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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 17 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 5 novembre 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 16 h 20 pour examiner, afin d'en faire rapport, les conséquences de l'inclusion, dans la loi, de dispositions de non-dérogation concernant les droits ancestraux et issus de traités existants des peuples autochtones du Canada aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Toutes mes excuses aux témoins que nous avons fait attendre. Il arrive parfois que les horaires soient un peu difficiles à respecter. Merci de votre patience.

Nous commençons aujourd'hui notre examen des conséquences de l'inclusion, dans la loi, de dispositions de non- dérogation concernant les droits ancestraux et issus de traités existants des peuples autochtones aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, conformément à l'ordre de renvoi reçu par notre comité le 7 octobre.

Pour nous aider dans nos audiences d'aujourd'hui, nous recevons des fonctionnaires de deux ministères: du ministère de la Justice, nous accueillons Clare Beckton et Charles Pryce; du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, nous recevons Christine Cram.

Autant que je sache, on vous a dit que vous disposiez de cinq minutes pour faire un exposé à la suite de quoi nous passerons aux questions.

Mme Clare Beckton, sous-procureure générale adjointe, ministère de la Justice du Canada: On ne nous a pas dit que nous disposions de cinq minutes; toutefois, nous avons quelques points à aborder que nous avons distribués au comité. Selon nous, il est important de les faire examiner par le comité pour que nous puissions préparer le terrain.

Le président: Allez-y.

Mme Beckton: C'est avec plaisir que nous avons accepté l'invitation de comparaître aujourd'hui concernant les dispositions de non-dérogation. Comme vous le savez, le ministère de la Justice porte un vif intérêt à cette question. Les fonctionnaires du ministère ont comparu devant le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles afin de discuter de cette question il y a déjà plus d'un an. Plus récemment, nous avons eu l'occasion de discuter de façon plus détaillée, avec un certain nombre de sénateurs, des dispositions de non-dérogation. Nous comprenons qu'il s'agit d'une question d'une importance fondamentale pour les sénateurs et d'autres. Nous sommes heureux d'avoir cette possibilité de participer au débat ainsi que d'écouter les opinions exprimées par d'autres et d'en tirer les leçons.

Tout comme les sénateurs, le gouvernement a intérêt à rechercher une solution à cette question. Nous convenons que l'approche actuelle qui consiste à traiter des dispositions de non-dérogation de façon ponctuelle chaque fois qu'une mesure législative est examinée par le Parlement n'est pas une solution durable. Nous nous réjouissons donc de contribuer aux travaux du comité. Votre rapport contribuera à la mise en oeuvre d'une approche uniforme de manière que la législation parvienne à un équilibre entre le respect des droits ancestraux et issus de traités et les principes constitutionnels et démocratiques.

La question a été présentée comme suit: faut-il ou non inclure des dispositions de non-dérogation dans la loi. Selon nous, cette question se rapporte moins au libellé de certaines dispositions qu'à des choix de politique. Une fois ces choix faits, il sera possible d'élaborer les mécanismes juridiques les plus appropriés afin de les rendre exécutoires.

La question fondamentale consiste à déterminer la relation appropriée entre la loi fédérale et les droits ancestraux et issus de traités. Le gouvernement fédéral prend au sérieux les droits ancestraux et issus de traités et cherche à les respecter. Ces droits jouissent d'un degré élevé de protection constitutionnelle en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les gouvernements doivent justifier tout empiétement sur les droits ancestraux et issus de traités. Toutefois, plusieurs se sont demandé si l'article 35, en lui-même, protège adéquatement ces droits. Il est particulièrement préoccupant que la loi puisse avoir des répercussions imprévues sur les droits ancestraux et issus de traités, vu que les parlementaires ne disposent d'aucun processus leur permettant d'évaluer avec précision l'impact de cette loi sur ces droits. S'il s'agit d'une préoccupation réelle, le choix politique peut consister à assurer l'existence de processus pertinents en vue d'évaluer l'impact éventuel de la loi sur les droits ancestraux et issus de traités.

On a également dit que les droits ancestraux et issus de traités doivent être mieux protégés par la loi que ne le fait l'article 35. C'est surtout dans ce contexte qu'il faut envisager la nécessité de dispositions de non-dérogation dans la loi.

Nous aimerions cibler les deux éléments principaux suivants afin de faciliter les travaux du comité: Tout d'abord, les considérations fondamentales qui se posent dans l'élaboration du choix politique, deuxièmement les approches ou les mécanismes possibles qui devraient être considérés à la lumière des choix politiques qui ont été faits.

À mon avis, trois considérations sont d'une importance cruciale: Les similarités et les différences entre les droits garantis par la Charte et les droits ancestraux et issus de traités; la nécessité de la flexibilité des régimes législatifs qui doivent ainsi permettre d'équilibrer une grande variété de droits et d'intérêts; les principes d'interprétation législative.

Je vais commencer par les droits garantis par la Charte et les droits de l'article 35.

La Cour suprême, dans l'arrêt Sparrow, a effectivement accordé la même protection constitutionnelle aux droits ancestraux et issus de traité qu'aux droits garantis par la Charte, vu qu'ils ne sont pas absolus. Les droits sont équilibrés par rapport à d'autres droits et intérêts. En dépit de ce traitement similaire, un certain nombre de facteurs doit être pris en considération afin de déterminer si l'article 35, en lui-même, offre une protection appropriée de ces droits. À titre d'exemple, il est clair que les droits ancestraux et issus de traités sont distincts des droits garantis par la Charte et ce, de plusieurs façons importantes. Nous devons nous demander si ces différences, en elles-mêmes, justifient un traitement différent en vertu de la loi, des droits ancestraux et issus de traités.

Les droits ancestraux et ceux garantis par la Charte sont différents, puisque, dans le cas des droits garantis par la Charte, il est prévu un processus formel de révision en vertu de la Loi sur le ministère de la Justice relativement à la constitutionnalité de tout projet de loi fédéral. Il n'existe pas de processus de révision similaire pour les droits ancestraux et issus de traités.

Autre différence, la Charte précise certains droits qui sont protégés, tandis que l'article 35 renvoie sommairement aux droits ancestraux et issus de traités, sans les préciser. En ce sens, les droits garantis par la Charte sont potentiellement plus faciles à définir que les droits ancestraux et issus de traités. Depuis 20 ans, les tribunaux ont donné une certaine orientation quant au type de droits ancestraux et issus de traités existants, mais il demeure beaucoup d'inconnue quant à la nature et à la portée de ces droits. Par exemple, bien que les peuples autochtones revendiquent un droit à l'autonomie gouvernementale, certains revendiquant le statut de nations souveraines, les tribunaux n'ont pas encore confirmé ni l'existence, ni la forme d'un tel droit à l'autonomie gouvernementale.

Autre différence entre les deux types de droits, la plus grande partie des droits garantis par la Charte sont de nature sociale ou politique et visent les particuliers, indépendamment de leurs antécédents. En revanche, les droits ancestraux sont de nature collective et appartiennent à des groupes particuliers en fonction de leur occupation antérieure de ce qui est maintenant le Canada. De plus, les droits ancestraux ne sont pas universels, mais plutôt axés sur des endroits et des faits précis. Ainsi, un groupe autochtone de la côte Ouest n'aura pas nécessairement les mêmes droits de chasse qu'un groupe autochtone de la côte Est. Cette particularité des droits ancestraux signifie qu'il est difficile de les évaluer de manière globale et qu'il faut les examiner au cas par cas.

En dernier lieu, les droits ancestraux sont souvent liés à l'utilisation des terres et des ressources, renfermant ainsi un certain élément économique qui les rend passablement différents des droits garantis par la Charte.

Il faut ensuite se pencher sur la question des régimes législatifs adaptables.

Comme nous le savons, la loi doit concilier ou équilibrer les intérêts opposés et être suffisamment flexible pour s'adapter aux circonstances changeantes. Le gouvernement fédéral exerce son pouvoir afin d'atteindre toute une gamme d'objectifs, y compris en matière de politique officielle. La société canadienne n'est pas statique; les Canadiens, Autochtones et non-Autochtones ne seraient pas bien servis par une loi figée dans le temps.

Par conséquent, il est important de mettre en place des régimes législatifs qui peuvent s'adapter à l'évolution des circonstances et des valeurs. La nécessité de flexibilité est illustrée en partie par le fait que beaucoup de lois sont mises en oeuvre en tant que lois-cadres, qui orientent l'application générale de la loi.

L'application détaillée de la loi se fait par le biais de la réglementation. Par exemple, la Loi sur les pêches établit les responsabilités générales à l'égard des pêches, mais les détails concernant les attributions de prises, les restrictions quant à la taille, etc., sont précisées dans la réglementation et les permis. Réglementer un droit de pêcher une certaine espèce n'est peut-être pas nécessaire lorsqu'il y a beaucoup de poissons, mais peut le devenir lorsque les stocks diminuent.

