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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 23 - Témoignages du 9 octobre 2003


OTTAWA, le jeudi 9 octobre 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 11 heures pour poursuivre son étude en vue d'en faire rapport sur l'infrastructure et la gouvernance du système de santé publique du Canada, ainsi que sur la capacité du Canada de réagir aux urgences sanitaires découlant d'épidémies infectieuses.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour entendre le témoignage du Dr Naylor, doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Toronto. Il a publié mardi un rapport exceptionnel sur la question de la santé publique au Canada. Nous sommes ravis qu'il ait accepté de venir nous entretenir ce matin de ses recommandations et des mesures qui devraient être prises afin de passer de l'étape du rapport à celle de la mise en oeuvre. Je suis persuadé que tous ceux qui sont ici présents s'accordent pour dire que le moment est venu d'agir.

L'un des témoins que nous avons entendus hier l'a d'ailleurs très bien exprimé. À l'un des sénateurs qui lui demandait quand les nouvelles mesures devraient entrer en action, il a répondu, si nous ne commençons pas dès maintenant, alors quand? C'est exactement la position du comité.

Docteur Naylor, merci beaucoup de vous être déplacé. Nous sommes plus qu'impressionnés, non seulement par la qualité du document, mais aussi par la rapidité avec laquelle vous avez réussi à le produire. Nous avons toujours tiré une certaine fierté de la diligence avec laquelle nous produisons nos propres rapports, mais vous nous avez battus par une grande longueur d'avance pour ce qui est de la vitesse et du volume. Il s'agit véritablement d'un rapport exceptionnel.

Dr David Naylor, doyen, Faculté de médecine, Université de Toronto: Honorables sénateurs, je vous remercie du privilège que vous me faites en me demandant de comparaître devant vous ce matin. Je tiens aussi à féliciter ce comité pour son travail extraordinaire dans le domaine de la santé. Nous sommes nombreux parmi ceux qui travaillons dans les soins de santé ou la santé publique à avoir été très impressionnés par les travaux réalisés par le comité au fil des années et nous en tirons une source d'inspiration. Merci de vos efforts.

Il y a deux jours, nous avons publié le rapport que le président a décrit en termes si élogieux. J'aimerais revenir sur quelques-uns des messages qui ont été lancés le jour de sa publication, parce que ce sont des messages qui sont toujours d'actualité.

Je me joins à tous les autres membres de notre comité pour offrir nos condoléances aux 44 familles ayant perdu des proches en raison du SRAS et nos sympathies à tous ceux qui sont tombés malades ainsi qu'aux innombrables personnes dont l'existence a été bouleversée ou affectée à bien des égards par cette flambée d'infection.

Nous tenons également à rendre hommage à tout le personnel soignant ainsi qu'aux travailleurs de la santé pour les efforts qu'ils ont déployés en vue d'endiguer cette épidémie. Ils se sont montrés très courageux en face d'une menace inconnue. Je n'insisterai jamais assez sur le fait qu'il est rarement arrivé dans l'histoire de la médecine, des soins de la santé ou de la santé publique qu'une nouvelle maladie fasse son apparition, se propage et soit caractérisée avec autant de rapidité. Il n'existe aucun autre exemple dans l'histoire récente de ce pays d'une maladie qui aurait fait autant de victimes chez les travailleurs de la santé et entraîné un tel épuisement du personnel soignant.

Je tiens également à rendre hommage au grand public. Sauf de rares exceptions, les Canadiens se sont bien conduits durant une période marquée par une anxiété extrême. Nous pouvons tous en être fiers.

Comme je l'ai répété à maintes reprises au nom du comité, même s'il existe de nombreux héros du SRAS et même si bien des gens ont su se tirer d'une situation difficile avec brio, il reste que les systèmes ont montré des défaillances fondamentales, dont certaines existent depuis longtemps.

Dans ses commentaires au sujet des déficiences du système, le comité n'avait pas pour mission et n'avait pas l'intention de le faire non plus, de nommer, de blâmer ou d'exposer des individus à la honte. Notre objectif était de travailler à l'amélioration des systèmes.

Plus particulièrement, notre mission consistait à évaluer à titre d'organe tiers indépendant les efforts actuels et les leçons de santé publique tirées de la flambée du SRAS et à étudier les approches à long terme en vue de mieux se préparer à lutter contre les maladies infectieuses. Nous avons beaucoup apprécié le soutien que nous a accordé l'honorable Anne McLellan dans l'accomplissement de notre mandat.

Je ne voudrais pas non plus rater l'occasion de prendre une minute ou deux pour décrire brièvement comment Santé Canada nous a prêté son concours. Non seulement avons-nous pu jouir d'un excellent accès à l'information, d'un très bon soutien logistique et de solides résultats de recherche ayant été mis à notre disposition, à maintes reprises et de façon efficace, mais nous avons pu bénéficier d'un plus important privilège encore. La ministre, le sous-ministre et les sous-ministres adjoints visés ont indiqué clairement à tous les professionnels de Santé Canada qu'ils devaient transiger avec nous d'abord et avant tout en tant que professionnels, et ensuite en tant que citoyens. Ils devaient faire montre de sincérité, d'esprit critique et d'ouverture d'esprit et nous faire part de leurs conseils les plus avisés, sans égard à leurs allégeances politiques ou bureaucratiques.

Il est remarquable que les choses se soient vraiment passées de cette façon. Ce fut véritablement un privilège de collaborer avec des personnes aussi extraordinaires sur ces bases.

Quelles furent les leçons à en tirer? Nous avons rapidement compris que la capacité du Canada à lutter contre des épidémies comme celles du SRAS dépendait entièrement de la force de notre système de santé publique aux trois paliers — local, provincial et fédéral.

Les membres de ce comité savent peut-être que la santé publique consomme de deux à trois cents de chaque dollar investi dans la santé au Canada. Ces chiffres sont peut-être révélateurs de la mesure dans laquelle la santé publique exerce son action en arrière-plan. Il est difficile d'affirmer avec précision s'il s'agit de 1,8 ou de 3,5 cents par dollar. On n'arrive pas à s'entendre même sur le montant exact des coûts.

La santé publique n'a rien d'excitant. Ce sujet ne fait les manchettes que lorsqu'il y a des crises comme celle causée par l'EBS, le virus du Nil occidental, la tragédie de Walkerton ou de North Battleford. Elle se concentre sur la protection de la santé et la prévention des maladies et des blessures pour des populations entières.

Le SRAS a montré avec beaucoup d'acuité l'importance de renforcer et de conjuguer les mesures de santé communautaire et de lutte contre les maladies infectieuses dans un contexte clinique. En ce sens, il existe en santé publique un continuum qui s'étend du cadre communautaire à celui du système clinique, un continuum qui nous avait échappé en partie jusqu'ici.

Je devrais également souligner qu'il est facile rétrospectivement d'avoir des doutes au sujet des décisions et des stratégies ayant été adoptées par ceux qui se sont retrouvés sur la ligne de front dans la lutte contre cette soudaine flambée. La commission qui se penche actuellement sur l'épidémie ontarienne, sous la direction du juge Archie Campbell, sera à même de faire la lumière sur un certain nombre de ces aspects.

Nous en avons vu plus qu'assez, en ce qui concerne les détails, pour nous faire une bonne idée de la situation générale. Nous n'avons eu aucun mal à en arriver à la conclusion générale que tous ces individus et toutes ces équipes sont finalement parvenus à contenir le SRAS malgré les nombreuses et sérieuses lacunes dans nos systèmes de lutte contre les maladies, de surveillance et de gestion des épidémies.

On a constaté des lacunes dans la manière dont le système de santé publique et de soins de santé était organisé en vue de la détection et de l'intervention dans les cas d'épidémies comme celle du SRAS. Certaines de ces lacunes étaient dues à des restrictions sur le plan des ressources ou encore à des pénuries de personnel expérimenté. D'autres étaient dues à un manque de préparation et de planification, à des failles dans les structures organisationnelles, à des problèmes de culture politique et à une mauvaise collaboration et communication entre les diverses institutions, les organismes et les administrations.

Ce sont là de vieux problèmes que beaucoup d'autres observateurs avant nous ont déjà signalés. Leur pertinence en ce qui concerne la santé des Canadiens a été mise en lumière lors de diverses crises sanitaires et flambées de cas de maladies au cours de la dernière décennie.

Le SRAS est le plus récent exemple de ces maladies infectieuses émergentes. Le virus du Nil occidental en est un autre exemple notable parmi les plus récents.

Depuis 1973, il est apparu plus de 30 maladies inconnues auparavant associées à des virus et à des bactéries. Les menaces qui voient le jour dans d'autres pays peuvent se retrouver au Canada en l'espace de quelques heures grâce aux avions. S'ajoute au problème des maladies infectieuses nouvelles et résurgentes la menace tangible que représente le bioterrorisme pour chacun d'entre nous depuis l'épisode des spores d'anthrax répandus intentionnellement aux États- Unis, il y a deux ans.

Par ailleurs, des experts du monde entier se sont préparés en vue d'une grippe pandémique, une épidémie de grippe mortelle à l'échelle du monde entier susceptible d'affecter de 10 à 20 p. 100 de la population.

Permettez-moi de vous résumer certaines des recommandations: une stratégie nationale de surveillance et de lutte contre les infections émergentes et résurgentes; soutien et amélioration de l'infrastructure nécessaire à la surveillance; diagnostic rapide en laboratoire; intervention en temps opportun dans les situations de menaces infectieuses pour la santé; coordination et collaboration nécessaires à l'établissement d'un programme de recherche national sur les infections émergentes et résurgentes; une stratégie de vaccination nationale dotée d'un financement suffisant; un système de rapports de laboratoire électronique centralisé pour la surveillance des infections humaines et non humaines; et une amélioration de la capacité et de la souplesse dans les enquêtes sur les flambées de cas survenues au Canada.

Un autre groupe d'experts réuni sous les auspices de Santé Canada avait déjà fait ces recommandations il y a dix ans, comme les honorables sénateurs le savent sans doute. Essentiellement, nous n'avons fait que répéter ces recommandations dix années plus tard. C'est la raison pour laquelle mes collègues et moi-même affirmons qu'il est grandement temps d'agir sur ces questions pour tous les paliers de gouvernement.

Sur nos 75 recommandations, comme vous le verrez dans notre rapport, honorables sénateurs, il y a de nombreuses activités de suivi. Nous avons accordé une attention particulière, étant donné notre mandat, aux répercussions de ces recommandations sur le gouvernement fédéral ainsi qu'aux interactions entre les administrations fédérales-provinciales et territoriales. Nous avons aussi fait un certain nombre de recommandations qui s'adressent carrément aux gouvernements des provinces et des territoires, de même qu'aux institutions, aux fonctionnaires locaux en santé publique et aux responsables des régions sanitaires.

Je prendrai seulement quelques minutes pour faire des commentaires sur certaines des principales recommandations parce que je sais que les honorables sénateurs voudront poser des questions. Nous avons recommandé que le gouvernement du Canada crée une agence canadienne de la santé publique, sur le modèle des Centers for Disease Control des États-Unis. Nous pensons qu'un organisme qui serait indépendant de Santé Canada améliorerait la capacité du gouvernement fédéral de soutenir les efforts réalisés à l'échelle locale dans la lutte et la prévention contre les maladies. La création d'un tel organisme permettrait de concentrer l'attention sur les aspects professionnels et scientifiques et de prendre du recul par rapport à des questions susceptibles d'être entachées de considérations politiques ou bureaucratiques. Nous sommes convaincus qu'une agence possède le mérite particulier de contribuer à créer une culture davantage axée sur la collaboration chez les professionnels de la santé publique des divers paliers du gouvernement. Essentiellement, nous envisageons qu'il y aurait des échanges plus soutenus entre les professionnels de la santé qui ont en commun leur détermination à protéger la santé et à prévenir les maladies, sans égard aux considérations politiques.

Un autre avantage qu'il y aurait à se doter d'un organisme indépendant serait de créer un centre de coordination clair pour tous les intervenants au Canada concernant la gestion des questions de santé, aux frontières du pays et avec la communauté internationale. Nous avons été à même de constater durant la flambée du SRAS que l'Organisation mondiale de la Santé assumait de plus en plus un rôle de gouvernance transnational en ce qui concerne les questions de santé publique. Nous avons conclu, après en avoir discuté, que pour conserver sa crédibilité au sein de la communauté internationale en matière de santé, le Canada doit se doter d'un centre de coordination et prouver que les systèmes de santé publique collaborent manifestement sur le plan du leadership et interagissent efficacement par l'entremise d'un guichet unique avec nos partenaires internationaux.

J'aimerais dire un mot au sujet du leadership. Nous avons recommandé qu'un médecin hygiéniste en chef du Canada assume la direction de l'agence. Ce gestionnaire serait un professionnel de la santé publique et relèverait directement du ministre fédéral de la Santé.

Les honorables sénateurs seront à même de constater que la majorité des dépenses à court terme que nous avons recommandées visaient la surveillance et la maîtrise des maladies infectieuses. Les raisons en sont évidentes. J'aimerais déboulonner quelques mythes en ce qui concerne les Centers for Disease Control des États-Unis parce qu'ils ont la vie dure.

Le CDC s'appelait dans le passé le Communicable Diseases Centre ou centre des maladies transmissibles, à l'époque où il a été mis sur pied après la Deuxième Guerre mondiale — parce que c'était sa raison d'être. La lutte contre les épidémies est toujours à l'origine de son excellente réputation, d'où l'image de la cavalerie arrivant en trombe d'Atlanta pour voler au secours d'une municipalité aux prises avec une flambée d'une quelconque maladie infectieuse.

Dans le passé, le CDC s'est intéressé à un éventail de questions tournant autour de la prévention et des menaces pour la santé. Mais aujourd'hui, le nom complet de cet organisme est «Centers for Disease Control and Prevention», autrement dit «centres de lutte et de prévention contre les maladies». Nous nous prenons à souhaiter qu'ils changent leur acronyme afin de faire valoir notre point. En effet, les CDC exercent toute une gamme d'activités liées à la santé publique. Bon nombre de ces activités sont étroitement liées et se renforcent mutuellement.

