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OLLO - Comité permanent

Langues officielles


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 3 - Témoignages 


OTTAWA, le lundi 10 février 2003

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 h 05 pour étudier, afin d'en faire rapport, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi, ainsi que les rapports de la commissaire aux langues officielles, de la présidente du Conseil du Trésor et de la ministre du Patrimoine canadien.

Le sénateur Wilbert J. Keon (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles.

Avant de laisser la parole à notre premier témoin, je demanderai au sénateur Gauthier de dire quelques mots parce qu'il désire que la réunion d'aujourd'hui soit enregistrée pour CPAC. Le sénateur Losier-Cool avait prévu que les deux premières réunions ne seraient pas télédiffusées, mais que les suivantes le seraient. En effet, elle était d'avis que lors des deux premières réunions le comité discuterait de ses travaux; elle jugeait que ces discussions devraient se dérouler à huis clos.

Je demanderais maintenant au sénateur Gauthier de vous expliquer pourquoi il désire que cette réunion soit enregistrée.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Je crois que nos délibérations d'aujourd'hui devraient être enregistrées pour ensuite être télédiffusées après approbation du Sénat. Nous devrons déposer une motion demain afin de permettre la télédiffusion de nos réunions.

Nous nous devons de demeurer ouverts et transparents afin que les Canadiens et les Canadiennes puissent savoir ce qui se passe au cours des réunions de notre comité. Nous avons eu jusqu'à maintenant une réunion publique avec la Commissaire aux langues officielles. Nous avons alors raté une belle occasion de présenter aux Canadiens et aux Canadiennes ce que fait le Comité sénatorial permanent sur les langues officielles.

C'est la première fois qu'un comité autonome sur les langues officielles du Sénat siège. Il est donc important que l'on permette aux Canadiens et aux Canadiennes de saisir l'importance de nos travaux.

Le support technique nous est offert. La salle dont nous disposons n'est peut-être pas celle qui convient le mieux à la télédiffusion. Toutefois, on enregistre sous forme audio les interventions des sénateurs. Nous pouvons sans difficulté enregistrer sous forme vidéo, accompagnée, souhaitons-le, du sous-titrage en temps réel pour les 3 millions de Canadiens malentendants. Ceux-ci, comme les autres, ont le droit de voir sur leur écran ce qu'ils ne peuvent entendre. C'est une question personnelle, souffrant moi-même d'un déficit auditif.

Il est important que le Sénat représente bien les régions du pays et les minorités linguistiques, physiques, auditives et autres. Une des fonctions du Sénat est de travailler ouvertement de façon à bien faire connaître au public le travail de ses comités.

Le sénateur Beaudoin: Je suis très ouvert à ces questions. Certains comités sont télévisés, d'autres pas. Je n'ai aucune objection à ce que le Comité sénatorial des langues officielles le soit, au contraire. Mon collègue, le sénateur Gauthier, est prêt à demander, demain au Sénat, cette permission. Je crois qu'aujourd'hui, nous devons procéder comme d'habitude. Si nous obtenons la permission demain, nos séances seront télévisées et je m'en réjouirai. Le sénateur Losier-Cool avait sûrement des raisons de ne pas en faire la demande. Une partie de la réunion peut être télévisée, l'autre pas, et parfois nous siégeons à huis clos.

Je n'ai rien contre cela non plus. Si le sénateur Gauthier est prêt à attendre demain pour avoir la permission du Sénat, je l'appuie. Les prochaines rencontres seront télévisées ou pas, dépendamment de ce qu'en dira le Sénat. Je pense que c'est un argument supplémentaire afin que le Comité des langues officielles soit télévisé.

Le sénateur Gauthier: Tout ce que j'ai demandé, c'est d'enregistrer ce qui se passe afin de le diffuser plus tard. Notre entente avec CPAC stipule qu'ils peuvent venir enregistrer; je n'ai pas dit télédiffuser.

On peut, plus tard, à une séance comme celle-ci, ajouter à sa piste auditive la piste visuelle. La seule raison qu'un comité irait en huis clos serait pour discuter d'un rapport ou d'une question relative aux employés-employeurs. En dehors de cela, aucune règle au Sénat ne permet le huis clos. Je veux que l'on soit transparent et même limpide dans nos commentaires. L'équipement est ici, laissons-les faire.

Le sénateur Beaudoin: Je suis tout à fait d'accord, du premier jusqu'au dernier mot, avec ce qui vient d'être dit.

[Traduction]

Le vice-président: Je vais mettre la question aux voix sous sa forme la plus claire possible. Acceptez-vous que l'on enregistre la réunion d'aujourd'hui? Cela ne veut pas dire pour autant que cette réunion sera télédiffusée. Je demanderai à ceux qui appuient cette proposition de voter en disant Oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Cette proposition est donc adoptée à l'unanimité. Nous enregistrerons la réunion. Nous avons l'honneur d'accueillir aujourd'hui, M. Gauthier de la Société Santé en français.

[Français]

M. Hubert Gauthier, président, Société Santé en français: Merci à votre comité de l'invitation que vous nous faites aujourd'hui. Je salue le sénateur Maria Chaput, une compatriote du Manitoba, nouvellement nommée. Nous sommes fiers dans l'ouest et particulièrement au Manitoba d'avoir une représentante franco-manitobaine, pure laine, nommée au Sénat. Nous sommes confiants qu'elle représentera les intérêts des francophones du Canada et particulièrement ceux de l'Ouest et du Manitoba parce qu'elle est de cette communauté.

Le directeur général de la Société Santé en français, M. Armand Boudreau, m'accompagne. À la période de questions, il m'aidera à répondre à vos questions.

Je vous ai transmis un document. Je ferai un survol du dossier de la santé en français, afin de situer la Société Santé en français, de compléter en vous disant où on en est et comment on imagine qu'un comité comme le vôtre pourrait nous aider.

D'abord, le dossier de la santé en français pour les communautés minoritaires francophones vivant à l'extérieur du Québec, est un dossier qui est à l'ordre du jour depuis quelques années. Dans les premières pages de ma présentation, j'ai rappelé que le ministère de la Santé fédéral a créé un comité consultatif pour examiner les problèmes d'accessibilité aux services de santé en français dans les milieux minoritaires hors Québec. Le ministère a également créé un comité semblable pour les anglophones du Québec. À ce comité, nous avons une représentation de la communauté du gouvernement et des gouvernement provinciaux.

Le comité consultatif a travaillé pendant un an et demi à établir la problématique et à faire un certain nombre de recommandations au gouvernement. Ce rapport a été remis à M. Rock et, lors de la transition, à Mme McLellan, en septembre 2001. Il a été également présenté aux sous-ministres et aux ministres provinciaux de santé au cours de l'année 2001. Il a également été présenté aux chefs de file francophones vivant à l'extérieur du Québec dans un grand forum à Moncton en novembre 2001 et il a reçu une approbation quasi unanime.

Comme je l'indique à la quatrième page, dans un résumé on ne peut plus succinct, notre comité a dit au gouvernement et à tout le monde que pour améliorer l'accessibilité des services en français, il s'agit avant tout de la qualité de services à rendre à une population. Je ferai une parenthèse pour vous dire qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question que j'appellerais de bilinguisme national. Donc, les éléments linguistiques et culturels en font partie. Si l'on ne respecte pas sa langue et sa culture, on donne une qualité de services moindre à une population.

Il s'agit d'un dossier de qualité de services à donner à une population. Il ne s'agit pas d'en faire une question de bilinguisme au sens propre du terme.

Pour améliorer l'accessibilité, notre comité de la Société Santé en français a dit qu'il fallait aborder cinq grands thèmes. Premièrement, il fallait que les gens dans la communauté éparpillés d'un océan à l'autre puissent se réseauter, se regrouper et travailler en concertation. C'était un premier levier. Deuxièmement, la question de la formation des professionnels qui travaillent dans le monde de la santé tels que infirmières et intervenants. Pour améliorer l'accessibilité, il faut disposer d'un plus grand nombre de professionnels. Si nous n'avons pas ces gens, nous allons parler dans le vide longtemps. Troisièmement, avoir une organisation de services proactive qui fait en sorte que les communautés se sentent chez elles, dans l'offre des services, était également un levier important.

Deux autres éléments étaient moins prioritaires mais tout aussi importants; la technologie d'aujourd'hui pouvant contribuer à améliorer l'accessibilité soit la télé-santé, les lignes info-santé et autres moyens modernes; vous avez aussi une meilleure connaissance des besoins de nos communautés francophones vivant à l'extérieur du Québec. Ne présumons pas que les besoins des Acadiens au Nouveau-Brunswick soient exactement les mêmes que ceux de la communauté anglophone du Nouveau-Brunswick.

Le comité consultatif, après moult discussions, a décidé d'inscrire des priorités à l'intérieur de ces cinq éléments pour en identifier trois. Je les ai appelés les trois piliers qui doivent être considérés comme prioritaires. Il s'agit donc des trois priorités à aborder que vous retrouvez à la cinquième page de la présentation: le réseautage, la formation de professionnels et l'organisation de services.

Nous croyons devoir aborder ces trois priorités de front et non pas d'une façon linéaire, l'une après l'autre.

À quoi sert-il de former des professionnels si on n'a pas de lieu d'accueil, d'endroit pour les installer pour qu'ils puissent travailler correctement et offrir des services à la population?

J'ai voulu vous indiquer dans les sixième, septième et huitième pages de la présentation les résultats qu'on veut atteindre. Souvent on vous parle de dossiers comme ceux-ci mais vous n'avez pas les résultats que les gens veulent atteindre. Dans ces trois pages, nous avons voulu donner les plus importants résultats que nous voulons atteindre sous chacun des chapitres de priorité précédemment indiqués.

Au chapitre du réseautage, il est important que l'on puisse établir de bons liens solides et durables entre les intervenants francophones de la santé puisque que ce sont les francophones en milieu minoritaire du Manitoba, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. Ces intervenants francophones de la santé font partie d'organismes majoritairement anglophones et n'ont jamais à l'ordre du jour le sujet des services en français. C'est pour cela que l'on a besoin de se réseauter et se concerter pour être capable d'aborder ces questions.

Pallier aux dispersions géographiques; nous sommes partout au Canada et isolés très souvent.

Améliorer l'accessibilité des services; c'est pour cela que nous sommes là.

En formation, je dirais simplement qu'il faut augmenter le nombre de professionnels, autant les médecins, les infirmières que les autres intervenants de la santé.

Dans l'organisation des services, il faut mettre en place des modèles qui sont durables et où les francophones en milieu minoritaire se reconnaissent et ne se sentent pas comme des visiteurs dans des institutions anglophones mais chez eux, dans leurs propres institutions, avec des services qui leur sont dédiés de façon particulière.

Pour faire avancer ces idées, nous avons fondé la Société de Santé en français, dont je suis le premier président, qui a été incorporée tout récemment, en février 2002.