La Loi sur les pêches est également un bon exemple des conséquences importantes qui pourraient découler de l'inclusion d'une disposition de non-dérogation dans la loi pour que celle-ci n'ait pas d'effets préjudiciables sur les droits ancestraux ou issus de traités. C'est le ministère des Pêches et des Océans qui applique la loi et qui prend quotidiennement les décisions relatives aux pêches. Beaucoup d'utilisateurs différents, y compris de nombreux groupes autochtones, ont le droit de pêcher. Certains de ces utilisateurs, autant autochtones que non-autochtones, dépendent traditionnellement de cette ressource et certains jouissent de droits ancestraux ou issus de traités. L'accès à la pêche peut être prévu à des fins alimentaires, commerciales ou sportives. Le MPO cherche à gérer la pêche d'une manière conforme à la protection constitutionnelle des droits ancestraux et issus de traités. Cependant, il serait beaucoup plus difficile de parvenir à un équilibre entre les buts contradictoires de la politique publique de conservation et l'utilisation constante de la ressource par tous les utilisateurs si aucune violation des droits ancestraux et issus de traités n'était possible, même si elle était justifiée. C'est un aspect particulièrement important, puisque les tribunaux peuvent reconnaître davantage de droits ancestraux ou issus de traités en matière de pêche qui sont actuellement inconnus.

C'est ce que nous avons observé dans les récents arrêts de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Powley.

Nous passons au troisième point, les principes d'interprétation législative. On observe des divergences d'opinion à propos de l'objet de certaines dispositions de non-dérogation dans la loi. Selon certains, ces dispositions sont essentiellement déclaratoires et servent à rappeler à ceux qui appliquent la loi que celle-ci est assujettie à l'application de l'article 35. Ce point de vue pourrait ne pas être accepté, étant donné que d'après un principe général d'interprétation législative, toutes les dispositions d'une loi doivent avoir un sens. Avant de présumer qu'une disposition de non-dérogation devrait être incluse dans une loi en particulier, il importe de préciser les objectifs globaux de la politique. Ainsi, on pourra décider si une disposition de non-dérogation s'impose. Le libellé de toute disposition doit être conforme aux objectifs de la politique afin d'éviter les divergences d'opinion survenues jusqu'ici.

J'aimerais ajouter que l'on pourrait envisager un vaste éventail d'approches, en fonction du choix politique. D'un côté, certains ont indiqué qu'à cause de l'incertitude relative aux dispositions de non-dérogation, il faudrait tout simplement les abroger des lois existantes. De l'autre côté, s'il est établi que les droits ancestraux et issus de traités nécessitent plus de protection que celle accordée en vertu de l'article 35, il faudrait envisager une disposition de non- dérogation plus générale, applicable à toutes les lois fédérales et garantissant une protection complète des droits ancestraux et issus de traités.

Comme je l'ai indiqué précédemment, il faut faire un choix de politique à propos de la portée des lois fédérales et de leur capacité de limiter les droits ancestraux et issus de traités; plusieurs questions se soulèvent à propos d'un tel choix. Il faut se demander pourquoi les dispositions de non-dérogation posent problème en ce moment. Pourquoi tant de personnes croient-elles qu'elles sont nécessaires? Certains prétendent que le gouvernement ne fait pas suffisamment d'efforts pour garantir la protection des droits ancestraux et issus de traités dans les lois fédérales. Cependant, ne pas répondre aux préoccupations des peuples autochtones tant que la loi ne sera pas déposée devant le Parlement équivaut à une approche fragmentaire qui ne permet pas toujours l'examen des questions sous-jacentes. Pourrait-on faire autre chose pour répondre à ces préoccupations qui poussent les parlementaires et d'autres à préconiser l'inclusion de dispositions de non-dérogation dans les lois fédérales? Si l'on s'inquiète vraiment du fait qu'on n'en fait pas assez pour prendre en compte les droits ancestraux et issus de traités au moment de la rédaction de la loi et de son examen au Parlement, on pourrait peut-être trouver de meilleures façons de garantir que les points de vue et les intérêts des peuples autochtones sont pris en considération dans le processus législatif. Le gouvernement fédéral fait régulièrement participer les Canadiens au processus d'élaboration ou de modification de la loi. Toutefois, il est important de voir si des efforts supplémentaires pourraient être déployés en vue de garantir que les points de vue et les intérêts des peuples autochtones sont reflétés dans le processus législatif. Une approche plus systématique de consultation des peuples autochtones pourrait permettre d'explorer des mesures visant l'inclusion et la défense des intérêts autochtones, ce qui pourrait donner lieu à un traitement plus efficace des préoccupations autochtones.

S'il était jugé pertinent de protéger davantage les droits ancestraux et issus de traités dans certaines circonstances, mais pas dans d'autres, il serait alors possible d'élaborer un cadre qui préciserait quand une disposition de non- dérogation pourrait, ou non, être envisagée. Ce cadre permettrait de classer les lois fédérales en fonction d'un ensemble de critères. Par exemple, il peut être utile d'insérer des dispositions de non-dérogation dans des lois qui ont une incidence directe sur les peuples autochtones et qui ne visent pas à modifier les droits ancestraux ou issus de traités. Inversement, il ne serait peut-être pas utile d'envisager une disposition de non-dérogation dans une loi qui s'applique à tous les Canadiens et qui porte sur des questions d'intérêt national.

Pour terminer, il faudrait répéter que des choix importants de politique s'imposent à propos de la relation judicieuse entre lois fédérales et droits ancestraux et issus de traités. Les mécanismes juridiques découlent du résultat de ces choix politiques.

Le rapport de votre comité sera très important, puisqu'il permettra de faire les meilleurs choix politiques pour tous les Canadiens. Les fonctionnaires du ministère de la Justice sont prêts à aider le comité dans ses travaux.

Le président: Merci beaucoup. J'aimerais préciser un certain point au sujet de vos approches possibles. D'un côté, vous dites qu'il suffit simplement d'abroger les dispositions de non-dérogation des lois existantes, et de l'autre, vous dites qu'il faudrait prévoir une disposition de non-dérogation générale applicable à toutes les lois fédérales. S'agirait-il d'une loi autonome ou simplement d'une disposition rattachée à toutes les lois, en cas de nécessité?

Mme Beckton: Il s'agirait plus probablement d'une disposition de la Loi d'interprétation.

Le président: D'accord. Merci.

Le sénateur Beaudoin: Bien sûr, nous savons tous que l'affaire Sparrow traite de l'article 35, tout comme l'affaire Oakes traite de la Charte des droits. Le ministère de la Justice effectue un examen des répercussions de la Charte dans le cas de toute loi adoptée. Nous ne faisons pas la même chose pour les droits ancestraux, puisqu'ils sont établis d'une autre façon.

La grosse différence, c'est que, en vertu de la Charte des droits, nous parlons de droits individuels, alors qu'en vertu de l'article 35, nous parlons de droits collectifs. C'est une grosse différence, selon moi. Il faut également prendre en compte qu'il n'existe pas de droits économiques en tant que tels dans la Charte. Toutefois, on peut les retrouver à l'article 35. Dans ce sens-là, c'est très différent. Ma question porte sur ce que vous avez déclaré, c'est-à-dire qu'il faudrait peut-être envisager une disposition plus vaste que l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Est-ce en raison de l'obligation fiduciaire? Vous n'en avez pas parlé. Toutefois, la jurisprudence a clairement établi l'obligation fiduciaire. Nous sommes ici pour protéger les peuples autochtones et leurs droits. C'est ma première question.

Vous exprimez également certains doutes au sujet de la disposition de non-dérogation — en disant que peut-être nous n'en avons pas besoin. Permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous sur ce point; en effet, je crois que nous avons besoin d'une disposition de non-dérogation.

L'obligation fiduciaire existe et la jurisprudence est assez claire à ce sujet, voire même assez sévère. Quelle réponse pouvez-vous nous donner à cet égard?

Mme Beckton: Sénateur, nous avons dit que pour certains, l'article 35 n'offre pas une protection suffisante, car d'après l'affaire Sparrow, il est possible de justifier des violations de ces droits ou de leur imposer des limites. Nous disons que certains avancent que des dispositions de non-dérogation s'imposent, si elles sont substantielles, afin de garantir que les droits ancestraux et issus de traités sont protégés, sans que le gouvernement ne puisse les limiter ou les violer, même en présentant des justifications.

Le sénateur Beaudoin: Sur quoi s'appuie pareille décision?

Mme Beckton: Les Canadiens autochtones et d'autres présentent ces points de vue. Je ne suis pas la mieux placée pour dire ce qu'il en est à l'origine.

Le sénateur Beaudoin: Je me souviens de nombreux débats que nous avons eus ici; les Autochtones disent constamment que leur situation est différente, que l'entente prévue à leur égard en vertu de l'article 35 est différente, et ils ont raison. L'article 35 s'applique uniquement aux peuples autochtones et ils ne veulent pas constamment se retrouver devant les tribunaux; ils ont donc besoin d'une disposition de non-dérogation. Qu'en pensez-vous?

Mme Beckton: Je ne suis pas sûre que des dispositions de non-dérogation résoudraient le problème de l'action judiciaire, car il est possible que cette action puisse simplement entraîner une nouvelle définition des droits. Les tribunaux examineraient la portée du droit pour décider s'il englobe ce que revendiquent les Autochtones dans ce cas particulier. À l'heure actuelle par contre, nous avons la définition; reste à savoir alors s'il y a eu violation et si elle est justifiable.

Le sénateur Beaudoin: C'est exactement là le problème. Les Autochtones disent toujours qu'ils doivent démontrer qu'un traité existe, qu'ils jouissent de droits collectifs spéciaux; cela coûte beaucoup d'argent. C'est ce qu'ils disent fréquemment à notre comité. Conviendriez-vous qu'une disposition de non-dérogation bien pensée pourrait résoudre une partie de ce problème?