Par exemple, le système de surveillance mis sur pied pour lutter contre les maladies infectieuses peut se métamorphoser en un système de surveillance pour les maladies chroniques non transmissibles. Les mêmes systèmes d'information, les mêmes méthodes de travail et les mêmes ententes relatives à l'échange de données peuvent tous être mis à contribution pour créer un système de surveillance parallèle. C'est la raison pour laquelle nous avons fortement recommandé que la nouvelle agence fédérale soit non seulement d'une efficacité remarquable dans le domaine de la prévention et de la lutte contre les maladies, mais aussi qu'elle offre un éventail complet de ressources en santé publique pour le Canada.

Nous pensons qu'il y a autre chose à apprendre des CDC: une bonne partie de leur budget est consacrée à des paiements qui sont destinés aux États et aux municipalités en vue de les aider à financer leurs activités de santé publique. Les CDC utilisent leur pouvoir d'application des ressources afin d'avoir un effet multiplicateur sur les investissements consentis par d'autres paliers de gouvernement, de créer de l'uniformité et de la cohérence ainsi que de favoriser la collaboration.

En Australie, on utilise un mécanisme semblable, quoique sans mettre l'accent sur un organisme unique. Nous sommes d'avis que les leçons que nous enseignent ces deux États fédéraux sont pertinentes ici au Canada, dans notre contexte fédéral-provincial et territorial.

Le Canada ne consent pas de transferts fédéraux précis en vue de soutenir les activités de santé publique menées par les provinces et les territoires, et il s'ensuit un ensemble de mesures disparates pour la prévention des maladies et la gestion des épidémies.

Le comité était au courant de l'existence des centres d'excellence provinciaux dans ce domaine, notamment le British Columbia's Centre for Disease Control, qui se concentre fortement sur les maladies infectieuses et qui est en train d'élargir son mandat; et l'Institut national de santé publique du Québec, un organisme de santé complet. Malheureusement, ce ne sont pas toutes les provinces qui ont développé des capacités semblables. L'absence d'un tel organisme en Ontario est sans doute l'une des raisons qui expliquent que l'on ait éprouvé tant de difficulté à gérer l'épidémie.

Nous avons expressément recommandé que les nouveaux fonds qui seront accordés par l'entremise de l'agence devraient en partie servir à constituer des centres d'excellence provinciaux et régionaux spécialisés dans les maladies infectieuses. Nous recommandons aussi à titre complémentaire la création d'un réseau national de lutte contre les maladies transmissibles. Le but est de créer un système de surveillance véritablement sans interruption et permettant une intervention entièrement coordonnée dans les cas de flambées majeures de maladies.

Il existe désormais des précédents. Les gouvernements fédéral et provinciaux collaborent activement actuellement à l'établissement d'un réseau national de protection civile et d'intervention. La mise sur pied de ce réseau a été déclenchée par les tragiques attaques terroristes contre les États-Unis en septembre 2001. Nous aimerions que la tragédie du SRAS en 2003 soit à l'origine de la création d'un réseau parallèle susceptible de réunir les centres d'excellence provinciaux et fédéraux, y compris ceux qui émergeraient lorsque l'agence pourrait fournir des fonds pour les soutenir et les encourager. Cette convergence des centres d'excellence provinciaux et régionaux deviendrait véritablement la deuxième ligne de défense contre la résurgence du SRAS.

Le montant total de nouvelles dépenses fédérales que nous avons recommandé atteindrait les 700 millions $ par année d'ici 2007, et au plus tôt. J'ai signalé que c'est le montant que le gouvernement dépense au chapitre de la santé au Canada, du lundi au mercredi d'une semaine normale. Nous savons très bien qu'il s'agit d'une grosse somme. Mais nous sommes persuadés que, dans les circonstances, il s'agit d'un simple investissement. En outre, nous pensons que les gouvernements provinciaux et territoriaux devraient apporter eux aussi leur contribution afin de créer un effet de levier.

Plutôt que de passer en revue les nombreuses autres recommandations de ce rapport, je pense qu'il serait plus sage que je résume et que j'aborde des questions comme la recherche, les problèmes internationaux, les questions d'intérêt local et régional que nous avons soulevées et, bien entendu, le domaine des ressources humaines qui est très important.

Je pense pouvoir affirmer sans crainte que le Comité consultatif national sur le SRAS et la santé publique a trouvé qu'il y avait beaucoup de leçons à titrer de cette épidémie, parce que trop souvent nous n'avons pas tenu compte des leçons du passé. La capacité du Canada de contenir une épidémie a la force du maillon le plus faible de son réseau de protection de la santé et de lutte contre les maladies. Nous avons, par conséquent, recommandé des stratégies visant à renforcer tous les paliers du système de santé publique et aussi à intégrer ces composantes plus complètement et plus efficacement dans le secteur des soins cliniques.

L'une des quelque 30 présentations au moins qui ont été faites à notre comité suggérait que le SRAS était un rappel à l'ordre, un avertissement et une opportunité. Le comité espère que notre rapport lui aussi sera vu comme un rappel, un avertissement et, par-dessus tout, une opportunité pour nous de renouveler le secteur de la santé publique dans tout le Canada et de procéder à quelques améliorations du système de soins de santé qui auraient dû être faites depuis longtemps.

Nous vous remercions de nous donner la chance de présenter ces opinions et de répondre à vos questions. J'espère sincèrement que ce comité et le Sénat seront en faveur de ce que nous considérons comme une série très importante d'initiatives qui doivent être prises à tous les paliers de gouvernement si nous voulons être mieux préparés à réagir lors de la prochaine épidémie majeure.

Le sénateur LeBreton: Je tiens à vous féliciter pour votre rapport. Je ne l'ai pas lu au complet, mais j'ai pris connaissance des sections qui m'intéressent le plus dans le cadre de cette étude particulière. Je dois vous dire, en tant que profane dans le domaine de la médecine, que j'ai particulièrement apprécié le langage que vous avez utilisé dans votre rapport. Il est clair et facile à comprendre. Il sera très utile, non seulement aux spécialistes, mais aussi au grand public en général.

J'aimerais vous poser deux questions. Premièrement, pour poursuivre sur ma lancée, d'autres témoins et vous-même nous avez confié que l'on a entendu parler de la flambée du SRAS pour la première fois en novembre 2002. Hier, des représentants de l'Association médicale canadienne nous ont déclaré que c'était comme de voir apparaître soudainement un navire sans capitaine au large des côtes. Et ce n'est qu'en mars 2003 que le SRAS est venu à la connaissance du public, soit environ quatre mois plus tard.

Je sais, pour l'avoir lu dans votre rapport et dans vos recommandations que l'on mettra beaucoup de choses en place pour éviter que cette situation ne se reproduise dans le futur, y compris demander à l'Organisation mondiale de la Santé de modifier certaines de ses lignes directrices. Dans l'intervalle, d'ici à ce que nous prenions les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre les recommandations de votre rapport, et peut-être celles de notre comité, croyez- vous qu'il existe un meilleur système dans le monde à l'heure actuelle qui permettrait de cibler et de déceler une autre maladie émergente afin qu'il ne soit pas nécessaire d'attendre quatre mois avant de pouvoir en mesurer la portée avec réalisme?

Le Dr Naylor: Nous avons fait des progrès pour ce qui est de sensibiliser la communauté internationale à la nécessité d'améliorer les systèmes de surveillance. L'Organisation mondiale de la Santé, quelles que soient les réserves qu'entretiennent à son égard de nombreux Canadiens notamment concernant les recommandations aux voyageurs, s'est montrée très intéressée à faire progresser le programme de surveillance et à le jumeler avec les systèmes d'alerte requis afin que les pays soient mis au courant des menaces émergentes.

Il est facile avec le recul de dire aujourd'hui qu'en novembre 2002, on avait des motifs de penser que le SRAS était en train d'émerger à Guangdong, en Chine, et de se demander a posteriori pourquoi on ne s'était pas donné la peine de traduire au complet le rapport pertinent.

Je suis persuadé que lorsque l'on aura obtenu les résultats de l'exercice visant à tirer des leçons à l'échelle internationale — parce que de nombreux pays essaient de comprendre ce qu'ils auraient dû ou pu savoir à l'époque — nous nous poserons la question: «Pourquoi n'avons-nous pas réagi plus tôt?» Pourquoi n'avons-nous pas compris ce qui se préparait?

La réponse comporte deux volets. Premièrement, nous sommes mieux préparés, mais il reste encore énormément à accomplir. Les efforts doivent, au moins sur un plan, porter sur une sorte d'auto-examen à l'échelle internationale, afin de comprendre comment nous pourrions nous doter d'un système de surveillance mieux coordonné. Comme nous le disons dans notre rapport, il faut aussi travailler au renforcement des capacités dans les pays en développement. À notre avis, il existe une obligation — que certains qualifieraient d'intérêt personnel éclairé — pour les pays prospères, qui sont dotés de solides industries du savoir et d'une capacité scientifique, de collaborer avec les pays en développement sur les questions de surveillance.

Je pense aussi qu'il existe un besoin pressant de nous doter de systèmes d'alerte et de renseignements plus efficaces ici même au Canada afin qu'il soit très clair que si des renseignements viennent à la connaissance de Santé Canada, ces renseignements prendront rapidement le chemin du personnel de première ligne.

Le médecin en salle d'urgence aux prises avec une étrange nouvelle maladie doit savoir que cette dernière a pris naissance ailleurs, il y a un mois ou deux, et il doit être informé de tout ce que l'on sait à son sujet. Les systèmes actuels ne garantissent pas cela parfaitement.

Le sénateur LeBreton: Votre rapport comporte de nombreuses recommandations sur la question générale de la santé publique, et vous avez déclaré dans votre introduction que la santé publique n'a rien de très excitant. Hier, l'Association médicale canadienne et l'Association des infirmières et infirmiers du Canada nous ont signalé à quel point la santé publique ne reçoit pas toute l'attention qu'elle mérite. Je sais que vous avez fait plusieurs recommandations. Peut-être, au moins pour le bénéfice des téléspectateurs et des membres du comité, pourriez-vous nous dire ce que nous devrions faire ou ce que le public devrait faire pour que la santé publique devienne un secteur plus attirant et plus «excitant», faute d'un meilleur qualificatif pour décrire cette situation?

Le Dr Naylor: Je vais répondre à cette question avec une mauvaise conscience en tant que doyen d'une faculté de médecine. Je suis sûr que tous ceux d'entre nous qui dirigent des facultés de médecine pourraient et devraient faire davantage.

En effet, dans nos facultés, nous avons essayé de changer la compréhension et la perception des questions liées à la santé communautaire. Notre programme d'enseignement de la médecine, par exemple, comporte un thème passe- partout appelé «déterminants de la santé communautaire». Il a été conçu pour permettre de mieux comprendre le contexte général dans lequel évoluent les médecins. Il accorde beaucoup d'attention à la santé publique, de même qu'aux problèmes de soins de santé et s'efforce d'établir des liens entre les deux. Je pense qu'il existe des cours semblables dans bon nombre de programmes d'enseignement de la médecine aujourd'hui. Et je sais que certains programmes de soins infirmiers ont adopté des approches similaires.

Nous pouvons et nous devons faire davantage pour que les étudiants comprennent mieux qu'il s'agit de disciplines très importantes et de domaines dans lesquels il est possible d'apporter une contribution énorme. Sur le plan de l'enseignement, il y a des améliorations à apporter.

Toutefois, à certains égards, cela peut revenir à créer une structure professionnelle et un système de rémunération qui rendraient ces disciplines plus intéressantes. La médecine communautaire n'est pas particulièrement bien rémunérée par comparaison à d'autres spécialités. Le cheminement de carrière dans les services infirmiers de santé publique est quelque peu nébuleux. Avec l'introduction du baccalauréat en nursing, les anciens programmes menant à un diplôme ont tendance à connaître une baisse en importance et à être relégués au second plan. Par conséquent, il y a des étudiants qui se forment dans le domaine de la santé publique après avoir obtenu leur diplôme en soins infirmiers, et plus ou moins en cours d'emploi. Il devrait y avoir un programme de maîtrise en santé publique et un programme de doctorat qui créerait un bassin de dirigeants chez les infirmières et infirmiers de la santé publique.

On peut passer en revue toutes les disciplines et constater la nécessité de créer des bourses d'entretien et des bourses d'études, de restructurer les programmes et de clarifier les cheminements de carrière afin que les étudiants se fassent une meilleure idée de l'avenir qui les attend et qu'ils comprennent aussi qu'ils ont un rôle à jouer. Ce qui attire les gens dans les professions de la santé — et peut-être que c'est seulement le point de vue candide d'un doyen de faculté — c'est le désir de changer les choses, d'avoir une incidence positive sur la santé des gens. Cet objectif peut être atteint à l'échelle individuelle en tant que prestataire de soins, ou alors à l'échelle d'une communauté ou d'une population en optant pour la santé publique. Ce sont là deux merveilleux cheminements de carrière.

Le sénateur Morin: Premièrement, j'aimerais féliciter le Dr Naylor pour son remarquable rapport. C'est l'un des meilleurs que j'ai jamais vus. Il se lit facilement. Il est dense et remarquablement bien écrit. J'ai demandé ce matin au Dr Naylor qui était le propriétaire de la «plume», parce que l'on a toujours besoin de quelqu'un à cet égard.

Il m'a avoué que c'était lui. On comprend facilement la quantité de travail que cela implique. Le résultat est un rapport beaucoup plus lisible que si on avait fait appel à un rédacteur spécialisé.

Le président: Je présume, étant donné ce que l'on entend toujours au sujet de l'écriture des docteurs, qu'en l'occurrence la plume n'était pas une vraie plume, mais plutôt un traitement de texte.

Le Dr Naylor: J'insiste pour dire qu'il s'agit du résultat d'un travail d'équipe. Il y a eu énormément d'auteurs de textes préliminaires. Mon rôle a été purement et simplement celui d'un rédacteur principal. Il est vrai que j'en ai rédigé une partie. Le manuscrit définitif est bien sorti de mon ordinateur, mais je tiens à rendre justice à une équipe fabuleuse.