Le congrès de fondation a eu lieu à l'automne dernier. Nous avons établi un conseil d'administration extrêmement solide. Nous avons des représentants des établissements, des représentants des organismes communautaires, des représentants des professionnels, des représentants du monde de la formation, des universités, des collèges ainsi que des représentants des gouvernements — et non le moindre — nous avons un sous-ministre adjoint du Nouveau-Brunswick, le vice-président de notre conseil, Mme Rachel Barr.

Il est assez exceptionnel qu'on puisse rassembler tous ces partenaires autour d'une même table ayant une mission commune d'améliorer l'accessibilité des services en français.

La Société de Santé en français se veut l'outil par excellence pour améliorer l'accessibilité. Nous voulons être un organisme rassembleur qui appuie nos réseaux et nos concitoyens à la grandeur du pays, tant sur le plan professionnel que technique. Nous voulons encourager les initiatives novatrices et les initiatives exemplaires. Nous ne voulons pas que les gens soient obligés de rebâtir le monde à chaque fois qu'il y a un problème. Surtout, nous voulons être un organisme un créateur de solutions novatrices et non pas un quémandeur. Nous croyons pouvoir être un pont entre les provinces et le gouvernement fédéral.

Nous assistons souvent à des querelles fédérales-provinciales dans le monde de la santé, mais nous pensons être une valeur ajoutée, voire même un pont entre les provinces et le fédéral dans le domaine de l'accessibilité des services en français.

En résumé, la Société de Santé en français est un organisme qui a été créé pour donner des outils aux francophones qui vivent à l'extérieur du Québec, leur permettant d'améliorer l'accessibilité aux services afin que tous nos concitoyens aient du maintien à domicile dans leur langue, qu'ils aient accès à des médecins francophones et à des services de soins de santé primaire dans leur langue.

Tous les jours, nous souhaitons que l'organisme Société de Santé en français soit en mesure de dire qu'il fait un pas en avant pour améliorer les services en français pour ce million de francophones qui vit à l'extérieur du Québec.

Je n'ai pas l'intention de passer beaucoup de temps sur la question des fonds. Mais nos recommandations au ministère de la Santé ont donné un premier résultat positif. Le ministère de la Santé, à même le fonds d'adaptation des soins de santé primaire qui a été créé avec l'entente de l'an 2000, nous accordés 800 millions de dollars. Un certain montant avait été gardé au fédéral, 240 millions de dollars. De ce montant, 15 millions avaient été identifiés pour le dossier des communautés de langues officielles, dont 10 millions pour les francophones. C'est un bon coup puisque cela nous a permis d'avancer sans attendre le prochain budget fédéral, sans attendre que le plan Dion soit livré. On l'attend d'une semaine à l'autre. On nous a dit vers la mi-mars. Pour nous, cela a été l'oxygène suffisant pour créer la Société de Santé en français et commencer à créer les réseaux dans les différentes provinces du pays. Cela nous a également permis de commencer à envisager des projets concrets qui vont permettre d'améliorer les services dans les différentes provinces du pays.

Quand on regarde le financement de certaines initiatives, le Comité sénatorial permanent des langues officielles doit savoir qu'on pense qu'il y a deux voies. La première voie étant celle du plan Dion. Monsieur Dion est en charge de développer un plan, le plus complet possible, pour le développement des communautés. On pense qu'on a réussi à convaincre M. Dion que la santé doit figurer dans ce plan. Des échos informels nous disent, d'une part, que la santé devrait se retrouver comme une composante relativement importante de ce plan.

D'autre part, on sort une entente fédérale-provinciale, dans le domaine de la santé, pour les cinq prochaines années. Des annonces ont été faites. Nous pensons que c'est une autre voie, même si on n'a pas parlé d'aucune façon de la question des communautés linguistiques dans le cadre de l'entente.

Nous aurions souhaité que dans cette entente, les gouvernements s'entendent pour desservir les deux communautés linguistiques, telles qu'elles se présentent un peu partout dans le pays.

Nous pensons, malgré tout, qu'à l'intérieur de cette entente, il devrait y avoir des ressources qui vont nous permettre aussi d'améliorer l'accessibilité, cela serait la deuxième voie qu'on souhaiterait voir.

Quant aux différentes initiatives, dont le réseautage, elle permet aux gens de se rencontrer, de faire des plans d'accessibilité. On a déjà eu 1,9 millions $ du ministère de la Santé et cela nous a permis d'aller de l'avant. On pense qu'à moyen terme et à long terme, le plan Dion devrait offrir d'autres ressources pour poursuivre sur une période de cinq ans.

Quant à la formation, je vais m'y attarder parce que c'est un dossier extrêmement important, si nous n'avons pas de professionnels formés, on donnera de grands coups d'épée dans l'eau.

Suite à la bataille de Montfort, le gouvernement fédéral a investi 10 millions $ dans le centre national de formation à l'Université d'Ottawa. Ce démarrage a permis de créer un consortium de formation au-delà de l'Université d'Ottawa et qui inclut toutes les universités francophones du pays et les collèges communautaires du pays, tels que le collège Boréal, le collège de Campbelton, le collège universitaire de Saint-Boniface qui a aussi une dimension collégiale, et de créer un groupe qui a conçu un projet pour la phase 2003 à 2008 en ce qui concerne la formation.

Ce dossier est soumis au gouvernement fédéral par le ministère de la Santé qui l'a acheminé par l'entremise du plan Dion. On a beaucoup d'espoir relativement au plan Dion de voir un financement important dans la formation de nos professionnels par le biais d'une entente ou d'ententes avec les différents collèges et universités. Ces derniers ont mis de l'avant un plan très crédible qui illustre le nombre de professionnels à former, que ce soit des médecins généralistes, des infirmières, des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes, des physiothérapeutes ou des gens qui font du maintien à domicile.

Dans l'organisation des services, on a beaucoup insisté auprès de Mme McLellan afin que ce volet ne soit pas ignoré: À quoi bon se concerter et former des gens si nous n'avons pas de bons lieux d'accueil pour les personnes francophones et être en mesure de dispenser des services?

Mme McLellan nous a bien compris et, comme je l'ai dit tantôt, le ministère de la Santé, a réservé 15 millions $. On espère, par le biais du budget du mois de février et par les autres budgets qui seront disponibles, que ce volet pourra améliorer l'accessibilité aux services. On espère aussi augmenter ce 15 millions $ au fur et à mesure que les budgets seront connus.

Notre plus grande inquiétude est dans l'organisation des services. J'avais dit au comité du Sénat présidé par le sénateur Morin que vos collègues ont fait un rapport extraordinaire sur notre situation, lequel faisait partie du rapport Kirby. Vous aviez bien compris notre situation et vous l'avez bien démontrée dans votre rapport et notre communauté l'a jugé exceptionnel. Vous aviez même bonifié ce que nous avions déjà envisagé. Ce rapport est une pièce que le gouvernement devrait utiliser régulièrement pour s'inspirer, pour envisager les solutions qui pourront être abordées au cours des prochaines semaines, des prochains mois.

Dans l'organisation des services, nous sommes inquiets parce que dans l'entente fédérale-provinciale conclue la semaine dernière, j'avais dit que la communauté francophone qui vit à l'extérieur du Québec se sentait bien petite dans sa chaloupe. Alors que les paquebots sur l'océan houleux des relations fédérales-provinciales s'affrontaient, elle craignait de se faire saborder dans cette discussion et de ne jamais réapparaître à la surface.

La chaloupe de la communauté francophone vivant à l'extérieur du Québec est encore sur l'eau et on ne croit pas, par ailleurs, que les gros paquebots ont abordé notre situation de front. On a l'intention d'insister et on pense que nous devons persévérer autant dans les provinces qu'au gouvernement fédéral pour faire en sorte que notre dossier ne sombrera pas dans ce même océan.

Le contexte actuel est le suivant: on a évidemment votre rapport, le rapport Kirby, qui nous a beaucoup plu. La commission Romanow a abordé très indirectement notre dossier en parlant du réseautage et en disant que c'est un élément novateur de notre approche. Quand je fais référence à l'entente 2003, on s'inquiète un peu du fait qu'on n'ait pas abordé notre dossier à proprement parler.

On a de la difficulté à comprendre qu'une personne ne puisse pas être soignée dans sa langue maternelle, et devant tout cela on demeure perplexe quand on nous dit que c'est un dossier très difficile à négocier.

Dans les prochaines étapes, nous pensons comme société, compléter l'implantation de nos réseaux et cela va bon train sur le terrain, on veut aussi développer des partenariats avec les gouvernements provinciaux qui sont en marche actuellement.

Cette affaire est un dossier provincial. Nous avons besoin au pays de rencontres fédérales-provinciales avec des sous-ministre dans différents comités de l'appareil fédéral-provincial pour avoir des relations avec les gouvernements provinciaux. On invite nos communautés dans chacune des provinces à intensifier les relations avec leur gouvernement provincial.

On est en train d'implanter des projets très concrets de santé primaire, c'est-à-dire des lignes téléphoniques 247, des centres de santé, des projets d'équipes multidisciplinaires francophones, des outils simples mais qui font toute la différence pour les communautés que nous représentons.

Enfin, on pense — et on aimerait recevoir votre appui — avoir besoin d'un engagement continu du gouvernement fédéral dans l'élaboration d'une stratégie à long terme. Je complète en vous disant que vous pouvez nous aider. Comment? En appuyant la société, en appuyant les communautés. En appuyant la société, vous appuyez les communautés qui s'occupent de la santé des francophones vivant à l'extérieur du Québec. Nous appuyer comment? Et pour faire quoi? Je pense qu'il est important d'obtenir du gouvernement fédéral, par le ministère fédéral de la Santé, à continuer à promouvoir le dossier. On ne peut pas dire que ce dossier sera terminé même lorsqu'il y aura des fonds et des ressources.

À notre avis, c'est un escalier très difficile et très ardu à monter, compte tenu, des résistances qu'on a vues depuis deux, trois ans et qu'on va continuer de voir.

On pense aussi que malgré la nécessité de l'engagement provincial, le gouvernement fédéral ne peut pas refuser de s'engager financièrement pour nous permettre de pouvoir utiliser ces ressources comme levier auprès des provinces pour faire avancer les choses.

Très souvent, on s'est aperçu que ce levier peut faire bouger certaines provinces dans des formules quelconques avec nos communautés. Comme société, nous pensons, tant au plan national qu'au plan régional, être capables d'être un véritable pont et d'être une plus-value entre le fédéral et le provincial, pour véritablement aboutir à des projets qui feront bénéficier l'accessibilité des services à notre communauté.

Je pense que d'insister auprès du ministère de la Santé et du ministère des Finances peut nous aider à poursuivre notre chemin. Notre seul objectif est l'amélioration de l'accessibilité. Je dirais qu'à Winnipeg, quand je reviens de ces réunions, ma mère me demande toujours ce que cela donne parce qu'elle reçoit des services à domicile qui sont en anglais. Elle attend avec impatience que mes discours se transforment en réalité et c'est pour cela que je travaille.

