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OLLO - Comité permanent

Langues officielles


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 9 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 8 octobre 2003

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à midi pour étudier le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais).

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Notre réunion spéciale d'aujourd'hui a pour but de rencontrer la commissaire aux langues officielles, qui vient nous présenter son Rapport annuel 2002-2003. Je remercie la commissaire d'avoir su s'adapter à notre horaire assez chargé.

Mme Dyane Adam, commissaire aux langues officielles, Bureau du Commissariat aux langues officielles: Madame la présidente, c'est un plaisir d'être ici. Je vais commencer par présenter mes collègues: Johanne Tremblay, avocate générale et directrice des services juridiques; Guy Renaud, directeur général des politiques, des communications et des bureaux régionaux; Michel Robichaud, directeur général, division général des enquêtes; et, Gérard Finn, conseiller spécial au cabinet de la commissaire.

Je viens déposer mon quatrième rapport annuel. Je veux profiter de cette occasion pour vous livrer les faits saillants et engager avec vous une discussion sur le contenu de ce rapport et les nombreuses recommandations qu'il comporte.

L'heure est au bilan et en matière de langues officielles, l'année 2002-2003 s'est amorcée, comme bien d'autres années, sans grands éclats, mais il faut reconnaître qu'elle s'est terminée sur une note positive. Vous qui suivez attentivement l'état de santé du français et de l'anglais, aviez constaté l'érosion de l'engagement à l'égard des langues officielles au cours des années 1990.

Depuis mon entrée en fonction en 1999, je n'ai pu m'empêcher de sonner l'alarme et de convier toute la classe politique et administrative fédérale à démontrer un plus grand leadership en matière de dualité linguistique. À ma grande satisfaction, je constate que le gouvernement fédéral a commencé à renverser la vapeur.

Mon optimisme à l'égard de l'avenir des langues officielles, au sein de l'administration fédérale et de la société canadienne est en bonne partie attribuable à la publication tant attendu du Plan d'action pour les langues officielles du Canada. Disons le clairement, ce plan constitue, à mon avis, une des plus grandes expressions de leadership en langues officielles depuis une décennie. S'il fallait, en fait, donner une image pour illustrer ce que représente ce plan pour les Canadiens, je dirais qu'il s'agit d'une œuvre pour grand orchestre. Ce n'est pas d'hier que nous aspirons à la symphonie des langues officielles, mais grâce au Plan d'action, nous avons désormais en main la partition, et tous les musiciens connaissent leur partie respective.

Si j'applaudis la détermination, qui a mené à l'élaboration du Plan d'action, il faut préciser que je n'y vois qu'un commencement. Un plan, comme une carte, peut très bien nous servir de guide, mais le voyage dans lequel nous nous engageons est à peine amorcé. Pour se rendre à destination, il faudra non seulement consulter la carte, mais aussi se mettre en marche. Le véritable succès du Plan d'action dépendra de sa mise en œuvre pleine et entière. Il ne suffit pas de se donner des objectifs ambitieux et clairement définis, il faut, bien sûr, déployer les efforts nécessaires pour les atteindre.

Nous avons pris le temps de scruter et d'évaluer le Plan d'action pour les langues officielles. Le rapport annuel présente une analyse de ce plan. Je crois qu'il s'agit d'une contribution notoire qui aidera à la relance du programme des langues officielles. Il faut, tout de même, ne pas y avoir une panacée. Par ailleurs, le plan ne traite pas des domaines d'importance pour les langues officielles dont le bilinguisme de la capitale nationale, les arts, la culture, la promotion de notre dualité linguistique à l'échelle internationale. De plus, le plan ne va pas assez loin au niveau de l'intégration de la dualité linguistique dans la fonction publique.

Ce qui est plus inquiétant encore, c'est que le plan ne prévoit pas de mécanismes de reddition de comptes pour évaluer périodiquement le rendement. Il s'agit d'une faiblesse non négligeable qui pourrait mettre en péril l'atteinte des objectifs visés. Je vais prendre le gouvernement au mot et lui demander de rendre des comptes quant aux objectifs qu'il s'est donnés.

Ma première recommandation propose trois moyens pour raffermir le Plan d'action. Premièrement, il faut établir un cadre de reddition de comptes, celui-ci est essentiel pour évaluer l'efficacité des initiatives prises et pour mesurer le rendement: par rendement, je veux dire des résultats concrets.

Deuxièmement, le gouvernement devrait mettre en place un cadre de coopération gouvernementale avec les provinces et les territoires. En effet, on le sait, plusieurs des objectifs ciblés relèvent de domaines de compétence provinciale dont l'éducation et la santé. Je propose des recommandations spécifiques pour chacun de ces domaines, les recommandations 5 et 6, et j'y reviendrai plus tard.

Le troisième moyen par lequel le gouvernement pourrait renforcer son Plan d'action consiste à concevoir une stratégie de concertation avec les majorités des langues officielles pour qu'elles se sentent parties prenantes des efforts du gouvernement.

[Traduction]

Ma deuxième recommandation s'adresse à votre comité. Je vous invite à continuer à exercer une vigie étroite de la mise en oeuvre du plan d'action quinquennal. Il y aura beaucoup d'occasions de faire avancer ce plan. Il serait important que le comité convoque annuellement les responsables pour qu'ils puissent se rapporter sur les résultats atteints

Votre rôle en tant que parlementaires est indispensable à mon travail d'ombudsman. Les parlementaires constituent la voix du peuple. Les sénateurs prêchent par l'exemple et démontrent, par leur collaboration, que les langues officielles progressent au rythme des efforts qu'on y consacre. Je vous remercie, honorables sénateurs, de votre appui indéfectible.

Cette année, le rapport annuel comporte une nouveauté. Nous y présentons une analyse de la mise en oeuvre des recommandations qui résultent de nos études, de nos enquêtes et de nos suivis. Cette analyse révèle que le rendement de l'administration fédérale est très inégal en matière de langues officielles. Je suis encore trop souvent obligée de jouer le rôle de préfet de discipline et de faire des suivis de mes suivis.

Les institutions et les gestionnaires devraient plutôt spontanément assumer les responsabilités qui leur reviennent. J'en appelle à toute l'administration fédérale pour suivre l'exemple des belles réussites qui figurent dans ce rapport. Le leadership de l'administration fédérale est le complément nécessaire au leadership politique.

Ma quatrième recommandation vise notamment la haute fonction publique: les sous-ministres et les sous-ministres associés devraient atteindre le même niveau de bilinguisme que celui exigé des autres cadres de la fonction publique et les postes de sous-ministres ouverts à l'extérieur de la fonction publique devraient être comblés par un processus de dotation impératif assurant le bilinguisme.

