Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 2 - Témoignages du 20 novembre 2002
OTTAWA, le mercredi 20 novembre 2002
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, saisi du projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (Cruauté envers les animaux et Armes à feu) et la Loi sur les armes à feu, et du projet de loi S-5, Loi instituant la Journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes, se réunit aujourd'hui à 16 h 50 pour examiner lesdits projets de loi.
Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel en ce qui concerne les armes à feu et la cruauté envers les animaux nous a été renvoyé cet après-midi, avec l'instruction de scinder ce projet de loi. Je propose donc que nous entendions les propos du ministre Cauchon et de ses fonctionnaires cet après-midi. À la réunion de demain, nous pourrons discuter des instructions que nous avons reçues de la Chambre.
Bienvenue, monsieur le ministre. Je vous remercie d'avoir bien voulu prendre le temps d'être parmi nous aujourd'hui.
[Français]
M. Martin Cauchon, ministre de la Justice et procureur général du Canada: Monsieur le président, je viens toujours vous rencontrer avec grand plaisir. Comme ministre de la Justice, c'est la deuxième fois que j'ai la chance de venir discuter avec vous de projets de loi.
Nous nous entretiendrons aujourd'hui d'un projet de loi qui contient essentiellement deux éléments importants pour le ministère et pour la société canadienne. Il concerne la cruauté envers les animaux et les modifications à l'enregistrement des armes à feu pour améliorer l'ensemble du système et des procédures.
Je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui pour traiter du projet de loi C-10. Dans un premier temps, j'aimerais d'abord vous parler des dispositions concernant la cruauté envers les animaux de ce fameux projet de loi.
Je poursuivrai ensuite avec une analyse des modifications ayant trait aux armes à feu. D'emblée, soulignons que le Parlement est saisi depuis deux ans et demi de modifications législatives ayant trait à la cruauté envers les animaux sous une forme ou sous une autre.
Depuis décembre 1999, les associations de toute allégeance sont à de nombreuses reprises venues faire connaître leur point de vue. Il y a eu un débat complet et exhaustif au sujet de ces changements. Dans ce contexte, je sais que les discussions qui auront lieu au sein de votre comité apporteront un éclairage constructif à ce projet de loi.
Comme vous le savez sans doute, la grande majorité des Canadiennes et des Canadiens s'intéresse vivement aux dispositions relatives à la cruauté envers les animaux et appuie les changements proposés par le projet de loi C-10, particulièrement en ce qui a trait à l'alourdissement des peines.
À ce sujet, j'aimerais traiter aujourd'hui de deux questions principales. D'abord, pourquoi le gouvernement modifie- t-il la Loi traitant de la cruauté envers les animaux maintenant? Deuxièmement — cette question m'a été posée fréquemment — la modification de la loi aurait quels effets sur les usages industriels légitimes des animaux?
D'entrée de jeu, soulignons que les modifications du projet de loi ont deux objectifs fondamentaux. Le premier est la modernisation et la simplification de la loi et le second est l'augmentation des pénalités maximales pour l'infraction de cruauté.
[Traduction]
Monsieur le président, les modifications proposées dans le cadre du projet de loi C-10 qui concerne la cruauté envers les animaux visent à actualiser et à moderniser la loi actuelle. Il s'agit en réalité de supprimer des dispositions législatives actuelles des concepts dépassés qui embrouillent la situation plutôt que de la rendre plus claire. Un exemple d'un tel anachronisme serait les distinctions qui sont faites entre les différents types d'animaux. Par exemple, il y a un article qui ne traite que des bovins, alors qu'un autre concerne les chiens, les oiseaux ou les animaux gardés pour des raisons légitimes. Un troisième article protège tous les animaux contre des douleurs, souffrances ou blessures qui pourraient être causées sans nécessité. La structure actuelle des dispositions touchant la cruauté envers les animaux traduit l'approche fragmentaire adoptée pour modifier le Code au fil des ans. Il est manifeste que le temps est venu de moderniser et de clarifier les infractions relatives à la cruauté envers les animaux.
Le projet de loi C-10 permettra de préciser grandement nos textes législatifs en regroupant toutes les infractions touchant la cruauté volontaire envers les animaux dans un même article et celles qui concernent la négligence criminelle dans un autre article. Les divers degrés de culpabilité à l'égard de la cruauté volontaire et de la négligence criminelle donnent lieu à des peines maximales différentes. À la différence des dispositions actuelles du Code criminel touchant la cruauté envers les animaux, le projet de loi C-10 ne prévoit pas des infractions qui se chevauchent mutuellement.
En soulevant ces points, je ne cherche pas à laisser entendre que la loi actuelle n'est pas du tout claire. En fait, l'arrêt clé sur la cruauté envers les animaux dans les années 70 a justement permis de tirer au clair le critère à appliquer pour les principales infractions touchant les douleurs, souffrances ou blessures causées sans nécessité.
Or des dispositions législatives qui se chevauchent ou sont incohérentes compromettent la clarté de la loi. Autrement dit, le texte des dispositions actuelles est tel que les pièces du puzzle sont parfois incompatibles. Le projet de loi C-10 comble justement ces lacunes. De plus, en supprimant les infractions de la Partie II du Code criminel touchant la propriété pour créer une nouvelle partie, nous sommes à même de mieux caractériser la nature des infractions concernées. Nous protégeons les animaux parce qu'ils sont capables de ressentir de la douleur, et non pas parce qu'ils constituent un bien. Ce changement ne relève aucunement le statut des animaux et n'ajoute pas non plus de droits juridiques.
Ces modifications sont également nécessaires afin d'aggraver la peine prévue pour la cruauté volontaire et la négligence criminelle. À l'exception des infractions touchant les bovins, toutes les infractions relatives à la cruauté envers les animaux donnent lieu à des poursuites sommaires et une peine maximale de six mois de prison ou une amende de 2 000 $.
Normalement, c'est la peine prévue pour l'acte interdit qui permet de reconnaître la gravité de cet acte. Les Canadiens nous ont fait comprendre que les peines prévues pour la cruauté envers les animaux ne correspondent plus à l'attitude de notre société vis-à-vis de ces crimes. De plus, les résultats de la recherche scientifique démontrent un lien de plus en plus étroit entre la cruauté envers les animaux et la violence faite aux humains, notamment dans le contexte de la violence conjugale.
Par exemple, les résultats d'une étude menée à Calgary l'année dernière ont permis de conclure, entre autres, qu'à bien des égards, lorsqu'un animal est maltraité, les enfants seront probablement touchés et que la violence envers les animaux perpétue le cycle de violence.
Dans certains cas, le comportement violent d'un enfant envers des animaux peut l'amener à être violent dans ses rapports avec les gens. Dans bien des cas, cela permet de supposer que quelqu'un d'autre à la maison subit également des blessures. Les résultats de cette étude cadrent d'ailleurs avec ceux d'autres enquêtes qui laissent entendre qu'il y aurait une corrélation entre des actes répétés de cruauté envers les animaux dans l'enfance ou l'adolescence, et des actes répétés d'agression dangereuse envers les gens plus tard dans la vie.
[Français]
Le projet de loi C-10 augmente substantiellement la peine liée à la cruauté intentionnelle en créant une infraction mixte et en faisant passer la peine maximale à cinq ans pour un acte criminel et à 18 mois pour une infraction de procédure sommaire. La grande souplesse en matière de détermination de la peine permet à la Couronne d'adapter la peine selon les circonstances, et signale aux juges, aux poursuivants et aux membres du grand public que les actes de cruauté envers les animaux sont des actes de violence.
Une forte majorité de Canadiennes et de Canadiens ont exprimé leur opinion à ce sujet et ont clairement dit qu'ils veulent que les infractions de cruauté envers les animaux soient punies plus sévèrement.
En d'autres termes, la population canadienne demande qu'on mette à jour les dispositions législatives sur la cruauté envers les animaux et qu'on accroisse les peines qui peuvent être infligées pour de telles infractions. Le degré de culpabilité qu'implique le fait de causer intentionnellement des douleurs à un animal, comme par exemple quand on le torture, justifie l'emprisonnement maximal de cinq ans. Le Code criminel prévoit déjà que les personnes qui tuent, mutilent ou blessent des bestiaux sont passibles d'un emprisonnement maximal de cinq ans.
[Traduction]
En plus d'allonger les peines maximales, les modifications que propose le projet de loi C-10 offrent aux tribunaux des outils supplémentaires pour faciliter la détermination de la peine dans des affaires qui concernent la cruauté envers les animaux. La durée maximale d'une ordonnance interdisant à un contrevenant de posséder ou d'avoir la garde d'un animal a été prolongée; au lieu d'être de deux ans, elle sera désormais pour la vie. Les tribunaux jouiront aussi d'un nouveau pouvoir puisqu'ils pourront ordonner à un contrevenant dont la culpabilité a été reconnue de rembourser un particulier ou un organisme les frais des soins donnés aux animaux visés par la condamnation du contrevenant.
[Français]
Maintenant, voyons la question qui m'a été posée fréquemment, à savoir quel effet aura la modification de la loi sur les usages industriels légitimes d'animaux.
D'abord, soulignons que les usages industriels d'animaux et les dispositions du Code criminel relatives à la cruauté envers les animaux coexistent depuis 1892. Les amendements proposés par le projet de loi C-10 modernisent le droit et alourdissent les peines, mais ils ne modifient pas le critère de responsabilité relatif à la cruauté intentionnelle et à la négligence criminelle envers les animaux.
J'insiste sur ce point. Le critère de responsabilité n'a pas été modifié. Les pratiques légales à l'heure actuelle ne deviendront pas illégales lorsque le projet de loi C-10 sera promulgué.
[Traduction]
Lors de l'introduction en 1953 des critères actuels en matière de responsabilité lorsqu'il est question d'avoir causé une douleur, souffrance ou blessure, le Parlement avait le choix entre deux démarches possibles pour la détermination de la responsabilité dans des situations où des pratiques légitimes auraient pu causer une douleur à un animal. Une approche possible consistait à interdire de causer la douleur, quelle qu'elle soit, mais de prévoir un moyen de défense lorsque la raison pour laquelle la douleur a été causée était légitime.
L'autre approche consistait à incorporer dans la définition même de l'infraction une utilisation raisonnable des animaux à des fins légitimes. Le Parlement a opté pour la deuxième approche, qui est d'ailleurs maintenue dans les modifications que prévoit le projet de loi C-10 en matière de cruauté envers les animaux. On considère qu'il n'y a pas matière à infraction à moins que la douleur, souffrance ou blessure ait été causée sans nécessité ou que l'on ait dérogé de façon importante à la norme en ce qui concerne les soins à fournir.
Le critère relatif à la douleur causée sans nécessité tient compte de la présence ou non de raison légitime d'avoir causé la douleur et de la mesure dans laquelle les moyens utilisés étaient raisonnables ou non. Selon le principe qui sous-tend la loi, on ne considère les personnes qui utilisent les animaux dans l'industrie comme des criminels que si elles dépassent ce qu'on peut considérer comme des limites raisonnables.
Monsieur le président, certains groupes industriels prétendent que si la défense de l'acte commis avec une justification ou une excuse légale et avec apparence de droit que prévoit le paragraphe 429(2) du Code criminel ne leur est plus accessible, ils perdront ce qu'on appelle leur «protection directe».
Mais si l'on examine de près cet argument, on se rend compte qu'il repose sur une fausse prémisse. D'après ces personnes, les moyens de défense que prévoit actuellement le Code criminel permettent d'excuser tout type de conduite, à condition que des raisons soi-disant légitimes puissent justifier cette conduite. Cela signifie essentiellement que ces personnes estiment ne pas être visées par la loi. Or la jurisprudence ne permet absolument pas de tirer une telle conclusion. En fait, dans l'affaire Ménard, l'arrêt clé sur la cruauté envers les animaux, la cour a examiné les concepts de la fin légitime et des moyens utilisés pour arriver à cette fin pour déterminer ce qui dont être considéré comme une douleur, souffrance ou blessure causée sans nécessité.
