Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 4 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 24 février 2003
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 h 04 pour étudier, afin d'en faire rapport, l'application de la loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi, ainsi que les rapports de la commissaire aux langues officielles, de la présidente du Conseil du Trésor et de la ministre du Patrimoine canadien.
Le sénateur Wilbert J. Keon (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président: Les sénateurs ont exprimé le souhait que les délibérations d'aujourd'hui soient enregistrées, peut- être même télédiffusées. Si je soulève la question maintenant, c'est que nous n'avons pas adopté de motion en ce sens lors de notre dernière réunion. Malheureusement, je pense qu'il est maintenant impossible que la première partie de la réunion puisse être enregistrée ou télédiffusée. Je voulais cependant savoir si les sénateurs voulaient toujours que nous essayons de faire en sorte que le reste de la réunion le soit.
Le sénateur Gauthier: Monsieur le président, le comité peut décider que ses délibérations seront télédiffusées. Et il peut aussi décider qu'elles soient traduites et que le service d'interprétation soit offert. J'ai essayé de vous joindre ainsi que le greffier ce matin, mais je n'y suis pas parvenu. Je comprends mal pourquoi le comité n'a pas pris pour principe de faire télédiffuser ses délibérations. Je comprends que cette salle ne possède pas l'équipement voulu, et j'ai demandé au comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration d'examiner la question.
À l'heure actuelle, nos délibérations ne sont pas télédiffusées à moins que nous n'en fassions la demande. Comme il est 16 heures, je sais que ce n'est sans doute pas le meilleur moment pour faire cette demande étant donné que les membres des médias sont tous partis, mais nos délibérations pourraient à tout le moins être enregistrées. Ceux qui veulent se renseigner sur les questions qu'examine le comité pourront s'y reporter plus tard au besoin. Je regrette beaucoup que les caméras de télévision ne soient pas présentes aujourd'hui. L'enregistrement se fait de toutes façons. Nous aurons accès à la transcription de nos délibérations demain.
Honorables sénateurs, je propose qu'à moins d'indication contraire, notre comité ait pour principe de faire télédiffuser toutes ses réunions.
[Français]
Ce n'est pas une heure de pointe, 16 heures. Les journalistes sont partis à cette heure. Si l'on ne veut pas que les gens sachent ce que nous faisons, alors nous tiendrons nos réunions l'après-midi.
J'aimerais que l'on étudie la possibilité de les tenir à une heure plus convenable, pas en fin de journée, mais au début de celle-ci.
[Traduction]
Le vice-président: Sénateur Gauthier, je regrette que tout ne se soit pas déroulé selon vos souhaits. À la fin de la réunion d'aujourd'hui, je demanderai que quelqu'un propose l'enregistrement de notre prochaine réunion. Les membres du comité pourront débattre la motion et j'espère qu'ils l'approuveront. Ce sera par la suite la pratique du comité.
Le sénateur Gauthier: Vous m'avez peut-être mal compris. Nos délibérations sont automatiquement enregistrées. Je réclame qu'elles soient télédiffusées. Si je ne m'abuse, le comité a adopté en décembre une motion en vue de permettre la télédiffusion de ses audiences.
[Français]
Cela se fait communément. C'est une bonne habitude. J'aimerais avoir un peu plus de visibilité.
[Traduction]
Le vice-président: Je faisais allusion à la télédiffusion de notre dernière réunion. Si vous le permettez, sénateur Gauthier, je soulèverai la question à la fin de la réunion.
[Français]
Le sénateur Lapointe: À la dernière réunion télévisée, vous avez dit que cela avait été refusé. Ai-je bien compris?
[Traduction]
Le vice-président: Le comité doit maintenant approuver à chaque fois la télédiffusion de ses délibérations. À la fin de la dernière réunion, nous n'avons pas donné notre approbation à la télédiffusion de cette réunion-ci, mais nous y reviendrons à la fin de la réunion d'aujourd'hui.
Le sénateur Lapointe: Vous a-t-on donné une raison?
Le sénateur Gauthier: Monsieur le président, je pense que le comité a adopté un ordre de renvoi autorisant la télédiffusion de ses réunions. Le greffier, avec l'approbation du président, doit simplement en faire la demande auprès des services voulus. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'approuver à chaque fois la télédiffusion de nos audiences.
Le vice-président: Sénateur Gauthier, c'est peut-être la décision que prendra le comité cet après-midi, mais nous n'avons pas pour l'instant l'autorisation voulue pour faire télédiffuser la séance.
Honorables sénateurs, la présidente du comité, le sénateur Losier-Cool, est toujours en convalescence et elle m'a demandé de la remplacer aujourd'hui.
[Français]
Le vice-président: Elle sera de retour le 24 mars, à la prochaine réunion.
[Traduction]
Notre réunion d'aujourd'hui sera plus courte que prévu. Lors de la réunion du 10 février, le comité a décidé d'inviter des représentants du ministère de la Justice et de la Fédération franco-ténoise. Les deux organismes ont accepté notre invitation et nous comptons aujourd'hui parmi nous deux hauts fonctionnaires du ministère de la Justice.
La fédération a cependant appelé la semaine dernière pour annuler sa comparution. Bien que la fédération ait au départ accepté notre invitation, aucun de ses membres n'a pu se libérer dans des délais si courts.
En outre, la fédération a dit qu'il ne lui semblait pas urgent de comparaître devant le comité étant donné que son action en justice est toujours en suspens devant la Cour suprême du territoire et étant donné que les modifications à la Loi sur les langues officielles du territoire ne seront pas déposées avant le 3 mars. La fédération s'excuse donc auprès du comité et a offert de comparaître devant lui à une date ultérieure.
Nous avons essayé de remplacer la fédération par un autre témoin mais nous ne sommes pas parvenus à le faire.
Nous n'entendrons donc aujourd'hui que les représentants du ministère de la Justice. Nous accueillons aujourd'hui M. Marc Tremblay, avocat général et directeur, Groupe du droit des langues officielles. Il est accompagné de M. Warren Newman, avocat général, Section du droit administratif et constitutionnel. Je crois que ni l'un ni l'autre d'entre vous ne souhaitez faire une déclaration préliminaire.
Le sénateur Beaudoin: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Nous entendrons le point de vue d'une partie seulement aujourd'hui. Nous devons entendre l'autre point de vue. Je ne veux pas que la réunion d'aujourd'hui commence sans d'abord savoir si nous entendrons le point de vue de la partie adverse. Il existe deux points de vue. J'aimerais savoir si nous allons inviter l'autre partie à comparaître devant nous à une date ultérieure.
Le vice-président: Sénateur Beaudoin, nous le ferons certainement. La partie adverse a malheureusement décidé de ne pas comparaître devant nous aujourd'hui. Si j'ai bien compris, elle a pensé qu'il valait mieux ne pas le faire, compte tenu du fait que l'affaire est toujours devant les tribunaux. La fédération est tout à fait prête à comparaître devant nous plus tard.
Le sénateur Beaudoin: Nous avons été très prudents de ne pas compromettre une affaire en cours. Nous avons demandé l'avis du bureau de M. Audcent à ce sujet. Il est clair que le Parlement du Canada, le Sénat et la Chambre des communes peuvent se pencher sur un principe de droit lorsqu'il ne s'agit pas d'une affaire pénale. J'ai devant moi cet avis et je m'y reporterai au besoin.
Étant donné que nous entendrons les représentants du ministère de la Justice, nous devons aussi entendre les représentants de la Fédération franco-ténoise. Nous le ferons cependant plus tard pour ne pas compromettre une affaire en cours. En tant que l'une des trois branches de notre gouvernement, nous avons certainement le droit comme comité de nous acquitter de notre rôle.
Le vice-président: Je suis d'accord avec vous, sénateur Beaudoin. Le comité a bien invité la fédération à comparaître. La Fédération franco-ténoise n'a pas pu comparaître aujourd'hui, mais elle a accepté de le faire plus tard.
Le sénateur Gauthier: Avez-vous parlé aux représentants de la fédération?
Le vice-président: Non.
Le sénateur Gauthier: Vous avez dit que l'affaire étant devant les tribunaux c'est la raison pour laquelle la fédération n'a pas voulu comparaître. Je ne comprends pas. Ce n'est pas ce que ses représentants m'ont dit.
Le vice-président: Comme je ne leur ai pas parlé, sénateur Gauthier, je m'en remets à vous. Les représentants de la fédération ont cependant refusé de comparaître devant le comité.
Le sénateur Gauthier: Qui leur a parlé?
Le vice-président: Le greffier.
Le sénateur Gauthier: Quelles instructions a-t-on donné au greffier? Si je ne me trompe, on lui a dit de les inviter?
Le vice-président: Oui.
Le sénateur Gauthier: Quand ils sont invités, en général les gens viennent. Je sais très bien que les frais auraient été considérables puisqu'ils sont dans les Territoires du Nord-Ouest. Cette organisation n'a pas beaucoup d'argent. Toutefois, je leur ai dit que nous paierions leurs frais de déplacement à Ottawa s'ils acceptaient de venir.
[Français]
La Fédération des francophones hors Québec ou la Fédération des communautés francophones et acadienne est à Ottawa. Elle aurait pu venir si elle avait été invitée. Je n'ai pas été consulté et je suis membre du comité. Cela aurait été gentil, si les Franco-Ténois ne se sentaient pas capables de venir, que le greffier m'appelle ou appelle un autre membre pour nous demander si nous avions d'autres suggestions de témoins. Comme le sénateur Beaudoin le dit, on va entendre un côté de la médaille. Je veux entendre l'autre côté, ceux qui vivent dans le bain et ceux qui ont des problèmes avec les langues officielles. Cela me donne l'impression que nous n'aurons pas le choix. Vous dites qu'ils seront peut-être intéressés. Je crois que le comité est intéressé. Si nous ne le sommes pas, c'est triste.
[Traduction]
C'est regrettable si nous devons dire que ce n'est pas correct parce que l'affaire est devant les tribunaux. Ce n'est pas un argument valable parce que l'affaire n'est pas devant les tribunaux. Autant que je sache, je m'adresse ici à des parlementaires et je veux savoir ce qui se passe comme j'aimerais savoir ce qui se passe ailleurs dans le pays. Je pense que le greffier devrait répondre plus fidèlement aux attentes de notre comité.
Le vice-président: Peut-être aurais-je dû moi aussi y répondre plus fidèlement. Je pensais qu'ils agissaient de façon raisonnable. Ils ont dit qu'ils ne voulaient pas venir aujourd'hui mais qu'ils étaient prêts à venir à une autre date. J'ai pensé que ce serait suffisant.
Le sénateur Maheu: Monsieur le président, la Fédération franco-ténoise savait-elle que nous couvririons ses frais de voyage? Le greffier nous dit qu'elle le savait. Merci.