La présidente du Conseil du Trésor, vous le savez, a déposé un projet de loi visant la modernisation des ressources humaines, qui devrait bientôt être adopté. Je suis intervenue dans le cadre de cette révision législative pour proposer des amendements. L'un des changements apportés au projet de loi concerne l'ajout d'une clause dans le préambule qui reconnaît la dualité linguistique comme valeur fondamentale de la fonction publique. «Ce principe directeur,» pour reprendre les mots de la présidente du Conseil du Trésor, la ministre Robillard, devrait aussi animer les mises à jour des politiques afférentes. Le rapport annuel propose une recommandation détaillée à l'égard de la modernisation de la gestion des ressources humaines.

Il faut que cette modernisation s'accompagne d'un changement de culture favorable à la dualité linguistique en mettant l'accent sur les principes et les valeurs plutôt que les règles, en informant les autres fonctionnaires à l'égard de leurs responsabilités, en sensibilisant les personnes nommées aux postes supérieurs dès l'embauche et en éliminant progressivement la dotation non impérative.

Les soins de santé, nous disent les Canadiens et les Canadiennes, sont une priorité nationale. Soigner, c'est avant tout écouter. L'efficacité des soins prodigués est étroitement liée au climat de confiance que les professionnels de la santé cherchent à établir avec leurs patients. À titre de psychologue clinicienne, je sais que c'est là une condition élémentaire au processus de guérison. Mais comment poser un diagnostic et proposer un traitement si l'on ne peut comprendre ou communiquer adéquatement avec le patient? La responsabilité de soigner nos citoyens, lorsqu'elle touche la dignité humaine, ne peut pas passer outre aux considérations linguistiques. Les communautés minoritaires des langues officielles, comme la lutte épique de l'Hôpital Monfort nous le démontre, connaissent bien la fragilité des services de santé qu'elles reçoivent dans leur langue.

Plusieurs intervenants ont évoqué la possibilité que soient conclues de nouvelles ententes avec les provinces et les territoires au profit des communautés minoritaires ou que les ententes actuelles incluent des dispositions précises sur les services de santé dans la langue de la minorité. De plus, on pourrait, en s'inspirant des ententes dans le domaine de l'enseignement administré par Patrimoine Canada, développer des ententes similaires dans le domaine de la santé. Je demande à la ministre de la Santé, dans ma sixième recommandation, de prendre des mesures en ce sens.

[Français]

Je reviens cette année à la charge concernant le bilinguisme dans la capitale nationale. Je recommande au ministre fédéral responsable des langues officielles d'examiner la question et de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour que la capitale nationale soit déclarée officiellement bilingue. À en juger par les engagements pris par le premier ministre de l'Ontario, le contexte devrait maintenant être plus favorable qu'il ne l'était il y a quelques mois à la concrétisation de cette recommandation.

Dans notre bilan de cette année, nous constatons aussi que le gouvernement n'a pas mis en œuvre toutes les recommandations du dernier rapport annuel de 2001-2002. Des sept recommandations de l'an dernier, deux on été mises en œuvres, deux sont en voie d'être mises en oeuvre et trois autres sont restées sur la planche de travail. J'ai dû réitérer deux recommandations, dont celles que le gouvernement accorde au groupe de référence ministériel sur les langues officielles un statut de comité permanent afin qu'il puisse appuyer la mise en œuvre du plan.

Je vous sais très engagés, tout comme moi, dans la concrétisation de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. C'est la raison pour laquelle je réitère de nouveau ma recommandation de l'an dernier à l'égard du caractère exécutoire de cette partie de la loi, vraiment de clarifier la portée juridique de la Partie VII de la loi. L'épanouissement des communautés minoritaires de langues officielles n'est pas un voeu pieux, c'est une exigence de la promotion de la dualité linguistique comme valeur fondamentale du pays.

En conclusion, depuis le début de mon mandat, et ce rapport annuel ne fait pas exception, j'ai insisté sur le leadership tant politique qu'à l'échelle de l'administration fédérale, et je reviens année après année sur ce leitmotiv. Je dois vous avouer cependant que je me préoccupe beaucoup de la continuité actuellement, parce que nous sommes dans une période de transition gouvernementale. Elle se pointe à l'horizon. Certains acteurs pourraient être appelés à changer de fonction, et de nouvelles priorités apparaîtront peut-être à l'agenda gouvernemental.

Étant donné qu'il s'agit de valeurs fondamentales, le gouvernement a l'obligation constitutionnelle et législative de poursuivre sur la voie de progression vers l'égalité réelle du français et de l'anglais au Canada. C'est encore un projet inachevé. Toute la question des langues officielles doit donc rester au centre des priorités du gouvernement. Je vous remercie, il me fera plaisir de répondre à vos questions.

La présidente: Je vous remercie, Madame la commissaire, pour votre exposé. Dans vos recommandations, vous dites que les parlementaires faisaient écho au travail du Commissariat. Non seulement nous faisons écho à votre travail, mais je crois que nous sommes même à l'unisson. Le quatrième rapport que ce comité a présenté au Sénat la semaine dernière contient plusieurs recommandations qui vont dans le même sens que les vôtres.

Le sénateur Gauthier: Votre rapport, cette année, se tient. L'année passée, il se défaisait. C'est un compliment. Dans votre communiqué qui accompagnait le rapport annuel, au paragraphe 5, vous écrivez que cette année vous alliez mettre l'accent sur la reddition des comptes et la transparence. Qui vérifie les livres du Commissariat aux langues officielles?

Mme Adam: Nos états financiers étaient soumis chaque année au Secrétariat du Conseil du Trésor, mais sans vérification externe. Pour faire suite à ce qui s'est passé cet été, comme j'accorde beaucoup d'importance à la transparence et à la crédibilité de notre bureau et de l'appareil fédéral, les états financiers, à partir de cette année, seront vérifiés par la vérificatrice générale.

Le sénateur Gauthier: C'est excellent. Depuis que vous exercez ce poste, soit 1999, tous les rapports annuels, même les crédits du Commissariat, ont été étudiés en comité parlementaire et, à ma connaissance, ont été approuvés par le comité avant la date butoir du 31 mai.

Mme Adam: Oui, c'est exact.

Le sénateur Gauthier: Vous et Mme Fraser, en tant que hauts fonctionnaires, avez une relation tout à fait spéciale avec les députés et les sénateurs.

Mme Adam: Pour reprendre un peu mes propos précédents, nous avons joui d'une relation de confiance avec le Comité mixte des langues officielles, c'est toujours le cas maintenant avec les deux comités. Le comité mixte a toujours examiné les crédits budgétaires de la Commissariat aux langues officielles.

Le sénateur Gauthier: La Commission de la fonction publique a-t-elle effectué une vérification de vos normes de dotation depuis que vous êtes en poste?

Mme Adam: Nous soumettons un rapport annuel à la Commission de la fonction publique, conformément à l'entente de délégation des pouvoirs. Toutefois, à ma connaissance, la commission n'a pas effectué une vérification de nos procédures.

Le sénateur Gauthier: On vous a délégué des pouvoirs en dotation. Une certaine liberté d'action au niveau de la gestion vous a également été accordée. Le Conseil du Trésor a-t-il examiné vos procédures?