Le sénateur Morin: J'aime l'idée que le rapport couvre la totalité du champ de la santé publique. Il n'y a rien à rajouter. Notre rôle consiste simplement à nous assurer que ces recommandations seront mises en oeuvre par le gouvernement. C'est un travail tellement exceptionnel.

J'aimerais aborder un point en particulier, si vous le permettez. Le laboratoire de Winnipeg est le seul laboratoire de microbiologie de niveau 4 du Canada, et l'un des rares qui existent dans le monde. Il est un centre de référence et d'expertise au pays. Il joue véritablement, comme il se doit, un rôle de chef de file. C'est une installation formidable que j'ai eu la chance de visiter. L'infrastructure est tout à fait remarquable.

Il peut compter également sur une équipe exceptionnelle de chercheurs de renommée mondiale. Son chef, le Dr Plummer, est un scientifique réputé qui est venu témoigner devant le comité.

J'ai rencontré des dirigeants provinciaux en santé publique. Ils ont des inquiétudes au sujet du laboratoire de Winnipeg concernant des événements passés et futurs. Pour ce qui est du passé, leurs inquiétudes tournaient autour de questions scientifiques et administratives. Sur le plan scientifique, ils se montraient préoccupés au sujet de déclarations en provenance du laboratoire qui, de façon répétée et en public, ainsi que lors de diverses réunions internationales, avaient soutenu que le coronavirus n'était pas responsable du SRAS, et d'autres déclarations plus récentes comme quoi il y avait une épidémie de SRAS dans une résidence pour personnes âgées de Vancouver.

Toutes ces déclarations s'appuient sur des suppositions. Peut-être qu'elles n'auraient pas dû être faites publiquement. Je sais que lors d'une de ces réunions internationales en particulier, les autorités provinciales avaient été assez embarrassées par certaines de ces déclarations. Elles avaient le sentiment que l'on aurait dû se montrer plus prudents.

Elles se plaignaient aussi d'un certain manque de coopération avec les laboratoires provinciaux. L'exemple qui m'a été donné est que les réactifs ne sont pas communiqués. Il semble que ce soit un problème important, même si je ne suis pas un spécialiste. S'ils veulent reproduire certains de leurs résultats ou de leurs diagnostics, ces réactifs doivent être connus. C'est l'un des rôles du laboratoire de référence.

On déplore aussi qu'il y ait des délais inacceptables avant d'obtenir les résultats. On nous a parlé d'un cas où le résultat n'était parvenu que 14 mois après que les spécimens avaient été envoyés.

Il existe un problème plus général de contrôle qualité. Ces affirmations sont le fait des autorités provinciales.

Ce sont là des questions importantes. Je suis surpris de voir qu'elles ne sont pas mentionnées dans votre rapport qui couvre tellement bien le reste du sujet. C'est même extrêmement important, parce que le laboratoire de Winnipeg devrait être le vaisseau amiral de tous les autres laboratoires de santé publique au pays.

Il possède toutes les qualités pour réussir. Il a des chercheurs exceptionnels, d'excellentes installations et il est situé à proximité d'un laboratoire de recherche sen santé animale. Il est unique en son genre sur ce point. Il jouit désormais d'un bon soutien de la part de Santé Canada. Le financement s'est amélioré avec les années. Nous pourrions faire un certain nombre de recommandations susceptibles de l'aider à jouer son rôle important en matière de santé publique.

Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

Le Dr Naylor: Merci beaucoup, sénateur, pour vos remarques élogieuses au sujet de notre rapport ainsi que pour vos observations très pertinentes.

D'une part, mon instinct me dit que les responsables du Laboratoire national de microbiologie seraient mieux placés pour réagir à bon nombre des critiques qui sont faites à l'endroit du laboratoire. Les réponses à certaines critiques précises se situent dans la sphère de responsabilité des autorités actuelles du Laboratoire. Par ailleurs, je suis convaincu qu'il me revient de répondre à quelques-unes des remarques plus générales que vous avez faites, parce qu'elles ont une incidence directe sur l'avenir de la santé publique dans ce pays.

Commençons par la remarque comme quoi les dirigeants du LNM auraient déclaré que le coronavirus n'était aucunement responsable du SRAS. À ce qu'il me semble, ces déclarations étaient, premièrement, qu'il était trop tôt pour affirmer quoi que ce soit avec certitude, et deuxièmement, qu'un métapneumovirus était apparu dans certains spécimens et aurait pu être la cause.

Il est intrigant que des déclarations qui sont l'expression appropriée de l'incertitude scientifique, en plein coeur d'une épidémie, et qui traduisent des préoccupations au sujet de la communication des risques et le désir d'exprimer la solidarité sociale, même au sein de la communauté scientifique souvent marquée par la controverse, aient eu un poids très différent. Vous avez utilisé le terme «prudence». J'aimerais me servir de ce mot comme point de départ pour aborder la question de la communication des risques qui était justement l'un des thèmes de notre rapport.

Il me semble que ce soit véritablement une forme d'art pour laquelle nous, qui évoluons dans les sphères silencieuses des universités, ne sommes pas nécessairement bien éduqués, un art qui consiste à communiquer l'information au grand public et aux praticiens durant une épidémie. Il y a des risques. Il y a des incertitudes et des menaces. Il y a des questions qui sont mieux débattues dans les salles de conférences d'une institution scientifique que sur la place publique où elles donnent libre cours à toutes les interprétations.

Cette question en cache une autre beaucoup plus vaste. Il nous faut une stratégie de communication. Nous devons être capables d'avoir, en arrière-plan, des débats brillamment informés et intellectuellement honnêtes sur les questions qui nous préoccupent.

Nous devrions communiquer nos incertitudes au public dans une certaine mesure parce qu'il mérite notre respect. Les gens sont capables de comprendre les risques mieux que nous le croyons. Ils sont capables de gérer l'incertitude, du moment qu'ils savent que l'on s'attaque au problème et qu'eux-mêmes peuvent prendre certaines mesures. Toutefois, décider dans quelle mesure les incertitudes doivent être communiquées exige un certain jugement et du doigté.

En ce qui concerne la question des réactifs qui n'auraient pas été communiqués, je vous suggère fortement de la poser à d'autres témoins. Je ne suis pas au courant des détails. Mais je veux bien parler de la question plus large du rôle d'un laboratoire de référence.

Durant l'épidémie de SRAS, nous avons vu divers laboratoires d'hôpitaux faire des tests parce le laboratoire central de santé publique de l'Ontario était débordé. Il en est résulté que divers laboratoires ont utilisé des réactifs différents mis au point localement en vue de faire les tests pour le SRAS. Cette façon de procéder risque d'entraîner des problèmes de contrôle qualité. Elle affaiblit en outre notre capacité de recueillir de l'information parce que nous ne disposons pas de base de données centralisée.

On se retrouve dans la situation où un hôpital examine quelques patients et obtient des résultats de la clinique et du laboratoire, et un autre hôpital a lui aussi quelques patients sous observation et obtient des résultats de la clinique et du laboratoire, mais ces données ne sont pas fusionnées.

Nous avons beaucoup insisté pour que le Réseau canadien des laboratoires de santé publique soit renforcé et qu'on lui accorde un rôle plus officiel en ce qui concerne le contrôle qualité et la coordination des laboratoires. Ainsi, nous autoriserions des laboratoires provinciaux et des laboratoires privés d'hôpitaux à assumer un rôle plus important en créant cette sorte de fonction de laboratoire de référence pour le LNM et pour certains laboratoires provinciaux. Ainsi, l'information pourrait circuler dans les deux sens. C'est actuellement dans les intentions du RCLSP, et je pense que les critiques du genre de celle que vous venez de formuler doivent être prises en compte dans le cadre des réformes et des améliorations à ce qui est fondamentalement une structure saine et une très bonne idée.

Enfin, en ce qui concerne le rôle du LNM, au cours de la flambée survenue dans le centre d'accueil de Surrey, je reviens à mes premiers commentaires au sujet de la manière dont l'information devrait être communiquée. Les flambées de cas de maladie mettent la science sur la sellette. Je ne peux parler qu'à titre personnel, sénateur. J'ai suivi la couverture que Radio-Canada a réalisée de l'événement et j'ai entendu un collègue pour lequel j'ai la plus haute estime dire qu'il y avait des similitudes et qu'il pourrait s'agir du SRAS. Je n'ai pas entendu de déclaration formelle comme quoi on une séquence génétique entière nous garantissait sur le plan scientifique qu'il s'agissait bien du coronavirus du SRAS. J'ai tiqué parce que j'imaginais facilement comment cette déclaration pouvait être interprétée.

Ce qui me ramène à cette opinion comme quoi nous devrions apprendre à gérer l'information afin que l'on puisse admettre l'incertitude scientifique sans pour autant créer de la confusion.

Le sénateur Callbeck: Je tiens à vous féliciter pour un rapport complet qui est très facile à comprendre par des profanes. Je vous rends hommage pour cela aussi.

Vous nous avez présenté un grand nombre de recommandations. Si ces recommandations étaient mises en oeuvre et s'il y avait une flambée du SRAS dans ma province, l'Île-du- Prince-Édouard, que se passerait-il? Qui déclarerait l'état d'urgence et qui mobiliserait les ressources?

Le Dr Naylor: Puis-je vous poser quelques questions afin de préciser l'ampleur de la flambée avant de vous répondre? Est-ce que l'épidémie est limitée aux frontières de l'Île-du-Prince-Édouard?

Le sénateur Callbeck: Envisageons le problème sous deux angles différents. Oui, elle est limitée à l'Île-du-Prince- Édouard, et non, elle ne l'est pas.

Le Dr Naylor: Tout d'abord, dans cet univers imaginaire et positif, lorsque l'on détectera l'éclosion du SRAS, des alertes seront transmises sur une grande échelle. Dès qu'elle surviendra à Berlin ou à Singapour ou ailleurs, une série d'alertes seront lancées dans le monde entier comme quoi le virus X ou la bactérie B sont en marche.

Ces alertes feront rapidement leur chemin à l'intérieur des systèmes de santé publique et de soins de santé du Canada. Les médecins hygiénistes et les dirigeants des établissements de soins de santé recevraient immédiatement des messages d'alerte de la part de l'Agence canadienne de santé publique et du bureau du médecin hygiéniste en chef les informant qu'il y a un problème.

S'il s'agissait d'un agent connu, alors on suivrait un protocole bien compris et connu de ce qu'il faut faire. Il y aurait un ensemble commun de processus à suivre sur la manière d'intervenir. Ainsi, plutôt que d'improviser au fur et à mesure, les responsables seraient rassurés de savoir qu'il y a un consensus national, en quelque sorte, sur les pratiques exemplaires, et ils seraient en mesure de les suivre.

Étant donné qu'il y aurait des discussions entre les autorités compétentes et une certaine compréhension des stratégies à utiliser, on aurait eu aussi le temps de réfléchir au défi particulier que présente la lutte contre une épidémie sur une île et dans une région où certaines ressources tertiaires sont absentes. On pourrait avoir décidé du déplacement de certaines personnes, dans des endroits comme, par exemple, l'Hôpital Queen Elizabeth II, dans le cadre d'ententes de collaboration. Les autorités sauraient exactement où se trouvent les zones de pression négative dans les hôpitaux disponibles, et on aurait mis en place un protocole complet visant à déterminer qu'un patient est acheminé d'une zone restreinte de la salle des urgences jusqu'à une chambre ventilée par aspiration pour être mis sous observation, et si sa situation se détériore, il serait transféré en Nouvelle-Écosse, parce qu'une entente complète aurait été mise en place au préalable comme quoi c'est ainsi que les choses devraient se passer. Nous pourrions transférer les patients en toute sécurité et sans mettre les ambulanciers en danger. Tous les protocoles seraient mis à l'épreuve auparavant.

S'il s'agissait d'un nouvel agent, alors on pourrait s'attendre à obtenir un soutien rapide de la part de l'Agence canadienne de santé publique. Le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard demanderait de l'aide. Il serait entendu qu'il existe des protocoles de collaboration et l'agence nationale interviendrait rapidement pour offrir son aide sur le terrain, conformément aux processus et protocoles adoptés. On pourrait demander des renforts.

Si l'épidémie se propageait, nous pourrions compter sur une capacité de pointe qui se présenterait sous la forme d'équipes d'interventions sanitaires d'urgence. Ces équipes proviendraient des autres administrations. Elles seraient déjà mises sur pied et auraient une mission définie. Il s'agirait d'équipes d'interventions en cas d'épidémies spécialement formées pour s'acquitter de fonctions liées à la santé publique ou aux soins cliniques. Elles seraient déjà prêtes à intervenir. Les questions liées aux octrois de permis ainsi que celles qui touchent aux primes d'assurance en cas de faute professionnelle auraient été réglées au préalable. En l'espace de quelques heures, ces équipes viendraient vous prêter main forte et vous aider à intervenir auprès de votre population.

Si l'épidémie se répandait et si vous aviez besoin d'un soutien additionnel du point de vue de la santé publique, des ententes réciproques avec d'autres provinces prévoiraient l'envoi d'infirmières de la santé publique et d'agents de quarantaine, et vous disposeriez également d'un soutien sur le terrain à l'échelle communautaire pour vous aider à gérer l'épidémie.

Une combinaison de facteurs: un meilleur soutien technique de la part du gouvernement fédéral, des processus et des plans sur lesquels on s'est déjà entendu et des accords de réciprocité entre les autorités par l'entremise du réseau national de lutte contre les maladies transmissibles. On ne se retrouverait pas dans la situation où il faut créer de toutes pièces. Au contraire, les mécanismes seraient déjà en place. Il y aurait toujours des écarts à combler et des aspects à comprendre et à étudier, mais au moins vous pourriez compter sur les protocoles et les processus nécessaires à l'Île-du- Prince-Édouard pour combattre l'épidémie.

Le sénateur Callbeck: C'est l'agence qui prendrait la décision de faire appel à des ressources humaines.

