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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité du 
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 18 - Témoignages du 29 octobre 2003


OTTAWA, le mercredi 29 octobre 2003

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement à qui a été renvoyé le projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 12 h 14 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Bienvenue à tous. Nous allons entendre aujourd'hui M. Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire. Monsieur Audcent, la parole est à vous.

[Français]

M. Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire: Honorables sénateurs, il me fait plaisir de comparaître à nouveau devant ce comité pour vous parler de la réforme proposée et en produire la documentation. Lors de mes témoignages précédents devant ce comité, le 12 février, le 18 février et le 4 juin, j'ai exposé les thèmes principaux qui feront l'objet de ma présentation d'aujourd'hui.

La réforme qui vous est proposée comporte deux volets: la réforme de la loi et l'adoption d'un code interne. Une fois la structure sur pied, un code interne pourra être défini.

[Traduction]

Des deux, la réforme de la loi est le volet le plus important, puisque la réforme dans ce domaine est difficile à accomplir. Un code interne devrait être plus attentif aux besoins d'amélioration, à mesure qu'ils se manifestent.

Sur le plan politique, la réforme est nécessaire pour des raisons de modernisation et de codification du régime. Généralement, la modernisation et la codification consistent à substituer le nouveau à l'ancien. Cependant, la proposition actuelle conserve d'importants éléments de l'ancien régime en plus de préconiser un nouveau régime. Je tiens à rappeler aux honorables sénateurs deux propositions que je leur ai faites et que je continue à leur recommander d'examiner. Tout d'abord, je recommande l'abrogation de l'article 16 de la Loi sur le Parlement du Canada et son remplacement par une disposition dans le nouveau code interne. Deuxièmement, je recommande de modifier les définitions de «official» / «fonctionnaire» dans le Code criminel, de manière à clarifier la loi. Dans ce cas, l'article 119 du Code criminel devrait continuer à s'appliquer aux parlementaires, comme initialement prévu. Cependant, les articles 121 et 122 qui s'appliquent aux «officials» / «fonctionnaires» ne devraient pas s'appliquer aux parlementaires. Je suis convaincu en effet — comme je l'ai déjà expliqué — que le Parlement n'a jamais eu l'intention d'appliquer ces deux articles aux parlementaires.

Cela étant dit, vous vous êtes toujours préoccupés des interactions entre le droit du privilège parlementaire et un régime quel qu'il soit que vous déciderez d'établir. Il est bon de rappeler que les privilèges, immunités et pouvoirs du Sénat et des sénateurs sont les mêmes que ceux de la Chambre des communes et des députés et que les droits des deux Chambres se fondent sur les droits de la Chambre des communes de Westminster.

En guise d'introduction à vos délibérations, il est bon de citer un passage d'un récent jugement anglais du juge Popplewell contenu dans un arrêt rendu en 1990 par la Cour britannique du Banc de la Reine. Le juge Popplewell s'appuyait sur une de ses décisions dans un jugement antérieur. Je le cite:

À mon avis, la Chambre des communes n'est pas sous le contrôle des tribunaux de Sa Majesté en ce qui a trait à l'administration de cette partie du droit législatif qui se rapporte à sa propre procédure interne et que l'usage de la force réelle jugée nécessaire pour appliquer une résolution telle que celle que nous avons devant nous me paraît justifiable. On peut citer plusieurs autorités à l'appui de ce principe, mais je me contenterai d'en citer deux... Blackstone, 1 Com. 163: «La loi et la coutume parlementaires prennent leur origine dans la maxime suivante: ``Toute affaire concernant l'une ou l'autre Chambre du Parlement se doit d'être examinée, discutée et jugée dans la Chambre à laquelle elle se rapporte et nulle par ailleurs''»

Honorables sénateurs, la loi concernant le privilège parlementaire est des plus complexes et traverse peut-être actuellement une période de transformation. Les autorités sont divisées sur la nature de la loi, sa portée et les liens entre le privilège parlementaire et la Charte canadienne des droits et libertés. Voilà qui conclut mes remarques préliminaires. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le sénateur Beaudoin: Je conviens avec vous que nous n'avons pas à nous soumettre aux tribunaux britanniques. Cependant, nous avons l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui précise que nous ne pouvons excéder les privilèges parlementaires du Royaume-Uni, dans le cas d'un privilège identifié devant la Chambre des lords. Comme vous le savez, nous ne pouvons pas passer outre à l'article 18 à moins de le modifier, mais là n'est pas la question. Dans quelle mesure sommes-nous liés par la décision du tribunal britannique?

M. Audcent: Honorables sénateurs, l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada définit les privilèges, immunités et pouvoirs des chambres canadiennes. Il contient deux alinéas. L'alinéa a) précise que le Sénat, la Chambre des communes et leurs membres détiennent et exercent les privilèges, immunités et pouvoirs que possédaient, à l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1867, la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni ainsi que ses membres. C'est le texte de 1867 qui fait référence et la loi précise que si ces privilèges existaient en 1867 à la Chambre des communes du Royaume-Uni, ils sont également dévolus au Sénat, à la Chambre des communes et à leurs membres.

L'alinéa b) précise qu'il est possible de définir les privilèges, immunités et pouvoirs par une loi du Parlement, sous réserve qu'ils n'excèdent pas ceux que possédaient, à l'adoption de cette loi, la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni et ses membres. En d'autres termes, si vous adoptez un nouveau texte relativement aux privilèges, immunités et pouvoirs, vous devez, si l'on se fie à cet article, retourner au Royaume-Uni et demander «aujourd'hui, en 2003, au moment de nous accorder ce nouveau privilège, nous voulons vérifier s'il existe au Royaume-Uni».

Cependant, il y a une autre complication qui vient du fait que l'article 18 de la Loi constitutionnelle peut être modifié par le Parlement du Canada.

Le sénateur Beaudoin: Sans aucun doute.

M. Audcent: Si le Parlement du Canada peut modifier l'article 18 en adoptant une modification précise, on peut supposer qu'il peut le faire à l'aide d'une modification implicite. S'il produit un effet non conforme à l'article 18, il s'agit d'une modification implicite. Tel était le raisonnement du juge Pigeon dans le jugement intitulé Loi sur les produits agricoles, rendu en 1978.

Cependant, dans un arrêt rendu après l'adoption de la Charte en 1982, la Cour suprême du Canada a déclaré dans la cause Succession Eurig que la Constitution est la Cour suprême du pays et que sa modification doit se faire de manière explicite et non pas implicite.

Nous avons donc ces deux points de vue de la Cour suprême du Canada — le second qui privilégie la forme plutôt que le fond et le premier qui favorise le fond plutôt que la forme. Les conséquences de l'analyse sont énormes, parce qu'elle s'est déroulée dans le contexte des projets de loi de finances. S'il est impossible de modifier la Loi constitutionnelle de manière implicite, cela signifie que la Chambre des communes ne peut renoncer à ses privilèges en matière de projet de loi de finances.

Le sénateur Beaudoin: Revenons à la question principale. Nous avons sans aucun doute le droit de faire des modifications, cependant, vous affirmez que, si nous avons ce droit, la modification ne peut pas être implicite. Il faut prendre une décision. Si vous voulez réellement modifier l'article 18, il faut prendre les mesures nécessaires pour le faire. Sinon, la cour, selon le juge Pigeon, n'accepterait pas un privilège parlementaire qui passerait outre à l'article 18. Est-ce bien ce qu'il a dit dans ce jugement?