Mme Adam: Je dois préciser que nos cadres sont nommés par la Commission de la fonction publique. Le Commissariat aux langues officielles ne jouit pas d'un pouvoir de délégation pour effectuer ses propres nominations aux groupes des cadres supérieurs. Le Conseil du Trésor reçoit un rapport chaque année. Toutefois, à ma connaissance, il n'a pas effectué de vérification. La nomination des cadres relève de la Commission de la fonction publique.

Le sénateur Gauthier: Avez-vous prêté un serment d'allégeance lors de votre nomination? Est-ce qu'un tel serment est d'usage pour votre poste?

Mme Adam: Je ne crois pas avoir prêté serment. J'ai toutefois rencontré le conseiller en éthique.

Le sénateur Gauthier: Il est étrange que certaines nominations exigent que l'on prête serment et que ce ne soit pas votre cas.

D'autre part, la Loi sur l'accès à l'information ne donne pas accès à l'information découlant du Commissariat aux langues officielles. Seriez-vous favorable à ce qu'un amendement à la loi soit apporté afin de permettre à certains députés et sénateurs l'accès à cette information?

Mme Adam: Un processus fut entamé par le gouvernement afin de réexaminer la présente loi. Une consultation s'est effectuée, au cours de l'année, à cet effet. Lors de cette consultation, chaque agent du Parlement fut invité à venir partager son point de vue.

Pour ma part, je n'ai pas d'objection à ce que le Commissariat aux langues officielles soit assujetti à la Loi sur l'accès à l'information. Bien sûr, une exception doit s'appliquer dans le cas de certains avis juridiques ou certaines informations normalement soustraite à la loi, nos enquêtes, par exemple.

En ce qui a trait aux comptes de dépenses, je ne vois aucune raison pour laquelle cette information ne devrait pas être disponible.

Le sénateur Gauthier: Le Commissariat aux langues officielles opère sans lien de dépendance avec le gouvernement. Toutefois, sur le plan budgétaire, vous n'êtes pas indépendant. La commissaire doit faire valoir ses arguments afin d'obtenir les fonds nécessaires pour remplir son rôle.

En tant qu'agent du Parlement, officier du gouvernement et haut fonctionnaire, vous devez, en quelque sorte, plaider devant le Conseil du Trésor pour que l'on vous accorde les fonds dont vous avez besoin. Cet arrangement vous convient-il?

Mme Adam: Je serai très honnête. J'ai exprimé une certaine préoccupation à cet égard à différents paliers gouvernementaux et au premier ministre, qui est mon ministre responsable sur le plan administratif. J'ai dû, à deux reprises, me présenter devant le Conseil du Trésor pour demander des crédits budgétaires additionnels, et j'ai trouvé cette situation très inconfortable en tant qu'agent du Parlement.

Par exemple, lorsque nous avons demandé des fonds additionnels pour réinstaurer la fonction de vérification au Commissariat aux langues officielles, le Conseil du Trésor a prétendu que le rôle de vérificateur lui appartenait. Cette divergence a donné lieu à un débat avec le Conseil du Trésor sur le mandat du bureau du Commissariat aux langues officielles. La situation fut quelque peu inconfortable.

Il faut reconnaître que le Conseil du Trésor a certes une responsabilité de vérification en tant qu'employeur. Toutefois, le rôle du Commissariat aux langues officielles s'apparente au rôle de la vérificatrice générale du Canada en ce qui a trait aux vérifications externes, indépendantes de l'appareil.

Les institutions font leurs propres vérifications et l'employeur fait ses vérifications. Cependant, le Commissariat aux langues officielles ne devrait pas être, pour autant, exclu d'effectuer des vérifications externes et indépendantes, quitte à les soumettre directement, par exemple, au Parlement.

Il est donc juste de préciser que nous ressentons, en effet, un inconfort.

Le sénateur Gauthier: Mes questions, au deuxième tour, toucherons le rapport annuel.

Le sénateur Comeau: Permettez-moi, tout d'abord, de vous souhaiter la bienvenue, madame la commissaire. Ma première question touche la mise en œuvre du plan d'action. À qui reviendra la responsabilité de mettre en œuvre ce plan d'action? S'agira-t-il du ministre Dion, du président du Conseil du Trésor ou du ministre du Patrimoine canadien?

Mme Adam: On a utilisé l'image d'un chef orchestre, à titre d'analogie, pour illustrer une responsabilité partagée selon laquelle M. Dion, dans le cadre d'une imputabilité accompagnant le Plan d'action, est identifié comme le coordonnateur.

Le sénateur Comeau: Le ministre Dion est alors la personne en charge?

Mme Adam: Oui, il est coordonnateur et responsable de rendre compte pour l'ensemble du Plan d'action. Toutefois, la loi est claire en ce qui a trait aux responsabilités touchant les ententes sur l'éducation. Cette responsabilité revient toujours au ministre du Patrimoine canadien. Par exemple, le ministre responsable des Affaires intergouvernementales ne peut dicter au ministre du Patrimoine canadien ce qu'il doit faire. Le ministre des Affaires intergouvernementales peut coordonner et amener des suggestions. Toutefois, il ne s'agit pas d'un rôle d'imputabilité directe.

Le sénateur Comeau: Cette question me préoccupe. J'ai eu l'occasion de travailler dans l'industrie. Dans ce secteur, les lignes de responsabilité et d'autorité étaient claires et précises. On pouvait facilement identifier chaque responsabilité à l'autorité et aux personnes spécifiques. Lorsque les choses allaient bien, nous savions à qui adresser les compliments; lorsque les choses allaient moins bien, nous savions également à qui s'adresser pour les remédier.

Il est fréquent, dans un contexte où on retrouve une répartition des responsabilités, de constater que personne n'est entièrement responsable. On contourne les problèmes en renvoyant la responsabilité à une autre personne. Cette perspective me préoccupe, en tant que parlementaire. Partagez-vous mes inquiétudes à cet effet?

Mme Adam: Dans un certain sens. Il y a quatre ou cinq ans, le leadership n'était pas concerté au niveau des ministres en ce qui a trait aux langues officielles. Le plan d'action, aujourd'hui, nous procure un leadership concerté. Les ministres travaillent ensemble — on a d'ailleurs pu le constater dans la création du Plan d'action.

Je partage votre inquiétude en ce qui concerne la mise en œuvre. Le premier ministre actuel a, en quelque sorte, refusé de reconnaître le groupe ministériel de référence comme comité permanent du Cabinet. À mon avis, il est très important qu'on ne perde pas ce leadership concerté. Le ministre du Patrimoine canadien gardera, bien sûr, sa responsabilité en ce qui concerne le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère de la Justice. Toutefois, nos ministres travaillent ensemble. Il est clair que si le leadership politique n'est pas concerté et cohérent, le leadership administratif en souffrira.

Le sénateur Comeau: Cela est dangereux quand on attribue la responsabilité à une personne plutôt que de l'attribuer à des postes. À ce moment-ci, je crois qu'on a des gens très convaincants pour faire avancer les dossiers. Toutefois, la situation sera-t-elle la même dans deux semaines ou plusieurs mois? On ne le sait pas. C'est ce qui est inquiétant lorsqu'il y a manque de précisions.