Le Dr Naylor: Non. Le concept de l'équipe d'intervention sanitaire qui est en cours d'élaboration par le Centre des mesures d'urgence, avec son réseau national, est très clair: dans une situation d'urgence, c'est l'autorité compétente qui fait appel à l'équipe d'intervention d'urgence. Selon la nature de la menace, cette intervention serait financée par l'autorité qui y a fait appel, ou alors elle serait cofinancée. S'il s'agissait d'une urgence nationale, alors il faudrait s'attendre à ce que le gouvernement fédéral prenne la direction des activités. Si plusieurs provinces étaient en cause, alors il faudrait qu'un mandat clair émane de la nouvelle loi sur les urgences sanitaires et précise clairement que c'est le médecin hygiéniste en chef qui donne le feu vert et fournit la structure de commandement à l'échelle du pays.

Il faut que la loi précise clairement dans quelles circonstances il faut passer à une structure de commandement et de contrôle fédérale. De toute évidence, il faut que la menace frappe plusieurs provinces, mais autrement, la province visée s'occuperait elle-même de faire appel aux ressources, et celles-ci seraient déjà en place.

Le sénateur Cordy: L'une de vos recommandations demande qu'un hôpital soit désigné dans chaque région pour s'occuper des épidémies. Est-ce que cela s'appliquerait aussi aux petites provinces, comme celles de la région Atlantique?

Le Dr Naylor: Nous avons recommandé qu'un seul hôpital soit désigné dans certaines régions, mais dans d'autres, en raison de la densité de population, il pourrait y avoir deux ou trois institutions chargées de jouer le rôle de chef de file.

Le défi particulier porte à la fois sur l'infrastructure matérielle et sur les ressources humaines. Dans certains cas, il nous faut une infrastructure matérielle — en l'occurrence, des chambres à pression négative, des antichambres où les intervenants peuvent s'habiller et prendre les précautions d'usage dans un espace fermé avant d'entrer dans la pièce ou de se diriger vers les espaces publics.

Il faut également prévoir dans la même institution du personnel bien au fait de la nature particulière de la menace, et qui se tient continuellement à jour en ce qui concerne les questions liées à la lutte contre l'infection. Même si, dans une certaine mesure, la force de frappe est concentrée, il faut néanmoins pouvoir s'occuper de patients pouvant être atteints d'un éventail de maladies très contagieuses et en même temps, assurer une plus grande protection aux travailleurs de la santé et leur permettre de prendre soin des patients.

Peu importe que l'on ait désigné un seul hôpital ou trois ou quatre dans une région plus densément peuplée, nous insistons sur le fait qu'il faut avoir déterminé auparavant qui sera prêt à intervenir, et avoir pris les moyens pour former les intervenants.

Le sénateur Callbeck: J'ai une autre question. Il faudra beaucoup de temps pour mettre en oeuvre ces recommandations. Quelles sont vos recommandations en ce qui concerne les mesures à court terme?

Le Dr Naylor: Dans notre rapport, nous avons fait des recommandations à mettre en oeuvre immédiatement. Elles sont très précises. Elles figurent à la page 219, section 12A, sous la rubrique «Préparation à la saison des virus respiratoires». Nous sommes déjà dans la saison des rhumes et de la grippe. Nous avons donc fait un certain nombre de recommandations concernant des mesures relativement urgentes, et nous ne pouvons qu'espérer qu'elles seront prises au sérieux et qu'on les mettra en application.

Le sénateur Keon: Merci, docteur Naylor. Il est assez fantastique que dès sa sortie ce rapport ait été accepté par pratiquement tout le monde. Je pense que vous vous êtes montré à la hauteur de votre réputation lors de la conférence de presse de Toronto lorsque vous avez affirmé qu'une bonne partie de ces recommandations avaient déjà dix ans. Cette déclaration a eu beaucoup d'impact, et nous devons maintenant retrousser nos manches et nous mettre au travail pour que ces idées se concrétisent. Bon nombre d'entre elles circulent déjà depuis longtemps.

La section à quelle vous venez de faire référence comprend quelques mesures provisoires, mais pas le cadre structurel que vous avez envisagé dans l'ensemble. Si nous voulions ici même au Sénat nous rendre utiles, nous pourrions élaborer un chemin critique de la mise en oeuvre de votre rapport et y inscrire des montants afin qu'il devienne une démarche pragmatique en vue de résoudre un problème de grande ampleur.

Ceci étant dit, je me demande si vous ne pourriez pas nous présenter un petit tour d'horizon et nous préciser les faits saillants de ce chemin critique de la mise en oeuvre. Quelles sont les choses à mettre en place avant quoi que ce soit d'autre si nous voulons que tout ce processus donne de bons résultats, et quelles sont celles qui pourraient être implantées un peu plus tard?

Le Dr Naylor: Il m'est très difficile de vous donner les étapes dans un ordre précis parce que des gens raisonnables pourraient ne pas être d'accord avec l'idée que ceci doive se passer en premier ou en deuxième. Il est certain qu'au sein du comité, nous avons abondamment discuté de ce que devraient être les premières étapes. Mis à part toutes les fois où nous avons levé les bras au ciel pour dire «Tout ceci aurait déjà dû être fait depuis longtemps», nous en sommes néanmoins arrivés à un certain consensus général. Je tiens à vous dire que cet exercice est difficile.

La première partie importante concerne les recommandations à mettre en oeuvre dans l'immédiat. Nous sommes dans la saison des rhumes et des grippes et il faut prendre des mesures. Nous devons nous tenir prêts. Nous ignorons si le SRAS frappera de nouveau. Par contre, nous savons très bien, parce que nous l'avons vu avec la flambée de Surrey qu'il y aura de nombreuses fausses alarmes. Des maladies ressembleront au SRAS et les hôpitaux voudront mettre les personnes infectées en isolement respiratoire et également, mettre en quarantaine le personnel ayant eu des contacts avec ces patients, peut-être sans protection.

Il nous faut une série de protocoles visant à réduire au minimum le dérangement et la confusion au sein du système de soins de santé et de santé publique durant la prochaine saison hivernale du virus respiratoire. C'est la priorité numéro un.

J'insiste sur ce point parce que j'ai entendu dire que les systèmes de santé publique et de soins de santé, en tout cas à Toronto, sont encore sous le choc du syndrome de stress post-traumatique. Beaucoup de gens sont passés par toute la gamme des émotions durant cette épidémie. Il planait vraiment une menace de l'inconnu lorsque ce virus est apparu pour la première fois. On a ressenti énormément d'anxiété et de stress en voyant des collègues tomber malades et des patients décéder et à un rythme qui a fait grimper le taux de mortalité clinique. On a ressenti un certain soulagement lorsqu'on a cru que le virus avait été contenu, suivi d'une vague de désespoir lorsque la deuxième vague est venue frapper.

L'épisode 3 du SRAS pourrait avoir des effets dévastateurs. Nous devons également empêcher les fausses alarmes qui pourraient être démoralisantes. C'est notre premier ensemble de priorités.

Donc, il s'agit de l'ensemble de mesures à prendre qui sont tout autant du ressort des provinces et des régions sanitaires, que du gouvernement fédéral, mais le gouvernement fédéral peut faire certaines choses, comme nous l'avons déjà mentionné.

Le deuxième grand secteur d'activité dont nous recommanderions la mise en oeuvre consisterait à exercer des pressions sur deux fronts en parallèle. L'un de ces fronts concerne les rouages autour de l'agence. De toute évidence, nous ne sommes pas des experts dans les rouages gouvernementaux et ne pouvons pas fournir des avis très éclairés sur le sujet. Nous avons parlé d'une agence de service imposée par la loi, mais nous serions mal venus de prétendre que nous sommes bien placés pour définir toutes les étapes à suivre pour atteindre plus rapidement notre objectif.

Par ailleurs, j'ai vraiment le sentiment que c'est la voie à suivre. Il nous faut un plan d'action en vue d'en arriver à la mise sur pied d'une agence, parce que sans point de référence et sans un leadership fort, une bonne partie de nos recommandations seront noyées dans la bureaucratie. Elles ne verront jamais le jour.

Il y a une voie parallèle, parce que le défi consiste à éviter que toute l'énergie soit drainée dans la création de l'agence, alors qu'il y a tellement d'autres choses à faire à moyen terme.

Premièrement, il faut améliorer la surveillance. Il faut améliorer et coordonner nos systèmes de surveillance, en particulier en ce qui concerne les maladies infectieuses. En outre, cela signifie que nous devons aussi améliorer les systèmes d'alerte et remonter jusqu'aux systèmes de santé publique et cliniques.

Il faut que les rouages du réseau de lutte contre les maladies transmissibles soient mis en place, et nous n'avons pas besoin d'une agence pour faire cela. Il nous faut tout simplement réunir les experts compétents dans le domaine de la santé publique, et les mettre en rapport avec ceux des soins de santé, et aller de l'avant avec la création d'un réseau national chargé de réfléchir en profondeur aux méthodes à retenir pour effectuer l'échange de données et lutter plus efficacement contre les flambées de maladies qui surviennent dans plusieurs administrations gouvernementales simultanément.

Au bout du compte, cela nous amènera à la troisième étape qui comporte des aspects comme l'examen de la législation en vue d'harmoniser et d'améliorer les lois sur les urgences sanitaires. Il s'agit d'interventions à long terme.

Dans ce cas précis, l'agence pourrait être utile, mais je ne veux pas aller au-delà de ces deux étapes. Commençons par mettre l'agence en route, mais ne consacrons pas tellement de temps et d'énergie à faire cela qu'on en oublie qu'il y a des étapes intermédiaires auxquelles nous devrons penser si nous voulons être mieux préparés.

Le sénateur Cook: Nous avons là une excellente opportunité. Il est raisonnable, lorsque l'on pense à cette opportunité, d'examiner les forces et les faiblesses actuelles et de partir de là. Je vois dans le système actuel les forces d'un groupe de fonctionnaires de la santé publique compétents. Nous pouvons également compter sur la mémoire générale d'un système de santé publique intégré, même si, depuis les années 70, nous donnons l'impression d'avoir cru que nous avions réglé tous les problèmes et avons négligé le domaine des maladies infectieuses.

Il y a une loi sur la santé publique dans chaque province. Toutefois, si on considère la situation actuelle, nous avons décentralisé notre système de santé publique et les responsabilités connexes. Les nouvelles maladies voient le jour à une vitesse rapide. Il y a tout un éventail de choses que je m'efforce de résumer, mais je vois en tout cas un rôle pour ce comité, avec les conseils de personnes telles que vous. Je n'ai pas eu le temps de lire votre rapport en entier. Je suis allé directement au chapitre 12, et j'ai jeté un coup d'oeil sur vos recommandations.

Le sénateur Keon vous a demandé de décrire dans quel ordre vos recommandations devraient être appliquées. Je suppose que la première priorité serait d'aller se faire vacciner contre la grippe et d'espérer que l'on a reçu le bon vaccin. Nous devons modifier la Loi canadienne sur la santé. La santé publique doit être incluse dans notre formule de calcul de l'aide aux provinces, de même que l'établissement d'écoles pour l'enseignement de la santé publique. Je sais que des écoles existent déjà, mais il nous faut un meilleur programme de cours. Il y a certaines choses que nous pouvons faire dès maintenant et qui ne coûtent pas tant d'argent que cela. Finalement, pour arriver à faire le nécessaire, la seule contrainte se résume à une question d'argent.

Je peux illustrer ce que j'avance en vous racontant une anecdote. J'ai rencontré quelques collègues pendant que j'étais à la maison, il y a quelques semaines de cela, et je leur ai dit: «Que ferons-nous si le SRAS frappe de nouveau? Nous n'avons qu'un seul hôpital de soins tertiaires.» L'une d'elles a répondu: «Ne t'en fais pas, nous avons toujours notre système de santé publique, nous avons nos protocoles et nos plans, il n'y a pas à s'inquiéter. Mais, Joan, nous avons besoin de toi.» Et j'ai demandé: «Pourquoi?» Et mon amie a répondu: «Il nous faut une formule de financement particulier.» Avec toute l'information qui nous est fournie ici, je pense que nous pouvons être utiles en tant que membres d'un comité sénatorial en nous attaquant aux faiblesses de la législation et en nous assurant que le financement arrive à destination, parce que nous ne pouvons pas répondre aux besoins de tous et chacun.

J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Si nous devons collaborer dans le cadre d'un processus — et certains d'entre nous possèdent diverses compétences — et si nous décidons de saisir cette occasion, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le Dr Naylor: Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que le financement du gouvernement fédéral est nécessaire pour galvaniser et stimuler les activités de santé publique, tant au niveau provincial que régional. Je veux seulement vous donner mon point de vue sur quelques aspects précis de votre remarque.

D'abord, il y a la question de savoir s'il y a lieu de modifier la Loi canadienne sur la santé pour que la santé publique y prenne plus de place. En tant que membres du comité, nous avons tenté de déterminer si en agissant ainsi on ferait avancer les choses, mais nous n'avons pas trouvé qu'étant donné le centre d'intérêt de la loi, qui porte sur les soins de santé, il était nécessaire d'y intégrer la santé publique. De fait, l'un des membres du comité nous a prévenu qu'en agissant ainsi on risquait de voir le dragon des systèmes cliniques dévorer encore une fois la santé publique, comme cela se produit si souvent.

Il est certain que nous approuvons votre sentiment comme quoi un certain type de renouvellement fait partie de l'équation. Dans notre rapport, il y a un chapitre sur les aspects juridiques pour lequel nous avons pu compter sur un spécialiste, Sujit Choudhry. Je tiens à mentionner qu'une bonne partie de ce chapitre est de la plume de Sujit Choudhry. Je suis sûr que mes corrections ont causé des préjudices à sa prose, mais il mérite le crédit pour les aspects constitutionnels de notre document.

Le deuxième point est que nous disposons d'une loi sur la santé publique. En décentralisant en partie, on a eu pour effet de diluer la reddition de comptes. Il faut continuer à travailler sur la définition des pratiques exemplaires et des structures destinées à assurer la prestation des programmes de santé publique. Il n'existe probablement pas de solution à l'emporte-pièce. Nous savons que notre pays est très diversifié. Nous savons aussi que la culture et le contenu varient d'une province et d'un territoire à l'autre, et qu'il y aura toujours des différences.

