Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 16 - Témoignages du 29 mai 2003
OTTAWA, le jeudi 29 mai 2003
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 11 h 06, pour étudier les questions qu'ont suscité le dépôt de son rapport final sur le système de soins de santé au Canada en octobre 2002 et les développements subséquents. En particulier, le comité doit être autorisé à examiner la santé mentale et la maladie mentale.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Bienvenue. Aujourd'hui, nous poursuivrons notre étude de la santé mentale et de la maladie mentale. Nos témoins ce matin sont le Dr David Marsh, le Dr Donald Addington, M. Robert McIlwraith et Mme Margaret Synyshyn.
Docteur Marsh, veuillez commencer.
Le Dr David Marsh, directeur des services cliniques, Médecine des toxicomanies, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Université de Toronto: Je vous remercie de m'avoir invité; je suis ravi de vous rencontrer. Je remercie aussi mes collaborateurs et mes collègues du Centre de toxicomanie et de santé mentale, dont je citerai à différents moments au cours de mon exposé les données qu'ils ont établies. Je voudrais signaler une publication produite l'an dernier par Santé Canada qui constitue un guide sur les troubles concomitants. M. Brian Rush est l'un des principaux auteurs de cet ouvrage. La publication figure sur le site Web de Santé Canada. Elle présente un examen approfondi des troubles concomitants.
Je vais tenter d'aborder les éléments clés que j'estime importants afin de vous donner un cadre d'étude des troubles concomitants — c'est-à-dire les troubles liés à la consommation de drogues combinés à des problèmes de santé mentale.
Il est important de faire la distinction entre la consommation et l'abus de drogues ainsi que la dépendance à celles-ci. La consommation de substances psychoactives est très courante. L'abus l'est moins et la dépendance ne touche seulement qu'une minorité de gens qui consomment de telles substances. L'ampleur des conséquences est plus grande dans le cas de l'abus et encore plus importante dans le cas de la dépendance.
La troisième diapositive montre des données recueillies par Ontario Monitor en 2001. Comme je suis originaire de Terre-Neuve, je sais que les données de l'Ontario ne sont pas le reflet de la situation dans l'ensemble du pays. Malheureusement, nous ne disposons pas d'un bon système national de surveillance, alors je dois utiliser les données de l'Ontario pour vous donner une idée de la prévalence de la consommation de drogues chez les Canadiens. La dernière bonne étude épidémiologique menée au Canada remonte à 1994. J'ose espérer que la nouvelle stratégie nationale antidrogue annoncée cette semaine — ou peut-être une recommandation provenant du comité — donnera lieu à de nouveaux efforts sur le plan d'un système national de surveillance.
Vous remarquerez que la consommation d'alcool concerne presque tous les Ontariens — 93 p. 100 d'entre eux. Un petit nombre d'adultes en Ontario n'ont jamais consommé d'alcool. Environ la moitié des Ontariens ont fumé une centaine ou plus de cigarettes dans leur vie, ce qui représente une consommation à vie de tabac. Plus du tiers ont déjà consommé du cannabis à un moment donné de leur vie. Une minorité importante d'adultes en Ontario consomment du cannabis.
La proportion des gens qui ont consommé ces substances au cours de la dernière année ou du dernier mois est beaucoup moins élevée. Cela renforce la théorie selon laquelle ce n'est qu'une petite minorité des personnes qui consomment des drogues qui se retrouvent avec de graves problèmes sociaux.
L'étude menée en Ontario ne porte pas sur un nombre de personnes assez élevé pour recueillir des données significatives sur le plan statistique sur les drogues comme la cocaïne ou l'héroïne, qui sont consommées par un nombre encore moins grand de gens. Si un système national de surveillance était mis en place, il devrait viser un nombre de Canadiens assez important pour pouvoir fournir de bonnes données sur les drogues consommées par des minorités de gens.
L'abus de drogues contrairement à la consommation est défini clairement dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'American Psychiatric Association, DSM-IV4. Il est décrit comme étant une consommation mésadaptée, ce qui signifie que la personne consomme une substance psychoactive d'une façon qui a une incidence négative sur son comportement. Si une personne prend de la morphine pour soulager la douleur et qu'elle fonctionne mieux grâce à cela, on ne considère pas qu'elle en abuse ni qu'elle en dépend. Si quelqu'un consomme de façon mésadaptée et que cela a des conséquences négatives d'ordre psychologique ou social, notamment l'incapacité de respecter des obligations importantes au travail ou à la maison, ou s'il continue de consommer malgré le préjudice causé et qu'il ne remplit pas les critères définissant la dépendance, il pourrait répondre à ceux définissant l'abus.
Il s'agit là d'un point important, car les personnes qui ne répondent pas aux critères définissant la dépendance ne considèrent souvent pas qu'elles nécessitent un traitement. Pourtant, de courtes interventions et de brefs renseignements peuvent avoir un effet positif considérable sur ces personnes. Par exemple, quelqu'un qui prend 5 verres ou plus de façon régulière est plus susceptible d'avoir des relations sexuelles non protégées et de contracter des maladies, de commettre des actes de violence familiale ou de subir des accidents de voiture. Une intervention d'une quinzaine de minutes par un médecin de famille qui a bien examiné les antécédents de consommation d'alcool et qui exprime une inquiétude à propos des conséquences pourrait contribuer à diminuer de façon marquée la consommation d'alcool et ses répercussions. Les personnes qui correspondent aux critères décrivant l'abus constituent une plus grande portion de la société que celles qui éprouvent une dépendance.
La proportion des gens qui ont déjà consommé des drogues et qui répondent aux critères de la dépendance est peu élevée et varie selon la substance. Par exemple, environ 5 p. 100 seulement des consommateurs actuels de cannabis — ce qui représente moins de 1 p. 100 de la population — remplissent les critères définissant la dépendance à cette drogue. Le document que je vous ai remis contient les critères de la dépendance. Ce sont essentiellement les suivants: des tentatives répétées, pendant plus de six mois, de diminuer la consommation, la consommation compulsive malgré les torts causés et des conséquences négatives considérables d'ordre psychologique et social. Ces critères englobent nécessairement la dépendance physique accompagnée de symptômes comme le sevrage ou la tolérance.
Les répercussions de la dépendance varient également selon la substance et la situation sociale. En général, les conséquences d'une dépendance à une substance sont plus grandes si sa consommation est moins bien acceptée socialement. Par exemple, chez les gens qui consomment quotidiennement des drogues illégales comme l'héroïne, il y a de très graves conséquences négatives — à la fois pour ces personnes et pour la société. Le Dr Benedict Fischer, un scientifique qui a travaillé à notre centre en 1999, a publié une étude sur la recherche en toxicomanie. Le titre exact de son étude figure dans le document que je vous ai fourni.
Il a recruté 114 consommateurs réguliers d'héroïne à Toronto, qu'il a interrogés afin de déterminer les conséquences de la consommation d'héroïne. Il a découvert que la grande majorité des consommateurs — plus de 80 p. 100 — étaient des hommes; que plus de la moitié d'entre eux vivaient dans des habitations provisoires; qu'un peu plus de la moitié avait déjà occupé un emploi à un moment donné au cours de l'année précédente, quoique seulement le tiers avait tiré un revenu d'un emploi dans le mois précédent. Les niveaux de chômage et de logement instable se sont avérés élevés.
La majorité des consommateurs recevaient des prestations de programmes sociaux, mais avaient tiré davantage de revenus d'activités illégales au cours du dernier mois que des programmes du gouvernement ou d'un emploi. Le Dr Fischer les a aussi interrogés à propos de la prévalence connue de maladies transmises par l'injection de drogues comme l'hépatite B et C et le VIH. Il ne leur a pas fait subir de tests, mais nous sommes en train de mener une étude de plus grande envergure qui prévoit des tests en vue de confirmer la prévalence. Les données qui figurent dans le document que je vous ai remis constituent une estimation moins élevée qu'en réalité de la prévalence de ces maladies. Étant donné la contraction de maladies et les hauts niveaux d'itinérance et de chômage, vous pouvez constater l'incidence sur la société ainsi que sur les personnes dans les cas de dépendance à une drogue comme l'héroïne.
Je veux mettre l'accent sur un point concernant l'hétérogénéité — sur la gamme des problèmes qu'entraînent les troubles concomitants et l'abus de drogues. Quant au type de drogues et à la combinaison de drogues que les gens consomment, je peux dire qu'au cours de l'année financière 2001-2002, environ 20 000 clients se sont présentés au Centre de toxicomanie et de santé mentale. Un peu plus de 7 500 d'entre eux — ou 37 p. 100 — ont été traités dans le cadre de programmes de toxicomanie. Parmi ces personnes, environ 50 p. 100 ont indiqué l'alcool comme substance principale les ayant amenés à se faire traiter; 20 p. 100 ont indiqué la cocaïne; 10 p. 100, le cannabis — ce qui peut vous étonner, car de nombreuses personnes pensent à tort que le cannabis est sans danger, mais il existe une minorité de consommateurs de cette drogue qui subissent des complications considérables; 7 p. 100 ont indiqué qu'ils étaient venus au centre principalement pour cesser de fumer; et environ 5 p. 100 ont invoqué comme raison des problèmes liés à la consommation d'opiacés.
La grande majorité des malades hospitalisés et des malades externes ont fait état de la consommation de substances multiples. J'ai fourni des données sur la gamme des substances que les gens ont indiquées. Parmi les personnes qui ont reçu un traitement à l'hôpital, même si seulement 50 p. 100 d'entre elles recherchaient principalement un traitement pour leur dépendance à l'alcool, 80 p. 100 ont indiqué l'alcool comme un problème; 24 p. 100 ont indiqué le cannabis comme un problème — pourcentage plus élevé que pour le tabac; 50 p. 100 des malades hospitalisés et 29 p. 100 des malades externes ont indiqué la cocaïne comme l'une des causes qui les a amenés à rechercher un traitement.
Cette hétérogénéité — ce mélange de substances — mène à des conséquences variées et à la nécessité de disposer d'une gamme variée d'interventions au niveau du traitement qui sont adaptées aux aptitudes sociales de la personne, à sa situation sociale et aux conséquences liées à la consommation des substances en question.
Je veux également vous donner les points saillants de certaines données que nous avons concernant la prévalence de ces troubles. Le Centre de toxicomanie et de santé mentale, CTSM, a été créé il y a cinq ans. Une des raisons qui a justifié la fusion de nos organismes était de nous permettre de traiter plus efficacement les troubles concomitants. En 2001-2002, nous avons piloté un nouvel instrument appelé «resident assessment instrument for mental health», RAI- MH. C'est un instrument qui a été proposé à l'Institut canadien d'information sur la santé, ICIS, pour tous les malades hospitalisés dans les établissements psychiatriques du pays. Je ne pense pas que la décision à cet égard a encore été prise. Il serait utile de disposer d'une forme quelconque d'évaluation normalisée qui s'applique à tous les malades hospitalisés dans les établissements psychiatriques du pays de manière que nous puissions recueillir des données sur des questions comme la prévalence de différents types de complications de la maladie mentale et sur les diagnostics différents posés dans différents établissements au pays.
Une donnée qui a en a surpris beaucoup parmi les membres du personnel du centre, c'est la prévalence élevée des problèmes de toxicomanie chez les personnes admises dans les programmes de santé mentale pour le traitement de leurs troubles de santé mentale. Beaucoup s'attendaient à un chiffre d'environ 30 à 40 p. 100, ce qui concorde avec les données publiées dans la documentation scientifique. En fait, cet instrument a révélé que dans le cas de 70 p. 100 des personnes admises dans la plupart des programmes de santé mentale de notre centre, la toxicomanie comptait parmi les trois problèmes qu'elles éprouvaient au moment de leur admission.