[Français]
Le sénateur Comeau: Je ne veux pas retarder cette discussion plus longtemps parce que nous avons des témoins. Nous ne devons pas demeurer sur ce sujet trop longtemps. On ne devrait pas blâmer le greffier qui a fait son travail au nom du président. Il a appelé des témoins pour leur demander s'ils voulaient comparaître devant nous. S'ils ont refusé, ils ont refusé. Si nous ne sommes pas satisfaits de la réponse, il appartient aux sénateurs et non pas au greffier à inciter les témoins à témoigner devant nous.
Le sénateur Gauthier: Je dis que dans ce cas, le greffier aurait dû poursuivre pour inviter d'autres personnes.
Le sénateur Comeau: Bien, avec le président, s'il n'est pas satisfait, on poursuit après.
Le sénateur Lapointe: Nous avons des témoins du ministère qui attendent. La discussion qui concerne le travail du comité devrait venir après la comparution de ces messieurs.
[Traduction]
Le vice-président: Sénateur Gauthier, vous voulez poser une question au témoin?
Le sénateur Beaudoin: Ils n'ont pas d'exposé?
Le vice-président: Non.
M. Warren J. Newman, avocat général, Section du droit administratif et constitutionnel, ministère de la Justice: Honorables sénateurs, après avoir écouté cette discussion avec intérêt, je me dois de replacer mes remarques dans leur contexte.
[Français]
Nous étions invités à comparaître au comité. Nous ne nous sommes pas présentés avec l'avocat du dossier, précisément parce que nous ne sommes pas habilités à discuter d'un litige en cours devant les tribunaux. Nous sommes témoins à ce comité parce que nous sommes quand même fonctionnaires au ministère de la Justice. Nous détenons certaines connaissances des faits entourant la situation des Territoires du Nord-Ouest et les langues officielles. Nous n'avons pas l'intention non plus de débattre de quoi que ce soit en présence des autres avocats, des Franco-Ténois ou d'autres parties en cause. Selon notre compréhension des choses, ce serait, sinon commettre un outrage au tribunal, à tout le moins inopportun pour nous de plaider la cause avant qu'elle ne soit portée devant le tribunal.
[Traduction]
Le vice-président: Je croyais que vous ne souhaitiez pas faire de déclaration et simplement répondre aux questions.
M. Marc Tremblay, avocat général et directeur, Groupe du droit des langues officielles, ministère de la Justice: C'est exact, honorables sénateurs.
Le vice-président: Vous voulez commencer, sénateur Gauthier?
Le sénateur Gauthier: Merci, monsieur le président.
[Français]
Le sénateur Gauthier: C'est la situation des langues officielles dans les Territoires du Nord-Ouest qui m'intéresse. Ce n'est pas de savoir s'il y a des avocats ou s'il y a un recours en justice. Je veux savoir comment sont traités les gens qui vivent dans les territoires où, selon ce que j'en sais, une loi a été adoptée en 1984. Vous me le direz si je me trompe. Le gouvernement conservateur de M. Mulroney avait proposé la signature d'une entente avec les territoires concernant les langues officielles.
Est-ce exact ce que j'ai dit jusqu'à maintenant?
M. Newman: Oui.
Le sénateur Gauthier: J'étais là, mais je ne me souviens pas de tous les détails. J'étais le critique des langues officielles du Parti libéral à la Chambre des communes à cette époque.
Je me souviens très bien d'avoir posé des questions concernant l'entente avec les territoires. On m'avait dit de ne pas m'inquiéter parce qu'ils s'engageaient à adopter une loi sur les langues officielles dans les territoires qui serait comparable, semblable à celle du Parlement canadien, celle qui a été modifiée en 1988. M. Newman se souvient de cela.
En 1988, le Parlement a adopté la nouvelle Loi sur les langues officielles. Dans la Loi sur les langues officielles, à l'article 3 — je peux me tromper, j'y vais de mémoire — il est dit clairement que les Territoires du Nord-Ouest sont exclus de la Loi sur les langues officielles. Il serait bon que je lise le texte. Je cite l'article 3:
Ne sont pas visés les institutions du conseil ou de l'administration du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, celles de l'assemblée législative ou de l'administration du Nunavut, ni les organismes — bande indienne, conseil de bande ou autres — chargés de l'administration d'une bande indienne ou d'autres groupes de peuples autochtones.
J'avais posé la question à ce moment: est-ce qu'on a le droit de faire cela? Est-ce que nous — Parlement responsable qui a signé une entente avec un ou des territoires — avons le droit d'inclure dans une loi fédérale, une exclusion de la loi? On m'a dit de ne pas m'inquiéter.
En 1988, la loi a été modifiée. J'ai trouvé cela quelque peu difficile à accepter. Je vais vous dire pourquoi. Dans la Charte canadienne des droits et libertés, aux articles 30 et 32, il est clairement indiqué, et je cite:
30. Dans la présente charte, les dispositions qui visent les provinces, leur législature ou leur assemblée législative visent également le territoire du Yukon, les territoires du Nord-Ouest ou leurs autorités législatives compétentes.
32.(1) La présente charte s'applique:
a) au Parlement et au gouvernement du Canada, pour tous les domaines relevant du Parlement, y compris ceux qui concernent le territoire du Yukon et les territoires du Nord-Ouest;
b) à la législature et au gouvernement de chaque province, pour tous les domaines relevant de cette législature.
Qu'est-ce qui prime? La Loi sur les langues officielles ou la Charte? La Charte qui dit qu'ils sont liés à la Loi sur les langues officielles ou la Charte qui dit qu'ils sont exclus? Je vous soumets que c'est la Charte canadienne des droits et libertés qui prime et que cette loi est inconstitutionnelle au paragraphe 3.
Avez vous une réponse, M. Tremblay? Me suis-je trompé jusqu'à maintenant?
M. Tremblay: Je comprends le paysage historique que vous nous présentez. Quant à vos conclusions juridiques, je dirais que c'est en partie la question qui devra être débattue par la Cour suprême territoriale. Pour vous donner une réponse contextuelle plus approfondie, il faudrait s'étendre passablement plus longtemps. À titre de réponse brève, la Loi sur les langues officielles du Canada, comme toutes les lois, bénéficie de la présomption de validité constitutionnelle.
Concernant l'application de l'article 20 de la Charte, par voie de diverses mesures législatives, en supposant aux fins de l'argument que l'article 20 de la Charte s'applique aux Territoires du Nord-Ouest, les moyens qui seront pris par le ou les gouvernements pour la mettre en oeuvre pourront légitimement varier, pour donner une illustration à propos du fait que nous avons devant nous, mais qui est en parallèle assez direct.
De 1982 à 1988, avant l'adoption de la nouvelle Loi sur les langues officielles, on ne prétendra pas que le gouvernement fédéral violait la Charte. Pourtant, six ans se sont écoulés avant la mise à jour de l'instrument législatif. Différents moyens peuvent être pris pour ce faire. L'exemple en parallèle que je désirais proposer, c'est celui visé aux alinéas 1 et 2 de l'article 20 de la Charte. Un article s'applique au fédéral et l'autre s'applique au Nouveau-Brunswick. Chacun a pris des instruments législatifs différents. Ce n'est que longtemps après 1982 — en fait le Nouveau-Brunswick avait maintenu sa loi de 1969 jusqu'à l'an dernier — après l'adoption de la Charte que le Nouveau-Brunswick a décidé de prendre un moyen législatif. Cela ne peut pas équivaloir, dans nos esprits, à une conclusion selon laquelle l'on ne respectait pas la Charte.
À supposer que la Charte s'appliquait aux Territoires — cette question est devant la Cour suprême des Territoires — les moyens pris par le ou les gouvernements pour y donner effet pourront légitimement varier. Une Loi sur les langues officielles des Territoires va dans le sens des dispositions de la Constitution, à supposer qu'elle s'y applique.
Le sénateur Gauthier: L'article 20 passe avant les articles 30 et 32, si j'ai bien compris ce que vous avez dit?
M. Newman: Les articles 30 et 32 visent le champ d'application de la Charte. L'article 30 stipule que les dispositions qui visent les provinces visent également les Territoires. Par exemple, on ne peut prétendre que les garanties juridiques de la Charte ne s'appliquent pas aux Territoires de la même manière que ces garanties s'appliquent aux provinces. L'article 32 fait en sorte que les pouvoirs législatifs ou gouvernementaux, que ce soit au Parlement ou aux législatures provinciales, n'échappent pas à l'application de la Charte. Cela comprend aussi les Territoires. Il n'y a pas d'échappatoire. Je ne crois pas que les articles 30 et 32 règlent la question de l'application de l'article 16(1) de la Charte ou de l'article 20(1) de la Charte aux Territoires. C'est une autre question en soi, à savoir si les Territoires sont des institutions du Parlement et du gouvernement du Canada aux fins de l'application de ces paragraphes de la Charte. Cette question fait présentement l'objet d'un débat devant les tribunaux. Le but de l'article 3 de la Loi sur les langues officielles de 1988 était de préciser le champ d'application de cette loi fédérale en énonçant la plupart des institutions auxquelles la loi s'applique, dont les ministères, les sociétés d'État et les mandataires du gouvernement fédéral.
L'exception expresse des Territoires a, en contrepartie, les dispositions à la fin de la loi. À l'époque le projet de loi C- 60, la Loi sur les langues officielles de 1988, modifiait la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest pour enchâsser ou consacrer l'ordonnance sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest. Cette disposition ne peut pas être modifiée à la baisse ou être réduite sans l'approbation du Parlement. Il y a donc une protection assez étanche par rapport aux langues officielles dans les Territoires. Comme mon confrère l'a dit, si un jour les tribunaux décidaient que les garanties linguistiques de la Charte qui s'appliquent au fédéral s'appliquent également aux Territoires, différents moyens de mise en oeuvre des garanties de la Charte existent. L'un de ces moyens serait l'application de l'ordonnance des Territoires du Nord-Ouest, l'ordonnance sur les langues officielles, qu'ils intitulent leur Loi sur les langues officielles.
Le sénateur Gauthier: Vous avez soulevé la question de l'article 16.
M. Newman: Oui.
Le sénateur Gauthier: Nous sommes tous des législateurs ici. Nous n'avons aucune prétention juridique. Je veux comprendre comment l'application d'une loi, la Loi sur les langues officielles dans les Territoires a fait que l'on a des critiques en masse sur la façon dont la loi est appliquée. Je peux vous en lire des extraits, j'ai fait le tour du dossier assez souvent.