Mme Beckton: Je ne pense pas que la disposition de non-dérogation permettrait en fait de savoir quels droits existent. La disposition de non-dérogation est applicable lorsque les droits ont déjà été déterminés et elle sert uniquement à compléter ou affirmer l'article 35 ou, s'il s'agit d'une disposition de fond, elle stipule que ces droits ne peuvent être violés ni limités, même avec justification. Pour pouvoir décider, il faut savoir de quels droits on parle.

Le sénateur Beaudoin: On ne peut échapper à l'établissement de la preuve. C'est aux Autochtones qu'il revient de prouver qu'ils ont un traité. Il peut arriver qu'une preuve orale soit suffisante, car ils ne disposent pas toujours de documents écrits. Je pense en particulier à l'affaire Delgamuukw ou Vanderpeet. Il faut d'abord établir la preuve. Ils en ont l'obligation et nous ne pouvons rien changer à ce sujet.

Vous dites au début de votre exposé que nous devrions voir plus loin que ce qui est stipulé à l'article 35. Que voulez- vous dire?

Mme Beckton: Ce que nous voulons dire, c'est que d'après la jurisprudence actuelle, lorsqu'on lit les choix politiques dont est saisi le comité qui doit faire ses recommandations, l'article 35 a certaines limites. L'affaire Sparrow retient le critère du motif justifiable pour déterminer si l'on peut imposer ces limites. Des arguments...

Le sénateur Beaudoin: Les droits ne sont pas absolus.

Mme Beckton: Toutefois, il est possible que si vous incluiez une disposition de non-dérogation qui en est une de fond, ces droits deviendraient absolus, car vous diriez que le gouvernement ne peut pas violer ni limiter les droits en question, même avec justification. Par conséquent, cela renforcerait les droits prévus à l'article 35.

Le sénateur Joyal: J'ai suivi votre exposé attentivement et, pour vous dire la vérité, je suis stupéfait. Vous dites qu'en vertu de l'article 11 de la Loi sur le ministère de la Justice, le ministre de la Justice doit certifier qu'un projet de loi respecte la Charte des droits et libertés. Si je comprends bien, vous renvoyez à cet article, même si vous n'en faites pas mention dans votre exposé. Vous semblez dire qu'en ce qui concerne la Charte, le ministère a une responsabilité, parce qu'une loi impose cette responsabilité au ministre de la Justice. Toutefois, en ce qui concerne l'article 35, il n'existe pas de responsabilité, que ce soit en vertu d'une loi ou dans le cadre des responsabilités générales, de conseiller le gouvernement fédéral. Le ministre de la Justice a non seulement la responsabilité bien précise de conseiller le gouvernement fédéral à propos des questions relatives à la Charte, mais aussi à propos de la légalité de toute politique générale du gouvernement fédéral. Je crois que nous sommes d'accord sur ce point.

Je suis stupéfait parce que — et je peux faire erreur, auquel cas, je vous demanderais de me reprendre — au cours des 15 dernières années, toute une série d'affaires ont clairement établi la responsabilité fiduciaire de la Couronne et les obligations fiduciaires de la Couronne, qui sont deux concepts différents. Il me semble un peu insuffisant de dire que nous n'avons pas de responsabilité précise. En fait, je suis consterné de m'apercevoir que vous n'avez même pas fait mention dans votre mémoire de l'existence d'un document intitulé «Rapport fiduciaire entre la Couronne et les peuples autochtones: Questions de mise en application et de gestion: Un guide pour gestionnaires». Ce document du gouvernement fédéral découle du rapport d'un groupe de travail interministériel, daté d'octobre 1995; ce n'est donc pas un ancien document. Lorsque nous lisons les arrêts dont vous avez fait mention, comme pour les affaires Guerin et Sparrow, nous voyons qu'ils ont permis d'orienter le gouvernement. En fait, peut-être que quelqu'un pourrait venir témoigner et expliquer au comité ce que chacun de ces arrêts a ajouté au cadre de la responsabilité du gouvernement fédéral à l'égard des peuples autochtones.

Je vais citer Delgamukw, 1997, où il est indiqué au paragraphe 168:

Évidemment, même dans les rares cas où la norme minimale acceptable est la consultation, celle-ci doit être menée de bonne foi, dans l'intention de tenir compte réellement des préoccupations des peuples autochtones dont les terres sont en jeu. Dans la plupart des cas, l'obligation exigera beaucoup plus qu'une simple consultation. Certaines situations pourraient même exiger l'obtention du consentement d'une nation autochtone, particulièrement lorsque des provinces prennent des règlements de chasse et de pêche visant des territoires autochtones.

Elles pourraient exiger le consentement. Je ne veux pas examiner toutes les affaires que j'ai devant moi, mais il me semble que le point de départ, c'est la responsabilité fiduciaire de la Couronne, ce que cela signifie d'après la Cour suprême, puis les obligations fiduciaires qui sont précisées. L'arrêt Weiwaikum de décembre dernier a été utile pour la définition de «obligations fiduciaires».

Tout en vous écoutant attentivement, je me pose la question suivante: S'agit-il des personnes responsables qui conseillent le gouvernement fédéral sur ce qu'il faut faire lorsqu'une loi a un impact sur les droits de chasse et de pêche des peuples autochtones.

Notre comité a été saisi du projet de loi C-10B, le projet de loi sur la cruauté envers les animaux. On comprend assez rapidement que si l'on légifère en la matière, cela risque d'avoir un impact sur les droits traditionnels de chasse et de pêche. Nous avons ici un arrêt, que j'ai cité, selon lequel il faut obtenir leur consentement — cette loi ayant un impact. De quelle autre politique avez-vous besoin, à moins que l'on adopte une loi précisant tout à fait clairement cette responsabilité de la Couronne?

Le problème provient du fait que l'on se trouve dans une situation injustifiable, contradictoire. D'un côté, vous conseillez à la Couronne, pour préserver son honneur, de protéger les titres aborigènes qui remontent à 1763, de l'autre, vous devez conseiller à la même Couronne, lorsque vous légiférez pour le bien de tous les Canadiens, que c'est pour le bien de tous les Canadiens et que cela s'inscrit dans le cadre de la responsabilité législative du gouvernement fédéral. C'est cette position injustifiable dans laquelle le gouvernement fédéral se retrouve et que l'article 35 accentue, à mon avis, pour la première fois.

Lorsque vous dites que vous n'avez pas de politique, je crois que vous faites erreur — il existe des lignes directrices. On peut s'en servir, dès lors que la Cour suprême les a rendues précises, pour définir le recours à la disposition de non- dérogation, ainsi que pour préciser le moment où une telle disposition est utile. Vous n'avez pas indiqué que le problème auquel nous sommes confrontés provient dans une certaine mesure du ministère de la Justice. Aucun autre ministère n'a inventé les divers textes applicables aux peuples autochtones. Les projets de loi sont examinés par le ministère de la Justice, et lorsqu'ils arrivent au comité du cabinet chargé de la législation, le ministère de la Justice est présent, et conseille les ministres sur le libellé des diverses dispositions qui pourraient poser problème à divers groupes touchés par le projet de loi.

Il me semble — et je suis heureux que vous soyez ici et que nous puissions vous écouter — que nous avons un vrai problème. Comme vous l'avez dit franchement, il n'y a pas pour l'instant de politique relative à l'obligation de la Couronne à propos du respect et du renforcement des droits des peuples autochtones.

N'oubliez pas que la Cour suprême du Canada a donné deux interprétations de l'article 35. Elle a reconnu que les Autochtones ont des droits au titre qui sont antérieurs à l'établissement des Européens; c'est le premier sens de l'article 35. Le second, c'est qu'ils ont un genre de société, d'organisation et de culture qu'il faut protéger, et l'article a un effet réparateur à cet égard. La Cour a reconnu que nous n'avons pas procédé de la sorte dans le passé et la Couronne — l'État canadien, responsable pour l'ensemble du Canada, pour les peuples non-autochtones — a l'obligation de réparer ce qui a été fait aux peuples autochtones.

Je suis vraiment perplexe de voir que votre exposé ne semble absolument pas le reconnaître. Je suis désolé d'avoir pris autant de temps, mais c'est pourquoi nous avons ce problème. C'est essentiellement la raison pour laquelle, dans le cas de chacun des projets de loi qu'examine notre comité, nous nous demandons quel en est l'impact sur les peuples autochtones. La Loi sur les armes à feu, le projet de loi sur la cruauté envers les animaux, le projet de loi sur la protection des espèces en péril dont s'inquiétait le sénateur Sibbestone — tous ces projets de loi ont un impact sur l'occupation de certaines terres par les Autochtones, dont la culture et l'organisation sociales sont bien particulières. Nous avons une responsabilité réparatrice étant donné que pendant 400 ans, nous ne l'avons pas reconnu et que cela leur a causé du tort. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons et c'est notre problème fondamental. C'est ce que nous attendons.

Le président: Peut-être pourrions-nous donner au témoin une minute pour réfléchir à certaines de vos observations. Voulez-vous y répondre, madame Beckton?

Mme Beckton: Je commencerais par dire que le document ne vise certainement pas à dire que le gouvernement fédéral n'a aucune obligation ou responsabilité, en particulier le ministère de la Justice lorsqu'il donne des conseils au sujet des droits autochtones précisés à la fois par les tribunaux et par l'article 35. Le renvoi au processus de la Charte veut simplement indiquer qu'il existe une exigence législative particulière à laquelle ont renvoyé certains groupes autochtones en disant qu'ils aimeraient avoir une disposition similaire pour les droits autochtones. Je crois que le document dont vous faites mention, les lignes directrices relatives à la consultation, par exemple, qui ont été produites par le gouvernement fédéral, est un autre exemple — une indication — du sérieux avec lequel le gouvernement fédéral envisage ses responsabilités et ses obligations en vertu de l'article 35 en ce qui concerne les peuples autochtones.

