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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité du 
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 12 - Témoignages du 29 avril 2003


OTTAWA, le mardi 29 avril 2003

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, qui a été saisi du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, se réunit aujourd'hui à 9 h 33 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nos premiers témoins représentent le ministère de l'Industrie du Canada.

Je vous laisse la parole.

Mme Diane Champagne-Paul, directrice, Direction de l'enregistrement des lobbyistes, Industrie Canada: Madame la présidente, honorables sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir invitée au moment où vous vous penchez sur le projet de loi C-15, la Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

Je vais m'en tenir à de courtes observations d'ouverture aujourd'hui. À la lecture du débat qu'a suscité la deuxième lecture, j'ai constaté une satisfaction générale, des deux côtés de la Chambre, relativement au projet de loi.

Je crois que cette satisfaction est le reflet d'une simple réalité. Le gouvernement du Canada dispose d'un système d'enregistrement qui fonctionne bien. Nous avons un système transparent, de sorte que les Canadiens et les Canadiennes peuvent facilement voir qui exerce du lobbying auprès de quels ministères et à quels sujets. Nous avons un système qui fonctionne bien parce que tous les intervenants — les lobbyistes et ceux qui sur qui s'exerce le lobbying — comprennent à quel point ce bon fonctionnement est important.

Ceci étant dit, il est toujours possible d'améliorer la législation — surtout avec sept années d'expérience pour nous guider. D'ailleurs, on a encore plus tendance à vouloir améliorer la législation en ce moment, car les Canadiens et les Canadiennes exigent, à juste titre, que tous les établissements publics agissent de manière à mériter leur confiance.

[Français]

Tout d'abord, décrivons brièvement le système d'enregistrement des lobbyistes en vigueur. Avec le projet de loi C- 15, quatre principes clés guident le système actuel et le guideront toujours.

Premièrement, l'accès libre au gouvernement est une importante question d'intérêt public. Deuxièmement, nous reconnaissons que le lobbying des titulaires de charge publique est une activité légitime. Troisièmement, nous pensons que les titulaires de charge publique et le public méritent de savoir qui cherche à influencer le gouvernement.

Enfin, nous comprenons qu'un système quelconque d'enregistrement des lobbyistes rémunérés devrait fonctionner de manière à ne pas nuire au libre accès au gouvernement. La loi actuelle est axée sur les individus qui sont rémunérés pour contribuer à influencer les titulaires de charge publique et ce, sur le plan de la législation, de la réglementation, des politiques, des programmes ou des subventions et contributions.

Par «titulaire de charges publiques», nous entendons les parlementaires et leur personnel ainsi que les employés fédéraux, y compris ceux des Forces canadiennes et de la Gendarmerie Royale du Canada. La loi énonce les différents types d'information que les lobbyistes ont à déclarer et prépare le terrain en vue de l'application de leur code de déontologie et de leurs normes de conduite qui précisent davantage l'orientation prévue dans la législation.

Le projet de loi C-15 est le point culminant d'un examen approfondi. Le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de l'autre Chambre a étudié la loi en 2001. Il a formulé des recommandations au sujet de certains aspects et a recommandé qu'aucun changement ne soit apporté dans d'autres cas en insistant sur le fait que la loi fonctionne déjà bien.

Cela a donné lieu à ce nouveau projet de loi qui n'a été que légèrement amendé avant son arrivée au Sénat. Comme dans le cas de plusieurs projets de loi, des amendements de forme assurent la cohérence des versions anglaise et française et règlent les questions mineures de formulation découvertes avec le temps. Les changements plus substantiels proposés dans le projet de loi C-15 portent sur trois grands aspects.

[Traduction]

Le premier changement vise à éliminer la confusion qui règne au sujet de ceux qui doivent s'enregistrer comme lobbyistes.

Sous le projet de loi C-15, à moins qu'il s'agisse d'obtenir de simples faits, si une personne communique avec un titulaire de charge publique et cette personne est rémunérée pour le faire, alors elle doit s'enregistrer comme lobbyiste. Le projet de loi C-15 éliminerait aussi l'exception qui s'applique actuellement si c'est le titulaire de charge publique qui prend l'initiative de communiquer avec les lobbyistes. Ainsi, peu importe la personne qui fait la première démarche, dès qu'il y a communication, l'enregistrement devient obligatoire.

Le deuxième changement créerait un seul système d'enregistrement couvrant les lobbyistes employés par des entreprises sans but lucratif — ceux qui sont désignés dans la législation par l'expression «lobbyistes salariés». En vertu du nouveau système qui est proposé pour les lobbyistes salariés, ce serait le premier dirigeant de l'entreprise ou de l'organisation qui devrait en fait s'enregistrer au nom de celle-ci. Les changements feraient donc porter la responsabilité du respect de la loi à la haute direction. L'enregistrement deviendrait obligatoire lorsque les activités cumulatives de lobbying de tous les employés correspondent à au moins 20 p. 100 du temps de travail d'un employé. Il en ira de même pour l'obligation d'actualiser l'enregistrement et le désenregistrement de l'information, de façon à offrir aux Canadiens et aux Canadiennes l'information la plus à jour possible.

En plus, le projet de loi vous parvient avec une modification apportée par la Chambre. On a convenu qu'il serait conforme à l'intention du projet de loi d'exiger que les lobbyistes salariés qui ont déjà travaillé pour le gouvernement du Canada donnent de l'information sur les postes qu'ils ont occupés.

Le dernier grand changement que je tiens à mentionner consiste à obliger le conseiller en éthique et son personnel à porter à l'attention de la police ce qu'ils découvrent au cours de leurs propres enquêtes et qui semble contrevenir à une loi quelconque.

[Français]

Avant de terminer, je tiens à mentionner certains points récurrents que certains d'entre vous soulèveront sans doute au sujet du système d'enregistrement des lobbyistes, de la présente loi ainsi que des propositions sur lesquelles se penche actuellement le comité. Il s'agit de la question d'étendre la portée des exigences relatives à l'information à fournir en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

Par exemple, on a proposé que les lobbyistes donnent le nom de tous les titulaires de charge publique avec qui ils entrent en contact. Toutefois, lorsque le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie s'est penché sur cette question particulière en 2001, il a décidé de ne pas y donner suite. En effet, il en est venu à la conclusion que la divulgation de cette information n'améliorerait pas beaucoup la transparence, mais qu'elle irait à l'encontre des principes sous-jacents de la loi. Le comité était d'avis qu'en exigeant davantage d'information, on nuirait aux communications entre le titulaire de charge publique et les lobbyistes. Il était certainement d'avis qu'on augmenterait ainsi considérablement le coût de la conformité et de l'application de la loi. Le gouvernement est d'accord avec le comité.