Ma deuxième question a trait à la coopération entre les provinces. Êtes-vous satisfaite des moyens cités dans le Plan d'action selon lesquels un programme du ministère de la Santé se fera avec la coopération des provinces?

Mme Adam: Une des grandes faiblesses du cadre d'action des langues officielles, c'est son cadre de reddition de compte. Comme beaucoup des résultats recherchés, que ce soit dans le domaine de la santé, de l'éducation pour la majorité comme pour la minorité ou de l'immigration, c'est soit de compétence provinciale soit de compétence partagée avec le fédéral.

C'est pour cette raison que j'ai fait des recommandations très précises selon lesquelles on doit établir un cadre de coopération intergouvernemental clairement défini pour que le fédéral travaille avec les provinces dans l'atteinte de ces objectifs. C'est l'une de mes recommandations parce que cela n'est pas précisé dans le cadre d'imputabilité.

C'est pour cette raison que j'ai insisté pour que la ministre de Patrimoine canadien, Mme Sheila Copps, encourage les ministres de l'Éducation à établir des normes pour évaluer le progrès sur l'objectif, par exemple, de recruter plus de jeunes francophones dans nos écoles françaises. C'est beau d'émettre un objectif comme cela. C'est noble et ambitieux de dire que dans 10 ans, 80 p. 100 des jeunes francophones participeront aux écoles françaises. Évaluera-t-on cet objectif dans 10 ans seulement?

Je demande que le ministre de l'Éducation de chaque province comptabilise et rende compte de cela puisque le fédéral dépensera plus d'argent et en transfèrera davantage pour atteindre cet objectif. Il faut aussi rendre compte des améliorations sur une base annuelle.

Vous serez en mesure, comme comité parlementaire, de voir s'il y a eu redressement ou amélioration et, sinon, quels devraient être les moyens additionnels au cours de cette période pour réajuster le tire, s'il y a lieu.

Le sénateur Comeau: Vous êtes en train de dire que c'est une pratique très courante dans l'industrie privée lorsqu'on se fixe des objectifs précis, on a des moyens d'évaluer les résultats. Cela m'inquiète que cette évaluation ne soit pas en place. Peut-être est-ce quelque chose que le comité devrait régler?

J'aimerais revenir à la question de la création des nouvelles agences nommées par des individus et qui ne sont pas des agences du gouvernement, tels que Parcs Canada et l'Agence canadienne du revenu. Avez-vous les moyens de voir le rendement de ces agences?

Mme Adam: Oui, ce sont des agences et des institutions qui sont assujetties à la Loi sur les langues officielles. On en compte plus de 175. Je pense que les sociétés d'État et les agences représentent plus d'employés en nombre brut que les ministères dont le Conseil du Trésor est l'employeur. Une des raisons qui a amené le commissariat à vouloir raffermir la fonction de vérification, c'est exactement cela. Cela nous donnera un outil qui nous permettra de faire une étude de l'état de santé de la dualité linguistique dans ces institutions. Les plaintes ne sont pas un indicateur fiable. Cela dépend de la nature de l'institution. Il y a des institutions qui sont beaucoup plus loin du public canadien dans les services offerts.

C'est vraiment un des objectifs et cela m'inquiète. Je vais vous donner un exemple. Mme Lucienne Robillard et son équipe ont fait une étude de la compréhension de la politique des langues officielles au sein de nos ministères. Cette étude a révélé qu'il y avait une méconnaissance importante de la politique des langues officielles dans nos ministères. On parle d'un contexte où des institutions sont beaucoup plus près du Parlement, beaucoup plus près du gouvernement.

Quels seraient les résultats de cette étude si on la faisait dans nos autres institutions et organismes assujettis à la loi?

Le sénateur Lapointe: J'ai entendu en entier l'entrevue que vous avez tenue avec M. Jean Lapierre, animateur sur le réseau de CKAC. L'entrevue était très intéressante. À mon arrivée au Sénat, dans la première année, je suis allé au ministère du Patrimoine Canadien et je ne me souviens pas si la personne que j'ai rencontrée m'a parlé en français. Toutefois, j'ai l'impression qu'elle ne comprenait pas ce que je disais. Je me suis senti un peu vexé. Vous touchez un point important. Si l'on veut demander à toutes les corporations externes du Parlement d'appliquer la politique linguistique, il faudrait commencer à l'intérieur, par les ministères. Je crois qu'il y en a beaucoup. Cela s'applique à l'anglais et au français.

Il faudrait s'assurer que tous les ministères ont au moins une personne parmi leurs représentants qui parle les deux langues couramment. C'est une opinion que j'émets mais je pense que ce serait, à toutes fins pratiques, le meilleur exemple à donner pour les gens et les corporations à l'extérieur du milieu.

Mme Adam: Ce que la loi exige de nos institutions, c'est vraiment l'obligation de résultats, c'est-à-dire d'avoir le service dans votre langue, en français ou en anglais, et que le nombre de personnes peut varier énormément selon les circonstances et la région du pays. Je suis beaucoup plus exigeante parce que je veux avoir les résultats.

Le sénateur Chaput: Madame Adam, je vous félicite et je vous remercie même si je vois qu'il y a tellement de travail à faire. C'est une réalité. Il faudra toujours continuer et vous devrez toujours avoir à surveiller cela de très près. C'est votre rôle et votre mandat.

Les clarifications que je voulais ont déjà été faites, mais je vais les mentionner brièvement. J'avais des questions au sujet des mécanismes de reddition de compte. Mes questions ont été adressées et elles concernaient les ministères fédéraux. Je crois que c'est essentiel. Elles touchaient aussi aux cadres de coopération qui sont mentionnés dans le plan Dion et qu'on aura à développer avec les provinces. On sait très bien que remettre l'argent aux provinces, c'est une chose, mais s'assurer que les minorités de langues officielles reçoivent leur juste part des services, qui devraient leur être offerts avec ces sommes, c'est une autre chose. Je crois qu'il est important de le mentionner pour régler le problème.

L'autre point que j'aimerais soulever est un peu plus général. Il s'agit d'une de mes grandes préoccupations soit l'aspect de continuité. Nous avons fait beaucoup de progrès avec le plan Dion et nous constatons qu'il y aura des changements dans l'appareil gouvernemental. C'est inquiétant pour toutes les communautés au Canada. On ne peut rien y faire et il faut suivre la situation de très près.

Avez-vous perçu, à l'intérieur du ministère, des programmes ou des critères qui pourraient être changés en ce qui a trait à un appui à plus long terme pour les communautés de langues officielles? À titre d'exemple, un projet ponctuel pour le Conseil du Trésor équivaut à un an. Les fonds sont disponibles pour un an. On met sur pied un projet incroyable qui bénéficie aux communautés, comme les guichets uniques et après un an, on n'a plus accès à ces fonds parce que le ponctuel est terminé. Étant donné que les communautés minoritaires de langues officielles ont besoin d'un appui à long terme pour que le programme devienne une réalité, n'y a-t-il pas lieu de regarder les objectifs que ces ministères se donnent? Un projet ponctuel pourrait vouloir dire de trois à cinq ans. Cela permettrait à une communauté de bien s'engager et aux ministères fédéraux de planifier leurs engagements par rapport à certaines initiatives que nous avons toutes les deux à cœur.