La Loi sur les langues officielles du Canada s'applique à tout le Canada ainsi que l'article 3, exception faite des Territoires. Les Territoires voudraient avoir une loi comparable et semblable, mais cette loi ne l'est pas. Vous le savez comme moi. Il n'y a pas de règlements. Une loi sans règlement n'est pas très forte. Il y a des directives. Je vais vous donner une définition d'une directive. Il y a une différence entre un règlement et une directive. Une loi sans règlement n'a pas de dent. Vous pouvez dire que l'article 41 de la Loi sur les langues officielles n'a pas de règlement, c'est vrai. Cela fait 15 ans que cette loi n'a pas de règlement, c'est aussi vrai. Je ne suis pas d'accord lorsque vous tentez de me faire croire qu'un Territoire a un statut particulier et qu'une province en a un autre. Je reconnais que les provinces ont des droits constitutionnels. Les Territoires, à ce que je sache, n'en ont pas. Ils existent en vertu d'une loi du Parlement du Canada. On peut abroger cette loi en tout temps.
Je me pose des questions sur la situation dans les Territoires actuellement: le fait de vivre en français devient presque impossible parce que le gouvernement n'offre pas de services dans les deux langues officielles. Le gouvernement ne suit pas de façon correcte la Loi sur les langues officielles. Leur loi n'est pas comparable à la nôtre. Je vous donne les faits tels que je les comprends. Vous pouvez me corriger si je me trompe. Je suis absolument incapable d'accepter ce que vous dites dans votre mémoire selon lequel les Territoires sont une quasi province, une province-enfant.
Les Territoires ne sont pas des provinces. M. Newman peut défendre son point de vue. La Charte des droits et libertés a été adoptée, j'ai voté contre. M. Newman le sait. Pourquoi l'ai-je fait? Parce que l'on quantifiait mes droits. Dans une région de la province où le nombre le justifierait, ils auraient des droits. Je me suis dit que ce n'était pas bon. Faut-il compter les aveugles et les sourds? Non, pas dans mon pays. Tous ont des droit égaux. L'article 16 spécifie que l'on a accès aux lois de façon équitable.
Des gens se plaignent dans les Territoires et ils ne sont pas ici. Je veux les aider. Le Parlement canadien a cette obligation — et le Sénat encore plus — parce que nous représentons les régions. Nous sommes la Chambre fédérative de ce Parlement. L'autre, c'est la Chambre élective. Nous ne sommes pas élus mais nous sommes ici pour représenter les régions et les minorités physiques ou autres. Je pense qu'il y a un problème sérieux, politique mais non légal. C'est pourquoi je voulais vous entendre aujourd'hui.
M. Newman: J'aimerais apporter une précision, je ne crois pas que nos avocats auraient plaidé que les Territoires du Nord-Ouest étaient une quasi province ou un enfant-province. Je crois qu'un des juges dans l'affaire Saint-Jean avait qualifié le statut des Territoires ainsi, mais encore, nous serions mal à l'aise de débattre du statut des Territoires. Une décision de la Cour d'appel fédérale rédigée par le juge Décary parle du statut des Territoires au point de vue constitutionnel, législatif et politique. Effectivement, la Cour fédérale d'appel prétend que les Territoires n'ont pas le même statut qu'une province. Par contre, sur le plan législatif, le gouvernement avait investi les Territoires avec les attributs d'un véritable gouvernement responsable et leur a confié la plénitude des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire que la Constitution permettait au Parlement de déléguer, par l'entremise de la Loi des Territoires du Nord- Ouest. Bien que le Parlement se soit réservé le contrôle ultime, on peut toujours modifier la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest. Il n'en reste pas moins que la Cour fédérale d'appel est certainement d'avis que les Territoires s'apparentent davantage aux provinces qu'aux municipalités quant à leur statut et ne sont pas uniquement des mandataires du gouvernement fédéral.
Il est vrai que les Territoires sont une créature du Parlement fédéral mais cela ne veut pas dire qu'ils sont des mandataires du gouvernement fédéral. Il y a une distinction entre le contrôle législatif qu'exerce le Parlement sur les Territoires et le contrôle gouvernemental du gouvernement fédéral sur les Territoires qui est beaucoup moins évident de nos jours parce qu'il y a une tendance pour respecter les principes du gouvernement responsable des Territoires, conformément à leur évolution politique.
C'est la précision que je voulais apporter à propos du statut des Territoires. La décision de la cour fédérale d'appel est disponible pour le grand public. Cela ne tranche pas le débat pour autant dans les Territoires sur la mise en oeuvre de la Loi sur les territoires et la Loi sur les langues officielles des Territoires. Quant à l'efficacité de cette loi, la loi prévoit quand même un mandat pour un commissaire aux langues ainsi qu'un recours judiciaire devant la cour supérieure des Territoires du Nord-Ouest. Dans ses modalités d'application, s'il faut un règlement, je crois que M. Tremblay serait davantage en mesure de vous parler des développements des modifications éventuelles de la loi. Il y a un comité des Territoires qui se penche actuellement sur la question des améliorations de la loi et de sa mise en oeuvre. Je pense que toutes nos actions jusqu'à maintenant étaient de s'assurer qu'il y ait imputabilité des Territoires face à leur propre Loi sur les langues officielles et à sa mise en oeuvre par des mécanismes efficaces de redressement.
Le sénateur Gauthier: Puisque vous avez soulevé la question, le juge Décary a parlé au nom de la majorité de la Cour fédérale. La raison qu'il a invoquée pour débouter la cause à la cour fédérale était que cela n'était pas une institution fédérale des Territoires. C'est ce qu'il a dit.
M. Newman: Disons que ce n'est pas un mandataire de la Couronne fédérale en soi.
Le sénateur Gauthier: Je parle d'institution. L'article 3 traite et définit les institutions fédérales. M. Newman, vous le savez aussi bien que n'importe qui, c'est nous qui avons insisté pour que le Parlement, la Chambre des Communes, le Sénat et la Bibliothèque du Parlement soient inclus comme institutions fédérales dans la définition de l'article 3.
M. Newman: Oui.
Le sénateur Gauthier: Comment une institution fédérale peut-elle créer quelque chose qui n'est pas le résultat de cette institution? Je ne comprends plus! Je n'ai aucune prétention juridique, pas plus que le sénateur Lapointe, mais j'aimerais comprendre comment vous pouvez contourner la définition d'une institution.
M. Newman: Le Parlement peut légiférer pour créer des sociétés commerciales canadiennes, par exemple, qui ne sont pas nécessairement des instruments du gouvernement fédéral. On peut légiférer pour créer des entités qui ne relèvent pas nécessairement des ministères. Le Parlement peut assujettir ces entités à la Loi sur les langues officielles dans la mesure où elles sont dans les champs de compétences du Parlement. Le Parlement aurait pu faire appliquer soit la Loi sur les langues officielles directement ou d'autres mesures, mais le Parlement avait choisi de bonifier l'entente et la loi territoriale des langues officielles, en l'enchâssant, de manière à ce qu'on ne puisse reculer sans l'approbation du Parlement. En 1988, c'est de cette façon que le Parlement avait choisi de traiter cette question.
Le sénateur Gauthier: L'entente avec les Territoires a été conclue entre le fédéral et les Territoires sur la base de la bonne foi. Ils devaient adopter une Loi sur les langues officielles comparable à celle du gouvernement fédéral, avec des règlements. Ils n'en ont pas, ils ont des directives. C'est administratif et non exécutoire. Monsieur Tremblay, vous pourriez peut-être me donner une définition d'un règlement et d'une directive. Ma définition diffère de la vôtre.
M. Tremblay: Je vais me fier à la vôtre. Je peux confirmer qu'entre le texte législatif, le règlement, la directive, la politique administrative, on passe à un ordre plus contraignant qui peut donner lieu à des jugements des tribunaux qui peuvent intervenir dans le cadre d'une loi et moins directement dans le cas d'une politique administrative. C'est la gamme des instruments dont un gouvernement peut se doter pour diriger de façon efficace.
De là à conclure que, parce que dans un contexte ou une loi quelconque, on donne un pouvoir d'adopter un règlement, mais qu'il n'y a pas eu de règlements adoptés, que l'on doive nécessairement conclure à la violation de la loi, il y a une marge.
Je vous dirais, par exemple — je ne veux pas exposer mon client, le gouvernement du Canada à des risques — mais dans la Loi sur les langues officielles du Canada, il y a une douzaine de pouvoirs réglementaires prévus. Je pourrais vous en donner plusieurs exemples. Le premier qui me vient en tête est celui du paragraphe 11.3 de la loi.
Le gouverneur en conseil peut — c'est peut-être parce que c'est le premier pouvoir réglementaire dans la loi — par règlement fixer des circonstances dans lesquelles les catégories d'accords mentionnées devront être bilingues.
Il n'y a pas de tels règlements. Il existe une douzaine de pouvoirs réglementaires, mais seulement un a été exercé. Cela ne veut pas dire que les dispositions législatives ne sont pas respectées. Si elles ne sont pas respectées, ces dispositions législatives créent les droits et non les dispositions réglementaires.
Je crois comprendre par vos commentaires que ce qui vous préoccupe dans les Territoires, c'est qu'ils n'ont pas précisé dans un règlement les conditions d'application de son obligation de servir le public dans les deux langues officielles. Il n'a pas défini par règlement ce que signifiait la demande importante. Nous l'avons fait au gouvernement fédéral. Cela est clair et précis. On peut consulter une liste d'institutions sur les différents sites web, qui nomment les bureaux spécifiques d'une institution fédérale qui, en vertu de ce règlement, sont tenus d'offrir des services dans les deux langues officielles.
On n'a pas cette clarté réglementaire du fait qu'aucun règlement n'a été adopté dans les Territoires. Par contre, un tribunal — dans ce cas, la Cour suprême des Territoires à qui on poserait la question et la question leur est présentement posée — serait susceptible d'examiner les dispositions de la Loi sur les langues officielles des Territoires, telle qu'elle est maintenant connue, pour voir si le droit de chacun d'utiliser la langue de son choix dans les débats, si le droit de chacun à des services en français et en anglais dans des bureaux de l'administration centrale et des bureaux qui seraient désignés là où il y a une demande importante est respecté dans les faits, si le droit de chacun d'utiliser le français ou l'anglais devant les tribunaux des Territoires, est respecté dans les faits.
Si on reprend les dispositions 8, 9, 10, 11, 12, 13 et suivantes de la Loi sur les langues officielles des Territoires, on constate qu'il y a un parallèle entre les dispositions de la Charte, ce qui ne suppose pas qu'elles s'appliquent. Le législateur territorial a prévu des droits semblables à ceux qui sont prévus par les articles 16 à 20 de la Charte et les a incorporés dans une loi qui donne ouverture à un recours devant les tribunaux et qui a, du point de vue du Parlement du Canada, un statut privilégié. Nous l'avons enchâssé, pour employer ce vocabulaire qui ne plaît pas à tous les juristes. Cela veut dire que la modification vers la baisse de ces dispositions sera assujettie à une espèce de droit de regard du Parlement fédéral.