M. Audcent: Je crois que c'est le contraire. Le juge Pigeon estime que l'on peut implicitement modifier la Constitution. Par conséquent, on peut adopter une mesure non conforme, dans la mesure où l'on a le pouvoir de le faire.

C'est le nouveau point de vue de la Cour suprême qui préconise que l'on doit apporter une modification explicite à l'article 18 avant d'appliquer une mesure qui y déroge. Toutefois, ce nouveau point de vue pose d'énormes difficultés.

Le sénateur Beaudoin: Une autre affaire a traité de l'article 53 du projet de loi de finances et le juge Pigeon a adopté le même raisonnement.

M. Audcent: Il s'agit de la même affaire concernant les produits agricoles.

Le sénateur Andreychuk: Si j'ai bien compris, la cause précédente a été entendue avant le changement constitutionnel. Auparavant, nous disions que le Parlement était suprême; désormais, nous disons que la Constitution est suprême. À mon avis, ces décisions ne sont pas contradictoires. Elles témoignent de l'évolution, dans le sens que l'on tient compte du changement constitutionnel et pour moi, la différence est énorme. Voilà une première chose.

Par ailleurs, c'est en 2003 que nous avions l'intention de proposer une modification. Devons-nous nous en tenir aux privilèges qu'avaient les Britanniques en 1867 ou pouvons-nous actualiser notre analyse et nous pencher sur les privilèges dont ils jouissent aujourd'hui? J'avais l'impression que nous partions de 1867 et que c'était notre prérogative de nous accorder la même marge de manœuvre dont disposaient les Britanniques à l'époque, plutôt qu'à l'époque actuelle. Or, vous avez l'air de dire le contraire aussi, j'aimerais quelques précisions à ce sujet.

M. Audcent: Pour répondre à votre première question concernant l'évolution, c'est une magnifique intervention. Elle ressemble à un jugement et c'est exactement ce qu'un tribunal pourrait dire. Bien entendu, un tribunal pourrait se prononcer de manière différente, car, comme vous le savez, les juges et les avocats raisonnent de manière différente et aboutissent à des résultats différents.

Comme je l'ai indiqué, j'estime que la décision Eurig est à l'origine de nombreuses difficultés que la cour n'avait jamais soupçonnées dans le contexte de l'affaire dont elle était saisie. Je vous ai donné un exemple montrant que si vous ne pouvez déroger indirectement, la Chambre des communes ne peut renoncer à ses privilèges concernant les projets de loi de finances lorsque le Sénat en présente un. Ce serait un acte illégal. Par conséquent, ce changement me pose d'énormes problèmes et toute la procédure parlementaire pourrait découler d'une décision comme celle-là.

L'argument qui prétend donner la priorité à la forme plutôt qu'au fond me pose problème. Par exemple, comment un projet de loi peut-il modifier la Loi constitutionnelle? Tout dépend de ce que l'on met dans le projet de loi. Si le projet de loi précise que son intention est de modifier l'article 18, c'est possible; si l'on affirme et expose dans le projet de loi la modification comme telle, cela ne fonctionne pas et pourtant c'est le même projet de loi. C'est une conséquence du principe selon lequel la forme l'emporte sur le fond qui est difficile à accepter.

Ma réponse à votre deuxième question est que nous avons deux pierres de touche. La première est la Loi constitutionnelle de 1867, puisque ce sont les privilèges, immunités et pouvoirs de 1867 qui nous ont été conférés. Voilà ce que nous avons. Après cette date, tout a été décidé par des lois. Nous devons nous tourner vers la nation britannique à cette époque et nous demander si nous avons du rattrapage à faire. Nous pouvons faire du rattrapage, mais nous ne sommes pas autorisés à aller au-delà.

Le sénateur Beaudoin: Depuis 1982, il existe une formule d'amendement qui s'applique à tout le Canada. Il n'y a absolument rien dans la Constitution du Canada qui ne puisse être modifié, puisque l'article 38 est une clause résiduelle pour la formule d'amendement. Nous avons cinq facettes et la première d'entre elles, 750, est résiduelle. Par conséquent, nous pouvons hors de tout doute effectuer un changement par une modification. Cependant, ce sera peut- être une modification en vertu de l'article 44, soit une simple loi fédérale, pour modifier la Constitution. Partagez-vous ce point de vue?

M. Audcent: Sénateur, l'article 44 précise que, sous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.

C'est sans aucun doute un bon argument de dire que ce texte régit le privilège, ainsi que le Sénat et la Chambre des communes. Si c'est le cas, il est possible de modifier l'article 18 en vertu de l'article 44. L'important est qu'il est possible d'effectuer ces modifications par le dépôt d'un projet de loi plutôt que par une procédure d'amendement constitutionnel. Et si un projet de loi permet une telle modification, vous avez ce projet de loi.

Le sénateur Beaudoin: Dans un cas comme celui-ci, je proposerais de recourir à un amendement constitutionnel si nous voulions changer quelque chose.

M. Audcent: Je suppose que vous pourriez également le faire par un amendement constitutionnel faisant appel à des résolutions et une proclamation du gouverneur général, mais cela ne me paraît pas nécessaire. Il semble qu'un projet de loi du Parlement, de Sa Majesté, du Sénat et de la Chambre des communes serait suffisant.

Le sénateur Andreychuk: Selon vous, un projet de loi présenté à la Chambre ou au Sénat équivaudrait implicitement à une modification. C'est une inférence.

M. Audcent: C'est exact.

Le sénateur Andreychuk: Le tribunal pourrait aussi avoir une interprétation différente et, plutôt que d'en déduire qu'il s'agit d'une modification, déclarer que le projet de loi outrepasse la portée et le mandat et le déclarer par conséquent invalide. Dans ce cas, le tribunal n'accepterait pas l'inférence, ce qui me paraît préférable si l'on tient à conserver la primauté de la Constitution et éviter de toucher à l'article 44 ou à l'article 18, sauf de manière explicite.

M. Audcent: C'est exactement le point de vue qu'a exprimé la Cour suprême du Canada en 1998 dans l'arrêt Succession Eurig. Il y a deux types de raisonnement. Je n'ai pas connaissance de réponse définitive à ce sujet. Le problème, c'est que le raisonnement juridique peut prendre différentes formes.

Le sénateur Ringuette: Je ne suis pas juriste et je suis probablement naïve mais je me demande pourquoi on peut dire que ce projet de loi apporte des privilèges supplémentaires et inclut la Constitution.

Nous n'apportons aucun changement à nos privilèges, mais nous voulons attribuer des privilèges à notre nouveau «conseiller». Nous ne réclamons pas de privilèges supplémentaires; nous n'apportons aucun changement à ce sujet. Nous nous contentons de dire que le conseiller qui se penchera sur notre code de déontologie et nous donnera des conseils, aura les mêmes privilèges que nous.

Pourquoi faire entrer en ligne de compte la Constitution et pourquoi demander au Royaume-Uni l'autorisation de changer ce que nous voulons? Pouvez-vous m'expliquer le raisonnement? Je ne le comprends pas. Mais comme je le dis, c'est sans doute parce que je suis naïve.