Cet arrêt a également permis de préciser que les éléments qui permettent de déterminer dans quelles circonstances une douleur ou souffrance peut être considérée comme ayant été causée sans nécessité ne correspondent pas à des critères subjectifs. Il ne s'agit donc pas savoir ce qu'un groupe ou un particulier considère comme une douleur causée sans nécessité. Il s'agit au contraire d'un critère objectif qui fait partie intégrante du Code criminel depuis 1953, et ce critère est bien compris des tribunaux. De plus, monsieur le président, le paragraphe 8(3) tire au clair l'application des moyens de défense que prévoit la common law — y compris la justification, l'excuse légale et l'apparence de droit — aux infractions touchant la cruauté envers les animaux.
Le projet de loi C-10 ne modifie en rien ce critère. La raison d'être de ces moyens de défense n'est pas d'exclure un secteur industriel de l'application des infractions relatives à la cruauté.
[Français]
Permettez-moi de rappeler brièvement les faits de l'affaire Ménard afin d'illustrer les observations que j'ai faites sur la manière dont est appliqué le critère relatif à la douleur et aux souffrances causées à des animaux dans le contexte industriel.
Dans l'affaire Ménard, l'accusé exploitait une entreprise d'extermination des animaux vagabonds. Le tribunal a expressément reconnu que les animaux peuvent être utilisés à diverses fins légitimes et que, pour arriver à ces fins, il peut falloir infliger de la douleur. Le tribunal a en fait jugé que Ménard abattait des animaux dans la poursuite d'une fin légitime.
Cependant, le problème était que Ménard, pour tuer, employait une méthode qui infligeait de la douleur alors qu'une autre à laquelle il aurait pu facilement avoir recours aurait infligé une douleur moindre. Il a été reconnu coupable parce que les moyens dont il se servait pour parvenir à la fin légitime recherchée causait une douleur qui aurait pu être évitée et que, par conséquent, le critère d'infliger une douleur ou des lésions inutiles était rempli.
Au fond, cet arrêt énonce que toute personne utilisant des animaux doit se comporter de façon humaine. Je crois que la majorité de la population canadienne se comporte ainsi. Le droit à ce sujet a été clair depuis 50 ans et ce projet de loi ne change rien.
[Traduction]
Je sais que bon nombre de ces secteurs d'activité sont tenus de respecter des codes de pratique et directives. Je tiens à déclarer publiquement, d'ailleurs, que je suis convaincu que dans l'éventualité où un tribunal aurait à se prononcer sur le comportement d'une de ces industries, il tiendra compte des normes et directives qui s'appliquent. Par exemple, les lignes directrices élaborées par le Conseil canadien de protection des animaux constituent un point de repère critique dans le contexte de la recherche faite sur les animaux et de l'enseignement. De plus, les codes de pratique agricoles sont tout à fait pertinents dans le contexte de l'agriculture.
Permettez-moi de vous assurer que les tribunaux considèrent d'ores et déjà de telles lignes directrices comme la meilleure preuve de ce qui peut être considéré comme raisonnable et acceptable dans un contexte donné. Voilà l'état actuel de la loi, et je précise que mon intention est de faire en sorte que la loi reste inchangée à cet égard.
[Français]
Certaines personnes qui ont critiqué le projet de loi C-10 craignent de voir les agriculteurs, les chercheurs et les trappeurs traînés devant les tribunaux par les défenseurs des droits des animaux. Elles partent du postulat que les particuliers peuvent facilement se servir des tribunaux pour engager des poursuites abusives contre les industries.
Je crois que ceci est effectivement faux. Les modifications apportées récemment au Code criminel offrent des protections solides contre les particuliers qui seraient tentés de se servir des tribunaux à des fins qui ne sont pas judiciaires. Selon ces modifications, toutes les poursuites engagées par des particuliers seront filtrées par un juge ou un juge de paix désigné. Ce n'est qu'après la tenue d'une audience que l'accusé éventuel pourrait être contraint de se présenter au tribunal. Ces protections s'ajoutent à celles déjà prévues par le Code criminel.
[Traduction]
Monsieur le président, je soumets aux honorables sénateurs que les dispositions du projet de loi C-10 touchant la cruauté envers les animaux permettent d'atteindre les objectifs de la loi sans créer le risque qu'un secteur d'activité ou particulier fasse l'objet de poursuites vexatoires.
Je voudrais consacrer le temps qui me reste aux dispositions du projet de loi qui concerne la Loi sur les armes à feu.
Ce projet de loi propose un certain nombre de modifications administratives au Programme canadien des armes à feu. Permettez-moi donc d'expliquer ces modifications par rapport à l'objectif de la sécurité publique.
D'abord, je suis heureux de vous signaler que notre approche pragmatique en ce qui concerne l'utilisation sécuritaire des armes à feu permet d'ores et déjà de réduire le nombre de crimes qui sont commis au Canada à l'aide d'armes à feu. Si cela était possible, c'est parce que les personnes qui ne devraient pas posséder des armes à feu sont empêchées de le faire et l'on encourage les propriétaires légitimes de telles armes à les manier de façon sécuritaire et responsable.
[Français]
La phase de délivrance des permis a été la première étape du programme, comme on le sait. La délivrance des permis s'est révélée un véritable succès. La base de données des armes à feu contient désormais 2,1 millions d'inscrits, ce qui représente à notre avis 90 p.100 du nombre estimé de propriétaires d'armes à feu.
Des vérifications de sécurité ont été effectuées pour chaque demande de permis d'arme à feu. Il y a également une vérification continue des détenteurs de permis afin de s'assurer que ceux-ci continuent à satisfaire aux exigences pour posséder des armes à feu.
[Traduction]
La deuxième phase du programme, soit l'enregistrement des armes à feu, tire à sa fin. Les armes à feu doivent être enregistrées d'ici la fin de cette année. Je suis heureux de vous signaler que les Canadiens ont pris l'initiative d'enregistrer leurs armes à feu. À un mois de la date limite, nous avons déjà en main les demandes d'environ 70 p. 100 des propriétaires d'armes à feu qui sont titulaires d'un permis. Cet investissement national dans la sécurité publique porte déjà ses fruits. Un contrôle plus strict des demandeurs de permis d'armes à feu et le contrôle en permanence de l'admissibilité des titulaires de permis garantissent déjà une sécurité accrue à la maison et dans les collectivités dans leur ensemble puisque les personnes qui présentent un risque pour elles-mêmes ou pour d'autres n'auront pas la possibilité de posséder une arme à feu.
Depuis le 1er décembre 1998, plus de 7 000 permis ont été refusés ou révoqués par les autorités qui veillent à protéger la sécurité du public. Le nombre de révocations est à présent 50 fois plus élevé que le nombre total de révocations pour les cinq ans qui ont précédé l'introduction du nouveau programme.
[Français]
Je désire maintenant passer au deuxième volet de mes remarques sur les armes à feu: l'appui public au programme.
En effet, la population canadienne continue d'accorder un fort appui au programme des armes à feu. Les organismes d'application de la loi, notamment l'Association canadienne des policiers et l'Association canadienne des chefs de police, continuent d'accorder leur appui au programme en raison des instruments nécessaires pour lutter contre la criminalité qu'il met à leur disposition.
De plus, soulignons que de concert avec des organismes d'application de la loi, nous avons mis sur pied l'équipe nationale de soutien à l'application de la Loi sur les armes à feu. Il s'agit d'une unité comportant des élites professionnelles d'expérience. Cette équipe offre déjà un soutien aux services de police locaux dans la lutte contre le trafic illicite et la contrebande d'armes à feu, ainsi que contre la violence commise au moyen d'armes à feu.
Les membres de l'ENSALA ont contribué à offrir un soutien aux services policiers à l'échelle du pays.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je voudrais passer maintenant au dernier thème de mes remarques liminaires, à savoir l'administration simplifiée. Dans le projet de loi C-10, nous proposons des changements administratifs qui vont continuer de garantir un niveau élevé de service aux clients. Ces changements n'influent en rien sur l'engagement manifeste du gouvernement vis-à-vis de la sécurité publique. En fait, cette mesure renforcera la contribution qu'apporte le programme à la sécurité publique en nous permettant de simplifier les procédés et les exigences touchant les propriétaires d'armes à feu, ce qui favorisera la conformité.
[Français]
Ces modifications comprennent la simplification du processus de renouvellement des permis. De plus, le traitement préalable des demandes de visiteurs séjournant au Canada qui désirent apporter des armes à feu rendra aussi le processus frontalier plus efficace.
Nous améliorons l'efficacité tout en réduisant les coûts. Par exemple, grâce à la répartition des demandes de renouvellement des permis, on évitera l'arrivée massive des demandes au terme d'une période de cinq ans, tout en équilibrant la charge de travail. Nous voulons confier le pouvoir exclusif pour l'administration à un commissaire aux armes à feu qui relèvera directement du ministre de la Justice.
[Traduction]
Monsieur le président, d'autres modifications nous permettront d'améliorer et de rationaliser les contrôles frontaliers en ce qui concerne l'importation et l'exportation des armes à feu. Dans ce projet de loi, le gouvernement reconnaît également la nécessité de prendre des mesures relatives aux stocks d'armes à feu prohibées conservés par certains négociants, notamment ceux qui avaient encore des stocks le 14 février 1995, date à laquelle l'interdiction a été annoncée. Le fait d'accorder des droits acquis pour de tels stocks permettrait aux entreprises de vendre des armes de poing prohibées à des personnes qui, grâce à leurs droits acquis, sont autorisées à les posséder et détiennent un permis en bonne et due forme qui leur permet d'en acquérir. Ce serait utile pour les entreprises et n'aurait aucun impact sur la sécurité publique, étant donné que seules les personnes jouissant de droits acquis et titulaires de permis pourraient acquérir ce genre d'armes de poing.
Une modification semblable aurait pour effet de faire passer la date d'entrée en vigueur des droits acquis en ce qui concerne les armes de poing prohibées du 14 février 1995 au 1er décembre 1998, de sorte que les titulaires de permis qui ont acquis et enregistré une arme de poing de façon légitime pendant la période où ces armes faisaient l'objet de restrictions pourraient la garder.
[Français]
Si elle était adoptée, cette mesure permettrait de maintenir la sécurité publique, car seules les personnes possédant des armes de point, le 1er décembre 1998, et ayant la formation et le permis nécessaires pourraient les conserver. Seul un petit nombre de personnes visées par des droits acquis pourrait posséder des armes de point prohibées.
[Traduction]
Grâce à ces modifications et la collaboration que nous souhaitons maintenir en permanence avec nos partenaires et tous les intéressés, nous continuerons de nous assurer qu'il existe en tout temps un juste équilibre entre les intérêts des propriétaires responsables d'armes à feu et notre objectif commun, qui est d'assurer la sécurité du public.
[Français]
Je vous remercie de l'attention que vous prêterez à l'étude de cet instrument législatif important. Je peux maintenant répondre à vos questions.
[Traduction]
Le sénateur Stratton: La Chambre nous a donné l'instruction de scinder ce projet de loi. Nous avons maintenant entendu les propos du ministre sur les deux parties du projet de loi. Comment faut-il procéder? Je croyais que la partie touchant la cruauté envers les animaux serait mise de côté et que nous commencerions par traiter seulement les modifications touchant les armes à feu. Pourriez-vous m'éclairer sur ce point?
Le président: Les hauts fonctionnaires du ministre Cauchon peuvent nous rencontrer demain. Si tel est le voeu du comité, nous pourrons nous contenter pour l'instant de poser des questions sur la partie du projet de loi qui traite des armes à feu.
Le sénateur Cools: Non, il n'est pas possible de suivre une telle procédure. Peut-être que vous devriez commencer. Nous pouvons examiner un projet de loi ou un autre, mais il n'est pas possible de tout examiner de cette façon.