Mme Adam: Vous avez touché un des objectifs qui devrait être partagé par l'ensemble des personnes présentes. Nous souhaitons, de nos institutions fédérales ou du gouvernement, est un comportement de réflexe: de pouvoir ou de vouloir servir les communautés de langues officielles en situation minoritaire. Ce comportement devrait être intégré dans leur culture de services. Donc que ce soit un réflexe.

Existe-t-il à l'heure actuelle le début d'un conditionnement du comportement de nos institutions? Le ministère de l'Immigration, le ministère des Ressources humaines et le ministère de la Santé ont mis sur pied des mécanismes qui favorisent ce comportement réflexe de services aux minorités. Ils ont créé un comité ministériel permanent avec les communautés francophone hors Québec et anglophone du Québec. Cela permet un dialogue et une consultation continue. C'est le genre de mécanisme vers lequel nous devons nous diriger. Ce mécanisme existe également pour le cadre d'action.

L'autre levier important est la recommandation que j'ai faite sur la partie VII de la loi. Tant que cet engagement du gouvernement n'est pas clarifié, nous aurons toujours des comportements ambigus de la part de nos institutions. On aura des comportements très tièdes ou très engagés, tout dépendra de l'engagement, vis-à-vis la dualité linguistique, des individus qui seront à la tête du programme. Pour moi, cela m'apparaît un des leviers les plus importants pour amener un comportement et assurer une continuité dans le temps et une progression vers l'égalité des deux langues.

Le sénateur Corbin: Vous avez parlé de la désignation d'Ottawa comme capital bilingue. Le soir de son élection, M. McGuinty, en réponse à une question directe, a dit que son gouvernement reconnaîtrait le caractère bilingue. Il a insisté à deux reprises sur le caractère bilingue d'Ottawa. Caractère bilingue est différent de bilinguisme officiel, n'est-ce pas?

Mme Adam: J'ai travaillé dans toutes sortes d'institutions dites officiellement bilingues. Ce qui est important, c'est qu'il y ait une désignation quelconque qui soit reconnue. Après, nous ne savons pas comment se vivra cette dualité linguistique officielle.

La municipalité a demandé à la province, à deux reprises, que le français et l'anglais soient reconnues comme les langues officielles dans la ville d'Ottawa. Ils n'ont pas demandé que la ville soit déclarée officiellement bilingue. Du moins, si on s'en tient aux mots.

L'important est que le gouvernement fédéral — je n'ai d'autorité que sur le fédéral — agisse pour qu'il y ait une reconnaissance formelle des deux langues officielles dans notre capital ou du caractère bilingue ou du bilinguisme officiel, mais au moins que nous avancions sur cette question.

Le sénateur Corbin: Ne croyez-vous pas que nous devrions élargir la désignation de capitale bilingue à celle de la région de la Capitale nationale? Vous avez parlé de circonstances favorables pour procéder dans ce sens. Les circonstances sont favorables aussi à Québec où le premier ministre fédéraliste, qui a œuvré dans le milieu, connaît bien la situation. Ne faudrait-il pas encadrer toute la région de la Capitale nationale et non pas seulement la ville d'Ottawa?

Mme Adam: La ville d'Ottawa est la ville reconnue dans notre Constitution comme étant la capitale. La façon dont la Fédération est établie, les provinces sont responsables de leurs villes.

Le sénateur Corbin: L'autre côté de la rivière vit du fait que la capitale est à Ottawa. Il me semble qu'il y ait une logique qui voudrait que l'on désigne la région de la capitale.

Mme Adam: «Qui trop embrasse mal étreint.» Vous connaissez le dicton!

Le sénateur Corbin: J'embrasse tout. En tout cas, j'ai fait valoir mon point. Je voudrais aborder la question d'un de vos bureaux, celui de Moncton. Vous avez là une représentante qui exerce des responsabilités que vous contrôlez. Elle n'a pas d'initiative que vous n'avez pas ou que vous ne voulez pas lui léguer. Pouvez-vous me donner une description des opérations du bureau de Moncton à l'heure actuelle? Parlez-moi aussi de l'embauche de la nouvelle personne à ce bureau, qui s'est faite cet été et qui a été l'objet de questions de la part du sénateur Comeau et de ma part avant même que l'embauche soit faite? Vous nous disiez alors qu'il n'était probablement pas possible de reculer. Vous avez procédé à l'embauche de cette personne pour combler un poste alors que vous n'avez aucun autre représentant dans les autres provinces de la région Atlantique. Expliquez-moi, encore une fois, la logique de vouloir concentrer toutes les opérations au bureau de Moncton alors que vous avez établi des agents de liaison en Colombie-Britannique et en Alberta? Pourquoi ne pas procéder de la même façon dans le berceau du Canada français, qui est l'Acadie?

Mme Adam: Il n'y a pas de Québécois ici? Nous avons utilisé une approche très différente. Nous avons cinq bureaux régionaux au Commissariat. Donc cinq antennes régionales.

La situation varie d'une région à l'autre du pays. Nous n'avons pas adopté de procédures uniformes. Comme mes représentants en régions sont mes antennes, ils déterminent, en quelque sorte, le pouls de la région.

Par exemple, au Québec, on a ajouté un agent de liaison et il est au bureau de Montréal. On aurait pu décider de l'installer ailleurs, parce que la province est assez grande. Après consultations, l'avis qui nous a été donné favorisait la concentration de nos ressources à Montréal.

Dans d'autres provinces, d'autres régions du pays, je reviendrai à l'Acadie, nous avons le bureau de Moncton qui couvre les territoires, la Colombie-Britannique et l'Alberta, à ce moment, on a décidé qu'en raison des distances importantes, nous devrions installer quelqu'un en Colombie-Britannique. Pour le Manitoba, on a mis quelqu'un en Saskatchewan. Pour ce qui est de l'Atlantique, on a examiné à plusieurs reprises l'idée de mettre des effectifs ailleurs, parce qu'il n'y a pas seulement la représentante, on a également des enquêteurs. C'est le nouveau poste d'agent de liaison. Il avait été question d'installer un enquêteur à Halifax parce que, à vrai dire, beaucoup de nos institutions fédérales se situent dans cette région, à Halifax. Pour X nombre de raisons opérationnelles, il a été décidé de rester avec le modèle d'un bureau concentré à Moncton. Je ne favorise pas une solutions particulière dans ces cas; je laisse plus les gens des opérations et les représentants m'aviser. C'est tout ce que j'ai comme raison.