M. Audcent: Loin de moi une telle pensée, madame le sénateur. Je n'ai pas dit que vous cherchiez à étendre vos privilèges, immunités et pouvoirs. C'est peut-être ce que vous en avez déduit d'après les questions qui ont été posées. Cependant, je n'ai rien déclaré de tel.

Encore une fois, on peut analyser la situation. Beaucoup dépend de ce que vous considérez être la portée existante des privilèges, immunités et pouvoirs des chambres du Parlement. L'application de ces privilèges, immunités et pouvoirs à l'administration interne de la Chambre fait actuellement l'objet d'un débat.

De mon côté, je pense qu'ils s'appliquent. Je réalise aussi que je suis un légiste et un avocat. Je ne suis pas le juge qui tranchera la question, ni la Chambre qui répondra au juge.

Tant que la Chambre évite d'outrepasser ses privilèges, immunités et pouvoirs dans ses activités de régie interne, il n'y aura pas de problème. C'est mon raisonnement. Si vous engagez un conseiller chargé de servir la Chambre et de vaquer aux activités de la Chambre consistant à définir les normes pour ses membres, à la conseiller relativement à ses membres et à se prononcer sur la discipline de ses membres, c'est tout à fait conforme aux privilèges, immunités et pouvoirs existants.

Toute mention dans une loi serait une simple codification. Encore une fois, il faut se livrer à une interprétation pour parvenir à ce point de vue.

Le sénateur Ringuette: Je vous remercie beaucoup. Vous m'avez fourni les renseignements qui me permettront de formuler mon point de vue sur la question. Merci.

Le sénateur Grafstein: Monsieur Audcent, c'est toujours un plaisir d'entendre votre témoignage.

J'aimerais me tourner vers un principe de base du projet de loi — le terme «éthique». Ce mot est omniprésent dans le projet de loi. Nous avons un conseiller en éthique, un commissaire à l'éthique, des principes, règlements et obligations éthiques. Nous recevons des avis confidentiels au sujet de ces principes, règlements et obligations éthiques.

J'aimerais parler du mot «éthique». À votre avis, est-ce une notion parlementaire qui s'applique à la conduite antérieure des députés du Parlement ou des membres de la Chambre des lords ou des sénateurs? Je parle de l'éthique par opposition à une «conduite appropriée».

M. Audcent: Je pense, honorables sénateurs, que le mot «éthique» englobe la notion de conduite appropriée et peut- être beaucoup d'autres notions. Il est clair pour moi que le terme «éthique» — peut-être en raison de ma perspective — va au-delà de la loi. Évidemment, l'éthique exige le respect de la loi, mais elle va encore plus loin. L'éthique doit se conformer à des critères que je qualifierais de «critère des gros titres» ou «critère d'apparence».

Il y a deux jours, on pouvait lire dans les journaux des gros titres illustrant ce point de vue. Selon ces titres, certaines personnes affirment que l'avis du commissaire à l'éthique cautionnerait une conduite illégale — le remboursement d'une somme d'argent impliquerait une conduite illégale. On peut en effet s'interroger sur la légalité de ce qui est éthique.

Je prends cet exemple pour vous ramener à une recommandation que j'ai faite à votre comité et que vous avez adoptée dans votre rapport provisoire: il est important que le conseiller en éthique que vous choisirez ait une expérience des affaires juridiques ou qu'il soit lui-même avocat. Il faut d'abord se conformer au critère de la légalité, puis à celui des gros titres ou celui des apparences.

Le sénateur Grafstein: Je reconnais que l'éthique va au-delà de la loi. C'est pourquoi le terme «éthique» soulève la confusion et diverses attentes.

Je vais vous donner quelques exemples. Je suis un pêcheur. Je vis de la pêche. J'aime pêcher et j'en tire des revenus et je suis député. Je siège à un comité sur la pêche. Est-ce conforme à l'éthique?

Un autre exemple. Je suis un médecin. On m'a nommé au Sénat en raison de mon expérience médicale et scientifique et je souhaite mettre mon expérience au service d'un comité dont les activités sont centrées sur la profession médicale. Est-ce conforme à l'éthique?

Je suis un avocat. J'ai reçu une formation d'officier de justice. Je suis un gourou des affaires constitutionnelles et j'enseigne le droit constitutionnel. Je siège au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Est-ce conforme à l'éthique?

Voici un autre exemple. Je suis un agriculteur et je siège au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. J'ai travaillé toute ma vie dans l'agriculture et j'ai bénéficié des politiques agricoles du gouvernement ou j'ai été pénalisé par elles. Je siège au Comité de l'agriculture, parce que je suis un agriculteur.

Et maintenant un dernier exemple. Je suis un francophone. J'ai consacré toute ma vie à la promotion de la langue française dans tout le pays — un impératif noble et constitutionnel. Je suis membre d'un comité chargé de promouvoir et d'encourager directement l'expansion des droits de la population francophone. Est-ce conforme à l'éthique?

Je ne veux pas faire de l'humour, mais tout simplement souligner que le terme «éthique» soulève des questions. Si nous convenons que l'éthique va au-delà de la loi — et j'en suis convaincu — cette notion soulève des attentes beaucoup plus hautes auxquelles nous ne pouvons pas répondre. Ce faisant, nous risquons de discréditer nos institutions. Qui peut respecter les «principes, règlements et obligations éthiques»? Connaissant la nature humaine, qui peut prétendre cela?

Je pensais qu'il était plus approprié de nous attacher à ce que nous pouvons régler, à savoir la conduite et les conflits. On peut comprendre la notion de conflit et de conduite. En cas de conflit d'intérêts, vous devez éviter de participer ou vous devez déclarer que vous êtes en conflit d'intérêts et vous retirer. Cela va de soi. C'est l'application du règlement.

J'aimerais vous entendre commenter cette exégèse avec laquelle vous n'êtes peut-être pas d'accord. Quant à moi, je suis convaincu que la notion d'éthique soulève dans le public des attentes déraisonnables que personne ne peut satisfaire.

M. Audcent: Honorables sénateurs, les exemples que vous avez donnés vont au cœur même du régime d'éthique. Le public a deux attentes à l'égard des sénateurs. Il s'attend premièrement à ce que vous soyez bien informés et compétents dans ce que vous faites. Deuxièmement, il s'attend à vous voir siéger ici pendant 13 ans en vous abstenant de toute autre activité à l'extérieur. La difficulté, c'est de réconcilier les deux et c'est ce que vous avez illustré dans vos exemples.

D'après moi, le régime propose que le Sénat adopte une attitude proactive ou innovatrice en ce domaine. Vous et vos collègues allez adopter le code qui définira ce qu'est un comportement éthique. Il peut contenir des énoncés positifs tels que: «Il est conforme à l'éthique d'être un avocat constitutionnel, d'enseigner le droit et de siéger en tant que sénateur». Un code d'éthique peut contenir des énoncés positifs aussi bien que négatifs. Finalement, cette proposition suggère, advenant l'adoption d'une loi et d'un code, que vos collègues établissent les normes. Ces normes seront colligées par écrit. Vous pourrez donc vous y rapporter. Le public aussi sera en mesure de s'y rapporter. Voilà quelles seront les attentes et les règles.