À mon avis, il aurait été préférable que le comité règle la question de la scission du projet de loi d'abord, et qu'on demande ensuite au ministre de comparaître devant nous pour nous expliquer la première partie de cette mesure législative.
Le ministre nous a fait ses remarques liminaires sur le projet de loi C-10, mais en fait, si nous arrivons à régler la question procédurale, nous serons saisis de deux projets de loi à ce moment-là. Il me semble qu'il sera déjà assez difficile d'en arriver là.
J'ai tendance à penser qu'il serait préférable que le ministre puisse parler exclusivement du projet de loi dont nous serons saisis une fois que nous aurons pris une décision sur la procédure à suivre.
Le président: Je m'en remets à la volonté du comité.
Je crois savoir que nous avons reçu l'instruction de scinder le projet de loi. Il faut que cela se fasse avant que nous fassions rapport au projet de loi à la Chambre. Mais on peut faire cela à n'importe quel moment. Il n'est pas nécessaire à mon avis de le faire tout de suite.
Le sénateur Cools: Mais il nous faut décider de la procédure à suivre.
Le président: C'est pour cela que je vous demande votre avis sur la question.
Le sénateur Beaudoin: J'ai l'impression que le ministre nous a déjà donné un aperçu général des deux parties du projet de loi C-10. Il a commencé par nous expliquer celle qui concerne la cruauté envers les animaux et il a conclu en nous présentant les dispositions relatives au contrôle des armes à feu.
Il est clair dans mon esprit que l'ordonnance que nous avons reçue du Sénat est exécutoire. Logiquement, ma première réaction serait de dire que nous devrions traiter d'abord la question des armes à feu, étant donné la nature du projet de loi et les délais à respecter au cours de l'année à venir.
Après cela, nous pourrions passer à la partie qui concerne la cruauté envers les animaux, qui est complètement différente de l'autre. Peut-être que nous pourrions demander l'avis du ministre à ce sujet et il nous dira par quoi il préfère commencer.
Mais c'est au comité de faire son choix. Nous avons reçu une ordonnance de la Chambre. Cependant, nous avons le pouvoir de déterminer par quelle partie nous préférons commencer. À mon avis, nous devrions tenir un débat préliminaire en abordant en premier lieu la question du contrôle des armes à feu.
Le sénateur Sparrow: D'abord, il était clair à la Chambre cet après-midi que l'instruction de cette dernière était de renvoyer le projet de loi devant le comité et que le comité se charge de scinder ce projet de loi. Aucun délai n'a été fixé pour les discussions en comité. À mon avis, cela signifie donc que le projet de loi doit être scindé immédiatement. Le Sénat n'a pas ordonné au comité de discuter de la partie du projet de loi qui traite des armes à feu ou de celle qui porte sur la cruauté envers les animaux. Aucune précision n'a été donnée à ce sujet. Donc, l'observation selon laquelle nous devrions d'abord discuter de la partie du projet de loi qui traite des armes à feu est sans pertinence puisque nous n'avons pas pour le moment le pouvoir d'examiner ce projet de loi.
Si on avait réfléchi un peu plus à la question, il aurait été possible de renvoyer cette question devant le comité dès aujourd'hui, mais tel n'a pas été le cas. Cette question n'a pas été renvoyée devant le comité. Le comité a simplement reçu l'instruction de scinder le projet de loi qui doit ensuite être renvoyé à la Chambre. D'après l'explication qu'on nous a faite aujourd'hui, ce projet de loi doit être renvoyé à la Chambre sous forme d'amendement. Ensuite il s'agira de procéder à la deuxième lecture de chaque partie du projet de loi. Il me semble donc que le comité ne puisse rien faire d'autre pour le moment.
Voilà qui soulève une autre question. Le comité renvoie-t-il à la Chambre un amendement au projet de loi? Je ne suis pas à même de répondre à cette question. Pour moi, la situation n'est pas claire. Si on lui renvoie un amendement au projet de loi, cet amendement doit également être renvoyé à la Chambre des communes. En conséquence, cela ne sert à rien de discuter du projet de loi maintenant, à moins que vous ne souhaitiez demander à la Chambre si elle désire renvoyer cette question devant le comité. À ce moment-là, nous pourrons examiner ladite question, mais non pas le projet de loi.
Le sénateur Baker: J'ai écouté attentivement lorsque la motion a été adoptée au Sénat. Il s'agissait de la motion habituelle qui accompagne un projet de loi qu'on veut renvoyer à un comité pour examen.
Certaines déclarations ont été faites à la Chambre concernant des réunions qui avaient eu lieu au sujet de la possibilité de scinder ce projet de loi. La motion adoptée par le Sénat était la motion habituelle. Je suis donc d'avis que le comité est d'ores et déjà saisi du projet de loi dans son ensemble, et que si le comité décide de le scinder, ce sera à lui de prendre la décision.
Le sénateur Cools: Non. L'instruction que nous avons reçue est exécutoire; elle ne nous donne pas la permission de le faire. Elle nous ordonne de le faire.
Le sénateur Baker: J'ai écouté attentivement le texte de la motion adoptée par la Chambre. Cette motion comportait une directive de la Chambre pour le comité. Mais c'est au comité de déterminer sa conduite. C'est au comité d'adopter une motion si tel est son désir. Le comité est déjà saisi du projet de loi dans son ensemble, et s'il le souhaite, le comité peut décider de scinder ce projet de loi.
Le sénateur Bryden: Cela ne m'arrive pas souvent, mais je dirai que tout le monde a raison.
Le sénateur Joyal: Je n'ai pas encore pris la parole.
Le sénateur Bryden: J'ai peut-être parlé trop vite.
Ce qui s'est produit est tout à fait légitime.
Le projet de loi a bel et bien été renvoyé au comité. Le projet de loi lu à l'étape de la deuxième lecture a été renvoyé au comité. Mais ce projet de loi nous a été renvoyé avec l'instruction de le scinder.
Le sénateur Cools: En effet.
Le sénateur Bryden: Nous le savons, ça. Il ne sera pas possible de traiter le projet de loi dans son ensemble. Cependant, nous n'allons pas contrevenir à la directive qui nous a été donnée par le Sénat si nous profitons de la présence du ministre cet après-midi pour lui demander son avis sur le projet de loi qui nous a été renvoyé. Et c'est justement ce qu'il a fait.
Je ne sais pas s'il est vrai que nous pourrions décider d'examiner le projet de loi maintenant et le scinder dans trois semaines. Par contre, je ne crois pas que nous violerons l'ordonnance du Sénat si nous écoutons les propos du ministre aujourd'hui sur le projet de loi qui nous a été renvoyé.
À mon avis, la prochaine étape consisterait à se réunir à huis clos et à faire ce qu'on nous a demandé de faire, c'est-à- dire de scinder le projet de loi. Combien de fois ceux d'entre nous qui sommes autour de cette table depuis bon nombre d'années avons-nous été obligés d'attendre avant que le ministre puisse être présent pour faire valoir ses arguments? Or il est là cet après-midi, et c'est justement ce qu'il vient de faire. Je présume que c'est un dossier suffisamment important pour qu'on puisse lui demander de façon tout à fait légitime de revenir à un moment donné si nous avons à lui poser des questions auxquelles lui seul peut répondre. Cependant, nous avons au moins les remarques liminaires qu'il vient de nous faire, et j'imagine que ses hauts fonctionnaires pourront répondre à la plupart des questions techniques que nous pourrions avoir sur le sujet.
Pour moi, il n'est pas possible de faire davantage pour le moment. Nous n'avons pas la possibilité à mon avis de poser des questions au ministre sur l'une ou l'autre partie du projet de loi. Si nous voulons connaître la position du ministre sur telle question en temps et lieu, nous pourrons consulter le compte rendu. Qui plus est, c'est une solution pragmatique. De plus, nous sommes prêts à aborder la question de la fête nationale des Acadiens dès que nous aurons réglé ces difficultés; ainsi nous pourrons discuter de notre difficulté demain à huis clos en présence, je l'espère, des hauts fonctionnaires de Justice Canada, qui pourront nous aider à ce sujet.
Le sénateur Cools: À mon avis, le sénateur Bryden a raison. On ne pourrait considérer que le comité contrevient à la directive qu'il a reçue en acceptant d'écouter les propos du ministre sur les dispositions générales du projet de loi C-10. Le problème c'est qu'on a renvoyé le projet de loi au comité. En même temps, une directive était transmise au comité. Les directives données au comité sont de deux types: le premier type de directive donne la permission de faire quelque chose, alors que le deuxième ordonne au comité de faire quelque chose. En l'occurrence, la directive que nous avons reçue est exécutoire, ce qui veut dire que nous avons reçu l'ordre de la Chambre de scinder le projet de loi.
Nous avons toute latitude pour prendre ces décisions selon notre bon gré et notre jugement. Et je ne doute aucunement que le comité prendra la décision la plus sage et prudente à cet égard.
Lorsque j'ai soulevé la question des témoignages du ministre devant nous, j'avais surtout à coeur de faire la meilleure utilisation possible du temps du ministre et de son personnel. Voilà ce que j'essayais de vous communiquer. Mais il serait peut-être préférable que les membres du comité se penchent sur les questions complexes que soulève la scission du projet de loi. Par exemple, quels seront les numéros de ces projets de loi? Est-ce que l'un d'entre eux émanera du Sénat à ce moment-là? C'est très complexe. Je pense que certaines des questions vont certainement nous occuper l'esprit dans les prochains jours. Je suis très contente d'avoir entendu les propos du ministre. Mais je crois qu'il serait plus approprié que le comité décide de la procédure à suivre maintenant et consulte le ministre par la suite.
Le président: Je propose donc que nous passions dès maintenant à l'examen du projet de loi S-5, et que nous nous réunissions demain matin à huis clos pour discuter de la procédure à suivre pour scinder le projet de loi.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous présenter mes excuses de vous avoir fait attendre depuis 15 h 30. Merci infiniment de votre temps et de votre patience.
Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant notre prochain témoin, M. Neil Boucher, qui est historien. On lui a demandé de comparaître en réponse à une demande formulée lorsque le sénateur Comeau a comparu la semaine dernière.
Le sénateur Buchanan: Honorables sénateurs, je voudrais simplement vous signaler que M. Boucher est affilié à l'une des meilleures universités de la Nouvelle-Écosse, soit l'Université Sainte-Anne. Sur mes cinq doctorats honoraires, celui auquel je tiens le plus est mon doctorat en sciences politiques décerné par l'Université Sainte-Anne, et M. Boucher était d'ailleurs présent au moment où on m'a fait cet honneur.
M. Neil Boucher, historien: Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier le sénateur Comeau de m'avoir invité à vous faire quelques remarques au sujet du peuple acadien. J'espère que mon exposé suscitera moins de problèmes de procédure que la scission d'un projet de loi, et j'essaierai de faire de mon mieux pour éviter tout problème de ce genre.
J'ai besoin de 10 ou 15 minutes pour vous présenter un aperçu général de l'histoire des Acadiens, après quoi je serai à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.
Je me propose donc, honorables sénateurs, de vous présenter un cours de 90 heures en 12 ou 15 minutes. Ainsi, vous allez entendre la version condensée — comme vous vous en doutiez, certainement — sauf qu'il n'y aura pas d'examen à passer.
[Français]
J'aimerais rappeler aux membres du comité que les Acadiens sont les descendants de colons français venus s'établir en Nouvelle-Écosse au cours de la première moitié du XVIIe siècle. Je dis bien qu'ils sont les descendants de colons français parce qu'il n'y a pas d'Acadiens qui sont arrivés en Acadie. Ce sont des Français qui sont arrivés en Acadie, comme ce sont des Britanniques qui sont arrivés dans diverses colonies américaines au Sud.
Les Acadiens sont le résultat d'une évolution, une évolution ayant l'identité française comme point de départ.