Des observateurs de l'Ontario nous ont informés que la municipalisation de la santé publique dans cette province signifiait que la moitié du financement provenait des municipalités et qu'une approche très axée sur la localité avait entraîné un manque de coordination lors des interventions visant à lutter contre l'épidémie.

Bien entendu, la santé publique est, au premier chef, d'ordre local. Il faut commencer son élaboration à l'échelle locale, à partir des premières lignes. La santé publique doit être bien intégrée dans les collectivités. Il faut compter sur des agents de santé publique et sur des infirmiers et infirmières qui connaissent intimement leur collectivité, mais il est vrai qu'il faut aussi de la coordination et tout un ensemble de processus qui servent à souder le système. Nous sommes d'accord avec vous que c'est extrêmement important.

Pour ce qui est de la formule de financement, nous avons proposé quelque chose qui reprend sensiblement les lignes des précédents créés en Australie et aux États-Unis. Nous imaginons une approche très stratégique, plutôt que de mettre un énorme tas d'argent sur la table et de laisser les intervenants se battre pour s'en accaparer une partie et de voir la reddition de comptes se limiter à de vagues indicateurs liés à cet argent. L'agence elle-même détient des fonds qui sont destinés aux provinces, de sorte que le médecin hygiéniste en chef du Canada puisse s'asseoir avec le médecin hygiéniste en chef de Terre-Neuve et lui dire: «Pourquoi ne pas demander à votre chef de la lutte contre les maladies transmissibles de venir discuter avec son homologue à l'agence, parce que nous disposons d'une certaine somme, et d'un programme, mais il semble que vous soyez déjà en train de travailler dans ce sens, alors peut-être que nous pourrions transmettre ces fonds dans votre programme de lutte contre les maladies non transmissibles afin de nous assurer que vous obteniez votre part?»

En ce sens, nous imaginons un modèle fondé sur l'entente-cadre sur l'union sociale, avec lequel les travailleurs de première ligne continueraient d'obtenir leur part de ce financement, mais ces fonds seraient versés par l'agence programme par programme, de sorte que l'on favoriserait la reddition de comptes et une culture de collaboration. Essentiellement, nous favorisons un système intégré en demandant aux fonctionnaires de la santé publique de nous dire combien ça coûte et comment procéder.

Le dernier point que j'aimerais aborder est celui des moyens utilisés pour créer les ressources humaines en matière de santé. Vous avez mentionné les écoles de formation en santé publique. La décision d'emprunter ou non le modèle américain des écoles ou des facultés distinctes pour la santé publique ou même de savoir si nous pouvons fonctionner ainsi au Canada, comme quelqu'un l'a suggéré, par l'entremise d'une sorte d'institut national de la santé publique virtuel, je laisse le soin à d'autres d'en débattre. On peut trouver des arguments favorables dans les deux sens.

Beaucoup de Canadiens aimeraient assister à l'émergence d'une stratégie nationale des ressources humaines en matière de santé publique qui serait dotée du financement nécessaire pour soutenir la formation et l'enseignement, et il est certain que cette question occupe une place centrale dans notre rapport. Nous avons accordé plusieurs millions de dollars, seulement à cette fin, dans le budget que nous avons établi pour la nouvelle agence.

Ces fonds sont destinés aux provinces et aux territoires. La nouvelle agence pourrait s'adresser aux fonctionnaires compétents de la santé publique d'une province et puis acheminer l'argent vers trois universités de cette province afin d'atteindre les objectifs visés B ou encore, à Terre-Neuve, à l'Université Memorial. L'idée serait que l'argent se retrouve entre les mains de ceux qui offrent la formation; que ce soit des collèges communautaires ou des universités, faisons en sorte que ces intervenants jouent leur rôle. C'est une longue réponse à une courte question, mais j'espère que j'ai bien répondu.

Le sénateur Cook: Comment voyez-vous le rôle des infirmières praticiennes qui étudient en vue d'obtenir un MBA dans le contexte de la santé publique? Voyez-vous un rôle pour l'infirmière praticienne dans ce contexte, y voyez-vous une opportunité? Ces personnes détiennent déjà un baccalauréat et elles décident de se perfectionner avec les années. Y a-t-il un moyen de tirer parti de cela?

Le Dr Naylor: Je l'espère. Nous n'avons pas créé de cheminements de carrière clairs pour les infirmières de la santé publique. Il n'existe pas de cheminement selon lequel une personne commencerait un programme d'études sur les soins infirmiers, obtiendrait son baccalauréat et saurait qu'elle peut poursuivre ses études en vue d'obtenir une maîtrise en santé publique, puis un doctorat en épidémiologie et ensuite entrer à l'emploi d'une agence de santé publique, comme une agence municipale importante ou le B.C. Centre for Disease Control — il est à espérer qu'il s'en crée une nouvelle en Ontario — l'Institut national de la santé publique du Québec national ou une direction équivalente dans le domaine de la santé publique, puis effectuer très facilement des allers et retours avec l'agence canadienne de santé publique. Un tel cheminement donnerait l'impression que l'on peut acquérir une certaine expérience, conserver son ancienneté, se perfectionner et avoir des possibilités de formation continue. Nous avons besoin de ces cheminements de carrière, pour tout le personnel de la santé publique, mais tout particulièrement pour les soins infirmiers, en partie parce que nous n'avons pas suffisamment de programmes de maîtrise en santé publique orientés sur les aspects pratiques dans ce pays. Alors, il ne reste que l'option d'obtenir un baccalauréat en soins infirmiers, d'entrer dans le système de santé publique et d'apprendre sur le tas. Ajoutez à cela la pénurie d'infirmières, et on se retrouve dans la situation où les circonstances sont moins que favorables à la dotation et à la revitalisation d'un système renouvelé. Nous avons du pain sur la planche.

Le sénateur Cook: Sur une note plus personnelle, il n'est pas très rassurant lorsque l'on écoute les nouvelles d'entendre parler du nouvel équipement de surveillance dans les aéroports, et plus particulièrement à Pearson, où certains systèmes sont utilisés à des fins de dépistage. Comment rassurer les gens? On nous explique que l'on utilise le balayage de l'iris pour dépister les personnes atteintes, et qu'ainsi ont peut éviter de créer de longues files d'attente à l'aéroport Pearson. Je suis sûre que ce n'est pas très rassurant pour le grand public d'entendre de telles choses. Ma dernière question est la suivante: Est-il réaliste de penser qu'il pourrait y avoir un centre d'excellence dans ma province, ou alors s'agirait-il plutôt d'un modèle de réseau en étoile, le centre d'excellence d'une autre province intégrant ma propre province? Il faut commencer quelque part, je le sais; mais je ne pense pas que ce serait réalisable à court terme que de créer de tels centres dans chaque province. Pourrions-nous adopter ce modèle de réseau en étoile — c'est-à-dire, un centre dans les Maritimes dont relèverait trois ou quatre provinces? Est-ce que ça pourrait fonctionner?

Le Dr Naylor: Voici deux questions très importantes. Premièrement, je vais aborder cette question du dépistage dans les aéroports. C'est un sujet très délicat. Les systèmes de dépistage servent à rassurer le public. Même si l'étude publiée par Santé Canada semble suggérer un degré élevé de conformité aux divers systèmes de dépistage qui sont en place, si vous parlez avec des passagers — amis, membres de la famille, voisins — tous ont une histoire à raconter comme quoi ils se sont faufilés aux douanes et que personne ne leur a demandé leur carte ou n'a rempli un formulaire et ainsi de suite. Les membres du comité ont éprouvé quelque difficulté à s'entendre sur ces deux points de vue — c'est-à-dire les études officielles et les anecdotes.

Nous avons eu du mal, plus fondamentalement, à ne pas trop nous préoccuper de cette situation. Nous ignorons si, même avec une conformité de 100 p. 100, ces systèmes seraient véritablement efficaces.

Le balayage infrarouge a une lacune évidente en ce qu'il dépiste les fièvres de toute origine; et les gens chez qui un virus comme celui du SRAS est en incubation n'ont aucun symptôme durant quelques jours. Il nous faudrait un moyen de dépistage du virus qui soit non invasif et qui puisse le détecter durant la phase pré-symptomatique. Un individu passerait devant un écran, et le message suivant s'afficherait: «Développera une infection au SRAS dans cinq jours.» Nous n'avons pas ce genre de système.

Ceci étant, il faut se concentrer sur deux choses. L'une d'elles est l'information. Il faut mettre des masses d'information entre les mains des gens. En supposant que la plupart des gens sont de bonnes personnes, bien intentionnées et désireuses de faire ce qu'il faut, ils devraient normalement se manifester publiquement s'ils éprouvent des symptômes inquiétants et s'ils ont voyagé. Deuxièmement, il faut mettre en place une infrastructure de santé publique locale rigoureuse de sorte que si une personne téléphone pour dire: «J'ai cette trousse d'information, je rentre de voyage, et j'éprouve les symptômes qui y sont décrits, je me demande si je ne pourrais pas être infecté par X ou Y», il devrait y avoir une réponse immédiate. Il faudrait que quelqu'un se présente à la maison en l'espace de 30 minutes. L'information sur ce qui doit être fait est transmise au téléphone. Les personnes sont transportées, avec les précautions appropriées, dans une salle d'urgence dotée d'une zone d'isolement. Elles sont hospitalisées, au besoin, et placées dans une chambre à pression négative, si nécessaire. Il doit y avoir à l'échelle locale, un système organisé pour répondre au voyageur qui a des inquiétudes ou qui éprouve des symptômes inquiétants.

Nous croyons, comme nous l'avons recommandé, et je pense que les honorables sénateurs l'auront lu, qu'il faut mettre en place un processus international et multilatéral en vue de reconsidérer le contrôle des voyageurs, mais aussi, il faut que le Canada considère d'un oeil serein et critique les résultats de nos activités de dépistage. Des millions de personnes sont passées par nos systèmes de balayage à infrarouge et de cartes et aucun cas n'a été détecté. Jetons un regard critique sur ce système et décidons de ce qu'il faut faire en tant que pays sur le plan de l'information aux voyageurs et du dépistage. Les agents de quarantaine sont une autre question que nous avons abordée avec passablement de détail dans le rapport. Il faut qu'il y ait une équipe compétente d'agents de quarantaine dans tous les ports d'entrée. C'est élémentaire.

Permettez-moi maintenant d'aborder la question vraiment difficile qui concerne la vision du fonctionnement d'un réseau national de lutte contre les maladies transmissibles. Dans le meilleur des mondes, il y aurait une combinaison de certains centres d'excellence provinciaux et régionaux. Lorsque l'on considère la force de frappe que représente le Centre for Disease Control de la Colombie-Britannique, je le répète, une bonne partie de l'argent passe du centre provincial aux municipalités chargées d'administrer les vaccins et ainsi de suite. L'effectif est modeste. Il n'est pas nécessaire de se doter d'une armée d'experts; il suffit qu'ils soient vraiment très compétents et bien branchés avec les systèmes.

En ce sens, il pourrait être difficile pour les petites provinces de créer la masse critique nécessaire pour faire fonctionner tout ça. Par conséquent, en tant que comité, nous avons pensé qu'il devrait y avoir discussions à l'échelle des provinces et des territoires afin de déterminer dans quelle mesure on pourrait mettre en place un réseau en étoile dans certaines régions. Nous ne voulons pas préjuger du résultat, mais on peut imaginer qu'il pourrait y avoir un centre de lutte contre les maladies transmissibles de l'Atlantique administré sur la base d'un réseau. Il est certain que la Colombie-Britannique dispose déjà d'une agence qui fonctionne de façon exemplaire à bien des égards. Le Québec s'est doté d'une agence remarquable. Quant à l'Ontario, je suis persuadé que nous allons aborder la possibilité de nous doter d'une capacité plus efficace après l'épisode du SRAS; et avec le changement de gouvernement, il se pourrait bien que cette possibilité se retrouve au programme aussi, en tant que contribution tangible en début de mandat.

Le débat sera plus ardu dans les Prairies étant donné le territoire à couvrir et la force de frappe nécessaire. Il y a bien sûr le Laboratoire national de microbiologie, qui agira comme un aimant au Manitoba lorsque viendra le moment de choisir des collaborateurs à l'échelle provinciale. Il est certain que l'on se creusera les méninges dans plusieurs capitales provinciales et territoriales afin de trouver le moyen de faire fonctionner ce système.

Nous sommes fermement convaincus qu'il faut tout faire pour que cela fonctionne. Il faut mettre en place un réseau d'agences. Il ne nous appartient pas de décider comment il sera construit.

Le sénateur Roche: Monsieur le président, pour le compte rendu, j'aimerais lire la dernière recommandation du Dr Naylor dans la section «Se préparer à la saison des virus respiratoires». Je lis à la page 220. Je suggère que nous mettions ce passage en relief en raison de l'urgence qui s'en vient. Voici la recommandation du Dr Naylor:

Santé Canada devrait coordonner une réunion scientifique ouverte vers la fin de l'automne ayant comme objectifs de renseigner les Canadiens sur la recherche sur le SRAS, de discuter de projets de surveillance pendant l'hiver et d'examiner le rôle des avertissements aux voyageurs et du contrôle des voyageurs.

Je vous signale rapidement qu'il y a plusieurs autres recommandations dans cette section. Il est certain que Santé Canada devrait être capable de bouger rapidement en ce qui concerne la mise sur pied d'une campagne d'information de la population sur l'état de la situation. Je voudrais citer pour le Dr Naylor ce que le chef de l'Organisation mondiale de la Santé, le Dr Lee Jong-Wook, a déclaré hier devant le Parlement européen, à Bruxelles. Il a dit:

Notre hypothèse de travail est que le SRAS va frapper de nouveau [...] au cours de l'hiver qui vient, si le SRAS entraîne une confusion avec le rhume ordinaire et la grippe, nous allons au devant de beaucoup de problèmes.

Je veux en venir au fait que le grand public montre beaucoup de nervosité et lorsque l'on entend que le SRAS pourrait revenir sous une forme qui demeure imprécise pour nous, alors il me semble que cela devrait être porté à l'attention de Santé Canada. J'aimerais connaître l'opinion du Dr Naylor à ce sujet.