Le sénateur Grafstein: Je passe en revue le projet de loi article par article et je constate une anomalie. Voilà un problème d'éthique. Le projet de loi contient le problème d'éthique suivant: je suis un sénateur et ce projet de loi me donne le droit de dire qu'un titulaire de charge publique n'a pas respecté une norme d'éthique. Je peux accuser un titulaire de charge publique ou un ministre du Cabinet — pas seulement le leader du gouvernement, mais n'importe quel ministre du Cabinet. J'ai le droit de le faire. Pourtant, notre conseiller sera loin de tout cela. Je n'aurai aucun autre moyen de répondre que de faire cette allégation. Et je ne serai pas tenu de la justifier, puisque je siège dans une autre chambre.

Ma question est la suivante: est-ce approprié? Pourrions-nous avoir ce pouvoir pour autre chose que de signaler au gouvernement, au commissaire à l'éthique du premier ministre, je veux parler de celui qu'il nomme de l'autre côté, pour signaler un détenteur de charge publique, un ministre du Cabinet de notre côté? Est-ce que cela vous paraît logique?

M. Audcent: Honorable sénateur, je n'ai pas réfléchi à cette question. Je préférerais vous répondre par écrit.

La présidente: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Si je me souviens bien, le regretté Lord Williams, lorsqu'il a comparu devant nous, au moment de l'examen de la version préliminaire du projet de loi, avait déclaré que la divulgation permet d'éviter les problèmes d'éthique. Autrement dit, dès lors que la situation est divulguée au public, l'auteur de la divulgation peut faire à près n'importe quoi.

Le sénateur Smith: Cela ressemble à ma question.

La présidente: Pouvez-vous me dire rapidement si vous avez gardé le même souvenir de son témoignage devant nous? Le sénateur Smith vient de dire que cela lui rappelait quelque chose et j'ai moi aussi la même impression. Si vous ne pouvez pas y répondre tout de suite, vous pourrez peut-être y revenir plus tard.

Le sénateur Fraser: J'ai un commentaire à faire. Lorsque le sénateur Grafstein a donné sa liste de personnes susceptibles d'être concernées, toutes, à l'exception d'une, se rapportaient essentiellement à la façon dont nous gagnons notre vie. La dernière catégorie — celle des francophones — se rapporte à l'état inhérent de certains citoyens canadiens. Au Canada, on est tous anglophones ou francophones.

Le sénateur Fraser: Il y a au Parlement deux comités qui ont pour mission d'assurer la promotion des droits des minorités de langues officielles.

Le sénateur Fraser: Les langues officielles du Canada sont l'anglais et le français. Il me semble que le fait d'inclure les membres d'une minorité linguistique dans votre liste, sénateur Grafstein, nuisait un peu à votre raisonnement. On pourrait prétendre dans la même veine qu'aucun homme ne devrait siéger à un comité étudiant les droits des pères.

Le sénateur Grafstein: J'essayais tout simplement de donner une série d'exemples. Je retire celui-là. Je ne crois pas en effet que cet exemple renforce l'argument que j'essayais de présenter. Il l'affaiblit. Je le retire.

Le sénateur Fraser: Merci.

Le sénateur Ringuette: Ma question se rapporte à ce que je crois être la raison même de ma présence au Sénat. Mon collègue a cité les exemples des pêcheurs, des médecins, des avocats et des professeurs. Nous sommes tous appelés à apporter ici une contribution et non pas à recevoir une contribution en échange de notre travail — ce qui nous placerait en conflit d'intérêts. J'ai de la difficulté à contribuer tout en continuant à faire partie «du public». On aurait pu ajouter les courtiers en placement et les banquiers à la liste des professions. Dès lors que notre participation à un comité est susceptible de nous valoir une certaine contribution directe ou indirecte, je vois mal comment on pourrait ne pas nous considérer en conflit d'intérêts ou en rupture avec les normes d'éthique.

Monsieur Audcent, pardonnez ma naïveté, mais j'aimerais comprendre ce que vous voulez dire lorsque vous évoquez un déséquilibre qui mériterait d'être examiné. Après sa nomination un sénateur continue d'être un membre à part entière de la société, soit en y contribuant, soit en participant de manière à recevoir une contribution. J'ai l'impression que les personnes assises autour de cette table sont victimes d'une grave distorsion à ce sujet.

M. Audcent: Madame le sénateur, je crois qu'il est très clair qu'une personne ayant le privilège d'être appelée à siéger au Sénat a pour obligation première de servir l'intérêt public.

Le sénateur Joyal serait mieux placé que moi pour vous donner des statistiques, mais je crois que les sénateurs siègent en moyenne pendant 12 ou 15 ans. On peut se demander comment, au cours de ces 12 à 15 années de service, et parfois plus longtemps dans le cas de beaucoup d'entre vous, les sénateurs peuvent continuer à rester en contact avec la société. Il est clair que vous conservez votre place dans la société.

Il y a toutes sortes de comités dans cette Chambre. Vous avez le Comité des banques, le Comité des transports et des communications et bien d'autres. Je suppose que l'objectif est de réunir des personnes qui ont de l'expérience dans ces domaines et qui les connaissent. Je peux vous assurer que l'expérience disparaît si on ne la cultive pas. Je suis moi- même un ancien fiscaliste, mais je serais bien incapable de vous donner aujourd'hui une opinion en matière fiscale.

Comment rester en contact avec les dernières innovations touchant les domaines dans lesquels vous travaillez? Je l'ignore. Ce que je sais, c'est que vous ne pouvez être payés pour influencer les affaires parlementaires. Vous pouvez recevoir une rémunération pour des activités qui n'ont rien à faire avec le Parlement, parce que vous avez une vie personnelle. Les sénateurs doivent trouver un moyen de combiner leurs activités personnelles et les divers moyens qui leur permettent de cultiver leurs expériences, tout en respectant un régime éthique acceptable pour le public.

La présidente: J'aimerais vous demander de revenir à ce projet de loi qui consiste à établir le poste de conseiller en éthique et de laisser peut-être de côté les questions concernant ce qui sera un jour le code.

Le sénateur Joyal: Avant de poser une question à notre témoin d'aujourd'hui, j'aimerais attirer votre attention et celle de nos collègues sur une étude réalisée par la Bibliothèque du parlement. Mes informations proviennent de l'Ottawa Citizen d'aujourd'hui, page A4. Je cite le texte portant la signature de Tim Naumetz. Dans le deuxième paragraphe, on peut lire que les légistes de la Bibliothèque du Parlement

...ont déclaré hier, lors d'une réunion à huis clos du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre que les précédents et les lois parlementaires britanniques sur lesquels se fonde le régime canadien, suspendent depuis longtemps les privilèges parlementaires des députés qui font l'objet de poursuites.

Les légistes cités sont M. James R. Robertson et Mme Megan Furi. M. Robertson est avec nous. Je l'ai avisé que j'allais soulever cette question. Madame la présidente, serait-il possible d'obtenir un exemplaire de cette étude par votre intermédiaire et en suivant le cheminement approprié?