[Traduction]

On peut en dire autant de la suggestion selon laquelle les lobbyistes devraient déclarer leurs honoraires. Au moment où la loi actuelle a été examinée, en 1994-1995, et à nouveau en 2001, les comités parlementaires ont conclu que, puisque d'autres professionnels peuvent participer au processus d'élaboration des politiques sans avoir à déclarer leurs honoraires, il serait arbitraire de traiter les lobbyistes différemment. À cet égard, encore une fois, le gouvernement est d'avis que le comité a eu raison.

Je terminerai mes observations avec ceci: les examens parlementaires, le témoignage des gens qui connaissent bien le processus de lobbying et notre propre impression de la situation nous font dire que le système fonctionne bien. Le lobbying est une activité légitime, qui doit s'exercer avec transparence. Il est de l'intérêt de ceux qui croient à un gouvernement ouvert, efficace, qu'il en soit ainsi. Le système fonctionne bien, car tous les intervenants savent qu'ils doivent faire qu'il fonctionne bien et démontrer que c'est le cas. Les quelques modifications dont nous discutons ici aideront un système déjà efficace à fonctionner encore mieux et à inspirer davantage confiance aux Canadiens et Canadiennes.

Honorables sénateurs, j'attends vos questions.

Le sénateur Stratton: Je sais que vous ne pourrez peut-être pas répondre à cette question, mais plusieurs personnes nous ont dit que le projet de loi C-15 ne peut fonctionner que si la Chambre et le Sénat adoptent une série de règles de déontologie qui s'appliquent en conjonction avec cette mesure. C'est ainsi que je perçois et comprends cette situation.

Quel processus envisagez-vous? J'attends vos commentaires.

Quel serait, selon vous, le processus si le projet de loi était appliqué avec les commissaires à l'éthique qui remplaceraient le conseiller en éthique? Je m'attendrais, ou même j'espérerais qu'il y ait des commissaires à l'éthique, peut-être trois — un pour chacune des Chambres et un autre pour l'exécutif.

Pourriez-vous nous exposer votre point de vue sur la manière dont cette mesure pourrait s'appliquer?

Mme Champagne-Paul: Tout d'abord, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, la LEL, et les amendements à la loi que propose le projet de loi C-15 sont distincts de la série de mesures en matière d'éthique. Si cette série de mesures était adoptée, il y aurait des amendements connexes pour que la LEL reste applicable. À mon avis, ce sont deux choses distinctes et la LEL devrait pouvoir s'appliquer.

Le sénateur Stratton: J'observe tout cela et j'essaie de comprendre comment vous pouvez concevoir que cela puisse fonctionner? Il y aurait, de fait, peut-être trois commissaires à l'éthique. J'aimerais que vous envisagiez cette hypothèse. Il semble que vous devriez composer avec trois commissaires à l'éthique, en plus d'essayer de tenir votre boutique. Quelle serait, selon vous, la nature de la relation?

Mme Champagne-Paul: En vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, il y a deux fonctions. Tout d'abord, le directeur est responsable de l'application des exigences en matière d'enregistrement. En ce qui concerne le Code de déontologie des lobbyistes, comme vous le savez sûrement, dans le système actuel, c'est la responsabilité du conseiller en éthique.

Je suppose qu'avec la série de mesures en matière d'éthique, si elles entrent en vigueur et à ce moment-là seulement, la partie de la loi qui régit les responsabilités de l'application des exigences en matière d'enregistrement sera maintenue.

En ce qui concerne l'application du Code de déontologie des lobbyistes, je suppose que le nouveau commissaire à l'éthique se substituerait au conseiller en éthique actuel. Ce ne sont toutefois que des spéculations. Je suppose que c'est ainsi que cela fonctionnerait.

Le sénateur Stratton: Comment le système fonctionne-t-il maintenant avec le conseiller en éthique? Est-ce que votre ministère a quoi que ce soit à faire avec le bureau du conseiller en éthique, ou sont-ils absolument distincts?

Mme Champagne-Paul: C'est pour l'uniformité, si on veut. En tant que directrice, je fournis une espèce d'appui. Je suis chargée d'assurer l'observation des exigences en matière d'enregistrement. J'appuie le conseiller en éthique dans son examen des dossiers où il pourrait y avoir violation, ou allégation de violation du Code de déontologie des lobbyistes en m'assurant que la personne contre qui la plainte est dirigée est, de fait, un lobbyiste.

Je ne suis pas sûre de bien répondre à votre question, mais c'est ainsi que cela fonctionne actuellement.

M. Pierre Legault, avocat général principal, Industrie Canada: Si je peux ajouter quelque chose, le conseiller en éthique est aussi responsable de créer et de réviser un code de déontologie des lobbyistes qui s'applique à ceux qui s'enregistrent. Ces deux personnes doivent donc entretenir une relation de travail étroite à cette fin.

Quant à ce qui arrivera dans le futur, cela dépend dans une large mesure du système dont décideront la Chambre des communes et le Sénat.

Le sénateur Stratton: Je vois.

Le sénateur Robertson: La loi ne semble pas prévoir de sanction pour les lobbyistes qui l'enfreignent. Comment est- ce que ce sera corrigé?

Mme Champagne-Paul: Des sanctions sont prévues dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes en vigueur actuellement.

Le sénateur Robertson: Est-ce que vous pourriez me les dire?

Mme Champagne-Paul: Il y a deux types de situations qui sont passibles de sanctions: l'omission de s'inscrire comme lobbyiste et la communication volontaire de renseignements erronés.

Quand de telles allégations sont faites, en tant que directrice, j'examine la question pour m'assurer que les faits confirment de telles allégations. Le cas échéant, le dossier serait transmis à la Gendarmerie Royale du Canada, la GRC. Si des accusations sont portées, la sanction pour avoir omis de s'enregistrer pourrait être sous forme d'une amende maximale de 25 000 $ ou de peine d'emprisonnement pour une période maximale de six mois, ou les deux. S'il y a eu communication de renseignements erronés, les sanctions pourraient être une amende maximale de 100 000 $ et une peine d'emprisonnement pour une période maximale de deux ans.

M. Legault: Il y a un autre aspect à cette question, qui est la violation du Code de déontologie des lobbyistes, aussi. La sanction, dans ce cas-là, est un examen public et un rapport au Parlement.

Le sénateur Joyal: Au haut de page 4 de la version française de votre présentation, nous voyons qu'il est fait référence aux principes sous-jacents de la loi, soit, si je comprends bien, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

[Français]

Vous faites référence aux principes sous-jacents de la loi.

[Traduction]

Je suis intrigué par ces principes sous-jacents. Pourriez-vous les expliquer un peu? Si vous en parlez, vous avez probablement une bonne idée de ce qu'ils sont.

[Français]

Quels sont les principes sous-jacents de la loi?

[Traduction]

Cela nous aiderait à comprendre l'objectif fondamental de ce projet de loi. J'ai lu le projet de loi, et mes collègues aussi. Nous pouvons en faire une lecture superficielle. Toutefois, il est important que nous comprenions ce que nous faisons dans le système. Pour comprendre le système, nous devons en comprendre les principes sous-jacents, dont vous parlez dans votre déclaration.

