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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

La santé des Canadiens – Le rôle du gouvernement fédéral

Rapport final

Volume six : Recommandations en vue d'une réforme


PARTIE II : MESURES VISANT L'EFFICIENCE


CHAPITRE DEUX

Restructuration et financement des hôpitaux au Canada

À quelques exceptions près, les hôpitaux canadiens existent à titre d’entités sans but lucratif[1]. Ils appartiennent le plus souvent à des sociétés sans but lucratif ou à des organisations religieuses, mais parfois à des administrations municipales ou à des universités. Abstraction faite des hôpitaux psychiatriques, les administrations provinciales et territoriales sont rarement propriétaires d’hôpitaux. Dans tous les cas toutefois, la vaste majorité des revenus des hôpitaux proviennent d’une source unique : le ministère de la Santé provincial ou territorial.

TABLEAU 2.1  
DÉPENSES HOSPITALIÈRES AU CANADA, DE 1986 À 2001

(en pourcentage du total des dépenses en soins de santé)

 

1986

1991

1996

1998

2001

Colombie-Britannique

Alberta

Saskatchewan

Manitoba

Ontario

Québec

Nouveau-Brunswick

Nouvelle-Écosse

Île-du-Prince-Édouard

Terre-Neuve

37,0

39,8

34,3

39,3

37,9

46,9

42,6

47,0

38,6

46,2

34,1

39,1

34,0

37,8

36,0

44,4

40,9

46,1

38,9

47,8

30,4

30,1

26,7

33,2

33,2

38,0

39,1

38,7

36,1

43,4

29,6

29,8

26,3

32,1

30,6

38,4

36,8

40,5

35,6

41,4

28,1

29,9

28,2

30,0

29,6

36,4

38,1

37,8

34,7

39,3

Moyenne au Canada

41,0

39,9

34,9

34,1

33,2

Source :             Calculs effectués par la Division de l’économie de la Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement sur la base de données de l’Institut canadien d’information sur la santé, « Dépenses de santé des gouvernements provinciaux et territoriaux par affectation des fonds et par source de financement, 1975-2001», Base de données sur les dépenses nationales de santé (BDDNS).
Nota :   Les hôpitaux comprennent tous les hôpitaux approuvés par les administrations provinciales qui offrent des soins de courte durée, des soins prolongés et des soins de longue durée, des services de réadaptation et de convalescence, des soins psychiatriques, ainsi que les postes de soins infirmiers et les hôpitaux isolés. La « moyenne au Canada » représente la moyenne provinciale non pondérée.

Les administrations provinciales ont versé quelque 32,1 milliards de dollars aux hôpitaux en 2001[2]. Cela représentait presque le tiers des dépenses des administrations provinciales et territoriales en soins de santé. Les hôpitaux constituent la plus grande catégorie de dépenses en soins de santé au Canada. Toutefois, leur part diminue de façon significative. Par exemple, en 1986, les hôpitaux étaient à l’origine d’environ 41 % en moyenne du total des dépenses provinciales en soins de santé. En 2001, la moyenne est tombée à environ 33 % (voir le tableau 2.1). Cette baisse marquée est imputable principalement aux changements survenus dans les connaissances et les technologies qui permettent de plus en plus d’établir le diagnostic et de dispenser des thérapies en toute sécurité à l’extérieur des hôpitaux et, par conséquent, à la diminution des effectifs et à la restructuration des hôpitaux à l’échelle du pays. Parallèlement à la baisse de la proportion des dépenses de santé consacrées aux soins hospitaliers, on observe une progression du pourcentage qui est affecté aux soins à domicile et à d’autres formes de soins communautaires.

Dans le volume cinq, le Comité a énoncé plusieurs principes relativement au financement des hôpitaux. D’après le principe un, le Canada doit conserver le modèle de la source unique de financement et d’assurance, à savoir le gouvernement[3]. Ensuite, au principe huit, il est proposé que les méthodes actuelles de rémunération des hôpitaux soient remplacées par un financement fondé sur les services dispensés[4].

Le Comité croit que le financement fondé sur les services dispensés permettra d’atteindre plusieurs objectifs importants, notamment : établir correctement le coût individuel des services hospitaliers; améliorer l’efficience globale des hôpitaux; permettre au public de comparer le rendement des hôpitaux; améliorer la reddition de comptes des hôpitaux; favoriser la concurrence entre les hôpitaux; réduire les listes d’attente et encourager la mise en place d’autres centres de spécialisation.

Le Comité a également reconnu dans le volume cinq que des modifications au modèle de financement fondé seulement sur les services dispensés pourraient être nécessaires pour les hôpitaux d’enseignement, et peut-être pour les très petits hôpitaux communautaires. Nous croyons également que l’administration fédérale devrait envisager de participer aux dépenses d’équipement des hôpitaux, particulièrement dans les centres universitaires des sciences de la santé (ou les hôpitaux d’enseignement) et les hôpitaux situés dans les régions du pays qui connaissent une croissance démographique exceptionnellement élevée.

Ce chapitre présente de l’information sur le financement des hôpitaux au Canada, résume les témoignages reçus sur cette question et réitère le point de vue du Comité sur la valeur du financement fondé sur les services dispensés. Il compte sept sections. À la section 2.1, les méthodes actuelles de financement des hôpitaux au Canada sont présentées et comparées. À la section 2.2, le fonctionnement du financement fondé sur les services dispensés est décrit et l’expérience internationale pertinente est passée en revue. La section 2.3 précise les raisons pour lesquelles le Comité recommande le financement fondé sur les services dispensés et met en relief les diverses difficultés que présente ce mode de rémunération des hôpitaux. Les sections 2.4 et 2.5 traitent des particularités des centres universitaires des sciences de la santé et des hôpitaux communautaires en milieu rural. La section 2.6 porte sur la question des besoins en dépenses d’immobilisations des hôpitaux canadiens. Enfin, la section 2.7 présente le point de vue du Comité sur les avantages comparés des hôpitaux publics et des hôpitaux privés (à but lucratif et sans but lucratif).

 

2.1     Méthodes de financement des hôpitaux au Canada : Avantages et inconvénients[5]

Les administrations provinciales et territoriales utilisent diverses méthodes pour financer les hôpitaux. Il n’existe pas un modèle unique qui puisse décrire de façon exacte le financement des hôpitaux au Canada. En outre, les provinces et territoires n’utilisent pas une méthode unique de distribution de fonds aux hôpitaux qui sont situés sur leur territoire. La plupart des provinces comptent sur une méthode de financement principale pour affecter la plupart des fonds et sur des méthodes secondaires pour répartir des sommes moins importantes.

Les méthodes de financement des hôpitaux utilisées au Canada, autant les méthodes principales que secondaires, comprennent le financement élément par élément, la discrétion ministérielle, le financement fondé sur la population, le budget global, le financement fondé sur les politiques, le financement fondé sur les établissements, le financement par projet et le financement fondé sur les services. Comme l’indique le tableau 2.2, les administrations provinciales utilisent sept de ces méthodes pour financer les coûts de fonctionnement des hôpitaux. Les fonds destinés au financement des dépenses d’immobilisations (construction d’hôpitaux, rénovations majeures et achat d’équipement coûteux) sont fournis dans toutes les provinces en suivant une méthode fondée sur les projets.


TABLEAU 2.2  
HÔPITAUX AU CANADA PAR PROVINCE, 2000  

 

Province

Nombre d’hôpitaux

Nombre de lits pour 1 000 habitants

Principale méthode de financement

Méthode de financement secondaire

C.-B.

AlB.

Sask.

Man.

Ont.

Qc

N.-B.

N.-É.

Î.-P.-é.

T.-N.

80

115

71

79

163

95

30

35

7

33

3,7

3,5

3,7

4,1

2,3

3,0

5,3

3,3

3,4

4,6

Élément par élément et pop.

Population

Population

Discrétion ministérielle

Budget global

Budget global

Élément par élément et pop.