Un peu plus loin dans l'article, on peut lire qu'un exemplaire du mémoire présenté au comité par James R. Robertson et Megan Furi de la Bibliothèque du Parlement, a été obtenu par le service de nouvelles de CanWest. Je soulève cette question, parce que j'aimerais savoir si cette étude explique d'une certaine manière les origines des privilèges de la Chambre des communes et du Sénat. Je serais certainement intéressé à lire ce mémoire. Et je crois que cela intéresserait aussi certains de nos collègues.

La présidente: Sénateur Joyal, êtes-vous en train de me dire que cela figurait dans un rapport qui a fait l'objet d'une fuite dans la presse?

Le sénateur Joyal: Ce n'est pas un rapport, non, c'est une étude réalisée par ces deux personnes dont une est présente parmi nous. Cette étude a été réalisée sous l'égide de la Bibliothèque du Parlement dont le mandat consiste notamment à préparer des études.

La présidente: Cette étude préparée pour un comité de la Chambre des communes a fait l'objet d'une fuite dans la presse.

Le sénateur Joyal: Exactement.

La présidente: Je serais prête à essayer de l'obtenir, dans la mesure où cela s'avère approprié. Je n'en suis pas certaine, mais je vais essayer de communiquer avec le président de ce comité. Je ne veux pas continuer à augmenter les fuites au cours de cette réunion publique ici au Sénat. Évitons cela.

Le sénateur Joyal: Bien entendu. C'est la raison pour laquelle je me suis adressé à vous en présence de M. Robertson afin d'éliminer tous les doutes quant à mon intention.

La présidente: Je rappelle également aux sénateurs que nous avons la possibilité évidemment de demander des informations précises à la Bibliothèque du Parlement.

Le sénateur Joyal: En effet.

Pour revenir à la question des privilèges, madame la présidente, ma première question concerne l'hypothèse émise par notre témoin selon laquelle le Parlement peut indirectement modifier l'article 18.

J'aimerais attirer l'attention de notre expert sur le fait qu'en 1871, la Reine en conseil a rejeté une loi du Parlement canadien adoptée en juin 1868. Vous savez certainement que le titre de cette loi était: acte pour pouvoir à l'interrogatoire des témoins sous serment par des comités du Sénat et de la Chambre des communes en certains cas.

Cette loi avait été adoptée immédiatement après la Confédération et permettait à nos comités d'assermenter les témoins. Cette loi fut adoptée par la Chambre des communes et renvoyée au Sénat. Certains sénateurs avaient soulevé des doutes quant à sa constitutionnalité. Le gouverneur général la ratifia néanmoins. Elle fut prise en délibéré par la Reine en conseil et fut en fait rejetée, parce qu'elle allait au-delà des privilèges existants à l'époque à la Chambre des communes du Royaume-Uni.

Autrement dit, il existe un précédent d'une loi du Parlement du Canada qui outrepassait les privilèges de l'époque en matière d'assermentation et qui a été rejetée. Étant donné que ce précédent est connu et rapporté très clairement dans les livres d'histoire du Canada, cela n'indique-t-il pas, compte tenu de votre approche consistant à modifier indirectement l'article 18, que cette loi aurait été considérée comme une modification indirecte de l'article 18 et qu'elle aurait dû être considérée comme valide par la Reine en conseil?

M. Audcent: Pour vous répondre, je vais reprendre les mots du sénateur Andreychuk qui nous a rappelé que la loi évolue. La série d'événements que vous avez mentionnés se seraient déroulés avant l'adoption du paragraphe 91(1) de la Loi constitutionnelle de 1867 qui a conféré au Parlement du Canada le pouvoir de modifier sa propre constitution. L'événement que vous rapportez a eu lieu au XIXe siècle. À cette époque, nous devions encore retourner au Parlement britannique pour modifier la Loi constitutionnelle de 1867.

Avec l'adoption du paragraphe 91(1), le Parlement du Canada était autorisé à modifier la Constitution. L'arrêt concernant la commercialisation des produits agricoles et les commentaires du juge Pigeon datent de 1978. L'année 1982 a vu l'avènement de la Charte des droits et libertés dont la Loi constitutionnelle de 1982 faisait partie intégrante. En 1998 a été rendu l'arrêt Eurig qui semble nous ramener à la situation du XIXe siècle que vous avez évoquée. Nous avons une modification précise à l'article 18.

Il ne faut pas oublier qu'il y a évolution. Je ne suis pas certain que tout cela aboutira à un résultat satisfaisant, parce que le processus est rendu plus rigide du fait que nous devons apporter une modification expresse à l'article 18.

Le sénateur Joyal: N'est-il pas vrai que nous avons désormais, grâce à la formule d'amendement précisée en toutes lettres dans la Constitution une sorte de «voie royale» — si vous me passez l'expression — pour régler cette question? La Constitution indique assez clairement que l'on ne peut pas faire indirectement ce que l'on ne veut pas faire directement. Sinon, nous modifierions de nombreux aspects de la Constitution canadienne — par exemple celle qui concerne le Sénat, ce qui serait contraire aux décisions rendues par la cour concernant les institutions.

Étant donné que nous disposons maintenant d'une formule d'amendement précise et très détaillée selon les modifications que nous voulons apporter à la Constitution, je m'en tiens au principe que nous devons appliquer cette formule lorsque nous voulons modifier un article précis de la Constitution — même s'il s'agit d'un article ou d'un point réservé exclusivement au Parlement canadien, parce qu'il se rapporte à la Constitution du Parlement du Canada ou du Conseil exécutif du Canada.

M. Audcent: Je pense que vous avez raison de préciser que pour modifier la Constitution, nous devons nous rapporter à la Loi constitutionnelle de 1982 et choisir la formule appropriée.

Le sénateur Joyal: Ma deuxième question concerne la portée des privilèges. Vous avez cité la décision prononcée en 1990 par la Division du Banc de la Reine britannique. J'aimerais attirer votre attention sur l'arrêt Rost c. Edwards de 1990. Permettez-moi de citer le dernier paragraphe, parce qu'il se rapporte à ce que nous devons entendre par délibérations du Parlement. Selon l'opinion de la cour, les listes mentionnant les intérêts des députés relèvent des privilèges du Parlement. Autrement dit, la déclaration et la publication des intérêts des sénateurs relèveraient de la rubrique de l'enregistrement ou de la divulgation, si vous voulez, comme l'a justement précisé la présidente.

Je cite le dernier paragraphe:

En conséquence, je conclus que les revendications de privilèges concernant les listes mentionnant les intérêts des députés ne s'inscrivent pas dans la définition des «délibérations du Parlement» et je statue en conséquence que le plaignant est autorisé à produire le témoignage qu'il a l'intention de faire relativement à l'inscription des intérêts des députés et que les défendeurs sont libres de contester la preuve.

Les tribunaux ont décidé en 1990 que les «délibérations du Parlement» n'incluent pas la liste des intérêts et le processus d'examen de ces listes. Autrement dit, les activités du commissaire public qui est l'équivalent du conseiller que nous aurions au Sénat et à la Chambre des communes ne sont pas couvertes.

Ne devrions-nous pas adopter des dispositions à ce sujet si nous voulons nous assurer que le commissaire à l'éthique soit protégé? De fait, une telle démarche relèverait de la définition des «délibérations du Parlement», comme l'a précisé un tribunal britannique. La Chambre des communes britannique pourrait renverser cette décision et adopter une loi précisant que les listes relèvent des délibérations du Parlement. Nous sommes donc actuellement bloqués par cette décision — ce qui ne m'apparaît pas justifié — et nous devons nous interroger sur la façon de tenir compte de cette réalité et d'adapter notre situation en conséquence, pour le moment.