Mme Champagne-Paul: Les quatre plus grands principes sous-jacents dont j'ai parlé dans ma déclaration d'ouverture sont, en fait, intégrés au préambule de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes qui est en vigueur actuellement.

Ces quatre principes sont: premièrement, la liberté d'accès aux institutions de l'État, ce qui revêt une grande importance pour les intérêts publics; deuxièmement, la reconnaissance du lobbying comme une activité légitime; troisièmement la transparence — la loi spécifie «Vu l'opportunité d'accorder aux titulaires d'une charge publique et au public la possibilité de savoir qui cherche à exercer une influence auprès de ces institutions»; et quatrièmement, que lorsqu'il y a un système d'enregistrement pour les lobbyistes salariés, ce système ne doit pas faire obstacle à la liberté d'accès aux institutions de l'État. Ce quatrième principe est relié au premier, la liberté d'accès aux institutions de l'État.

Ce sont les quatre principaux éléments qui guident la loi proposée et continuent de guider le projet de loi C-15 que vous avez devant vous aujourd'hui.

Le sénateur Joyal: Est-ce que vous n'avez pas jugé approprié, dans votre examen de l'application du projet de loi, depuis son adoption en 1985, d'ajouter d'autres principes dans le contexte global des séries de mesures qu'a adopté l'État pour améliorer «la transparence attribuée aux activités publiques» y compris aux membres de la Chambre des communes, aux sénateurs, aux ministres, aux partis politiques et à tout l'ensemble des initiatives que l'État a proposées à l'autre chambre et dont certaines sont actuellement devant le Sénat?

Là où je veux en venir, c'est que nous devons aller un peu plus loin, c'est-à-dire le principe voulant non seulement que justice soit faite, mais aussi paraisse l'être. Autrement dit, il doit y avoir un principe. Je déteste l'expression «la série de mesures en matière de déontologie mais, à défaut de mieux à proposer, c'est elle que j'utiliserai. Dans la série de mesures en matière de déontologie qui s'appliquent aux députés, aux sénateurs et aux ministres, le fait que justice doit paraître avoir été faite est un élément fondamental de la conviction qu'il existe un élément impartial d'appréciation dans le système.

Nous sommes beaucoup qui avons l'expérience dans l'administration publique, que ce soit au niveau provincial ou fédéral, et à comprendre qu'il y a un vaste domaine de la prise de décisions qui relève de l'administration publique. Les ministres sont réputés responsables, mais la plupart du temps, et j'ai été ministre, nous sommes confrontés à une décision qui a déjà été prise et nous devons appuyer cette décision.

À mon avis, le principe qui sous-tend les activités de lobbying doit être comparable et aussi exigeant au plan de l'administration publique que ce qui est attendu des représentants élus et désignés, qui doivent rendre des comptes au public.

Les membres de la Chambre doivent répondre de leurs actes directement au public par l'entremise du processus électoral. Les sénateurs rendent des comptes à la Chambre et à l'autre organe par l'entremise de leurs décisions parce qu'ils ne peuvent agir seuls. Les ministres relèvent directement de la Chambre. L'administration publique ne rend pas directement compte au public, que ce soit directement ou par le biais du système. Elle le fait par l'entremise des ministres.

Il existe un principe sous-jacent voulant que l'administration publique doit paraître impartiale et motivée uniquement par l'intérêt public. L'objectif essentiel de l'activité lobbyiste est de défendre des intérêts privés limités. Nous devons en comprendre la dynamique. Cette dynamique, c'est que nous avons une administration responsable de l'ensemble des citoyens, au plan de l'administration publique, puis il y a les lobbyistes qui représentent un secteur restreint de l'intérêt public, qui se limite aux intérêts professionnels, économiques, sociaux ou culturels.

Il est important de préserver la confiance, d'abord et avant tout, faite à l'administration publique. Lorsque nous relevons la barre pour les députés, les sénateurs et les ministres, la question que j'ai à poser est la suivante: ne devrions- nous pas aussi la relever d'autant pour l'administration publique? Ne devrait-il pas y avoir un autre principe sous- jacent, ou un autre «vu», dans le projet de loi, pour dire clairement que la défense de l'intérêt public est l'objectif primordial de l'administration publique et que c'est le critère qui doit guider le système?

C'est un élément important si nous voulons essayer d'accroître la transparence et la confiance dans les institutions de l'État, et c'est pourquoi ce devrait être reflété dans le corps de la loi qui est proposée.

Pourriez-vous commenter cela, je vous prie?

Mme Champagne-Paul: Le début de la question fait référence à l'évolution de la transparence au cours des années 80, et vous dites que vous aviez espéré que la transparence allait suivre cette évolution. À mon avis, le concept de la transparence est l'un des plus importants principes sous-jacents de cette loi proposée qui ait suivi cette évolution.

Lorsque la première Loi sur l'enregistrement des lobbyistes a été promulguée, en 1988-1989, elle imposait une espèce d'exigence minimale d'enregistrement. On demandait plus ou moins aux lobbyistes de présenter quelque chose qui ressemblait à une carte d'affaires, soit leur nom, leur adresse et leur numéro de téléphone.

En 1993, 1994 et 1995, lors d'un examen parlementaire de ce texte de loi, on a pensé que la question de la transparence venait à l'avant-plan, avec l'exigence de données plus détaillées. Aujourd'hui, non seulement les lobbyistes doivent-ils fournir leur nom et leur adresse d'affaires, mais ils doivent aussi fournir les noms de leurs clients. Ils doivent révéler l'objet de leur mandat. Si des sociétés sont mêlées à leurs activités, ils doivent divulguer le nom de toute filiale ou société mère pouvant bénéficier de leurs activités de lobbying, ainsi que le financement qu'ils peuvent recevoir d'autres niveaux de gouvernement.

C'est ce que nous avons pour l'instant. Dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes actuelle, nous avons constaté un plus haut degré de transparence. Nous avons observé, d'après l'expérience du système actuel que nous avons eue jusqu'à maintenant, qu'il est très efficace et fonctionne bien. Avec le registre public, les gens peuvent consulter le registre et y trouver toute l'information dont ils ont besoin. Le projet de loi C-15 propose maintenant d'accroître la transparence avec l'amendement récent que propose la Chambre sur la divulgation des fonctions antérieures que les lobbyistes salariés peuvent avoir occupé.

Pour ce qui est de l'administration publique, elle doit afficher un certain degré d'éthique, si on peut dire. Il y a un code de déontologie pour les titulaires de charge publique, pour les fonctionnaires, un code de déontologie qui exige des fonctionnaires qu'ils observent une certaine norme de conduite.

Le sénateur Joyal: M. Legault est venu à la Chambre avec le conseiller en éthique, et je pense qu'il pourrait nous être utile ce matin.