Discrétion ministérielle

Discrétion ministérielle

Discrétion ministérielle

Politique

Politique

Aucun

Aucun

Multiple1

Multiple2

Aucun

Aucun

Aucun

Aucun

Source : McKillop et coll. (2001), tableau 1.1 (p. 9), tableau 3.2 (p. 46) et tableau 3.5 (p. 53).  Données démographiques de Statistique Canada, CANSIM II, tableau 051-0001.
(1)  Fondé sur la politique, fondé sur l’établissement, fondé sur la population et fondé sur les services.
(2)  Fondé sur la population et fondé sur la politique.
Nota :   Le nombre de lits pour la Nouvelle-Écosse ne concerne que les soins de courte durée.

Deux provinces en particulier (Colombie-Britannique et Nouveau-Brunswick) utilisent une méthode élément par élément. Quatre provinces (Manitoba, Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve) recourent à la méthode de la discrétion ministérielle. Deux provinces (Alberta et Saskatchewan) suivent une méthode fondée sur la population pour le financement des dépenses de fonctionnement, tandis que deux autres (Ontario et Québec) se servent de budgets globaux. La méthode fondée sur la politique est la plus utilisée comme méthode de financement secondaire dans quatre provinces (Colombie-Britannique, Alberta, Ontario et Québec). Deux provinces (Ontario et Québec) utilisent également une méthode fondée sur la population conjointement avec la méthode principale[6]. Actuellement seule l’Ontario se sert d’une méthode fondée sur les services pour financer certains services hospitaliers.

 

2.1.1   Financement élément par élément

La budgétisation élément par élément était auparavant la méthode de prédilection pour financer les hôpitaux au Canada. Selon cette méthode des montants précis sont négociés pour des éléments particuliers (ou des intrants), comme les services infirmiers dispensés aux hospitalisés ou les fournitures médicales/chirurgicales. L’affectation budgétaire totale d’un hôpital est simplement la somme des éléments. La Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick utilisent toujours une budgétisation élément par élément (conjointement avec une méthode fondée sur la population) comme principale méthode de budgétisation.

Dans la budgétisation élément par élément, les ministères provinciaux de la Santé peuvent lier des activités particulières à des objectifs stratégiques au moyen de dépenses directes. Par exemple, une province qui désire promouvoir la chirurgie d’un jour peut augmenter le financement par ligne affecté à cette activité par un facteur plus grand que celui qui est affecté aux soins infirmiers dispensés aux hospitalisés. Plus que certaines autres méthodes, le financement élément par élément permet aux hôpitaux de fonctionner avec une plus haute constance financière.

Toutefois, cette méthode de financement présente plusieurs inconvénients qui ont incité plusieurs ministères provinciaux à y renoncer. D’une part, la méthode élément par élément empêche la réaffectation entre les secteurs, ce qui réduit la souplesse dans la gestion des fonds. D’autre part, elle n’est pas liée au rendement et, par conséquent, n’encourage pas l’efficience. De plus, la budgétisation élément par élément ne renseigne que sur le coût des intrants et non sur le coût ou la qualité des produits. En outre, l’examen attentif d’un budget élément par élément nécessite un effort notable. Toutefois, l’inconvénient le plus important, c’est que cette méthode a tendance à réduire la capacité des conseils d’administration et des gestionnaires des hôpitaux de lier les activités des hôpitaux aux besoins de la collectivité qu’ils servent.

 

2.1.2   Discrétion ministérielle

Le financement selon cette méthode est fondé sur les décisions prises par le ministère provincial de la Santé en réponse à des demandes particulières faites par l’hôpital concerné. Elle est la principale méthode de financement au Manitoba, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve.

La méthode de la discrétion ministérielle est hautement subjective, mais elle présente plusieurs avantages. Du point de vue du gouvernement, elle laisse une très grande latitude; les décisions ministérielles ne sont pas limitées par des formules ou d’autres méthodes de financement prédéterminées.

Le principal inconvénient de cette méthode de financement, c’est qu’elle risque d’être à courte vue, incohérente et ouvertement « politique ». Des changements importants peuvent être et sont apportés au financement à la suite de l’élection d’un nouveau gouvernement ou d’un changement de politique. En outre – et c’est un point essentiel pour le Comité – cette méthode manque certainement de transparence. Les témoins ont répété au Comité qu’il importe de dépolitiser le financement des hôpitaux. Par exemple, Mark Rochon, de l’Association des hôpitaux de l’Ontario, a déclaré :

Nous devons étudier et promouvoir les mécanismes qui, […] autant que possible, mettent à l'abri du jeu politique les décisions relatives à la prestation des services de santé[7].

 

2.1.3   Financement fondé sur la population

Pour prévoir la demande de services hospitaliers, le financement fondé sur la population se base sur les renseignements démographiques comme l’âge, le sexe, la situation socioéconomique et les taux de mortalité. Les prévisions de dépenses des hôpitaux (ou des régies régionales de la santé) sont calculées à partir de la demande prévue de certains services de santé et des coûts estimatifs de la prestation de ces services. Actuellement, l’Alberta et la Saskatchewan utilisent principalement cette méthode, tandis que la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick se servent de cette méthode conjointement avec la budgétisation élément par élément. Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse, l’Ontario et le Québec envisagent d’adopter une démarche fondée sur la population comme méthode de financement principale.

Le Comité a appris que la méthode fondée sur la population, étant donné qu’elle fait appel à des formules strictement pour répartir les fonds, peut être objective et équitable et répondre aux besoins particuliers des régions et des hôpitaux. En outre, le PDG de la régie régionale de la santé de Calgary, Jack Davis, a indiqué au Comité qu’en Alberta le système de financement fondé sur la population avait aidé à dépolitiser l’allocation des ressources[8].

Cependant, il est complexe et difficile d’appliquer une formule fondée sur la population qui tienne compte de tous les facteurs ayant une incidence sur les soins de santé que reçoit une population. Une telle méthode nécessite de bons systèmes d’information qui sont exigeants en termes de ressources (matériel, bases de données, personnel).

Cette méthode de budgétisation peut devenir trop complexe et créer un manque de transparence lorsque les utilisateurs ne sont pas en mesure de comprendre ou de prédire comment le montant des fonds a été déterminé. D’après Les Vertesi, chef du département de médecine d’urgence du Royal Columbian Hospital (Vancouver), un modèle de financement fondé sur la population ne permet que d’estimer où les ressources en matière de soins de santé seront nécessaires; il n’encourage pas la prestation d’un meilleur service[9].

 

2.1.4   Financement par budget global

La méthode du budget global consiste à ajuster les dépenses antérieures (comme l’allocation de base de l’année précédente) pour établir le niveau de financement proposé pour l’année qui vient. Cette méthode met l’accent sur le budget total de l’hôpital plutôt que sur des activités de service individuelles ou des centres de coûts au sein de l’hôpital. Des ajustements peuvent être apportés au montant de base à l’aide d’un multiplicateur (comme le taux d’inflation) ou d’un montant forfaitaire pour établir le niveau de financement pour les périodes futures. Le Québec a mis en place des budgets globaux comme méthode de financement principale en 1994, tandis que l’Ontario utilise cette méthode depuis 1969[10].

Le Comité a appris que, comme les activités hospitalières changent peu d’année en année, il est plus facile pour les administrations provinciales de simplement répéter l’allocation de l’année précédente en apportant un rajustement pour tenir compte de l’inflation ou de la croissance démographique. Par conséquent, les budgets globaux sont faciles à calculer pour les administrations provinciales et prévisibles pour l’hôpital. Le Dr Vertesi a expliqué que les budgets globaux sont de plus en plus utilisés, surtout parce qu’ils permettent aux gouvernements de limiter les coûts tout en accordant à la gestion hospitalière une grande discrétion quant à la répartition des fonds entre les diverses activités[11].

De plus, l’Association canadienne des soins de santé a fait valoir dans son mémoire que les budgets globaux favorisent l’efficacité en permettant aux hôpitaux de distribuer leurs économies d’un secteur d’activité à un autre secteur où un besoin se fait sentir. L’Association est également d’avis que le financement global permet la prestation de soins de santé complets et intégrés qui, à longue échéance, peuvent réduire les coûts d’ensemble des soins de santé[12].