Et en rapport avec la même question, docteur Naylor, ne vous ai-je pas entendu dire dans votre déclaration préliminaire que vous craignez une grippe pandémique? Je pense que ce sont les termes que vous avez utilisés. Est-ce que je me trompe en disant que vous avez mentionné la possibilité qu'il se produise quelque chose d'extraordinaire, c'est-à-dire une infection entièrement distincte de la grippe ordinaire de saison? Si j'ai bien compris, alors vous êtes vous aussi en train de nous prévenir, de concert avec le chef de l'Organisation mondiale de la Santé, que nous devons nous préparer à vivre un hiver difficile. Ces éléments d'information renchérissent sur la nécessité de procéder à une éducation du public. Voudriez-vous nous dire si j'ai bien rendu le sentiment d'urgence par rapport à ce qui nous attend?

Le Dr Naylor: Nous sommes d'avis qu'il faut aller de l'avant avec les préparatifs en vue de la saison des rhumes et des grippes. J'ignore si le SRAS frappera de nouveau; et personne ne peut le dire. Nous pouvons seulement être assurés qu'il y aura de fausses alarmes. Nous ne disposons pas d'un test rapide et non invasif qui permettrait de rassurer immédiatement les personnes éprouvant des symptômes inquiétants, ainsi que leur famille et les personnes qui les soignent, et de leur dire avec certitude qu'elles n'ont pas le SRAS. Les tests prennent du temps et il y aura de la confusion. Nous devons nous préparer, et il y a beaucoup à faire.

Je tiens à être très clair en ce qui concerne la grippe pandémique. Il est clair que je ne suis pas en train de dire qu'il y aura une grippe pandémique cet hiver. Personne ne peut dire s'il y aura ou non une flambée majeure de grippe comme celle que nous avons essuyée au début du siècle dernier, et qui avait causé tellement de souffrance et de chaos à l'échelle de la planète.

Je peux seulement vous dire que les spécialistes des maladies infectieuses et de l'épidémiologie se préparent à une telle flambée pour de nombreuses raisons. Premièrement, il y a une hypothèse de travail voulant qu'une gamme de souches de grippe virulente soient apparues au cours des dernières décennies. Heureusement, aucune d'entre elles n'avait l'ampleur et la portée de la grippe mortelle de 1918. Toutefois, on entretient l'inquiétude que l'une de ces souches pourrait bien exister et il faut se tenir prêt.

Deuxièmement, se préparer à une grippe pandémique c'est aussi se préparer à une épidémie comme celle du SRAS. Il s'agit du même ensemble de principes. Certaines des interventions du gouvernement fédéral à l'égard du SRAS ont été facilitées par l'existence du processus de planification en vue de l'éclosion d'une grippe pandémique. Cette planification était déjà en cours. Des gens essayaient de se préparer à la grippe pandémique. Ces mêmes processus ont été rapidement adaptés aux processus du SRAS.

Nous voulons parler d'un système qui sera tout aussi efficace contre le SRAS que contre la grippe pandémique. Personnellement, j'espère que nous n'aurons jamais de grippe pandémique. J'en ai parlé seulement pour mettre en lumière que nous ne vivons plus dans un monde où l'on peut supposer qu'un nouveau virus va simplement émerger et se détruire lui-même dans quelque pays lointain, et que nous pourrons nous contenter d'en lire le récit à la page 8 et de dire: «Oh, n'est-ce pas terrible?» Ce n'est pas ainsi que les choses vont se passer. Au contraire, le nouveau virus sera chez nous en l'espace de quelques heures parce que nous sommes une communauté planétaire et que les voyages deviennent un grave problème de nos jours. Il y a des millions de visiteurs au Canada chaque année, et les virus et les bactéries nous parviendront rapidement. Cette situation a modifié les règles du jeu. Elle a fait en sorte que l'OMS a assumé un rôle beaucoup plus important que dans le passé. C'est la raison pour laquelle nous avons dit que, peu importe la frustration accumulée et les réserves que l'on peut entretenir au sujet des avertissements aux voyageurs, il faut nous placer dans la situation de pouvoir prouver notre crédibilité à l'OMS afin de collaborer avec elle et de montrer que nous agissons comme des citoyens au sein d'une communauté de santé publique planétaire. Pour y arriver, il nous faut une agence et un certain leadership.

Le sénateur Roche: La nature planétaire des virus m'amène à poser ma deuxième question. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez insisté sur la création d'une agence canadienne de santé publique laquelle aurait, comme vous l'avez expliqué, un rôle de centre de référence clair et assurerait la liaison avec la communauté mondiale. Il est certain que j'appuie vigoureusement cette recommandation. Vous traduisez la réalité de la mondialisation du XXIe siècle en l'appliquant au domaine de la lutte contre les maladies infectieuses.

Vous avez mentionné qu'un médecin hygiéniste en chef relevant du ministre fédéral de la Santé dirigerait cette agence que vous avez imaginée. Cette agence que vous recommandez aurait des liens avec le monde extérieur. Je comprends votre point de vue et je l'approuve très certainement. Cependant, nous sommes encore prisonniers de contraintes constitutionnelles qui datent du XIXe siècle, et qui font en sorte que les provinces contestent pratiquement toutes les décisions prises par le gouvernement fédéral en matière de soins de santé. Elles ont adopté le principe voulant qu'étant donné qu'elles dépensent le gros de l'argent, elles devraient aussi avoir le dernier mot sur la façon de le dépenser.

Vouliez-vous vous montrer exhaustif lorsque vous avez dit que le médecin hygiéniste en chef relèverait du ministre fédéral de la Santé? Vouliez-vous exclure les provinces ou est-ce simplement parce que vous n'êtes pas allé aussi loin dans votre commentaire? Dans ce contexte, que pensez-vous de l'efficacité de l'agence que vous imaginez à avoir un certain rayonnement lorsqu'elle devra prendre en compte les intérêts concurrents des provinces?

Le Dr Naylor: En ce qui concerne les questions constitutionnelles, le comité a vu un ensemble de relations dysfonctionnelles entre les divers paliers de gouvernement. Ce fut une source de déception que de le vivre en tant que médecin et administrateur, à Toronto, durant l'épidémie du SRAS. Ce fut un rappel à la réalité, mais pas une grande surprise que de voir la confirmation de nos perceptions lorsque nous nous entretenions avec un éventail de personnes ayant été directement impliquées.

Nous avons insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de procéder à un changement d'éthos. Nous faisons allusion dans la conclusion à la nécessité pour la santé publique de devenir une zone d'engagement constructif. Nous savons pertinemment qu'il y aura des tensions entre les divers gouvernements — fédéral, provincial et territorial — en diverses occasions. C'est pourquoi nous pensons que le financement devrait provenir d'une agence plutôt que des habituels bailleurs de fonds du fédéral, des provinces et des territoires. Cela contribuerait à dépolitiser ces questions et à apaiser certaines tensions liées aux secteurs de compétence.

On ferait affaire à des professionnels de la santé possédant une plus grande expérience que les ministres et les sous- ministres qui n'ont disposé que d'un séjour lamentablement court à la santé au cours de la dernière décennie pour essayer de déterminer comment les choses devraient se passer. Ces personnes ne seraient pas motivées par les vicissitudes de la réélection et pourraient adopter une vision à plus long terme au sujet de la façon de faire les choses.

Rien de tout ceci ne changera quoi que ce soit au fait qu'il existe une tension fondamentale au sein de la constitution canadienne. Je ne fais que porter de l'eau à la rivière en vous disant ceci. Nous l'avons vu très clairement. Le pouvoir d'application des ressources et de production des recettes est concentré entre les mains du gouvernement fédéral, et l'autorité administrative en ce qui concerne le portefeuille de plus en plus important de la santé et des programmes sociaux est concentré entre les mains des provinces et des territoires. Cette situation crée une tension. Tous les ingrédients sont réunis pour produire un conflit.

Toutefois, nous avons été encouragés de constater qu'il existe des dispositions semblables en Australie et aux États- Unis. En effet, les Centers for Disease Control des États-Unis doivent être invités à la table par les États. Et ils sont invités très tôt et souvent parce qu'ils redistribuent du financement aux États afin de soutenir leurs activités et qu'ils participent à la formation du personnel, certains allant et venant entre l'agence de santé publique de l'État et les CDC. Ils ont une culture commune. Les CDC possèdent une puissance de frappe que les gens respectent. On les voit comme un organisme utile, plutôt que comme une autre bureaucratie lourde à la remorque d'un ministre qui peut très bien avoir eu récemment une prise de bec avec un collègue provincial.

Ce n'est pas une panacée. Il y a encore des tensions à l'occasion, mais ce mode de fonctionnement change la dynamique.

En Australie, il est surprenant de constater que, même en l'absence d'une agence fédérale, les ministres et les sous- ministres de la Santé travaillent ensemble. Le gouvernement fédéral est responsable d'environ 50 p. 100 des dépenses en santé publique, mais il est intéressant de voir comment il procède pour faire ces dépenses. De ce 50 p. 100, la moitié correspond à un financement qui est redistribué aux États et aux territoires de l'Australie sur une base stratégique et réparti entre divers programmes suivant le modèle que nous préconisons. Environ la moitié correspond à des services rendus sans contrepartie financière. Des employés du gouvernement fédéral travaillent, par exemple, dans les États et les territoires, dans le cadre d'une sorte de système de prêt de services qui change la dynamique.

Les CDC font largement appel à ce système. On trouve des employés des CDC au sein des agences de santé publique de l'État chargés de diriger le système de surveillance pour les États-Unis. Les données recueillies circulent entre l'État et les fonctionnaires des CDC, puis jusqu'au bureau central à Atlanta. Il y a plusieurs façons de plumer un canard, de créer une culture différente et un sens de la collaboration.

J'aimerais aborder brièvement la question du médecin hygiéniste en chef du Canada qui relèverait des provinces plutôt que du gouvernement fédéral. Nous nous sommes creusé les méninges pour trouver comment l'agence nationale de santé publique pourrait être structurée. L'une de nos principales recommandations est que cette agence doit être formée de personnes crédibles.

D'une part, en créant un organisme dirigeant pour l'institut qui est contrôlé par une majorité de représentants des provinces et des territoires, on suscite une certaine confusion au chapitre de la reddition de comptes. On risque de se retrouver avec un médecin hygiéniste en chef devant collaborer avec une très forte représentation directe des provinces et des territoires, mais redevable devant le ministre fédéral. On peut y voir des avantages sur le plan de la création d'une collaboration. Mais nous y voyions aussi la possibilité que la personne occupe son poste durant environ 32 jours avant de demander une aide psychiatrique.

C'est la raison pour laquelle nous avons opté pour un organisme qui soit davantage consultatif que directif, parce que le titulaire doit rendre des comptes au ministre fédéral de la Santé. Donc, l'agence nationale de santé publique comprendrait des spécialistes nommés par les provinces et les territoires, mais nous ne voudrions pas qu'elle soit formée de titulaires de postes hiérarchiques dans une province. Nous ne voudrions pas que le médecin hygiéniste en chef de Terre-Neuve siège à l'agence, et que la semaine suivante il se retrouve en train de négocier avec la même agence en vue de déterminer le montant qu'il pourrait obtenir pour sa province. Ça ne pourrait tout simplement pas fonctionner.

Par conséquent, l'agence nationale de santé publique ne sera pas chargée de diriger au sens strict, mais elle exercera une très forte influence en adoptant une perspective nationale, surtout si elle est formée de personnalités issues des quatre coins du pays, et si l'on a l'impression que les provinces et les territoires ont eu leur mot à dire sur sa composition.

Pour en revenir à votre remarque concernant la manière dont le médecin hygiéniste en chef transigerait avec les provinces, il est crucial qu'il s'assoie respectivement avec le médecin hygiéniste de la Nouvelle-Écosse, de la Saskatchewan ou de la Colombie-Britannique afin de définir comment ils entendent mener leurs activités. À l'heure actuelle, nous avons un conseil des médecins hygiénistes en chef, et Paul Gully y représente le gouvernement fédéral.

Nous obtiendrons un organe entièrement différent en nous dotant d'une agence canadienne dont le médecin hygiéniste en chef assumera la responsabilité de redistribuer le financement vers les médecins hygiénistes en chef de chaque province. La dynamique serait différente. Ils pourraient élaborer une stratégie visant à déterminer comment atteindre les objectifs nationaux en matière de santé publique et comment obtenir le financement nécessaire pour en maximiser l'impact. On y sentirait une conscience collective au sujet de la protection de la santé et de la prévention des maladies qui serait différente.

Tâchons de réunir ces gens tous ensemble. Il s'agit d'une instance distincte du conseil consultatif que nous avons imaginé.

Le sénateur Fairbairn: Merci, docteur Naylor. Nous avons eu une discussion extrêmement intéressante aujourd'hui. Comme l'ont dit tous mes collègues, et je suis d'accord avec eux, il s'agit d'un brillant rapport et j'espère qu'il recevra toute l'attention qu'il mérite et que ses recommandations seront adoptées.

Je vous ai écouté très attentivement aujourd'hui, mais depuis le début, l'un des aspects de l'épidémie du SRAS qui m'intrigue et m'inquiète est celui des communications. En effet, il me semble noter l'absence d'un système d'alerte rapide et lointaine à l'échelle internationale, et pas seulement au Canada.

Pourriez-vous nous donner une idée de la façon de procéder pour améliorer la situation? Vous avez mentionné au sénateur Roche l'existence de relations dysfonctionnelles entre tous les paliers de gouvernement, mais il se peut qu'il y ait aussi des problèmes de dysfonctionnement au sein du gouvernement, y compris de l'administration fédérale.

Lorsque l'on a fait allusion au SRAS pour la première fois en Ontario, j'avais une nièce à Hanoï, au Vietnam, qui y travaillait depuis six ans pour un organisme d'aide internationale, principalement auprès des familles et des enfants. Je lui ai envoyé un courriel pour l'informer, parce que Toronto est sa ville natale. Elle m'a répondu immédiatement en me transmettant presque un essai sur la situation qui prévalait au Vietnam ainsi que sur le médecin ayant identifié le virus en provenance de la Chine et qui avait commencé à traiter les patients et à les isoler dans l'hôpital de Hanoï. Il m'a paru bizarre que pendant toute la durée de l'épidémie du SRAS au Canada il semblait exister un décalage entre l'information destinée aux spécialistes sur le terrain et le gouvernement de l'Ontario. Les gens n'ont pas eu la chance d'être prévenus à l'avance que quelque chose s'en venait, étant donné notre frontière ouverte.