J'aimerais dire un mot sur notre réponse aux troubles concomitants. De nombreux médecins et fournisseurs de soins de santé sont plutôt pessimistes quant à l'efficacité du traitement de la consommation de drogues. Des sondages auprès des médecins de famille ont révélé qu'une des principales raisons pour lesquelles ils n'interrogent pas leurs malades au sujet de la consommation d'alcool et de drogues, c'est parce qu'ils estiment ne pas avoir un traitement efficace à leur offrir. Or, c'est faux: le traitement pour les troubles liés à la consommation d'alcool et de drogues est très efficace. En 2000, le Dr Tom McLelland, le Dr David Lewis et leurs collègues ont publié un article dans le Journal of the American Medical Association dans lequel ils ont comparé l'efficacité du traitement des troubles liés à la consommation d'alcool et de drogues à celle du traitement d'autres maladies chroniques récurrentes, comme le diabète, l'asthme et l'hypertension. Les chiffres sont comparables, à savoir qu'on peut dire que le traitement des troubles liés à la consommation d'alcool et de drogues a été un succès chez 70 p. 100 des personnes après un an. J'ai également présenté des données sur l'évaluation que nous avons faite de notre traitement à la méthadone.
M. Morin: Que signifie l'expression «MMT treatment» dans la diapositive 3.
Le Dr Marsh: Il s'agit du traitement à la méthadone. C'est le traitement le plus efficace pour traiter la dépendance à l'égard de l'héroïne et des opiacés.
La diapositive suivante montre certaines données de notre propre évaluation du traitement à la méthadone, qui est en fait une évaluation rétrospective sur une période de six ans de notre programme au cours d'une période pendant laquelle la disponibilité du traitement à la méthadone était en progression rapide à Toronto et en Ontario. Le Dr Bruna Brands et moi sommes également coauteurs d'un autre ouvrage de bonnes pratiques qui a été publié en novembre par Santé Canada et comportant une analyse documentaire portant spécifiquement sur la question du traitement à la méthadone.
Les données de notre programme révèlent que dans les six premiers mois suivant leur admission dans le programme de traitement à la méthadone, environ 40 p. 100 des malades ont été capables de maintenir leur abstinence face aux opiacés. Tôt au cours du traitement, il n'y avait pas de changement significatif dans leur consommation de cocaïne ou de benzodiazépines. Cependant, dans le cas des patients qui ont été gardés pendant quatre ans et demi ou plus, environ 85 p. 100 ont cessé leur consommation de cocaïne et de benzodiazépines.
Si les personnes dépendantes qui prennent régulièrement de l'héroïne, chez qui le taux de sans-abri et de sans-emploi est très élevé et qui courent un risque plus élevé de contracter le VIH et l'hépatite, d'après le profil des héroïnomanes de Toronto établi par le Dr Fischer, peuvent être amenées à s'inscrire à un programme de traitement et qu'elles sont gardées en traitement pendant une certaine période de temps, elles font des progrès spectaculaires en ce qui concerne la réduction de leur consommation de drogues. Et je ne parle pas des données portant sur le retour sur le marché du travail, sur la réduction des risques de contracter des maladies et sur l'accès à un logement stable.
Malheureusement, nous ne pouvons inciter tous les toxicomanes à suivre un traitement. Pour certains, les traitements sont soit inacceptables soit inefficaces. Nous devons avoir une variété de réponses, y compris ce qu'on appelle souvent des «initiatives de réduction des préjudices». J'ai ajouté une diapositive pour vous montrer les données provenant d'une expérience suisse sur l'héroïne. Ces données sont tirées d'un article paru dans la revue Lancet l'an dernier et rédigé par le Dr Juergen Rehm et ses collègues. Le Dr Rehm a été nommé récemment titulaire de la chaire de politique sur les toxicomanies à Toronto.
Vous pouvez constater que dans un groupe de personnes qui étaient dépendantes de l'héroïne en injection et pour qui les autres traitements avaient échoué, le fait de pouvoir s'injecter de l'héroïne dans un environnement supervisé par des spécialistes de la santé a eu pour effet que la situation de logement instable a diminué de 43 à 21 p. 100. La clochardise a pratiquement disparu: elle est passé de 18 à 1 p. 100. Le nombre de sans-emploi dans cette population a diminué comme l'usage quotidien de la cocaïne et l'utilisation de l'héroïne illicite a connu une chute spectaculaire.
Même si ces gens continuaient de s'injecter de l'héroïne tous les jours, ils utilisaient une héroïne médicale exempte d'impuretés et de concentration connue. Ils le faisaient sous la supervision d'un fournisseur de soins de santé et participaient à des séances de counselling. Les conséquences de cette utilisation de l'héroïne ont diminué de manière spectaculaire.
Le président: Est-ce qu'une telle expérience serait légale au Canada? C'est-à-dire, y a-t-il des raisons légales qui empêchent la réalisation d'une étude semblable au Canada? La loi interdit-elle de donner de l'héroïne à des gens?
Le Dr Marsh: Dans un contexte d'essais cliniques, si la chose était approuvée par Santé Canada dans le cadre du processus d'autorisation des essais cliniques, ce serait légal au Canada. Je participe aux activités d'un groupe qui entreprend exactement ce genre de projet au Canada.
Le président: Qui entreprend... dans le sens que le projet est déjà en marche? Vous entreprenez les démarches pour l'autorisation? Est-ce que l'étude est actuellement en marche?
Le Dr Marsh: Nous sommes en train d'obtenir les diverses approbations réglementaires.
En résumé, la consommation d'alcool et de drogues est très courante — surtout si vous pensez à l'alcool, au tabac et au cannabis. Il y a une distinction importante à faire entre consommation, abus et dépendance. La distinction repose principalement sur les conséquences de l'utilisation, et ce sont les personnes ayant une dépendance qui subissent les conséquences les plus graves. Il y a également hétérogénéité quant aux drogues consommées et quant aux conséquences qui peuvent donner lieu à des troubles concomitants.
Le traitement peut être efficace. Nous avons besoin d'approches diversifiées au traitement. Nous avons besoin d'une variété de choix de traitement ainsi que d'autres solutions, comme l'échange de seringues, des lieux d'injections sûrs, et des expériences sur l'héroïne qui n'aboutissent pas nécessairement à une diminution de l'usage des drogues, mais qui peuvent en réduire les conséquences.
Le Dr Donald Addington, professeur et chef, Département de psychiatrie, Université de Calgary: J'aimerais féliciter le comité de s'attaquer à cette question très importante. De tous les domaines de la santé, si vous réussissez à produire des changements majeurs dans les services de santé mentale, c'est là que vous allez obtenir le meilleur rendement sur l'investissement du point de vue de la santé générale des populations. On m'a demandé de concentrer mes efforts sur les principales maladies observées chez les adultes: la dépression, la schizophrénie et les troubles anxieux. J'ai des recommandations portant sur les questions liées aux malades, sur les questions liées aux systèmes, sur la prestation des services cliniques et sur la recherche. Elles sont de nature assez générale, mais elles s'appliquent particulièrement aux maladies chez les adultes. Je parle à titre de spécialiste des soins de santé et de chercheur clinique ayant des responsabilités en matière d'administration, d'enseignement et de prestation des services de santé. Je suis certain que les malades et les consommateurs peuvent très bien parler pour eux-mêmes.
Cependant, du point de vue des malades, le fait de régler quelques grandes questions pourrait faire une énorme différence — et ces questions sont liées à l'accès à des soins en temps opportun et approprié. Ce genre de choses peut être réalisé par l'intermédiaire d'une charte des droits des malades prévoyant un accès à des soins de santé mentale et à des soins primaires. Dans l'ensemble, ces services ne sont pas accessibles; vous pouvez obtenir des soins des médecins, mais non des autres spécialistes de soins primaires.
Il y a des problèmes importants en ce qui concerne l'accès aux spécialistes, aux services spécialisés et aux soins aigus. Les recommandations peuvent se présenter sous forme d'une charte ou, d'une manière plus bureaucratique, en termes de listes d'attente définies ou quelque chose du genre.
Il y a un problème quant à l'accès à des soins complets fondés sur les données. Vous venez juste d'entendre une foule de détails sur les traitements efficaces contre les toxicomanies. Cela s'applique au traitement de toutes les maladies mentales. Très souvent, il n'y a pas d'accès à des soins fondés sur les données. Il s'agit d'un problème majeur. On peut résoudre ce problème en définissant les services accessibles en vertu de la Loi canadienne sur la santé en fonction des différents groupes et des différentes catégories de malades.
J'ai quelques recommandations spécifiques. Un bon point de départ, c'est qu'il y a des audiences à l'échelle nationale sur la santé mentale. Il s'agit d'une réalisation importante. Il serait très possible de fixer des objectifs nationaux en matière de santé mentale, qui devront, de toute évidence, faire l'objet de négociations entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Cette question est présente dans toutes les autres. Il ne m'appartient pas d'entrer dans les détails. Mais pour vous donner un exemple pratique, des objectifs pourraient être fixés en ce qui a trait à la réduction du nombre de suicides, tant au niveau de la société en général qu'au niveau des gens qui sont actuellement en contact avec les services de santé mentale.
Nous avons vraiment besoin d'une politique-cadre pour orienter la mise en place des services de santé mentale. C'est quelque chose qui n'existe pas. On en aurait peut-être besoin dans le cas de certaines provinces particulières, mais c'est quelque chose qui doit être fait.
Il y a ensuite les questions liées au financement. Il est préoccupant de constater que le financement de la santé mentale n'a pas été maintenu, de façon générale, au même niveau que celui des services de santé en général. Une manière particulière de régler ce problème, c'est de se concentrer sur des approches de financement fondées sur la population, c'est-à-dire que vous déterminez le financement qui serait disponible pour une population donnée et, ensuite, vous offrez les services à l'endroit le plus approprié pour cette population.
Le dernier problème en est un qui est lié aux systèmes; en fait, il s'agit d'un cadre de reddition des comptes qui répond à deux besoins: premièrement, mesurer le rendement et, deuxièmement, créer une certaine forme d'organisme de supervision qui voit à la réalisation des objectifs fixés en matière de rendement. Encore une fois, il s'agit principalement d'une question qui intéresse les provinces, mais il y a eu des discussions et des recommandations qui portent également sur un système national.
Ce qui est important dans cette question liée aux systèmes, c'est que ces mécanismes devraient exister et qu'ils devraient s'appliquer, de manière spécifique, à la santé mentale. L'Institut canadien d'information sur la santé, ICIS, compte un groupe de travail sur la mesure du rendement en santé mentale. Cependant, il faut faire plus de travail dans ce domaine.
Dans le cas des problèmes liés aux services, il est important de se rappeler que les problèmes de santé mentale chez les adultes surviennent à la fin de l'adolescence et au début de la vie adulte et qu'ensuite, les problèmes sérieux ont très souvent tendance à persister dans le temps. Alors que nous avons tendance à croire que la santé est davantage une question qui concerne la population plus âgée, la santé mentale constitue toujours un problème majeur pour la population généralement en bonne santé. Cela influe sur le genre de services et sur le financement qu'il faut assurer, parce que les formules de financement favorisent souvent les populations plus âgées.
Les recommandations spécifiques en ce qui concerne les services, c'est que ces derniers devraient être fondés sur les maladies à traiter et sur la population à desservir: des services pour les adultes, des services pour les enfants et des services pour les personnes âgées. Nous en savons beaucoup sur la prévalence et sur les répercussions des maladies; nous venons juste d'entendre toutes sortes de détails au sujet des toxicomanies; et il y a d'autres domaines qui sont très bien connus. Nous pouvons calculer le nombre de cas et les types de services qui doivent être assurés à la population concernée. Grâce à une telle approche «fondée sur les besoins», nous pouvons fournir des services de manière appropriée.
Autre recommandation, nous avons besoin d'un appui national pour l'élaboration, la dissémination et la mise en oeuvre de lignes directrices en matière de pratiques cliniques. Il s'agit de lignes directrices pratiques s'adressant aux cliniciens sur la façon de traiter des cas particuliers. Nous avons également besoin d'équipes de traitement ayant des objectifs de services définis pour différents groupes de personnes — certainement, pour le groupe des personnes atteintes de maladies mentales graves et persistantes — ainsi que d'équipes d'appui pour les soins primaires. Les services de santé mentale spécialisés ne peuvent s'occuper du lourd fardeau que constituent les maladies mentales traitées au niveau des soins primaires, mais ils peuvent améliorer les soins prodigués à cette population par l'intermédiaire de programmes et de services de soins partagés.