Malgré ces avantages, de nombreux témoins ont fait valoir que le budget global présente de nombreux inconvénients et, d’après le Dr Vertesi, ce mode de rémunération des hôpitaux est archaïque[13].  Premièrement, un budget global n’est pas lié aux services qui sont réellement dispensés dans un hôpital. Deuxièmement, toute iniquité qui existe entre les hôpitaux est perpétuée par les budgets globaux. Troisièmement, les budgets globaux n’encouragent pas les hôpitaux à améliorer leur rendement; en effet, ils peuvent perpétuer et récompenser les hôpitaux inefficaces et pénaliser ceux qui sont plus efficaces. Quatrièmement, le financement par budget global ne peut pas s’adapter aux changements de la population et des structures de gestion. Cinquièmement, point peut-être le plus important, les budgets globaux entraînent une perte d’information progressive et permanente quant à ce que coûtent des services hospitaliers donnés. Les hôpitaux ne sont pas encouragés à mesurer de tels coûts unitaires.

Dans l’ensemble, la majorité des témoins ont convenu que, après des années de budgets globaux dans plusieurs provinces, personne ne sait plus le coût de quoi que ce soit et que, par conséquent, il est difficile de savoir, même approximativement, ce que le public reçoit pour son argent dans les hôpitaux. Le Comité est d’avis que la pénurie de données sur les coûts des services hospitaliers va à l’encontre de notre vision de ce que devrait être un secteur de services du XXIe siècle, c’est-à-dire un secteur capable de dispenser en temps opportun des soins de haute qualité en se fondant sur une prise de décision bien éclairée et un secteur dont on peut exiger des comptes, les gouvernements (et la population) sachant exactement quels services dans quels hôpitaux sont dispensés de façon efficiente et lesquels ne le sont pas.

 

2.1.5   Financement fondé sur les politiques

Selon la méthode fondée sur les politiques, le financement est distribué en fonction d’objectifs stratégiques particuliers. Contrairement à la méthode de la discrétion ministérielle, où le ministère (ou le ministre) de la Santé répond à des demandes de financement individuelles, une décision relative au financement prise au moyen de la méthode fondée sur les politiques a le même effet sur tous les établissements qui dispensent les services encouragés par une politique en particulier (comme un séjour post-partum de 48 heures dans les maisons des naissances).

Du point de vue du gouvernement, cette méthode permet au ministère de s’assurer que les hôpitaux adoptent ses politiques. Néanmoins, de nombreux responsables d’hôpitaux considèrent que ce mode de financement porte atteinte à leurs activités et aux services qu’ils dispensent. En outre, ce n’est pas une source très prévisible de financement puisque la distribution des fonds varie au gré des changements de gouvernement ou de politique.

 

2.1.6   Financement fondé sur les établissements

Le financement fondé sur les établissements permet d’estimer les coûts de fonctionnement d’après les caractéristiques de l’hôpital, comme la taille, l’importance de l’activité d’enseignement, le taux d'occupation, la distance par rapport à l’établissement tertiaire le plus près (centres de soins spécialisés, etc.). Cette méthode reconnaît que la structure des différents hôpitaux peut influencer le coût de la prestation de services identiques.

Le financement fondé sur les établissements tient compte de la structure organisationnelle (les hôpitaux en milieu rural et les hôpitaux en milieu urbain, les hôpitaux d’enseignement et les hôpitaux communautaires, etc.). Toutefois, cette méthode ne tient pas suffisamment compte des changements démographiques ni de la distribution des maladies. Elle a en outre le défaut de ne pas récompenser l’efficience.

 

2.1.7   Financement par projet

Le financement par projet permet de distribuer les fonds selon des besoins ponctuels. Cette méthode est souvent utilisée par les administrations provinciales et territoriales pour financer des dépenses d’immobilisations (par exemple la construction d’une aile d’hôpital). Le financement par projet est différent du financement fondé sur les politiques : la première méthode dirige des fonds vers un hôpital en particulier pour un besoin déterminé, tandis que la deuxième répartit une réserve de fonds entre divers hôpitaux pour appliquer une politique gouvernementale.

 

2.1.8   Financement fondé sur les services dispensés

Le financement fondé sur les services dispensés est souvent appelé financement fondé sur la clientèle dans les ouvrages canadiens et étrangers; les deux expressions sont interchangeables dans le présent chapitre.

Le financement fondé sur la clientèle ou sur les services dispensés dépend du nombre et du type de cas traités (par exemple, le nombre de dialyses, de pontages, de remplacements de genoux ou de hanches) par un hôpital. Il comporte deux éléments essentiels : 1) le classement des malades dans des groupes cliniques qui utilisent des niveaux semblables de ressources hospitalières et 2) l’utilisation d’un facteur de pondération pour chaque groupe pour estimer l’utilisation relative des ressources. Ces facteurs de pondération témoignent habituellement du coût moyen de traitement des patients de chaque groupe; ils sont utilisés pour établir, par établissement, des indices pour chaque groupe-client qui donnent une idée de la consommation moyenne de ressources, habituellement par rapport à une norme nationale. Plus l’indice est élevé, plus la consommation est grande. Les hôpitaux touchent un paiement pour chaque cas, en fonction du type de service ou d’intervention.

La documentation actuelle sur les méthodes de financement fondées sur la clientèle porte à croire que ces méthodes sont plus équitables que d’autres méthodes. Une caractéristique particulièrement attrayante des méthodes fondées sur la clientèle, c’est qu’elles encouragent l’efficience et le rendement. Les données internationales indiquent une nette tendance dans le sens de telles méthodes.

Au Canada, l’Ontario a utilisé une méthode de financement fondée sur les services dispensés au cours de l’été 2001 pour distribuer un financement forfaitaire de 95 millions de dollars aux hôpitaux. Le nouveau mode de financement a été mis au point par le Joint Policy and Planning Committee (JPPC). Le JPPC a recommandé que cette méthodologie soit mise en oeuvre graduellement au cours des trois prochaines années et que ses répercussions soient surveillées[14].

 

2.2     Financement fondé sur les services dispensés : Examen de l’expérience internationale

2.2.1   États-Unis

Comme au Canada, les hôpitaux constituent le principal poste de dépenses du secteur des soins de santé aux États-Unis. Toutefois, l’organisation du secteur hospitalier américain est l’une des plus complexe au monde, avec un ensemble hétérogène d’hôpitaux, de payeurs et de méthodes de financement[15]. En 1998, 28 % des hôpitaux étaient classés publics (État ou administration locale), 58 % étaient des hôpitaux privés sans but lucratif et 14 % étaient des hôpitaux privés à but lucratif[16]. Les services hospitaliers sont payés par des assureurs privés, par les patients eux-mêmes et par les programmes Medicaid et Medicare[17].

En 1983, la Health Care Financing Administration (maintenant appelée Centers for Medicare and Medicaid Services) a mis en place un système de paiements préétablis (Prospective Payment System) dans le cadre duquel les hôpitaux sont payés selon une approche fondée sur la clientèle, à savoir sur des groupes homogènes de patients (Diagnostic Related Groups classification, ou DRG). Quatre-vingt-un pour cent des hôpitaux sont maintenant rémunérés selon ce système[18]. Les taux versés aux hôpitaux sont fondés sur le coût moyen d’un traitement donné et sont indépendants de la durée réelle du séjour à l’hôpital[19]. Les taux peuvent être rajustés à la hausse si un hôpital sert une population comptant un nombre disproportionné de personnes à faible revenu. La plupart des hôpitaux utilisent une méthode commune d’établissement des taux, mais les taux réels sont déterminés par chacun des États. Tous les taux sont revus annuellement par le Congrès des États-Unis. Les compagnies d’assurance privées et les régimes de soins gérés sont libres d’établir leurs propres taux hospitaliers selon les lignes directrices de l’État, le cas échéant.

La vaste gamme de payeurs et de taux de paiement selon la classification DRG a incité les hôpitaux à établir des systèmes d’information détaillés comportant des coûts administratifs élevés. Néanmoins, les DRG permettent de comparer l’utilisation des ressources entre les divers hôpitaux américains et, par conséquent, encouragent la concurrence entre les établissements. Dans son témoignage au Comité, le Dr Duncan Sinclair, ancien président de la Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario, a déclaré ce qui suit :

[…] ce n'est pas une mauvaise idée de payer les hôpitaux sur la base de diagnostics repères et des volumes y afférents, comme cela se fait dans certaines provinces et aussi aux États-Unis. C'est une très bonne idée[20].