Les Acadiens ont connu une évolution historique et un processus de socialisation marqués par des faits qui leur sont propres produisant ainsi un groupe unique différent des autres regroupements francophones en Amérique du Nord.
[Traduction]
Monsieur le président, j'aimerais vous présenter cet aperçu général en mettant l'accent sur les quatre ou cinq faits saillants de l'évolution de l'histoire acadienne qui démontrent l'évolution des Acadiens en tant que groupe distinct en Nouvelle-Écosse, et en tant que groupe se distinguant des autres groupes francophones qui ont existé précédemment et qui continuent d'exister au Canada de nos jours.
[Français]
Le premier facteur unique dans l'évolution du peuple acadien est sans doute la manière dont le système économique les a distingués des autres. Premièrement, le système économique des Acadiens était basé sur une pratique agricole que nul autre groupe en Amérique du Nord, que ce soit des francophones ou des anglophones, ne pratiquaient. Cette pratique agricole est reconnue comme étant la pratique agricole asséchant les marais salants.
[Traduction]
La pratique agricole d'assèchement des marais caractérisait le développement économique de Acadiens une fois qu'ils étaient établis sur les terres fertiles de la vallée de l'Annapolis. Grâce à ce système, ils ont réussi à vraiment transformer des marais en terrains de culture. Les honorables sénateurs connaissent peut-être le lieu historique de Grand-Pré qui commémore à présent l'expulsion des Acadiens, lieu où, comme pourraient vous le confirmer sans doute les sénateurs Buchanan et Comeau, il existe un vaste terrain qui s'étend jusqu'à la base de la montagne. Tout ce terrain se trouvait sous l'eau au moment où sont arrivés les Acadiens. Grâce justement à la pratique agricole d'assèchement des marais, ils ont réussi à transformer des terres incultivables et envahies par la mer en d'excellentes terres cultivables.
[Français]
Les Acadiens réussiront à produire au-delà de la demande du marché domestique ou au-delà de leurs besoins spécifiques. Ils sont devenus des producteurs commerciaux très tôt dans leur histoire, ce qui les distingue de plusieurs autres groupements.
Le deuxième point unique aux Acadiens dans leur évolution, c'est qu'ils n'ont pas toujours été bien soignés par la mère patrie. Nous savons qu'en Amérique du Nord, la France avait deux colonies principales, soit l'Acadie et la Nouvelle-France. La France avait placé ses aspirations de bâtir un empire en Amérique du Nord au coeur du continent, soit la Nouvelle-France. Les Acadiens, eux, en comparaison avec la manière dont la France s'occupait de sa colonie dans le centre, c'est-à-dire la Nouvelle-France, êtaient souvent laissés à leurs propres affaires. Ils n'avaient pas de système seigneurial comme tel en Acadie et comme on a connu dans la Nouvelle-France.
Les Acadiens, dans leur développement économique, n'avaient pas une surveillance aussi rigoureuse que les colons ou les habitants qui vivaient en Nouvelle-France. Ils ont été laissés un peu à leurs propres affaires, ce qui a créé un caractère assez spécial chez les Acadiens. Dans cette négligence telle qu'exercée par la France, les Acadiens se sont même vus dans l'obligeance d'amorcer des relations commerciales interdites, c'est-à-dire qu'ils ont troqué avec les anglo-Américains qui vivaient juste au Sud constituant ainsi une pratique illégale puisque les colonies au Sud étaient des colonies britanniques.
[Traduction]
Les colons français n'étaient pas censés entretenir des relations commerciales avec les colonies britanniques. On pourrait dire que les Acadiens étaient les premiers à faire du magasinage outre-frontière.
Le président: Mais ils ont récemment eu des problèmes.
[Français]
Le troisième point qui a distingué l'évolution acadienne des autres groupes, c'est justement le conflit qui a existé entre la France et l'Angleterre pour la domination ou la maîtrise du continent nord-américain. Lorsque la France a établi certaines parties de l'Amérique du Nord à peu près à la même époque, l'Angleterre a colonisé elle aussi l'Amérique du Nord, et les rivalités européennes que la France et l'Angleterre avaient connues n'ont pas été laissées en Europe mais transposées en Amérique du Nord.
Souvent les colonies françaises et les colonies anglaises se trouvaient en état de guerre. L'Acadie et les Acadiens, qui se trouvaient dans ce territoire, ont souvent été la cible de multiples attaques en provenance des colonies anglaises dans cette lutte pour la domination du continent nord-américain.
[Traduction]
La rivalité entre la France et l'Angleterre pour dominer le continent nord-américain s'est maintenue. Ainsi les Acadiens se trouvaient souvent pris entre les deux dans ce conflit. Bien souvent, la colonie acadienne était attaquée par les colons britanniques établis surtout à Boston. Pendant toute leur histoire, les Acadiens étaient souvent obligés de vivre sous l'occupation britannique. Surtout en temps de guerre, les Britanniques descendaient sur l'Acadie, envahissaient la capitale et occupaient la colonie pour toute la durée de la guerre. Il arrivait très souvent, à la fin d'une guerre particulière, que l'Acadie soit rendue à la France jusqu'à la déclaration d'une autre guerre, où une autre expédition arrivait pour la reconquérir et l'occuper en attendant la signature d'un traité de paix. L'Acadie et les Acadiens constituent en quelque sorte un ballon politique pour la France et l'Angleterre. Ce jeu de ballon s'est joué sept fois durant l'existence de cette colonie. Seuls les Acadiens ont connu cette réalité-là.
[Français]
Malheureusement pour les Acadiens, ce conflit entre l'Angleterre et la France pour la suprématie sur le continent nord-américain va les placer directement au milieu. Après 1713, l'occupation britannique sera permanente. Après cette date, l'Acadie ne sera plus jamais sous occupation française. Aussi, après 1713 en temps de paix, les Acadiens se sont vus demandés de jurer allégeance à la Couronne britannique, ce qui posait pour les Acadiens des problèmes fondamentaux puisque jurer une allégeance inconditionnelle à la Couronne britannique voulait nécessairement dire que dans l'éventualité d'une guerre, les Acadiens qui épauleraient des fusils au nom de la Grande-Bretagne le feraient nécessairement contre la France et contre les sujets de la France vivant principalement en Nouvelle-France, mais aussi à l'île du Cap-Breton, à Louisbourg.
Le refus de se soumettre de façon inconditionnelle à la domination et à la conquête britannique a fait en sorte qu'en 1755, à la veille d'une guerre qui allait bientôt éclater, les Acadiens se sont retrouvés entre le marteau et l'enclume. En effet, les Britanniques voulaient que les Acadiens leur soient loyaux pour qu'ils puissent s'assurer que la France ne reconquerrait plus jamais l'Acadie et les Français, de leur côté, voulaient que les Acadiens leur soient loyaux pour que la France puisse se servir des Acadiens pour gagner le territoire perdu. Cela a abouti à leur déportation.
[Traduction]
Entre 1755 et 1763, entre 10 000 et 12 000 Acadiens ont été expulsés de force de la Nouvelle-Écosse et envoyés surtout — mais non exclusivement — dans les 13 colonies britanniques qui s'étendaient du Massachusetts à la Géorgie. Certains ont été expulsés et envoyés en France; d'autres ont été envoyés en Angleterre; d'autres encore n'ont jamais été expulsés — on a préféré les garder en prison en Nouvelle-Écosse jusqu'à la fin des hostilités. D'autres n'ont jamais été ni emprisonnés ni expulsés; ils se sont contentés de vivre dans la forêt à côté de la population autochtone.
Cependant, il convient de vous faire remarquer que l'année 1763 marque un tournant dans l'histoire de l'Amérique du Nord.
[Français]
C'est à cette époque, avec la fin de la Guerre de 7 ans et le Traité de Paris, qu'en 1763 aura lieu la confirmation de la suprématie de l'Angleterre sur le continent nord-américain. En 1755, les Acadiens ont été déportés. En 1758, c'est la deuxième et dernière destruction de Louisbourg. En 1759, c'est la victoire britannique sur les plaines d'Abraham. En 1760, c'est la chute de Montréal et cela est confirmé en 1763 par le Traité de Paris. Le drapeau britannique flotte de la Floride au sud, jusqu'à la baie d'Hudson au nord; et du Mississippi à l'ouest, jusqu'à Terre-Neuve à l'est. Dans ce contexte d'une conquête complète de l'Amérique du Nord, les Acadiens sont autorisés à retourner sur leurs anciennes terres.
[Traduction]
Comme je vous le disais, de 10 000 à 12 000 Acadiens ont été expulsés. Environ 1 200 d'entre eux sont retournés en Nouvelle-Écosse. La déportation des Acadiens en 1755 et les années suivantes a causé la dispersion d'environ 90 p. 100 de la population.
[Français]
Lorsque les Acadiens retourneront en Nouvelle-Écosse, ils retourneront dans un environnement qui ne leur est pas nécessairement propice. Puisque catholiques et francophones, ils seront considérés comme des marginaux et se verront imposer, puisque catholiques, des lois strictes qui aujourd'hui seraient jugées discriminatoires. Les Acadiens étaient assujettis au code pénal de l'Angleterre qui stipulait que les Acadiens ne pouvaient pas voter, ni siéger à l'assemblée législative, ni fonder des écoles, ni s'embarquer dans des transactions juridiques et ainsi de suite.
C'est donc un sort différent de celui qui a été réservé aux Québécois après la conquête de 1763. En effet, les Québécois seront encore assujettis au Code civil français, auront encore accès au système seigneurial et à leurs églises catholiques.
[Traduction]
Après leur retour en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick dans ces conditions-là, il n'est guère surprenant que les Acadiens se soient un peu repliés sur eux-mêmes. Ils ont évolué en dehors de la société traditionnelle, en partie à cause des lois discriminatoires qui s'appliquaient à l'époque, et aussi en partie parce qu'ils souhaitaient que ce soit ainsi. L'auteure francophone Antonine Maillet, dont vous avez probablement entendu parler, a très bien résumé la situation dans le titre de son livre Cent ans dans les bois, car au sens figuré, c'est essentiellement ça qu'ils ont fait, les Acadiens; ils sont restés dans les bois pendant environ 100 ans. Cependant, après 100 ans de réinstallation, l'on assiste à l'émergence d'un nouveau sentiment.
[Français]
Grâce à la fondation des institutions d'éducation supérieure dans la deuxième moitié du XIXe siècle et grâce à la venue de la presse, une élite professionnelle acadienne verra le jour. Le collège Saint-Joseph sera fondé à Memramcook en 1864 et le Collège Ste-Anne à Pointe-de-l'Église en Nouvelle-Écosse en 1891. Ces deux institutions vont produire une élite professionnelle qui essayera de soulever le peuple, dans un sens figuratif bien sûr, afin qu'il prenne sa juste place au soleil dans la société telle qu'elle existait. Nous appelons cela le mouvement nationaliste acadien ou la renaissance acadienne. Il est important de dire que le désir des Acadiens de prendre leur juste place dans la société était de le faire dans le contexte des structures socio-politiques existantes.
[Traduction]
À la fin du XIXe siècle, le mouvement nationaliste acadien correspondait à la prise de conscience collective du peuple acadien et à une tentative des Acadiens pour trouver leur juste place dans la société maritime — non pas en renversant ou en contestant les institutions socio-politiques déjà en place, mais plutôt en travaillant au sein même de ces structures.
Il y a eu de très grands rassemblements d'Acadiens.
[Français]
Des grands rassemblements ont eu lieu; le premier commençant en 1881. Nous appelons cela les Conventions nationales acadiennes où les Acadiens se sont dotés de symboles identitaires. Le premier symbole fut créé lors de la première convention nationale acadienne à Memramcook au Nouveau-Brunswick en 1881, et il s'agit d'une fête nationale, c'est-à-dire une journée au calendrier qui leur serait réservée. La fête choisie fut le 15 août, date tirée du calendrier liturgique de l'église catholique — puisque les Acadiens étaient de fervents pratiquants catholiques — et connue sous le nom de l'Assomption de la vierge Marie. Il est intéressant de noter qu'il y a eu à cette première convention nationale un débat assez rigoureux entre les partisans d'une fête nationale acadienne unique et ceux d'une fête nationale acadienne jumelée au 24 juin, soit la fête de la Saint-Jean-Baptiste.