Le ministère de la Justice tente de donner les meilleurs conseils possibles — qu'il s'agisse des droits ancestraux ou issus de traités — quant aux obligations du gouvernement en matière de respect de ces droits, quant à la consultation exigée si une initiative doit être prise, quant à quelque mesure législative que ce soit lorsqu'elle risque en fait de violer les droits ancestraux ou issus de traités et si cet empiétement peut se justifier dans les circonstances.

Les renvois dont vous parlez visent simplement à souligner qu'il existe une disposition particulière dans une loi en ce qui concerne la Charte, qui n'existe pas pour les droits autochtones. Cela ne veut pas dire que le gouvernement ne remplit pas ses obligations; cela n'a jamais été l'intention de cet exposé.

Le sénateur Joyal: Vous avez fait mention de Powley, arrêt qui remonte à deux mois. Les Métis s'élevaient contre huit gouvernements provinciaux, plus le gouvernement fédéral, du fait qu'ils refusaient de reconnaître leurs droits de chasse 22 ans après le rapatriement de la Constitution; les Métis demandaient également qu'ils les reconnaissent en tant que nation autochtone à part entière. Lorsque nous avons reconnu les Métis comme nation autochtone à part entière — au même titre que les Inuits et que les Indiens inscrits — vos représentants, bien sûr, ne se sont peut-être pas rendu compte de toutes les répercussions. Toutefois, au fur et à mesure que nous avançons dans le processus législatif, les arrêts qui se multiplient montrent que le gouvernement fédéral ne comprend pas bien, c'est notre problème. Je ne m'adresse pas à vous personnellement et je ne veux pas que cela devienne une question litigieuse entre nous deux. Beaucoup de gouvernements en sont responsables depuis les 20 dernières années. Toutefois, dans l'affaire que je viens de vous citer, il me semble qu'il est très clair qu'il existe des obligations qui découlent de la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral.

Je crois sincèrement que pour résoudre notre problème, il faudrait peut-être que le ministère de la Justice présente une proposition reconnaissant la responsabilité fiduciaire de l'État. Il y aurait au moins une instance qui donnerait une opinion, ou un avis, au gouvernement au sujet de cette responsabilité, susceptible d'entrer en conflit avec l'article 91(24), qui est une autre responsabilité permettant au gouvernement de légiférer. Je crois qu'il y a une lacune dans la définition de la responsabilité qui garantit que le gouvernement fédéral, lorsqu'il légifère d'un côté, remplit son autre responsabilité de l'autre côté — ou fait un effort raisonnable pour comprendre la nature et la portée de cette responsabilité fiduciaire par rapport à la mesure législative qu'il présente pour le bien du Canada.

Comme je le disais, les deux projets de loi dont j'ai fait mention proviennent de votre ministère. Les deux nous ont posé des problèmes et ce n'est pas fini. L'un d'eux est devant les tribunaux — la Loi sur les armes à feu; une injonction provisoire a accordé la requête présentée par la Tunngavik Corporation. Vous comprenez la situation dans laquelle se trouve le Parlement du Canada à cause du projet de loi sur la cruauté envers les animaux.

Le problème est réel et il va perdurer si nous ne trouvons pas une solution qui ferait partie d'un cadre politique et qui reconnaîtrait la responsabilité. Tant qu'il n'est pas reconnu officiellement que le gouvernement fédéral a une responsabilité fiduciaire à l'égard des peuples autochtones qui remonte à 1763, nous aurons le problème qui consiste à ménager la chèvre et le chou.

Mme Beckton: Sénateur Joyal, je serais la première à espérer pouvoir écrire un tel avis juridique. Malheureusement, compte tenu de la jurisprudence et des questions en suspens, je ne serais pas vraiment à même d'écrire un avis définitif au sujet des obligations fiduciaires du gouvernement fédéral.

Comme on l'a si bien fait remarquer, la jurisprudence des vingt dernières années, depuis 1982, commence à préciser les droits ancestraux et issus de traités existants. Au fur et à mesure qu'ils sont précisés, le gouvernement tente de s'assurer que sa législation est en conformité avec ces droits et, bien évidemment, que le travail du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est en conformité avec les obligations fiduciaires existantes.

Il arrivera au moment de l'examen de diverses mesures législatives que des décisions seront prises à des fins de politique publique, qui risquent d'empiéter d'une certaine façon sur les droits ancestraux et issus de traités existants. Lorsque la Cour est saisie de ces questions, il s'agit souvent de savoir si le gouvernement peut justifier les limites imposées par une loi promulguée pour atteindre un vaste objectif de politique. Cela va continuer. Je ne suis absolument pas convaincue qu'une disposition de non-dérogation d'un genre ou d'un autre va nécessairement empêcher d'autres actions en justice à propos des questions relatives à l'existence, au contenu et à l'ampleur des droits ancestraux ou issus de traités. Ces droits sont tous axés sur des endroits et des faits. Vous ne pouvez citer aucun droit qui s'applique uniformément à tous les peuples autochtones du pays. Cette réalité pose à nous tous, ainsi qu'aux peuples autochtones, d'innombrables problèmes.

Le sénateur Andreychuk: J'aimerais revenir à votre exposé.

Si je comprends bien, le gouvernement du Canada a accepté le fait que les Autochtones ont des droits, qu'il faut préciser dans certains cas; certains ont été reconnus. Nous avons donc ces deux catégories.

Nous savons que le Parlement a l'obligation de garantir le respect de ces droits, tout comme l'organe exécutif. Nous ne nous sommes pas mis à avoir recours aux dispositions de non-dérogation dans les cas où le gouvernement limitait les droits. Il faudrait que j'examine les mesures législatives touchées. Il y a eu cette acceptation des droits autochtones, puis on a tenté de les limiter.

Lorsqu'on a soulevé ces questions ici ou ailleurs, le gouvernement a répondu: «Eh bien, nous en avons tenu compte», mais si on va un peu plus loin, on a l'impression que le gouvernement ne croyait pas vraiment que par son attitude, il violait les droits de quelque façon que ce soit, ou qu'il s'agissait d'un droit autochtone. En d'autres termes, ce n'est pas une question de négligence, mais un genre de laissez-faire à l'égard des droits autochtones.

Passons au sujet du registre des armes à feu. Je me rappelle avoir soulevé la question des droits autochtones, des responsabilités fiduciaires et autres. Le gouvernement n'a pas donné de réponse instantanément, mais plus tard, lorsqu'il s'est rendu compte qu'il ne pouvait pas fermer les yeux sur cette question. Il a déclaré: «Nous en avons tenu compte et avons consulté les Autochtones». Lorsqu'il a dû produire de l'information sur la façon dont la consultation s'était faite, il a présenté un document indiquant que tous les Autochtones avaient été informés que le gouvernement les consulterait à l'avenir au sujet d'une future loi sur le contrôle des armes à feu, pour qu'ils puissent donner leur avis à ce sujet.

La collectivité autochtone a ensuite affirmé que la lettre était beaucoup trop générale, qu'elle ne mentionnait pas d'échéance et ne portait pas sur une mesure législative en particulier. Elle n'envisageait pas de prendre officiellement position puisqu'elle ignorait quelle suite y serait donnée et qu'il ne s'agissait pas d'une consultation honnête.

Le gouvernement était si absorbé par le contrôle des armes à feu qu'il n'a jamais tenu vraiment compte des Autochtones dans ce dossier et qu'ensuite, il a dû faire des entourloupettes pour justifier sa position. C'est mon interprétation des événements, qu'elle soit juste ou pas.

Un projet de loi nous a été renvoyé, et il faut se poser certaines questions sur les droits ancestraux. Il ne se fait pas de réflexion préalable, de planification et d'évaluation des limites. On tient rarement compte des Autochtones dans les projets de loi. Ils ne font pas partie du processus.

Je suis également préoccupée par le fait que, lorsque le gouvernement s'assoit pour évaluer les répercussions de ses mesures sur les Autochtones, il semble croire qu'il s'est acquitté de son obligation et adopte l'attitude: «Si cela ne plaît pas aux Autochtones, ils peuvent toujours nous traîner devant les tribunaux».

Je n'ai pas vu cette limite, ce qui est intrigant. Il va falloir s'y arrêter parce que les dispositions non dérogatoires dont nous avons traité ont été ajoutées alors qu'on estimait que les Autochtones étaient ignorés ou que le gouvernement n'avait pas pris en compte d'autres points de vue, particulièrement celui des Autochtones.

Résultat: nous pouvons ajouter toutes les dispositions non dérogatoires que nous voulons mais, étant donné que nous en sommes toujours au point où, partout dans la bureaucratie et au sein du gouvernement, on ne comprend pas bien et n'accepte pas les droits ancestraux, n'est-ce pas là une question de principe plutôt que de droit?

Le document sur le partenariat rendu public en 1998 par le ministre Stewart décrivait une nouvelle ère. Si vous aviez appliqué ce que prévoit ce document, il y aurait peut-être des divergences de vues honnêtes au sujet des limites et ainsi de suite, mais il y aurait eu un dialogue et un débat avec la collectivité autochtone, et le gouvernement se serait réservé le droit de rendre la décision finale. Est-il vraiment question de droit ou n'est-ce pas plutôt une question d'orientation?