Nous avons besoin de systèmes d'information améliorés qui assurent un appui dans tout le continuum des soins, de manière que vous puissiez appuyer les soins qui se donnent à des niveaux inférieurs, moins intenses et moins coûteux. Nous avons besoin d'une collaboration accrue entre les travailleurs sociaux et les fournisseurs de soins de santé. Lorsque les malades frappés de maladies mentales graves reçoivent leur congé de l'hôpital et qu'ils n'ont nulle part où aller, c'est un problème grave. Dans l'environnement actuel, il est difficile de faire en sorte que les organismes de réglementation, les autorités et les responsables de ces services travaillent en collaboration.
Enfin, au chapitre de la recherche, j'ai quelques recommandations précises. Les budgets de recherche en santé du gouvernement fédéral devraient être attribués en fonction du fardeau que représente la maladie en question pour la société. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle au Canada; mais, c'est le cas aux États-Unis. Le National Institute of Mental Health et les instituts de recherche sur les toxicomanies reçoivent un financement qui est fonction du fardeau que représentent ces maladies pour la collectivité. La recherche en santé mentale est gravement sous-financée et pourtant, elle peut avoir des répercussions très importantes.
Il nous faut augmenter, quantitativement et qualitativement, les centres de recherche universitaires liés à des organismes qui dispensent les soins. Par exemple, nous avons vu d'énormes progrès dans le domaine de la santé cardiaque, là où il y a une collaboration très active entre les organismes de recherche et les organismes qui dispensent des services de santé. On n'a pas tendance à observer ce genre de collaboration étroite dans le domaine des services de santé mentale.
Le président: Merci. Vous avez soulevé de nombreuses questions, mais nous allons d'abord entendre les autres témoins.
M. Robert McIlwraith, professeur et directeur, directeur du programme de psychologie en milieu rural et nordique, Université du Manitoba: Merci de l'invitation qui m'a été adressée pour vous parler de santé mentale. L'élément principal de mes observations aujourd'hui sera la question de l'accès aux services de santé mentale.
J'ai l'intention de parler de trois points. Premièrement, l'accès aux thérapies cognitivo-comportementales qui, pour de nombreuses maladies mentales, sont aussi efficaces que les médicaments, moins coûteuses et qui, dans nombre de cas, reçoivent la préférence des malades. Deuxièmement, je veux vous parler de l'accès aux services de psychologie dans le système de soins de santé publique; et troisièmement, je veux vous parler de l'accès à des services de soins de santé mentale par le recrutement de spécialistes de la santé mentale dans les régions rurales et nordiques du Canada.
Pour ce qui est de l'accès à des services, on peut dire que lorsqu'ils sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, les gens veulent une thérapie, pas seulement des médicaments. Je suis d'accord pour dire que les médicaments ont un rôle important à jouer dans le traitement des maladies mentales, surtout dans le traitement aigu et d'urgence des maladies mentales graves. Cependant, il est également vrai que de nombreux malades — sinon la majorité des malades — nous disent, lorsqu'on leur demande quel genre d'aide ils voudraient recevoir, qu'ils aimeraient pouvoir parler de leurs problèmes avec une personne compétente qui pourrait les aider à résoudre elles-mêmes leurs propres problèmes.
Par contre, des personnes rejettent ce genre de traitement. Pour des raisons qui leur appartiennent, elles préfèrent tout simplement avoir une ordonnance. Et c'est bien; elles devraient avoir ce choix. Cependant, de nombreuses personnes qui prennent des médicaments ont également d'autres problèmes dont elles aimeraient pouvoir parler et qu'elles aimeraient pouvoir résoudre avec l'aide de spécialistes. Lorsqu'on leur en donne le choix, de nombreuses personnes préfèrent la psychothérapie aux médicaments. Cette donnée ressort particulièrement dans le cas des études dans lesquelles on a expliqué en détail à la personne les différents traitements offerts, leur efficacité respective et leurs effets secondaires respectifs.
Et c'est particulièrement vrai dans le cas de la dépression et des troubles anxieux, qui sont très courants, et où la recherche démontre amplement que la thérapie cognitivo-comportementale, et d'autres psychothérapies fondées sur la science, ont à peu près la même efficacité que les médicaments, souvent sans les effets secondaires très désagréables et, dans bien des cas, avec de meilleurs résultats quant au taux de rechute.
Le premier point, c'est que les malades devraient pouvoir choisir un traitement non médicamenteux s'ils le veulent ou un traitement combinant les deux, s'ils le veulent. Avec l'augmentation des coûts des médicaments prescrits, la thérapie cognitivo-comportementale pourrait même s'avérer plus rentable à long terme que la pharmacothérapie.
Au cours de la dernière décennie, une commercialisation très énergique de la part des entreprises pharmaceutiques combinée aux réductions des budgets consacrés aux services de soins de santé menacent de créer un système dans lequel le traitement des maladies mentales devient synonyme de médicament, dans lequel tout ce qui n'est pas médicament est vu comme une mesure d'appui social et non plus comme une responsabilité du système de soins de santé publique, mais plutôt comme un travail qui relève du secteur bénévole. Les familles et les groupes de soutien jouent un rôle important, mais ils n'ont pas la prétention d'assurer des services de psychothérapie. Le système de santé mentale — pressé comme il l'est — semble vouloir abandonner l'idée que le traitement comprend la thérapie. Par contre, les personnes atteintes d'une maladie mentale, elles, n'ont pas abandonné cette idée.
Je recommanderais en premier lieu que le système de soins de santé mentale mette de nouveau l'accent sur la psychothérapie comme mode de traitement, et non sur les médicaments seulement. Les données abondantes dont nous disposons prouvent que la thérapie cognitivo-comportementale est aussi efficace que les médicaments dans de nombreux cas et qu'elle l'est encore plus à long terme pour beaucoup de troubles mentaux. En outre, c'est souvent ce que préfère le patient. Les gens qui vivent dans les régions rurales et éloignées ont également beaucoup plus de difficulté à avoir accès à des psychothérapies et ont donc plus de chance d'être traités par des médicaments que les gens dans les centres urbains.
Étant moi-même psychologue, je sais que des professionnels de plusieurs secteurs sont formés pour faire de la TCC, mais comme je suis spécialisé dans la formation des psychologues, je vais vous parler brièvement de l'accès aux services psychologiques dans le système public de soins de santé.
Il y a eu bien des discussions animées au sujet des dangers que représenterait un système de soins de santé à deux vitesses au Canada. Malheureusement, un tel système existe déjà, sous une forme extrême dans le cas de l'accès aux services psychologiques. Les services de psychologue ne sont pas couverts par le régime d'assurance maladie des provinces. Si les gens ont l'argent ou une assurance privée, ils ont accès à des services psychologiques de qualité, souvent en l'espace de quelques jours ou semaines. Si par contre, ils dépendent du système public de soins de santé, ils se retrouvent sur de longues listes d'attente avant de bénéficier des services psychologiques offerts en clinique externe à l'hôpital ou dans des écoles, si tant est qu'ils existent dans ces établissements.
On trouve bien entendu des psychologues au sein de la collectivité dans des édifices professionnels ou des cabinets au centre commercial local, tout comme des médecins de famille. Toutefois, les services du médecin de famille sont assurés, alors que les psychologues privés exigent des honoraires. Malgré cette différence toutefois, les psychologues privés sont fort recherchés. L'écart entre les honoraires à l'acte et les salaires des psychologues du secteur public est tel que de plus en plus de psychologues abandonnent le système public, ce qui limite encore plus l'accès aux services en fonction de la capacité de paiement.
Un recours excessif à un modèle pharmacologique de traitement au sein des établissements publics de santé incite également certains psychologues à quitter le système public. Par conséquent, il est important de souligner à nouveau que le choix des psychologues d'exercer de plus en plus dans le secteur privé plutôt que dans le secteur public n'est pas un choix isolé. Les psychologues du système public ont toujours été mal payés, compte tenu en particulier du nombre d'années d'études supérieures exigées pour être agréé. Comme les services de psychologie ne sont pas assurés par le régime de santé provincial, l'accessibilité aux psychologues dans le système public est limitée en raison de la disponibilité de postes salariés au sein des établissements publics, lesquels sont souvent à court de fonds.
Je recommanderais ensuite d'explorer toute une variété d'autres mécanismes de financement des services psychologiques dans notre pays de manière que tous les Canadiens — et pas seulement ceux qui en ont les moyens — aient accès aux services de psychologues, s'ils en ont besoin. L'expérience de l'assurance privée aux États-Unis a certainement prouvé que l'inclusion des services psychologiques dans les plans d'assurance santé est en général plus que rentable en raison de la diminution d'autres coûts de soins de santé liés à des problèmes de santé mentale et physique, y compris les hospitalisations et l'invalidité.
J'aimerais m'attarder sur un troisième point, soit les services de santé mentale dans les régions rurales et éloignées. La prestation des services de soins de santé est toujours une question d'économies d'échelle. À cause de sa réalité géographique, le Canada présente des défis d'importance. Nous avons une population relativement peu nombreuse dispersée sur un très vaste territoire. D'après Statistique Canada, près des trois quarts des Canadiens vivent dans des zones urbaines ou dans des banlieues. Alors que nous entendons souvent les citadins canadiens se plaindre de l'accès qu'ils ont aux services de soins de santé, le vrai problème se pose au quart de Canadiens qui vivent dans les 90 p. 100 restant du territoire, définis par Statistique Canada comme collectivités rurales et éloignées. En outre, 65 p. 100 des Autochtones du Canada vivent dans des régions rurales ou éloignées, toujours d'après Statistique Canada. Toutes les économies d'échelle vont à l'encontre d'une prestation efficace de services de santé mentale dans les collectivités rurales et du Nord.
L'accès aux services de santé mentale — comme à tous les services de soins de santé dans les collectivités rurales et éloignées — est une question de recrutement et de maintien des professionnels de la santé dans ces endroits. Les régions rurales sont très mal desservies par les professionnels de la santé mentale par rapport aux régions urbaines. Dans les régions urbaines du Canada, on compte un psychologue pour environ 2 000 personnes; dans les régions rurales et éloignées, on en compte un pour environ 10 000 personnes. Je suis sûr que le même genre de disparité s'applique à toutes les autres professions de la santé mentale.
J'aimerais vous décrire un programme que nous avons créé à la Faculté de médecine de l'Université du Manitoba pour justement régler la question de la pénurie de psychologues en dehors de Winnipeg. Avant ce programme, il n'y avait pratiquement pas de psychologues du niveau de doctorat exerçant à plein temps à l'extérieur de la région métropolitaine de Winnipeg. Le reste de la province, jusqu'à la frontière du Nunavut et la baie d'Hudson, avait accès à des personnes mal qualifiées ou à des services occasionnels dispensés par des psychologues qui se déplaçaient en avion.
En 1996, grâce au financement du ministère manitobain de la Santé, nous avons mis sur pied un programme de formation de psychologues dans les collectivités rurales et du Nord. On retrouve actuellement des psychologues du niveau de doctorat à plein temps à Thompson, The Pas, Flin Flon, Dauphin et la région des Lacs. Ils fournissent des services à des patients externes dans la collectivité, ainsi que dans de petites unités de santé mentale qui ont été créées dans les hôpitaux généraux de ces collectivités. Ils conseillent également des groupes communautaires à propos des programmes de prévention et de l'éducation du public.
Nous leur fournissons un soutien pour les aider à faire leur travail, car ils doivent être généralistes. Dans le Nord, on ne trouve qu'un ou deux de chacun des cas possibles qui se manifestent en plus grand nombre dans le sud. En outre, nous envoyons des internes passer six à 12 mois dans les régions rurales sous leur supervision. Ces stagiaires peuvent donc expérimenter leur profession en milieu rural pendant six mois ou un an avec un chargé de formation clinique sur place et se rendre compte de ce que représente la vie et l'exercice de la profession dans une collectivité rurale. Nous les exposons aux défis et à l'expérience enrichissante d'un cabinet en milieu rural.