Toutefois, c'est le groupe qui a opté pour une fête unique qui a eu le dessus. Se joindre aux Canadiens français pour célébrer la même fête nationale aurait donné énormément de poids à la société acadienne, qui sur le plan démographique était bien inférieure à la société québécoise, mais le point fondamental est que la majorité des Acadiens ne se considéraient pas comme des Québécois. Nous reconnaissons cependant le droit tout à fait légitime des Québécois à leur propre fête nationale, laquelle a lieu le 24 juin. Les Acadiens veulent leur fête le 15 août.
Trois ans plus tard, lors d'une deuxième convention à Miscou, à l'Île-du-Prince-Édouard, d'autres symboles identitaires seront ajoutés tel le drapeau. Le tricolore français truffé de l'étoile Stella Maris dans la section bleue sera choisi en 1884, ainsi que l'hymne national acadien: l'Ave Maris Stella.
Aujourd'hui, les Acadiens habitent principalement les trois provinces maritimes: le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard. Ils forment un poids démographique d'environ 250 000 habitants qui possèdent leurs institutions scolaires, hospitalières, financières ainsi que leurs associations nationales, comme la Société nationale de l'Acadie, par exemple, qui regroupe les Acadiens non seulement des trois provinces maritimes, mais des quatre provinces atlantiques. Cette association nationale est le principal groupe de pression reconnu et financé par le gouvernement canadien, dans l'instance, le ministère du Patrimoine canadien.
C'était une version abrégée d'un de mes cours universitaires qui normalement prendrait 90 heures. Il me fera plaisir de répondre à vos questions dans la langue de votre choix.
Le sénateur Beaudoin: L'histoire des Acadiens est très différente de celle des Canadiens français qui vivent au Québec. Pourtant, ce qui unissait les Acadiens, c'étaient également la langue française et la religion catholique. C'était pareil pour les gens de la Nouvelle-France. C'est tellement vrai qu'en 1774, lord North, le premier ministre de Grande- Bretagne, avait réintroduit les lois civiles françaises au Québec. Il ne s'agissait pas du Code civil, mais de lois qui avaient cours avant, comme la pratique de la religion catholique, par exemple.
Je comprends pourquoi les Acadiens se considèrent différents des Québécois. Il y a plusieurs raisons à cela. Avec le Code civil en 1866, sir Georges-Etienne Cartier, s'inspirant du code Napoléon, réintroduisait indirectement la langue française sur des assises solides.
Il y avait et il y a toujours un peuple acadien différent. Mais si c'est vrai pour la Nouvelle-Écosse ou l'Acadie, n'est- ce pas vrai pour les francophones catholiques des autres provinces? Pour le Québec, c'est accepté puisqu'il s'agit de la Nouvelle-France. Il y a le Bas-Canada et le Québec. Après cela, il y a eu les gens de l'Ontario, ceux du Manitoba et ceux des autres provinces. Est-ce qu'on ne fait pas tous partie de la même souche? L'Acadie s'est battue pour la langue française et pour garder ses institutions, tout comme le Québec. Au Québec, c'était différent parce que nous étions plus nombreux, mais quand même, les grands facteurs, ce sont les lois et la langue. J'accepte volontiers l'avènement d'un peuple acadien différent. Vous plaidez bien votre cause et vous avez bien raison. Toutefois, je me demande sérieusement pourquoi c'est comme cela? Pourquoi en est-on venu à cela? Au fond, on se divise au lieu de s'unir. C'est ce qui me tracasse un peu.
En 1982, quand Calixa Lavallée a écrit le Ô Canada, c'était pour tous les francophones. Cela me tracasse un peu sur le plan purement historique, puisque nous sommes de la même souche. Il s'agit d'un groupe de francophones qui a vécu dans une partie du pays autre que celle du Québec. Pourtant, il y a d'autres francophones dans d'autres parties du Canada. Voudront-ils faire la même chose que l'Acadie?
M. Boucher: C'est très difficile pour moi de parler des intentions des autres groupes francophones à l'extérieur de l'Acadie. Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne le fait que nous soyons de la même souche, de la même façon que l'individu qui vit à New York et celui qui vit à Piccadilly Square à Londres sont de la même souche. Vous serez cependant d'accord avec moi pour dire qu'il y a certainement une différence.
Vous avez répondu à votre question: même s'il s'agit d'une même souche, il y a des différences discernables dues à l'évolution historique particulière des deux groupes depuis le tout début jusqu'à aujourd'hui. Dans l'inconscient collectif du groupe acadien existe le constat que les gens qui vivent au Québec peuvent difficilement comprendre leur situation et l'inverse est aussi vrai. Ce sont tout simplement les faits. Que veut dire vivre en minorité! C'est un élément fondamental de distinction entre les deux groupes francophones.
Le sénateur Beaudoin: Les Québécois fédéralistes sont nombreux, et leur pays, c'est le Canada aussi.
M. Boucher: Oui, mais au Québec, on peut être conçu, on peut naître, grandir, être éduqué, se marier, travailler et mourir en français. On ne peut pas faire cela en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick ou au Manitoba. Cela crée déjà un sentiment différent.
Permettez-moi deux autres points. Au cours de toute cette évolution historique, et je ne veux pas dire seulement au moment de la colonisation, mais bien à travers le XVIIe, XVIIIe et XIXe siècle, une évolution particulière a eu lieu faisant en sorte que les Acadiens et les Québécois ont des particularités qui les distinguent.
J'aimerais aussi reprendre votre point pour confirmer qu'il y a certainement d'autres regroupements francophones ailleurs au pays, par exemple, les francophones qui vivent à Sudbury, à Ottawa, à Hearst et à Saint-Boniface. En réalité, ces gens sont tous de souche québécoise, si on va très loin dans l'histoire canadienne. Ce qui est un autre élément distinctif de la société acadienne.
L'organisme parapluie qui regroupe tous les regroupements francophones au pays, à l'extérieur du Québec, a reconnu cela dans son titre. C'est la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
Le sénateur Beaudoin: Ce qui nous unis, c'est la langue, la culture et les lois. Votre argument est basé en partie sur le territoire, le territoire atlantique, si je peux dire.
M. Boucher: Non. Les Acadiens peuvent exister et être Acadiens à l'extérieur des provinces Atlantique.
Le sénateur Beaudoin: Pour moi, il y a un peuple acadien et il y a un peuple québécois. Il y a aussi un peuple canadien-français au Canada. Mais qu'est-ce qui nous distingue vraiment en plus du territoire? On est en majorité au Québec, c'est le seul endroit où l'on est majoritaire. Cependant, on est minoritaire dans le Canada.
J'ai dit à mon collègue, le sénateur Comeau, que le projet de loi est très intéressant, mais la question relative au territoire et à l'histoire m'agace. Est-ce qu'en 1881, on a pris la décision que les Québécois et les Acadiens feraient leurs propres affaires?
M. Boucher: Je ne pense pas que c'était aussi catégorique que cela, mais on a voulu se prononcer pour dire que les Acadiens étaient différents. Les Acadiens ne voulaient pas nécessairement s'opposer.
Sénateur Beaudoin, je crois profondément qu'il est possible pour un peuple d'avoir un projet «sociétal» ou un projet national à l'extérieur du contexte d'un état nation. Cela ne prend pas l'état nation pour avoir le projet «sociétal».
[Traduction]
Le sénateur Joyal: Avec tout le respect que je dois à mon collègue, le sénateur Corbin, j'aurais aimé qu'il pose des questions à notre témoin, mais puisque mon dernier point porte sur le dernier élément de la question soulevée par le sénateur Beaudoin, je pourrais toujours céder la parole à mon collègue, s'il le faut, monsieur Boucher.
[Français]
J'aimerais revenir sur le point soulevé par le sénateur Beaudoin parce qu'il est capital pour la cohérence de ce que l'on nous demande de faire. Vous nous demandez d'adopter un projet de loi fédéral, qui s'appelle une Loi instituant la Journée nationale de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes. Pour moi, le mot «national» n'est pas un mot dans une loi fédérale qu'on peut utiliser inconsidérément pour faire plaisir. C'est un mot qui a un sens sur le plan juridique.
J'ai regardé dans les lois fédérales là où le mot «national» était utilisé pour les fêtes. Ce qui m'a étonné c'est que lorsqu'on a adopté le Dominion Day Act, en 1879, le mot «national» n'apparaît pas. Ce n'est pas la fête nationale des Canadiens.
[Traduction]
Il ne s'agit pas d'une loi constituant la fête nationale du Canada ou la fête nationale du Dominion.
[Français]
Dans une autre loi fédérale, Canada Day, le mot «nation» n'existe pas ou les mots «fête nationale» n'existent pas non plus pour la fête du Canada. J'ai regardé ailleurs où il pouvait y avoir le mot «national», et j'ai trouvé que selon les pouvoirs statutaires, le 21 juin a été déclaré National Aboriginal Day en 1996.
J'ai compris que le mot «national» dans cette proclamation, voulait dire que c'était la fête des peuples autochtones à travers le Canada. Cela ne voulait pas dire que les peuples autochtones étaient des nations, mais plutôt une fête à travers le pays.
Ensuite, j'ai trouvé une autre décision statutaire qui semble confirmer mon point de vue.
[Traduction]
Chaque année dans tout le Canada on célèbre, pendant toute une semaine en avril, la Journée nationale des dons d'organes. Il est clair qu'un organe n'est pas une nation, et on peut donc conclure que cette célébration se déroule dans tout le Canada. J'ai rencontré le sénateur Pearson ce matin. Je lui ai demandé où elle allait, et elle m'a dit qu'elle participait aux activités organisées pour la Journée nationale de l'enfant. Quand j'ai vérifié le texte de ladite loi, adoptée en 1993, j'ai constaté que le titre abrégé de cette loi est la Loi sur la Journée de l'enfant. Il ne s'agit pas d'une journée nationale, mais j'étais assez surpris de constater que les gens qui fêtaient cette journée portaient tous un macaron.
Le sénateur Pearson: On précise bien dans la loi qu'il s'agit d'une fête nationale.
Le sénateur Joyal: Oui, mais cette précision se trouve dans l'un des «attendus que». Il ne s'agit pas d'un article de la loi. Lorsqu'on regarde de près le texte de la loi, on constate que le mot «national» ne se trouve ni dans le titre, ni dans l'article qui crée ette journée de l'enfant. J'ai remarqué le mot «national» sur votre macaron aujourd'hui et je voulais voir si ce terme se trouvait réellement dans la loi elle-même — pour les fins de notre débat, puisque j'essayais de bien comprendre le sens de ce terme «national».
[Français]
Alors, je me rends compte que le Québec a une loi de la fête nationale.
[Traduction]
Il s'agit de la Loi sur la fête nationale — c'est-à-dire le 24 juin, bien entendu.
[Français]
Il y a un élément important qu'il faut comprendre, c'est-à-dire quand le Québec prend une décision comme celle-là, il la prend pour les citoyens du Québec, les francophones. Mais la loi ne dis pas que c'est essentiellement la fête de ceux qui parlent français. La loi dit essentiellement qu'il s'agit de ceux qui résident au Québec. Dans la loi du Québec qui institue la fête nationale du Québec, il n'y a pas de référence à l'usage du français ou à la dominance francophone au Québec.
Voulons-nous reconnaître dans cette loi le peuple acadien comme une nation dans un statut fédéral, alors que dans les statuts fédéraux actuels, il n'y a pas de fête nationale des Canadiens français? Actuellement, nous allons fêter au niveau national, les Acadiens, mais pas les Canadiens français du pays.