Quelque chose s'en venait, et pourtant, la rupture de communication ne s'est pas corrigée pendant toute la durée du processus, même avec l'Organisation mondiale de la Santé. Les renseignements nous parvenaient au compte gouttes et ils étaient diffusés de manière à semer la confusion.

De toute évidence, vous êtes très préoccupé par la manière de diffuser l'information afin que les mesures soient prises et que le signal soit clair afin que tout le monde sache à quoi s'en tenir et à quel moment intervenir.

Pourriez-vous nous expliquer plus en détail comment ce lien de communication pourrait être établi au beau milieu d'une épidémie? Il est certain qu'il ne dépendrait pas entièrement de Santé Canada ou du MAECI. Les efforts du gouvernement fédéral devraient probablement s'exercer sur une plus grande échelle que ce que nous anticipons actuellement, parce que sans la mise en place de moyens de communiquer l'information, toute l'expertise et la meilleure organisation du monde resteront sans effet.

Le Dr Naylor: Je ne peux vous répondre, sénateur, que par des généralités, mais je vous remercie de vos remarques élogieuses concernant le rapport et de votre question.

À l'heure actuelle, Santé Canada utilise un moteur de recherche Web appelé Réseau d'information sur la santé mondiale ou RISM qui est continuellement à la recherche de rapports faisant état de flambées de cas de maladies. Il y a également divers systèmes de messagerie électronique utilisés par les spécialistes des maladies infectieuses et les responsables de la santé publique pour transmettre des messages sur un serveur de listes, dans le monde entier, afin de prévenir de l'éclosion de la maladie X ou Y; ou encore pour dire que l'on a été frappé par A ou par B. Dans ce village planétaire étroitement connecté où nous vivons, des systèmes sont mis à profit pour recueillir de l'information afin de déterminer s'il y a une nouvelle épidémie — une nouvelle maladie.

Tous ces systèmes reposent essentiellement sur la surveillance et la détection à l'échelle locale. Si vous ne disposez que d'une messagerie électronique et qu'une épidémie se déclare dans un village où personne n'est abonné à un serveur de listes, vous n'en serez pas informé avant qu'elle ne se soit propagée. Il se pourrait qu'un habitant de cette localité ait voyagé à l'étranger et que la maladie aboutisse au Canada. Il en va de même avec le RISM qu'utilise l'OMS, B il s'agit d'une victoire de Santé Canada — il effectue des recherches dans tout le Web, mais à moins que l'information ne soit entrée, il ne pourra pas la trouver.

La pierre angulaire du système de renseignements qu'il nous faut est le renforcement de la surveillance partout, et il faut l'organiser. L'information est venue des soignants et du système de santé. Il suffit de penser à la manière dont les épidémies ont été détectées au fil des ans, une infirmière d'étage donne l'alerte après avoir réalisé ce qui est en train de se passer et un médecin de la salle d'urgence réalise finalement qu'il a été témoin d'un cas trois jours auparavant, et ils s'efforcent d'établir le lien. Ces personnes doivent être formées, respectées et prises au sérieux lorsqu'elles donnent l'alarme. Il faut mettre en place un système pour recueillir l'information auprès des individus et la regrouper avant d'établir le lien entre les hôpitaux ou les villes. Il faut que l'information parvienne rapidement au sommet de la chaîne jusqu'aux capitales nationales et à un bureau central.

Évidemment, c'est la direction que l'Organisation mondiale de la Santé aimerait voir emprunter par les pays membres. Il est question d'une réglementation internationale en matière de santé qui mettrait davantage l'accent sur la surveillance. L'inconvénient de cette approche est la création de mandats non financés — l'émergence d'un nouveau gouvernement transnational — spécialisé dans la santé. Ce n'est pas si simple que ça en a l'air. À certains égards, cela revient à abandonner certains domaines de souveraineté.

En fin de compte, je crois que c'est la direction à prendre. Toutes les nations doivent se doter d'un système de surveillance à plusieurs niveaux de sorte que l'information puisse circuler de haut en bas, jusqu'à un bureau central et inversement. L'information doit circuler du jour au lendemain — rapidement — et non en essayant de contourner tous les écueils que nous avons actuellement.

Il y a eu de la confusion lors de la flambée du SRAS. Il y a eu un cas de grippe aviaire ou grippe du poulet à Hong Kong. Mais on n'était pas certain s'il s'agissait simplement d'une autre forme de grippe. Au départ, on a pensé que cette infection n'était pas d'origine virale. Il y a eu une fausse alarme et on a pensé que le SRAS était dû à la chlamydia, et qu'il s'agissait tout simplement d'une autre forme de pneumonie acquise dans la collectivité. Il y a eu beaucoup de confusion pendant que cette hypothèse circulait dans le système.

Si le bon système de surveillance avait été en place avec de bons filtres, les choses se seraient mieux passées. Je vais vous dire un mot au sujet des filtres avant de conclure.

Rappelez-vous que tout est une question de recevoir les bons signaux. Tout comme nous ne voulons pas recevoir de fausses alarmes durant la saison des rhumes et des grippes, de même, nous ne voulons pas recevoir de fausses alarmes lorsque nous consultons les systèmes d'alerte mondiaux. Nous voulons éviter qu'un pays se mette sur le pied d'alerte, qu'il gaspille ses ressources, impose un stress aux soignants de la santé publique et des soins de santé et qu'il rende le public anxieux sans raison. Il faut qu'il y ait un équilibre entre la sensibilité et la spécificité.

Le sénateur LeBreton: Sur ce point, une partie du problème s'explique par le système de communication, la confusion semée dans le public et la question des cas de maladie probables et réels. Tous ces facteurs ont alimenté l'hystérie collective parce que certains ont choisi d'examiner les cas probables. Des signaux contradictoires étaient émis à partir d'ici et de l'Organisation mondiale de la Santé.

Le Dr Naylor: Je suis d'accord avec vous, sénateur. Je vous rappelle, comme le savent déjà le Dr Keon et le Dr Morin que je suis spécialiste des maladies cardiovasculaires. On m'a demandé de participer à cette étude en tant que rédacteur neutre plutôt qu'à titre de spécialiste du contenu. En tant que spécialiste du système cardiovasculaire, nous consacrons beaucoup de temps à essayer de préciser la taxonomie. Qui souffre de quoi? Quelle en est la définition? Tout ceci pour nous permettre d'être précis. J'ai été estomaqué par la confusion créée. Ce n'est qu'en juin que l'on s'est aperçu que certains pays utilisaient des définitions différentes du SRAS et que l'OMS ne s'y opposait pas. Si vous manipulez la définition d'une certaine manière, vous obtiendrez davantage de cas, et si vous la manipulez d'une autre manière, il y en aura moins. Comment peut-on penser à mettre en place un système de santé mondial si un pays devient vulnérable aux avertissements aux voyageurs émis à son endroit parce qu'il s'est montré prudent jusqu'à l'obsession et qu'il s'est fourvoyé en déclarant un trop grand nombre de cas, tandis qu'un autre pays est épargné par les mêmes avertissements aux voyageurs parce qu'il prône une définition plus restrictive des cas. L'OMS devra se ressaisir à cet égard.

Le sénateur Keon: J'ai été agréablement surpris de constater que vous aviez pris le parti de l'OMS dans votre rapport, parce que, comme vous le savez, l'organisme a fait l'objet de critiques sévères. Des Américains et des membres de l'UE ont suggéré que le moment était peut-être venu de songer à mettre sur pied un autre organisme, que l'OMS ne disposait pas des ressources suffisantes et, surtout, qu'il ne possédait pas le pouvoir intellectuel de faire ce qu'il est en train de faire.

Toutefois, je suis heureux de voir que les choses ont bien tourné et que l'on commence à discuter des moyens à prendre pour renforcer l'OMS plutôt que d'essayer de réinventer la roue.

Dans ce contexte, comment voyez-vous le lien entre notre agence nationale et l'OMS pour que l'on soit en mesure de contribuer à l'organisation et de surmonter certaines de ces difficultés? Est-ce que cela signifie que nous devrons apporter des contributions financières? Est-ce que cela signifie que nous devrons prêter du personnel? Est-ce que cela signifie que nous devrons leur donner accès aux renseignements de recherche de pointe dont nous disposons dans notre pays, c'est-à-dire leur donner accès à quelques-uns de nos meilleurs laboratoires de recherche ou leur donner la possibilité de collaborer avec les IRSC? Comment voyez-vous les choses?

Le Dr Naylor: Je pense, sénateur, que vous avez énuméré dans votre question, avec beaucoup de perspicacité, de nombreuses possibilités de renforcer l'OMS. Je suis d'accord avec vous que, plutôt que de simplement critiquer l'OMS, il faut trouver des moyens d'améliorer ses méthodes de travail et se montrer des collaborateurs efficaces et des chefs de file dans nos rapports avec l'organisation. Nous avons déclaré dans notre rapport que les avertissements aux voyageurs émis par Santé Canada ne reposaient pas sur des bases plus solides que ceux de l'OMS — il s'agit d'un problème généralisé — et cela en dépit de notre frustration bien compréhensible à l'échelle nationale et de la colère que cela a suscitée.

Je pense que les détachements de personnel jouent un rôle important. L'agence doit mettre en place une fonction de liaison efficace et comportant de nombreuses dimensions avec l'OMS. Cela nous ramène à cette vision de la manière dont les carrières devraient se dérouler, de sorte que les infirmières en santé publique obtiennent leur baccalauréat, puis une maîtrise en santé publique, après quelques années d'expérience dans la lutte contre les épidémies et dans le travail de première ligne en santé publique, reviennent à l'université en vue d'y décrocher un doctorat en politique en matière de santé publique, pour retourner travailler pour l'agence canadienne de la santé publique et être plus tard envoyée à Genève pour y servir d'agent de liaison chargé de mettre sur pied des infrastructures de soins infirmiers en santé publique dans les pays en développement — ou des systèmes de surveillance.

Nous devons parvenir à établir les compétences nécessaires à ces personnes afin qu'elles puissent exercer leur carrière quelque part, dans la même localité, en tant que membre de leur collectivité, ou alors en tant que citoyens du monde — en espérant qu'elles continueront d'arborer l'emblème de la feuille d'érable sur leur sac à dos — en passant de Toronto à Moose Jaw, puis à Genève.

Nous avons été à même de constater que l'OMS avait joué un rôle de leadership efficace en coordonnant certaines activités de laboratoire. L'organisation dispose de son propre réseau d'intervention contre les épidémies ayant contribué aux recherches visant à établir les circonstances de l'éclosion du syndrome à Hong Kong, et ce réseau comprend du personnel de notre Laboratoire national de microbiologie.

Nous devons être présents à la table, faire partie des réseaux ainsi que des équipes d'intervention. Nous avons recommandé au gouvernement du Canada de prendre très au sérieux notre rôle de rayonnement en vue de renforcer les capacités dans le domaine des maladies infectieuses et de la recherche. Ces choses franchissent les frontières avec une telle rapidité. Et justement, dans le cadre du renforcement des capacités, envoyer du personnel compétent en santé publique pour qu'il collabore avec d'autres nations moins favorisées à cet égard, sous la bannière de l'OMS, serait un merveilleux moyen pour nous de participer à la création de ce système de surveillance international en vue de régler le problème soulevé par l'autre sénateur — c'est-à-dire que faire au sujet de la transmission de l'information à la capitale nationale dans un autre pays, et à plus forte raison, ici même au Canada? Il s'agit désormais d'un ensemble de préoccupations pour la communauté internationale. En effet, la santé publique est une affaire planétaire, et nous devons agir comme des membres d'une grande famille planétaire.

Le sénateur Trenholme Counsell: Je tiens à me joindre au concert de louanges à l'endroit de votre rapport. J'ai été très fière, en tant qu'ancienne de votre faculté, de recevoir ce rapport et de vous écouter aujourd'hui. Nous avons vécu une crise extrêmement grave dans ce pays. Je trouve tout simplement fascinant que vous ayez réussi à préparer ce rapport en l'espace de quatre mois. Il représente une réponse précise — et lorsque je vous ai entendu dire que vous êtes un chirurgien cardiovasculaire, j'ai tout de suite compris votre méthode de travail.

Notre gouvernement doit réagir en adoptant la même méthode que celle que vous avez utilisée pour rédiger ce rapport. Le gouvernement a tant de défis à relever en ce moment, mais je pense que les Canadiens voudraient que ceci se retrouve dans le haut de la liste des priorités. Vous avez vous-même insisté sur l'urgence d'agir. J'espère qu'en tant que membres du Sénat, nous serons en mesure de jouer un rôle pour que vos recommandations reçoivent l'attention urgente qu'elles méritent, parce que vous les avez préparées de si excellente manière. Vous êtes vraiment une source d'inspiration. Les médias ont traité la publication de votre rapport comme une nouvelle sensationnelle, et c'est excellent et aussi stimulant. Je tenais à le dire et à vous féliciter.

Vous avez abordé les aspects constitutionnels de la question, mais j'avais mis un astérisque juste à côté. Vous avez mentionné que les provinces ne recevaient pas actuellement de financement directement lié à la santé publique, et ce que vous envisagez nécessitera sans doute une certaine forme de financement pour les provinces, en particulier pour renforcer leurs capacités.

Pour avoir travaillé dans un contexte provincial, je vous assure que je vois déjà les clignotants s'allumer dans la tête de tous les ministres de la Santé des provinces, et j'entrevois les levées de bouclier lors des réunions fédérales- provinciales si on accordait les transferts au titre de la santé en leur attribuant des utilisations particulières. Et ce n'est qu'un des défis que représente toute cette situation. Vous avez parlé des aspects constitutionnels de cette question après que j'ai marqué ce passage d'un astérisque. Toutefois, il y aura un vrai problème si le gouvernement fédéral décide de désigner certains montants à même le budget de la santé pour l'affecter à la santé publique. Il faudra se pencher sur cette question. Nous n'avons pas le temps de le faire maintenant, mais cela deviendra certainement un problème.