Le sénateur Gauthier: Bienvenue, monsieur Gauthier. On n'a aucun lien de parenté, vous êtes un Gauthier du Manitoba, et j'en suis un de la Gaspésie. Il y a une distance entre les deux.

Vous avez parlé de réseautage et cette question m'intéresse. J'ai compris que ce réseautage consiste à établir des liens solides et durables, à améliorer les services aux communautés, à favoriser la formation et une meilleure accessibilité. Comment voyez-vous le réseautage dans ce contexte? Comment le concrétise-t-on?

M. Gauthier: Le réseautage est la première étape, notre fondation. Habituellement, dans le réseau de la santé, on voit les gens du domaine de l'éducation et de la formation qui travaillent de leur côté. On voit aussi les CLSC, les centres communautaires, les centres de longue durée et les hôpitaux travailler isolément les uns des autres. Les professionnels, les médecins, les infirmières ou les syndicats, tous travaillent chacun de leur côté.

Le monde communautaire se sent rejeté — pour ne pas dire étranger — du réseau de la santé et souvent, c'est le monde communautaire qui détient les meilleurs contacts avec certaines clientèles. De son côté, le gouvernement prône depuis fort longtemps le fait qu'il faut briser les barrières et faire travailler les gens ensemble.

Depuis fort longtemps, l'Organisation mondiale de la santé dit que faute d'un rassemblement des différents intervenants à une même table, il n'existe pas de solution dans le monde de la santé. Sans collaboration mutuelle, c'est la chicane entre les intervenants.

Pour nos petites communautés, où tout ce beau monde travaille de son côté, il est impératif que l'on puisse les rassembler autour d'une même table afin qu'ils se donnent des objectifs communs, des plans d'action communs et des stratégies communes pour améliorer les services.

On pense même que ces formules peuvent être des formules gagnantes non seulement pour la communauté minoritaire francophone, mais que les anglophones ou les communautés majoritaires pourraient s'en inspirer pour mieux travailler. Avec l'idée du réseautage, on invite les gens à s'asseoir autour d'une même table et à se donner des cibles communes et à s'entraider.

Il y a l'exemple de la formation. Les universités disent vouloir former davantage de gens mais personne ne se présente pour appliquer le principe. Le côté communautaire aurait-il un rôle à jouer? Les établissements n'ont-ils pas un rôle de promotion à jouer? Actuellement, on constate qu'avec le réseautage, les universités francophones hors Québec constatent le bénéfice de travailler ensemble sur de telles questions.

Le sénateur Gauthier: Dernièrement, la commissaire aux langues officielles a déposé un rapport au Parlement sur les guichets uniques. Est-ce que vous connaissez ce rapport?

M. Gauthier: Oui, très bien.

Le sénateur Gauthier: Elle porte un jugement favorable et demande au gouvernement fédéral d'examiner ce projet qui favorise un accès plus équitable dans les deux langues officielles. Il y a eu des recommandations des Fransaskois qui, en 1999, ont demandé un projet pour relier les communautés et avoir des guichets uniques, des guichets multiservices.

Ma question est pratique. On sait qu'il y a aujourd'hui une médecine à distance. On sait également que grâce à la télémédecine, il est possible de faire de la chirurgie à distance. Les Forces armées s'y connaissent dans le domaine. Partout au monde, des gens sont reliés à des centrales via satellite. Certains médecins font même de la chirurgie par satellite. Il est possible de relier des groupes de l'Afghanistan au Canada. Qu'est-ce qui empêcherait des communautés de se relier entre elles à travers la télédiffusion? On fait de la chirurgie par Internet aujourd'hui. On consulte par Internet. Pourquoi n'avons-nous pas cette technologie?

M. Gauthier: La réponse facile est simple et courte: bien sûr. Et d'ailleurs dans nos recommandations, on mentionne que la technologie pourrait être un outil qui nous aide. Quand on est dispersé, on peut utiliser ces outils technologiques qui peuvent nous aider. En Saskatchewan, ils ont parlé du guichet unique, d'une communauté éclatée et assimilée. On ne se met pas la tête dans le sable, mais eux, ils ont des écoles. On n'ira pas créer des centres de santé communautaires à côté et étranger à ces écoles. La proposition de la Saskatchewan est de tabler sur ce qu'elle a déjà. On n'a jamais dit que l'on voulait créer des centres hospitaliers francophones en Saskatchewan. Tous ces moyens technologiques sont à l'ordre du jour de nos communautés pour aider à améliorer l'accessibilité de toutes sortes de façons. Les projets les plus avancés à l'heure actuelle sont de créer des lignes téléphoniques francophones disponibles 24 heures par jour, 7 jours sur 7, et pas juste donner une mauvaise traduction. Il faut faire attention pour ne pas dire: «It is available in French» alors que l'on vous rappellera dans deux jours. Ce n'est pas de l'offre active. À l'heure actuelle, le modèle du Nouveau- Brunswick, en particulier, nous inspire et peut être utilisé ailleurs au pays. La réponse à votre question, c'est oui.

Le sénateur Gauthier: Vous avez parlé tantôt que vous aviez des ententes, une entre les hôpitaux de Sherbrooke et de Moncton, et une entre l'Université d'Ottawa et l'Hôpital Montfort. L'entente avec l'Hôpital Montfort se termine en mars 2003. Est-ce qu'on a évalué cet exercice si je peux employer ce terme? Est-ce que l'expérience a été positive? Est-ce qu'elle a porté des fruits? Est-ce qu'on va renouveler l'entente? Dans votre document, vous dites qu'il y a eu 10 millions $. Cela se termine en mars.

Monsieur Gauthier: Heureusement, ils ont reçu ces millions car ces fonds ont permis à toutes les universités et collèges francophones du pays de se réunir et de s'assurer de la continuité. Même si l'expérience Ottawa-Montfort est récente, on pense qu'elle a donné des résultats. L'évaluation en profondeur est en cours. Toutefois, lorsqu'on constate le nombre d'étudiants inscrits, le nombre de professionnels inscrits, que ce soit des médecins, des infirmières et ainsi de suite, on pense que cela donne des résultats, au point tel que cela a été un des gros cheval de bataille. Quand on parle du consortium, on parle de la continuité du premier 10 millions de dollars investi à Ottawa. Ce consortium a de la continuité auprès de toutes les universités à travers le pays. La demande est imposante. Sur une période de cinq ans, elle est de 100 millions de dollars. Suite à l'énoncé budgétaire fédéral et au dépôt du plan du ministre Dion, on verra l'engagement du gouvernement à cet égard.

Le sénateur Beaudoin: Vous avez fait référence à la cause Montfort — qui était en Cour d'appel de l'Ontario et qui a fait beaucoup de bruit — et aux différents réseaux de santé. La santé, ce sont les hôpitaux, la faculté de médecine, les infirmières et ainsi de suite, est sous juridiction provinciale. Le gouvernement fédéral a certains pouvoirs, dont l'un est très important, celui de dépenser et de faire valoir une certaine égalité au Canada afin d'avoir de meilleurs soins de santé.

Faites-vous un lien entre le réseautage et la question de l'Hôpital Montfort? La question de Montfort réglait un cas en Ontario. Comme toute décision judiciaire très importante, elle est aujourd'hui dans nos recueils juridiques et on en parle dans tout le Canada. Puisque nous avons cet arrêt des tribunaux fort intéressant, devrait-on avoir à peu près la même chose dans d'autres provinces qui pourraient se comparer à l'Ontario? Est-ce votre argumentation?

M. Gauthier: Je déplore toujours le fait qu'on soit obligé de mener des batailles de cette nature dans notre communauté, comme celle de l'Hôpital Montfort, de dépenser des énergies considérables à se défendre plutôt qu'à bâtir. Je souhaiterais que notre travail nous permette d'éviter des Montfort. Montfort, toutefois, nous a permis de nous encourager et cette bataille est symbolique pour nous. Elle signifie une reconnaissance, que l'accessibilité des services en français n'est pas quelque chose de ténébreux. Ce n'est pas un sujet qu'on doit balayer sous le tapis même si on n'a pas d'ancrages légaux très importants dans nos lois et dans nos chartes canadiennes ou provinciales. En éducation, on avait d'autres prises qu'on n'a pas dans la santé. D'ailleurs, nous avons des collègues dans les communautés qui défendent un sixième principe ou un aménagement dans les lois. Notre société dit aux supporters de l'ancrage légal que leur appui est bon. On est centré sur des actions concrètes qui amélioreront les services aujourd'hui, demain et après demain. Ce que Mauril Bélanger fait à la Chambre des communes sur le plan du sixième principe ne peut que nous aider. La plupart des gens l'appuient et moi aussi d'ailleurs. On met beaucoup d'énergie à créer un réseau de services pour éviter qu'on nous enferme dans d'autres services existants. C'est toujours une menace avec les réorganisations de service qui se font d'un bout à l'autre du pays.

Depuis deux ans, au Nouveau-Brunswick, on réaménage. Il a fallu que les Acadiens, en 2002, se battent pour s'assurer que des régies régionales puissent être reconnues en tant que régies francophones. On parle de 33 p. 100 de la population. Imaginez-vous les groupes du Manitoba avec 4 ou 5 p. 100 de la population où malgré tout, on a certains ancrages de nature politique, réglementaire qui nous permettent de désigner des établissement pour dispenser des services en français, comme l'Hôpital général de St-Boniface que je dirige.

C'est toujours mieux lorsque on a des assises légales. Notre histoire de francophones a toujours été que, malgré les assises légales, nous sommes obligés de recourir aux tribunaux. On veut essayer d'éviter les batailles légales qui nous coûtent cher. On perd des soldats, de l'énergie et on investit des fonds. Oui, on peut avoir des victoires, mais une victoire devant les tribunaux ne nous permet que de commencer à bâtir. Le travail effectué avec nos commettants est d'essayer à tout prix d'éviter d'autres batailles comme celle-là et d'être proactif à l'avant-scène. Lorsqu'on parle de l'organisation des services, il faut se positionner d'une façon proactive pour dire ce qu'on veut plutôt que de toujours être sur les talons pour dire ce qu'on ne veut pas.

Le sénateur Beaudoin: Je suis d'accord. On ne devrait pas toujours être obligé d'aller devant les cours de justice. Cela prend du temps, de l'énergie et des fonds. Mon réflexe de juriste est qu'une constitution est sujette à interprétation. Une très bonne façon de le faire est, de temps en temps, de choisir une cause intéressante qui fait avancer les choses. Ce n'est pas pour le plaisir de le faire, mais bien pour le résultat. De cette façon, on construit un pays plus bilingue. On devrait, après discussions, entre personnages politiques et la population, régler les problèmes.