Je prends exception à ce que vous dites qu'en 1881 les Acadiens ont dit, à bon droit, qu'ils n'étaient pas des Canadiens français. Le mot «Québécois» n'existait pas à ce moment, alors quand on utilise le mot «Québécois» — qui est un terme récent dans le discours public puisqu'il date d'à peine 30 ans — pour décrire les Canadiens français d'avant 1976, cela me pose problème.
Avant la formation du Parti québécois, les Québécois ne se définissaient pas comme des Québécois, mais comme des Canadiens français et la Saint-Jean-Baptiste a toujours été la fête nationale des Canadiens français. À partir d'un certain moment, on a voulu restreindre cela pour des objectifs politiques qu'on connaît au Québec.
Dans cette loi, on va reconnaître le peuple acadien et je n'ai pas de problème avec le fait — comprenez-moi bien — qu'il y ait une fête pour les Acadiens à l'échelle du Canada et qui sont, comme vous l'avez dit vous-même, principalement concentrés dans les provinces atlantiques, mais aussi dispersés au Québec. Vous ne l'avez pas dit dans votre présentation — et je ne suis pas ici pour votre contredire — mais beaucoup de descendants acadiens se sont fixés au Québec.
Le sénateur Comeau: Au-delà d'un million.
M. Boucher: Il y a plus d'Acadiens qui sont retournés au Québec au moment du retour de l'exil que d'Acadiens qui sont retournés dans les maritimes.
Le sénateur Joyal: Exactement, et je voulais vous le faire dire parce que c'est un élément très important de l'objectif de ce projet de loi. On ne nous demande pas de faire une proclamation, ceci est une loi portant reconnaissance d'une fête nationale pour les Acadiens. Toutefois, il n'y a pas dans les statuts fédéraux de «fête nationale du Canada». Le mot «nation» n'apparaît pas dans «fête du Canada». Il n'y a pas non plus la fête nationale des Canadiens français.
Encore une fois, je n'ai pas d'objection eu égard à l'adoption de ce projet de loi, mais je pense que comme Parlement du pays, lorsqu'on adopte une telle loi, il faut savoir exactement ce qu'on fait et quel usage on fait des mots. Parce que derrière les mots, il y a des concepts politiques qu'on met dans une loi, et surtout dans le contexte du débat que vous connaissez.
J'ai la plus grande admiration et le plus grand respect pour le peuple acadien. Tant est que si c'était possible de démontrer des objets qui se trouvent dans mon bureau, de l'autre côté du corridor, je le ferais. J'ai le ciboire donné par Louis XIV au père Chaussé qui était un des premiers missionnaires venus pour maintenir le service religieux en Acadie. Cet objet a été enterré lorsque le peuple acadien a été déporté, en même temps que le calice qui est aujourd'hui au musée de Moncton et qui a été vendu dans le marché au cours des années 1960, que j'ai racheté et qui est aussi dans mon bureau.
J'ai le plus grand respect pour la lutte perpétuelle des Acadiens. Toutefois, comprenez que lorsque je dois légiférer comme législateur fédéral, il faut que je sois certain de ce que je fais parce que si on exprime l'objectif d'aider à la préservation de l'identité acadienne, à sa célébration, à son appréciation et à son partage, il faut le faire de façon conséquente avec les autres éléments de notre réalité sociologique et politique au Canada.
[Traduction]
En ce qui me concerne, cela va au coeur même de tout ce qu'on nous demande de faire avec ce projet de loi.
[Français]
M. Boucher: Premièrement, je dois avouer qu'au niveau juridique je n'ai aucune formation et aucune expertise. Je respecte profondément les interprétations juridiques que vous avancez.
Néanmoins, je crois qu'il est difficile d'imaginer dans la psychique collective des Acadiens, que dans la nomenclature de «fête nationale des Acadiens», le mot «nationale» n'ait pas la même connotation que celle qu'un expert juridique voudrait lui donner. Ce n'est pas que je critique cette interprétation. Je vous dis seulement comment les Acadiens la voit.
La fête nationale des Acadiens a toujours été appelée ainsi au sein de la société acadienne. Lorsqu'il y a eu, à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle, des rassemblements massifs d'Acadiens pour discuter de la société acadienne et de son progrès, ces grands rassemblements ont toujours été connus comme les conventions nationales des Acadiens.
En 1881, lorsque la première de ces conventions nationales a vu le jour, elle s'est dotée de son premier élément, son réseau associatif, c'est-à-dire un groupe de lobby qu'elle a nommé la Société nationale de l'Assomption. En 1976 ou 1978, lorsque le gouvernement du Nouveau-Brunswick a adopté une loi provinciale reconnaissant officiellement le statut de la Société nationale de l'Acadie, il n'y a jamais eu, dans ces instances, le désir de faire l'équation entre le mot «national» et un territoire géographique spécifique.
Cela n'a jamais été le vouloir collectif acadien que le projet «sociétal» national soit un projet d'État-nation. Si nous prenons une citation d'un texte souvent utilisé dans les cours universitaires de sciences politiques, un texte de Sylvie Arend et de Christiane Robier, qui donnent une définition académique de la nation, nous pouvons y lire:
Un ou plusieurs des éléments suivants sont généralement regardés comme les éléments distinctifs d'une nation: langue, culture, passé commun, religion, territoire [...]
Mais c'est un ou plusieurs des éléments mentionnés qui la constitue.
Ayant déjà été président de la Société nationale de l'Acadie, et je peux vous assurer que je suis un très grand fédéraliste, c'est la définition de la nation qui englobe les éléments de langue, de culture, de passé, de religion, d'histoire commune, plutôt que de territoire, qui préoccupe les Acadiens.
J'imagine que nous pouvons tracer certains parallèles avec la nation métisse au Canada, par exemple, et le peuple acadien. Je reconnais et j'accepte vos propos juridiques, étant donné la conjoncture que nous savons. J'ai lu les Débats du Sénat débattant de cette question. Je crois que la question a déjà été soulevée, à savoir qu'il y a déjà eu une tentative acadienne pour inclure le thème du territoire dans leur définition nationale. Je crois toutefois que cette tentative ne fait qu'appuyer mon point de vue tellement elle a échoué.
Le sénateur Corbin: Je vous félicite pour votre présentation fort succincte d'une longue histoire acadienne que j'ai beaucoup prisée. J'aurais plusieurs commentaires à faire, mais je vais me retenir. Je voudrais d'abord réagir au commentaire que le sénateur Beaudoin a fait, eu égard à une soi-disant souche commune. Je ne pense pas que ce soit la souche commune que l'on veuille souligner, fêter ou célébrer dans ce projet de loi. C'est plutôt le pays brisé et les descendants du pays brisé qui s'appelait l'Acadie, qui a toujours été distinct de la Nouvelle-France, qui a été isolé assez longtemps de la Nouvelle-France, qui n'avait à peu près pas de rapports avec la Nouvelle-France et qui a constitué le caractère particulier de ceux qui s'affichent encore aujourd'hui comme Acadiens. On pourra y revenir plus tard; peut- être que j'énoncerai mon point de vue lorsque le projet de loi reviendra au Sénat.
Je rappelle cependant au sénateur Beaudoin que certains éléments de la province de Québec ont, pendant des années, cherché à diminuer les Canadiens français qui ne vivaient pas au Québec en référant à eux comme les parlants français hors Québec. Les Québécois ont souvent tenté de nous définir en fonction du Québec. Les Acadiens ne se sont jamais définis en fonction du Québec, de là à établir leur entité propre. On entend encore ce discours aujourd'hui par des personnes bien pensantes et également par des personnes malveillantes. Cela est insultant pour nous, les Acadiens. Les Franco-Ontariens, les Franco-Manitobains, vous parleront eux-mêmes. Quand on entend aux nouvelles de la Société Radio-Canada, encore aujourd'hui, des commentateurs parler des francophones hors Québec, c'est une gifle qui fait assez mal. Ne me parlez pas de souche commune. Ce n'est pas vrai quand on parle des Acadiens. Je le dis tout de suite et j'y reviendrai probablement.
Évidemment, le sénateur Joyal soulève un problème politique et peut-être juridique — on pourrait débattre longtemps de cette question — mais ce que le projet de loi cherche à faire, de la façon dont je le comprends et que je l'interprète, c'est qu'on demande tout simplement au reste du Canada de reconnaître que les Acadiens ont une fête nationale. On ne cherche pas à imposer quoi que ce soit au reste du Canada. On demande tout simplement au reste du Canada d'applaudir l'existence de cette Acadie d'hier, d'aujourd'hui et de toujours. Ce n'est pas une tentative pour faire des réclamations nationales politiques ou autres. C'est tout simplement une reconnaissance d'un fait établi dans les années 1800, comme vous l'avez dit.
Je vais me limiter à cela. Je veux vérifier certains énoncés. Je ne veux pas marcher sur la corde ce soir. Il est toujours bon en histoire de vérifier les faits et c'est ce que je ferai. J'ai beaucoup apprécié votre présentation, monsieur Boucher.
[Traduction]
Le sénateur Pearson: Je vous remercie infiniment pour cette petite leçon d'histoire que vous venez de nous faire. Vous nous avez fait comprendre que l'identité d'un peuple, ce n'est pas simplement une question de langue et de religion; c'est une combinaison de nombreux facteurs. Il est clair que ces 1 200 personnes qui vivaient dans les bois avaient une identité toute particulière, surtout dans leur milieu familial. L'importance la population actuelle nous prouve bien que ce peuple a bien réussi son développement. Vous nous avez certainement fait la preuve que votre identité en tant que peuple est bien particulière.
Le sénateur Joyal me force toujours à réfléchir. Comme il l'a dit, il y a plusieurs façons de concevoir la nationalité. Si l'on compare ce projet de loi à la loi qui constitue la Journée nationale de l'enfant, on constate que le titre signifie que l'ensemble du pays reconnaît, non pas qu'il existe une république des enfants, même si ce serait peut-être une idée intéressante, mais plutôt l'importance et la nécessité de fêter les enfants — ou du moins, c'est cela qui devrait se produire. L'autre définition est celle de l'identité, qui est tout aussi légitime. Par conséquent, je n'ai pas de problème à accepter cela, mais j'avoue que je suis toujours intriguée d'entendre les réponses qu'on donne aux questions posées par le sénateur Joyal.
Le sénateur Bryden: L'idée de parler de la «Journée de la fête nationale des Acadiens» me préoccupe. Je vous dis cela à titre d'anglophone unilingue né et élevé à proximité immédiate de la terre des Acadiens, et presque à distance de marche du Pays de la Sagouine. Quand nous n'avions pas de professeur à la petite école que je fréquentais pas loin de chez moi, j'allais à Shemogue, près de Cap-Pelé.
Je vous parle à titre d'Anglophone qui a depuis toujours des liens très étroits avec la collectivité acadienne et la collectivité anglophone qui entretenait de bons rapports avec les Acadiens. Je me rappelle qu'à un moment donné, on considérait les membres du Parti acadien du Nouveau-Brunswick comme des nationalistes acadiens, tout comme les Anglophones du reste du Canada employaient le terme «nationalistes» pour décrire certains Québécois et avaient malheureusement tendance à les associer au FLQ, et cetera.
Ayant écouté les discussions, je dois dire que je suis entièrement d'accord avec le sénateur Corbin, selon lequel les Acadiens ne se considèrent pas comme des Québécois et ne se sentiraient pas à l'aise au Québec. Lorsque les nationalistes québécois se décidaient à se séparer du reste du Canada ou de faire du Québec une province entièrement francophone, certains disaient que les personnes qui veulent être francophones en Amérique du Nord devraient s'installer au Québec — c'est-à-dire que le Québec représente l'Amérique du Nord française. Ceux qui habitent en dehors du Québec qui veulent vivre comme des Francophones en Amérique du Nord, y compris les Acadiens, devraient au fond se trouver au Québec, parce que c'est là qu'ils ont voulu établir le fait français, la culture française et la nation française.