Certains en concluent qu'ils ne sont pas à leur place et reviennent directement en ville. D'autres trouvent l'expérience intéressante et souhaitent exercer dans ces collectivités. Ces sept dernières années, nous avons formé dix internes et quatre boursiers de recherches postdoctorales et nous en avons embauché cinq pour des postes à Thompson, The Pas et Dauphin.
Nous savons bien qu'il y aura toujours un roulement de personnel dans les collectivités rurales et du Nord. En général, les gens restent de deux à trois ans avant de repartir, bien que nous ayons un psychologue depuis sept ans. Les gens ne restent pas. Nous avons décidé d'évaluer notre succès en fonction de la durée de vacance d'un poste — et non en fonction de la durée d'occupation du poste. En général, en cas de départ du Nord, nous avons pu trouver un remplaçant le jour ou le mois suivant, soit un autre stagiaire de nos programmes. Nous sommes également en mesure d'envoyer des stagiaires et de remplacer leur superviseur par la suite.
Ma dernière recommandation vise le recours à Télésanté dans les régions éloignées. Télésanté est une vidéo de télévision interactive diffusée par Internet. Nous y avons recours pour aider nos psychologues dans le Nord et pour assurer une formation et une supervision supplémentaires, ainsi que des contacts collégiaux pour nos stagiaires qui se trouvent dans le Nord. Nous nous en servons pour leur donner accès à une consultation de spécialistes lorsqu'ils tombent sur des cas complexes. Je suis d'avis que même si Télésanté est un appui merveilleux pour les professionnels qui travaillent dans les collectivités éloignées, il ne faudrait pas que ce service les remplace, vu que ce ne serait pas la bonne solution. Dans tous les domaines de la santé, dans celui des soins de santé mentale notamment, le contact personnel entre le professionnel et le patient est essentiel. Parler via la télévision à un psychologue à Toronto ou à Atlanta n'a rien à voir avec la psychothérapie personnelle. Certains pourraient dire que le service Télésanté est mieux que rien. Je n'accepte pas que le choix se fasse entre Télésanté ou aucun service du tout. D'après notre expérience des sept dernières années, il est tout à fait possible que des psychologues qualifiés offrent des services de soins de santé de qualité aux gens des collectivités rurales et du Nord.
Le danger, c'est que si vous assurez des services uniquement par Télésanté, vous donnez encore plus l'impression que le problème de santé mentale est propre au client ou au patient, dans la mesure où le professionnel à l'autre bout ne voit rien du contexte dans lequel vit le patient ou dans lequel il va se retrouver après le traitement.
Les psychologues qui vivent dans les collectivités rurales et du Nord ont également la possibilité de s'occuper de prévention, de développement et d'éducation de la collectivité. Je leur rappelle qu'ils sont des modèles de comportement et je les envoie participer à toutes les journées «carrières en perspective» organisées dans les écoles secondaires de chaque ville du Nord pour que des élèves des villes du Nord puissent envisager de devenir psychologues.
Je recommanderais donc pour terminer de n'avoir recours à la technologie Télésanté que pour appuyer nos collègues dans les collectivités rurales et éloignées — et non pour les remplacer. Je crains que les gouvernements provinciaux n'embrassent excessivement Télésanté et ne considèrent cet outil comme la solution au problème difficile de recrutement de professionnels dans le Nord; ce serait, à mon avis, aller trop loin.
Mme Margaret Synyshyn, présidente, Association des infirmières et infirmiers psychiatriques du Canada: Au nom de l'Association, j'aimerais remercier le comité sénatorial de nous donner l'occasion de parler de points qui, selon nous, sont de la plus haute importance pour tous les Canadiens. Notre Association a envoyé un mémoire écrit au comité à propos de la maladie mentale et de la santé mentale. Je ne vais pas le lire, mais je vais tenter de souligner certains éléments qui, de l'avis de l'Association, sont nécessaires pour une approche globale de la santé mentale et de la maladie mentale au Canada.
Les infirmières et infirmiers psychiatriques offrent des services professionnels de santé mentale aux Canadiens depuis plus de 75 ans. Nous faisons partie d'une profession réglementée et nous avons des organes de réglementation ainsi que des programmes d'études agréées dans les quatre provinces de l'ouest du Canada. Les infirmières et infirmiers psychiatriques n'existent pas en tant que tels dans l'est du Canada. Je vous ai apporté des documents relatifs à notre code de déontologie, nos normes de pratique, nos composantes et nos compétences, ainsi qu'à la législation provinciale.
Notre Association appuie vivement l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale — ACMSM — qui réclame un plan national pour la santé mentale. Le gouvernement fédéral doit s'engager à ce propos et fixer des normes solides en matière de prestation de services de soins de santé mentale au Canada, faute de quoi, les services de santé mentale continueront d'être le «parent pauvre» du système de soins de santé — système qui continue de mettre l'accent sur les hautes technologies, des modèles médicaux et des régimes de rémunérations désuets. Ce système ne saisit pas vraiment le rapport qui existe entre l'esprit et le corps dans le contexte de la santé globale.
Dans le passé, l'accent a toujours été mis sur le traitement de la maladie une fois celle-ci déclarée. Bien que ce soit louable et évidemment, de la plus haute importance, les sources documentaires tout comme les recherches récentes se penchent maintenant sur d'autres modèles de conceptualisation de la santé, qui mettent l'accent sur le traitement avant que la maladie ne se déclare. Nous savons que beaucoup de maladies physiques sont évitables ou plus facilement traitées si elles sont détectées précocement. Cela s'applique également au domaine de la santé mentale et de la maladie mentale.
L'intervention précoce est un principe qui s'applique à tous les domaines de la maladie mentale, peu importe l'âge des patients. L'intervention précoce s'applique aux populations à risque, comme les personnes qui risquent d'être atteintes de psychoses ou qui ont souffert de traumatismes au cours de leur vie, ou celles qui n'ont pas de bonnes habilités d'adaptation en raison de plusieurs événements au début de leur vie.
D'après les recherches, l'intervention précoce est un processus assuré qui donne de meilleurs résultats dans le cas des patients qui peuvent avoir accès à toute une gamme de services offerts par tout un éventail de professionnels dans des endroits à proximité de leurs lieux de résidence et de travail. Elle est des plus efficace — tant d'un point de vue humain que financier — pour les personnes et les familles qui peuvent avoir accès aux services avant que les symptômes ne perturbent la qualité de leur vie familiale, de leur vie sociale, de leurs études ou de leur emploi.
Dans notre mémoire, nous disons qu'il faut inclure les services de santé mentale dans le modèle de soins de santé primaires pour la prestation des services. Parmi les principes de ce modèle, citons: le caractère essentiel — faire en sorte que les services de santé mentale soient considérés comme norme universelle de prestation; la participation communautaire — aider les personnes atteintes de maladie mentale à développer leur capacité personnelle de manière à prendre part aux décisions qui les touchent; la collaboration intersectorielle — rendre disponibles tous les services nécessaires pour une qualité de vie raisonnable, ne pas appuyer les modèles cloisonnés traditionnels qui servent à fragmenter et compartimenter les services; l'accès — fournir des soins à domicile à ceux qui sont atteints de maladie mentale pour qu'ils puissent rester chez eux et faire en sorte que ceux qui ont un emploi puissent se permettre les médicaments prescrits et ainsi ne pas décider de quitter leur emploi ou de s'inscrire à l'assistance sociale pour que leurs médicaments soient remboursés; enfin, la prise en charge de soi — s'assurer que chacun a voix au chapitre et que le respect qui est un droit se manifeste dans toute la société.
L'Association des infirmières et infirmiers psychiatriques du Canada est convaincue que les personnes atteintes de maladie mentale bénéficient de soutien naturel. Les familles, les collègues et les amis continuent de fournir un appui constant lorsque tous les professionnels ont terminé leur journée de travail. Selon nous, un engagement de la part du gouvernement visant à appuyer financièrement les groupes qui défendent l'initiative personnelle et la prise en charge de soi de la part des personnes atteintes de maladie mentale sera très utile pour combattre la stigmatisation et sensibiliser le public à la maladie mentale.
Nous croyons qu'il est urgent de joindre le geste à la parole. Nous savons qu'une personne sur cinq risque de souffrir d'un genre de trouble mental dans sa vie. D'après l'ICIS, en 1995-1996, les hôpitaux ont consacré 5,5 millions de jours- lit aux personnes atteintes de troubles mentaux — deux fois plus que le nombre de jours-patient consacrés aux personnes atteintes de toutes les formes de cancer.
Les sources documentaires actuelles parlent de l'incidence élevée des troubles concomitants — la toxicomanie et la maladie mentale. Les questions de santé mentale et de maladie mentale ne peuvent plus être considérées comme le problème d'autrui. C'est le problème de tout un chacun et il est temps d'y apporter une réponse à l'échelle nationale.
L'Association des infirmières et infirmiers psychiatriques du Canada vous remercie de votre temps et de votre attention.
Le président: Pourquoi n'y a-t-il des infirmières et infirmiers psychiatriques que dans quatre provinces? Qu'est-ce qui ne va pas dans l'Est?
Mme Synyshyn: Cela s'explique par l'évolution des sciences infirmières au Canada. Dans l'Ouest, on a eu tendance à suivre le modèle britannique, qui prépare non seulement des infirmiers et infirmières généralistes, mais aussi des infirmiers et infirmières psychiatriques, ainsi que des sages-femmes.
Le président: Voulez-vous parler de la formation dans les écoles de sciences infirmières?
Mme Synyshyn: Oui. Nous représentons un ensemble de connaissances à part ainsi que des programmes d'études distincts.
Le sénateur Morin: Nous qui sommes de l'Est devons comprendre que ce n'est pas une spécialisation; c'est une formation d'infirmières et infirmiers psychiatriques.
Le président: Par opposition à la profession d'infirmières et infirmiers spécialisés?
Mme Synyshyn: C'est exact. Nous sommes des infirmières et infirmiers psychiatriques.
Le sénateur Morin: C'est un point à souligner, puisque nous ne sommes pas vraiment au courant.
Mme Synyshyn: Ce n'est pas étonnant, même si à un moment donné, il y avait en Nouvelle-Écosse des infirmières et infirmiers psychiatriques ainsi qu'un organe d'agrément. Je ne suis pas dans la profession depuis longtemps si bien que je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé dans cette province. Toutefois, il y a en Grande- Bretagne des infirmières et infirmiers psychiatriques. Nous faisons beaucoup d'échanges avec les pays du Commonwealth puisque l'on retrouve des infirmières et infirmiers psychiatriques en Nouvelle-Zélande, en Australie, aux Bermudes et qu'il y a réciprocité, dans une certaine mesure.
Le président: Il y a des infirmières et infirmiers dans l'Est qui jouent le même rôle que vos membres dans l'Ouest, mais qui ne sont pas formés de la même façon?
Mme Synyshyn: Je n'en sais trop rien. Tout ce que je sais, c'est que dans l'ouest du Canada, les infirmières et infirmiers psychiatriques offrent toute une gamme de services de santé mentale — essentiellement au sein des collectivités. Je ne sais pas dans quelle mesure ils participent à la prestation de services de santé mentale dans l'est du Canada. Je sais qu'en milieu hospitalier, les infirmiers et infirmières travaillent dans des unités de soins actifs. Toutefois, pour ce qui est des services au sein des collectivités, je crois que beaucoup d'infirmiers et infirmières qui travaillent dans le domaine de la santé mentale sont au niveau de la maîtrise. Beaucoup restent dans le domaine de la santé mentale après y avoir travaillé pas mal de temps. Dans l'ouest du Canada par contre, nos infirmières et infirmiers suivent une formation en santé mentale dès le début de leurs études.
Le président: Il faut voir comment fonctionne le programme dans l'Est.
Au cours des derniers mois, plusieurs témoins ont parlé de la nécessité de mettre sur pied un régime national de santé mentale. M. Addington a plutôt parlé d'un plan d'action national. J'aime bien cette expression. J'insiste toutefois sur le mot «action». Vous avez dit qu'il fallait encourager le gouvernement fédéral et les provinces à faire quelque chose — il faut plutôt s'attendre à de l'«inaction» de leur part.