Mme Beckton: Il se peut que ce soit les deux à la fois. C'est vrai que la consultation n'a peut-être pas été parfois aussi poussée qu'on aurait aimé. En tant que gouvernement, nous devons faire en sorte que la consultation est bonne.

Autre problème, bien souvent, à mesure que le projet de loi franchit les étapes, ses auteurs ne sont pas vraiment conscients de ses éventuelles répercussions. Parfois, ces répercussions ne deviennent évidentes qu'après plus de discussions dans le cadre desquelles un point est porté à l'attention du gouvernement, un point dont il n'était peut-être pas conscient. Ce n'est souvent pas fait par malice, mais plutôt parce que tous les impacts du projet de loi ne sont peut- être pas immédiatement évidents. Nous savons que lorsque nous examinons une mesure législative, en règle générale, elle a souvent des conséquences non voulues que les législateurs n'auraient pu prévoir ou n'avaient pas prévues.

Au ministère de la Justice, dans l'élaboration de la politique, nous rappelons constamment aux autres ministères leurs obligations et leurs responsabilités quand nous savons que des droits ancestraux ou issus de traités existants existent ou quand le gouvernement estime qu'on constatera probablement l'existence de droits ancestraux ou issus de traité.

Le sénateur Andreychuk: Quand la Charte a été inscrite dans la Constitution, un processus a été établi dans le cadre duquel un ministre devait attester que le projet de loi était conforme à la Charte. Une façon de mettre tout le monde au courant de ces préoccupations serait d'avoir un processus quelconque grâce auquel, avant que le Cabinet ne soit saisi du projet de loi — et, avec un peu de chance, bien avant cela —, tous soient obligés d'y intégrer la dimension autochtone.

Comme vous dites, les droits ne relèvent pas simplement de l'article 35. Il y en a partout, et tous devraient avoir à s'en préoccuper. Il faudrait presque mettre en place un mécanisme spécialisé pour approuver les projets de loi.

Les dispositions non dérogatoires sont insérées quand le projet de loi arrive — souvent ici, parfois dans l'autre endroit. Il est peut-être temps que le Parlement mette en place un processus relatif aux droits ancestraux avant d'avoir à se prononcer sur le projet de loi. Le point qu'a fait valoir le sénateur Joyal concernait l'obligation fiduciaire. Il est très difficile de parler de droits ancestraux quand un projet de loi a déjà franchi la première, la deuxième et la troisième étapes. Ce serait particulièrement difficile cette semaine, alors que les projets de loi pleuvent de partout. Cela se passe à la fin du processus. Peut-être faudrait-il faire une vérification, au sein de l'appareil gouvernemental même, puis une seconde vérification au Parlement. Serait-ce utile?

Il ne semble pas y avoir d'autre problème que le fait que nous n'avons pas tenu compte de nos obligations. Nous semblons alors essayer de réparer les pots cassés, ce qui coûte cher, et transforme les Autochtones en adversaires du système. Je ne crois pas que ce soit là la meilleure façon de faire. Comment les intégrons-nous au processus plus tôt, pour exprimer nos différends honnêtement, en venir à une décision, puis rattraper ces points?

Mme Beckton: Il se pourrait fort bien qu'il soit utile d'envisager cette possibilité parce que cela pourrait faciliter la compréhension beaucoup plus tôt dans le processus et faire en sorte que le processus parlementaire tient bien compte des vues et des préoccupations autochtones.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit que des dispositions non dérogatoires étaient ajoutées pour diverses raisons. Par conséquent, leur libellé varie. À nouveau, même au sein de la collectivité autochtone, cela est perçu comme une incohérence plutôt qu'une spécialisation.

Mme Beckton: Jusqu'ici, le gouvernement fédéral avait l'impression que les dispositions étaient insérées pour attirer l'attention sur les responsabilités relevant de l'article 35. Elles n'étaient pas conçues comme des dispositions de fond, en ce sens qu'elles limiteraient les possibilités de justification prévues dans l'arrêt Sparrow. Manifestement, le libellé a été changé également pour tenir compte des jugements rendus par les tribunaux.

Le sénateur Sibbeston: Je suis ravi que notre comité soit saisi de la question des dispositions non dérogatoires. Mes collègues, les sénateurs autochtones, travaillent à ce dossier depuis deux ans déjà.

J'ai fouillé dans mon dossier. La première lettre sur le sujet date du 13 décembre 2001. Nous y exprimions certaines préoccupations au sujet du projet de loi sur les eaux du Nunavut qui comportait une disposition non dérogatoire. Nous avons commencé à écrire au président et par la suite au ministre de la Justice et au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Mon dossier commence à être plutôt volumineux.

Pendant l'examen du projet de loi, nous avons réussi à convaincre le ministre de la Justice que le libellé différent utilisé pour les dispositions non dérogatoires depuis 1998 pourrait s'avérer un problème grave.

Nous avons essayé de régler la question. Nous avons eu plusieurs rencontres avec le ministre de la Justice. À un certain moment donné, il a organisé une rencontre entre les sénateurs autochtones et des fonctionnaires des deux ministères. Cela n'a toutefois rien donné. La question a été renvoyée à notre comité dans l'espoir que nous y trouverons enfin une véritable solution.

Quand j'ai commencé à examiner le problème, il semblait épineux. Après que les droits ancestraux ont été inclus dans la Constitution, en 1982, on a commencé à voir des dispositions non dérogatoires dans les lois fédérales. Il existe toute une série de mesures législatives fédérales qui comportent des dispositions non dérogatoires au libellé standard extrait de l'article 35 de la Charter. Le libellé est bien, fondamental et direct.

C'est ainsi qu'on retrouve cette disposition standard dans la Loi sur les armes à feu, dans la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte, dans la Loi fédérale sur les hydrocarbures et dans la Loi sur les espèces sauvages au Canada, pour n'en nommer que quelques-unes.

Nous avons remarqué un léger changement dans le libellé depuis 1998. Il est question par exemple de déroger à une protection prévue ou de soustraire quelque chose à l'application d'une loi. Il est difficile au départ de comprendre ce que cela veut dire.

Plutôt que d'avoir une disposition non dérogatoire qui demande aux tribunaux d'examiner la question dans l'optique de l'article 35 seulement, il faut se pencher sur l'application de l'article et sur la protection qu'il offre. Le ministère de la Justice ou le gouvernement tentait peut-être d'en diluer l'effet. En tant que peuples autochtones, nous avons commencé à nous inquiéter sérieusement des droits pour lesquels nous nous étions battus et que nous avions acquis si chèrement. La Constitution profite au pays tout entier.

Les peuples autochtones ont fait d'énormes progrès un peu partout au pays. Les tribunaux interprètent bien et de façon fort convenable les droits ancestraux. Les peuples autochtones font des progrès à mesure que ces droits sont définis.

Tout à coup, voilà que le ministère de la Justice était préoccupé. Les peuples autochtones se faisaient reconnaître trop de droits. Le ministère de la Justice a donc concocté des libellés qui l'aideraient à gagner les litiges. Chaque fois qu'ils vont en cour, les peuples autochtones perdent un peu plus de droits grâce à de petits changements apportés au libellé des dispositions non dérogatoires. Nous soupçonnions que le ministère de la Justice le faisait délibérément pour affaiblir la position autochtone ou pour diluer les droits ancestraux.

Cela nous préoccupait, et nous avons donc décidé d'essayer de régler la question. Comme vous pouvez vous en rendre compte, la présence de ces mots dans une loi est très importante. Les tribunaux qui se penchent sur la loi doivent en être conscients afin de ne pas retirer de droits aux Autochtones. Ces mots, à notre avis, sont très importants.

Les tribunaux vont chercher à savoir pourquoi le gouvernement a subitement modifié les libellés et pourquoi il existe maintenant diverses versions d'une disposition standard qui, jusqu'en 1998, valait pour toutes les lois fédérales. Nous craignions que ces divers libellés ne sèment la confusion et ne soient source d'incertitude. Nous craignions que ces mots n'incitent les tribunaux et le gouvernement à gruger nos droits.

Nous estimions que ces petites variations du libellé étaient comme une brèche qui s'ouvrait, un signal envoyé aux tribunaux pour leur dire qu'il était possible de gruger les droits ancestraux. Ces droits ne sont pas vraiment absolus. C'est vous qui décidez de ce qu'ils sont. Ne vous gênez pas.

La disposition non dérogatoire si utile à notre gouvernement et à notre société pendant tant d'années est en train de changer. Ces changements pourraient encourager les tribunaux à interpréter différemment les droits constitutionnels et à affaiblir d'une quelconque façon les droits des peuples autochtones.

Ces changements sont très subtils. Toutefois, on commence toujours par un mot ici ou une disposition là pour ouvrir la brèche. À mesure que les tribunaux définissent les droits ancestraux, nous constatons que le ministère de la Justice craint que ces droits n'aient pris trop d'importance. Il estime qu'en tant que gouvernement, il devrait se préoccuper de ces droits et essayer de les diluer. Nous soupçonnons que le ministère de la Justice a inséré ces mots pour se faciliter la vie lorsque des poursuites judiciaires sont entamées et que ces mots auront pour effet de retirer des droits.