D’après la documentation, le surclassement des DRG  est devenu un problème courant parmi les hôpitaux américains. Ce problème survient lorsque les hôpitaux tentent de maximiser leurs remboursements en choisissant les codes de diagnostic qui entraînent des paiements plus élevés, qui ne sont pas nécessairement justifiés sur le plan médical[21]. Toutefois, le Comité a également reçu des témoignages selon lesquels des vérifications rigoureuses de la catégorie DRG dans laquelle un patient est placé ont permis de réduire le problème de façon substantielle, particulièrement depuis que des firmes de soins de santé et leurs cadres supérieurs ont été reconnus coupables de fraude relativement à cette pratique, affaires qui ont fait couler beaucoup d’encre.

 

2.2.2   Royaume-Uni

La Grande-Bretagne a remanié de fond en comble son National Health Service (NHS) en 1991. On a alors mis en place un système de concurrence interne en séparant « l’acheteur » du « fournisseur » de services de santé. Les hôpitaux ont été établis comme des « fiducies » et devaient négocier des contrats avec les acheteurs – les médecins et les régies régionales de la santé détenteurs d’une enveloppe budgétaire. Pour faciliter l’utilisation de ce modèle, des systèmes fondés sur des DRG ont été mis en place comme méthode de paiement. Toutefois, les réformes du NHS ont été vivement critiquées parce qu’elles ont entraîné des hausses importantes des coûts administratifs.

D’autres réformes ont eu lieu en 1997 remplaçant par la coopération l’accent qui était mis auparavant sur la concurrence, mais le financement des hôpitaux est resté inchangé. Actuellement, les régies régionales de la santé de district sont financées en fonction de leur population. Les hôpitaux sont ensuite financés par les régies selon les méthodes fondées sur les groupes qui composent la clientèle.

 

2.2.3   France

Le secteur hospitalier en France se divise en deux. Il y a, d’une part, les hôpitaux publics, responsables d’environ 75 % de l’activité hospitalière et, d’autre part, les hôpitaux privés qui justifient les 25 % restants. Par conséquent, les deux types d’hôpitaux sont rémunérés différemment. Tous les hôpitaux publics reçoivent des budgets d’exploitation globaux qui sont fondés sur le montant de l’année précédente augmenté annuellement par un taux fixé par le gouvernement. Les hôpitaux privés par contre sont rémunérés selon des taux quotidiens pour le nombre de cas traités.

La France envisage actuellement de financer les hôpitaux publics selon une méthode fondée sur la clientèle. Depuis presque 20 ans, le secteur hospitalier français met au point des systèmes d’information fondés sur des groupes homogènes de patients inspirés des DRG. En 1996, le Programme de Médicalisation du Système d’Information (PMSI) permettait de publier pour la première fois des données fiables sur les patients conçues particulièrement pour les conditions françaises. Lorsque les données du PMSI ont été utilisées pour mesurer le rendement des hôpitaux français, elles ont révélé des écarts au niveau du rendement et de la capacité des institutions et des régions. Les analystes français croient que le système actuel fondé sur les budgets globaux perpétue ces disparités.

 

2.2.4   Danemark[22]

La majorité des hôpitaux du Danemark sont des hôpitaux publics appartenant aux conseils de comté et sont financés par ces derniers. Moins de 1 % du nombre total de lits sont fournis par des hôpitaux privés à but lucratif. Dans la région de Copenhague, les hôpitaux appartenant aux municipalités et financés par ces dernières sont regroupés dans une compagnie publique, la société hospitalière de Copenhague. La société est gérée par un conseil dont les membres sont nommés par les municipalités et le gouvernement national, et qui compte notamment des représentants du secteur privé.

Jusqu’à récemment, l’affectation des ressources aux hôpitaux se faisait principalement au moyen de budgets globaux prospectifs établis par les conseils de comté. Les investissements en immobilisations importants font l’objet d’une décision conjointe des conseils et des hôpitaux de comté et sont financés ponctuellement.

La budgétisation globale s’est avérée efficace pour gérer les dépenses des hôpitaux, mais elle présente peu d’encouragements financiers à améliorer l’efficacité aux points de service et à accroître l’activité en réponse à la demande, de sorte que les listes d’attente pour certaines interventions allongent. En réponse à ces lacunes, des fonds ont été alloués aux comtés en 1997 pour leur permettre de mettre à l’essai un système de financement fondé sur les services dispensés. Pour encourager davantage le traitement de patients provenant d’autres comtés, le gouvernement national a mis en place en 1999 un système complet de paiement en fonction de DRG à l’égard de ces patients. Les taux ont été fixés à un niveau délibérément élevé pour stimuler la concurrence entre les hôpitaux.

En 2000, le gouvernement national a mis en place officiellement un système qui conjugue budgets globaux et DRG, assortis de cibles d’activité négociées pour chaque hôpital. Selon le nouveau système, chaque hôpital reçoit un budget initial correspondant à 90 % des taux DRG correspondant à la distribution de la clientèle dans la cible d’activité négociée, et les 10 % restants sont affectés en fonction de l’activité réelle. Les hôpitaux qui dispensent plus de traitements que leur cible négociée reçoivent des fonds supplémentaires. Le gouvernement national prévoit encourager des projets-pilotes où plus de 10 % du revenu de l’hôpital est fondé sur l’activité.

 

2.2.5   Norvège[23]

Moins de 1 % de tous les lits d’hôpital et 5 % des services externes de la Norvège sont privés. Les comtés de la Norvège sont responsables du financement de tous les hôpitaux publics à l’exception d’un hôpital régional que possède et exploite le gouvernement national.

De 1980 à 1997, les hôpitaux norvégiens ont reçu des budgets globaux de leur comté. Bien qu’il ait été convenu que ce système permettait aux gouvernements de maîtriser les coûts et la distribution des ressources, une commission royale nommée en 1987 a révélé que les budgets globaux encourageaient certains hôpitaux à réduire leurs services pour éviter les dépassements de budget.

À la suite des recommandations de la commission, le gouvernement national s’est mis à accorder directement des subventions aux comtés pour le compte des hôpitaux, subventions dont le montant est fondé sur un système de DRG conjugué à des budgets globaux. La réforme mise en place en 1997 devait accroître les services aux patients hospitalisés, augmenter la productivité et réduire les listes d’attente. La nouvelle méthode de paiement a été mise en place graduellement : en 1997, 70 % des subventions aux comtés ont été accordées selon une formule fondée sur les besoins, tandis que les 30 % restants ont été versés en  fonction de l’activité hospitalière de l’année précédente, sur la base des taux DRG nationaux normalisés. En 1998, la rémunération était fondée à 55 % sur la formule et à 45 % sur l’activité et, enfin, elle est passée à 50-50 en 1999. Depuis 1999, les chirurgies d’un jour sont financées en fonction du système des DRG. Les hôpitaux d’enseignement reçoivent deux subventions supplémentaires : l’une s’applique à l’enseignement et à la recherche et l’autre sert à financer le traitement de patients dont le cas est complexe et cher.

 

2.2.6   Examen de l’expérience internationale par le comité Bédard

En juin 2000, le ministère de la Santé du Québec a établi un groupe de travail pour examiner le financement des hôpitaux dans la province. Ce groupe de travail, appelé Comité sur la réévaluation du mode de budgétisation des centres hospitaliers de soins généraux et spécialisés, était présidé par Denis Bédard. Le comité Bédard a publié son rapport en décembre 2001. Une section du rapport portait sur la budgétisation des hôpitaux aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Belgique et en Norvège. Le comité Bédard a fait plusieurs observations intéressantes fondées sur cet examen international :

·        Les méthodes de financement des hôpitaux fondées sur la population sont largement utilisées et reconnues comme équitables.

·        On observe une tendance allant de la budgétisation globale vers des systèmes d’information fondés sur le modèle des DRG.