Vous ne serez peut-être pas en mesure de répondre immédiatement à mes questions, mais je vais quand même vous en poser deux. D'abord, quelles sont les principales composantes du plan d'action? Oubliez le processus intergouvernemental, nous allons nous en occuper. Ensuite, et deux ou trois d'entre vous l'ont mentionné, vous avez dit que plusieurs services devraient être couverts par le régime d'assurance-maladie. Vous ne l'avez pas dit en ces termes, mais c'est ce que vous avez laissé entendre.
Or, pour y arriver, il faudrait soigneusement définir les services qui sont couverts par le régime, et ceux qui ne le sont pas. Je vais vous donner un exemple. Dans notre dernier rapport sur la santé — contrairement à ce que certains médias ont affirmé — nous nous sommes prononcés contre le principe des soins à domicile universels. Toutefois, nous nous sommes dits en faveur d'un programme de soins actifs à domicile. Pour y être admissible, il faudrait qu'une personne obtienne son renvoi de l'hôpital. Ensuite, le remboursement serait basé sur les services. Les lignes directrices à ce sujet sont très claires. Il n'est pas question de créer un gouffre. Par ailleurs, ce programme nous permettrait de réaliser des économies et de libérer des lits qui coûtent cher.
Nous aimerions vraiment avoir votre avis là-dessus, même de manière très générale. Sur quels critères doit-on se fonder pour définir les services, autres que ceux offerts par les hôpitaux et les médecins, qui doivent être couverts par le régime d'assurance-maladie? Pour y arriver, il faudra convaincre les ministres des Finances — à l'échelle fédérale et provinciale —, parce qu'ils vont considérer cela comme un véritable gouffre.
La question est simple. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le Dr Addington: On pourrait, par exemple, définir les groupes cibles en fonction des affections et des incapacités dont ils sont atteints. C'est ce qu'on fait en ce moment avec le régime de soins de santé. Si vous êtes gravement malade, totalement désorganisé, et que vous constituez un risque pour vous-même ou pour les autres, vous allez être admis dans un hôpital de soins actifs. Vous allez être soigné pendant une ou deux semaines avant d'être renvoyé à la maison, où vous bénéficierez de soins à domicile.
Il y a des personnes qui sont admissibles aux soins actifs et qui peuvent être soignées avant d'être hospitalisées. Ce groupe peut être clairement défini. Il suffit ensuite de lui fournir les services dont il a besoin.
Quelqu'un a parlé de l'intervention précoce. Nous avions l'habitude, par exemple, de compter les cas de schizophrénie en fonction du taux de prévalence — c'est-à-dire, le taux d'apparition de nouveaux cas au cours d'une année. Grâce aux services que nous sommes maintenant en mesure d'offrir, moins de la moitié des personnes atteintes de schizophrénie sont admises dans des hôpitaux. Ce segment de population peut être cerné au sein de la collectivité.
Nous avons une assez bonne idée du nombre de nouveaux cas qui peuvent apparaître par 100 000 habitants. Nous offrons des services de dépistage précoce des troubles psychotiques qui permettent de réduire le délai entre le moment où la personne est atteinte de la maladie et le moment où elle est examinée. Pour l'instant, les personnes atteintes d'une maladie mentale importante doivent attendre entre 12 et 24 mois avant de se faire examiner.
Le sénateur Morin: Le service de dépistage précoce n'est-il pas déjà couvert par le régime d'assurance-maladie? La question de la présidence portait sur les services qui ne sont pas couverts par le régime, mais qui devraient l'être.
Le Dr Addington: On pourrait penser que ces services sont couverts. Toutefois, ils ne le sont pas, pour la plupart. Ceux qui ne sont pas couverts ont été mentionnés. Parmi ceux-ci figure la psychothérapie individuelle. Toutefois, ces services sont parfois offerts par le régime de soins de santé, mais de façon très restreinte.
Le Dr Marsh: Pour revenir au plan d'action national et à la question de savoir quels services doivent ou non être financés à même les deniers publics, il faut d'abord disposer de données fiables pour prendre des décisions. Nous avons certaines données, comme le taux de prévalence, l'incidence de nouveaux cas de maladies mentales. Nous n'avons pas de données fiables sur le taux de prévalence de troubles liés à des toxicomanies au Canada. Nous n'avons pas de données fiables sur les résultats que donnent différents traitements. Ces données sont compilées au moyen d'indicateurs reconnus comme, entre autres, l'espérance de vie sans incapacité.
Si on laisse entendre, par exemple, que les services d'un psychologue ou d'une infirmière psychiatrique autorisée devraient être financés à même les deniers publics, il faudrait alors s'appuyer sur des données qui montrent que ces services coûtent moins cher que ceux qui sont actuellement offerts par le régime public. Il faudrait, par ailleurs, analyser les services qui sont actuellement financés à même les deniers publics.
Le président: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Toutefois, il y a un problème: la collecte de données est un processus qui s'étend sur plusieurs années. Entre-temps — et j'exagère ici — on ne fait rien. La question que nous devons nous poser est la suivante: que pouvons-nous faire entre-temps? Nous ne pouvons pas entreprendre des recherches optimales, c'est-à-dire recueillir d'abord des données et ensuite prendre des décisions. Nous devons agir dès maintenant. Or, que pouvons-nous faire? Voilà la question.
Le Dr Marsh: On ne peut pas investir de l'argent pour régler un problème sans disposer de mécanisme de reddition fiable.
M. McIlwraith: Je suis d'accord. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il nous faut des données, que les décisions doivent s'appuyer sur des données, surtout si elles montrent que certaines interventions réduisent le nombre d'admissions dans les hôpitaux ou la chronicité permanente.
Toutefois, des données, il en existe. Plusieurs études ont été réalisées ailleurs, et le comité les a probablement déjà vues. Nous pourrions vous soumettre des articles où il est question des baisses de coûts qu'entraînent divers traitements, ou encore des économies que permettent de réaliser les programmes d'intervention précoce. Évidemment, il est difficile de mesurer le degré d'invalidité qui est associé aux troubles mentaux.
Pour ce qui est de la question du gouffre, je ne propose pas nécessairement que les psychologues, par exemple, soient rémunérés à l'acte, comme le sont les médecins. Il existe plusieurs méthodes de paiement. La Société canadienne de psychologie s'est penchée là-dessus à maintes reprises. Elle a analysé la situation des psychologues qui travaillent dans des établissements de soins primaires, et a aussi examiné divers modes de paiement. Il existe différentes approches.
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il est difficile d'arriver chez Thompson et d'afficher une petite enseigne sans numéro de facturation. Les personnes qui viennent vous consulter doivent payer comptant. Sinon, il doit y avoir un médecin salarié chez Thompson avant qu'elles puissent y aller. Il existe différents modèles qui permettent de définir les groupes cibles et les services de façon responsable.
Mme Synyshyn: Je m'occupe de la santé mentale des enfants et des adolescents. Je travaille dans un établissement qui offre des services hospitaliers. Nous desservons une collectivité assez importante, et ce, depuis 1994. Nous avions, dans le passé, 25 lits.
Le président: De quelle collectivité s'agit-il?
Mme Synyshyn: Du Manitoba.
Nous avions, en 1994, un hôpital qui était en mesure d'accueillir 25 adolescents. Tous les lits étaient occupés. Nous avions eu, cette année-là, l'occasion de fournir des services communautaires non assurés par les médecins. Il y avait une équipe multidisciplinaire qui travaillait au sein de la collectivité. Depuis 1994, nous avons fermé huit lits. Nous nous attendons à qu'il y ait d'autres fermetures. Le fait est que ces lits ne sont pas utilisés. Une fois que vous êtes en mesure d'offrir des services au sein d'une collectivité, des services multidisciplinaires où les gens peuvent consulter des spécialistes avant que leur état ne se détériore et qu'ils ne se retrouvent à l'urgence, les besoins diminuent. C'est un fait. Je l'ai vécu. Je sais ce qui arrive.
En fait, nous devons souvent déployer beaucoup d'efforts pour que la collectivité ait accès à de tels services. C'est là qu'ils doivent être offerts. Il faut adopter une approche multidisciplinaire. Les gens n'ont pas tous besoin des mêmes services.
Le Dr Addington: De nombreux services sont présentement offerts au sein des collectivités. Ils s'adressent à des groupes bien ciblés qui ont des besoins particuliers qui peuvent être mesurés et évalués. Il existe beaucoup de données fiables qui indiquent que ces programmes sont efficaces. Il n'est pas nécessaire d'entreprendre d'autres études pour mettre sur pied un régime de santé mentale pratique et cohérent. En fait, le Royaume-Uni et l'Australie ont déjà pris des démarches en ce sens. Le Bureau du Surgeon General, lui, a fait des recommandations intéressantes, mais ils n'ont pas de système de santé structuré.
Le sénateur Morin: Vous avez raison, docteur Marsh. Nous avons besoin d'un système de reddition de comptes et de mesure de rendement. Les lacunes à ce chapitre sont probablement plus importantes que celles que l'on observe dans d'autres types de maladies ou domaines de spécialisation.
J'aimerais savoir ce que vous pensez du projet de loi sur la décriminalisation de la marijuana dont la Chambre est actuellement saisie. Pour ce qui est de la stratégie canadienne antidrogue, j'ai lu le communiqué de l'AMC disant que la stratégie, bien qu'elle soit de manière générale satisfaisante, ne reçoit que la moitié des fonds dont elle a besoin. Que pensez-vous du projet de loi sur la décriminilisation de la marijuana et de la stratégie canadienne antidrogue, proposée par le ministre de la Santé?
Le Dr Marsh: Vous avez de la chance que je sois ici cette semaine.
Le président: Vous allez peut-être changer d'avis.
Le Dr Marsh: Le Centre de toxicomanie et de santé mentale a adopté une position officielle sur la question de la réglementation du cannabis. Il est en faveur du projet de décriminilisation, et il juge que tout changement apporté à la réglementation du cannabis doit s'inscrire dans le contexte d'une stratégie de santé globale. Les changements doivent être apportés graduellement, et suivis de près. Nous appuyons le projet de loi. Nous sommes également satisfaits de la stratégie canadienne antidrogue.
Pour ce qui est de la répartition des fonds affectés à la stratégie, les communiqués qui ont été émis ne font pas état de la façon dont les 245 millions de dollars ont été répartis. Nous partons du principe qu'il s'agit d'argent neuf, non pas de fonds déjà alloués. À cet égard, toute augmentation importante du financement serait bien accueillie.
La nouvelle stratégie canadienne antidrogue a ceci d'avantageux qu'elle prône la mise en place d'un système de surveillance et la présentation de rapports bisannuels au Parlement. Nous aurons ainsi plusieurs occasions d'évaluer l'impact des changements qui sont apportés. Les Canadiens, eux, auront la possibilité de manifester leur appui à la stratégie.
Le sénateur Morin: Docteur Marsh, si vous avez des suggestions à faire, des changements ou des ajouts à proposer, n'hésitez pas à nous en faire part. Il est peut-être encore trop tôt pour procéder à une analyse détaillée du plan d'action, mais nous aimerions savoir ce que vous en pensez. Ce plan existe déjà. Nous ne pouvons pas constamment réinventer la roue. Toutefois, nous aimerions savoir quels ajouts ou modifications il y aurait lieu d'y apporter.
Le sénateur Robertson: Les témoins que nous avons rencontrés dans le cadre de l'étude qui a précédé celle-ci ont souvent parlé de la pénurie de main-d'oeuvre qui existait dans le domaine des soins de santé. Personne n'a abordé la question ce matin. J'ai l'impression que la Manitoba se débrouille assez bien dans certains domaines.
Nous avons entendu parler des lacunes qui existent au chapitre de la prestation des soins de santé mentale. Qu'en est-il de la disponibilité des travailleurs en santé mentale — les psychiatres, les psychologues, les infirmières, ainsi de suite? Quel est le ratio travailleur/patient que vous aimeriez voir? Que doit-on faire pour l'augmenter?
Par ailleurs, on nous a dit que les services de santé mentale offerts aux patients d'établissements de soins longue durée laissent beaucoup à désirer. On nous accuse de parquer ces personnes dans des établissements et de les oublier. Il semblerait qu'entre 80 et 90 p. 100 d'entre elles souffrent de troubles mentaux divers. Manifestement, nous ne faisons pas beaucoup pour ces personnes.