Aux yeux d'un juriste, il y a une loi qui comporte des droits, qui peut être interprétée par un tribunal et qui pourra statuer sur le respect ou non respect. Est-ce que la loi est inférieure à un règlement? On s'entend généralement pour dire que non. La loi est plus puissante, deuxième dans l'ordre constitutionnel après le texte constitutionnel.
Le sénateur Gauthier: Monsieur Tremblay, je sais tout ce que vous venez de dire, mais vous n'avez pas répondu à ma question. Il n'y a pas de définition de bureau, ni de demande importante. Ce sont les mêmes débats que ceux que nous avons eus au Parlement lorsque le sénateur Murray était président du Comité des langues officielles. Le rapport numéro 5, c'était en 1976 et 1977. Ce n'est pas d'hier que j'en parle. Après 15 ans ou 19 ans, on n'a toujours pas de règlement qui détermine où sont les droits.
On nous répond sans problème: la demande est importante, mais nous décidons, par directive. Un instant! C'est pour cette raison que les francophones ont de la difficulté à se faire servir dans leur langue maternelle par leur gouvernement. On leur répond: «Sorry, we don't speak French here!» Cela n'est pas correct au Canada, dans mon pays. Nous avons une Loi sur les langues officielles et il faut qu'elle se tienne debout.
Le sénateur Beaudoin: Je voulais revenir au décor général. J'ai lu le jugement de la Cour d'appel. La Cour d'appel fédérale dit bien que vous vous êtes trompés de cour, qu'il faut aller devant la Cour des Territoires. J'ai tout lu ce que le juge Décary a dit. Je trouve cela très intéressant. Sur le plan juridique, rien ne m'a fait sursauter, mais le jugement est procédural. Ce n'est pas un jugement de fond.
Quand bien même on en discuterait pendant trois mois, ils ne se sont pas prononcés sur le fond du litige. Nous sommes tous d'accord. Aucun avocat ne sera en désaccord avec cela. Cela est très bien fait. Même lorsqu'il parle des Territoires, le juge dit que la cour n'est pas saisie du mérite de la demande des Franco-Ténois. La cour doit présumer, au stade des requêtes, que les loi fédérales et les ordonnances sont valides. Je suis d'accord avec cela, mais je m'interroge sur un seul point: est-ce que l'article 3 de la Loi sur les langues officielles donne effet et remplit les obligations de l'article 16 de la Charte?
La chose la plus importante, ce n'est pas la Loi sur les langues officielles, quoiqu'elle soit généralement très bien faite, c'est la Charte, parce que c'est la Constitution. L'article 16 dit que les deux langues sont officielles. Personne ne le conteste. L'article 16 dit que le français et l'anglais sont sur un pied d'égalité. Bravo! C'est merveilleux.
Lorsque vous avez conçu la Loi sur les langues officielles, vous êtes arrivés à l'article 3, qui détermine les définitions. Vous avez dit que les Territoires n'étaient pas des institutions fédérales. C'est la grande discussion. Cela est évident. Il ne sert à rien de tourner autour du pot, c'est là que se trouve la définition. Tous les juristes admettent que les provinces ont des pouvoirs qui viennent de la Constitution. Tous les juristes admettent que les Territoires ont des pouvoirs qui viennent du Parlement. Ne me parlez pas de quasi provinces ou d'autres choses. Des territoires sont des territoires et les provinces sont des provinces.
Est-ce qu'on avait le droit, dans cette Loi sur les langues officielles, de dire que les Territoires ne sont pas des institutions fédérales? Je sais bien qu'il y a un grand débat à ce sujet. On pourrait en parler pendant des heures. J'aimerais bien qu'on me dise: si ce ne sont pas des institutions fédérales, que sont-elles? Ce ne sont ni des municipalités ni des provinces. Le Petit Robert dit bien que le mot «institution» signifie «création». Au Sénat, on a travaillé sur cette définition. On me disait: monsieur Beaudoin, ce sont des créations fédérales, mais ce ne sont pas des institution fédérales.
Dites-moi ce que c'est alors! C'est sûr que ce n'est pas une province. C'est sûr que c'est plus qu'une municipalité. C'est sûr qu'ils ont beaucoup de pouvoirs, mais cela vient d'où? Cela vient du Parlement, pas de la Constitution. Je ne vous convaincrai pas, je le sais. Je ne veux pas de débat à ce sujet non plus, parce que cela ira devant le cour. Les avocats vont parler durant des heures jusqu'à ce que la Cour suprême rende son jugement final. Cela s'impose, parce qu'il est important de savoir ce que les trois territoires fédéraux sont. Nous avons 10 provinces qui ont le droit d'amender la Constitution avec le gouvernement fédéral. Les Territoires n'ont pas le pouvoir d'amender la Constitution avec le gouvernement fédéral. C'est donc différent.
C'est le débat final, je n'y touche même pas parce que je sais qu'il y a deux théories. Il y a la vôtre et celle des Franco- Ténois.
Le juge Décary fait très bien son travail, c'est merveilleux, c'est un petit roman. J'ai trouvé cela très beau. Il présume que l'article 3 est valide. Il a parfaitement raison. Toutes les lois sont présumées valides tant que la cour ne dit pas qu'elles sont illégales ou inconstitutionnelles. Je suis d'accord. L'article 3 est là. Je trouve que c'est surprenant, a priori, mais c'est là. Donc c'est légal. Il y a deux thèses.
Vous dites non seulement que c'est légal mais que c'est constitutionnel parce qu'on a suivi l'article 16. Mon problème est que je me dis: si ce ne sont pas des institutions fédérales, de quoi s'agit-il? Personne n'a répondu à cela. J'espère qu'un jour quelqu'un va y répondre.
Vous êtes rendu devant les cours de justice. Je ne veux pas intervenir là-dedans. Je suis juriste et je respecte les principes.
Le Parlement du Canada a le droit de parler de Constitution. Si on n'a pas le droit de parler de Constitution que fait-on ici? Nous avons une Charte canadienne des droits et libertés, nous avons un fédéralisme, nous respectons les pouvoirs des provinces, on passe notre temps à parler de cela.
Si c'était un procès criminel, je ne serais même pas ici. Je dirais que nous n'avons pas à nous mêler de cela. Seule la cour peut déclarer si un homme ou une femme est coupable au criminel.
Nous ne sommes pas en droit criminel mais bien en droit constitutionnel. Nous avons un rôle à jouer. On le joue avec une partie seulement. Je ne veux pas qu'on intervienne dans le débat. Je sais ce que vous allez plaider, je sais ce que les Franco-Ténois vont plaider.
À un moment donné, la question finale sera: a-t-on respecté l'article 16 de la Charte canadienne des droits et libertés? Est-ce que les deux langues sont égales sur le plan linguistique?
On a dit que ce n'était pas des institutions fédérales. On a instauré un système qui est là et qui est présumé valide.
Je me demande comment vous pouvez conclure qu'ils respectent, en tous points, l'article 16. Où est l'égalité pour les francophones dans les Territoires du Nord-Ouest? C'est ce qui me préoccupe.
Je sais que nous ne sommes pas nombreux. Ce n'est pas une question de nombre. Ce sont les langues qui sont égales. On a plaidé cela devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles et on le plaide encore. Je laisse le reste aux bons soins des tribunaux. On ne pourra pas m'accuser d'être intervenu dans le procès, je n'interviens pas.
D'autre part, je sais lire la Constitution et il semble que cet article 16 n'est pas tout à fait respecté dans la Loi sur les langues officielles à l'article 3. C'est ma thèse. Je vais perdre ou gagner. J'espère que comme dans l'affaire Forest, je vais perdre à une cour puis gagner à la Cour Suprême. Je ne le sais pas. C'est le dilemme. C'est une bonne chose qu'on en discute au Sénat. On ne pourra pas dire que les sénateurs n'ont pas fait leurs devoirs. On fait notre devoir. On s'intéresse aux questions constitutionnelles.
Le dernier mot, je le laisse à la Cour Suprême. Elle décidera si oui ou non nous nous sommes trompés ou si vous vous êtes trompés. Je n'ai pas autre chose à vous demander. En fait, je ne vous demande rien parce que connaissant votre situation, je ferais comme vous.
À un moment donné, il va falloir que la cour tranche. Cela ne peut être tranché que devant la cour. À moins qu'on vous convainque que vous vous êtes trompés. Ce débat va finir devant les cours de justice.
Nous, les législateurs, nous devons dire ce que nous pensons sur les grands principes. Est-ce que êtes d'accord? Vous allez me dire que non. Je pose la question quand même cette question.
M. Newman: À quelques reprises, vous avez demandé: si les Territoires ne sont pas des institutions fédérales, que sont-ils au juste?
Je ne vais pas répondre à la question de savoir si l'article 3 de la Loi sur les langues officielles respecte l'article 16 de la Charte canadienne des droits et libertés en tant que tel. Comme vous le dites, la cause est devant les tribunaux. Le statut des Territoires découle de la Constitution tout comme le statut des provinces provient du gouvernement fédéral. C'est l'article 4 de la Loi constitutionnelle de 1871 qui vise les Territoires. On prévoit que le Parlement du Canada pourra de temps à autre établir des dispositions concernant la paix, l'ordre et le bon gouvernement de tout territoire ne formant pas alors partie d'une province. C'est le statut d'un territoire. C'est un lieu géographique qui ne fait pas, à l'heure actuelle, partie d'une province.
La Constitution confère au Parlement du Canada le pouvoir de légiférer pour la gouvernance du territoire.
Est-ce que cela est très différent du fait que la Constitution confère au Parlement le pouvoir de légiférer pour l'île de Sable?
Cela ne transforme pas nécessairement l'exercice de ce pouvoir législatif, ni ne transforme nécessairement les entités gouvernementales en des ministères fédéraux pour autant. Cela pourrait, mais pas nécessairement à sa face même.
Le sénateur Beaudoin: Les provinces tirent leurs pouvoirs de la Constitution. Les provinces sont souveraines dans leur sphère législative. Comme le fédéral est souverain dans sa sphère.
Les Territoires ont des pouvoirs délégués qui ne sont pas souverains. C'est le mot que l'on oublie. Ils ne sont pas souverains. Ce n'est pas une couronne. Ce sont des pouvoirs délégués qui sont considérables. On a eu raison de faire des territoires. Je suis favorable au Yukon et au Nunavut. Ce ne sont pas des provinces. Les provinces sont souveraines dans leur sphère.
Qu'est-ce que c'est le fédéralisme? Le fédéral est souverain dans sa sphère et les provinces sont souveraines dans leur sphère. Les trois Territoires ne sont pas des provinces.