·        Les pays cherchent des mécanismes qui permettent de faire le lien entre la production et la consommation de services hospitaliers.

·        On observe une tendance vers des méthodes d’évaluation plus perfectionnées de la performance financière des hôpitaux.

·        Les pays mettent davantage l’accent sur la qualité des soins dans la prestation des services hospitaliers.

Dans l’ensemble, le comité Bédard a recommandé d’axer la méthode de budgétisation des hôpitaux du Québec sur les DRG et sur le rendement. Il est reconnu que des rajustements devront être apportés pour les hôpitaux d’enseignement. Le comité Bédard a également recommandé que le ministère de la Santé du Québec s’appuie sur le travail de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) plutôt que de tenter d’élaborer sa propre base de données sur les groupes qui composent la clientèle (le travail de l’ICIS est décrit plus en détails ci-dessous).

 

2.3     Justification du financement fondé sur les services dispensés au Canada

Il est reconnu, autant au Canada qu’à l’étranger, que l’information sur l’utilisation des ressources hospitalières (et autres) est essentielle pour obtenir les résultats escomptés en matière de soins de santé, et ce, de façon efficiente. Dans les méthodes actuelles de financement des hôpitaux au Canada, les décisions ne sont généralement pas fondées sur des données détaillées sur les coûts puisque le financement est dicté par des considérations politiques ou fondé sur les tendances historiques et que, de toute façon, l’information nécessaire n’existe tout simplement pas.

Comme il est expliqué à la section 2.1, les provinces ont tenté récemment d’améliorer leur capacité de prise de décisions en mettant en place des modèles de financement, comme le financement fondé sur la population, qui exigent une information meilleure et plus détaillée, mais cette méthode d’établissement des budgets ne permet d’établir que des estimations très approximatives des besoins des hôpitaux. De plus,  il n’est pas garanti que chaque hôpital saura exploiter efficacement les ressources qui lui sont ainsi attribuées pour dispenser les services voulus avec les résultats escomptés.  Par conséquent, le Comité est convaincu de la nécessité de réviser les mécanismes actuels de financement des hôpitaux qui reposent sur les intrants financiers et non sur les résultats finaux, afin de mettre l’accent sur le rendement de la prestation des services hospitaliers.

La majorité des témoins que le Comité a entendus souscrivent à l’adoption d’une formule de financement fondée sur les services dispensés. Par exemple, Michael Decter, ancien sous-ministre de la Santé du Manitoba et de l’Ontario et actuellement président du conseil d’administration de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), a déclaré :

À mon avis, la bonne façon de financer les hôpitaux, c'est de les financer pour ce qu'ils font, pour les résultats qu'ils obtiennent[24].

Les avantages suivants du financement fondé sur les services dispensés ont été soulignés au Comité :

·        Une meilleure information – Des témoins ont dit au Comité que le financement fondé sur les services dispensés exige de meilleurs renseignements, ce que le Comité considère comme essentiel pour mesurer le rendement du système de soins de santé sur  les plans de la qualité et des résultats[25].  En fait, le manque de données cruciales entrave actuellement le travail des fournisseurs de soins de santé et celui des décideurs gouvernementaux. Dans son mémoire, l’Association canadienne des soins de santé a indiqué que ses membres croient fermement qu’il faut mettre en place des services d’établissement des coûts et améliorer les mécanismes de mesure du rendement et les repères[26].

·        Transparence et reddition de comptes – Des témoins ont souligné qu’étant donné que la méthode fondée sur les services lie le financement aux services effectivement dispensés, la reddition de comptes relativement à l’utilisation de fonds et la transparence des coûts s’en trouveraient grandement améliorées. Par exemple, dans le mémoire qu’elle a présenté au Comité, l’Association des hôpitaux de l’Ontario a affirmé que la population pourrait ainsi constater le lien direct entre le niveau de financement et le nombre et le type d’interventions pratiquées[27].

·        Équité dans la distribution du financement – Comme il repose sur la formule  du « prix multiplié par le volume », le financement fondé sur les services dispensés est, pour beaucoup de témoins, un mécanisme plus équitable que les méthodes actuelles[28]. En outre, en attachant un prix à des services hospitaliers donnés, le financement fondé sur les services permet au bailleur de fonds de susciter des changements en modifiant la valeur attachée à des services particuliers.

·        Investissement en capital – Le Dr Les Vertesi a informé le Comité que le système de soins de santé au Canada manque d’investissements dans les immobilisations. Il a imputé cette situation à l’utilisation de budgets globaux qui n’attirent pas de capitaux et a fait valoir que le financement fondé sur les services dispensés, par contre, attire des capitaux extérieurs qui servent à construire des établissements.

·        Indépendance – De nombreux témoins croient que le passage au financement fondé sur les services dispensés rendra les hôpitaux plus indépendants du gouvernement. Cela contribuera à dépolitiser la prise de décisions en matière de services hospitaliers. L’Association canadienne des soins de santé n’était pas d’accord avec ce point et elle a fait valoir que le financement fondé sur les services dispensés donnerait lieu très probablement à une plus grande microgestion par les gouvernements et non le contraire[29]. Le Comité ne partage pas ce point de vue. Comme la majorité des témoins, nous croyons que le financement fondé sur les services dispensés conférera aux hôpitaux la latitude dont ils ont besoin pour affecter les ressources financières et humaines en se fondant sur les pratiques exemplaires, en respectant les considérations d’efficience et en tenant compte des besoins observés au niveau local.

·        Réduction de la taille des ministères provinciaux de la Santé – Le Comité estime en effet que le financement fondé sur les services dispensés réduira énormément la microgestion descendante par contrôle et commandement dans les hôpitaux, qui caractérise actuellement tous les ministères provinciaux de la Santé.  L’atténuation du rôle que jouent ces ministères entraînera une diminution correspondante du nombre d’employés.

·        Prestation des services axée sur le patient – Le Dr Vertesi a affirmé que lorsque les hôpitaux sont payés en fonction des services effectivement dispensés, les patients deviennent une source de revenu plutôt qu’un fardeau pour l’établissement. Le financement fondé sur les services dispensés encourage les fournisseurs à accroître l’efficacité, le volume des services et la satisfaction des patients, ce qui est nécessaire actuellement[30]

·        Efficience et rendement – Les mécanismes de financement des hôpitaux actuels n’encouragent pas les bons résultats et produisent souvent des résultats pervers sur le plan de la gestion financière. En fait, une étude de 1998 menée par l’Ontario Joint Policy and Planning Committee a révélé que les budgets globaux ne permettent pas d’établir de corrélation entre les déficits/surplus des hôpitaux et le rapport coût-efficacité dans le secteur hospitalier de l’Ontario. De façon plus précise, l’étude a conclu que plusieurs hôpitaux ontariens inefficaces affichent des surplus budgétaires et qu’un nombre encore plus grand d’hôpitaux qui sont considérés comme ayant un bon rapport coût-efficacité accusent des déficits[31]. Le financement fondé sur les services dispensés change la perspective financière puisque les hôpitaux sont payés en fonction de ce qu’ils font réellement plutôt que de toucher tel ou tel montant qui répond à leurs besoins prévus. Comme c’est le cas aussi ailleurs dans le domaine économique, ceci favorise à la fois l’efficience et le rendement.

·        Structures de propriété multiple – Avec un bailleur de fonds/assureur unique, un financement fondé sur les services dispensés et la séparation de la fonction de financement de la fonction de prestation des services, on aboutit à un système dans lequel la question de la propriété de l’hôpital et sans importance. Le bailleur de fonds/assureur achète les services voulus à l’établissement qui offre le meilleur prix, pourvu que celui-ci réponde aux normes de qualité nécessaires. Il peut s’agir d’un établissement public ou d’un hôpital privé sans but lucratif ou à but lucratif. Comme il l’indique dans le volume cinq, le Comité croit que le patient et le bailleur de fonds/assureur recevront un service égal, peu importe la structure de propriété de l’établissement de soins de santé, pourvu que les deux conditions suivantes soient remplies : 1) tous les établissements d’une province reçoivent le même montant pour une intervention ou un service médical donné; 2) tous les établissements, indépendamment de leur structure de propriété, sont soumis au même système rigoureux et indépendant de contrôle de la qualité et d’évaluation. Le Comité tient à préciser qu’il ne prône pas la création d’établissements privés à but lucratif, mais il ne pense pas pour autant qu’il faille les interdire. D’ailleurs, ils ne sont pas interdits actuellement en vertu de la Loi canadienne sur la santé[32]. En fait, nous nous attendons à ce qu’une majorité écrasante des fournisseurs institutionnels continuent d’être des établissements privés sans but lucratif[33].