Le sénateur Corbin: Vous nous aviez dit lors de votre comparution précédente que vous n'aviez pas beaucoup de ressources au commissariat pour faire le travail que vous voudriez réellement accomplir. Pour l'année qui s'en vient, allez-vous demander des crédits supplémentaires pour pouvoir vous doter du personnel qu'il faut dans toutes les régions du Canada?

Mme Adam: J'ai déjà demandé des crédits budgétaires additionnels, et j'en ai reçus. Ils sont étalés sur trois années. D'ailleurs l'augmentation des crédits budgétaires a été soutenue par les comités parlementaires des langues officielles. Je dirais que l'année prochaine, on aura une tranche additionnelle et l'année suivante. Donc, cela m'amène en 2004- 2005.

Le sénateur Corbin: Cela représente combien en dollars?

Mme Adam: C'est un budget additionnel. Quand nous aurons atteint tous les versements, ce sont 4 millions de dollars additionnels au budget.

Le sénateur Corbin: Pourquoi faire?

Mme Adam: Je vais vous donner les détails. La fonction vérification dont on a parlé va chercher à peu près cinq postes. On va faire un plan triennal de vérification et on fera le lancement de la fonction vérification parce qu'il faut informer nos institutions fédérales, les renseigner comment on le fera, et cetera. On devrait commencer cette année. Il y a cinq postes qui y seront affectés au cours des prochaines années. À la vigie des relations parlementaires, le Commissariat a beaucoup renforcé ses rapports avec le Parlement. Depuis que je suis en poste, on participe à toutes les réunions. Il y a quatre postes additionnels à la vigie des relations parlementaires et cela n'implique pas seulement les comités de langues officielles.

Le sénateur Corbin: À Ottawa?

Mme Adam: Oui. Cette année j'ai comparu dix fois à des comités parlementaires. Cela est inclus. Il y a les liaisons avec les communautés et les régions. Dans ce cas, on a augmenté, on aura cinq nouveaux postes dans la région.

Le sénateur Corbin: À quels endroits?

Mme Adam: Nous en avons un à Moncton, Regina, Vancouver et Montréal et on aura sous peu un poste à Sudbury. Essentiellement, on a ajouté, dans chacun des bureaux régionaux, un poste d'agent de liaison.

Le sénateur Corbin: Quand vous parlez de Moncton, est-ce le poste que vous avez comblé cet été.

Mme Adam: Oui.

Le sénateur Corbin: Il n'y en aura pas d'autre?

Mme Adam: Non, pas à court terme.

Le sénateur Corbin: Et en Nouvelle-Écosse?

Mme Adam: À moins que l'on décide autrement, il n'y a pas de poste prévu à court terme. Est-ce que le prochain poste d'enquêteur pourrait être en Nouvelle-Écosse? Ce sont des options. Mais il y aura un renouvellement de la main- d'œuvre au Commissariat. Il faut respecter les gens qui sont en poste. Ces choses pourraient être considérées à ce moment.

Pour continuer la recherche et l'analyse dans le domaine juridique et social, on sait fort bien que le Commissariat intervient fréquemment dans les causes juridiques touchant les langues officielles, que ce soit dans certaines provinces ou au national, à la Cour suprême. On a eu un poste additionnel pour la fonction juridique et deux postes pour la fonction recherche.

[Traduction]

Le sénateur Keon: Il y a de nombreuses ressemblances entre votre rapport et celui du Sénat, n'empêche qu'il nous a fallu 21 recommandations pour exprimer nos réflexions tandis que vous avez réussi à le faire en neuf recommandations. Néanmoins, le message transmis dans les deux rapports est essentiellement le même.

J'ai été administrateur de services de santé, comme vous le savez, toute ma carrière et j'ai été administrateur de services de santé d'un établissement bilingue. Mais je me suis rendu compte qu'il nous incombait à nous de trouver nos propres ressources afin de maintenir le caractère bilingue de l'établissement. Essentiellement, notre financement n'est pas différent de celui d'un établissement unilingue. De temps à autre, le gouvernement de l'Ontario nous donnait un tout petit montant, mais rien d'extraordinaire.

À titre d'exemple, lorsque j'ai décidé de me retirer de la chirurgie il y a quelques années, nous avons dû embaucher un chirurgien venu de la France afin d'avoir une représentation égale de francophones et d'anglophones au sein de l'équipe chirurgicale et de maintenir la qualité recherchée. Cela nous a coûté une petite fortune et il nous a été impossible d'obtenir le financement pour embaucher ce chirurgien. Tout simplement, nous avons dû puiser ce montant à même notre budget global. Et ce n'est qu'un exemple parmi bien d'autres.

Nous avons une initiative importante dans le domaine de la promotion de la santé, de la prévention, etc. Mais il faut que cette initiative soit vraiment bilingue. Il le faut. Cependant, la province ne prévoit que très peu de fonds pour mener cette initiative à terme.

La reddition de comptes en ce qui concerne les paiements de transfert du gouvernement fédéral aux provinces s'améliore. Je crois qu'il serait néanmoins possible de la relever d'un cran. On pourrait cibler, lors de ce transfert fédéral-provincial, les établissements bilingues. Cela ne devrait pas être trop compliqué. J'espère que vous tiendrez compte de cette suggestion.

Mme Adam: Je crois que votre proposition ressemble à ma recommandation numéro six. Dans cette recommandation, je dis qu'on pourrait s'inspirer des ententes dans le domaine de l'enseignement pour développer une entente dans le domaine de la santé.

Dans le domaine de l'éducation, par exemple, les établissements d'enseignement postsecondaire, comme l'Université d'Ottawa ou d'autres ailleurs au Canada qui offrent des services en français, si le français constitue la langue de la minorité, ou, dans le cas du Québec, l'anglais, font partie de ce transfert. Ces établissements sont admissibles à un financement supplémentaire.

Dans mon propre établissement, c'est moi qui m'en suis chargée, même avec le provincial. C'était clair qu'on avait prévu certains montants pour ces établissements. Nous avons les modèles. Nous devrions simplement les appliquer au domaine de la santé. Ça marche. Ce n'est pas parfaitement, mais ça marche.

Le sénateur Keon: Je vous félicite pour tout ce que vous avez réussi à faire dans le domaine de l'éducation en matière de santé, mais nous avons encore pas mal de chemin à faire pour ce qui est de la prestation des soins de santé.

Mme Adam: Cela est très intéressant parce que, en Ontario, nous travaillons au sein du même système. Lorsque la loi relative aux services en français a été adoptée en Ontario, j'étais psychologue clinicienne à Cornwall. Ensuite, j'ai poursuivi des études universitaires en administration. À cette époque, le gouvernement de l'Ontario et le gouvernement fédéral ont fait des efforts énormes pour développer la formation médicale en français, y compris la physiothérapie, et aujourd'hui nous comptons un plus grand nombre de travailleurs de la santé bilingues. Si nous n'avions pas ciblé l'éducation au départ, la situation aujourd'hui serait tout autre. Je crois qu'il s'agit d'un modèle qu'on pourrait répandre partout au Canada.

Le sénateur Keon: Je suis tout à fait d'accord.