Ils ont des pouvoirs importants et intéressants. J'ai voté pour le Nunavut et je le ferais encore. Ce sont des pouvoirs délégués. C'est tellement vrai qu'on pourrait demain matin changer la Loi du Nunavut. Personne ne conteste cela.
Est-ce qu'on peut changer la Constitution du Québec? Essayez pour voir? Une province est souveraine dans sa sphère. Elle tire ses pouvoirs de la Constitution. Les Territoires ont de grands pouvoirs, ils sont très utiles, je les aime bien mais ils ne sont pas souverains. C'est le Parlement qui continue d'être souverain dans sa sphère.
Le Parlement peut créer des territoires. Il peut en créer dix autres s'il le veut, mais les Territoires n'ont pas le droit d'amender leur Constitution. Les provinces ont ce droit. Je pose la question. Si ce ne sont pas des institutions fédérales, que sont-ils? Ils ne sont pas provinciaux, ils ne sont pas municipaux, que sont-ils? Ils sont fédéraux. C'est tellement simple!
Ils sont fédéraux parce qu'ils ne sont pas souverains. Ils sont puissants. Je suis d'accord. J'ai félicité le gouvernement lorsqu'il a créé le Nunavut parce que cela nous aide à étendre notre empire jusqu'au pôle Nord et nous pouvons dire que ce sont des terres canadiennes. Bravo! Félicitations!
Je suis bien obligé de dire que je ne peux pas voir comment on peut dire que ce n'est pas fédéral. Si on peut changer la Loi sur le Nunavut, c'est parce qu'elle relève de notre Parlement fédéral.
Je suis d'accord avec vous et je ne dis pas que l'article 3 est invalide. Il est présumé valide. Mais d'après moi, on pourrait prouver — et je m'en remettrai à la décision de la cour — qu'il ne respecte pas l'article 16.
Pour moi, l'article 16, c'est bien plus important parce que c'est la Constitution. Il y a deux choses importantes. Les provinces doivent respecter la Constitution et le gouvernement fédéral aussi pour le partage des pouvoirs. Tous doivent respecter la Charte parce que c'est notre Constitution.
Lorsque vous créer une loi comme la Loi sur les langues officielles du Canada, vous êtes obligés de respecter l'article 16 et l'article 16 vise l'égalité des langues. Je sais que ce n'est pas facile et je sais aussi que l'histoire du Canada enseigne que cela prend du temps avant de convaincre tout le monde d'adopter le bilinguisme partout, mais notre devoir est de défendre cette Constitution.
M. Tremblay: Nos réponses antérieures vont aussi loin que ce qu'on est en mesure de vous présenter aujourd'hui. J'affirmerais comme vous que nous ne serons vraisemblablement pas en mesure de vous convaincre aujourd'hui de la validité de notre thèse.
Pour en venir à la fin du débat, c'est sûr qu'il y a un débat théorique très intéressant et qui intéresse les avocats en particulier. Si nous supposons que votre thèse soit vraie et qu'elle soit appuyée par les tribunaux et que nous concluons que l'article 16 s'applique, il restera à démontrer que l'ordonnance de la Loi sur les langues officielles territoriale ne rencontre pas ces mêmes exigences de l'article 16. Cette loi territoriale sur les langues officielles bénéficie aussi de la présomption de validité.
D'une part, si on fait le parallèle des dispositions de la Charte et de la loi territoriale et des dispositions de la Charte et de la loi de 1969 du Nouveau-Brunswick — elle n'avait pas de règlements et, à ma connaissance, elle n'a toujours pas de règlement d'application dans sa nouvelle version — et, d'autre part, si on compare la loi fédérale avec son champ d'application et ses applications pratiques par rapport aux articles 16 à 20 de la Charte, la loi du Nouveau-Brunswick par rapport aux articles 16 à 20 de la Charte, et la loi de l'ordonnance territoriale par rapport aux articles 16 à 20 de la Charte, on verrait qu'il y a beaucoup plus de similitudes que ce qu'on laisse entendre présentement.
L'article 16 de la Charte parle d'égalité de statut. L'article 8 de la Loi sur les langues officielles territoriale parle d'égalité de statut. Un statut, des droits et des privilèges égaux quant à leur usage dans une institution, l'assemblée législative du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. On parle de l'article 17: les débats parlementaires de la Charte, de l'article 9 où chacun a le droit d'employer l'une quelconque des langues officielles dans les débats parlementaires et travaux de l'assemblée législative et de l'article 18 qui parle des lois, des archives et des comptes rendus.
L'article 10 sur la loi territoriale mentionne que les lois promulguées par les législatures ainsi que les archives, compte rendus et procès-verbaux de l'assemblée législative sont imprimés et publiés en français et en anglais.
Si on fait ce parallèle, on constate — et c'est ce que je soumets à votre attention — que les dispositions de la Charte trouvent leur reflet dans les dispositions de la Loi sur les langues officielles territoriales.
Est-ce qu'elles sont aussi complètes qu'elles devraient l'être? Pourrait-on y ajouter quelque chose? Il y a beaucoup de questions qui se posent face à toute loi, face à l'ordre constitutionnel existant. Les tribunaux sont là pour jouer ce rôle devant des faits appropriés.
La question fondamentale qui se pose — et je comprends très bien la préoccupation de tous les sénateurs par rapport à cette question — est: dans les faits, est-ce que les Territoires du Nord-Ouest peuvent avoir accès à des services dans les deux langues officielles? C'est la question fondamentale.
Sinon, il y a des recours prévus pour y pallier. Cette démonstration pourra être faite devant le forum approprié à cette fin, mais on est encore loin de la seconde étape qui est de démontrer que la loi territoriale ne respecte pas la Charte. Ce n'est peut-être pas nécessaire d'y arriver pour que les Franco-Ténois arrivent à leurs fins.
Le sénateur Beaudoin: Je suis bon guerrier, je suis prêt à attendre. Je suis prêt à accepter la décision des cours de justice. Je veux seulement souligner qu'il y a deux points de vue. Il faut le dire. Si on se trompe, la cour nous amènera dans de bons chemins. Je crois au principe du droit. Je crois aux décisions en droit constitutionnel. Pour moi, c'est comme la Bible. Il me semble que c'est notre devoir de dire ce qu'on pense, sans enfreindre aucune loi ou aucun principe.
Le sénateur Chaput: J'aimerais souligner quelques points et les partager avec le groupe de travail et nos invités. Je suis d'accord lorsqu'on dit que le Parlement peut et doit parler de constitution. C'est notre pays et il est unique parce qu'il a deux langues officielles. C'est une des différences entre le Canada et d'autres pays.
On respecte les droits des provinces et en même temps le Sénat est le chien de garde des minorités. Je viens d'une minorité francophone de langue officielle de l'Ouest du Canada et on a toujours eu à se battre pour obtenir les services dans notre langue. Pourquoi faut-il toujours se battre?
Le Sénat doit continuer de suivre de près ce qui se passe. Le Sénat doit écouter et s'assurer qu'il connaît ce que les deux parties avancent. Voilà pourquoi il aurait été si important d'écouter les Franco-Ténois.
C'est la cour qui va trancher. Lorsqu'on est une minorité de langue officielle et qu'on est continuellement en cour pour trancher des questions de droit qui touchent nos provinces, cela prend beaucoup de temps et d'énergie. C'est la réalité.
J'ai un dernier commentaire. J'ai beaucoup de souvenirs de ce qui s'est passé au Manitoba français et dans l'ouest du Canada, et j'ai toujours l'impression qu'on s'accroche sur des définitions. On s'accroche sur des définitions et il faut aller en cour pour trancher la question. Dans ce cas-ci, il faut définir si on parle de territoire ou de province. Et pendant tout ce temps, cela retarde nos droits et cela contribue à l'assimilation.
Ceci me rappelle un temps, il y a quelques années, où on s'est attardé sur une définition à savoir si la femme était vraiment une personne. Lorsqu'on a défini que la femme était une personne, la femme a obtenu le droit de vote, mais on a perdu beaucoup de temps. Aujourd'hui, cela nous semble ridicule parce que cela n'a pas de sens.
Le Sénat a une responsabilité de chien de garde et doit continuer à le faire. Les Franco-Ténois ont le droit d'obtenir leurs droits et leurs services en français chez eux.
[Traduction]
Le vice-président: Merci, sénateur Chaput. Je vous assure que nous entendrons les francophones dès qu'ils seront disponibles pour comparaître devant notre comité.
[Français]
Le sénateur Comeau: Il existe des entités en voie de création par l'exécutif fédéral et par les parlementaires. Ce sont les fondations. Un groupe de fondations n'est pas assujetti à la Loi sur les langues officielles, par contre, un autre groupe l'est. Les fondations sont des créatures de parlementaires. Elles sont assujetties à la Loi sur les langues officielles alors que celles issues de l'exécutif ne le sont pas.
Pourrions-nous alors, en faisant ce parallèle, dire que les Territoires du Nord-Ouest sont des créations telles que les fondations et qu'ils n'ont pas besoin d'être assujettis à la Loi sur les langues officielles?
M. Newman: Sur la question des créations du Parlement, le sénateur Gauthier a aussi dit que l'article trois incluait la Bibliothèque du Parlement, le Sénat et la Chambre des communes. Il y a eu un débat au Sénat et parmi les conseillers juridiques du Sénat à l'époque, à savoir si les composants du Parlement étaient des institutions du Parlement ou si les institutions du Parlement n'étaient que créations des lois du Parlement plutôt que des composants à l'intérieur même du Parlement. On a tranché ce débat, aux fins de la Loi sur les langues officielles, en 1988, bien que sur le plan des principes constitutionnels, ce débat pourrait toujours avoir lieu.
Il faut garder à l'esprit que les Territoires sont en évolution à plusieurs égards, tout comme le reste du pays. On sait que les Territoires ne seront jamais des provinces sans une modification constitutionnelle. Mais cela n'a pas empêché le Parlement et le gouvernement fédéral d'octroyer plusieurs pouvoirs aux Territoires pour le bon fonctionnement en tant que gouvernement et de faire appliquer les principes et les conventions de gouvernement responsable aux Territoires pour que ceux-ci ne soient pas soumis à la tutelle des règles du gouvernement fédéral comme s'ils étaient des adolescents ou des enfants. Lorsqu'on tient compte de cela, quelle est la finalité de ce qu'on veut faire?