Parmi les Acadiens d'un certain âge au Nouveau-Brunswick — c'est-à-dire parmi ceux qui étaient considérés comme étant radicaux à l'époque où ils étaient à l'université — certains rêvaient d'établir une province acadienne juste au nord de mon lieu de naissance. Je vous parle là du comté de Westmorland, du comté de Kent et de tout le territoire qui s'étend jusqu'à Gloucester, Restigouche et Campbellton — pas tout à fait jusqu'à la région d'où vient le sénateur Corbin, c'est-à-dire le Madawaska, parce que là il y avait un autre groupe.
Nous avons fait énormément de progrès dans la province du Nouveau-Brunswick depuis ma jeunesse. Là où j'habitais, nous les pauvres Anglophones nous nous targuions de ne pas être Francophones. Ça, c'est parce qu'au moins lorsqu'on se rendait à Moncton, on se rendait compte, en traversant les quartiers acadiens, qu'ils étaient beaucoup plus pauvres que nous. Nous avions du papier goudronné sur les murs extérieurs de nos maisons, alors que bien souvent, eux n'en avaient pas. Même au cours de ma vie, il y a eu des changements remarquables en ce qui concerne la confiance en eux-mêmes des Acadiens que j'ai connus au Nouveau-Brunswick et, d'après ce que j'ai pu voir, de ceux que j'ai rencontrés en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard. Au Nouveau-Brunswick, il n'existe plus de menace. Les Acadiens sont très bien dans leur peau et sont tout à fait à l'aise avec leur culture. Vous avez parlé tout à l'heure du fait que vous avez vos propres institutions, comme les universités, les hôpitaux et les écoles, au Nouveau-Brunswick. Ça, c'est le résultat des efforts acharnés d'un bon nombre de personnes et de quelques gouvernements, et notamment ceux de Louis Robichaud et de Richard Hatfield. La célébration de la fête des Acadiens et le rassemblement des Acadiens étaient des moments très forts pour l'ensemble de la population du Nouveau- Brunswick. Les Acadiens et les descendants des Acadiens sont venus au Nouveau-Brunswick de touts les coins du monde. Ils se sont surtout rassemblés à Moncton. Et ils ont été vraiment impressionnés.
Le grand expert en la matière à qui j'ai pu faire appel était Fernand Landry qui malheureusement est décédé. Mais toutes ces activités ont eu un formidable impact non seulement sur les visiteurs mais sur les Acadiens du Nouveau- Brunswick, parce que tous étaient épatés de constater l'autonomie, la culture et la croissance indépendante du peuple acadien qui s'étaient produites en une période relativement courte.
Le fait que nous ayons une forte population acadienne ajoute du piment à la vie au Nouveau-Brunswick. En passant par là, nous avons également créé une réaction négative. À cause de cette réaction négative, c'est le Parti de la confédération des régions qui formait l'opposition loyale de Sa Majesté dans la province du Nouveau-Brunswick à une époque, alors que le seul objectif de ce parti était d'éliminer le bilinguisme dans la province. Lorsqu'on interrogeait un de leurs membres à ce sujet, ils répondaient que si les Acadiens refusaient de parler notre langue et de nos fréquenter nos écoles, ils ne paieraient pas pour une autre culture dans la province. Ce mouvement présentait une menace grave pour tous les progrès réalisés grâce à beaucoup de gens. Dieu merci, nous avons réussi à les éliminer complètement de la scène politique. Ils ont fait ce que d'autres partis ont tendance à faire — c'est-à-dire qu'ils ont créé des pelotons d'exécution. Ils ont exécuté tous leurs chefs, l'un après l'autre.
Si je suis sensible à cette question, c'est parce que j'ai vécu pendant toute cette époque. Je suis au courant des décisions déchirantes qui ont dû être prises par les Cabinets, les premiers ministres, les gouvernements et de nombreux particuliers.
Nous avons lancé des campagnes électorales parallèles, de concert avec les Acadiens du Nouveau-Brunswick, en vue de créer un gouvernement uni auquel tout le monde se sentirait lié. Je ne souhaite pas mettre cela en péril.
Voilà pourquoi je suis préoccupé par l'utilisation du terme «national». Ce terme a une connotation politique. Par exemple, qu'arrivera-t-il si quelqu'un décide un jour d'écrire une lettre au rédacteur du journal pour proposer qu'on crée une fête nationale pour les Loyalistes?
Le sénateur Comeau: J'ai du mal à croire qu'une personne qui a vécu toute sa vie à côté d'Acadiens soulève un tel argument.
Le sénateur Bryden: Je ne soulève aucun argument du tout. Je vous dis simplement que nous ne voulons pas repasser par la situation que nous avons connue autrefois.
Le sénateur Comeau: J'ai beaucoup de mal à croire que vous disiez une telle chose.
Le sénateur Bryden: Je voudrais peut-être répondre à cette remarque, car je sais que vous avez dit tout à l'heure que si je soulevais cette question, il vaudrait mieux tout simplement jeter ce projet de loi à la poubelle. Il ne s'agit pas de ça. Nous discutons tout simplement.
M. Boucher: Sénateur Bryden, pourrais-je répondre à un élément de vos remarques? Vous avez dit que les personnes qui ont formé ce parti acadien dans les années 70, et qui avaient une visée territoriale, étaient considérées comme des nationalistes acadiens.
Le sénateur Bryden: C'est exact.
M. Boucher: Je suis né et j'ai grandi dans un environnement acadien. J'ai eu la chance de pouvoir poursuivre mes études, jusqu'au niveau du doctorat même. Pendant toutes mes années d'université, j'ai étudié le peuple acadien. J'ai enseigné l'histoire acadienne, bien que je ne le fasse plus, étant donné que je suis administrateur universitaire depuis maintenant 26 ans. Mais je suis fier de mon histoire acadienne. Je crois bien connaître mon histoire, même si je découvre des choses nouvelles tous les jours. Lors de la fête des Acadiens, je vais dans les classes de 3e, de 4e et de 5e années pour parler aux enfants du peuple acadien. En été, je consacre une partie de mes après-midi — au moins six fois pendant l'été — à des gens qui viennent de foyers pour aînés ou qui prennent des vacances culturelles et je leur parle des Acadiens. Je prends chaque année plusieurs jours de congé de mon travail pour parler du peuple acadien devant un groupe de personnes aussi illustres. Je suis un nationaliste acadien, et un fier Canadien. Voilà la différence.
Le sénateur Comeau: J'aimerais faire une observation, si vous me le permettez.
Le sénateur Bryden soulève la question de ces gens qui, au début des années 70, ont essayé d'élargir leur mouvement pour arriver à leurs fins au Nouveau-Brunswick, en formant ce qu'ils appelaient le «Parti Acadien». Autant que je sache, leur succès électoral s'est limité aux 8 p. 100 des voix qu'ils ont réussi à récolter dans les régions qu'ils souhaitaient représenter. C'était un échec total.
À l'époque, j'étais étudiant au Nouveau-Brunswick. J'ai deux diplômes universitaires du Nouveau-Brunswick, et donc je suis au courant de l'attitude qui prévalait à cette époque. Pour obtenir un diplôme universitaire en bonne et due forme à ce moment-là, j'étais obligé de faire mes études au Nouveau-Brunswick. Alors, j'ai quand même une bonne idée de la situation qui existait à cette époque.
Le sénateur Bryden laisse entendre qu'étant donné que certaines personnes ont essayé de faire avancer leur mouvement en constituant un parti, les Acadiens sont des souverainistes. Voilà la conclusion logique du propos du sénateur Bryden. Selon cette même logique, je pourrais dire que le Parti de la confédération des régions du Nouveau- Brunswick, qui a formé l'opposition officielle dans les années 80, avec huit sièges et21 p. 100 des voix, a connu un succès retentissant, mais je ne saurais tirer une conclusion. Je ne me permettrai pas non plus de conclure, selon cette même logique, que les Anglophones du Nouveau-Brunswick sont anti-Francophones. Je ne pourrais jamais pousser cette logique jusqu'au point de tirer une telle conclusion.
De même, j'ose espérer que vous ne vous permettriez pas de conclure, tout simplement parce qu'un certain nombre de personnes au Nouveau-Brunswick ont essayé de créer un mouvement politique, que les Acadiens sont des souverainistes. Si nous acceptions une telle logique, nous serions obligés de tenir pour acquis que les anglophones du Nouveau-Brunswick sont anti-Francophones, alors que je sais pertinemment qu'il n'en est rien. Donc, il faut faire attention lorsqu'on a recours à ce genre de logique pour faire valoir nos arguments.
Le sénateur Bryden: Je ne dis pas que ce qui s'est produit était logique. Je dis simplement qu'on ne peut pas tenir toute une discussion sur la question en se contentant de dire à quel point c'était merveilleux, sans jamais parler du fait que si nous avons autant avancé au Nouveau-Brunswick en ce qui concerne nos institutions, c'est grâce au sang, à la sueur, aux larmes et aux efforts considérables d'Acadiens et d'Anglophones, voire même de Loyalistes — si c'est ainsi qu'on les nomme — que nous avons réalisé cet exploit.
Le sénateur Comeau: Le sénateur Bryden s'adresse à quelqu'un qui a consacré sa vie à faire exactement ce dont il parle — c'est-à-dire travailler au sein même des institutions et des structures qui font partie intégrante de notre fédération. Comme l'excellent professeur qui est notre invité cet après-midi, je suis un exemple de ceux qui ont réussi à atteindre leurs objectifs en travaillant au sein même des institutions en place. Lorsque j'étais député, j'ai représenté une circonscription électorale dont 75 p. 100 des électeurs étaient anglophones. J'ai servi d'exemple aux jeunes Acadiens en leur faisant comprendre qu'il était possible d'être Acadien et de respecter sa langue et sa culture.
[Français]
J'étais fier de ma langue française. Je n'avais pas peur de m'annoncer comme francophone et Acadien dans une région habitée par plus de 75 p. 100 d'anglophones. Comme Acadien, j'ai pu travailler à l'intérieur des structures et encore plus que cela, j'ai pu devenir sénateur. Aujourd'hui, nous avons un ministre au sein du gouvernement fédéral qui est un Acadien très fier de sa langue et de sa culture. Cela démontre que les structures sont là pour les Acadiens et des gens comme nous avons pu le démontrer.
[Traduction]
Nous étions là pour montrer aux Acadiens qu'il était possible de travailler à l'intérieur des structures en place, structures qui existaient pour servir l'ensemble de la population — c'est-à-dire tous les Canadiens et tous les fédéralistes. Nul besoin de craindre que nous allons revivre l'époque où quelques radicaux ont essayé de créer un mouvement. C'est tout à fait exclu.
Le sénateur Bryden: J'accepte tout ce que vous dites. Je vous explique simplement que je préfère ne pas éveiller les passions des 20 p. 100 de la population qui ne croient pas nécessairement, contrairement à moi-même et la plupart des habitants de la province du Nouveau-Brunswick, que ce sont les bons qui l'ont emporté; autrement dit, que nous avons créé un espace fantastique en travaillant ensemble. Peu importe ce que je pense ou ce que vous pensez; il s'agit de savoir quel serait l'éventuel impact sur cette réalité de l'utilisation de l'expression «Journée de la fête nationale des Acadiens»?
Le sénateur Comeau: Vous parlez des 21 p. 100 de la population qui sont anti-Francophones.
Le sénateur Bryden: Cela dit, cela vaut sans doute la peine. Je n'ai jamais dit qu'il ne faut pas le faire. Ce serait peut- être une bonne idée. Il est possible que les gens s'intéressent peu à une autre fête, mais pour les Acadiens, cette fête est extrêmement importante. J'espère que certains ne vont pas mal réagir à cela, parce que ce sera une petite victoire si nous pouvons tous en profiter.