·        Souplesse pour changer les priorités – Le financement fondé sur les services permet au gouvernement de changer les priorités relativement à des interventions et des services donnés en modifiant le montant qu’il versera pour ces derniers.

·        Concurrence pour dispenser les meilleurs services – Le financement fondé sur les services dispensés fera en sorte que des services donnés seront dispensés dans les hôpitaux les plus efficients et qui dispensent le plus grand nombre (les volumes les plus élevés) de ces services. La concurrence dans la prestation de ces services améliorera la qualité et forcera les hôpitaux qui désirent continuer de fournir des services donnés de le faire de façon encore plus efficiente.

·        Centres d’excellence – Le Comité a entendu dire à de nombreuses reprises qu’une méthode de financement fondée sur les services dispensés donnerait lieu à l’établissement de centres de spécialisation – ou « centres d’excellence », comme les ont appelés plusieurs témoins – qui effectuent certains traitements ou chirurgies. Un tel changement devrait être encouragé parce qu’il entraîne des économies dans la prestation des services hospitaliers. Cette façon de faire contribuerait à améliorer la qualité des services. En effet, des articles récents parus dans le New England Journal of Medicine révèlent que le meilleur indicateur de la qualité est le volume, qu’il s’agisse d’une chirurgie ou d’une procédure de diagnostic. Les avantages de la spécialisation pour certains services hospitaliers ont été reconnus par les premiers ministres des provinces et des territoires, qui ont convenu à leur réunion de janvier 2002 de partager les ressources humaines et le matériel en établissant des « sites d’excellence » pour un certain nombre d’interventions chirurgicales complexes[34]. Le concept des centres d’excellence comporte bien entendu des limites souhaitables, par exemple lorsque l’accessibilité aux services est compromise à cause de l’éloignement de l’hôpital qui offre un service donné. Il importe donc de trouver un juste équilibre entre les principes de qualité et d’efficience (rapport coût-efficacité) et celui d’accessibilité[35].

La plupart des témoins étaient en faveur de l’adoption d’une formule de financement des hôpitaux fondée sur les services dispensés, mais ont précisé au Comité que la mise en place d’une telle formule présentait plusieurs difficultés de taille, que nous résumons ci-dessous.

 

2.3.1   Pertinence du choix de services

Le financement fondé sur les services dispensés est attrayant pour les gestionnaires d’hôpitaux parce que ce sont eux qui déterminent quels services seront dispensés par leur établissement et à quels niveaux. Avec cette latitude, les hôpitaux choisiront l’éventail de services qui leur rapportera le plus tout en répondant aux besoins de la population qu’ils servent. Les hôpitaux seront encouragés à se spécialiser dans les services qu’ils sont le plus aptes à dispenser, ceux pour lesquels les taux de rémunération sont les plus attrayants; ils réduiront les services de façon à ne plus dispenser les services à faible volume qui ne sont pas bien subventionnés pour eux. Toutefois, on a mentionné au Comité que dans les petites localités rurales, particulièrement celles qui sont situées un peu loin des grands centres urbains, la priorité pourrait bien être de préserver l’accessibilité à des services donnés. Dans ce cas, les hôpitaux pourront choisir de continuer de fournir les services nécessaires malgré des taux de rémunération relativement faibles. Il est donc essentiel d’examiner ces taux et de les revoir périodiquement. Il est question à la section 2.5 des hôpitaux communautaires de petite taille et situés en milieu rural.

 

2.3.2   Services excessifs et surévaluation

Le fait de financer un hôpital en fonction du volume et de la variété des services qu’il dispense incite à améliorer l’efficience et la productivité. On peut cependant craindre que cette forme de rémunération à l’acte n’entraîne un excès de services et une facturation inappropriée (surclassement des DRG). La question de l’excès de services concerne les médecins rémunérés à l’acte. Le Comité est d’avis que cette méthode de rémunération a porté certains médecins à mettre l’accent sur le nombre de patients qu’ils examinent plutôt que sur la qualité de leurs soins. On a toutefois mentionné au Comité que, même si la possibilité d’un excès de services existe toujours en milieu hospitalier, le problème risque moins de se produire parce que de nombreux « joueurs », notamment les médecins orienteurs et les médecins-conseils et, bien sûr, les patients eux-mêmes, participent à chaque décision prise de dispenser tel service à une personne  donnée à l’hôpital.

Voici l’avis du Dr Duncan Sinclair, ancien membre de la Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario :

Le danger est bien moindre dans le cas des hôpitaux, car ceux-ci ne sont pas les contrôleurs de l'accès. Cependant, il faudrait soigneusement prévenir la collusion entre les contrôleurs d'accès à la fonction hospitalière et les hôpitaux eux-mêmes[36].

Certains témoins ont souligné que l’excès de services était particulièrement dangereux dans un système comme le système canadien, où les spécialistes qui travaillent à l’hôpital sont eux aussi rémunérés à l’acte. Toutefois, le problème peut être grandement atténué si les spécialistes des hôpitaux sont assujettis à un régime de rémunération différent, comme c’est le cas en Suède et au Royaume-Uni.

Dans un système de financement fondé sur les services dispensés, les cas sont pondérés selon leur gravité et l’utilisation correspondante des ressources : plus le cas est lourd, plus la rémunération est élevée. Par conséquent, les hôpitaux sont incités à surclasser les cas, c’est-à-dire attribuer le poids le plus élevé à chaque cas, que cette surévaluation soit ou non justifiée.

Michael Decter a soulevé la crainte suivante relativement à une facturation incorrecte ou à une surévaluation en ce qui concerne le financement fondé sur les services dispensés :

Je crois que le financement fondé sur les services est la bonne marche à suivre, avec quelques réserves. Le système doit être suffisamment bien documenté et les données doivent être suffisamment solides pour ne pas se faire jouer. Vous vous rappellerez qu’une chaîne hospitalière d’importance aux États-Unis – HCA Columbia – a été poursuivie par le gouvernement des États-Unis pour l’avoir trompé de plusieurs millions, sinon milliards de dollars en exagérant les coûts[37].

Il faudra peut-être envisager la mise en place de vérifications, d’amendes et de pénalités pour prévenir tout abus du système de paiement. Un tarif d’établissement des coûts détaillé et exact permettra également de réduire la tentation du surclassement.

 

2.3.3   Taux, information et données

Avant de pouvoir mettre en oeuvre un système de financement fondé sur les services, il faut disposer de renseignements et de méthodologies fiables sur l’établissement des coûts selon les cas. Sharon Scholzberg-Gray, présidente et présidente-directrice générale de l’Association canadienne des soins de santé, a informé le Comité que le passage à un système de financement fondé entièrement sur les services dispensés exige que l’on dispose de données sur les coûts qui n’existent pas encore. Dans son mémoire, l’Association a indiqué que :

Les données sur l’établissement des coûts ont été établies en Ontario et il a fallu 10 ans pour ce faire. Ce fut une initiative importante et nécessaire, mais il reste toujours des questions opérationnelles importantes à régler, notamment : le fait que ce processus ne porte que sur 50 à 60 % des services hospitaliers (il est utile pour les services et les chirurgies en milieu hospitalier, mais pas pour les services externes); la nécessité d’ajouter des « facteurs de complexité » (notamment pour reconnaître la situation unique des hôpitaux éloignés et des hôpitaux d’enseignement); et la tendance à affecter des coûts administratifs à des services qui ne sont pas couverts par le processus, pour donner ainsi l’apparence d’une grande efficience. Compte tenu des défis continus que présente l’établissement d’un système en Ontario, on peut imaginer l’ampleur et la complexité des questions qui doivent être résolues pour établir un système d’établissement des coûts à l’échelle pancanadienne[38].