Il est vrai que les Territoires exercent des pouvoirs délégués. Il est vrai également que la jurisprudence, jusqu'à ce qu'un comité judiciaire du Conseil privé ait tranché la question, indiquait à plusieurs que les provinces exerçaient les pouvoirs délégués du Parlement du Royaume-Uni, tout comme le gouvernement fédéral. Ce ne fut que lorsque les tribunaux eussent dit non, même si le Parlement du Royaume-Uni aurait pu modifier nos lois contre notre gré, pas sur le plan des conventions mais sur le plan strictement légal, jusqu'en 1982, que les choses ont changé. Ils ne l'ont pas fait parce que l'on respectait des conventions de gouvernement responsable. Ils ont respecté la réalité voulant que les provinces soient souveraines dans leur champ de compétence et le gouvernement fédéral aussi. On avait le Statut de Westminster, et cetera, qui reconnaissait ces conventions stipulant qu'on n'allait pas modifier la Constitution du Canada sans le consentement des Canadiens.
Les Territoires exercent des pouvoirs délégués, mais est-ce que cela veut dire qu'ils ont le même statut que des ministères fédéraux ou le même statut que des sociétés d'États fédérales? C'est pour cela qu'on dit qu'il faut une certaine souplesse. Pour que le programme des langues officielles fonctionne correctement dans les Territoires, plusieurs diront qu'il ne faudrait pas qu'il soit dicté d'Ottawa, avec une loi fédérale adoptée à Ottawa, mais plutôt à partir de lois que les Territoires mettront en œuvre.
Des balises ont été établies par la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest pour qu'il n'y ait pas de dérapages. Cependant, à un moment donné, les Territoires devront assurer leur propre responsabilité à l'endroit des langues officielles. Ils l'ont fait en adoptant leurs propres lois sur les langues officielles, en ajoutant des modifications pour avoir un commissaire aux langues officielles et avoir recours aux tribunaux. Ceci n'existait pas auparavant. Ils n'ont pas demandé la permission à Ottawa pour ajouter ces dispositions.
Il faut regarder par les deux bouts de la lorgnette. C'est une chose pour nous de dire que nous sommes le Sénat — je suis un ardent défenseur du Sénat ainsi que des minorités — mais il y a le principe de subsidiarité. Les Territoires devraient être en mesure de savoir comment mettre en œuvre leurs programmes sur le terrain. Si cela ne fonctionne pas, il y a des recours.
Le sénateur Comeau: Personne ne suggère que les Territoires devraient recevoir des directives du gouvernement fédéral. Nous devons plutôt être absolument sûrs que l'article 16 de la Charte est appliqué par les Territoires.
Oui, il y a eu évolution, mais peu importe à quel point, il s'agit encore d'une création du gouvernement fédéral. Bien que le gouvernement fédéral leur ait délégué des pouvoirs, il ne peut pas déléguer des responsabilités constitutionnelles à une de ces créations.
Il y a la responsabilité de l'article 16. Le gouvernement fédéral n'a pas le droit de déléguer cet article, sauf si on fait un changement à la Constitution. Je ne suis pas juriste, mais j'essaie de comprendre la Constitution du mieux que je peux. Je suis d'accord avec vous quant à l'évolution. Les Territoires sont une création du gouvernement fédéral, qui ne veut pas non plus leur donner des directives, mais s'il y a une responsabilité constitutionnelle, nous ne pouvons pas la déléguer.
M. Newman: Nous ne savons pas au juste si la responsabilité constitutionnelle en vertu de l'article 16 s'applique aux Territoires tout d'abord. Si c'est le cas, si la délégation est efficace et fait en sorte que l'on ne peut pas reculer sur le plan juridique ou législatif, plusieurs arguments pourraient être apportés sur le plan de la mise en oeuvre de l'article 16 que l'on n'a jamais exploré cette idée à fond jusqu'à maintenant parce que ce n'était pas nécessaire. On espère que cela n'ira pas jusqu'à ce point. Dans votre esprit de non-juriste, vous avez bien imaginé les possibilités pour faire avancer les droits linguistiques pour les Territoires et nous convenons qu'il y a plusieurs façons de s'y prendre pour que cela avance.
Le sénateur Léger: Oui, j'ai toujours pensé que des lois venaient après une mentalité, pas avant. Je respecte les lois.
Je suis parlementaire, comme vous m'avez dit tantôt. On dirait que l'on veut établir aussi clairement que l'on peut des lois avant la mentalité. Comme si la loi forçait la mentalité. Est-ce ainsi? On veut parler les deux langues également au pays, j'en suis fière. Je crois qu'il faut faire notre travail. Il y a une place pour chaque affaire et chaque affaire a une place. Je le crois certainement.
Comme législateur, est-ce que nous au Sénat, au gouvernement — je sais que c'est comme si on est à bout de la mentalité qui ne veut pas entrer dans la tête des gens — on a recours à la loi qui va les forcer. C'est là où j'ai peur. C'était mon premier point.
Il y a la mentalité avant les lois et que l'on continue à pousser. Peut-être que les lois veulent nous aider, c'est la raison de tout ce travail juridique. Je pensais que cela venait après et la mentalité est très, très, très, épaisse.
Sénateur Beaudoin, j'ai appris quelque chose de vos paroles et le sénateur Comeau a pris une autre branche sur le même sujet. Institution égale création, ai-je compris cela?
Pour mes oreilles d'artiste, créer, création — mais pas créature, j'en parlerai après — est le contraire d'institution. Pour moi, institution veut dire loi. C'est fermé, on veut tout prouver. Création, ce n'est que l'ouverture éternelle. On crée. Créer, c'est toujours ouvert, c'est toujours en évolution, vous l'êtes aussi. Mais à mes oreilles, le mot «institution», il y a des règles, nous sommes une institution, le gouvernement est pesant, c'est lourd, le Sénat, les droits, les privilèges, j'entends cela à gauche, à droite et c'est très fatigant pour moi. Quant au mot «créature», la femme est une créature et donc une possession. Vous, vous n'avez jamais dit «créature», vous avez dit création. Ce n'est pas ce que vous avez dit, parce que créature suppose possession. Pourriez-vous m'éclairer sur ce que vous entendez par institution équivaut à création?
Le sénateur Beaudoin: Si on institue, du moins en droit, c'est comme si on crée. Je ne toucherai pas aux arts, j'adore les arts, il n'y a rien de plus beau. Pour les arts, ce n'est peut-être pas vrai. Beethoven créait, Mozart créait, mais il n'y en a pas beaucoup comme cela.
Le gouvernement fédéral, dans une loi, peut créer un territoire. D'après moi, c'est une institution fédérale. On a dit durant les débats: monsieur Beaudoin, une création et une institution, ce n'est pas pareil. C'est vrai sur le plan artistique.
Je ne sais pas si cela répond à votre question, sur le plan artistique, vous avez parfaitement raison. Si vous créez une pièce, si vous écrivez un roman, par exemple, Victor Hugo, Chateaubriand sont des créateurs. Dans notre débat, ce n'est pas dans ce sens que le mot institution doit être pris. Lorsqu'une province crée une municipalité, c'est un peu une création. C'est certain.
Elle leur donne des pouvoirs, elle dit: Montréal, vous avez le droit de faire ceci ou cela. Le gouvernement fédéral, lui, crée des territoires mais ce sont des créations d'organismes. Maintenant, si la cour arrive à une autre conclusion, ce dont je doute fort, on verra.
Le sénateur Gauthier: Si j'ai bien compris, les Territoires sont des grosses municipalités? C'est ma première conclusion. Deuxièmement, avant de modifier ou d'abroger la Loi sur les langues officielles des Territoires, il faut que le Parlement canadien se prononce, qu'il donne son appui ou son accord, oui ou non?
M. Newman: Oui, sur toute modification à la baisse.
Le sénateur Gauthier: À un moment donné, nous serons obligés d'étudier la question. J'ai été éduqué par un ancien député qui était impliqué dans la question de l'Alberta, de la Saskatchewan lorsque ces provinces ont été découpées à même les territoires. Mon grand-père m'a souvent parlé des difficultés de cette décision. Les gens ont été déplacés et ignorés. Le français en a pris pour son rhume. La Saskatchewan et l'Alberta ont adopté des lois qui rendaient presque impossible l'accès aux tribunaux dans la langue française et d'avoir accès aux documents législatifs. L'article 133 de la Constitution, vous la connaissez mieux que moi. Je ne veux pas que cela arrive dans les Territoires du Nord-Ouest. Vous comprenez?
Mon attitude est de prendre un peu plus de précautions. J'ai des collègues qui sont frileux à ce sujet et qui croyaient que l'on discuterait de la question légale, j'ai dit non. J'ai participé à la question de l'hôpital Montfort, vous vous souvenez? J'ai soulevé cette question environ 12 fois au Sénat. Même si la cause était sub judice, j'ai soulevé la question à un comité du Sénat et au Sénat. Je vais dire comme le sénateur Beaudoin, si on suit cette règle, on ne pourrait pas discuter de rien ici. J'ai insisté pour que vous veniez et je suis content parce que vous avez un peu clarifié le débat en ce qui me concerne.
Je veux être assuré que les Franco-Ténois vont pouvoir venir nous dire leurs doléances, si je peux employer ce terme. Je pourrais vous lire des extraits. La Fédération des Franco-Ténois conclut que jusqu'à présent, la mise en œuvre d'un régime adéquat pour assurer le respect des langues officielles dans les communautés francophones est un échec. Ce ne sont pas les tribunaux qui parlaient, ce sont des francophones des Territoires. J'ai entendu ces critiques. Nous avons un problème dans les Territoires.
La prestation de services gouvernementaux en français, en personne ou au téléphone, est au mieux inégale et sporadique. Les publications officielles du gouvernement ne sont souvent pas en français, malgré l'obligation statutaire formelle. Ce sont des critiques que j'entends et que je lis continuellement.
On a un problème dans les Territoires. Je ne parle pas du fait qu'il s'agit d'une institution ou non. Depuis longtemps, je pense que c'est une institution, mais je vais laisser les tribunaux décider.
Si la Cour fédérale a jugé bon de ne pas entendre les Franco-ténois, c'est parce, selon les avis juridiques, ils n'étaient pas compris dans l'expression «Sa Majesté la Reine du chef du Canada». Vous connaissez l'expression. Qu'est-ce que cela veut dire pour un profane?
M. Newman: La Couronne fédérale du gouvernement exécutif.
Le sénateur Gauthier: Ce dont on parle actuellement, je ne sais pas si cela relève du gouvernement fédéral ou territorial. Cette lettre m'indique simplement qu'ils n'étaient pas compris dans la définition de sa Majesté la Reine du chef et du Canada. C'est la réponse qu'on m'a donnée. Cela m'irrite, parce que je ne sais pas ce que cela veut dire.
M. Newman: Monsieur Beaudoin serait en meilleure position d'y répondre. Au Canada, il y a les deux couronnes, fédérale et provinciale. Le gouvernement représentant Sa Majesté au gouvernement fédéral, c'est Sa Majesté du chef du Canada et lorsque Sa Majesté est représentée par ses gouvernements provinciaux, c'est sa Majesté du chef de la province, comme chef de l'Alberta ou du Manitoba, par exemple. C'est une expression consacrée, un peu formelle, pour le gouvernement.