M. Legault: Telle qu'elle est actuellement, la loi met l'accent sur la nécessité pour les lobbyistes eux-mêmes de s'enregistrer et de dire auprès de qui ils feront des pressions. Il y a déjà un certain degré de transparence, en ce qui concerne les institutions de l'État elles-mêmes. La question que vous avez soulevée va, dans un sens, beaucoup plus loin que la simple application de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes; elle concerne le rôle de la fonction publique elle- même et de la confiance que le public doit avoir en elle. Je pense que la loi, et probablement certaines réformes que le gouvernement propose pour l'administration publique dans son ensemble, s'appuieront sur certaines des idées que vous avez exposées.

Sans aucun doute, le droit du public de recevoir un bon service et son droit à la transparence sont bien servis par ce texte de loi qui est proposé. D'un autre côté, je ne suis pas sûr que l'ajout de cet amendement au préambule du projet de loi ajouterait nécessairement grand-chose à la loi.

Un autre problème qui se pose, c'est comment on peut intégrer cela à la loi? Est-ce que cela veut dire que nous devrons ajouter toutes sortes d'autres dispositions et imposer des obligations aux fonctionnaires pour réaliser cet objectif? Le cas échéant, il est évident que ce serait une initiative de grande envergure et qu'il faudrait y investir une réflexion approfondie.

Le sénateur Joyal: Cela m'inquiète parce que le paragraphe 3(2), qui modifie l'alinéa 4(2)c) de la loi supprime l'obligation de divulguer une demande par écrit émanant d'un titulaire de charge publique visant des conseils ou des commentaires. Nous sommes ici, comme je l'ai dit, non seulement pour nous assurer que justice soit faite, mais pour qu'elle paraisse avoir été faite. Il y a là une possibilité d'échappatoire de la taille d'un éléphant. Cette clause exempte le lobbyiste de l'obligation de s'enregistrer s'il reçoit par écrit, de la part d'un titulaire de charge publique, une demande de conseils et de commentaires. Un moyen de contourner la loi serait, en fait, de dire «Eh bien, je vous écrirai une lettre en tant que titulaire de charge publique. Donnez-moi vos commentaires».

De par sa nature même, l'activité de lobbying défend les intérêts individuels limités, et le titulaire de charge publique est là pour défendre l'intérêt public. Par conséquent, tout ce qui peut être fait par un titulaire de charge publique qui pourrait avoir pour effet de l'exempter de l'obligation imposée par cette loi est, selon moi, contraire aux objectifs sous- jacents des séries de mesures que propose l'État pour accroître la transparence.

Ceci nous pose problème, et le comité a consacré de nombreuses heures à essayer de composer avec ce dilemme. Nous acceptons l'objectif général de l'État. C'est pourquoi, selon moi, lorsqu'une disposition comme l'article 3 offre à un titulaire de charge publique la possibilité ou la capacité d'éviter ou de contourner la loi, le principe sous-jacent devrait être «Écoutez, monsieur ou madame, l'objectif de transparence demeure néanmoins, et la défense de l'intérêt public est toujours partie intégrante de votre processus décisionnel».

C'est pourquoi je pense que cela devrait être répété comme un objectif sous-jacent du projet de loi — autrement dit, lorsque vous accordez cette autorisation à un titulaire de charge publique et que vous nous demandez de vous l'accorder, je demande à savoir ce que prévoit le projet de loi pour éviter les abus. Bien que je sois d'accord avec vous, nous devons resserrer le projet de loi. Je pense que bon nombre de vos propositions le resserrent, et je les appuie sans hésitation. D'autres doivent être examinés de près pour nous assurer de ne pas défaire d'un côté ce que nous essayons de faire de l'autre. Un principe qui préserve la transparence dans l'intérêt public est toujours un élément important de ce projet de loi.

La présidente: Monsieur Legault, j'avais pensé que ce projet de loi visait à combler cette brèche, et non à l'élargir.

M. Legault: L'ensemble des modifications qui sont proposées pour le paragraphe 4(2) font, en réalité, que nous comblons une brèche plutôt que d'en ouvrir. Actuellement, si le titulaire d'une charge publique communique avec un lobbyiste, ce lobbyiste n'est pas tenu de s'enregistrer. Nous éliminons cet aspect de l'équation, ce qui signifie que maintenant, même s'il y a un simple contact entre un lobbyiste et un titulaire de charge publique, il doit y avoir enregistrement. La seule exception que nous rétablissons, c'est que s'il s'agit d'une simple communication pour obtenir un élément d'information, il n'est pas nécessaire de s'enregistrer, mais dans tous les autres cas, il le faut. C'est plus rigoureux que par le passé, ou du moins ça le serait avec cet amendement.

Pour ce qui est du principe de base voulant que les titulaires de charge publique doivent démontrer avoir défendu les intérêts des Canadiens et avoir agi correctement, il est évident que nous sommes d'accord. Cela fait partie du rôle fondamental d'un fonctionnaire et d'un titulaire de charge publique.

Le sénateur Joyal: Pouvons-nous revenir sur la question du code? La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, au paragraphe 10(2), stipule que le conseiller en éthique doit élaborer un code de déontologie des lobbyistes portant sur toutes les activités décrites. Qui, actuellement, en vertu de ce projet de loi, a la responsabilité d'améliorer le Code? Quelle est la nature du Code, autrement dit? Le paragraphe (4) stipule que le Code n'est pas un texte réglementaire conformément à la Loi sur les textes réglementaires, mais qu'il doit être publié dans la Gazette du Canada.

Quelle est la nature du Code? Si vous appliquez un code, il doit avoir force exécutoire, et il doit avoir une incidence juridique. Je ne vois rien, dans le projet de loi proposé, qui dise clairement qui est responsable de la mise à jour du Code pour faire en sorte qu'il ait un effet juridique sur les lobbyistes et sur ceux qui font l'objet des pressions du lobbying — et les fonctionnaires, par exemple, sont souvent de ceux-là. J'espère que des lobbyistes viendront devant le comité nous dire qui est leur cible première lorsqu'ils veulent des changements à une décision législative — est-ce que ce sont les ministres, les sénateurs ou les fonctionnaires?

Pourriez-vous commenter cela en des termes plus précis?

M. Legault: Votre question, en partie, porte sur le titulaire de l'autorité de modifier le Code et sur le pouvoir du conseiller en éthique de promulguer ce Code, ce qui englobe le pouvoir de le modifier au fur et à mesure de ses progrès. Donc, le conseiller en éthique a le pouvoir de modifier le code et assume cette responsabilité en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

Le sénateur Joyal: Les amendements à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes donnent à penser que le directeur, qui assumerait toutes les responsabilités et l'autorité du conseiller en éthique, remplacerait celui-ci.

M. Legault: Ce ne serait pas le cas avec le projet de loi C-15, mais ce le serait avec la série de mesures en matière d'éthique. Il y aurait des changements potentiels, mais tout ceci est quelque peu incertain, parce qu'il pourrait encore y avoir certaines modifications. Un impact est possible, mais quelqu'un doit être responsable du Code et de ses modifications dans le futur.