Malheureusement, on n'est pas encore au paradis. Il faut comparaître de temps en temps en cours. Ce qui a été fait demeure. On peut aussi y faire référence dans l'avenir. Si c'est absolument nécessaire il faut aller devant les cours. Si ce n'est pas nécessaire, on doit prendre un autre chemin plus facile et moins cher. Ce serait ma réaction.

Le sénateur Lapointe: Le Manitoba compte combien de francophones?

M. Gauthier: On fait une distinction entre ceux qui s'identifient comme étant de souche francophone et parlant français. Environ une quarantaine de mille francophones parlant français, soit environ 55 000 habitants, selon le dernier recensement.

Le sénateur Lapointe: Pour tout le Manitoba?

M. Gauthier: C'est environ de 4 à 5 p. 100.

Le sénateur Lapointe: Combien de médecins francophones pratiquent à votre hôpital?

M. Gauthier: Cinq ou six généralistes.

Le sénateur Lapointe: Ce n'est pas beaucoup.

M. Gauthier: Non.

Le sénateur Lapointe: Vous avez un problème.

M. Gauthier: C'est pour cela que je disais que la formation de médecins est un élément clé.

Le sénateur Lapointe: Comment est perçu votre groupe par «l'establishment» anglophone du Manitoba? Est-ce qu'on a les bras ouverts?

M. Gauthier: On suscite un intérêt certain. À l'heure actuelle, on reçoit quelques fonds du gouvernement fédéral. Comme je vous le disais tantôt, il est important de recevoir ce genre d'appui. Quand le gouvernement fédéral dit qu'il y a une cagnotte de dix millions de dollars, qu'on veut faire des projets avec cette somme et qu'on s'amène dans notre province, il est rare qu'elle dira d'aller chez le diable avec ces fonds! Cela nous permet de discuter d'une façon intéressante avec nos provinces. Cela donne un levier aux communautés dans le domaine de la santé qu'elles n'ont jamais eu. Je dois dire que le ministère de la Santé, même après les premiers efforts, nous a donnés ce levier. Notre défi est de bien utiliser le levier pour faire cheminer nos provinces. Dans certaines provinces, ils n'en ont rien à foutre des services en français parce qu'il y a des communautés infiniment plus petites que celle du Manitoba en termes de pourcentage.

Le sénateur Lapointe: C'est pour cela que le gouvernement fédéral est important quand même.

M. Gauthier: C'est pour cette raison qu'on joue entre des juridictions provinciales dans l'organisation de ces services. Par ailleurs, on pense que le levier fédéral est indispensable.

Le sénateur Lapointe: Cela ébranle un peu parfois les réticents.

Le sénateur Léger: Lorsque vous parlez de «créateur de solutions novatrices», «au-delà de la politique», «un pont entre fédéral et provincial», «éviter l'isolation», il est question du présent et de l'avenir. Il s'agit bien sûr d'organismes comme le vôtre, mais on parle surtout de réseautage.

Quoi qu'il en soit, j'espère que vous obtiendrez le soutien financier du gouvernement fédéral pour vous permettre de poursuivre vos efforts et ne pas devenir qu'une simple machine — c'est un aspect à surveiller.

Les universités, par exemple, doivent faire attention. Leurs bénéfices sont liés au volume de leur clientèle, peu importe la langue.

Cette idée de l'unité, d'un océan à l'autre, dont vous parlez, est tout à fait rafraîchissante. Nous allons faire le point en ce qui a trait aux territoires. C'est peut-être la vraie démocratie. Vous me corrigerez, mais je crois qu'il y a un tiers. Ce n'est pas uniquement une question provinciale-fédérale. Cette question vous touche également.

M. Gauthier: C'est une question très importante pour nous. À titre d'analogie, on parle d'une table soutenue par trois pattes. Une table sur deux pattes a tendance à tomber. Nous nous proposons comme la troisième patte qui soutiendra la table. Nous parlerons des services et non des disputes juridictionnelles.

Le sénateur Chaput: Je viens d'une communauté linguistique minoritaire. Les résultats que vous donnez sont nécessaires afin de continuer le développement d'une communauté minoritaire des langues officielles. Le réseautage est primordial. Je suis complètement d'accord avec les propos tenus par le sénateur Léger.

La technologie et les bénéfices de ces moyens technologiques me préoccupent. Il y a une grande fragilité à ce point de vue. Jusqu'à quel point peut-on s'attendre à ce que l'information soit disponible en français et en anglais tout en conservant sa qualité. Qu'il soit question de services à distance ou autre, c'est une inquiétude. Ces bienfaits sont fragiles. Il faut s'assurer que cette technologie contribue à l'épanouissement de la communauté minoritaire de langues officielles et non pas à son assimilation.

Vous parlez de pont entre fédéral et provincial. C'est un aspect primordial et essentiel. Toutefois, avez-vous une stratégie dans le but d'obliger les provinces plus récalcitrantes ou indifférentes à respecter les droits de leurs minorités de langues officielles?

M. Gauthier: Oui, mais nous allons avoir besoin d'aide. Le sénateur Lapointe parlait tantôt de cette aide. Certains leviers permettent de rendre les choses plus acceptables. Le gouvernement fédéral ne doit pas nier ses responsabilités.

Je m'inquiète que l'entente qu'on vient d'examiner ne parle pas de l'obligation de desservir les gens dans les deux langues officielles. Je crois que votre comité devra voir à cet aspect.

Il existe un autre aspect sur lequel vous pourriez nous aider. Il a été question dans l'entente d'un conseil national d'imputabilité. J'ai l'intention d'écrire une lettre au gouvernement fédéral afin de demander que l'on puisse participer à une telle commission. Votre comité pourrait peut-être nous appuyer dans une telle démarche.

[Traduction]

Le vice-président: Nous le ferons. Merci beaucoup, monsieur Gauthier. Je regrette qu'on ait dû vous demander de vous dépêcher de cette façon. Notre prochain témoin, le sénateur Morin, a un programme très serré et doit nous quitter à 17 h 30.

[Français]

M. Gauthier: Je vous remercie de l'occasion que vous nous avez donnée. Soyez assurés que nous sommes toujours disposés à venir vous rencontrer. Au fur et à mesure que les choses évolueront, nous tiendrons vos équipes au courant.

[Traduction]

Le vice-président: Honorables sénateurs, puisque le sénateur Morin doit nous quitter à 17 h 30, je vous invite, si vous avez des questions à lui adresser, et je suis convaincu que vous en aurez, de les lui présenter par écrit. Nous prendrons les mesures qui s'imposent pour qu'il les reçoive et pour qu'il y réponde.

Le sénateur Morin: Je m'excuse de cet agenda chargé. Le premier ministre de la Suède est à Ottawa. Le comité dont le président fait partie a eu des relations étroites avec le représentant de la Suède. À ce titre, je devrai participer à une rencontre suivie du dîner.

J'aimerais d'abord souligner la présence de Mario Ménard, recherchiste à la bibliothèque du Parlement. Sa contribution au rapport est importante et viendra appuyer mon témoignage.

J'aimerais rapidement passer en revue le rapport du Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie — auquel vous avez contribué vous-même, monsieur le président. Ce faisant, j'insisterai sur les recommandations les plus pertinentes à la question des minorités francophones hors Québec.

Ce rapport est l'aboutissement d'une étude qui a duré plus de deux ans et au cours de laquelle le comité a entendu plus de 400 témoins. Nous avons fait nombre de recommandations traitant de différents aspects, entre autres, sur le système de soins et les garanties de soins.

J'aimerais attirer votre attention sur les recommandations concernant les soins de santé de première ligne. Il s'agit d'une organisation qui peut avoir un impact important sur les soins aux minorités francophones.

Nous avons recommandé plus particulièrement la création de groupes multidisciplinaires qui assumeraient la responsabilité de l'éventail des soins. Cette responsabilité s'étendrait aux soins sur une base permanente. Ces groupes comprendraient non seulement des médecins mais des infirmières et autres professionnels de la santé.

Nous pensons que ces groupes de soins de santé de première ligne formeraient la base de la réforme pouvant servir de levier aux soins en français hors Québec. Des modèles existent déjà à plusieurs endroits. Nous pourrons revenir sur la question du financement à ce sujet.

Nous avons également fait allusion aux soins à domicile, aux soins communautaires pour les gens qui souffrent de maladies mentales et aux soins palliatifs pour les patients en phase terminale. Ces programmes devraient avoir une composante linguistique minoritaire.

Voilà pour les programmes sur lesquels il est important de se pencher. Je voudrais faire allusion au système d'informations basé avant tout sur un système national de dossiers de santé électroniques. Cela prendra son essor, on aura l'occasion d'y revenir.

Vous savez qu'il existe une corporation de la Couronne, l'inforoute de la santé, qui a un budget de 500 millions par année. La dernière réunion des premiers ministres a pratiquement doublé ses budgets, ce qui représente une subvention très importante. Il va y avoir des progrès importants qui se produiront dans ce domaine et il est important de prendre le train en marche et de s'assurer que la dimension linguistique minoritaire en fasse partie, particulièrement sur le système de dossiers de santé électroniques pour qu'il se fasse dans les deux langues officielles.

Si nous n'intervenons pas rapidement, les décision seront prises, les modèles seront adoptés par les provinces et il sera beaucoup trop tard une fois que les décision auront été prises.

On recommande un financement particulier des centres universitaires des sciences de la santé. La commission Romanow ne parlait pas de cette recommandation du comité sénatorial. Les deux pôles sont Moncton et Ottawa. Il est important que l'on puisse se situer là-dedans.

M. Gauthier a fait allusion à la commission sur la santé et il serait important qu'on puisse dans les notions d'imputabilité dont ce conseil sera saisi, que les soins en langue minoritaire soient établis.

J'ai rapidement passé par-dessus beaucoup de recommandations. Je voudrais souligner deux points importants. Nous avons recommandé une augmentation du financement majeur de la recherche, des instituts de recherche en santé du Canada dont M. Gauthier est membre du conseil.

Je voudrais indiquer que ce financement que nous avons recommandé se matérialisera, j'espère, dans le prochain budget qui se penchera sur la question des soins de santé pour les minorités linguistiques.

Nous avons recommandé un financement particulier pour la formation du personnel sanitaire. C'est un aspect important de la situation pour les francophones hors Québec.

J'aimerais passer au deuxième document qui est le rapport pour un meilleur accès des services de santé en français.

Dans le sixième volume, nous avions indiqué que cette question des soins en français hors Québec représentait une situation particulièrement importante et que nous souhaitions faire un rapport particulier.

Cela coïncidait avec deux points particuliers. On sait qu'avec le vieillissement des populations francophones à travers le Canada, que la priorité pour ces communautés s'est manifestée à plusieurs reprises dans le domaine des soins sanitaires.

À l'été 2000, Santé Canada a mandaté la Fédération des communautés francophones et acadiennes pour procéder à une étude approfondie. Un rapport a été produit et vous le connaissez tous. Le sénateur Gauthier a aussi déposé en novembre 2001, une motion demandant à notre comité de procéder à l'examen et à l'interprétation de ce rapport en se disant avec raison qu'il était inutile de réinventer la roue et que ce volumineux rapport devait servir de base à notre étude.