Le sénateur Beaudoin: Je suis d'accord.
Le sénateur Gauthier: Je comprends, c'est logique. Cela se tient debout.
Le sénateur Beaudoin: C'est l'argument que j'ai invoqué tout à l'heure. Dans un régime fédéral, la couronne est provinciale et fédérale. Chacun dans sa sphère est souverain. Sa Majesté, c'est la Souveraine. Je voulais profiter de l'occasion pour dire que ce sont deux excellents juristes.
Vous parlez d'évolution dans les Territoires. J'accepte cela, mais si jamais on veut donner le statut de province aux trois Territoires, ce qui est possible un jour, il va falloir adopter un amendement constitutionnel. Je veux que cela soit écrit et souligné dans le dossier. Cela prend un amendement constitutionnel.
Le sénateur Gauthier: On a tantôt fait allusion à l'article 3 de la Loi sur les langues officielles, l'article de l'exclusion des Territoires dans la définition d'une institution fédérale. On s'est demandé comment cela pouvait être interprété à la lumière de l'article 16 sur l'égalité. Il y a un bon débat. Si ce n'est pas un débat politique, je ne sais pas ce que ce sera. Vous m'avez dit que les tribunaux décideraient. Je vous ai dit au commencement que l'article 3 était inconstitutionnel, basé sur ce que je comprends des articles 30 et 32 de la Charte des droits et libertés. Vous avez répondu ne pas être certain et je vous comprends. Avez-vous des informations additionnelles à nous transmettre à ce sujet?
M. Tremblay: Quant à la constitutionnalité de l'article 3, on a déjà exprimé la position du gouvernement du Canada. L'article 3 est conforme. Ce que je dirais, par contre, c'est qu'on y lit bien «pour les fins de cette loi». Pour les fins de la Loi sur les langues officielles, les institutions fédérales sont telles que définies les institutions qu'on y nomme et dont on traite. C'est pour les fins de cette loi.
Cette loi a donc certaines fins et d'autres lois ont d'autres fins. Le fait qu'on ait défini dans la Loi sur les langues officielles sa portée ne signifie pas nécessairement que tout y est. Tout ne doit pas y être. Il y a d'autres moyens de respecter la Constitution si, comme vous le souhaitez, la cour venait à clarifier cette question et à conclure à l'application, par exemple, de l'article 16 aux Territoires. Cependant, il y aurait différents moyens de se conformer à cette exigence constitutionnelle, dont la législation, qui n'est qu'un moyen parmi tant d'autres. D'autre part, la question est politique à plusieurs égards. Je l'ai déjà mentionné, le Parlement a défini dans la Loi sur les langues officielles ce qu'il voulait inclure pour les fins de cette loi.
Est-ce qu'il aurait pu faire autre chose dans le champ de ses compétences? Oui, il y a toujours d'autres questions qui peuvent être traitées. Il y a très peu de lois, heureusement ou malheureusement, qui sont complètes et à tout jamais arrêtées. S'il y avait une volonté politique pour faire autre chose, effectivement, dans le champ de ces compétences, il y a une marge pour le gouvernement du Canada.
Le sénateur Gauthier: Est-ce que la Loi sur les langues officielles est quasi constitutionnelle, M. Tremblay?
M. Tremblay: Tout à fait.
[Traduction]
Le vice-président: Merci beaucoup, messieurs Tremblay et Newman, de votre patience et de bien vouloir discuter d'une question qui est assez délicate pour vous en ce moment. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir consacré votre temps. Je pense que cet échange a été extrêmement utile. Le travail va se poursuivre sur la question très bientôt.
M. Newman: C'est toujours un plaisir et un honneur de comparaître devant votre comité pour discuter de ces questions.
Le vice-président: Honorables sénateurs, nous avons une importante réunion prévue pour le 24 mars. Le sénateur Losier-Cool aura alors repris le fauteuil de la présidence.
Le sénateur Gauthier: Je crois savoir que le 12 mars, le ministre des Affaires intergouvernementales, Stéphane Dion, et le premier ministre présenteront leur plan d'action.
[Français]
Nous devrions inviter M. Dion dans les plus bref délais pour qu'il vienne expliquer son plan d'action, le 24 mars, soit quelques jours après sa présentation officielle. Ce comité serait tenu conjointement avec les députés que nous inviterons dans une pièce un peu mieux aménagée que celle-ci pour rencontrer le ministre. D'une pierre deux coups, il témoignerait au Comité des langues officielles du Sénat et à celui de la Chambre des communes. Cela serait constructif.
Il faudrait prévoir des règlements fermes pour ne pas créer de confusion quant à savoir qui présidera. Nous sommes la Chambre haute. C'est le Sénat qui invite et, selon moi, le Sénat devrait coprésider la réunion avec les députés. Il n'est pas question de rester en arrière. Nous devrions aller de l'avant avec cette proposition, monsieur le président.
[Traduction]
Le vice-président: Sénateur, à la suggestion du sénateur Gauthier, j'en ai discuté avec M. Bélanger, président du comité de l'autre endroit, et il a été proposé que nous ayons une réunion mixte le 24 mars. Toutefois, le ministre va rencontrer le comité de M. Bélanger le 17 mars et c'est pourquoi il a été invité à comparaître devant le comité du Sénat le 24 mars. Le sénateur Gauthier a peut-être des informations plus récentes à ce sujet.
Pour ce qui est de l'organisation de la réunion, M. Bélanger pensait que, si nous devions avoir une réunion mixte, elle devrait être présidée par le représentant de l'autre endroit et que les membres de l'autre endroit devraient avoir la possibilité de poser leurs questions en premier. Le sénateur Gauthier m'a dit que, puisque nous sommes la Chambre haute du Parlement, la réunion devrait être au moins coprésidée sinon présidée par le président du comité du Sénat. La question n'est pas encore résolue.
D'après les dernières informations dont je dispose, le ministre comparaîtra devant le comité de l'autre endroit le 17 mars et devant le nôtre le 24 mars.
[Français]
Le sénateur Léger: Je ne comprends pas. On voulait un comité sénatorial séparé et maintenant on parle d'établir des règlements pour déterminer qui parlera le premier ou qui parlera le deuxième. Vraiment, je ne vous suis plus.
Le sénateur Gauthier: Sénateur Léger, un règlement pour un comité mixte n'a jamais existé. Pendant des années j'ai essayé d'en implanter un et je n'ai jamais réussi. Le 17 mars est la première journée de la reprise des activités parlementaires et on m'avait dit que le ministre était disponible le 24 mars. J'ai suggéré le 24 mars parce que j'ai pensé que les ministres ne voudraient pas se déplacer le 17 mars.
On me dit maintenant que M. Mauril Bélanger a convoqué le ministre Stéphane Dion le 17 mars. Je ne n'entrevois pas de difficultés à ce que les gens de l'autre endroit se joignent à nous à cette rencontre.
Le sénateur Léger: Votre argument repose sur des dates. Le mien porte sur le fait qu'on se rencontre en comité mixte et je ne suis pas d'accord.
Le sénateur Chaput: Étant nouvelle au Sénat, je n'ai pas vécu l'expérience du comité mixte. Mais pour garder les choses simples, puisqu'on veut vraiment entendre le ministre et lui poser des questions, je crois que les sénateurs seulement devraient l'entendre le 24 mars. C'est ma suggestion.
Le sénateur Maheu: Je suis d'accord.
Le sénateur Lapointe: Je suis d'accord.
Le sénateur Beaudoin: Ce sera une rencontre séparée?
Le sénateur Comeau: Absolument.
[Traduction]
Le vice-président: Je crois qu'il y a un consensus pour dire que la meilleure date pour la comparution du ministre serait le 24 mars; c'est bien cela?
Des voix: Oui.
[Français]
Le sénateur Gauthier: C'est aujourd'hui le 24 février et on parle d'une réunion qui aura lieu dans un mois. Autrefois le comité mixte se réunissait deux fois par semaine. Maintenant, elle ne se tient qu'une fois par mois. Cela est insensé. Le sujet dont il est question est beaucoup plus important et mérite plus d'une réunion par mois.
Le sénateur Maheu: Il y a une raison à cela.
Le sénateur Beaudoin: Je siège au comité sénatorial des droits de la personne et au comité des langues officielles simultanément. Je peux vous dire que je cours sans arrêt.
[Traduction]
Le vice-président: Honorables sénateurs, pouvons-nous régler la question de la réunion du 24 mars et revenir ensuite à la fréquence des réunions?
Il y a aussi la question de la couverture télévisée, et il faudra que nous votions à ce sujet aujourd'hui.
[Français]
Le sénateur Gauthier: Ce n'est pas sérieux. Une réunion par mois c'est nettement insuffisant.
Le sénateur Comeau: Je propose la motion.
Le sénateur Chaput: On n'a pas encore traité de la question de la radiodiffusion.
[Traduction]
Le sénateur Beaudoin: Nous avons deux propositions sur la table.
Le vice-président: Non, nous n'en avons qu'une. Nous parlons de la réunion du 24 mars. Je vais revenir ensuite à la proposition du sénateur Gauthier.
Le sénateur Beaudoin: Mais nous avons déjà décidé de la date du 24 mars.
Le vice-président: Il nous faut un vote pour la couverture télévisée de cette réunion. La motion est proposée.
Le vice-président: J'ai l'impression que nous avons un consensus.
Le sénateur Beaudoin: Pour ou contre?
Le vice-président: Est-ce que tout le monde est pour une couverture télévisée?
Des voix: Oui.
Le vice-président: C'est réglé.
Le sénateur Gauthier: Vous n'avez pas besoin de quelqu'un pour appuyer la motion en comité.
[Français]
Le sénateur Lapointe: Peut-on voter? Le comité prend une décision majoritaire ou minoritaire?
Le sénateur Beaudoin: Bien sûr.
Le sénateur Comeau: Il y a consensus.
Le sénateur Maheu: Il y a consensus.
Le sénateur Lapointe: Voulez-vous s'il vous plaît mettre la question aux voix quant à la proposition de téléviser les débats?
[Traduction]
Le vice-président: Je vais procéder au vote. Que ceux qui sont en faveur d'une télédiffusion de la réunion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le vice-président: Que ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le sénateur Léger: J'ai tendance à m'abstenir parce que je pense que nous n'en avons pas assez discuté. Je voterai non.
Le vice-président: Le vote est très serré. Nous allons procéder à un vote par appel nominal car c'est très serré.
Le sénateur Beaudoin: Nous avons voté?
[Français]
Le sénateur Lapointe: Je vais vous donner mon avis.