[Français]

Le sénateur Léger: J'en suis à ma troisième année à la fonction publique. Le problème que j'ai se situe au niveau des cadres. La décision de Mme Robillard est que les ministres soient bilingues. J'ai la radio-canadite, comme dirait Pierre Foglia du journal La Presse. Je suis entourée d'anglophones qui donnent des interviews. Il y en a partout. Disons, les cadres, le ministre Graham, tous ceux qui sont à la une des journaux, ces jours-ci. C'est comme si c'était naturel. Au Sénat, il y a des sénateurs... Je suis bouleversée. Je devrais être surprise.

Les propos des fonctionnaires dans les corridors sont malsains. Je ne peux pas prouver ce que je dis. Ils disent que c'est injuste. Que l'on n'engage plus d'anglophones parce qu'ils ne parlent pas le français et qu'il n'y aura que des francophones dans la fonction publique. Ils n'ont pas la chance d'avoir la maladie que j'ai, la radio-canadite. Ils ne savent pas que cela existe. Je me demande pourquoi?

C'est surtout dans ce sens que les fonctionnaires n'ont pas le message. Est-ce à cause de la permanence? On ne peut pas remercier quelqu'un une fois qu'il est en poste. Il faut qu'il reste jusqu'à 35 ans de service, exactement comme dans les avions. Quand Air Canada s'est associé à Canadien, cela n'a pas été facile. Pourquoi la mentalité des fonctionnaires n'est-elle pas positive? Pourquoi est-ce si dur pour eux d'apprendre l'autre langue?

Mme Adam: Vous me demandez de faire une étude psychologique. Je peux répondre à différents niveaux à cette question. Je pense que d'emblée, il faut reconnaître que des améliorations ont été faites dans l'appareil fédéral, dans la fonction publique. Nous avons beaucoup plus de francophones et d'anglophones bilingues que nous en avions, il y a 30 ou 35 ans. C'est une œuvre qui est inachevée. Nous avons fait un pas en avant, cette année, et cela fait partie de mon rapport.

Mme Robillard a tenu son bout, si l'on peut dire, par rapport à la date butoir des cadres supérieurs. Il y a à peu près une centaine de cadres supérieurs qui ne rencontraient pas les exigences de leur poste en matière linguistique et qui ont subi des conséquences.

On sait, en psychologie, que si vous voulez changer des comportements, vous devez donner des conséquences, et n'importe quel parent le sait: pour changer le comportement d'un enfant ou d'une organisation, il faut qu'il y ait une conséquence. Quand on embauche des gens à des postes bilingues et qu'on leur dit: «tu peux occuper ce poste même si tu n'es pas bilingue», c'est un message très puissant qu'on livre. C'est pour cela que j'ai insisté sur ce point dans ce rapport.

Après 35 ans de bilinguisme officiel nous devons éliminer la dotation non impérative. C'est seulement à ce moment que nos fonctionnaires comprendront que la compétence linguistique est comme n'importe quelle autre compétence. Si c'est essentiel, ce n'est pas accessoire ou marginal à ce qui se passe dans l'appareil fédéral.

Pour répondre à votre question, je dirais que quand le gouvernement décidera de donner un message clair à ses employés, qui sont embauchés pour devenir sous-ministre ou pour être cadre supérieur à Ottawa, qu'ils devront être bilingues, les comportements changeront. Les gens commenceront à apprendre le français ou l'anglais, selon le cas, beaucoup plus tôt dans leur carrière.

Le gouvernement fédéral a pris une bonne décision cette année, il a investit davantage dans nos écoles de langue française et de langue anglaise pour que nos jeunes deviennent bilingues. Investissons pour eux et allons recruter ces jeunes qui sont bilingues. Je pense que c'est la seule façon d'améliorer la situation.

Le sénateur Léger: Après 35 ans, tout ce qui est officiel et provient du fédéral devrait être dans les deux langues officielles. Que le milieu ou que l'autre langue ait un pourcentage de 2 p. 100 ou moins. Tout ce qui est du domaine fédéral, qui rentre dans les provinces devrait automatiquement être dans les deux langues. Il semble que ce critère s'applique seulement lorsqu'ils remplissent le critère de 5 000 personnes de langue française.

Je pense à quelque chose qui est arrivé en 1997, qui a peut-être changé mais j'en doute. J'ai eu la chance d'être marraine d'un navire canadien de la Défense nationale. Il y avait 12 navires. Seulement deux navires, celui de Moncton et celui de Shawinigan, ont été baptisés en français et en anglais. Tous les autres ont été baptisés, champagne et tout, uniquement en une langue.

Mme Adam: Vous auriez certes pu déposer une plainte au bureau de la Commissaire. Ils étaient tenus de le faire dans les deux langues officielles. Toute publication qui sort du gouvernement doit être dans les deux langues officielles comme les sites, et cetera.

La question que vous soulevez de demandes importantes est en rapport à des régions de notre pays où il doit y avoir un certain nombre de citoyens de langue de la minorité pour justifier le service.

La présidente: J'aimerais compléter cette première ronde avec une question brève. Ma question ne touche pas nécessairement le rapport. Le gouvernement fédéral devrait-il parfois déroger à ses propres politiques nationales afin de favoriser certains projets locaux pour l'avancement des minorités linguistiques?

Par exemple, à un certain moment, l'Association franco-culturelle de Yellowknife avait un terrain dont elle envisageait l'acquisition pour l'érection d'un centre culturel. Ce terrain fut vendu à des intérêts privés plus riches, et l'Association a évoqué l'article 41.

Mme Adam: Cette question fait présentement l'objet d'une enquête à mon bureau. Il m'est donc difficile, à ce point- ci, de discuter du dossier.

Le sénateur Gauthier: J'aimerais maintenant adresser individuellement chacune de vos recommandations. Vous recommandez qu'un cadre soit établi en ce qui a trait à la reddition des comptes. Qu'entendez-vous par cette proposition?

Mme Adam: Il s'agit d'établir clairement les normes et les indicateurs qui seront utilisés pour rendre compte des progrès accomplis. Le Plan d'action pour les langues officielles n'existe que pour une raison: redresser la situation.

Le danger parfois existe dans l'appareil fédéral lorsqu'il est question d'activités. Je dis parfois à mon personnel, il est toujours possible de se tenir occupé, mais ces activités sont-elles utiles et donnent-elles un résultat?

Par conséquent, un cadre spécifierait non seulement les activités, l'objectif visé et le résultat. Le cadre indiquerait également la personne qui devra rendre compte du redressement.

Le sénateur Gauthier: Vous recommandez que le comité convoque annuellement les principaux responsables de la mise en œuvre du Plan d'action. Seriez-vous d'accord à ce que l'on convoque tout d'abord le greffier du Conseil privé?

Mme Adam: Certainement.

Le sénateur Gauthier: Ensuite pourront comparaître les différents ministres, soit du Patrimoine canadien, de la Francophonie ou des langues officielles, du Conseil du Trésor. La liste est longue. Nous pourrions donc commencer, à la tête, par le greffier du Conseil privé? Celui-ci a une certaine importance auprès des fonctionnaires.

