôt que de s'y opposer.

Le sénateur Lawson: Permettez-moi de parler brièvement des aspects politiques de tout ceci avant les élections de mi- mandat aux États-Unis. J'ai eu l'occasion de revoir à Washington un vieil ami que j'ai connu là-bas et qui est un lobbyiste de choc. Il est très actif et il a le bras long et avec lui, nous avons parlé des relations canado-américaines. Il a soulevé certaines inquiétudes au sujet de l'administration Bush. Ils veulent augmenter les forages en Alaska, mais ils ne sont pas sûrs d'obtenir les autorisations nécessaires. Le président Bush a dit qu'il voulait être moins tributaire du Moyen-Orient et qu'il souhaitait développer les ressources en Amérique du Nord. Il a été assez surpris et satisfait d'entendre le premier ministre Chrétien, lors de leur rencontre, évoquer les réserves que nous avions dans les sables bitumineux, dans le Nord et ailleurs. Cela lui a beaucoup plu. Vous vous souvenez sans doute qu'à l'époque, au Canada, on encourageait le premier ministre et le gouvernement à faire preuve de plus de fermeté face au président Bush et à exiger qu'il fasse avancer le dossier du bois d'œuvre s'il souhaitait profiter de nos ressources. Je trouve moi- même qu'il y a un certain bon sens là-dedans et j'ai demandé à mon ami pourquoi le président américain ne ferait pas quelque chose pour régler ce différend très grave. Il m'a répondu: «Vous oubliez une très importante réalité politique. Vous ne savez peut-être pas que l'administration Bush a mis à l'œuvre une équipe de collaborateurs très fidèles dont la mission est de reprendre le contrôle du Sénat et du Congrès. La plupart des membres de la coalition viennent des États du Sud. Le président a besoin de leurs votes. Il est possible qu'il accepte d'apporter quelques changements cosmétiques au dossier, mais il ne fera rien qui risque de lui faire perdre ses votes dans le Sud. Voilà la réalité politique.»

Le sénateur Di Nino: Je suis très heureux de voir nos collègues, en particulier ceux de Colombie-Britannique prendre la direction des opérations dans ce dossier et je crois qu'ils ont fait de l'excellent travail aujourd'hui. Cela montre une fois de plus que nous avons beaucoup de talent au Sénat.

Ma question fait suite aux commentaires du sénateur Lawson et de M. Allan concernant le renforcement de nos ressources à Washington. Au moins deux personnes, sinon plus, nous ont conseillé, au cours de débats sur la question commerciale avec les États-Unis et pas expressément sur le bois d'œuvre, qu'il faudrait renforcer nos opportunités à l'extérieur de Washington et consacrer plus de ressources aux parties concernées, comme M. Flitton l'a dit, je crois, dans son exposé. Cela va à l'encontre de mon point de vue, car j'estime que nous ne devrions pas nécessairement diminuer nos efforts à Washington. Je reconnais que nous n'avons peut-être pas été aussi fermes ou aussi forts que nous aurions dû l'être. Pouvez-vous commenter le point de vue selon lequel nous devrions, tout au moins dans le dossier du bois d'œuvre, consacrer une plus grande part des ressources de notre gouvernement, du MAECI, pour recueillir des appuis supplémentaires à notre position aux États-Unis.

M. Flitton: Est-ce que vous voulez consacrer plus de ressources à Washington dans ce but ou ailleurs?

Le sénateur Di Nino: Certains nous conseillent d'élargir notre action à l'extérieur de Washington et de collaborer avec les parties intéressées dans les litiges commerciaux. Ce serait par exemple les gens dont vous avez parlé un peu plus tôt, les représentants de l'industrie de l'habitation, et cetera.

Le président: Je pense que le sénateur Di Nino fait allusion au témoignage que nous avons entendu selon lequel les consommateurs américains font les frais de ce conflit et qu'il faudrait peut-être tisser des liens avec les personnes qui ont intérêt à ce que les importations de bois d'œuvre canadien aux États-Unis se poursuivent.

M. Flitton: Avant de répondre à votre question, permettez-moi de faire un commentaire rapide. Vous venez d'évoquer tout le talent que l'on trouve dans votre comité ou au Sénat en général. J'ai rêvé plus d'une fois de confier au sénateur Carney le soin de nous défendre à Washington.

Le sénateur Carney: Je suis prête à me mettre au service du gouvernement.

Le président: Nous n'allons pas aborder ce sujet, sénateur.

M. Flitton: Dans les années 80, je peux vous dire qu'elle a fait preuve d'une grande ténacité dans ce dossier.

Pour ce qui est du lobbying, je crois que toutes nos forces devraient être concentrées à Washington. La National Association of Home Builders a un bureau à sept coins de rue de la Maison-Blanche. La National Association of Realtors a un bureau tout près. Tous ces groupes ont pignon sur rue à Washington. Les syndicats ont également des bureaux là-bas.

Pour revenir à ce qu'a dit le sénateur Lawson au sujet de la réalité politique et du président qui ne veut pas déplaire à ses électeurs, sachez que pour une personne qui soutient la position de la coalition aux États-Unis, il y en a 25 autres qui sont contre. Il y a une quantité incroyable de ressources dont nous pourrions tirer parti. L'intérêt des consommateurs est nettement supérieur à celui de la coalition, mais encore faut-il que quelqu'un le signale au Congrès, aux sénateurs. Jusqu'à présent, personne ne leur a parlé de cette situation.

M. Allan: C'est il y a environ deux ans que la voix des consommateurs s'est exprimée pour la première fois de manière organisée dans ce dossier. Elle est très étendue, mais elle n'est pas aussi focalisée que la voix des producteurs. Le président Bush a mis sur pied une sorte de tribune ou table ronde économique. Le président de cette tribune est le PDG de International Paper, le principal bailleur de fonds de la coalition. C'est uniquement une question de jeu de pouvoir à Washington. Il faut vraiment se rendre au Capitole pour parler du Canada et de ses relations commerciales avec les États-Unis aux sénateurs et aux membres du Congrès. C'est aussi simple que cela.

M. Larsen: Je partage le point de M. Allan concernant la possibilité d'agir par l'entremise des consommateurs. J'ai pris part à des interventions financées par le MAECI en vue de faire avancer les dossiers qui nous intéressent à Washington et j'ai constaté que tout se passe à l'intérieur du périphérique. Je crois que John a tout à fait raison de dire que les groupes d'intérêt bien organisés font leur chemin à Washington et qu'il faut être tout le temps sur place pour défendre ses intérêts. Les consommateurs sont tout simplement trop nombreux et diversifiés. L'impact, bien que répandu, est si faible qu'il est difficile de mobiliser tous les consommateurs sur cette question. En fait, tout se joue à l'intérieur du périphérique.

Le président: Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier tous les trois pour cette matinée fort intéressante et instructive.

La séance est levée.


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