J'ai apprécié ce que vous avez dit au sujet des infirmières qui s'inscriraient dans des programmes de maîtrise en santé publique. Cela se produit déjà. Je sais que cela se fait à l'Université du Nouveau-Brunswick. Je crois que des infirmières praticiennes ont choisi de faire leurs études de maîtrise dans le domaine de la santé publique, et c'est très important et stimulant pour la profession infirmière.

J'espère que vous pourrez user de votre influence — et je pense qu'elle est énorme et que l'on écoute ce que vous avez à dire en ce moment — pour vous assurer que cette question recevra l'attention qu'elle mérite.

Le Dr Naylor: Merci.

Le président: Je devrais mentionner que le sénateur Trenholme Counsell a commencé sa carrière professionnelle dans la santé publique. Elle est diplômée de la faculté de médecine de l'Université de Toronto et elle a exercé sa profession en médecine familiale au Nouveau-Brunswick durant pratiquement trois décennies. Ses antécédents et l'intérêt passionné qu'elle voue à ces questions sont très évidents.

Le sénateur Cordy: J'aimerais répéter ce que mes collègues ont déjà dit. Pour une profane dans le domaine, recevoir un document de nature médicale qui soit facile à lire mérite des félicitations.

J'aimerais en savoir plus au sujet de la stratégie nationale d'immunisation. Bien sûr, nous savons tous que l'immunisation s'est révélée une mesure préventive efficace. Cependant, il y a quelques ombres au tableau. L'un des problèmes tient à l'absence de registres dans la plupart des secteurs de compétence.

Vous mentionnez dans votre rapport l'amélioration du système d'information. Est-ce que cela signifie que toutes les provinces devront tenir un registre des personnes ayant été immunisées? Peu importe la qualité des vaccins dont nous disposons, si les gens ne se font pas vacciner, ils ne servent à rien. Comment persuader les gens de se faire vacciner?

Dans ma province, en Nouvelle-Écosse, les pharmaciens ont commencé un programme qui offre la vaccination dans les pharmacies locales. Ce n'est encore qu'un projet pilote, mais la province paie les vaccins et elle les achemine dans les pharmacies. Quant aux pharmaciens, ils les dispensent dans un geste de bonne volonté.

Que pourrions-nous faire pour inciter les gens à se faire vacciner?

Le Dr Naylor: Oui, absolument, nous envisageons que toutes les provinces devraient tenir, idéalement, un jeu de dossiers sur l'immunisation et la vaccination; et ces dossiers seraient condensés dans un ensemble de rapports qui nous donneraient une idée de la couverture vaccinale au pays. Je le répète, de concert avec l'adoption d'une approche axée sur la reddition de comptes concernant l'utilisation du financement, nous aimerions nous assurer par ailleurs d'obtenir une couverture vaccinale optimale. Nous pensons que ces systèmes d'information doivent être améliorés.

Je tiens à souligner que même ce montant d'argent est modeste.

La Stratégie d'immunisation nationale, telle qu'elle a été définie aux tables fédérales-provinciales et territoriales, a été évaluée à environ 200 millions $ pour l'achat des vaccins seulement, plus le système d'information. Nous considérons que cette somme représente un investissement de longue portée puisqu'il permettra aux provinces de faire l'achat des vaccins, sachant que certaines provinces ont amorcé le processus et d'autres pas. Encore une fois, nous nous efforçons d'être en accord avec la stratégie de l'entente-cadre sur l'union sociale, et de ne pas pénaliser ceux qui ont décidé d'aller de l'avant. Il s'agit en fait d'un investissement modeste, surtout en regard de ses retombées.

Pour de qui est de la question de savoir comment faire pour s'assurer que les gens se font vacciner, évidemment lorsque vous avez affaire à des enfants qui fréquentent l'école, il existe une panoplie de dispositions; les parents reçoivent un avertissement comme quoi les enfants ne pourront revenir à l'école à moins d'avoir été vaccinés. Il y a des mécanismes prévus en ce qui concerne les vaccins obligatoires qui permettent de faire un suivi sur les personnes et de favoriser la conformité. En ce qui concerne des maladies comme la grippe, évidemment, on aimerait que les vaccins soient plus facilement disponibles. Nous avons mentionné que les pharmaciens pourraient jouer un rôle important en cas de crise. C'est un moyen trouvé pour que les pharmacies puissent jouer un rôle durant les périodes normales. Je sais que l'Association des pharmaciens du Canada a soulevé cette question lors de son témoignage devant notre comité. Nous avons pensé la stratégie d'immunisation non seulement en termes d'achat et de systèmes, mais aussi idéalement, comme un moyen de réunir les intervenants dans ce domaine pour qu'ils décident comment atteindre les objectifs, quel est le plan d'attaque, et quelles sont les stratégies les plus susceptibles de donner de bons résultats. Nous n'avons pas de baguette magique pour changer la nature humaine.

Toute l'histoire de la santé publique repose sur le fait que les gens n'accordent pas beaucoup de valeur à la prévention. Un instinct naturel nous pousse à prendre des assurances insuffisantes, à nous attrister de ne pas en avoir besoin, alors qu'au contraire on devrait se sentir soulagé, et à refuser l'immunisation ou alors à ne pas vouloir changer son style de vie ou à ne pas faire ce qu'il faut pour prévenir la maladie et vivre en bonne santé. L'immunisation tombe parfois dans la même catégorie.

Le sénateur Léger: Le grand public en général, ou du moins moi-même, avons été extrêmement troublés d'apprendre qu'un médecin et des infirmières qui prenaient soin des patients hospitalisés pour le SRAS étaient décédés. Avec la mondialisation, les voyages et le dépistage, j'ai commencé à penser aux moustiques qui sont arrivés en masse cet été. Nous devions nous montrer très prudents à cause du virus du Nil occidental. N'y a-t-il pas un danger, en exigeant la prise de toutes ces mesures de précaution, de crier au loup?

En même temps, vous devez nous prévenir et nous devons nous préparer. C'est la philosophie de la médecine qui le veut; mais en parallèle avec cette attitude, ne devrait-on pas faire preuve d'un peu de jugement? Est-ce que l'on déploie suffisamment d'énergie pour éviter les fausses alarmes qui effraient les gens?

Il ne faut pas attendre longtemps avant que les intérêts commerciaux se fassent entendre. J'étais encore à m'inquiéter au sujet du SRAS, de la maladie, mais déjà d'autres personnes commençaient à se préoccuper des répercussions sur le monde des affaires. L'intérêt était ailleurs. En ce qui me concerne, l'important était la maladie. Lorsque vous lancez vos avertissements, ils portent sur les risques liés à la maladie, mais les autres aspects de la question ne tardent pas à se manifester.

Le Dr Naylor: J'apprécie le témoignage de sympathie à l'endroit des soignants qui ont été touchés. En effet, un médecin et deux infirmières sont morts du SRAS. Beaucoup d'autres ont été malades, et certains très gravement.

Il m'est difficile de traduire le stress que cela impose aux collègues. Je n'entrerai pas dans des anecdotes détaillées, mais je peux vous dire que ce fut une période extrêmement pénible dans les rangs du personnel du système de soins de santé de Toronto.

Je suis d'accord avec vous qu'il existe un risque de crier au loup. On assiste à un mouvement de balancier entre la préparation et la communication. Nous étions soumis à ce mouvement avec l'épidémie du SRAS. Nous sommes passés par toute la gamme des émotions, d'une inquiétude énorme à une attitude alarmiste, et lorsque l'OMS nous a assommés avec ses avertissements aux voyageurs, nous nous sommes retrouvés en train de dire: «Mais qu'est-ce que vous racontez? Tout va bien.» Ce ne fut pas une performance des plus crédibles.

Dans l'effort pour trouver un équilibre dans la manière de demander à la population de se préparer sans l'alarmer, nous comprenons qu'il y a place pour l'inquiétude et que c'est normal d'être anxieux, mais la plupart d'entre nous sommes en bonne santé la plupart du temps et nous vaquons à nos occupations, et cela ne risque pas de balayer le pays d'un océan à l'autre demain matin. Ce fut un réel défi à relever concernant le SRAS. On entend des choses comme: «Il n'y a eu que 44 décès.» Pour les 44 familles, il s'agit d'une tragédie affreuse et les dommages causés au système de soins de santé ont été énormes. Par ailleurs, on peut comprendre pourquoi certains affirment: «La grippe tue chaque année des centaines de personnes; 44 personnes est le nombre d'accidentés de la route qui décèdent dans ce pays durant un long week-end.» Alors, où se trouve le juste milieu?

Il est important de comprendre qu'il faut trouver le juste milieu. Il y a des choses que nous pouvons faire pour éviter ces flambées, pour mieux les contenir et pour limiter les dégâts, de sorte que la prochaine fois il n'y ait pas 44 décès et des centaines de personnes malades. Ce n'est pas anodin. C'est une question d'une importance capitale dans ce pays. En même temps, nous ne devons pas crier au loup, comme vous dites, et perdre de vue toutes les autres questions.

L'une des choses qui s'est produite est que nous étions tellement obnubilés par la lutte contre le SRAS que nous avons pratiquement cessé de nous occuper de toutes les autres fonctions sanitaires. On est en droit de se demander quels dommages en ont résulté. Dans certaines régions de l'Ontario, le système de soins de santé a été paralysé durant des semaines. On estime que des milliers d'interventions chirurgicales ont été retardées ou remises à une date ultérieure. Cela aussi a eu des répercussions. Nous devons faire les choses comme il faut. Nous ne pouvons pas nous balancer d'un extrême à l'autre, soit en réagissant de façon exagérée, soit en nous montrant blasés ou en minimisant des choses qui occasionnent d'énormes dommages. Trouver le bon équilibre est ce qu'il nous reste à faire à partir de maintenant.

Le sénateur Fairbairn: Ma question a, d'une certaine manière, un rapport avec celle du sénateur Léger, et je vous l'adresse parce qu'on me l'a posée dans la région d'où je viens, en Alberta. Vous avez mentionné l'EBS. Vous avez aussi parlé du virus du Nil occidental. Et il y a eu le SRAS. Nous sommes situés très près de l'État du Montana, dans la région sud-ouest. La question que l'on m'a posée à maintes reprises est celle-ci: que s'est-il passé aux États-Unis? Nous étions sous les projecteurs du monde entier. Il est clair que des gens vivaient une grande détresse, tout cela était du domaine public et on était curieux de savoir si les Américains avaient réussi à éviter le problème, même si leurs frontières sont ouvertes et qu'il y circule énormément de voyageurs de partout. Nous n'avons pas entendu grand-chose à ce sujet. Êtes-vous au courant de la situation?

Le Dr Naylor: Des spéculations de tout genre circulent à savoir s'il n'y a pas eu davantage de cas aux États-Unis. Pour vous donner un avant-goût, et je répète que je n'approuve pas ces affirmations, parce qu'à mon avis elles relèvent de la pure spéculation, j'ai entendu un collègue dire que le trafic dans les deux sens avec l'Asie était réduit à cause de la guerre en Irak, et du climat du tourisme et des interactions avec les États-Unis.

Je répondrai à cela qu'en aucune manière leur trafic de voyageurs a été inférieur en termes absolus au nôtre. Cela n'a tout simplement pas de sens. Un autre collègue a avancé que leurs définitions des cas de maladies étaient plus restrictives. Il est vrai qu'il existe des variantes d'un État à l'autre, et qu'ils éprouvent certains problèmes semblables aux nôtres au chapitre de la surveillance et des définitions de cas. Toutefois, les CDC ont beaucoup d'influence, et s'il y avait eu systématiquement une déclaration inférieure à la réalité du nombre de cas, pouvez-vous imaginer que le New York Times ou The Washington Post ne se serait pas emparé de la question?

On entend dire qu'il y aurait eu une augmentation du nombre de cas de pneumonies non caractérisées acquises dans la collectivité. Peut-être qu'elles ont été mal classées. Dans ce cas non plus, je n'ai pas vu de preuves significatives de cette affirmation.

Diverses spéculations circulent dans le monde de la santé publique et des maladies infectieuses sur la raison pour laquelle il y aurait si peu de cas aux États-Unis. Nous devrions cesser de spéculer et nous concentrer plutôt sur les exercices visant à tirer des leçons à l'échelle internationale et à trouver pourquoi le Japon n'a eu pratiquement aucun cas de maladie. Examinons le cas de nos voisins du sud et des autres pays et essayons de déterminer les facteurs pour lesquels certains pays ont eu beaucoup de cas de malades atteints du SRAS, tandis que d'autres n'en ont pas eus. Nous serons ainsi mieux préparés pour éviter la prochaine résurgence une fois que nous aurons compris cela.

Mais ce genre d'exercice visant à tirer des leçons internationales reste à faire. Hong Kong en a fait un récemment. Je suis sûr que Singapour va le faire aussi. Nous en avons quelques-uns en cours en Ontario. Notre comité en a parlé.

Il faut vraiment que nous réunissions tous les éléments d'information et les chiffres internationaux sur ce qui s'est passé. Pour le moment, la réponse à la question est que je n'ai pas la moindre idée de la raison pour laquelle les États- Unis ont eu si peu de cas de maladie. Je suis heureux qu'ils n'aient pas eu à faire face à une épidémie comme la nôtre. J'espère que nous comprendrons à l'échelle planétaire pourquoi certains pays ont été relativement épargnés.

Le président: Docteur Naylor, au nom du comité, je tiens à vous remercier, tout d'abord, de nous avoir laissés abuser de votre temps pendant une plus longue période que ce qui avait été prévu. Soit dit en passant, ce sont des choses qui arrivent avec ce comité.

Je vous remercie de vos réponses extrêmement précises à nos questions. Elles nous seront très utiles pour la rédaction de notre rapport définitif.

Au nom du comité, acceptez nos félicitations pour un travail aussi exceptionnel.

La séance est levée.


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