C'est ce que nous avons fait. Nous avons tenu cinq réunions et nous avons entendu dix-neuf témoins qui venaient de tous les secteurs. M. Gauthier en faisait partie et on a eu des témoins qui sont d'ailleurs présents et qui ont contribué de façon importante aux travaux de notre comité.

Notre rapport que vous avez reçu et qui a été déposé au Sénat est composé de trois grandes parties. Il fait une synthèse de ce rapport et fait état de l'évolution du dossier dans les dernières années. Par exemple, il fait état du rapport du comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire qui a été donné au ministre de la Santé, M. Rock, à l'époque.

Il fait aussi état du forum qui a été tenu à Moncton en novembre 2001. Il fait état de trois prémisses de travail: respecter le champ de compétence des provinces, avoir une approche flexible et capitaliser sur des programme déjà existants.

Nous avons retenu le témoignage de M. Gauthier et quatre grandes recommandations. Il y en a d'autres. Le réseautage est une réponse au manque d'informations que connaissent les francophones hors Québec sur les soins qu'ils peuvent recevoir dans leur langue. Il y a la présence d'un consortium pour la formation des professionnels de la santé autour des deux grands pôles de formation de la santé, Moncton et Ottawa. Je suis un de ceux qui pense que celui de Moncton devrait être renforcé. J'ouvre une parenthèse, c'est une opinion personnelle: je favorise leur demande d'avoir une faculté de médecine francophone dans leur université.

Les groupes de soins de première ligne, j'en ai déjà parlé, c'est la réponse au problème de soins pour les francophones en situation minoritaire, parce qu'il y a une prise en charge de ces groupes de soins et celle-ci se fait dans la langue des patients.

Nous appuyons la création d'un programme en langue officielle en santé qui serait sous la responsabilité de Santé Canada et l'on souhaite que les ententes fédérales-provinciales se poursuivent.

Monsieur Gauthier faisait allusion à l'entente qui existe entre le Manitoba et le fédéral; c'est tout de même 2 millions par année qui se présente. Que cette offre soit bonifiée et stimulée!

Un mot sur la révision de la Loi canadienne sur la santé: ce n'était pas strictement dans notre mandat parce qu'il n'en est pas question dans le rapport. Deux options sont possibles. L'une privilégie la modification de cette loi. En général, plusieurs personnes pensent qu'il y a un danger à réviser la Loi canadienne sur la santé.

Plusieurs provinces pensent qu'on devrait mettre un terme à cette loi, parce que beaucoup de provinces pensent que le financement conditionnel dans les soins de santé est à proscrire complètement. Ce financement émane du fédéral. Plusieurs personnes ne réalisent pas que tout le financement fédéral, à 100 p. 100, est conditionnel parce qu'il est soumis aux conditions de la Loi canadienne sur la santé.

Si on modifiait cette loi, il y a un grave danger de voir une levée de boucliers contre les conditions qui sont déjà présentes et qu'on pourrait vouloir amenuiser, sinon les castrer complètement dans la Loi canadienne sur la santé. Il y a de graves dangers.

Romanow a recommandé la modification de la loi pour y introduire l'imputabilité et les soins à domicile.

Très sagement, le gouvernement fédéral et la plupart des premiers ministres des provinces se sont opposés à la révision de la Loi canadienne sur la santé à cause du grave danger que ceci comporterait sur les principes et que l'on pourrait voir disparaître sous la pression des provinces.

Toute cette question de la révision de la Loi canadienne sur la santé est dangereuse et doit être repensée.

Monsieur Gauthier a dû parler de la grande déception que nous avons eue mercredi dernier, lors de la réunion des premiers ministres, en rapport avec la réforme sur les soins de santé.

Monsieur Gauthier, plusieurs autres personnes et moi, avons fait des interventions auprès du bureau du premier ministre et du ministre de la Santé, au bureau de M. Dion pour que les soins de santé en français aux communautés linguistiques minoritaires soient inclus dans cet accord et qu'au moins mention soit faite de ce problème avec une recommandation de financement et de solution au problème. Malheureusement, il n'en est rien.

Cela aurait vraiment aidé la cause si dans le rapport, on avait eu un des éléments de solution du financement à ce problème.

Je serai heureux de répondre à vos questions jusqu'à 17 h 40.

Le sénateur Gauthier: Vous avez vu l'éditorial de M. Maltais dans Le Droit, concernant le rapport du comité que vous avez présidé. Vous dites dans un extrait, ne vous choquez pas, que son comité s'est penché sur les soins de santé réservés aux francophones hors Québec et qu'il frôle l'insignifiance. Plutôt que de reconnaître la dualité linguistique à ce chapitre et de la promouvoir, il se borne à recommander au gouvernement fédéral de verser plus d'argent à leur intention.

J'ai envoyé à M. Maltais, une lettre de deux pages, je peux vous la faire parvenir. Nos attentes sont très élevées dans le plan Dion. Avez-vous de l'information qui pourrait nous aider?

Le sénateur Morin: Je ne suis pas au courant.

Le sénateur Gauthier: Quant à la dualité linguistique préconisée par certains et à l'imputabilité que Romanow recommande dans son rapport, le comité Kirby et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, sciences et technologie n'ont pas touché à cette question?

Le sénateur Morin: D'imputabilité?

Le sénateur Gauthier: La dualité.

Le sénateur Morin: On en a parlé dans un paragraphe que je pourrais vous retrouver. Les études au Sénat sont très différentes de la commission Romanow. C'est notre sixième volume. Il va y en avoir six autres, au moins, jusqu'en l'an 2026. Il y a des choses dont on n'a pas parlé du tout et dont monsieur Romanow a parlé. Par exemple, M. Romanow a parlé de santé mentale. Nous n'en avons pas parlé parce que nous allons avoir un volume sur la santé mentale.

M. Romanow a parlé des Autochtones. Nous n'en avons par parlé parce qu'il y aura un volume sur les Autochtones.

Les dualités linguistiques, on n'en a pas parlé parce que nous savions qu'il y avait une étude particulière.

Contrairement à M. Romanow qui faisait une seule étude, nous faisons un travail continu. Je préfère cette façon que nous avons de travailler en profondeur un sujet plutôt que de saupoudrer tout dans un laps de temps court.

Nous n'avons pas tout touché dans notre rapport, c'était impossible. Il y a beaucoup d'autres domaines que nous allons explorer. En particulier, la santé mentale sur laquelle nous nous penchons actuellement.

Le sénateur Gauthier: La commissaire aux langues officielles est venue en décembre, on lui a posé la question: est-il possible de relier les deux principes de l'imputabilité et de la dualité linguistique? Elle a semblé dire que c'était possible. Pouriez-vous y penser un peu?

Le sénateur Morin: Assurément.

Le sénateur Gauthier: Demandez à votre recherchiste de se faire aller les méninges pour trouver une solution, pour rattacher la dualité linguistique et l'imputabilité.

Le sénateur Beaudoin: J'ai une question sur la loi. J'ai cru comprendre que vous ne vouliez pas, au sein de votre comité, rouvrir le débat sur le plan que nous étudions actuellement. C'est bien important une loi, c'est sûr, j'en sais quelque chose. C'est seulement une loi. On peut toujours parfaire une loi, l'améliorer. Alors, quelle est la raison pour laquelle vous avez une prudence très naturelle? Remarquez que vous avez peut-être parfaitement raison, mais quels sont vos hésitations à ce qu'on puisse modifier la Loi canadienne sur la santé?

Le sénateur Morin: Si on proposait la Loi canadienne sur la santé, aujourd'hui, elle ne serait pas adoptée.

Le sénateur Beaudoin: Pourquoi?

Le sénateur Morin: Vous avez vu la levée de boucliers. Une des choses qui n'a pas été adoptée au dernier accord, c'est le financement conditionnel. On a beau dire n'importe quoi, je pensais vraiment que ce serait adopté. On a beau dire n'importe quoi, on n'a pas eu de financement conditionnel précis, comme je l'aurais souhaité, pour les soins de première ligne, les soins à domicile, l'assurance médicaments catastrophique. C'est un fonds unique à usages multiples. Il n'y a rien dans l'accord. Les provinces auraient refusé un financement conditionnel. Le Québec s'y oppose complètement.

Le secret le mieux gardé est que chaque dollars que le Québec reçoit est conditionnel à la Loi canadienne sur la santé, et des conditions très précises, sans lesquelles il ne reçoit pas les fonds, par exemple, la portabilité et l'universalité, enfin chacun des principes. Si une province enfreint un de ces principes, ils recoivent une amende qui peut aller jusqu'à la cessation complète des transferts fédéraux.

C'est une loi très dure. Lors du dernier accord, en théorie, on ajoutait à la Loi canadienne sur la santé, ces éléments: les soins de première ligne, l'assurance-médicament et les soins à domicile. Mais aujourd'hui, la Loi canadienne sur la santé ne serait pas adoptée. Heureusement qu'on a cette loi. Sinon on aurait une mosaïque de systèmes de santé dans chaque province avec des principes d'universalité, d'accessibilité et de portabilité qui seraient très différents. Actuellement, ce qui sauve le Canada au point de vue santé, c'est la Loi canadienne sur la santé. À tous les jours, on devrait bénir le ciel d'avoir cette loi. M. Romanow a suggéré de la réviser pour y introduire les soins à domicile. Je crains beaucoup que si l'on modifie cette loi qui actuellement nous rend service, il y a un danger que tout le reste saute. C'est mon point de vue personnel. C'est aussi celui du gouvernement parce qu'il a refusé de réviser la loi.

Le sénateur Beaudoin: Le risque est trop fort d'après vous.

Le sénateur Morin: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Vous dites qu'il vaut mieux avoir une loi imparfaite que pas de loi?

Le sénateur Morin: Elle n'est pas si imparfaite que cela. Elle est excellente.

Le sénateur Beaudoin: C'est une bonne loi, mais on peut toujours améliorer une loi. Maintenant vous dites que le risque est un peu fort. Je peux comprendre cela. Je vais y réfléchir.

Le sénateur Lapointe: Sénateur Morin, une chose me chicote un peu. L'argument des provinces est que leurs priorités ne sont pas toutes au même endroit. Comment contrer cela?

Le sénateur Morin: Elles peuvent bien le prétendre. Vous savez, il y a deux choses importantes pour le gouvernement fédéral: que tous les Canadiens aient accès à des soins de santé qui soient d'un niveau minimal et égal à travers le pays. Il n'y a pas de raison qu'un Canadien, parce qu'il reste dans la province X n'ait pas le droit à des soins minimums de santé.