Le sénateur Beaudoin: J'aimerais bien entendre l'avis du sénateur Lapointe.
Le sénateur Lapointe: Les sénateurs Léger, Chaput et moi-même sommes de nouveaux membres à ce comité. Je remarque que ce sont les mêmes deux personnes qui ont l'avantage de prendre beaucoup de place. Ce privilège leur revient et je ne les envie pas du tout puisqu'ils ont beaucoup d'expérience. L'un est un juriste très respecté et l'autre est un ardent défenseur de la langue française.
Dans un tel cas, de quoi auraient l'air ceux qui ne se prononcent pas parce qu'ils sont nouveaux dans le dossier? Je ne parle pas au nom des experts. Personnellement, je crois que nous pourrions avoir l'air imbéciles à la télévision en attendant l'opportunité de poser une question qui, au surplus, pourrait avoir l'air ridicule. Si j'avais posé une question tantôt, il y aurait eu de grosses chances que je me serais mis les pieds dans les plats. C'est pourquoi je me suis abstenu de le faire.
Je crois fortement qu'une question d'ordre constitutionnel n'intéresse personne à part ceux qui sont directement plongés dans le dossier. Je crois aussi que si un débat devient trop complexe, le commun des mortels ne le suivra pas sur la chaîne parlementaire. Pour des débats d'intérêt général, je serais d'accord.
Si on ne veut débattre qu'entre gens d'expérience, qu'on me le dise, je n'assisterai pas au comité.
Le sénateur Léger: Je suis d'accord avec le sénateur Lapointe pour dire que ce n'est pas du tout une question de transparence. On m'a nommée sénateur pour représenter les minorités et c'est ce qu'on fait, sans être des grands spécialistes. Or, il y a bien des choses qui deviennent grandes et moi je ne peux pas partager cela. Ce n'est pas nécessaire que le pays en entier sache cela. Souvent, je trouve qu'ici on se chicane, point.
Je ne vois pas l'intérêt que tout le pays voit les chicanes de la Chambre des communes. Je ne suis pas d'accord.
Le sénateur Comeau: Je suis entièrement d'accord avec le sénateur Lapointe. J'ai hésité à poser des questions juridiques et constitutionnelles cet après-midi. Par contre, le plan Dion, c'est un plan de ministre, c'est un peu différent.
Le sénateur Léger a soulevé un très bon point: notre comité doit étudier méticuleusement cette affaire. Dernièrement le comité est parti dans une direction que je ne m'attendais pas. Ce sont des chicanes parfois, des décisions sont prises lorsque certains d'entre nous ne sont pas présents. Je comprends bien que les absents ont tort.
Il y a deux semaines, j'ai dû avoir une intervention médicale et je n'ai pas pu me rendre à la réunion. Par contre, j'ai lu le compte rendu voulant que les absents ont tort. J'accepte cela.
Par contre, nous devons être très prudents pour ne pas prendre des décisions qui peuvent nuire à la bonne marche du comité. Ce comité pourrait très bien fonctionner. Nous pourrions faire de bonnes choses. Mais si nous devons prendre des décisions qui soulèvent de la chicane, des décisions où les membres ne sont pas impliqués, nous apprenons que la décision est déjà prise, les normes n'ont pas été appliquées, nous allons arriver à un comité qui ne fonctionnera pas.
Soyons prudents. Nous sommes partis dans la mauvaise direction. Il y a eu quelques interventions et quelques décisions qui pourraient nuire à la bonne marche de ce comité. J'aimerais que ce comité fonctionne. J'ai appuyé fortement la création de ce comité parce que l'autre comité ne fonctionnait pas. N'arrivons pas avec un nouveau comité sénatorial où il pourrait arriver les mêmes choses.
[Traduction]
Le sénateur Maheu: Ayant siégé aux deux comités et vu ce qui se passe et ce qui peut arriver, je serais contre la télédiffusion de tous nos comités. Toutefois, je serais d'accord pour avoir la télévision quand nous accueillons des ministres, Mme Adam, la commissaire aux langues officielles, et d'autres invités de marque.
[Français]
Mais quant à nos réunions habituelles, je suis d'accord avec mes trois collègues qui ont parlé. Il s'est passé trop de choses pour que ce soit publié à chaque fois.
[Traduction]
Le vice-président: À notre prochaine réunion, quand le sénateur Losier-Cool sera là, il faudra discuter sérieusement de la procédure. Les avis sont partagés. Peut-être devrions-nous revenir sur la question de savoir si nous allons télédiffuser ou non la comparution du ministre Dion. Le vote était très serré.
Le sénateur Lapointe: Je vous propose de demander son opinion à notre présidente, le sénateur Losier-Cool. Elle préférera peut-être reporter la question ou elle souhaitera peut-être trancher. Il ne s'agit nullement d'offenser notre vice-président, c'est simplement que nous ne devrions pas prendre une décision de cette importance sans en informer notre présidente.
Si elle veut que la séance soit télévisée, c'est parfait. Je ne suis ni pour ni contre. M. Dion et Mme Copps vont comparaître tous les deux. Je ne pense pas que cela intéresse beaucoup le public.
Le vice-président: Ce que recommande le sénateur Losier-Cool au comité, c'est que la comparution du ministre Dion soit télévisée mais qu'à la fin de chaque comité, nous décidions si le comité suivant sera ou non télévisé.
Le sénateur Beaudoin: Cette réunion-ci est bien particulière. Nous devons discuter de questions plutôt techniques, ainsi que du procès et des procédures législatives judiciaires. Il est rare que nous ayons de telles discussions. À ma connaissance, cela ne se fait que tous les cinq ou dix ans. Peut-être que notre prochaine séance devrait être organisée comme celle d'aujourd'hui. Je n'ai rien contre la télédiffusion de nos travaux, mais je comprends les préoccupations de certains sénateurs. Lors de l'étude d'un sujet très technique comme celui-ci, nos travaux ne devraient peut-être pas être télévisés. En temps normal, toutefois, j'estime qu'il est tout à fait indiqué de le faire.
Le vice-président: La présidente, le sénateur Losier-Cool, nous a fait une bonne suggestion, du moins pour l'instant. À la fin de chaque réunion, nous pourrions décider si nous voulons que la suivante soit télévisée.
Le sénateur Lapointe: Je suis d'accord.
Le vice-président: Ça nous ramène à la séance du 24 mars. Nous devons nous prononcer sur la télédiffusion. La présidente est d'accord pour que cette réunion soit télédiffusée. Sommes-nous d'accord?
Des voix: D'accord.
Le vice-président: C'est convenu.
Passons maintenant à la fréquence des réunions. Je recommande que l'on reporte cette discussion au 24 mars, date à laquelle la présidente sera là.
Le sénateur Gauthier: Si nous continuons de reporter la discussion sur ce sujet, nous en serons à Pâques et à la session du printemps et nous n'aurons pas encore pris de décision. Je crois que nous devrions trancher. Nous devons nous pencher sur des questions importantes. Les minorités ont demandé au Sénat d'examiner ces questions et notre comité doit respecter son mandat. Certains ont exprimé des objections. Pour ma part, je ne suis pas d'accord pour qu'il n'y ait qu'une réunion par mois à 16 heures. C'est grotesque. Le temps est venu de régler cette question.
Le vice-président: Notre collègue est fermement convaincu que nous devrions discuter de cette question dès maintenant, et ne pas attendre le 24 mars. Je vous invite donc à faire vos remarques sur la fréquence de nos réunions.
[Français]
Le sénateur Lapointe: La situation actuelle est rare. La présidente de ce comité a eu un accident, elle est absente. Elle revient le 24 mars. À partir de là, s'il y a des décisions à prendre quand à la fréquence des réunions, je crois qu'il ne faudrait pas que ce soit fait avant le retour de la présidente.
Le sénateur Comeau: Je suis d'accord. Selon moi, notre présidente devrait être partie prenante à cette décision très importante. La présidente vient du Nouveau-Brunswick et ce n'est pas facile.
Pour les gens qui demeurent, à Ottawa, ou qui sont à une demi-heure de leur maison cela fonctionne. Il me faut sept heures pour me rendre à mon bureau, à Ottawa. Comprenez cela. Pensez-y un petit peu. Sept heures, c'est un petit peu différent.
Le sénateur Gauthier suggère que nous tenions nos réunions plus tôt dans la journée. Cela fonctionne bien lorsqu'on demeure à Ottawa, à sept minutes. Si la température est clémente, il me faut sept heures pour me rendre ici. Des hivers comme celui qu'on connaît cette année, on ne parle plus de sept heures mais de 10, 11 et même 12 heures pour me rendre à Ottawa. Pour être ici avant 16 heures de lundi, je dois partir et laisser ma famille le dimanche. Je regrette, mais il y a autre chose dans la vie que de voyager le dimanche afin d'être présent à des réunions du Comité des langues officielles. Je suis conscient que le comité est important, mais pour moi, les dimanches, c'est sacré. On doit y penser. Notre présidente est dans une situation semblable et elle devrait avoir quelque chose à dire à ce sujet.
[Traduction]
Le sénateur Maheu: J'abonde dans le même sens que le sénateur Comeau.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool a déjà du chagrin parce qu'elle rate des réunions en raison de son accident. On devrait attendre qu'elle revienne le 24 mars prochain. J'ai des interventions à faire sur le sujet et que je les fasse aujourd'hui ou à la réunion du 24 mars prochain ne m'importe pas. Par contre, je préfère que notre présidente soit ici.
Le sénateur Chaput: Je voudrais traiter avec respect la présidente qui n'est pas ici aujourd'hui et je préférerais attendre qu'elle soit présente pour en discuter avec elle. Je crois honnêtement que le groupe de travail des langues officielles devrait se rencontrer deux fois par mois. Le sujet est très important.
Je viens du Manitoba et pour assister à la réunion du lundi, je dois partir le dimanche soir de chez moi. Je suis prête à le faire toutes les deux semaines parce que ce comité est très important. Je suis aussi prête à attendre la présence de la présidente pour qu'on puisse en discuter avec elle.
Le sénateur Lapointe: Sénateur Chaput, vous a-t-on expliqué qu'il y avait des réunions toutes les semaines dont une sur deux est obligatoire? Si vous voulez participer à deux réunions par mois, vous pouvez le faire.
Le sénateur Chaput: Je n'étais pas consciente de cela.
[Traduction]
Le sénateur Léger: Moi aussi, je crois que nous devrions attendre que le sénateur Losier-Cool soit présente, pour les raisons qui ont déjà été données.
Le sénateur Beaudoin: Je n'y vois pas d'objection.
Le vice-président: Cinq sénateurs souhaitent que la présidente participe à cette discussion. Par conséquent, l'affaire est close pour aujourd'hui.
La séance est levée.