Le sénateur Joyal: Autrement dit, les responsabilités actuelles du conseiller en éthique pourraient être transférées au directeur. Par conséquent, le directeur, en assumant ces responsabilités, devrait non seulement recevoir l'information, mais aussi faire enquête sur les allégations de faute et les plaintes.

M. Legault: Ce pourrait être le cas, oui.

Le sénateur Joyal: Il y aurait fusion de deux fonctions distinctes découlant de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

J'aimerais comprendre ce que fait le conseiller en éthique avec le Code tel qu'il est actuellement.

La présidente: J'ai ici quelque chose qui pourrait intéresser les sénateurs: le Code de déontologie des lobbyistes et un message du conseiller en éthique. C'est en quatre pages, qui comprennent le Code actuel, et peut-être les sénateurs aimeraient-ils les avoir.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit, madame Champagne-Paul, que le projet de loi C-15 mettrait fin à l'exemption actuelle en ce qui concerne l'entrée en communication d'un titulaire de charge publique avec le lobbyiste. D'après ce que je comprends, si un député devait avoir un point de vue particulier sur quelque chose et était en communication avec quelqu'un de la circonscription, cette personne-là devrait s'enregistrer.

Mme Champagne-Paul: Oui, d'après la nouvelle définition, cette personne-là devrait s'enregistrer.

M. Legault: Il ne faut pas oublier la définition de «lobbyiste», soit quelqu'un qui est payé pour faire une représentation particulière. Si un député devait discuter d'un sujet avec quelqu'un qui n'est pas payé, il ne serait pas nécessaire d'enregistrer cette personne. Si quelqu'un est payé pour faire du lobbying et que le député discute avec cette personne de ce qu'elle va représenter, à ce moment-là, elle doit s'enregistrer, à moins qu'il s'agisse d'une simple communication pour obtenir de l'information. Le directeur ou le conseiller en éthique diffuserait une interprétation d'une simple communication pour établir une espèce de directive à l'intention des lobbyistes et des titulaires de charge publique.

Le sénateur Andreychuk: Si un député ou un sénateur devait adhérer à une organisation enregistrée sans but lucratif et déclarer vouloir défendre sa cause, est-ce que cet amendement s'appliquerait et l'obligerait à le divulguer? L'organisation sans but lucratif, à ce que je comprends, devrait s'enregistrer.

Mme Champagne-Paul: Je devrais préciser que l'organisation sans but lucratif doit toujours s'enregistrer si ses activités de lobbying prennent 20 p. 100 de son temps.

Le sénateur Andreychuk: Vous élargissez donc maintenant le registre des organisations sans but lucratif, à ce que je comprends.

Mme Champagne-Paul: En vertu de la loi actuelle, il faut tenir compte des organisations sans but lucratif et des entreprises à but lucratif. Le projet de loi C-15 s'efforce de créer une espèce d'uniformité entre les deux groupes. Actuellement, en ce qui concerne les entreprises à but lucratif, c'est la responsabilité de chaque employé de s'enregistrer. Le projet de loi propose de créer une règle uniforme pour les entreprises et les organisations dans la manière dont elles se plient aux exigences en matière d'enregistrement.

Le sénateur Andreychuk: Pour clarifier cela, si un député devait défendre une ONG enregistrée, est-ce que le comportement de cette personne changerait d'une façon ou d'une autre en raison du projet de loi C-15?

Mme Champagne-Paul: Est-ce que vous parlez du député?

Le sénateur Andreychuk: Oui.

Mme Champagne-Paul: Je dirais que non. Dans le fond, le député ferait probablement cela dans le cadre de ses fonctions de représentation de la circonscription. Je supposerais que le député, dans ce cas-là, n'est pas payé par l'ONG pour ce faire. Je devrais aussi souligner qu'il faut être prudent en ce qui concerne le code relatif aux conflits d'intérêts pour les titulaires de charges publiques. Il y a certaines activités externes auxquelles un député peut ou ne peut pas participer parce que cela pourrait constituer un conflit d'intérêts. Il faut le souligner.

Le sénateur Andreychuk: La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes est née d'un principe démocratique selon lequel la population devrait avoir accès à ses institutions publiques pour les inciter à adopter des orientations qu'elle juge valable ou utile. On avait l'impression que certaines personnes avaient plus que d'autres accès à leurs institutions publiques et, par conséquent, qu'il fallait plus de transparence. L'enregistrement des lobbyistes favoriserait cette transparence, ce qui serait dans l'intérêt du public.

Vous avez mentionné quatre principes, dont le premier est l'accès libre et ouvert pour le public. Comment avez-vous pu juger, depuis l'existence du projet de loi C-15, qu'il y ait eu une amélioration au plan de l'accès plus libre et plus ouvert du public à la prise de décisions des institutions de l'État? J'entends souvent encore dire que les lobbyistes ont plus d'influence sur les gouvernements que le citoyen moyen qui tend à vouloir communiquer directement avec un ministre ou avec le premier ministre. Cette impression s'est ancrée dans l'esprit de la population, alors que les ministres et le premier ministre disent qu'ils ont consulté les intervenants, ce qui veut généralement dire ceux qui se sont, d'une façon ou d'une autre, enregistrés, et qui montrent un intérêt dans la décision. Si on tient compte de ces deux observations, comment avez-vous pu juger que ce projet de loi favorise de meilleurs principes démocratiques d'accès libre et ouvert pour tous?

Mme Champagne-Paul: Eh bien, je pourrais dire que nous avons un registre public pour l'enregistrement des lobbyistes. Dès que nous recevons un nouvel enregistrement, nous l'examinons à l'interne pour nous assurer que les données sont complètes. Une fois que nous le validons et l'acceptons, l'enregistrement est immédiatement versé sur le registre public qui est accessible sur Internet. N'importe qui peut vérifier qui fait quoi. N'importe qui peut y accéder. Ceci, en soi, devrait bien pouvoir garantir que tout le monde puisse savoir ce qui se fait pour accroître la transparence.

Il y a un autre aspect dont je devrais parler, c'est que le lobbying est réellement une activité positive parce qu'elle permet l'échange d'information. Il peut sembler, dans certains milieux, qu'une oreille plus attentive est donnée aux lobbyistes, mais la réalité, c'est qu'au moins, on sait de quoi ils parlent, et cela assure aussi un libre-échange d'information afin que les titulaires de charge publique puissent avoir une idée des deux côtés de la médaille de chaque proposition.

L'autre chose que je devrais mentionner, c'est que, lors de l'examen parlementaire, le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie a demandé au gouvernement d'effectuer une étude sur le degré de conformité avec la loi, ce qu'il a fait. Nous avons retenu les services d'un cabinet qui a effectué cette recherche et a communiqué avec les divers groupes d'intérêt pour déterminer le degré de conformité. Le résultat est qu'ils avaient l'impression qu'il y avait un bon degré de conformité, à l'exception, peut-être, dans certaines des petites villes et des régions plus éloignées. Dans les régions métropolitaines comme Toronto, Ottawa et Montréal, les lobbyistes connaissent les exigences et leurs obligations, et s'y conforment. Dans l'ensemble, je peux dire que, d'après nous, il y a eu un bon niveau de conformité. Cela démontre que l'exigence de transparence est aussi observée.