Le gouvernement fédéral peut déterminer que des soins à domicile, c'est important, même si une province disait, nous autres, des soins à domicile, on n'en veut pas. Par exemple, nous voulons des soins catastrophiques de médicaments. Un million de Canadiens sont incapables actuellement d'avoir accès à des médicaments. Certains médicaments coûtent 50 000 $ par année. C'est le rôle du fédéral de s'assurer que les Canadiens y aient droit. Je ne sais pas ce qu'une province peut répondre. On ne veut pas que nos concitoyens y aient accès?

Le sénateur Lapointe: Je me suis peut-être mal exprimé. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, ils disent: nous autres, en radiologie, nous n'avons pas besoin d'investir, nous avons les équipements et tout. Que font-ils des fonds destinés à la radiologie? Peuvent-ils les placer dans un autre domaine ou, selon la loi, sont-ils obligés de l'investir en radiologie?

Le sénateur Morin: Il faut d'abord s'assurer que les équipements sont effectivement en place et qu'il y ait vraiment des relevés avec des indicateurs reconnus. À ce jour, les provinces ne l'ont pas fait. Elles ont pris les fonds et elles ont acheté des tondeuses à gazon et des fours à micro-onde. Je pense que les Canadiens doivent avoir, d'une part, les services minimums, d'un océan à l'autre et, d'autre part, ils doivent avoir le droit de savoir si les services qu'ils reçoivent sont de bonne qualité comparativement aux services reçus d'une communauté à l'autre et d'une province à l'autre.

Le sénateur Lapointe: Les soins palliatifs ont été escamotés un peu tout à l'heure. Y a-t-il y a une politique pour les soins palliatifs?

Le sénateur Morin: Absolument. C'est dû d'ailleurs au sénateur Carstairs qui est notre leader.

Le sénateur Lapointe: Je suis impliqué maintenant avec les soins palliatifs.

Le sénateur Morin: Il n'y a pas de plus belle initiative que celle-là.

Le sénateur Lapointe: J'en profite pendant qu'on est là, si jamais cela passe à la télévision, il y a une prestation que je donne le 3 mai au bénéfice des soins palliatifs à travers tout le Québec. Toutes les recettes vont aux soins palliatifs. C'est grâce à notre leader, Mme Carstairs, qui m'avait ému lors de son intervention.

Le sénateur Morin: C'est une initiative extraordinaire où la dimension linguistique minoritaire est importante.

Le sénateur Chaput: Monsieur, j'ai beaucoup aimé lorsque vous avez mentionné les groupes multidisciplinaires, les groupes de soins de première ligne, soins à domicile et soins communautaires parce que pour les communautés minoritaires de langues officielles de l'Ouest du Canada, ce sont les soins qui rejoignent les gens chez eux, la famille, les enfants et les parents. Ces soins nous permettent de continuer à vivre en français. Il n'y a aucun doute.

Ce qui m'a fait un peu peur, c'est lorsque je lisais des éléments de la présentation. On veut confier plus de responsabilités aux régies régionales de la santé. Ayant siégé à un office régional de la santé au Manitoba qui représentait le sud-est de la province, là où il y a plus de francophones qu'ailleurs, je me suis retrouvée dans un contexte très minoritaire. Dans ce milieu anglophone, la priorité n'était pas aux services en français, même si c'était une régie désignée bilingue. On avait à se battre continuellement pour essayer d'empêcher les services en français de disparaître et non pas d'en ajouter. Je voulais partager cette inquiétude avec vous. C'est vécu et c'est réel pour les communautés francophones de l'ouest du Canada. On se retrouve toujours dans un contexte minoritaire à l'intérieur d'une structure faite pour la majorité.

[Traduction]

Le vice-président: Merci, sénateur Morin. Je crois que vous serez à l'heure à votre prochain rendez-vous. Honorables sénateurs, comme je l'ai signalé, si vous désirez poser par écrit des questions, le sénateur Morin sera heureux d'y répondre par écrit puisqu'il est pris par le temps aujourd'hui.

Sous la rubrique travaux futurs du comité, le sénateur Gauthier veut nous entretenir du problème que vivent les francophones dans les Territoires du Nord-Ouest.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Monsieur le président, je m'excuse, mais c'est une question d'actualité. Dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a une langue officielle, un programme, une loi. Malheureusement, la loi n'a pas de règlement. Pas de règlement, pas de loi. Il y a des directives, c'est vrai, mais une directive et un règlement, c'est différent. Je vous ai distribué un cahier des recours judiciaires des Franco-Ténois. Je ne veux pas traiter de la cause judiciaire elle-même.

Le Parlement canadien doit se pencher sur tout amendement, toute modification à la Loi sur les langues officielles avant que la loi ne devienne une loi avec aptitude légale.

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a donné avis qu'il déposerait des amendements le 3 mars prochain. Je suis un peu nerveux parce que dans trois semaines, on va nous arriver avec un fait accompli et je ne voudrais pas que ce soit une loi qui ne soit pas conforme à celle qui doit être en place.

Je vous explique. En 1984, le gouvernement avait conclu une entente avec la législation des Territoires du Nord- Ouest pour avoir en retour une loi sur les langues officielles des Territoires, celle du Canada n'aura pas force d'application. Je ne veux pas discuter de la valeur de cet amendement, mais je le questionne encore aujourd'hui, parce que je crois qu'il est anticonstitutionnel.

De toute façon, l'entente a été conclue avec deux conditions. La première est que tout amendement, toute abrogation à la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest devra recevoir l'accord, l'appui, l'aval du Parlement canadien.

La deuxième condition est que la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest doit être conforme, égale et semblable à celle du gouvernement fédéral, ce qui n'est pas le cas. Elle n'a même pas de règlement. Les Franco- Ténois sont des Canadiens qui demeurent dans les Territoires du Nord-Ouest. Ils ont intenté un recours en justice pour faire valoir qu'ils ne reçoivent pas les services dans la langue officielle de leur choix, le français, et qu'ils n'ont pas accès aux services gouvernementaux en français.

Il y a bien un commissaire aux langues officielles, mais on me dit que ce n'est pas tout à fait la même chose qu'ici; pourtant c'est une partie de notre pays. Pour mieux me renseigner et pour que mes collègues du Sénat puissent mieux comprendre ce qui se passe dans les Territoires du Nord-Ouest, je propose de rencontrer certains intervenants relativement à cette question.

Justice Canada n'est pas en faveur de la position des Franco-Ténois. Elle appuie le gouvernement territorial. Justice Canada dit que ce n'est pas une institution fédérale, mais je pense que c'est une institution fédérale clairement définie par la loi.

L'article 3 dit très bien que la Chambre des communes et le Sénat sont des institutions fédérales. Si nous sommes d'une institution fédérale et qu'on ne produise pas un rejeton qui soit un produit fédéral, je n'admets pas cela.

De toute façon, il faudrait clarifier la définition d'une institution fédérale, mais là n'est pas le but de mon objet. Mon intention est de vous intéresser à cette question parce qu'il y a environ 2000 Canadiens d'expression française dans les Territoires du Nord-Ouest, qui sont, dans le moment, insatisfaits et «maltraités» par la loi existante.

Le gouvernement territorial nous dit qu'il va déposer les modifications à la loi le 3 mars. Je voudrais que mes collègues du Sénat se familiarisent avec le dossier. J'aimerais qu'on invite Justice Canada à venir nous expliquer leur point de vue et tout ce qui se passe. J'aimerais qu'on invite les Territoires du Nord-Ouest à nous envoyer un représentant pour nous faire part de leur opinion. J'aimerais aussi qu'on invite les Franco-Ténois à venir nous expliquer leur position et leurs difficultés.

J'aimerais qu'on invite la commissaire aux langues officielles du Canada et la commissaire aux langues officielles des Territoires du Nord-Ouest à venir nous expliquer pourquoi on a des problèmes avec les langues officielles là-bas.

Cette question ne touche pas de près certains membres de ce comité, mais je peux vous dire que ces problèmes me touchent. Les gens qui sont confrontés à ces problèmes sont des Canadiens et le jour où on va oublier ces Canadiens d'expression française partout au pays, on va avoir un pays divisé et cela ne m'intéresse pas. Je ne veux pas que cela arrive.

Le sénateur Beaudoin est ici et je peux le dire devant lui, on a eu des problèmes sérieux en Alberta et en Saskatchewan, en 1905, quand le gouvernement fédéral a manqué d'affirmer et de confirmer les droits linguistiques en Alberta et en Saskatchewan. Je ne voudrais pas que les Territoires du Nord-Ouest affirment que les Canadiens des deux langues officielles sont inégaux. Peu importe le nombre. Il y en a 2000 et c'est assez. Un, c'est assez pour moi.

Je voudrais que le comité se penche sur cette question d'ici le début du mois de mars. On n'a pas beaucoup de temps pour étudier et entendre les deux côtés de la médaille. Cela ne se fera pas à la Chambre des communes, cela va se faire à ce comité parce que le Sénat a la responsabilité de surveiller l'application de la Loi sur les langues officielles en région et l'impact qu'elle aura sur les communautés de langues officielles.

Si vous avez des questions, je peux essayer d'y répondre, mais je vous ai soumis un document qui explique assez bien ce que je vous ai proposé.

Le sénateur Lapointe: Je connais votre grand coeur, sénateur Gauthier, et je vous admire beaucoup. Je sais que vous êtes un bagarreur, sauf que dans votre rapport, en date du mardi 4 février 2003, on retrouve une question du sénateur Beaudoin. Le sénateur Carstairs y a répondu en disant cette affaire était de compétence territoriale. Y a-t-il un conflit entre les deux? Si c'est de compétence territoriale, quelles sont les possibilités de contourner ce problème?

Je veux bien-être sympathique à votre cause et je veux bien me battre à vos côtés pour défendre le français dans les Territoires du Nord-Ouest, mais si cela ne relève pas de notre compétence, à quoi cela rime-t-il?

Le sénateur Gauthier: Le sénateur Carstairs a répondu le mercredi ou le jeudi suivant que le gouvernement fédéral admettait qu'il n'était pas indifférent et qu'il devrait se prononcer sur tout amendement ou toute modification à la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest pour obtenir son approbation. Le sénateur Carstairs a admis cela. Je vais lui poser la question demain en Chambre pour clarifier ce point.

Le sénateur Beaudoin: C'est un problème très important et il y a deux thèses qui s'affrontent. J'ai toujours été d'opinion que les territoires sont différents des provinces. Ils ont des pouvoirs qui leur viennent du Parlement canadien, des pouvoirs délégués qui sont considérables, et je suis d'accord avec cela.

Cependant, je pense que les territoires sont soumis à une forme de bilinguisme. Peu importe le nombre parce que l'article 16 de la Charte canadienne des droits et libertés dit que les deux langues officielles sont égales dans leur application. Il y a une autre thèse qui dit que les territoires, une fois qu'ils existent, en vertu d'une loi fédérale, se comportent comme des quasi-provinces.

Je respecte ce point de vue qui a été exprimé, donc c'est une autre thèse. Il y en a deux.