Il faudrait peut-être voir quels sont les principes de déontologie qu'applique le milieu médical, ou s'il existe des lacunes de côté-là. Quand nous parquons les personnes âgées dans des établissements et que nous les privons de soins adéquats, nous manquons à nos responsabilités. Est-ce parce que nous n'avons pas suffisamment de ressources? Parce que les professionnels de la santé font preuve d'indifférence et choisissent de ne pas travailler dans ces établissements? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Le Dr Addington: Je n'ai pas parlé des effectifs et de la formation, parce que les questions qu'on nous a posées ne portaient pas là-dessus. Toutefois, vous avez raison. Il s'agit là d'un problème majeur qui touche le milieu de la santé mentale dans son ensemble. Je connais davantage la psychiatrie, parce que c'est mon domaine de travail. Je suis responsable de la formation des travailleurs et de l'établissement d'un plan de main-d'oeuvre local.
Pour ce qui est des établissements de soins longue durée pour les personnes âgées, nous avons quelques personnes à l'échelle locale qui travaillent dans ce domaine. Elles font du travail d'équipe, ce qui est très important dans le domaine de la psychiatrie. On compte beaucoup sur l'expertise de groupes professionnels particuliers.
Nous avons quelques personnes qui s'occupent de la consultation. Nous devons former un plus grand nombre de travailleurs à l'échelle nationale. L'Association des psychiatres du Canada a préparé un exposé de principe qui aborde ce point précis.
Le sénateur Robertson: Combien de travailleurs voulez-vous former?
M. Addington: Nous voulons doubler le nombre de psychiatres.
Le sénateur Robertson: Est-ce que cela vaut aussi pour les psychologues?
M. McIlwraith: Je le pense. Je vous ai peut-être donné l'impression que nous avons déjà beaucoup de personnel au Manitoba, mais ce n'est pas le cas. Nous nous tirons assez bien d'affaire, mais il faut faire encore plus à ce chapitre.
L'Office régional de la santé de Winnipeg compte environ 30 psychologues ETP. C'est tout. Nous avons eu l'occasion de faire des choses intéressantes. Toutefois, dans le cas de Winnipeg, ce chiffre correspond probablement à la moitié de la moyenne nationale qui s'applique aux centres urbains. La moyenne nationale est beaucoup plus élevée.
En ce qui a trait aux personnes âgées, il existe des lacunes importantes au niveau des programmes de formation. Il n'y a pas beaucoup de diplômés en psychologie qui sont en mesure de travailler avec des personnes âgées qui souffrent de problèmes de santé physique ou mentale.
Le sénateur Robertson: Pourquoi? Est-ce parce que le travail n'est pas tellement valorisant?
Le président: Nous allons être nombreux à nous trouver dans cette situation très bientôt. Nous aimerions bien pouvoir compter sur votre aide.
M. McIlwraith: On penserait que les gens intelligents seraient en mesure de faire des prévisions et qu'on formerait un plus grand nombre de personnes.
Nous créons des postes. Nous avons publié des annonces en vue de recruter des psychologues dans les collectivités et dans les établissements qui fournissent des soins aux personnes âgées. Nous devons avoir plus de travailleurs avant de pouvoir en former d'autres. Je n'ai pas de réponse satisfaisante à vous donner.
Le sénateur Robertson: Pouvez-vous répéter ce que vous venez de dire?
M. McIlwraith: Il nous faut plus de gens qui travaillent au sein des collectivités et auprès des personnes âgées pour pouvoir former la prochaine génération de stagiaires. Je ne sais pas pourquoi ce domaine a été négligé.
Mme Synyshyn: On fait une distinction entre l'esprit et le corps. Je ne pense pas qu'on attache beaucoup d'importance à l'aspect santé mentale. Souvent, on dissocie la santé mentale des problèmes physiques.
Or, nous sommes peut-être prêts à adopter une approche plus holistique à l'égard de ces questions. Nous pouvons, à cet égard, remercier les Autochtones. Nous pouvons peut-être aussi nous inspirer des autres cultures et commencer à prendre conscience du fait que l'aspect physique n'est qu'un facteur parmi d'autres.
En passant, la psychogériatrie est une industrie en pleine croissance. C'est un domaine qui pourrait intéresser certaines personnes.
Selon mon point de vue — et je ne suis ni médecin, ni psychologue — souvent, il semble y avoir une scission entre la prestation de service et les universités. Je suis sûr que quiconque a une formation professionnelle comprendra que, souvent, les universités ou les établissements d'enseignement préparent les gens d'une certaine façon. Pourtant, dans le domaine, il n'y a pas vraiment d'harmonie entre le monde universitaire et les enjeux de la prestation de service. Vous ne répondez pas toujours aux besoins. Ce n'est pas très grave, mais je pense que c'est un peu ce qui se passe. Les gens ne sont pas nécessairement prêts à aller dans certains domaines, ou ceux-là ne sont pas perçus comme étant aussi prestigieux, comme la gériatrie.
Il y a aussi un grand besoin en neurologie du développement, pour travailler avec des enfants autistiques ou qui ont d'autres troubles. Il y a beaucoup de ces choses qu'on commence seulement à apercevoir sur l'écran du radar, mais il y a de vastes poches de population qui manquent de services dans le domaine de la santé mentale. La santé mentale, elle- même, manque de services, mais beaucoup de ces choses ont une incidence là-dessus.
Le sénateur Morin: Vous avez parlé du manque de psychologues au Manitoba, monsieur McIlwraith. Est-ce que c'est pareil partout au Canada?
M. McIlwraith: La Société canadienne de psychologie a rédigé un rapport. Je peux certainement vous envoyer un rapport qui est fondé sur les définitions de Statistique Canada des communautés rurales et urbaines. J'ai cité quelques chiffres de ce rapport. En ce qui concerne la répartition nationale, je sais que la plus grande proportion de psychologues par habitant est au Québec. C'est la province la plus riche au plan de l'accessibilité des services psychologiques.
Par contre, dans les plus petites provinces et au Nord, la proportion par habitant est beaucoup plus faible. Je n'ai pas ces chiffres en mémoire, mais je pourrais transmettre au comité une copie de ce rapport.
Le sénateur Morin: Est-ce qu'il nous en faudrait plus, de façon générale? Par exemple, il nous faut doubler le nombre de psychiatres. Nous le savons. Est-ce qu'il faudrait aussi doubler le nombre de psychologues dans le pays?
M. McIlwraith: La question qui se pose est la suivante: S'il en faut plus, pour quoi en avons-nous besoin? Il nous faut définir les tâches. J'ai sûrement déjà dit qu'il y a plusieurs domaines. Il est certain qu'il nous faut plus de psychothérapies fondées sur la science en santé mentale. Il nous faut plus d'accès.
Le fait est, je le répète, qu'il y a plus de psychologues dans une province que le nombre auquel le système public permet d'accéder. Il y a un obstacle à l'obtention de ce service. Par conséquent, même si nous formions plus de psychologues, nous les perdrions au profit des pratiques privées, à cause des problèmes dont j'ai parlé.
Le sénateur Fairbairn: Votre présentation, ici, aujourd'hui, justifie la décision qu'a pris le comité de soustraire la question de la santé mentale à notre rapport principal. C'est, en soi, un enjeu énorme et, de toute évidence, sous-estimé.
Nous avons entendu d'excellents témoignages hier. Nous avons beaucoup entendu parler de préjugés. Quand je reviens sur ce que vous avez dit aujourd'hui, je constate l'incapacité générale, dans le milieu des soins de santé, de se concentrer là-dessus. À notre époque de technologie de pointe, il n'est pas nécessaire d'être grand clerc pour savoir que tout le monde subit d'énormes pressions, toujours plus grandes, et vit le stress. Cela doit, de toute évidence, se manifester quelque part. Ce serait dans la stabilité mentale et émotive d'une grande partie de notre population.
Pourtant, d'après tout ce que nous entendons, c'est le secteur même de la santé qui doit lutter constamment pour être reconnu, mis de l'avant et accepté.
Jusqu'à présent, dans quelle mesure avez-vous pu constater ces préjugés dans la profession médicale elle-même ou, par exemple, chez les jeunes que vous souhaiteriez voir s'intéresser au domaine en plus grand nombre?
Mme Synyshyn: Il suffit de regarder l'histoire de la maladie mentale. Les gens qui souffraient de troubles mentaux, il y a des années, étaient gardés dans des établissements hors des villes, mis à l'écart. On ne voulait pas les voir.
Il faut voir les progrès. Il y a une espèce de parallèle avec les professionnels qui ont travaillé dans ce milieu. Non seulement nos clients et patients se sentent-ils la cible de préjugés mais, en fait, bon nombre des personnes qui travaillent dans le domaine de la santé mentale se sentent quelque peu à part des autres, pour commencer.
La maladie mentale n'est pas un sujet de conversation très séduisant. C'est bien mieux de parler du cancer ou d'autres choses. C'est un sujet très émotif. Il est difficile pour les gens d'en parler et de la reconnaître, parce que c'est effrayant. C'est un facteur. Jusqu'ici, elle a été traitée comme quelque chose qui existe «quelque part».
Peut-être y a-t-il quelque espoir, aussi. L'ACSM, le CAMIMH et bien d'autres groupes de défense arrivent enfin à mettre le sujet plus en évidence. S'il n'y avait pas ces groupes, nous n'en entendrions toujours pas assez parler.
M. McIlwraith: Les préjugés pourraient être en cause. Un autre problème, c'est la rivalité au sein du système de santé, puisque trop de secteurs rivalisent pour s'arroger les fonds réservés à la santé. Les services de santé mentale, généralement, ne se débrouillent pas très bien dans cette compétition. C'est peut-être, en partie, parce que ce sont en quelque sorte des services de faible technologie. Il n'y a pas beaucoup de machines sophistiquées.
Le sénateur Fairbairn: Le cerveau est une machine sophistiquée.
M. McIlwraith: Nous n'avons pas de gros scanners ou d'équipement complexe.
Le président: Vous n'avez pas le genre de chose qu'a le sénateur Keon à l'hôpital d'Ottawa.
M. McIlwraith: Nous avons des crayons et du papier, et nous parlons aux gens. Ce n'est pas le genre de choses dont on peut faire un don ou sur quoi on peut apposer une plaque. Le système de santé semble porter beaucoup d'intérêt à l'équipement de pointe et aux procédures invasives.
Nous parlons de troubles qui se manifestent, souvent, à la fin de l'adolescence ou au début de la vie adulte. Bon nombre des décisions en matière de santé sont prises par des adultes plus prolixes et plus âgés qui souffrent de problèmes qui exigent l'intervention chirurgicale et des mesures invasives et héroïques.
Dans le reste du système de santé, nous voyons que les gouvernements préfèrent souvent acheter de l'équipement de dialyse pour toutes les cliniques de quartier plutôt que de dépenser plus sur la prévention en santé, pour prévenir le diabète qui fait que les gens, au bout du compte, finissent par avoir besoin de dialyse et de toutes ces procédures invasives complexes.
La santé mentale est désavantagée dans la compétition pour les ressources avec les autres domaines de la santé, parce que nous n'avons pas tellement d'équipement tape à l'oeil ou de procédures invasives nécessaires à la survie dont on pourrait avoir besoin à 50 ou 60 ans.
Le Dr Marsh: Les préjugés sont un problème réel pour les gens qui ont des troubles mentaux. C'est encore plus un problème pour les toxicomanes, particulièrement s'ils sont accrochés à des drogues illicites. Il y a une force d'inertie phénoménale dans le système de santé. En tant que société, la mort nous fait peur et nous consacrons une part anormalement élevée de notre budget de santé aux derniers jours de la vie des gens, avec des interventions très coûteuses et technologiques qui ne font que peu pour améliorer la qualité de vie. Tandis que des traitements efficaces de la maladie mentale appliqués à la fin de l'adolescence ou au début de la vie d'adulte pourraient favoriser une longue vie de qualité et une contribution productive à la société.