La transparence, à mon avis, est ce qui constitue le principe et l'esprit sous-jacent de la loi et ce qui permet aux gens de savoir ce qui se passe. Ils peuvent communiquer avec leurs députés ou avec un titulaire quelconque de charge publique qui, d'après eux, est la personne pertinente avec qui communiquer quand quelque chose qu'ils ont appris en examinant le registre suscite des préoccupations chez eux.

Le sénateur Andreychuk: Êtes-vous au courant d'une quelconque recherche effectuée, n'importe où au Canada, pour savoir si la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes a accru la capacité des citoyens moyens d'influencer leurs gouvernements — c'est-à-dire que l'État tient compte de l'intérêt national ou simplement du bien public plutôt que des groupes d'intérêt spécial et de leur point de vue particulier sur des textes de loi spécifiques?

Mme Champagne-Paul: Sénateur, je n'en connais pas.

La présidente: J'ai deux questions à poser, dont l'une du même ordre que les questions du sénateur Andreychuk.

À ce que je comprends, la raison d'être de ce projet de loi est principalement que l'intention est presque impossible à prouver. Vous essayez, par conséquent, de supprimer la partie relative à l'intention et de resserrer le tout. Cela m'amène à me demander si des accusations ont jamais été portées.

Mme Champagne-Paul: Madame la présidente, l'une des principales raisons d'être de ce projet de loi est l'important resserrement ou le renforcement des procédures d'application de la loi. À un moment donné, nous avons appris que quelqu'un menait des activités de lobbying sans s'être enregistré. Nous avons examiné la question, et selon nous, toutes les activités indiquaient la nécessité de l'enregistrement. La GRC a été saisie de la situation, aux fins d'enquête plus approfondie. À ce moment-là, les procureurs de la Couronne ont examiné le libellé, selon lequel quiconque communiquait en vue de modifier la loi, des règlements, des propositions de politique et ce que vous voulez, dans le but d'exercer une influence, devait s'enregistrer. À l'examen de ce texte, les procureurs de la Couronne n'étaient pas convaincus qu'ils avaient suffisamment de preuves pour intenter des poursuites. Nous devions démontrer l'intention, et c'est très difficile.

Le projet de loi C-15 supprime ce concept de tentative d'influencer. Par conséquent, s'il y a violation de la loi, ou omission d'enregistrer, il faut encore démontrer, au-delà de tout doute raisonnable, qu'une communication a eu lieu en ce qui concerne la proposition, mais il sera beaucoup plus facile de démontrer au-delà de tout doute raisonnable l'intention d'exercer une influence que ça ne l'est avec la loi actuelle.

La présidente: Autrement dit, ça n'a pas réussi?

Mme Champagne-Paul: Ça n'a pas réussi.

La présidente: Vous avez décrit deux types de lobbyistes. L'un que vous définissez comme les lobbyistes salariés, qui travaillent pour des organisations sans but lucratif, mais passent plus de 20 p. 100 de leur temps en activité de lobbying, et les autres sont des gens qui travaillent pour des entreprises ou des groupes de lobbying, qui sont des lobbyistes professionnels employés par des entreprises. Vous avez aussi dit que ce projet de loi s'efforce d'harmoniser la procédure applicable à ces deux groupes. Il me semble qu'il n'y parvient pas.

L'amendement qui a été formulé à la Chambre des communes dit que les lobbyistes salariés qui travaillaient auparavant pour le gouvernement du Canada doivent fournir des renseignements sur les postes qu'ils ont occupés. Est- ce que les lobbyistes professionnels doivent aussi fournir ce type d'information?

Mme Champagne-Paul: Non, madame la présidente. Permettez-moi de m'expliquer. Lorsque je dis qu'il y a deux groupes de lobbyistes, j'aurais dû dire qu'actuellement, il y en a trois. Il y a les lobbyistes-conseils, qui sont les lobbyistes professionnels. Il y a les lobbyistes salariés, qui exercent des pressions en tant qu'employés d'entreprise, et il y a les lobbyistes salariés qui sont les employés d'entreprises sans but lucratif.

La présidente: Cet amendement s'applique aux deux groupes d'employés salariés, mais pas au troisième?

Mme Champagne-Paul: C'est bien cela, madame la présidente.

La présidente: Pour le troisième groupe, il n'y a pas d'équité. Pourquoi pas?

Mme Champagne-Paul: C'est un amendement qui vient de la Chambre. Nous n'avons pas été consultés à ce sujet. Il a juste été présenté comme ça.

La présidente: Est-ce que vous êtes d'accord avec cet amendement?

Mme Champagne-Paul: En fait, nous pensions que le régime actuel du système et les exigences de divulgation qu'impose la loi actuelle suffisaient et le comité permanent le pensait aussi d'après le rapport qu'il a déposé en 2001. Il était d'avis que les exigences de divulgation en vigueur qui s'appliquent à tous les lobbyistes étaient suffisantes. Nous étions d'accord avec les conclusions du comité à l'époque. Toutefois, si c'est ce que veut ce comité, nous pourrons l'administrer.

La présidente: Vous devrez en administrer les deux tiers maintenant, quoi qu'il arrive, puisque cet amendement a été adopté à la Chambre des communes. L'amendement, pour ceux d'entre nous qui n'ont pas suivi la question, fait que les lobbyistes salariés devront indiquer les postes qu'ils ont occupés au sein de la fonction publique fédérale, mais cela ne s'applique pas aux lobbyistes professionnels.

Mme Champagne-Paul: C'est bien cela.

Le sénateur Joyal: J'aimerais revenir sur la question du code. C'est un élément qu'il est important de comprendre. Je pense que mes collègues comprendront que le Code de déontologie — je remercie la présidente de l'avoir distribué — n'est pas un document ayant force exécutoire de la même nature qu'un règlement, puisque ce n'est pas un texte réglementaire. La présidente se rappelle que dans une autre vie, au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, nous avons discuté du fait qu'un règlement, ou une disposition imposant une obligation sous forme d'un règlement, ait force exécutoire devant les tribunaux et que les tribunaux sont tenus de l'appliquer.

La proposition que vous avez faite ne règle pas le problème du changement ou du resserrement de la nature du Code, ni n'attribue au Code une fonction légale ayant force exécutoire, elle n'impose aucune obligation à ceux à qui elle s'applique.

D'après ce que je comprends de la loi, la seule sanction que puisse subir quelqu'un doit être fondée sur d'autres articles de la loi et non pas sur le Code en tant que tel. Autrement dit, quelqu'un peut être frappé d'amende pour avoir enfreint la loi, mais pas pour avoir enfreint le Code de conduite. Ai-je raison de l'interpréter ainsi?