C'est pourquoi nous avons sonné l'alarme. La question est soumise à un groupe comme celui-ci pour qu'il en traite de manière rationnelle et consciencieuse en réponse à nos préoccupations.

Mme Beckton: J'aimerais donner au sénateur Sibbeston l'assurance que le ministère de la Justice n'a jamais apporté de changements au libellé des dispositions non dérogatoires dans l'intention de faire abolir des droits ancestraux ou d'en réduire la portée. Nous sommes, sénateur Sibbeston, tout aussi préoccupés que vous de la confusion qui règne autour du libellé de ces dispositions et, quels que soient les choix faits par votre comité, en bout de ligne, il est préférable d'avoir un libellé clair qui décrit bien l'objet de ces dispositions.

Je crois qu'une certaine confusion règne quant à cet objet. Le gouvernement souhaitait que les dispositions servent simplement de rappel des droits prévus à l'article 35 et témoignent des décisions rendues par les tribunaux dans l'affaire Sparrow et dans d'autres affaires au sujet desquelles s'est prononcée la Cour suprême du Canada.

Certains des changements apportés au libellé sont l'aboutissement du processus parlementaire. Certains ont été apportés après avoir discuté avec d'autres. Nous partageons cette préoccupation. La raison d'être de la disposition non dérogatoire n'est pas trop claire. C'est pourquoi nous avons affirmé, dans notre exposé d'aujourd'hui, qu'il s'agit en réalité d'une question de principe. Souhaitez-vous que la disposition non dérogatoire serve de rappel de l'article 35 et des droits? Préférez-vous qu'elle soit plus formelle et précise que, dans une mesure législative particulière, les droits sont absolus et que le Parlement ne peut pas y porter atteinte, même s'il peut justifier une pareille atteinte? Voilà le genre de précisions qui fait défaut, et c'est ce dont est saisi le comité, soit de déterminer comment rendre clair le choix d'orientation qui est fait. Nous pouvons ensuite tous nous entendre sur les libellés qui témoigneraient le mieux de ce choix.

Le sénateur Sibbeston: Il faut que je sois honnête à cet égard. Le ministre de la Justice a organisé une rencontre entre les sénateurs autochtones et des fonctionnaires du ministère. Une réunion a été organisée. Plusieurs semaines plus tard — à notre demande —, une autre réunion a eu lieu. Presque tous les fonctionnaires présents à cette réunion étaient nouveaux. Je me suis alors demandé si c'était là la façon du gouvernement fédéral de négocier avec nous au sujet d'un problème aussi grave. Je sais que j'étais frustré. Je crois que le gouvernement fédéral, certes le ministre de la Justice, était probablement très sincère et souhaitait vraiment que nous en venions à une solution. Nous sommes intelligents, en ce sens que nous avons accès à des conseillers juridiques qui nous aident à trouver la solution. Quand j'ai constaté dans quel genre de processus nous étions engagés, alors qu'à la deuxième réunion, le groupe de personnes présentes était presque entièrement nouveau, je me suis dit qu'à ce rythme-là, il faudrait 20 ans pour régler la question. Nous étions loin d'une solution. C'est une façon de causer de la frustration chez l'autre — d'envoyer un nouveau groupe à chaque réunion. Voilà le processus dans lequel nous étions engagés. Manifestement, il n'a pas donné de résultat. Il a été décidé, à un certain moment donné, de renvoyer la question au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Voilà la raison pour laquelle vous en êtes saisis. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas essayé de trouver une solution logique et raisonnable. J'estime que le ministère de la Justice ne souhaitait pas vraiment trouver une solution. C'est pourquoi la question vous est maintenant soumise, en un certain sens. Nous avons essayé. À vous maintenant.

Le sénateur Joyal: J'aimerais vous lire une des conclusions du rapport de la Commission royale sur les Peuples autochtones. On la trouve à la note 12 du volume 2, là où il est question d'une relation à redéfinir. C'est un point important. Que faudrait-il faire pour améliorer les relations et quel mécanisme permettrait à cette amélioration de prendre racine dans le système? Je cite:

Aux termes de son obligation de fiduciaire, il [le gouvernement fédéral] ne peut pas rester inactif dans sa propre sphère de compétence alors que des traités sont bafoués, que l'autonomie autochtone est minée et que des terres autochtones sont détruites.

Si j'ai bien compris le raisonnement, on recommande de changer la façon dont les choses se font. C'est là la façon la plus simple de l'exprimer. Cela signifie que le gouvernement a une obligation, au-delà de sa propre sphère de compétence, soit l'obligation fiduciaire. J'en reviens à nouveau à mon premier point. La confusion vient-elle du fait que les divers rôles du gouvernement fédéral et de la Couronne ne sont pas clairement définis par rapport aux peuples autochtones? D'après les projets de loi que j'ai pu examiner et dont j'ai pu débattre avec mes collègues à cette table au cours des cinq dernières années, il me semble, comme l'a mentionné le sénateur Sibbeston, que chaque fois qu'on estimait essentiel d'insérer une disposition non dérogatoire, c'était parce que nous avions constaté après le fait que les droits des peuples autochtones étaient, pour utiliser l'expression la plus simple, en jeu dans le projet de loi. De plus, les témoins autour de la table — qu'ils soient du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, du ministère de l'Environnement ou du ministère de la Justice — n'avaient pas tenu compte avec diligence du fait que les peuples autochtones ont un intérêt particulier à l'égard d'une dimension du projet de loi. Le gouvernement fédéral a dû venir préciser, dans le cas par exemple du projet de loi sur les espèces en péril — la protection de ces espèces est un objectif fort louable de la politique, mais elle touche les conditions de vie des peuples autochtones —, ce qu'il a fait pour composer avec ces droits. Ce fut la même chose, comme l'a souligné le sénateur Andreychuk, pour le projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Il en va de même pour le projet de loi visant la cruauté à l'égard des animaux. Nous constatons après le fait que le projet de loi a un impact sur un aspect de la vie des peuples autochtones. La réaction est alors de dire que: «Tant qu'à le faire, autant bien le faire». En d'autres mots, reconnaissons que leurs droits ne sont pas touchés. S'ils estiment qu'il y a atteinte à leurs droits, ils peuvent, comme vous avez dit, en appeler aux tribunaux. C'est alors que s'amorce une procédure qui dure pendant des années. Finalement, la Cour suprême en est saisie, et elle rend ces arrêts.

Si, comme l'a indiqué la commission royale, nous devons faire les choses différemment, nous devons revoir le processus législatif. Nous devons avoir un mécanisme et qui soit clair pour tous les intervenants de la structure fédérale, c'est-à-dire pour tous les ministères, pas seulement le ministère de la Justice et celui des Affaires indiennes et du Nord.

C'est pourquoi nous nous préoccupons des questions soulevées par le sénateur Sibbeston. Nous en sommes arrivés au point où nous estimons que cette démarche est insatisfaisante. Si nous abandonnons l'idée d'inclure des dispositions de non-dérogation, nous aimerions alors avoir un moyen satisfaisant de produire et de mettre en vigueur des lois qui traitent des préoccupations justes et légitimes des peuples autochtones. Je pense que, dans l'ensemble, c'est là que notre comité en est.

Comment pouvez-vous nous aider à cet égard? Nos recommandations doivent pouvoir être mises en pratique. C'est vous qui devrez les appliquer, alors elles devront être applicables. Vous n'avez peut-être pas toutes les réponses aujourd'hui, et nous ne faisons qu'aborder le sujet, mais je crois qu'il est essentiel que notre orientation soit bien comprise.

Mme Beckton: Nous envisageons certainement cet examen d'un bon œil et, à titre de hauts fonctionnaires, nous sommes prêts à aider de toutes les manières possibles.

Mme Christine Cram, directrice générale, Direction générale des politiques stratégiques, de la planification et des relations intergouvernementales, Secteur des politiques et de l'orientation stratégique, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Sénateur Joyal, vous avez frappé juste. Personne n'est heureux d'inclure des dispositions de non- dérogation à la fin du processus pour régler un problème qui aurait dû être décelé bien avant. La question est alors de savoir ce que nous pouvons faire pour détecter ces problèmes et quel est le processus qui peut être appliqué pour concilier tous les intérêts en jeu.

Mme Beckton a parlé d'appliquer un processus de consultation plus rigoureux avant de proposer des avant-projets de loi. Une deuxième suggestion, qui a déjà été mise à l'essai, consiste à déposer des projets de loi plus tôt ou à les soumettre à un comité plus tôt, avant la deuxième lecture par exemple. Il existe différentes façons de le faire. Le gouvernement accueillerait favorablement les conseils de ce comité sur les moyens possibles.

Le sénateur Bryden: En réponse aux questions du sénateur Joyal, je pense que vous avez indiqué que l'une des difficultés que vous avez à élaborer une norme est que la loi évolue encore. Quand la loi a atteint un certain point de son évolution, il pourrait être possible de dégager des normes et des thèmes concordants. Ces thèmes et normes pourraient alors être pris en compte quand le gouvernement rédige des lois qui touchent les peuples autochtones. Serait-il possible de formuler une norme sans attendre que toutes les lois aient évolué? Nous pourrions attendre très longtemps.