Je viens d'appeler le juriste des Territoires du Nord-Ouest qui va m'envoyer certains documents. Il est certain qu'un jour, cette affaire ira en Cour suprême, du moins, c'est probable.

Étudions cela à tête reposée. Prenons le temps qu'il faut. S'il faut étudier cette question pendant quelques jours, je suis prêt à le faire. Je ne veux pas partir une petite querelle, pas du tout! Je veux savoir ce que la Constitution dit, et comment elle est interprétée. Cela vaut la peine que l'on étudie ce problème en profondeur. Ensuite, on fera un rapport. On est ici pour cela. C'est un comité magnifique sur les deux langues officielles du Canada. Il faut savoir quels sont les pouvoirs du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires. Les territoires sont créés par le Parlement canadien, c'est nous qui les créons. Normalement, on devrait avoir l'égalité linguistique dans les deux langues officielles.

Je suis tout à fait prêt à prendre le temps qu'il nous faut pour y arriver. Je ne pense pas qu'on réussira à résoudre le problème cette semaine. Cependant, on peut prendre quelques jours, à tête reposée, pour arriver à une solution. On en discutera entre nous. On pense tous à peu près pareil, on a les mêmes idéaux.

S'il y a deux thèses, étudions-les et revenons au débat principal dans quelques jours. Quand on les aura étudiées en profondeur, on s'entendra sur une solution finale. Je suis du Québec, mais pour les francophones qui viennent de d'autres provinces — et pour les gens du Québec aussi — cette chose est fondamentale. On vit dans un pays multiculturel, mais bilingue au gouvernement fédéral. C'est la Constitution du Canada. Il faut y donner suite. On ne résout pas ces problèmes difficiles tout de suite. C'est ce que je pense.

[Traduction]

Le vice-président: Honorables sénateurs, voulez-vous faire des commentaires sur cette intervention? J'aimerais signaler que la présidente et un autre sénateur qui ne peuvent être des nôtres aujourd'hui s'inquiètent gravement de la complexité de ce dossier. Ils m'ont demandé de vous faire part de leurs préoccupations et de signaler qu'ils désirent que l'on reporte à la prochaine réunion du comité toute décision quant au calendrier des réunions qui porteraient sur la question; on pourrait alors discuter de l'impact que cette étude pourrait sur les travaux du comité.

Le sénateur Lapointe: Nous sommes d'accord.

Le vice-président: Je vous communique simplement leur opinion. Je félicite le sénateur Gauthier de son dévouement et de tout le travail qu'il fait dans ce dossier. Je sais également, puisqu'il me l'a mentionné, qu'il juge que nous devons étudier ce dossier le plus tôt possible. Cependant, il existe une divergence d'opinion au sein du comité et je préfère reporter toute décision à notre prochaine réunion.

Le sénateur Gauthier: Quand aura lieu cette prochaine réunion?

Le vice-président: Notre prochaine réunion, qui sera présidée par le sénateur Losier-Cool, aura lieu le 24 février.

Le sénateur Gauthier: Cette décision me frustre parce que je sais que le groupe des Territoires du Nord-Ouest a beaucoup de problèmes. Les intervenants ont demandé à être entendus parce qu'ils n'ont pas suffisamment de membres, d'argent ou de ressources. Ils ont un avocat à Regina, mais lui aussi a besoin d'aide. J'aimerais que des représentants du ministère de la Justice comparaissent devant notre comité et viennent expliquer pourquoi ils ont pris ces décisions, parce que je veux comprendre. Puis je pourrai retourner chez moi et dire honnêtement Bien, j'ai fait de mon mieux.

Je suis un peu frustré parce que j'ai déjà essayé d'obtenir de ce comité qu'il étudie la question.

[Français]

On n'avait pas de renvoi. J'ai déposé un document intitulé «L'état des lieux» parce que cela donnait un renvoi au comité. On pouvait rencontrer la commissaire parce qu'elle en parle dans son rapport annuel. Le sénateur Corbin, qui était membre à ce moment, a ajourné le débat. C'est un document fort important. On ne l'a pas encore étudié. J'ai proposé une motion que le Sénat a adoptée. Ce comité va étudier le document «L'état des lieux». Quand? J'espère que ce sera demain ou après demain parce qu'on a des problèmes au Manitoba, en Ontario, en Saskatchewan, en Alberta, dans les Territoires du Nord-Ouest et en Colombie-Britannique.

Le sénateur Lapointe: À la réunion du 24 février, ne sera-t-il pas trop tard pour aborder le sujet? Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir des témoins — à la recommandation du sénateur Gauthier — pour en profiter avant qu'il ne soit trop tard parce qu'il semble que des décisions seraient prises en mars? Devant l'urgence de la situation, je suggère que deux personnes d'opinion différente comparaissent à cette réunion du 24 février. Cela permettrait aux deux sénateurs qui ne sont pas présents aujourd'hui d'apporter leur contribution. Il y aurait quand même un débat assez intéressant et la solution pourrait être trouvée ce jour. C'est ma suggestion.

Le sénateur Gauthier: Est-ce que je peux ajouter une flèche? Il y a deux ans, on a eu un jugement de la cour fédérale, le jugement Blais sur les contraventions. La Cour fédérale a dit sur la question des contraventions: vous devez dire aux provinces qui administrent la loi qu'elles sont tenues à la Loi sur les langues officielles du gouvernement fédéral. Les aéroports, comme celui de Toronto, donnaient des contraventions en anglais. La commissaire aux langues officielles et les juristes d'expression française ont traîné le gouvernement fédéral devant les tribunaux. On a gagné! Je dis «on» parce que je faisais partie de ceux qui se battaient pour cette cause. Le gouvernement fédéral a demandé au juge de lui donner un délai. Il est allé devant le juge Blais qui a lui a donné une autre année, jusqu'au 23 mars 2003. Le 23 mars, c'est le mois prochain. Je n'ai pas encore eu de nouvelles. Je ne peux rien vous dire de plus sur la question. Je ne sais même pas où ils en sont avec l'entente sur les contraventions.

Justice Canada doit comparaître ici pour répondre à nos questions. Je pourrais vous en parler pendant des heures. Je ne veux pas vous déranger, mais on devrait faire quelque chose et ne pas remettre à demain. Je regrette que les absents ne soient pas ici, mais dans mon langage, les absents ont toujours tort. Il y a moyen de le faire par lettre.

Le sénateur Chaput: La question des deux langues officielles est fondamentale. Ce concept distingue le Canada de beaucoup d'autres pays. Nous devons étudier la question en profondeur et, pour ce faire, inviter les groupes à venir présenter leur point de vue dès la prochaine séance de comité, s'il n'est pas possible d'avoir une autre réunion, avant que ne se prenne une décision qui irait à l'encontre des intérêts de notre pays et des communautés minoritaires de langue officielle.

Le sénateur Beaudoin: Il y a moyen de bien s'accorder. Le 24 février n'est pas demain matin. Entre-temps, nous avons sûrement le temps de faire venir quelqu'un du ministère de la Justice afin qu'il nous dise pourquoi il prend une telle position. Ce sera ma première question. Suite à leur exposé, nous réfléchirons puis nous verrons. Il y a deux points de vue: le premier veut que les Territoires peuvent avec l'évolution se comporter un peu comme des quasi-provinces. Le deuxième dit qu'une province est une province et qu'un territoire est un territoire.

Je suis d'accord avec la deuxième thèse. Les Territoires ont des pouvoirs délégués alors que la province tire ses pouvoirs de la Constitution. Ils sont donc différents. Cependant, comme nous devons le faire pour tout problème juridique et constitutionnel, nous devons écouter les deux parties. Chacun a le droit de défendre sa position. J'ai passé ma vie à respecter ce principe. Il y a toujours deux points de vue dans la plupart des problèmes difficiles. C'est la base d'une démocratie. Nous avons un bon système juridique.

Le 24 février n'est pas si loin. Comme le problème est difficile, nous avons le temps de faire venir les représentants de Justice Canada et d'autres témoins.

Le sénateur Lapointe: Le 24 février n'est pas loin, mais le mois de mars arrive trop vite.

Le sénateur Gauthier: Nous devons donner les instructions appropriées au greffier si nous voulons entendre des témoins. J'aimerais que nous donnions avis à Justice Canada de venir témoigner à notre comité le 24 février. Nous voulons connaître la position de ses représentants sur les Territoires du Nord-Ouest, savoir pourquoi, par exemple, les contraventions n'ont pas été corrigées.

Si vous voulez faire cela, je vais abandonner l'idée de faire venir les représentants des Territoires du Nord-Ouest. J'aurais voulu que nous invitions des membres de la législature, le président ou un autre, à nous faire part de leur point de vue. J'aurais également aimé entendre le point de vue des Franco-Ténois. Mais si vous ne voulez pas, nous pourrons commencer par nous informer auprès de Justice Canada.

Le sénateur Beaudoin: Je suis prêt à entendre les deux parties, Justice Canada et les Franco-Ténois.

[Traduction]

Le vice-président: Honorables sénateurs, nous sommes saisis de deux questions. Tout d'abord, désirons-nous changer le programme de la réunion du 24 février, parce qu'un ordre du jour avait déjà été prévu pour cette réunion? Appuyez-vous tous la modification de l'ordre du jour, annulant ainsi ce qui avait été proposé, et consacrant une réunion spéciale à ce dossier?

Sénateur Léger, approuvez-vous également cette proposition?

[Français]

Le sénateur Léger: Oui, j'essayais de voir ce qu'on avait décidé pour le 24 février.

[Traduction]

Qu'avait-on prévu pour la réunion du 24 février?

Le vice-président: Nous avions l'intention d'entendre les derniers témoins sur les services de santé en français pour qu'on commence la rédaction d'un rapport qui devrait être prêt d'ici la fin de l'année. Nous avions prévu accueillir M. Savoie de l'Hôpital Montfort, M. Schofield du Centre de formation en langue française et M. McMurtry de la Commission Romanow.

Le sénateur Gauthier: Je pense qu'il est fort possible de changer l'ordre du jour. En fait, j'ai reçu une confirmation.

[Français]

J'ai une convocation du comité, en date du 20 janvier, qui citait comme témoins le sénateur Morin, puis M. McMurtry, de la Commission Romanow, le 24 février, avec George Arès, de la Fédération des communautés francophones et acadienne, Gérald Savoie, de l'Hôpital Montfort et M. Scofield. Je reçois une copie aujourd'hui qui change l'ordre du jour. Le sénateur Morin est placé à la fin de l'ordre du jour alors que M. Hubert Gauthier est passé le premier sur la liste alors qu'il était le dernier. Il n'est pas agréable de préparer des questions pour des témoins puis de se faire tirer le tapis sous le pied à la dernière minute.

Cela dit, il est fort possible de rejoindre les témoins de Justice Canada afin qu'ils nous expliquent la position du gouvernement sur la question. Il faut rejoindre des représentants de la minorité franco-ténoise afin qu'ils mandatent quelqu'un capable de venir expliquer leur position.