En ce qui concerne l'attraction de professionnels, nous ne devrions pas, non plus, sous-estimer la mesure dans laquelle les écoles professionnelles ne sont encore qu'une sorte d'apprentissage. L'un des facteurs les plus déterminant dans le choix de sous-spécialité des étudiants est encore les professeurs qu'ils ont le plus admiré pendant leurs premières années de formation. Tant qu'il n'y aura pas un corps professoral dirigeant, reconnu et respecté, qui travaille avec des adultes plus âgés, ou encore en psychiatrie ou dans le traitement des toxicomanies, il sera difficile d'attirer de nouveaux diplômés dans ces domaines.
Le sénateur Fairbairn: N'importe qui, dans cette pièce, dirait qu'il suffit qu'on arrive chez soi, le soir, pour que le téléphone se mette à sonner et que des gens nous demandent d'appuyer ceci, cela ou toute autre cause. J'ai été sidérée d'apprendre qu'il n'y a quasiment pas de financement non gouvernemental pour la recherche sur les troubles mentaux. Ceci enlève un niveau important de soutien de la recherche, pour les chercheurs en formation.
Pourquoi n'y a-t-il personne pour prendre en charge un problème qui commence probablement à se développer au moment où un enfant entre en première année? Il me semble que ce n'est pas seulement héroïque et noble, mais aussi un investissement phénoménal à faire dans notre population et son avenir.
Le Dr Addington: Je suis d'accord avec vous. La réalité, c'est qu'en fait de financement de la santé mentale au niveau national, la Canadian Psychiatric Research Foundation a fait, il n'y a pas longtemps, une tournée dans tout le Canada pour essayer de recueillir des fonds. Cependant, c'est la seule organisation à avoir fait quelque chose du genre. Je travaille avec elle, j'ai fait des examens pour elle et je lui voue beaucoup de respect. Ils ne donnent pas beaucoup d'argent. Les étudiants le savent, aussi. Ils fournissent un soutien à quelques enquêteurs débutants chaque année.
C'est tout à fait différent pour la Fondation du rein, la Fondation des maladies du coeur, ou des organisations pour la recherche sur la fibrose kystique ou la santé des enfants. Ces groupes-là reçoivent des millions de dollars. Pas nous.
La compétition, pour les fonds fédéraux, est intense et difficile. Lorsqu'on commence, on a besoin de plus de financement local. C'est un peu comme un système de ligue, en fait. Les plus petites subventions sont versées pour faire de la recherche sur des questions plus pointues et des méthodologies plus simples. C'est un enjeu social.
On en sait peu, de façon générale, sur les avantages et la nécessité d'effectuer des recherches sur ces troubles. Les gens sont pessimistes à ce sujet, mais la réalité, c'est que de la recherche se fait, et qu'elle est très profitable. Les Instituts canadiens pour la recherche en santé élargissent maintenant la gamme des sujets de recherche qu'ils vont appuyer. C'était plutôt dans le domaine biomédical auparavant; maintenant, c'est la recherche sur les services de base, cliniques et en santé, une recherche axée sur leur degré d'efficacité. Ensuite, il y a la recherche sociale ou dans la population, qui jette un regard sur des populations entières, des politiques, et cetera.
Le sénateur Morin: Qu'est-ce qui empêche l'Association canadienne pour la santé mentale de le faire?
Comme vous l'avez dit, ce n'est pas facile. Il faut faire du porte-à-porte, organiser des activités, et trouver des bénévoles. Mais il y a tellement d'organisations de bénévoles. C'est l'un des grands points forts du Canada. Dans d'autres pays, il n'y a pas ces organisations pour la santé qui recueillent de l'argent pour la recherche, comme au Canada. Il n'y en a pas aux États-Unis.
Qu'est-ce qui empêche l'Association canadienne pour la santé mentale de le faire? Je comprends que ce ne soit pas facile, mais si quelqu'un de l'Association canadienne pour la santé mentale sonnait à ma porte, je donnerais de l'argent. Pourtant, personne ne vient.
Le Dr Addington: Il faudrait poser ces questions aux organisations de soutien.
Le président: Nous n'y manquerons pas quand elles témoigneront.
Mme Synyshyn: J'étais tentée de dire: «Faites-nous un chèque avant de partir.»
Le sénateur Fairbairn: Il est clair qu'à une époque où tant de choses, dans le domaine de la santé, vont bon train et font une ascension météorique dans tous les médias et le monde entier, ce domaine a besoin d'un effort de communication plus ciblé.
Je crois vraiment que si les gens, chez eux et dans leurs communautés, comprenaient mieux l'enjeu, ils donneraient l'argent. La santé mentale ne devrait pas être expliquée en chuchotant. Il n'y a pas une collectivité, au Canada, qui n'ait pas de membres vivant avec des troubles mentaux. Nous entendons toujours parler de l'Australie et de la Nouvelle- Zélande. Pourquoi n'est-il pas question du Canada? Nous sommes censés avoir une conscience sociale.
Le sénateur Keon: Madame Synyshyn, je vous félicite pour les réalisations de votre programme. Il y a là quelque chose de très intéressant. Avez-vous une idée de l'efficacité, par rapport au coût, du programme d'institutionnalisation et, plus important encore, du programme multidisciplinaire intégré qui vous a permis de faire ceci? Est-ce que vous avez pu endiguer les coûts, ou sont-ils montés en flèche quand vous intégriez la collectivité?
Mme Synyshyn: Nos coûts ont baissé. En fait, nous avons déplacé une part du budget des services en institution au profit des services dans la collectivité. Un service dans la collectivité est toujours moins coûteux qu'une exploitation 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Nous avons pu épargner assez d'argent que, lorsque nous avons commencé en 1994, nous avions huit cliniciens dans la collectivité et ils sont maintenant, en 2003, dix-huit. Nous avons fermé des services très coûteux dans les hôpitaux et doublé notre capacité de fournir des services dans la collectivité. Nous en faisons une ressource humaine; c'est ainsi que nous soutenons nos ressources humaines.
Nous avons reçu de plus en plus de fonds pour nos services dans la collectivité, parce ce qu'ils sont tellement efficaces où ils sont fournis. Nous avons pu prouver que les enfants qui, normalement, auraient fini par occuper ces lits ont pu rester dans la collectivité parce que nous nous en sommes occupés dès leur petite enfance, nous les avons repérés plus tôt. Nous sommes intervenus de façon plus agressive. Nous avons gardé les enfants dans la collectivité plutôt que de les intégrer à un établissement coûteux 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
Le sénateur Keon: Est-ce que vous pourriez nous fournir des données concrètes là-dessus?
Mme Synyshyn: Je le ferai sans faute. Je dois préciser que c'est ce que je fais dans mon travail. Je veillerai à transmettre l'information au comité.
Le sénateur Robertson: J'ajouterai un commentaire. Dans ma province, au Nouveau-Brunswick, l'un des grands problèmes, pour avoir des travailleurs de la santé qui soient rattachés à notre hôpital extramural, c'est le manque de gens dûment formés. Nous le faisons autant que possible.
Le président: C'est pourquoi vous avez posé la question sur les ressources humaines.
Le sénateur Robertson: Exactement.
Le sénateur Keon: Docteur McIlwraith, vous avez fait un commentaire très intéressant sur la télésanté, que je n'avais jamais encore entendu. J'ai, moi-même, beaucoup d'expérience en télésanté. Nos programmes sont fondés sur l'hypothèse qu'on peut exploiter la télésanté pour avoir besoin de moins de professionnels de la santé compétents pour fournir les services de façon satisfaisante.
Vous semblez dire que ce ne devrait probablement pas être fait en santé mentale, et qu'il faudrait y avoir un expert en chair et en os au chevet du patient. C'est différent de l'expérience que nous avons dans le domaine.
Le Dr McIlwraith: En un sens, la santé mentale est différente de la santé physique. Quelqu'un peut regarder une radiographie expédiée à un centre de soins tertiaires par télésanté. Cela ne nécessite pas généralement la même relation avec un patient qu'il faut pour une évaluation de la santé mentale, et encore moins pour un traitement en santé mentale.
Nous sommes tous férus de technologie, et nous avons tendance à y voir une panacée. Néanmoins, la technologie est la solution à certaines choses, mais pas à d'autres. La santé mentale est autre chose que la santé physique. J'ai dit aussi que le fait que des professionnels soient présents dans la collectivité a d'autres avantages utiles, au plan de leur participation dans d'autres domaines de leur profession dans la collectivité, comme la planification, la recherche en santé et la promotion de la santé — c'est plus que de seulement traiter un symptôme chez le patient symptomatique.
L'autre chose que je voudrais être sûr de faire comprendre, au sujet de la télésanté, c'est que la méthode influe sur la nature de l'interaction. Dans certains domaines, la méthode a peu d'importance, tandis que dans d'autres, elle en a beaucoup. Il est vrai qu'on ne peut avoir toute la gamme de spécialistes dans chaque collectivité du Nord, mais l'accessibilité de ces spécialistes contribue à prévenir l'épuisement des généralistes. Un généraliste, un psychologue de première ligne, un psychiatre ou un médecin, doit avoir un peu de connaissance sur beaucoup de choses. L'une des choses les plus importantes à savoir, c'est quand faire appel à quelqu'un de plus spécialisé. La possibilité de répandre les avantages de la présence de ces spécialistes dans des centres de soins tertiaires et de les rendre accessibles pour appuyer les personnes dans une collectivité rurale est un immense avantage de la télésanté. Je ne voudrais pas être mal compris et qu'on pense que je suis contre la télésanté.
Cependant, je m'inquiète, lorsque j'entends des suggestions voulant que nous agissions radicalement pour fournir tous les services par l'entremise de la télésanté, sans nous préoccuper de la tâche compliquée et coûteuse du recrutement et de la fidélisation des professionnels dans les collectivités rurales. Nous devons leur fournir l'appui de la consultation de spécialistes, parce qu'autrement, ils ne jouiraient pas du tout de cet avantage. Je ne vois pas la télésanté comme pouvant remplacer le contact personnel. La santé mentale, c'est tout simplement différent. C'est une autre extrême.
Le Dr Marsh: Si vous vous intéressez à la question de la télésanté, je vous encouragerais à essayer d'obtenir la participation du Psychiatric Outreach Program de l'Université de Toronto, qui a sa base à notre centre. Je ne suis pas personnellement le programme, mais à ce que je comprends, dans le cadre de certaines évaluations, ils ont démontré que le traitement par l'entremise d'Internet peut être tout aussi efficace qu'un traitement en personne.
Cependant, je ne pense pas que ce soit tout noir ou tout blanc — je suis d'accord que, autant que possible, le fait d'avoir les professionnels dans la collectivité même leur permettrait de participer autrement, d'avoir un autre genre d'influence. Je ne pense pas que vous devriez penser que le traitement à distance est impossible, en matière de santé mentale.
Le sénateur Morin: Peut-être qu'au lieu d'une personne en chair et en os à l'autre bout, on pourrait avoir un ordinateur.
Le Dr Marsch: J'aimerais poser une question au Dr Addington sur un autre sujet.
Le sénateur Keon: Pour répondre à la question du sénateur Morin, en télésanté à domicile, la technologie fait simplement que le patient est assis devant son téléviseur. Il n'a personne avec lui, et cela fonctionne très bien. Je suppose que c'est différent pour les applications en santé mentale que pour les applications physiques, comme pour enseigner à un patient à baigner un pied, ou quelque chose du genre.
Docteur Marsch, vous avez dit quelque chose de très encourageant, dans votre présentation, sur les résultats. C'est vraiment très encourageant. Je ne pense pas que la plupart des gens le sachent, je ne le savais pas moi-même, et pourtant, je suis médecin.
Je voudrais aller plus loin. Une chose qui semble aggraver le problème, lorsqu'on pense, par exemple, à la consommation de drogues et à la toxicomanie, par exemple, c'est que des jeunes gens sont institutionnalisés dans le réseau criminel plutôt que dans le réseau de la santé. Avez-vous des données qui comparent les résultats sur des gens qui ont été condamnés à des peines criminelles comparativement à ceux qui ne l'ont pas été?