Le sénateur Joyal s'est reporté à quelques arrêts, et j'ai justement discuté du projet de loi sur la cruauté envers les animaux hier soir. Il était clair dans les discussions avec les gens qui étaient ici avant — M. Mosley a été promu, alors vous le féliciterez de ma part — que l'État a l'obligation fiduciaire, d'après un certain nombre d'arrêts, d'adopter une position préventive relativement aux effets sur les peuples autochtones. Il y a beaucoup de choses à dire à propos du projet de loi sur la cruauté envers les animaux. Son élaboration a été jumelée à celle de la Loi sur les armes à feu; quand le projet de loi C-10 a été présenté, il visait les armes à feu et la cruauté envers les animaux. Un nouveau crime a été créé, celui de tuer un animal sans excuse légitime. Il faudrait vivre dans une tour d'ivoire juridique pour s'imaginer que cela n'aura aucun effet sur les peuples autochtones et leur utilisation de leurs terres. Pourtant, aucun mécanisme ne permettait aux rédacteurs de la loi de déceler d'emblée ce problème. Il était évident qu'il n'y avait eu aucune consultation poussée.

Dans une situation comme celle-là, les juges statuent qu'il faut non seulement des consultations, mais aussi le consentement des peuples autochtones qui sont touchés.

Ce que je demande, c'est s'il est possible d'élaborer des critères que les rédacteurs devraient appliquer et qui confirmeraient que ces rédacteurs ont examiné à fond le texte de loi — ou quelque chose de cette nature —, qu'il n'a aucun effet sur les peuples autochtones ou, s'il en a un, que telle mesure a été prise.

Ce n'est pas différent d'autres contrôles qui doivent être faits. Je ne pense pas que nous puissions attendre, et les peuples autochtones ne sont pas prêts à attendre, jusqu'à ce que nous finissions par obtenir un code complet. Faisons ce que nous pouvons. Nous avons un vieux dicton: «Quand vous ne voyez pas où vous allez, allez aussi loin que vous voyez, et arrivé là, vous verrez peut-être un peu plus loin». Si nous avions des critères de base en voie d'élaboration, ce serait utile.

Le sénateur Pearson: Cela nous amène à mes remarques. Comme vous pouvez le constater, la plupart des membres de ce comité sont des avocats. Certains sont autochtones et d'autres sont les deux à la fois. Je ne suis ni autochtone ni avocate.

Le sénateur Bryden: Elle s'en vante constamment.

Le sénateur Pearson: Cela signifie que j'ai tendance à aborder certaines de ces questions différemment. Je suis aussi désireuse que vous tous d'arriver à une plus grande clarté. C'est ce que vous voulez aussi. Le problème n'est pas que nous ne partageons pas cette préoccupation. J'aime l'idée de mon collègue d'aller de l'avant et d'élaborer certains types de critères. Ma perspective est résolument centrée sur les droits de la personne. Cela tient à mon travail sur la Convention relative aux droits de l'enfant et sur d'autres conventions de ce genre, qui concilient différents droits. Elles ne prévoient pas de droits absolus.

Dans un sens, les traités sur les droits normalisent nos interactions les uns avec les autres. Je vous ai entendu dire que la Cour suprême, dans l'arrêt Sparrow, avait accordé aux droits autochtones et aux droits issus des traités la même protection constitutionnelle que les droits prévus dans la Charte, en ce qu'ils ne sont pas absolus. Ces droits doivent être conciliés avec d'autres droits et intérêts. Il y a autre chose que nous devons explorer davantage — ou j'aurais besoin de l'explorer davantage alors que nous continuons de chercher une solution. Encore une fois, si nous pouvons élaborer un critère à propos de la consultation, alors il nous faut en élaborer un à propos de la consultation des femmes. Quelles femmes devons-nous consulter? Qui représente toutes les femmes? Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas consulter, mais qu'il faut élaborer un processus qui permet d'obtenir l'éventail complet des points de vue, pas seulement certains d'entre eux.

Je considère qu'il s'agit d'une tâche immense, mais je crois que nous devrions travailler en ce sens.

Vous avez dit que l'arrêt Sparrow indique que ces droits ne sont pas absolus. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, s'il vous plaît?

Mme Beckton: Si le gouvernement fédéral prévoit empiéter sur des droits autochtones ou des droits issus de traités, ou les abroger, l'arrêt Sparrow établit un critère qui permet de justifier un tel empiétement. Cela implique que les droits ne sont pas absolus. De ce fait, le critère qui exige de justifier l'empiétement est assez important.

Ainsi, si le gouvernement voulait limiter la quantité de poisson capturée, l'un des motifs légitimes pour limiter un droit autochtone ou issu d'un traité pourrait être la conservation. Si le droit issu d'un traité était absolu, alors la réserve de poisson serait épuisée. Cette raison d'imposer une limitation serait légitime et justifiable.

Ce que l'article 1 de la Charte fait pour les droits issus de la Charte, l'arrêt Sparrow le fait pour l'article 35 de la Constitution.

Le président: Puis-je demander un éclaircissement, madame Beckton? Les deux critères sont différents, n'est-ce pas?

Mme Beckton: Tout à fait, ils sont différents. L'arrêt Sparrow et l'article 1 de la Charte visent des compromis différents.

Le sénateur Joyal: L'arrêt Sparrow prévoit une indemnisation. Pardonnez mon intervention, sénateur.

Dans l'arrêt Sparrow, si le gouvernement dit que les stocks de saumon sont épuisés et qu'il doit fixer des quotas de capture, cela touche directement les droits issus de traités d'un groupe autochtone. Le gouvernement ne peut pas simplement dire: «Nous sommes désolés, vous devez capturer moins de poissons». Ils mangent le poisson. Ils doivent donc être indemnisés. L'arrêt Sparrow indique très clairement qu'il y a trois éléments. Ils doivent être indemnisés.

Dans ce cas, comme l'a mentionné le sénateur Pearson, il y a des limites. Quand le gouvernement fédéral impose des limites, il doit équilibrer la situation, ce qui, à mon avis, est l'aspect le plus important. La plupart du temps, ce n'est pas pris au sérieux. Les peuples autochtones doivent alors s'adresser aux tribunaux parce que le troisième élément du critère n'a pas été appliqué.

Mme Beckton: Dans l'arrêt Sparrow, il est question d'indemnisation. Toutefois, il faut examiner le contexte particulier pour voir si une indemnité est requise ou non.

Le sénateur Joyal: Absolument. Toutefois, le principe est là. Il fait partie de ce que nous appelons — pour établir un parallèle avec l'article 1 — des «limites raisonnables». Qu'y a-t-il de raisonnable dans la manière d'aborder ce qui a été enlevé aux peuples Autochtones? C'est le critère du caractère raisonnable.

Le sénateur Nolin: Plus nous réfléchissons à ce que nous pouvons faire et aux mesures que nous pouvons prendre pour produire de bonnes lois, plus il est probable que nous arrivions un jour à une solution. Nous agissons tous de bonne foi, et je pense que nous y arriverons. Je ne crois pas qu'il n'y ait un complot visant à empiéter sur ces droits. Permettez-moi d'être franc; je pense que, malheureusement, nous allons rester sur notre appétit. Je pense que nous atteindrons la limite de ce qu'une loi peut accomplir. Nous ne pourrons pas résoudre le problème dont nous avons discuté concernant le projet de loi C-10B et la cruauté envers les animaux. Ce qui manque, c'est une tradition de respect des droits. C'est sur ce point que j'aimerais entendre vos commentaires.

Nous tentons d'empêcher un empiétement sur ces droits qui sont reconnus et affirmés.

Comme je l'ai dit, nous arriverons probablement à la conclusion que, à cause de l'arrêt Sparrow, nous devrons, pour chaque loi, rédiger une disposition de non-dérogation adaptée à l'esprit de la loi en question.

Après avoir examiné le projet de loi sur la cruauté envers les animaux, nous en sommes venus à comprendre l'attitude des agents de la paix qui ne connaissent rien de la culture autochtone. Leur rôle consiste à dire: «C'est la loi et je vais l'appliquer, peu importe vos droits. Cela ne me regarde pas. Adressez-vous aux tribunaux». C'est le genre d'attitude que nous voulons éliminer.

Nous ne voulons pas que cela se produise, et c'est pourquoi, dans le projet de loi sur la cruauté envers les animaux, nous avons prévu une disposition incomplète. C'est ce que nous tentions de réaliser.

Ce que je veux obtenir de vous, ce sont probablement des mesures préventives sur le plan administratif. Quel genre de processus, de code, de réunions des ministres provinciaux, fédéraux et territoriaux de la Justice envisagez-vous pour cela? Un grand nombre de lois que nous adoptons ici doivent être appliquées par les autorités provinciales. Quel genre de discussion pourrait-il y avoir lieu pour prévenir tout empiétement? Je suis certain que vous pouvez comprendre notre préoccupation. C'est pour cela que nous sommes tous ici. En fin de compte, je pense que nous serons en mesure de rédiger de bons amendements, mais cela ne suffira pas. Il y aura encore des cas où un imbécile brandira son insigne et dira: «Vous n'avez pas le droit de faire cela. Adressez-vous aux tribunaux». Nous ne voulons pas que ça se produise.

Mme Cram: Vous avez tout à fait raison quand vous dites que nous avons besoin d'un changement de culture. Dans certains cas, nous avons réussi. J'emploierai l'exemple des passages frontaliers. D'énormes efforts ont été déployés, il y a quelques années, pour garantir que les douaniers qui travaillaient aux postes frontaliers — surtout ceux où il y a beaucoup d'Autochtones qui passent la frontière — comprenaient la nature sacrée de certains objets et qu'il fallait les traiter avec respect. L'Agence des douanes et du revenu du Canada a publié un document. D'après ce que je sais, ce document communiquait efficacement ce qu'on ne peut pas nécessairement communiquer dans une loi ou même dans un règlement.