M. Audcent: Je connais cette décision. Je l'ai portée à l'intention du comité en février dernier. C'est une décision très troublante.

Le sénateur Joyal: En effet. On s'en rend compte à la lecture de cette décision qui n'est pas longue, chers collègues.

M. Audcent: Je crois en particulier que la liste des intérêts n'était pas incluse dans ce cas dans une loi, mais qu'elle faisait plutôt partie du règlement interne de la Chambre. Cela signifie qu'il ne sert à rien d'en débattre puisque la décision appartient aux tribunaux. Le moyen d'éviter les tribunaux est d'adopter un code sur les conflits d'intérêts, ce qui n'est pas un résultat satisfaisant.

Je ne veux pas dire que vous devriez adopter un code. Le résultat me paraît insatisfaisant dans le sens que vos décisions seraient dictées par le fait que l'intervention éventuelle de la cour restreindrait vos actions. J'ai énormément de difficulté avec cela.

L'arrêt Rost c. Edwards se prête à plusieurs interprétations différentes. Selon une de ces interprétations, il n'y a pas de problème si une loi est adoptée. Il suffit de proposer une loi dans laquelle vous précisez: «Dans notre cas, cela relève des délibérations du Parlement». De cette manière, vous respecteriez les directives du juge.

Le sénateur Joyal: Nous serions assujettis à l'article 18 et aux alinéas 4a) et b) de la Loi sur le Parlement du Canada, cette même loi que nous avons l'intention de modifier.

M. Audcent: C'est possible. L'arrêt Rost c. Edwards pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, il se fonde sur une interprétation très étroite des délibérations parlementaires — stipulant notamment que le privilège est strictement limité aux délibérations parlementaires. Comme je l'ai indiqué plus tôt, il existe un autre point de vue — selon lequel le privilège parlementaire va au-delà des délibérations et couvre la régie interne de la Chambre. Cela n'est certes pas envisagé dans l'arrêt Rost c. Edwards, mais c'est un point de vue qui pourrait être jugé valable ailleurs. Ces arguments juridiques ne sont pas encore clos. J'ai indiqué dans mes remarques préliminaires que la loi est en transformation et nous devons attendre de voir ce qu'il en résultera.

La présidente: Je suis d'accord avec le sénateur Joyal pour dire que cette décision est absolument incorrecte. Dans notre cas, ne faudrait-il pas plutôt se rapporter à la tradition séculaire qui confère aux membres du Parlement — qu'ils soient membres du Sénat ou de la Chambre des communes — la capacité d'appliquer leur propre discipline sur le plan interne?

M. Audcent: Tout à fait. Une troisième possibilité qui me paraît pertinente consisterait pour les parlementaires à s'entendre sur un code de déontologie qu'ils s'engageraient à respecter, faute de quoi ils seraient passibles de mesures disciplinaires. Voilà une possibilité qui me convient.

Le sénateur Joyal: Si vous me permettez de poursuivre, j'aimerais souligner que la présidente a soulevé un point très pertinent. J'ai l'impression que nous tournons pratiquement en rond. La Chambre des communes britannique a interprété la définition de «pouvoir disciplinaire de la Chambre sur ses membres».

Je renvoie mes collègues au rapport du Comité mixte de la Chambre des communes et de la Chambre des lords paru en 1999. Au paragraphe 14 du chapitre 1 se trouve la définition du pouvoir de discipline applicable aux parlementaires. Il est clairement limité à «outrage au Parlement». Autrement dit, la phase qui précède l'outrage est exclue. Le pouvoir de discipline ne s'exerce que lorsqu'il y a outrage formel au Parlement. Tel est l'état du droit.

J'ai été interpellé par cette définition car, comme vous, j'avais l'impression que le pouvoir disciplinaire s'appliquait à toutes les infractions. Cependant, nous nous penchons sur les divers aspects du «privilège». Nous nous interrogeons sur les mêmes fondements. Autrement dit, les privilèges sont limités par l'état du droit au Royaume-Uni actuellement. Croyez-moi, honorables sénateurs — et je pense que M. Audcent serait de mon avis — personne plus que moi souhaiterait que nous soyons les seuls maîtres de nos privilèges. Cependant, telle est la situation. Nous devons respecter la loi ou prendre l'initiative de la modifier.

La présidente: Est-ce qu'une infraction au code de déontologie ne serait pas considérée comme un outrage?

Le sénateur Joyal: C'est juste. Revenons au cas du sénateur Thompson. Il ne faut pas oublier ici que le sénateur n'était pas coupable d'outrage formel à une résolution du Sénat. Cependant, une fois que nous avions adopté la résolution, il était coupable d'outrage à cette résolution qui lui ordonnait de se présenter au Sénat. Le privilège n'existe que lorsque la décision a été prise.

Nous sommes déjà passé par là en effet dans l'affaire du sénateur Thompson. Cependant, dans l'état actuel de la loi, nous sommes limités. Je suis tout à fait prêt à reconnaître que le Canada est un Parlement évolué et une démocratie évoluée. Nous faisons tout notre possible pour être kasher — si le sénateur Grafstein veut bien me passer l'expression. Nous tentons de comprendre la loi telle qu'elle existe actuellement. Nous voulons bien faire les choses, afin qu'elles durent longtemps. Nous sommes limités par cela. Nous essayons de nous adapter à une situation qui est imparfaite en dépit de la maturité constitutionnelle atteinte par le Canada actuellement.

La présidente: Malheureusement, la loi semble être omniprésente.

Le sénateur Fraser: J'ai lu l'arrêt Rost c. Edwards à deux reprises, puisqu'il traite de la responsabilité civile et je dois dire que c'est un jugement étrange. D'ailleurs, il me semble qu'on peut l'interpréter de deux façons. Le plaignant voulait déposer divers documents en preuve. Le savant juge a fini par dire que la liste des intérêts était un document public. Le Parlement lui-même la rend publique. C'est un document recevable. Cependant, il précisait qu'il n'est pas possible de présenter en preuve d'autres documents plus internes du Parlement tels que des lettres par exemple, provenant d'un membre de l'opposition aux autorités de la Chambre des communes chargées des questions relatives à la liste des intérêts. Par conséquent, ce n'est pas noir et blanc et on ne peut pas dire, s'il existe une liste des intérêts, que tout devient soudainement admissible devant les tribunaux. Le libellé est beaucoup plus restreint.

Mais quand même, c'est un jugement très étrange. Je ne sais pas s'il y a eu appel. Si ce fut le cas, j'aimerais savoir ce qu'en a fait la Cour d'appel. Ce n'est pas si horrible qu'on l'aurait pensé. N'est-ce pas?

M. Audcent: Je crois qu'il y a eu appel, mais que l'affaire a été réglée avant l'audition.

Je partage le point de vue de la présidente au sujet de l'outrage. Dès lors que l'on adopte un code de déontologie, on se donne pour objectif d'appliquer le pouvoir de la Chambre en matière d'outrage en cas d'infraction à ce code.