L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) est actuellement responsable de la collecte, de l’établissement et de la révision des taux des services. Le travail de collecte des données sur les coûts au Canada a commencé en 1983, année où le Hospital Medical Records Institute a commencé à établir une base de données canadienne sur les groupes qui composent la clientèle, base de données qui est maintenant administrée par l’ICIS. Au  moment de la mise en oeuvre, puisqu’il n’y avait pas de données exhaustives sur les coûts associés aux groupes de pathologies, il a fallu importer les données sur les coûts des États-Unis (États de New York et du Maryland) qui ont été adaptées aux durées de séjour canadiennes. Maintenant, l’ICIS utilise les données de certains hôpitaux de l’Alberta et de l’Ontario pour estimer les coefficients de pondération des groupes qui composent la clientèle.

Kevin Empey, directeur financier du University Health Network à Toronto, a souligné qu’un plus grand nombre d’hôpitaux doivent soumettre des données sur les coûts pour que des taux de rémunération exacts puissent être établis. Il a indiqué par exemple qu’en 2000, seulement deux des treize hôpitaux d’enseignement de l’Ontario et trois des soixante-neuf hôpitaux communautaires de cette province, de même qu’une poignée seulement d’hôpitaux de l’Alberta, ont fourni des données sur les coûts pour permettre de fixer les taux des cas canadiens[39].  Pour établir des taux suffisamment détaillés et à jour, il est essentiel que la majorité des hôpitaux soient tenus de produire et de soumettre des données sur les coûts. Kevin Empey a également souligné ce qui suit :

Nous devons adopter un système qui crée un incitatif ou une sanction, de façon à motiver les établissements à fournir des données et à participer à la compilation d'une base de données. Cela permettra d'avoir une meilleure structure et de meilleures données[40].

 

2.3.4   Innovation

Dans son mémoire, l’Association canadienne des soins de santé a fait valoir que le financement fondé sur les services dispensés, qui met l’accent sur la prestation de services au coût le plus bas, découragerait l’innovation, autant en ce qui a trait aux nouvelles interventions qu’à la nouvelle technologie[41]. Cela préoccupe particulièrement les centres universitaires des sciences de la santé et les hôpitaux d’enseignement. Les établissements d’enseignement doivent être en mesure d’essayer de nouveaux traitements hautement spécialisés mais très chers sans avoir à subir les contrecoups d’un système fondé sur des taux. Il est donc important que les méthodes de financement axées sur la clientèle ne créent pas d’effets pervers en décourageant ce type (ou tout autre type) d’innovation. Les préoccupations soulevées relativement aux hôpitaux d’enseignement sont présentées à la section 2.4.

 

2.3.5   Soins de santé complets

Les membres de l’Association canadienne des soins de santé ont fait remarquer que le financement fondé sur les services dispensés met l’accent sur une forme de soins axée davantage sur les interventions thérapeutiques que sur la prestation de soins complets intégrés. Autrement dit, il ne ferait qu’encourager les fournisseurs de soins à réagir à la maladie au lieu d’adopter une approche plus large qui tient compte notamment de la promotion de la santé et de la prévention de la maladie. Pour l’Association, la formule des budgets globaux favorise la prestation d’un éventail de soins plus vaste que le financement fondé sur les services dispensés. D’ailleurs, Mark Rochon de l’Association des hôpitaux de l’Ontario, qui est en faveur de l’adoption du financement fondé sur les services dispensés,  a fait le commentaire suivant :

Nous devons aussi reconnaître que certains volets du système de santé devraient être financés autrement. Je pense par exemple aux services liés à la promotion de la santé et à la prévention. De même, les services dont on a un besoin permanent tels que les salles d'urgence pourraient faire l'objet d'un financement global[42].

2.3.6   Escalade des coûts

D’après l’Association canadienne des soins de santé, c’est exactement ce type de médecine axée sur les interventions thérapeutiques – le type même que favoriserait encore plus le financement fondé sur les services dispensés – qui a fait grimper les coûts :

L’escalade des coûts qui se produit actuellement dans notre système de santé est presque entièrement imputable aux coûts des « actes » des médecins et aux coûts des médicaments. Le financement fondé sur les services encouragerait la poursuite des pratiques actuelles[43].

Le Comité n’est pas de cet avis. Comme nous l’indiquons dans le volume cinq, nous croyons que le financement fondé sur les services dispensés  change fondamentalement les incitatifs sous-jacents du système, de sorte que l’escalade des coûts s’estompera à longue échéance[44].

 

2.3.7   Manque de simplicité

De nombreux témoins ont indiqué au Comité que si le financement fondé sur les services dispensés était mis en oeuvre, plusieurs rajustements devraient être apportés aux taux afin de tenir compte des établissements comme les hôpitaux d’enseignement et les petits hôpitaux ruraux. Sharon Sholzberg-Gray, présidente-directrice générale de l’Association canadienne des soins de santé, a fait remarquer que même si la grande majorité des témoins appuient le financement fondé sur les services dispensés, ils ont chacun suggéré des modifications qui, ensemble, pourraient donner lieu à un système de financement extrêmement complexe :

À l'examen de certains témoignages de personnes qui ont comparu devant le comité pour parler du financement fondé sur les services dispensés, nous avons constaté qu'elles […] souhaitent toutes des formules tenant compte de complications particulières — une formule pour les hôpitaux universitaires, une approche différente pour les régions éloignées et encore une autre pour les établissements qui font ceci ou cela[45].

Le Comité a déjà reconnu dans le volume cinq qu’il serait nécessaire d’apporter certains rajustements au financement fondé sur les services dispensés pour tenir compte de la diversité des hôpitaux[46]. Les rajustements à envisager pour les centres d’enseignement et les petits hôpitaux ruraux sont décrits aux sections 2.4 et 2.5.

 

2.3.8   Commentaires du Comité

Le Comité est d’accord avec les témoins pour dire que, dans la mesure du possible, les hôpitaux doivent être financés en fonction des services particuliers qu’ils offrent. Le financement fondé sur les services dispensés est la meilleure méthode de financement des dépenses de fonctionnement des hôpitaux, même s’il faut éventuellement prévoir par ailleurs un financement additionnel distinct pour les dépenses en immobilisations (voir la section 2.6 ci-dessous). Le Comité croit que le financement fondé sur les services dispensés présente de nombreux avantages par rapport aux méthodes actuelles de financement des hôpitaux du Canada. Nous croyons que cette formule sera extrêmement avantageuse pour les Canadiens du point de vue de la qualité et de la promptitude des soins hospitaliers, et en ce qui concerne la transparence, la reddition de comptes et les rapports sur le rendement.

Le Comité reconnaît que le financement des hôpitaux est une question qui relève principalement des provinces; néanmoins, le gouvernement fédéral pourrait être extrêmement utile pour promouvoir le financement fondé sur les services. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit assurer une partie du financement nécessaire pour permettre aux provinces de mettre en oeuvre le financement fondé sur les services dispensés dans le cadre du rôle qu’il doit jouer pour soutenir l’infrastructure des soins de santé et l’infostructure de la santé (voir le volume quatre)[47]. Ce financement fédéral doit faire partie de l’investissement fédéral dans les systèmes d’information sur la santé, que le Comité recommande au chapitre dix. De plus, le Comité croit que l’ICIS a un rôle d’importance à jouer dans l’estimation des groupes qui composent la clientèle et de leur valeur pondérée, opérations nécessaires à la mise en oeuvre du financement fondé sur les services dispensés.

Si l’on veut que les Canadiens tirent le maximum de notre système de services hospitaliers financés ou assurés par le secteur public, il faut mettre en œuvre le financement fondé sur les services dispensés. De plus, les hôpitaux aussi ont beaucoup à gagner avec ce mode de financement, qui leur permettra de repérer les pratiques inefficaces et, par conséquent, d’améliorer leur productivité. Ils seront ainsi en mesure de se faire concurrence au niveau de la qualité des soins.