La plupart des ministères font un effort considérable pour veiller à ce que leurs employés soient sensibilisés aux questions autochtones. De toute évidence, nous devons faire davantage à cet égard. Toutefois, nous devons y travailler.

L'autre aspect qu'il faut travailler, c'est d'éviter le recours aux tribunaux. Examinons les lignes directrices. Comment pouvons-nous y trouver des solutions? Je prends comme exemple le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, en vertu duquel l'État dit: «Nous n'insisterons pas pour que les gens démontrent quels droits ils ont en matière d'autonomie gouvernementale. À la place, nous prendrons un engagement fondamental en vertu duquel nous sommes prêts à négocier». Certes, le gouvernement fédéral a énoncé le cadre dans lequel il négocierait. Au moins, il n'a pas dit: «Vous devez démontrer quels droits vous avez avant que nous acceptions de négocier avec vous». Je pense que nous devons employer de multiples outils.

Le sénateur Nolin: Nous sommes le gouvernement fédéral. Compte tenu de notre responsabilité, quel genre de discussions multipartites pouvons-nous avoir avec d'autres gouvernements?

Mme Cram: Je répondrai qu'il existe une tribune nationale que vous ne connaissez peut-être pas. Il s'agit du processus fédéral-provincial-territorial-autochtone, auquel participent les ministres des Affaires autochtones de toutes les provinces, ainsi que le ministre fédéral des Affaires indiennes et du Nord, en plus de six organismes autochtones nationaux. Ces gens se réunissent une fois par année pour discuter d'enjeux communs.

Chaque ministère collabore de manière bilatérale avec ses homologues provinciaux et territoriaux. Mme Beckton voudrait peut-être dire un mot à propos des procureurs généraux des provinces.

Mme Beckton: Nous tenons des réunions fédérales-provinciales-territoriales régulières avec nos homologues pour parler de diverses questions d'actualité et de ce que les provinces prévoient faire. Nous échangeons de l'information et des idées, et nous essayons certainement de mieux comprendre les responsabilités des divers gouvernements. Je conviens aussi qu'une sensibilisation culturelle à tous les paliers des gouvernements fédéral et provinciaux est très importante, pour que l'agent des pêches ou la personne qui est chargée des armes à feu connaissent mieux les différentes cultures. Je ne suis pas certaine que nous arriverons à éliminer complètement l'attitude que vous avez décrite. Toutefois, nous avons au moins un système de contrôle qui permet de corriger les problèmes avant qu'ils soient portés devant les tribunaux. Nous ne réussissons pas toujours, mais dans de nombreux cas, des examens sont faits par les ministres provinciaux ou fédéral de la Justice avant qu'on fasse appel aux tribunaux.

Le sénateur Nolin: Il faut disposer d'un bon code pendant que vous préparez la loi, appliquer les bons contrôles au bon moment et tenir de bonnes consultations. Bien sûr, vous tenterez de réaliser cela et vous devrez corriger le processus. Ce serait certainement utile. Il n'y aura pas de surprise.

Le sénateur Watt: Merci d'être venue témoigner sur la question des dispositions de non-dérogation. Il y a longtemps que nous aurions dû aller au fond de cette question.

Le comité a entendu des témoins du ministère de la Justice. Le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice a témoigné. Je vais le citer et vous demander si vous partagez son opinion, ou si ses paroles ont dépassé sa pensée. Il a dit que le gouvernement était d'avis qu'il ne fallait pas appliquer une norme différente aux Autochtones dans le cas des activités traditionnelles de pêche; le gouvernement était également d'avis que les normes sociales en évolution primaient les dispositions constitutionnelles.

Comprend-il la situation, ou est-il totalement dans l'erreur? Cette question est partiellement liée au point que le sénateur Nolin a soulevé. Peut-être que ce n'est pas tant une question de normes sociales que de différences culturelles qui sont peut-être mal comprises par les gens qui dirigent le système. N'oublions pas que nous vivons encore dans un système colonial qui, à mon avis, est dépassé. Nous devons l'améliorer et le moderniser. À moins que le gouvernement en poste ait la volonté d'appliquer l'article 35, je pense que nous aurons toujours des désaccords et des déclarations inexactes, et que ce que nous essayons de dire au nom de notre peuple, en tant qu'autochtones et en tant que parlementaires, ne sera pas entendu.

Il est très difficile, quand les enjeux ont des conséquences importantes sur les moyens de subsistance des gens ou leur situation économique, de dire: «Ce n'est pas de cela dont nous parlons. Mettons cela de côté». Quand en parlerons- nous?

Je vais revenir à mon argument. Les normes sociales en évolution priment les dispositions constitutionnelles. Comment interprétez-vous cela? C'est le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice qui l'a dit devant ce comité.

Le sénateur Nolin: Vous devriez peut-être donner la citation exacte.

Le sénateur Watt: C'était le 12 juin 2003, au début de l'été dernier.

Mme Beckton: Je ne suis pas en mesure de parler de son interprétation, puisque je n'étais pas là. Toutefois, je dirais que l'article 35 représente une garantie constitutionnelle. Le gouvernement du Canada est lié par les garanties contenues dans l'article 35. Bien sûr, nous comprenons de mieux en mieux, grâce aux décisions des tribunaux et à notre collaboration avec les peuples autochtones, les droits et obligations qui sont protégés par l'article 35. Je ne peux pas commenter ce qu'il a dit à propos des questions d'ordre social. Ce serait imprudent de ma part de commenter sans pleinement comprendre le contexte de ses paroles.

Le sénateur Watt: Pour aller un peu plus loin, comment la disposition de non-dérogation serait-elle utilisée, par exemple? Que protégera-t-elle? Que garantira-t-elle?

Permettez-moi de vous donner un exemple. Vous avez fait allusion, dans votre réponse au sénateur Nolin, au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale n'est pas une politique; ce n'est pas une loi; il n'est pas prévu par la Constitution. C'était une tentative des premières années, peu après l'inclusion de l'article 35, pour réorienter le mouvement autochtone et pour trouver un autre moyen d'aborder cette question. Imaginons, par exemple, que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale ne comporte aucun aspect ethnique. Me suivez-vous? Ce que je veux dire, c'est que cette autonomie prendrait une forme semblable à celle d'un gouvernement municipal. En vertu de la loi actuelle, c'est ce que le gouvernement fédéral le gouvernement provincial peuvent faire. À moins d'être disposés à appliquer l'article 35, leur seule possibilité est de donner aux peuples autochtones un gouvernement de type municipal. Ce n'est pas ce que les Autochtones cherchent et, pour cette raison, ils doivent se protéger. Dans le contexte de nos vrais droits inhérents — pas de votre politique, mais bien de ce que nous sommes et de qui nous sommes — les composants ethniques doivent être protégés et, par conséquent, nous devons inclure une disposition de non-dérogation, même dans le projet de loi que nous venons d'adopter, le projet de loi C-6. Tout cela est lié à la question de savoir si ce que notre gouvernement a fait résistera aux recours devant les tribunaux. Qu'en est-il du projet de loi C-6, par exemple? Je ne pense pas qu'il est inattaquable. Je ne sais pas si cela clarifie nos motivations.

Mme Cram: Vous associez le droit inhérent à l'autonomie à un gouvernement municipal. En fait, il existe bien d'autres modèles de gouvernement qui pourraient être négociés en vertu de ce droit.

Le sénateur Watt: Il n'en est pas question dans la politique.

Mme Cram: Nous ne dirions pas que c'est un gouvernement municipal. En fait, si vous regardez le traité nisga'a, par exemple, les Nisga'as ont des pouvoirs fédéraux, certains pouvoirs provinciaux et certains pouvoirs exercés formellement par les municipalités. L'éventail de leurs pouvoirs est plus vaste que ce que vous trouverez dans la plupart des municipalités de ce pays. Il est possible de négocier de nombreux modèles d'autonomie gouvernementale en vertu de la politique sur les droits inhérents. J'affirme que si vous voulez protéger les droits autochtones, et plus particulièrement le droit à l'autonomie gouvernementale, il serait plus efficace de le faire en négociant un accord d'autonomie gouvernementale et une loi pour le mettre en vigueur. Je sais que la loi Westbank a été déposée à la Chambre; cette loi traite d'autonomie gouvernementale. À mon avis, ce serait un moyen beaucoup plus efficace de protéger les droits autochtones qu'une disposition de non-dérogation.

Le sénateur Watt: Cela ne fonctionnera que si la volonté politique existe. Parfois, quand la volonté politique n'y est pas, cela ne fonctionne pas. Je suis d'accord avec vous; il serait peut-être préférable d'aborder cette question dans le cadre de négociations politiques plutôt que de s'en remettre aux tribunaux. Je suppose que, en tant que parlementaires, nous devrons un jour décider s'il faut laisser les tribunaux décider quels droits existent selon eux. Ou tenterons-nous de négocier et d'établir le processus? Je pense que c'est de cela qu'il s'agit ici.

Le président: Merci beaucoup monsieur Pryce, madame Beckton et madame Cram, pour nous avoir communiqué vos réflexions et vos idées. Vos témoignages ont été très utiles. Je suis certain que nous aurons l'occasion de vous entendre de nouveau avant que ce processus soit terminé.

La séance est levée.


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