Le sénateur Cools: Cependant, l'infraction au code ne serait pas nécessairement un outrage. En d'autres termes, il faudrait prendre une décision reconnaissant l'outrage. On ne peut tout simplement pas interpréter une infraction au règlement comme un outrage. Il est absolument nécessaire de prendre une décision pour confirmer qu'il y a bien eu outrage. Le plus amusant, c'est que la même décision établit l'accusation et la conclusion.

La présidente: Toutes les décisions relatives au code de déontologie proposé seront des décisions de la Chambre ou d'un comité présenté à la Chambre.

Le sénateur Cools: ... mais pas des infractions.

Le sénateur Joyal: J'attire l'attention des honorables sénateurs sur la correspondance des parlementaires, question soulevée par le sénateur Fraser dans le même rapport du comité mixte. Je ne vous conseille pas de le lire, puisqu'il fait deux pouces d'épaisseur, contrairement à la décision dont je vous ai parlé tout à l'heure.

Dans le chapitre 2 du rapport, le paragraphe 103 traite de la correspondance des parlementaires et des privilèges qui s'appliquent. Je n'ai pas l'intention d'en parler, mais ceux d'entre vous qui êtes intéressés par la question des privilèges devraient lire ce rapport qui est rempli d'informations importantes, même si elles ne sont pas toujours de notre goût.

Ma dernière question concerne le paragraphe 20.2(1) du projet de loi se rapportant à la révocation du conseiller en éthique. Il se lit comme suit: «Sauf révocation motivée par le gouverneur en conseil sur adresse du Sénat, le conseiller exerce ses fonctions à titre inamovible pour un mandat de sept ans renouvelable pour une ou plusieurs périodes maximales de sept ans.»

Le jugement Roberts c. Commissioner of the NWT et al. se rapportait à une décision prise par l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest en vue de la révocation du commissaire. Ce dernier a intenté un recours en justice et le tribunal a statué que l'assemblée avait outrepassé ses privilèges ou n'avait pas le privilège d'exercer son pouvoir de révocation du commissaire. Pensez-vous que l'article 20.2 n'est pas couvert par le privilège?

M. Audcent: Encore une fois, il y a deux résultats possibles: les tribunaux pourraient statuer globalement que le Parlement avait l'intention de laisser la décision à la Chambre ou au contraire de la priver de cette décision. Toutefois, je dois admettre que cette décision existe et qu'il est possible que les tribunaux puissent réviser la révocation d'une personne qui ne se serait pas conformée à ces conditions. En d'autres termes, s'il est réputé que la révocation de la personne en question s'est faite sans aucune résolution du Sénat, l'affaire pourrait être portée devant les tribunaux sur le motif que le gouverneur en conseil a agi de manière illégale — la révocation ayant été décidée par le gouverneur en conseil sans l'approbation des sénateurs.

Le sénateur Rompkey: Au cours de vos échanges avec le sénateur Grafstein, vous avez dit que l'éthique va au-delà de la loi. Ensuite, vous avez utilisé deux autres expressions, «le critère des gros titres» et «le critère d'apparence». Pouvez- vous nous donner des explications?

M. Audcent: J'espère que je ne suis pas le seul à connaître ces expressions. Le critère pourrait également s'appeler «critère des gros titres du Globe and Mail». Quel que soit le règlement, vous devez donc vous demander si vous seriez à l'aise de voir votre nom en première page du journal. Seriez-vous prêt à confirmer votre conduite devant un journaliste? Est-ce que vous verriez un inconvénient à ce que votre nom soit tout à coup associé à la conduite en question?

Je conseille les sénateurs au sujet de la loi et je leur soumets mon point de vue de juriste. Je leur dis qu'il y a un «critère des gros titres» ou un «critère d'apparence» et que le meilleur moyen de vérifier s'ils sont conformes à ce critère, c'est de poser la question à leurs dirigeants et à leurs collègues. Ils sauront vous dire où vous êtes en danger et où vous êtes en sécurité. L'éthique dépasse la loi et il convient d'appliquer un critère de mœurs publics.

Le sénateur Rompkey: J'ai soulevé cette question parce que la nomination du conseiller en éthique du Sénat est prévue par la loi. Une des questions à l'ordre du jour était de savoir si la nomination du conseiller en éthique devait être prévue par la loi ou proposée par résolution. Nous en avons débattu abondamment hier et le sénateur Beaudoin a pris part au débat. À la fin du débat, j'ai cru comprendre qu'une demande faite à la cour pourrait avoir lieu dans chaque cas.

Quelle est l'incidence sur le Sénat que la nomination du conseiller en éthique soit inscrite dans la loi ou fasse l'objet d'une résolution? Pensez-vous que nous passerions le critère des gros titres ou celui de l'apparence dans les deux cas?

M. Audcent: Je vais vous donner la réponse que je donne toujours aux honorables sénateurs lorsqu'il s'agit du critère des gros titres ou du critère d'apparence: parlez-en avec vos chefs et avec vos collègues. C'est une question purement politique.

Le sénateur Rompkey: J'attendais un commentaire de votre part, parce que c'est une question importante pour nous. Si toutes les assemblées du pays créaient un poste de conseiller en éthique désigné par la loi et si nous décidions d'en nommer un par résolution, cette question serait importante.

Nous nous sommes demandé pourquoi nous faisons ceci, qui nous sommes, à qui nous devons rendre des comptes, qui sont les agents et les fonctionnaires. Il est clair que nous sommes au service du public canadien et que la population canadienne attend de nous une certaine conduite et le respect de certaines normes et nous devrions avoir les mêmes attentes vis-à-vis de nous-mêmes en 2003. Cela étant dit, vous ne voulez peut-être pas aller plus loin que votre dernière réponse, mais je tiens à vous demander de dire pour le compte rendu comment s'appliquerait le critère des gros titres et le critère d'apparence aux sénateurs, selon que le poste de conseiller en éthique serait créé par la loi ou par une résolution.

M. Audcent: Je lis les Débats du Sénat et certains sénateurs estiment qu'il y a un risque à inclure la création de ce poste dans la loi. Par conséquent, il faudrait se livrer à un exercice d'évaluation du risque. D'autres sénateurs pensent qu'il serait très avantageux que le conseiller soit nommé par la loi — étant donné qu'il serait indépendant. C'est une question politique et vous devez faire une évaluation des risques et des avantages.

Le sénateur Cools: Je mets le témoin au défi de prouver le bien-fondé et la constitutionnalité de faire appel aux articles 42 et 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour modifier l'article 18. À mon avis, il erre. Je renvoie M. Audcent à la phase préparatoire à l'adoption de l'article 18 et je l'invite à faire la distinction entre une assemblée législative et un Parlement.

La Confédération a été créée à la suite d'un immense débat et l'article 18 a bel et bien sa raison d'être. Il ne peut pas se modifier lui-même, comme vous le suggérez. Toutefois, je ne serais pas surprise que l'on nous dise un jour que c'est possible et que nous soyons mis devant le fait accompli sans pouvoir rien y faire — mais cela est une autre histoire.

Je voudrais revenir aux articles du projet de loi concernant la création des postes de conseiller sénatorial en éthique et de commissaire à l'éthique de la Chambre des communes. Je ne sais pas si vous avez réfléchi à l'aspect que je vais aborder — peut-être que vous n'y avez absolument pas pensé et si c'est le cas, je serais prête à l'accepter.