Je préférerais que la législature des Territoires du Nord-Ouest soit invitée à envoyer un délégué qui pourrait comparaître devant nous pour répondre à nos questions.

[Traduction]

Le vice-président: J'ai une réponse claire à la première question. Nous voulons annuler l'ordre du jour prévu pour la réunion du 24 février, préparer un nouvel ordre du jour et demander à un représentant du ministère de la Justice de comparaître devant le comité.

Le sénateur Lapointe: Je ne pense pas qu'il faudra trois heures.

[Français]

Le sénateur Lapointe: Avons-nous la possibilité de garder une partie de l'ordre du jour du 24 février tout en incorporant les demandes du sénateur Gauthier? Tout le monde appuie cette position aussi?

Le sénateur Gauthier: J'étais habitué à deux réunions hebdomadaires de ce comité. Maintenant, nous avons deux réunions mensuelles de trois heures. Sommes-nous obligés de nous en tenir à cela? Peut-on changer l'ordre des choses pour avoir un peu plus de latitude afin d'étudier des questions qui arrivent à brûle-pourpoint et qui parfois nous déconcertent? Il est essentiel que ce comité se renseigne comme il faut sur la question des Territoires du Nord-Ouest et des contraventions, et que Justice Canada vienne ici pour nous l'expliquer.

Le sénateur Beaudoin: Je serais de cette opinion. Il y a eu un débat à la Chambre du Sénat sur les deux points de vue. Faire venir Justice Canada et quelqu'un qui représente les demandeurs en cour, c'est probablement ce que nous avons de plus pressé à faire.

Le 24 février, ce n'est pas trop loin, mais il faudra que Justice Canada ainsi que les Franco-Ténois comparaissent. Après cela, nous verrons. La santé, c'est très important, mais c'est un débat qui, de par sa nature, sera long. Celui-ci est déjà devant les tribunaux. Nous voulons connaître le meilleur des deux points de vue qui sont exposés. Alors pourquoi ne pas changer?

Le sénateur Lapointe: Cela permettrait également aux deux sénateurs qui ont demandé de retarder les choses de se joindre à nous. Même si le sénateur Gauthier a dit que les absents ont toujours tort, lorsqu'on se fracture une hanche, on n'a pas tort d'être absent.

Le sénateur Beaudoin: Étant donné que ces deux parties sont déjà devant les tribunaux, il semble tout de même y avoir une certaine urgence.

Le sénateur Gauthier: Je suis d'accord.

Le sénateur Beaudoin: Alors procédons.

[Traduction]

Le vice-président: Je crois que ce que les honorables sénateurs proposent est simplement d'annuler l'ordre du jour prévu pour la réunion du 24 février.

Sénateur Lapointe, je ne pense pas qu'il sera possible d'entendre tous ces témoins en une seule réunion comme l'a signalé le sénateur Gauthier. Nous annulerions l'ordre du jour prévu et nous inviterions des témoins de la cour et des territoires à comparaître.

Sénateur Beaudoin, j'aimerais que vous m'en disiez plus long sur la position en droit du comité dans ce dossier. On m'a demandé de parler de la question avec les membres du comité aujourd'hui. Les tribunaux ont été saisis de la question et je me demande si le comité peut en fait en discuter?

Le sénateur Beaudoin: C'est une bonne question. Comme le sénateur Carstairs l'a signalé, il existe au Sénat la théorie du sub judice. Je viens d'apprendre que les Territoires du Nord-Ouest jugent qu'ils représentent une quasi-province. Demain, je recevrai la liste des causes qui appuient cette thèse. Il y a une autre théorie.

[Français]

C'est pourquoi il faut, à mon avis, consacrer le 24 février à ce problème qui présente plusieurs difficultés. Il y a une certaine urgence. La présidente sera présente à la prochaine rencontre. Son hypothèse était qu'on doive attendre que les tribunaux se prononcent. S'agit-il de la Cour suprême, de la Cour d'appel ou de la Cour supérieure? La Cour suprême prendra au moins deux ou trois ans.

Nous devrions procéder tout de suite et de bonne foi. Nous ferons rapport au Sénat et celui-ci décidera.

Le sénateur Lapointe: Est-ce légal de procéder ainsi?

Le sénateur Beaudoin: Oui. On est maître de notre procédure. Je n'ai pas de problème sur ce point. Nous nous connaissons bien autour de cette table. Nous serons peut-être tous d'accord ou les opinions seront partagées. Nous verrons. La vie est ainsi faite.

[Traduction]

Le sénateur Gauthier: Quant à la notion de sub judice, ce qui veut dire que la question est actuellement à l'étude par un tribunal, s'il s'agissait d'une affaire au criminel, je reconnaîtrais que nous ne devrions pas en discuter. Cependant, il ne s'agit pas ici d'une affaire au criminel, mais plutôt d'une affaire civile et constitutionnelle.

Je n'ai pas demandé qu'on invite les témoins des deux parties à comparaître. Je demande simplement que le ministère de la Justice explique pourquoi il a pris cette position et qu'il ne respecte pas les dispositions de la loi. Nous pourrions peut-être inviter les parties intéressées. Il se peut que ces intervenants ne veuillent pas comparaître devant le comité, mais il faut absolument, et c'est le moins qu'on puisse faire, qu'on se penche sur la question.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Aux fins du dossier, je suis d'accord sur ce point. S'il s'agissait d'un procès criminel, tel que soulevé par le sénateur Gauthier, nous attendrions que la cour rende sa décision. Mais il s'agit d'une matière constitutionnelle. Je ne peux voir comment le Parlement du Canada puisse s'abstenir de discuter d'une question aussi fondamentale que la Loi des langues officielles et la Charte des droits et libertés.

On peut en tout temps, en tant que pouvoir législatif, discuter de cette question, même si le pouvoir judiciaire existe.

On critique souvent les tribunaux en disant que nous sommes à leur merci. C'est peut-être qu'on ne fait pas notre travail. Nous devons, au Parlement, dans nos comités et au Sénat, faire notre travail. Les tribunaux ont leur rôle et nous les verrons à l'oeuvre. Il revient à chacun de faire son travail.

[Traduction]

Le vice-président: Honorables sénateurs, si le juriste dit que nous ne pouvons pas nous pencher sur cette question — et il faut lui demander de trancher — que voudriez-vous que nous fassions?

Le sénateur Beaudoin: J'ai parlé à M. Audcent, le juriste, de la notion de sub judice et de la distinction à faire puisqu'il ne s'agissait pas ici d'une affaire au criminel. M. Audcent semble être d'accord avec moi, mais vous voudrez peut-être lui demander son opinion à titre de conseiller parlementaire.

Le vice-président: Nous lui demanderons son opinion. Nous allons cependant supposer qu'il sera d'accord. Nous irons de l'avant.

Le sénateur Beaudoin: Il s'agit d'une question fort controversée.

[Français]

Le sénateur Lapointe: J'aimerais que vous vous en assuriez. Si toutefois on n'a pas le droit, nous procéderons alors avec l'agenda original du 24 février.

[Traduction]

Le vice-président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Cela me semble raisonnable. Nous devons maintenant décider qui nous inviterons à témoigner devant le comité. Nous aurons l'opinion du juriste sur la question. Il faudra agir rapidement pour dresser une liste de témoins. Honorables sénateurs, voulez-vous proposer des noms?

Le sénateur Gauthier: Lorsque je me plains de la nourriture servie dans un restaurant, je communique avec les propriétaires. Je propose donc d'inviter le ministre de la Justice, ou son représentant, à comparaître comme premier témoin pour nous expliquer la position du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux Territoires du Nord-Ouest et à la Loi sur les langues officielles.

Puis, j'inviterais l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest à envoyer un représentant, quelqu'un qui connaît bien le dossier et ses responsabilités.

Enfin, j'inviterais l'association francophone des Territoires du Nord-Ouest à venir nous expliquer sa position et nous dire pourquoi elle s'oppose à la façon dont on applique la loi dans les Territoires du Nord-Ouest. Il importe que nous sachions vraiment ce qui se passe.

Le sénateur Beaudoin: J'hésite à inviter des témoins de l'assemblée législative. Je ne pense pas qu'ils viendraient. J'inviterais certainement un représentant du ministère de la Justice et un représentant de ceux qui demandent que l'on modifie la loi. Je doute fort que l'on entende des représentants de l'assemblée législative parce que je crois fermement dans une répartition claire des compétences, entre l'organe législatif, l'organe exécutif et la magistrature. Il ne nous faut pas intervenir dans ce procès. Nous ne devrions pas nous en mêler. Nous avons certainement le droit d'entendre l'opinion du demandeur, puis présenter notre rapport, mais nous ne devons pas aller plus loin.

Il se peut qu'on ne puisse pas vraiment trancher. D'aucuns diront: «Confiez toute la question aux tribunaux», mais je ne peux pas accepter cette proposition. Nous devons faire notre travail, mais nous devons respecter la théorie de sub judice. Comme je l'ai dit, si c'était une affaire au criminel, je n'interviendrais pas du tout, mais il s'agit ici d'une affaire purement civile et constitutionnelle, et nous ne cessons pas de discuter de constitution simplement parce qu'une affaire est devant les tribunaux. Nous parlons de droit constitutionnel tous les jours. Nous devons être prudents et faire preuve de modération.

Le vice-président: Nous avons deux séries de témoins, un groupe du ministère de la Justice et un groupe de la communauté francophone, n'est-ce pas?

Le sénateur Beaudoin: Je crois que cela suffira peut-être.

Le sénateur Lapointe: Peut-être la troisième partie sera-t-elle frustré de ne pas avoir été invité.

Le sénateur Beaudoin: Quelle troisième partie?

Le vice-président: L'assemblée législative?

[Français]

Le sénateur Lapointe: Vous avez plus d'expérience que moi.

[Traduction]

Le sénateur Beaudoin: Ma première réaction serait de dire qu'il ne faut pas inviter des représentants de l'assemblée législative, mais plutôt l'avocat représentant Justice Canada et l'avocat représentant la communauté francophone.

Le vice-président: Tout le monde est d'accord?

Sénateur Gauthier, êtes-vous d'accord?

Le sénateur Gauthier: J'accepte cette proposition.

Le vice-président: Je crois que cela met fin à nos travaux. Nous reporterons la comparution des témoins qui était prévue pour le 24 et nous adopterons ce nouvel ordre du jour.

Le sénateur Gauthier: Ainsi, monsieur le président, nous demanderons à M. Audcent, le juriste du Sénat...

[Français]

Le conseiller-légiste du Sénat de se prononcer sur la question, demain, pas dans deux semaines. On veut sa réponse. Je pense qu'elle sera affirmative et on invitera un représentant de Justice Canada, un ministre en tête, si possible, et un représentant de la communauté franco-ténoise. Ils choisiront qui ils voudront.

[Traduction]

Le vice-président: Pouvons-nous lever la séance?

Des voix: Oui.

La séance est levée.


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