Mme Champagne-Paul: Oui, sénateur, c'est bien cela. La loi actuelle exige que, lorsqu'il y a constat d'infraction au Code de conduite, le conseiller en éthique doit dresser un rapport de ses conclusions, et le rapport est déposé au Parlement.

Le sénateur Joyal: Autrement dit, la seule sanction que puisse subir quelqu'un qui ne respecte pas ce code que nous avons devant nous est, en fait, un rapport que remet le conseiller en éthique actuel au directeur général, qui se trouve à le présenter au Parlement. C'est, en gros, la nature de la sanction, n'est-ce pas?

Mme Champagne-Paul: C'est bien cela.

Le sénateur Joyal: Il n'y a pas de sanction, par exemple, pour empêcher quelqu'un de faire du lobbying pendant une année, ou toute autre pénalité qui peut nous venir à l'esprit, en cas d'infraction grave au Code. Autrement dit, le conseiller en éthique fait une enquête, et le rapport de cette enquête qui établit qu'il y a eu infraction au Code est remis par le conseiller en éthique, au ministre, qui le présente au Parlement. Est-ce que je me trompe, ou n'y a-t-il aucune poursuite ni pénalité pour aucune infraction, à part ce que le Parlement peut décider de faire?

M. Legault: Vous avez raison, sénateur. La seule chose que nous puissions ajouter, c'est qu'avec la proposition de ce projet de loi, si le conseiller en éthique découvre qu'une infraction criminelle ou toute autre violation a été commise, il doit en saisir la Gendarmerie royale du Canada qui, évidemment, ferait alors enquête. Ce ne sera pas une infraction au code en soi.

Le sénateur Joyal: Ce serait en vertu de l'article 121 du Code criminel.

M. Legault: Oui, ou toute autre infraction.

Le sénateur Joyal: Mais il s'agit maintenant d'affaires criminelles, et non pas de questions d'éthique.

M. Legault: C'est vrai.

Le sénateur Joyal: Lorsque vous avez examiné la question de la mise en oeuvre du code, avez-vous trouvé des rapports qu'aurait présenté le conseiller en éthique au directeur, qui auraient été remis au Parlement depuis une quinzaine d'années, environ, que la loi est en vigueur?

Mme Champagne-Paul: Jusqu'à maintenant, aucun rapport n'a été remis, bien qu'il y ait eu des allégations d'écart de conduite. Cependant, après examen, il a été conclu que, dans tous les cas, il n'y avait pas eu d'infraction.

Peut-être ceci reflète-t-il le fait que les lobbyistes connaissent leurs responsabilités et leurs obligations. Il existe une institution, appelée l'Institut de relations gouvernementales du Canada, qui a adopté son propre code de déontologie. De nombreuses entreprises ou associations qui représentent les lobbyistes ont adopté des codes de conduite pour s'assurer qu'ils observent les normes en matière d'éthique.

Ceci démontre que, bien qu'aucune sanction criminelle n'ait été liée aux infractions, le fait reste que nous avons offert à un groupe éthique, qui connaît ses obligations. J'en déduis que la possibilité de devoir présenter un rapport au Parlement ferait du tort à leur réputation, et probablement à leur subsistance.

Le sénateur Joyal: Dans vos réponses antérieures, vous avez parlé d'une étude qui a été commandée pour évaluer l'incidence de la manière dont les objectifs du projet de loi ont été servis, de façon générale. Est-ce qu'il serait possible pour nous d'en connaître les conclusions?

Mme Champagne-Paul: Oui. Le rapport a été versé sur notre site Web. Si vous voulez, cependant, je peux me charger d'en fournir des exemplaires aux membres du comité.

Le sénateur Joyal: Si c'est sur votre site Web, nous le trouverons.

Dans le préambule du Code de déontologie des lobbyistes daté du 1er mars 1997, qui a été diffusé par le conseiller en éthique, il est question du principe que j'expliquais au départ. Ce principe, le conseiller en éthique le décrit dans le préambule du Code de déontologie des lobbyistes, où il dit que «le Code contribuera beaucoup à accroître la confiance du public dans l'intégrité des décisions gouvernementales. La confiance que font les Canadiens aux titulaires de charge publique pour prendre des décisions d'intérêt public est vitale à une société libre et démocratique».

Ça ne dit que ce que j'essayais d'expliquer tout à l'heure. Puisque nous examinons la loi, c'est un principe important pour interpréter les quatre premiers principes sous-jacents qui constituent l'objectif global du code, c'est-à-dire d'assurer que le public aie suffisamment confiance dans la prise de décisions, particulièrement en ce moment même, alors que nous essayons d'accroître la transparence et la confiance dans ceux qui prennent des décisions au nom de tous les Canadiens.

Je pense qu'il est important de veiller à ce que ceci devienne partie intégrante de la loi elle-même. Ce serait une claire indication que, dans la relation entre un lobbyiste et l'administration publique, il faut un juste équilibre entre les intérêts privés et les intérêts publics. Ce projet de loi, et les nouveaux amendements, s'efforcent d'établir cet équilibre parce qu'un citoyen qui se trouve à ne pas pouvoir agir par l'entremise d'un lobbyiste veut pouvoir être sûr que ceux qui prennent les décisions et qui feront l'objet de pressions de la part des lobbyistes agiront toujours dans l'intérêt public.

Il semble qu'il est absolument fondamental, dans la mesure où vous reconnaissez la légitimité du lobbying et de la publicité du lobbying, que vous reconnaissiez aussi, en même temps, que la personne qui fait l'objet du lobbying doive toujours agir dans l'intérêt du public, et en fait, c'est ce que dit le Code. Si le Code le dit, ce devrait être aussi dans le préambule du projet de loi. C'est ce qu'à mon avis les objectifs sous-jacents — pour utiliser votre propre expression — devraient dire clairement, si nous voulons nous assurer d'améliorer le système et de donner une chance équitable à tout le monde. Dans le fond, c'est ce que nous essayons de faire ici, non pas d'empêcher le lobbying et de le rendre plus difficile plutôt que d'y mettre une limite raisonnable, mais, de notre côté, nous veillons à ce qu'il y ait un équilibre dans tout cela.

La loi a été adoptée en 1987, n'est-ce pas?

Mme Champagne-Paul: En 1988.

Le sénateur Joyal: Il a fallu dix ans pour avoir un code de déontologie. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose de fondamental qu'il nous faut répéter dans cet objectif général, qui est d'essayer d'améliorer le système de façon responsable. Nous ne faisons pas de tort aux principes du système en le disant, nous ne faisons que réitérer ce que le commissaire à l'éthique lui-même a déclaré comme étant l'un des principaux objectifs de l'initiative globale.

La présidente: Je crois que vous avez raison, sénateur Joyal. Cependant, le projet de loi auquel nous avons affaire ne touche que le troisième paragraphe du préambule. Il ne remet pas en question l'ensemble du préambule. Peut-être devrions-nous nous en tenir au projet de loi qui est devant nous.