Le sénateur Buchanan: Je croyais savoir à peu près tout sur l'histoire des Acadiens des provinces maritimes. Je me rends compte que ce n'est pas le cas. Pendant les 24 années que j'ai passées à l'Assemblée législative, dont 13 à titre de premier ministre, je m'intéressais beaucoup, comme le fait le sénateur Comeau, à la situation des Acadiens en Nouvelle-Écosse. Je vous avoue bien honnêtement, ayant grandi dans la zone industrielle du Cap-Breton, que j'ignorais l'importance du peuple acadien en Nouvelle-Écosse. Certaines régions du Cap-Breton, telles que Chéticamp, Grand-Étang, Havre Boucher, Arichat, Isle Madame, et cetera ont une population acadienne, mais quand vous grandissez dans une localité où il y en a peu — la plupart d'entre nous étions d'origine écossaise, irlandaise ou mixte, un véritable melting pot — vous n'êtes pas vraiment en mesure de comprendre ce qui se passe dans les autres régions de la province. En tout cas, pas avant de vous lancer en politique, comme je l'ai fait autour de 1966 ou 1967, et c'est là que j'ai commencé à comprendre vraiment la situation.
Je suppose qu'on pourrait dire que l'évolution des Acadiens en Nouvelle-Écosse s'est poursuivie progressivement. Lorsqu'on est premier ministre d'une province, on subit de nombreuses épreuves au fil des ans. Je dirais que 95 p. 100 des habitants de la Nouvelle-Écosse — et peut-être même 100 p. 100 — qui s'intéressent à la chose comprennent et apprécient l'unicité de la culture et de la langue acadiennes. Ils sont conscients de l'importance historique du peuple acadien en Nouvelle-Écosse, et pour ma part, je comprends très bien pourquoi il faut reconnaître cette réalité historique dans un projet de loi comme celui qui a été déposé par le sénateur Comeau devant le Sénat.
Il m'a fallu très longtemps pour comprendre tout cela, mais je n'oublierai jamais le jour — c'était trois mois après que nous ayons formé un gouvernement en Nouvelle-Écosse, nous avions organisé une réunion du Cabinet à l'Université Sainte-Anne — où on m'a demandé d'aller parler aux étudiants de l'école secondaire de la rivière Meteghan.
N'ayant pas eu l'avantage d'apprendre le français, j'ai dû me faire accompagner par des collègues chargés de m'éviter de passer pour un imbécile. Je vais être très franc avec vous en racontant mon histoire. Étant homme politique j'espérais faire de l'effet, puisque nous n'avions pas de sièges dans la région. Eh bien, je n'oublierai jamais le jour où je me suis levé pour parler à la population étudiante. D'abord je me suis rendu compte que même si je ne connaissais pas le français, ils comprenaient ce que je leur disais quand je leur parlais en anglais. J'ai conclu mes remarques en disant: «Avez-vous des questions?» La question qu'on m'a posée était celle-ci: «Monsieur le premier ministre, ne serait-il pas possible de faire en sorte que la signalisation soit bilingue sur toute la côte, d'Argyll jusqu'à Digby?» Après avoir réfléchi pendant 10 secondes, j'ai dit: «Pourquoi pas?» L'étudiant m'a répondu: «Est-ce que c'est oui, alors?» Et j'ai dit: «Oui.»
Cela paraît incroyable que nous n'ayons pas fait une telle chose dans cette région-là, bien qu'elle soit unique et tout à fait différente du reste de la province, sauf peut-être dans certaines parties du Cap-Breton. La langue et la culture des régions acadiennes revêtent une telle importance pour le tissu social, politique et autre de la Nouvelle-Écosse. Voilà pourquoi j'ai répondu: «Pourquoi pas?» C'est ainsi que nous avons garanti que la signalisation dans cette région serait et resterait bilingue. Par conséquent, je ne peux pas concevoir qu'on retourne à la situation d'autrefois.
Je ne suis pas assez naïf pour croire qu'il n'y a jamais eu de conflits entre Anglophones et Francophones en Nouvelle-Écosse. Il y en a eu, mais maintenant il n'y en a plus, et ils ne reviendront pas. Ils ne reviendront pas parce que nous comprenons à présent l'évolution des événements que nous avons vécus et l'histoire de notre région. Les Acadiens étaient là avant nous. En 1600-1700, l'Acadie englobait la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du- Prince-Édouard, une partie de l'État du Maine et une partie de la Gaspésie.
Permettez-moi de vous raconter une histoire drôle. Pourtant, ce n'était pas drôle à l'époque. Le gouverneur du Maine m'a invité à Augusta pour participer à un colloque canado-américain sur les relations entre nos deux pays. J'ai commencé mon exposé en disant: «Vous, dans l'État du Maine, vous avez beaucoup de chance, car à une époque, une partie de l'État du Maine se trouvait en 'Acadie', et dont le territoire correspond à présent à celui de la Nouvelle- Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard, d'une partie du Maine et d'une partie de la Gaspésie. Mais durant cette période, les gens de la Nouvelle-Écosse étaient envoyés ailleurs pour civiliser les populations d'autres régions. Donc, une fois que vous avez reçu une bonne éducation, nous vous avons permis de faire cavalier seul, et vous avez créé l'État du Maine.» Je pensais que les gens allaient rire, mais personne n'a ri. Certaines personnes se sentaient insultées. Personnellement, je trouvais ça drôle. Mais le gouverneur m'a dit par la suite: «Pourquoi avez-vous raconté cette histoire?» Alors, je lui ai répondu: «Parce que c'est vrai.» Alors il m'a dit, «C'est peut-être vrai sur le plan historique, mais pourquoi diriez-vous que les habitants de votre province 'sont venus ici pour civiliser la population du Maine'?» Voilà donc une histoire que je ne raconterai jamais plus dans l'État du Maine. Voilà qui est certain.
Le président: Sénateur Buchanan, je vais devoir vous couper la parole, parce que deux autres personnes voudraient poser des questions.
Le sénateur Buchanan: J'aimerais vous raconter autre chose d'intéressant concernant notre histoire; ça concerne le drapeau acadien, parce que je me rappelle le 100e anniversaire de ce drapeau. C'est quelque chose que je n'oublierai jamais. Le premier ministre Trudeau était présent, de même que le sénateur Comeau. Nous avons organisé un grand rassemblement à l'Habitation de Port-Royal. C'était un grand jour. C'était le jour où tous les habitants de la Nouvelle- Écosse pouvaient fêter le drapeau acadien. Nous sommes retournés à Halifax, et la semaine d'après, nous avons hissé le drapeau acadien à Province House. C'est d'ailleurs la femme acadienne du lieutenant-gouverneur qui l'a hissé. Je l'ai aidée, et nous l'avons monté à l'envers. Lorsqu'il était tout à fait en haut du mât, je me suis rendu compte en regardant le drapeau qu'il était à l'envers. Je peux vous garantir que nous l'avons enlevé rapidement.
Le sénateur Joyal: Par rapport à ce que disait le sénateur Pearson, concernant la Loi sur la Journée nationale de l'enfant, je remarque que dans la section des «attendus», on dit ceci:
ET ATTENDU qu'il est souhaitable de sensibiliser la population canadienne à l'existence de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant;
Il serait possible d'apporter une amélioration à la section du projet de loi qui présente les «attendus que», comme on l'a déjà dit. Il est souhaitable de sensibiliser la population canadienne à ce qui a déjà été réalisé. Lorsque j'ai lu le texte de votre «attendu que», j'ai constaté que ce paragraphe portait sur le peuple acadien. Je suis d'accord avec cette partie- là de l'article qui présente les «attendus»; cependant, on n'y communique pas le sentiment d'appartenance au Canada dans son ensemble que vous essayez de promouvoir. Par conséquent, je partage les préoccupations du sénateur Bryden, du sénateur Buchanan et de vous tous.
Le Nouveau-Brunswick ne serait jamais devenu une province officiellement bilingue si le premier ministre Hatfield n'avait pas accepté de le faire au nom de la population majoritaire. Par conséquent, si nous ne pouvons pas nous appuyer sur le partenariat envisagé par les pères de la Confédération entre les francophones et les anglophones, partenariat qui permet à la majorité de comprendre l'équilibre qu'il faut établir en ce qui concerne la reconnaissance à accorder aux deux groupes, nous allons nous disputer à tout jamais. Ce n'est pas du tout ce qu'on souhaite. Nous voulons au contraire créer quelque chose qui repose sur notre identité distincte, nos origines historiques, et cetera. À mon avis, ceci devrait être reflété dans le projet de loi pour éviter toute possibilité de malentendus. Nous ne pouvons connaître l'avenir. Nous voudrons nous servir de ce projet de loi. En tant que législateur, je dois m'efforcer de faire en sorte que le projet de loi dise bien ce qu'il est censé dire.
Le sénateur Comeau: Si vous êtes d'accord, je vais préparer l'amendement adéquat. J'ai l'intention de collaborer avec le sénateur Corbin pour rédiger ce texte, puisque c'est lui qui a proposé la semaine dernière que nous élargissions le texte du paragraphe où il est question de la contribution apportée par le peuple acadien depuis près de 400 ans.
Le sénateur Beaudoin: J'ai écouté attentivement les propos des uns et des autres. Il s'agit d'une question profondément historique. À mon avis, il y a une ou deux expressions dans le projet de loi qu'il faudra peut-être modifier. À cet égard, je suis du même avis que le sénateur Joyal. Ce qui compte par-dessus tout, c'est notre objectif.
Deuxièmement, il faut reprendre les termes actuels de la loi, puisque tout y est.
J'écoutais attentivement les remarques de tout le monde. Évidemment, une ou deux interventions m'ont surpris. Je n'ai pas fait de commentaires, mais j'estime qu'il faut faire attention au Comité des affaires juridiques. L'objet de notre comité est de nous assurer de rédiger quelque chose d'exact et d'approprié. Il est toujours possible d'améliorer les lois. L'un des arts les plus difficiles à maîtriser est celui de la rédaction législative. Surtout lorsqu'on tient compte des problèmes que nous avons connus, problèmes qui sont profondément enracinés dans notre histoire. Le Québec et les provinces maritimes sont des régions intéressantes, comme le sont toutes les régions du pays. Nous sommes tous différents, et il convient de se le rappeler au moment de rédiger des lois. Il faut éviter d'être émotif; l'émotion n'est pas ce qu'il y a de plus utile dans ce contexte. Nous avons certains objectifs, et nous devons être justes. Il faut donc éviter les discussions émotives. L'idée et l'objectif sont bons, mais il y aurait peut-être lieu de les améliorer encore.
Le président: J'aimerais remercier le sénateur Comeau et le professeur Boucher de leur présence et de nous avoir fait profiter de leur érudition.
Les membres du comité souhaitent-ils toujours recevoir les représentants de Patrimoine canadien? Nous les avons déjà pressentis mais ils nous ont rien dit de définitif jusqu'à présent.
Le sénateur Joyal: Il faut être cohérent. Il existe déjà un certain nombre de faits, et j'en ai mentionné aujourd'hui. Pour pouvoir adopter ce projet de loi — et j'espère que nous l'adopterons — il importe de comprendre quelles pourraient en être les conséquences pour d'autres initiatives futures. Il faut comprendre le contexte dans lequel le Parlement décide de créer des fêtes nationales ou de faire des proclamations. Nous devons connaître les conditions entourant chacune d'entre elles et les conséquences pour le gouvernement fédéral de l'inclusion de ces nouvelles dates dans notre calendrier. Ces dates seraient effectivement inscrites au calendrier national.
Le président: Nous allons insister pour avoir des représentants de Patrimoine canadien.
Le sénateur Beaudoin: C'est un point qui n'a pas fait l'objet de suffisamment de discussion jusqu'à présent.
Le président: Nous allons donc nous réunir à huis clos demain pour discuter de la procédure à suivre pour scinder le projet de loi.
La séance est levée.