Mme Adam: Je suis d'accord.

Le sénateur Gauthier: Votre troisième recommandation vise l'élaboration d'un plan de travail pour compléter la dualité linguistique dans les activités de culture et au sein de la fonction publique. Je suis d'accord avec cette recommandation. Toutefois, de quelle façon pourrait s'élaborer un tel plan de travail?

Mme Adam: La révision et la modernisation des politiques et de la réglementation concernant les langues officielles est en cours. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a travaillé à cette révision.

Nous avons découvert que les politiques actuelles sont fort complexes et représentent un labyrinthe pour les personnes qui doivent les mettre en œuvre. Il serait donc utile à la mise en œuvre d'améliorer et de simplifier ces politiques.

Bien entendu, on devrait éliminer la dotation non impérative. Cette élimination pourrait être progressive.

On a parlé de méconnaissance chez nos fonctionnaires. L'étude mérite d'être lue, car elle fait le point sur l'attitude des fonctionnaires et leur perception face à la dualité linguistique et au programme sur les langues officielles. Il existe réellement un grand besoin de sensibilisation et de formation. Comment les personnes responsables peuvent-elles mettre en œuvre les politiques du gouvernement en matière de langues officielles si elles ne sont pas au courant? Il existe un problème à ce niveau.

Le sénateur Gauthier: Ma dernière question concerne le groupe de référence.

La présidente: Je vous pris de m'excuser, honorable sénateur, mais le timbre déjà se fait entendre. Je dois donner la parole au sénateur Comeau.

Le sénateur Gauthier: On y reviendra lors d'une prochaine réunion.

Le sénateur Comeau: Très souvent, lorsqu'il est question des Maritimes, les gens d'Ottawa ne se rendent pas compte que plusieurs francophones vivent dans les provinces autres que le Nouveau-Brunswick. Par exemple, on ne se rend pas compte qu'il existe des communautés francophones en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve. Également, les gens du Nouveau-Brunswick ne se rendent pas compte qu'il existe des communautés francophones dans les autres régions. Lors de certains événements, nous avons dans les Maritimes la présence de la Société Radio-Canada et du réseau d'information RDI. L'Acadie nouvelle ne se rend sans doute pas compte qu'il existe une communauté francophone en Nouvelle-Écosse. Cela dit, les individus ont tendance à avoir une perception de centralisation.

Pourriez-vous, madame, nous fournir un compte rendu de la part de vos enquêteurs à Moncton sur la situation dans les provinces de l'Atlantique? Ces enquêteurs visitent-ils des régions à l'extérieur de Moncton selon les plaintes reçues? Le nombre de plaintes n'est pas nécessairement un indicatif sur lequel on doit se baser. Il peut parfois plutôt démontrer que le problème est plus grave que l'on ne pensait.

Il serait donc important de voir dans quelles circonstances les enquêteurs se rendent à l'extérieur de la province. De quelle façon évaluez-vous le rendement de vos employés à Moncton? Il ne s'agit pas de savoir s'ils doivent demeurer à Moncton lors d'une visite du représentant du Québec, ou du consul général de la France, ou si le réseau d'information RDI est sur les lieux. Nous aimerions connaître la raison pour laquelle les enquêteurs se concentrent au Nouveau- Brunswick, sans considérer la situation à l'extérieur de la province.

Mme Adam: Je m'engage personnellement à rendre compte de cette question. Votre question est très juste. En demandant aux institutions concernées, je serai en mesure de vous produire un compte rendu. Je demanderai certes à mon bureau de Moncton de me préparer un compte rendu de leurs activités dans les autres provinces maritimes. Il existe des fonctions de liaison et des enquêtes en région. La liaison existe tant avec les institutions fédérales qu'avec les deux grandes communautés linguistiques. Je vous fournirai cette information.

Le sénateur Comeau: Je ne les ai jamais rencontrés dans ma région, du moins.

Le sénateur Lapointe: Mon intervention sera plutôt un commentaire qu'une question. En fait, il s'agit d'une constatation. Au cours de mes trois années au Sénat, il m'a été permis de constater que plusieurs sénateurs anglophones ne parlaient pas le français. Toutefois, les sénateurs francophones, en majorité, font des efforts pour s'exprimer en anglais.

De ce fait, j'ai rédigé une courte phrase qui résume un peu mes impressions. Atteindre un certain équilibre linguistique représente un défi de taille pour vous, Mme Adam, et vous avez mon admiration. Ma phrase est à la fois humoristique et quelque peu sarcastique: «Je comprends l'anglais, mais c'est l'anglais que je ne comprends pas ».

Le sénateur Corbin: Auriez-vous objection à ce que ce comité convoque votre directrice du bureau de Moncton? Nous serions, ainsi, mieux en mesure de prendre connaissance de la situation dans les Maritimes.

Mme Adam: Je pense que, ultimement, je suis la responsable du Commissariat.

Le sénateur Corbin: Cela passe toujours par les supérieurs, c'est bureaucratique. Vous parliez d'antennes. Nous constatons qu'il y a des problèmes qui ne sont pas réglés et qui sont en train de pourrir. Cela se passe dans nos régions et nous voudrions en savoir davantage. Vous êtes commissaire, vous avez accès à toutes sortes de dossiers. Pourquoi résisteriez-vous à notre demande d'interviewer la directrice du bureau de Moncton?

Mme Adam: Je n'ai pas de résistance. Mais vous savez quand cela ne va pas bien au Commissariat, c'est moi qui suis responsable.

Le sénateur Corbin: Ultimement c'est vous et vous le serez toujours.

Mme Adam: Je n'ai pas l'intention de déléguer cette fonction à mes subalternes. Si vous avez des insatisfactions par rapport à votre région, vous devez me les adresser. Vous êtes peut-être au courant de certains dossiers sur lesquels je ne suis pas informée.

Le sénateur Corbin: Le sénateur Comeau a des questions qu'il soulève de réunion en réunion.

La présidente: Je peux ajouter que le comité sénatorial voyagera dans l'Ouest à la fin du mois et rencontrera des responsables dans les bureaux régionaux. Si la providence politique le permet, nous voyagerons dans l'Est au début de 2004. Nous allons certainement rencontrer les responsables des bureaux régionaux y compris celui de l'Atlantique.

Mme Adam: Je tiens à réitérer au comité que je suis très ouverte à entendre les membres. Le sénateur Comeau s'est exprimé à plusieurs reprises. Je suis à l'écoute. S'il y a des situations concrètes j'aimerais les entendre. Ce sont les problèmes que je voudrais entendre. J'ai toujours été très ouverte et si des sénateurs croient qu'ils n'ont pas eu une écoute attentive de ma part ou de la part de mon personnel, je serais très surprise.

La présidente: Sur ce, je vous félicite, Mme Adam. Je vous remercie en tant que présidente du comité, j'ai toujours reçu de très bonnes réponses de votre part et de votre personnel également.

La séance est levée.


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