Mon point de vue sur l'évolution du Parlement et l'évolution de la loi du Parlement — et j'encourage les sénateurs à ne jamais réduire la loi du Parlement aux règles des chambres, car certains s'emploient depuis des années à réduire la loi du Parlement à rien de plus que des règles, mais c'est un autre débat — je considère donc que les chambres sont très jalouses de leurs privilèges et hostiles à l'introduction de préposés de l'administration dans l'enceinte parlementaire et à la création de bureaux de parlementaires.

Vous vous souvenez peut-être que jusqu'à une époque récente dans l'histoire du Canada — et cela faisait partie de la tradition parlementaire depuis 300 ans — lorsqu'un député devenait ministre, il devait immédiatement démissionner de son siège de député, puis se présenter à nouveau devant ses électeurs pour se faire réélire. Le Parlement était tellement jaloux de ses prérogatives qu'il ne supportait pas qu'un agent ou préposé de l'administration détienne un siège au Parlement.

Pour ceux qui ne s'en rappellent pas, je précise que cette tradition fit l'objet d'un différend entre Arthur Meighen et William Lyon Mackenzie King. Ce dernier était parvenu lors d'élections à piéger Meighen, exigeant que ses députés choisissent entre devenir ministres ou occuper un siège au Parlement. Qu'ils choisissent l'une ou l'autre option, la défaite était certaine.

Cela fait quelque temps que je ne m'y suis pas intéressée mais il est certain que le Parlement se protège jalousement des bureaux qui l'entourent pour des raisons constitutionnelles de partage des allégeances. En lisant les articles du projet de loi, je me demande si vous avez pensé à la violation d'une tradition plusieurs fois séculaire qui découlerait de la création de nouveaux bureaux qui auraient essentiellement pour effet d'assujettir les parlementaires?

Peut-être que vous n'y avez absolument pas pensé. Cependant, quand on lit ces articles, on s'aperçoit que la nomination est «à titre inamovible». Le texte évoque ensuite la «révocation motivée» — ce qui est en soi, une anomalie constitutionnelle. Il est très clair qu'il s'agit là de bureaux et non pas de conseillers travaillant à notre service. Quelle que soit la façon dont le gouvernement les présente, il s'agit en fait de bureaux de Sa Majesté; ce sont des préposés de l'administration. Avez-vous réfléchi à cette question?

M. Audcent: Je peux peut-être commencer par établir comme vous l'avez fait le contexte historique. Le tout premier rapport du Comité de régie interne du Sénat paru en 1867, est une lecture très intéressante. On peut y lire ceci: «Nous affirmons notre droit à nommer tous les membres de notre personnel, à l'exception de ceux habituellement désignés par le gouverneur». À l'époque, il s'agissait notamment du greffier et de l'huissier. Le Sénat est-il jaloux de ses agents? Absolument. Il commence par établir deux choses: il affirme ses droits mais il reconnaît l'exception.

Quant à la capacité des députés de servir à titre d'agents du gouvernement, une modification avait été déposée en vue d'appliquer cette interdiction aux sénateurs de la même manière qu'aux députés. Cette modification fut supprimée du projet de loi. Les sénateurs conservèrent donc le droit de servir également au sein du gouvernement; par conséquent, les choses ne sont pas nécessairement très claires.

Comme nous pouvons le constater, votre principe général est juste; également, le principe de l'exception est juste. Passons ensuite au document que vous avez sous les yeux. La proposition que vous avez devant vous est très intéressante, parce qu'elle vous amène à créer un bureau indépendant du Sénat, dans un certain sens. Il dispose de son propre budget — il est composé de personnes qui dirigent leur propre bureau avec leur propre personnel et c'est l'apparence d'indépendance que vous devez communiquer au public. En revanche, il est très clair que le rôle de cette personne est de se conformer à la volonté des sénateurs. Les sénateurs décideront quel est le code de déontologie, quel sera le rôle de ce conseiller et cette personne s'exécutera. C'est un équilibre délicat qui vous est proposé.

La présidente: Par ailleurs, les deux côtés du Sénat doivent également trouver un certain équilibre pour le choix de cette personne.

Le sénateur Cools: Tout cela n'a rien à voir avec le choix de la personne. Il s'agit de la relation politique entre un préposé de l'administration et des membres du Parlement. Actuellement, nous savons que les ministres fédéraux titulaires d'une charge sont liés aux deux Chambres du Parlement par une relation de responsabilité, alors qu'il n'existe aucune tradition analogue pour ce type de poste.

Je vous ferais remarquer, de manière très juridique et constitutionnelle, que c'est une procédure totalement nouvelle et un mécanisme inédit dans le domaine parlementaire. C'est pourquoi j'estime que nous devrions user de prudence et peut-être nous méfier de cette procédure.

J'aimerais apporter une précision à ce que vous avez dit. Les deux seules charges dont les titulaires sont nommés par Sa Majesté sont celles que vous avez citées, monsieur Audcent. En revanche, leur nomination est entérinée d'une manière ou d'une autre au cours du processus. Il a fallu du temps pour déterminer certaines de ces questions. Par leur nomination, Sa Majesté s'engage d'une façon ou d'une autre à en faire des préposés des chambres du Parlement. Par conséquent, c'est une caractéristique unique et distincte. Le fait est, cependant, — et j'espère que les honorables sénateurs le noteront — que le Parlement s'est toujours montré réticent et hostile à l'introduction de bureaux et de préposés de l'administration en son sein. Le débat que vous avez évoqué au sujet du Sénat consistait à savoir si les sénateurs pouvaient être nommés ministres et non pas si les ministres devaient démissionner de leur siège de député avant de pouvoir accepter leur nomination.

La présidente: Sénateur Cools, nous devons terminer nos travaux à 13 h 30.

Le sénateur Cools: Ce que j'essaie de vous faire remarquer, honorables sénateurs, c'est que nous sommes actuellement coupés de notre propre histoire et que nous considérons même les autorités comme extérieures au Parlement. J'essaie de vous faire remarquer que l'histoire du Parlement et les privilèges du Parlement concourraient à assurer la protection du Parlement et des parlementaires contre les fonctionnaires de Sa Majesté. C'est ce qui a donné naissance au gouvernement responsable.

Les seuls titulaires de charges publiques qui sont autorisés à siéger au Parlement actuellement sont les ministres fédéraux. Il y a trois ou quatre cents ans, le régime acceptait des dizaines d'autres titulaires de charges publiques; mais le Parlement a su se protéger et de nombreuses lois ont été adoptées. L'obligation pour les ministres de la Chambre des communes — ce n'était bien évidemment pas la même chose pour la Chambre des lords — les députés qui devenaient ministres devaient immédiatement démissionner, car ils ne pouvaient bénéficier d'aucun avantage de Sa Majesté leur permettant de demeurer députés.

La présidente: Sénateur Cools, je vous remercie. Heureusement que ce n'était pas une question, car nous n'avions plus de temps pour la réponse.

Le sénateur Cools: Eh bien vous auriez pu me donner la parole plus tôt.

La présidente: Nous devons nous arrêter ici. Je vous ai donné la parole comme à toutes les autres personnes qui ont levé la main pour parler, sénateur Cools. Nous allons arrêter ici nos travaux.

La séance est levée.


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