Le sénateur Joyal: Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit dans la recommandation royale qui nous en empêche, puisque le préambule est ouvert. Le préambule de la loi est ouvert, et s'il est ouvert, cela signifie qu'il peut être débattu et modifié. La recommandation royale ne nous en empêche nullement, d'après ce que je lis de la nature de nos délibérations.

La présidente: Je pense qu'il s'agit seulement du troisième paragraphe, mais nous devrons le vérifier. Peut-être avez- vous raison, sénateur.

Le sénateur Joyal: Il y a aussi la possibilité d'ajouter un préambule lorsqu'il n'y en a pas dans une loi. La présidente se rappellera nos discussions antérieures à ce sujet.

La présidente: Beaucoup trop bien.

M. Legault: La modification qui est proposée au préambule vise à supprimer l'expression, dans un effort d'amélioration. C'est le seul objectif de cet amendement.

Quant à la suggestion de, peut-être, modifier le préambule comme vous l'avez proposé, monsieur le sénateur, je pense que la présidente a soulevé un sujet qui mérite réflexion. Je crois que c'est à ce comité de faire une recommandation appropriée à ce sujet.

Le sénateur Joyal: Est-ce que vous commenterez la nature même du Code, selon quoi ce n'est pas un règlement, et qu'alors, en tant que tel, il n'a pas de force exécutoire sur ceux à qui il s'applique?

M. Legault: Vous avez raison de dire que le Code n'est pas un texte réglementaire. En même temps, il y a aussi une disposition qui dit que les lobbyistes doivent observer le Code. Ainsi, ils sont tenus d'y adhérer, mais la sanction en elle- même est seulement qu'un rapport pourrait être présenté, en fin de compte, au Parlement, et il n'y a aucune autre sanction. Il n'y a ni amende, ni peine d'emprisonnement, etc.

Le sénateur Joyal: Croyez-vous qu'en 2003, il n'est pas nécessaire de donner force exécutoire au Code sur ceux à qui il s'applique après tant d'années d'application de la loi?

M. Legault: D'après mon expérience, tout d'abord, il y a eu peu d'occasions où la question a été soulevée auprès du conseiller en éthique. Il y a eu quelques enquêtes, et ces enquêtes ont conclu que les faits ne constituaient pas une violation du Code. Selon notre expérience, il n'y a pas eu de besoins réels en ce sens. Nous n'avons pas eu de situations qui aient nécessité de sanctions en tant que telles. Notre expérience, sur ce plan, est limitée.

Mme Champagne-Paul a mentionné que, en plus du fait qu'il n'y ait pas eu tellement de ces situations, l'examen public qui serait fait de ces personnes soupçonnées d'avoir enfreint le Code pourrait, en soit, comporter certaines sanctions contre elles — peut-être la perte de contrats, de leur réputation, etc. On a toujours pensé que cela suffisait.

S'il devait y avoir un gros problème de non-observation du Code, peut-être, alors, serait-ce indiqué d'envisager des mesures additionnelles pour limiter ces infractions ou ce comportement, mais jusqu'ici, cela n'a pas été le cas.

Une autre difficulté qui pourrait survenir est la mesure dans laquelle vous pourriez appliquer un tel code. Cela deviendrait alors assez difficile, peut-être, et vous pourriez avoir besoin de pouvoirs d'enquête additionnels. Alors, vous soulèveriez d'autres questions sur ce que vous voudriez accomplir et ce qu'il faudrait pour y parvenir.

Actuellement, toutefois, il n'y a pas eu assez de ces situations pour justifier des mesures plus sévères. Les gens ont assez bien respecté le code.

Le sénateur Andreychuk: Combien de ces situations ont-elles fait l'objet de rapports depuis l'entrée en vigueur du Code?

M. Legault: Mme Champagne-Paul a dit qu'il n'y en avait pas eu qui aient fait l'objet de rapports, mais plusieurs ont fait l'objet d'enquêtes. Je ne sais pas exactement combien.

Le sénateur Andreychuk: Vous disiez que le rapport et la publicité constituent la sanction, et qu'il y a eu bien peu de ces situations qui ont été citées et ont fait l'objet de rapports, et alors, votre argument serait renforcé comme quoi l'examen public est efficace?

M. Legault: Comme je le disais, aucune de ces affaires n'a fait l'objet de rapports, mais il y en a eu plusieurs qui ont fait l'objet d'enquêtes, lesquelles ont conclu qu'il n'y avait pas eu d'infraction au Code. Ceci, en soi, démontre qu'il n'y a pas eu de situations où on a pu démontrer que les gens n'avaient pas observé le Code.

Le sénateur Joyal: Il y a toujours la théorie voulant que le verre est à moitié vide ou à moitié plein. Il n'y a pas d'infraction au Code, donc le Code est parfait. Peut-être est-ce parce que le Code ne prévoit pas une série appropriée de «sanctions» avec une référence aux articles du Code criminel qui ne sont pas appliqués, puisque la sanction générale est si importante qu'en fait, tout le monde s'abstiendra de l'activité.

C'est une théorie, et de bonne foi d'après la nature humaine, et je suis de ceux qui aiment à croire que la nature humaine est bonne, mais nous avons affaire ici à des intérêts très importants. Peut-être nous faudra-t-il savoir combien de lobbyistes sont payés et quelle est l'importance des activités économiques. Nous n'en avons pas encore parlé, mais cela fait partie de la réalité de toute la question.

M. Legault: De fait, le conseiller en éthique a fait enquête sur plusieurs situations; il a fait usage de ses pouvoirs. Il a examiné certaines questions et s'est assuré que le Code était observé, lorsqu'il a reçu des plaintes de gens qui s'inquiétaient du comportement d'autres. Cet aspect a certainement bien fonctionné.

Le sénateur Joyal: Il y a eu une étude, comme vous l'avez dit, madame Champagne-Paul, qu'a fait le Comité de l'industrie de la Chambre des communes en juin 2001, sur l'évaluation de la mise en oeuvre de la loi, puisque la loi prévoit, au paragraphe 212(1), une évaluation par le comité de la Chambre quatre ans après l'entrée en vigueur de cet article, puis des recommandations ont été faites. D'après ce que je comprends, le comité permanent a fait 24 ou 25 recommandations. Serait-il possible de nous donner un bref aperçu des recommandations qui ont été appliquées dans ce projet de loi et desquelles sont en suspens? Est-ce qu'il serait possible d'obtenir un petit tableau, pour que nous puissions nous faire une idée de la mesure dans laquelle le rapport du comité a été tenu en compte dans ce projet de loi? Je pourrais le faire moi-même si j'en avais le temps, mais puisque vous êtes des experts du domaine, je me fierai à votre évaluation.

Mme Champagne-Paul: Nous le ferons avec plaisir, sénateur.

La présidente: Merci beaucoup d'être venus ce matin, madame Champagne-Paul, monsieur Legault et monsieur Bergen.

La séance est levée.


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