Vous savez tous la difficulté que pose, pour quelqu'un qui a un dossier criminel, l'accès à l'université — c'est impossible. Les portes de la vie sont fermées à ces jeunes gens. J'aimerais que vous me disiez, ou peut-être le Dr Addington, ou tout autre témoin, s'il y a des données de comparaison sur le sujet.
Le président: Puis-je ajouter une question à cela? Est-ce que quelqu'un a des données qui comparent le coût relatif du traitement à celui de l'incarcération? Ce doit être moins coûteux de traiter le problème plus tôt, de façon précoce, d'un point de vue préventif, que de payer le prix de l'incarcération d'une personne dans un centre de détention juvénile, ou enfin de compte, en prison. Si vous avez ces données, j'aimerais bien les obtenir.
Le Dr Marsch: Je vous remercie de votre commentaire sur les données relatives aux résultats. J'ai grande confiance dans la prise de décisions fondées sur les données, en raison des résultats positifs et du grand avantage par rapport aux coûts qu'affiche le traitement des toxicomanies.
L'incidence de l'incarcération est un facteur de pronostic négatif pour les toxicomanes. Il est difficile de faire une étude comparative de deux personnes qui sont à tous les égards identiques, à part en ce qui concerne l'incarcération. Le sujet de l'incarcération m'amène à la question, posée plus tôt, sur le projet de réforme des politiques sur le cannabis. L'un des avantages de la décriminalisation du cannabis est que nous n'allons plus faire subir à des jeunes gens, principalement de la fin de l'adolescence ou du début de la vingtaine, le fardeau d'un dossier criminel à vie pour avoir été en possession de petites quantités de cannabis.
J'ai parlé de la position du centre sur la réforme des politiques relatives au cannabis, plus tôt. J'ai personnellement changé d'avis après le rapport du sénateur Nolin. Je suppose qu'il y aurait d'autres avantages à opter plus radicalement pour la légalisation du cannabis et à supprimer l'élément criminel de la participation à la production et à la distribution du cannabis. La décriminalisation de la possession ne changerait pas le fait que les gens qui cultivent et vendent de grandes quantités de cannabis resteraient des criminels. Elle empêcherait le gouvernement d'influencer la consommation par les prix et les taxes, ce qui a été efficace pour le tabac.
Si on compare les coûts de l'incarcération avec ceux du traitement, pour le coût de l'incarcération pendant un an de quelqu'un trouvé en possession d'héroïne, on pourrait offrir à cinq personnes un traitement d'entretien à la méthadone. Nous savons que l'entretien à la méthadone est plus susceptible de réduire la consommation d'héroïne que ne le pourrait l'incarcération. De plus, le solliciteur général a annoncé qu'une part de la stratégie nationale antidrogue visait à rendre plus accessible le traitement d'entretien à la méthadone pour les détenus au Canada. Le Journal de l'Association médicale canadienne a publié un article, l'année dernière, qui faisait un examen de la mortalité et de la morbidité chez les détenus d'établissements correctionnels fédéraux. Le plus gros et unique facteur de contribution au décès prématuré de détenus de prisons fédérales est la surdose accidentelle de drogue.
Le sénateur Léger: Docteur Marsch, j'ai apprécié que vous nous ayez aidés à comprendre les enjeux de la santé mentale et les problèmes connexes de l'hébergement, l'emploi, les avantages sociaux et les activités illicites. Est-ce que toutes ces administrations vous fournissent de l'information?
Le diagramme qui illustre la réduction et les pourcentages en Suisse est absolument incroyable. J'espère que ceux qui étudient la question de l'hébergement creusent ces questions, parce que c'est très convaincant.
Le Dr Marsch: Nous avons parfois des occasions de faire des présentations à différents organes publics et autres — dont certains s'intéressent aux enjeux entourant l'itinérance.
Le sénateur Léger: Docteur McIlwraith, vous avez parlé des régions rurales et éloignées, et du fait que vous y avez un superviseur à qui vous envoyez l'apprenti. Si j'ai bien compris, une fois que l'apprenti a terminé, un autre prend sa place le lendemain.
Y a-t-il un risque que, dans ces régions, les gens ont un peu l'impression d'être tout le temps des «cobayes»? Le mot est fort, mais j'ai vu que c'est arrivé dans un autre domaine, pas celui de la santé, où on forme des gens, qui retournent à Montréal dès qu'ils sont bien formés.
Le Dr McIlwraith: J'espère que ce n'est pas le cas. Ce sont des internes en psychologie clinique qui sont à la dernière étape avant de recevoir leur doctorat, donc, dès le départ, ils sont déjà assez compétents. Ils fournissent aussi un service dans les hôpitaux universitaires de la ville, et cetera. Comme nous le savons tous, les hôpitaux universitaires sont dirigés par des internes et des résidents, alors bon nombre des gens qui vous fournissent des soins dans les hôpitaux universitaires des villes sont des internes ou des résidents.
Auparavant, la situation, dans bon nombre de ces collectivités, faisait que s'il y avait un service psychologique, il était fourni par des gens qui avaient moins de formation qu'un interne en psychologie. Cependant, nous essayons nettement de transmettre le message que nous ne voyons pas les étudiants comme étant la solution au problème de ressources humaines dans les régions rurales.
Les étudiants sont là pour apprendre et pour acquérir de l'expérience. Le superviseur est encore responsable de leur dossier et les étudiants sont là pour faire l'expérience de la pratique en région rurale. Certains d'entre eux l'apprécient et nous espérons pouvoir en recruter certains, puisqu'il y a des postes vacants. D'autres ne l'aiment pas et partent, ayant vécu une expérience intéressante pendant six mois dans une région rurale et munis, peut-être, de nouvelles connaissances.
Je n'ai pas eu de rétroaction des régions selon lesquelles il leur paraît vexant d'avoir des apprentis. De fait, elles sont très contentes. Si nous devons sauter une année sans envoyer d'apprentis dans une région particulière, elles nous demandent: «Est-ce que nous n'auront pas d'apprentis cette année?» Elles considèrent que c'est deux fois plus de services que d'avoir un spécialiste plus un interne.
Le sénateur Léger: Je pense que ce peut être dangereux dans le sens où les gens eux-mêmes peuvent avoir l'impression d'être des citoyens de seconde zone.
Que faites-vous lorsque l'expression verbale n'est pas la bonne méthode de soutien? Avez-vous une méthode pour aider les gens qui ont besoin d'aide mentale mais qui ne peuvent pas l'exprimer par les mots? J'avais pensé que la télésanté serait un guide, non pas une solution.
M. Synyshyn: L'une des psychiatres avec qui je travaille a une vaste expérience du travail avec des gens qui sont plus à l'aise pour parler par l'entremise de l'ordinateur que face à face. Elle travaille beaucoup avec des gens qui sont assez isolés, mais qui sont tout à fait heureux d'engager une discussion. Ils créent leur relation par le biais de l'ordinateur. Elle fait ainsi avec plusieurs patients qui sont très réticents, soit à sortir de leur domicile ou qui ne veulent tout simplement pas avoir de rapports face à face. Il y a différents moyens d'utiliser la technologie, mais il faut faire très attention, tout de même.
Le sénateur Léger: Est-ce qu'ils parlent?
M. Synyshyn: Ils parlent par le truchement du clavier.
Le sénateur Léger: Et supposons qu'ils ne parlent pas? Ce pourrait être une autre possibilité.
La dernière chose que je voudrais dire, c'est que bien qu'il y ait une grande spécialité dans l'Ouest, même si nous n'avons pas d'organisation des infirmiers et infirmières psychiatriques certifiés dans l'Est, nous pourrons certainement inviter quelqu'un à venir parler de la situation ici dans ce domaine, y compris au Québec.
Le président: En ce sens, il nous serait utile de pouvoir comprendre la nature de la formation que reçoivent les infirmiers et infirmières dans l'Est, qui font le travail que vous faites dans l'Ouest. Je sais que vous ne pouvez pas nous donner cela, mais je sais aussi que la dame qui représente l'Association canadienne des infirmiers et infirmières est ici. Je disais surtout cela à son intention.
Le Dr Marsh: Vous aviez une question à poser au Dr Addington — et pour vous montrer que nous ne prenons pas les règles au pied de la lettre, je vous laisse la parole.
Le Dr Marsh: Le Dr Addington a mentionné, dans sa présentation, une recommandation visant le financement proportionnel à la population. Je suis curieux de savoir comment il réglerait le problème du financement proportionnel à la population pour les centres comme les nôtres, qui offrent un traitement de nature spécialisée à des gens qui nous sont envoyés des quatre coins de la province et, en fait, des quatre coins du pays et du monde. Nous ne pourrions pas offrir ces services si nous étions financés en fonction des problèmes recensés dans une circonscription hospitalière particulière, comme, par exemple le nombre de résidants dans la moitié occidentale de Toronto.
Le président: Le Dr Addington peut répondre de lui-même, et le sénateur Morin veut faire un commentaire. Toutefois, ce n'est ce que j'ai entendu dire au Dr Addington.
Il m'a semblé comprendre que ce qu'il disait, c'est que l'allocation des fonds versés — par exemple, par l'ASIRSC — aux divers secteurs de santé qu'il finance devrait être fondée sur l'incidence relative dans la population d'une maladie particulière, et non pas — pour utiliser l'expression de M. Synyshyn — l'«attrait» d'une maladie particulière.
Je laisserai le sénateur Morin faire son commentaire, mais je suis curieux de savoir ce qu'il a dit exactement.
Le sénateur Morin: Le commentaire du Dr Marsh m'intéresse parce que j'ai essayé d'obtenir des données sur l'appui à la recherche dans les domaines de la toxicomanie au Canada, du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Nous pouvons les obtenir aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais c'est apparemment impossible d'en avoir au Canada.
Peut-être la première chose à faire, docteur Marsh, serait-elle d'obtenir les chiffres réels pour la recherche qui est faite dans votre domaine, et ensuite, nous pourrions augmenter le financement, mais c'est absolument impossible à obtenir.
Le Dr Marsh: J'espère ne pas avoir mélangé les cartes, je parlais de financement proportionnel à la population pour le traitement, par opposition au fardeau du financement de la recherche en fonction des maladies, et alors je serais d'accord avec sa recommandation.
Le Dr Addington: J'ai effectivement fait deux recommandations distinctes; l'une concernait le financement de la recherche et l'autre le financement des services de santé mentale. Le financement proportionnel à la population peut s'appliquer à n'importe quel niveau de l'organisation d'un système. On pourrait dire au niveau provincial que ce sera tant de dollars par personne, par année. De toute évidence, une partie de ces fonds irait aux services dans la collectivité; une autre partie pourrait être allouée aux services régionaux spécialisés qui appuient toute la province. Le concept de base, cependant, est que le financement est disponible pour la santé mentale à un niveau discret et spécifique, et on s'éloigne un peu de la compétition dans les services de soins intensifs de courte durée.
Dans le système de santé actuel, c'est le secteur des soins intensifs de courte durée qui semble être favorisé. Il y a un élément de santé mentale là-dedans, mais cela ne tient aucun compte de la prestation générale et optimale de services de santé. Si on peut fournir un service dans la collectivité et les empêcher de s'y immiscer, c'est préférable.
Le sénateur Keon: Je pense que c'est une excellente idée, parce qu'on peut combiner l'épidémiologie avec vos programmes de soins de santé. De plus, les ajustements sont assez simples à faire pour l'aiguillage national et international des patients dans un établissement de santé financés en fonction de la population. Avec le système tel qu'il est maintenant, les chiffres sont calculés à la fin de chaque mois, et divers gouvernements peuvent y réagir. De fait, avec les programmes interprovinciaux, on se fait rembourser par les autres provinces, de toute façon. Pour les soins obtenus hors du pays, il y a généralement une autre solution.
Le président: Je vous remercie tous d'être venus. Nous apprécions beaucoup que vous ayez pris le temps de venir nous voir.
Sénateurs, j'ai une dernière petite chose à régler. Il me faut une motion pour me permettre de déplacer 300 $ de notre budget de transport à l'autre poste.
Le sénateur Fairbairn: Je le propose.
Le président: La deuxième chose, c'est que la semaine prochaine, après notre séance du mercredi, il me faudra environ un quart d'heures à huis clos. Veuillez le prendre en note.
La séance est levée.