Le Comité reconnaît que la mise en oeuvre d’un financement fondé sur les services dispensés prendra du temps. L’expérience des pays européens témoigne d’ailleurs de l’importance de procéder à petits pas. Aux premiers stades, les hôpitaux seraient rémunérés suivant une méthode mixte combinant le financement fondé sur les services et leur mode de financement habituel. Ensuite, les parts relatives des deux méthodes évolueraient en proportion inverse jusqu’à ce que, au terme de la période de transition, les hôpitaux soient rémunérés intégralement sur la base des services dispensés.

On pourrait par exemple s’inspirer du cas de la Norvège et utiliser initialement 70 % de financement classique et 30 % de financement fondé sur les services dispensés pour ensuite passer à 50 % partout, puis à 70 % de financement fondé sur les services et 30 % de financement classique pour aboutir finalement à un financement intégralement fondé sur les services dispensés.

Par conséquent, le Comité recommande:

Que l’on adopte pour les hôpitaux un mode de financement fondé sur les services dispensés. Ce mode de financement convient particulièrement aux hôpitaux communautaires situés dans les grands centres urbains. Il faut pour cela :

§         qu’un nombre suffisant d’hôpitaux soient tenus de soumettre à l’Institut canadien d’information sur la santé des données  sur leurs tarifs par cas et leurs coûts;

§         que l’Institut canadien d’information sur la santé établisse, en collaboration avec les provinces et les territoires, une tarification détaillée afin de réduire la tentation du surclassement;.

§         que le gouvernement fédéral octroie à l’Institut canadien d’information sur la santé des crédits permanents qui seront consacrés à la collecte et à l’estimation des données nécessaires à la mise en œuvre du financement fondé sur les services dispensés;

§         que l’on passe assez rapidement au financement fondé sur les services dispensés. Le Comité estime raisonnable de prévoir une période de transition de cinq ans.

 

2.4     Les centres universitaires des sciences de la santé et la complexité des hôpitaux d’enseignement

Les hôpitaux d’enseignement du Canada font partie des centres universitaires des sciences de la santé (CUSS). Ces derniers sont composés d’un hôpital d’enseignement, d’une faculté de médecine, d’instituts de recherche et d’autres établissements hospitaliers (on trouvera à l’annexe 2.1 la liste des CUSS et de leurs hôpitaux affiliés). Puisque ces centres sont responsables de l’enseignement et de la recherche en plus de dispenser des soins aux patients, ils sont beaucoup plus complexes que les hôpitaux communautaires. Ils offrent également les services les plus modernes et les plus élaborés et traitent les cas complexes les plus difficiles.

Les hôpitaux qui comptent un volet d’enseignement et de recherche ont des coûts plus élevés par cas pondéré que les hôpitaux communautaires, parce qu’il leur faut une infrastructure d’enseignement et des programmes spécialisés, et parce qu’ils font une plus grande utilisation des tests diagnostiques et consomment des ressources associées à des traitements plus novateurs et plus audacieux :

Les études ont révélé que les coûts des interventions dans les centres universitaires des sciences de la santé sont plus élevés que dans les hôpitaux communautaires. Ce n’est pas seulement imputable aux coûts des soins complexes dispensés ou de la mise en place et de l’évaluation de méthodes ultra-modernes. Du fait de la vocation d’enseignement et de recherche de ces établissements, certaines procédures cliniques coûtent plus cher qu’ailleurs et entraînent des séjours plus longs que la moyenne. De plus, un grand centre de recherche et d’enseignement doit assumer des coûts d’installation et de fonctionnement particuliers pour fournir espace et services de soutien au personnel médical[48].

Étant donné les volets d’enseignement et de recherche des CUSS, le financement provient traditionnellement d’au moins deux ministères provinciaux et, au sein de ces ministères, d’une variété de sources. Bien qu’il soit presque impossible d’établir avec précision la distinction entre la mission d’enseignement et la mission de prestation de soins de santé, les fonds du gouvernement peuvent être rangés dans trois grandes catégories[49].

Premièrement, le ministère de l’Éducation verse des subventions d’exploitation aux universités qui, à leur tour, accordent des budgets aux facultés des sciences de la santé qui couvrent notamment les salaires du personnel universitaire. Deuxièmement, le ministère de la Santé octroie aux hôpitaux des budgets pour la formation clinique afin de payer les salaires des stagiaires des études supérieures et une partie des salaires du personnel d’enseignement clinique. Troisièmement, les hôpitaux reçoivent des subventions de fonctionnement des ministères de la Santé provinciaux qui les aident à payer les coûts additionnels des activités de recherche et de formation.

Vu cette complexité, le financement fondé sur les services pose plusieurs problèmes aux CUSS. Les patients des CUSS ont souvent besoin de traitements de pointe dont le coût ne peut pas être saisi avec exactitude dans des systèmes reposant sur des groupes de cas. Par exemple, S. Kevin Empey, vice-président des services financiers et de gestion au University Health Network (Toronto), a déclaré ce qui suit :

[…] l’implantation d’un stimulateur cardiaque ou d’un défibrillateur relève du même groupe de cas et appelle donc des facteurs de pondération et un financement identiques. Or, cette méthode ne tient aucunement compte de la différence de coût considérable entre les deux appareils. En effet, l’implantation d’un défibrillateur coûte environ deux fois et demie plus cher que l’implantation d’un stimulateur cardiaque[50].

Dans le même ordre d’idées, on estime que le coût d’une greffe d’organes multiples est de 213 000 $ par patient. Or, à cause de la complexité et de la rareté de cette intervention, les taux n’ont pas été déterminés au Canada pour ces greffes, si bien que les hôpitaux d’enseignement de Toronto touchent la même chose que pour une greffe d’organe unique, soit un montant bien inférieur au coût réel de ce type d’intervention[51]. Ainsi, le Dr Hugh Scott, du Centre de santé de l’Université McGill, a déclaré ceci :

Si vous voulez mettre en place une formule, elle doit inclure différents facteurs. À chaque fois que nous essayons d'appliquer une formule magique intégrant la chirurgie cardiaque et la psychothérapie, cela pose des problèmes. Si vous ajoutez à cela le contexte de l'enseignement, les problèmes sont encore plus grands. Je recherche la simplicité et l'élégance. Il faut parfois tenir compte de facteurs multiples[52].

Le Dr Jeffrey Lozon, de l’hôpital St. Michael à Toronto, a discuté de la complexité du financement des hôpitaux d’enseignement à cause de la diversité de leurs activités :

[…] l'outil de financement le mieux approprié est celui qui établit le lien le plus étroit entre la responsabilité du centre de santé universitaire et ses résultats dans le cadre d'un système de financement équitable. Nos centres rendent compte de leurs résultats. Toutefois, il faut bien comprendre que nos résultats vont être différents de ceux d'un hôpital communautaire ou d'un hôpital en milieu rural. Ils seront plus complexes. Nous avons divers niveaux de résultats : les résultats relatifs au savoir que nous créons et les résultats relatifs au nombre d'étudiants qui reçoivent une formation.

Il nous serait sans doute difficile d'accepter une formule de financement uniformisé qui part du principe que mon hôpital a aussi peu de frais que celui de Yorkton, en Saskatchewan. Les hôpitaux mènent des activités diverses et leurs frais varient donc en conséquence. Nous devons évaluer nos activités et rendre des comptes au même titre que l'hôpital de Yorkton. Toutefois, cela ne consiste pas simplement à compter des dollars[53].

Les spécialistes des CUSS qui ont témoigné devant le Comité appuient la méthode de financement fondé sur les services dispensés pourvu que les groupes de cas et les facteurs de pondération soient établis pour les CUSS et qu’ils soient différents de ceux qui s’appliquent aux hôpitaux communautaires. Une telle méthode de financement pour les CUSS doit tenir compte de divers facteurs, y compris la complexité des interventions et des traitements, l’utilisation de nouvelles technologies et le recours à des médicaments qui coûtent cher. Les spécialistes ont également souligné qu’il importe d’envisager de financer les coûts des infrastructures d’enseignement et de recherche à partir d’une enveloppe distincte assortie de ses propres incitatifs à l’efficience.

Dans un article récent intitulé « Academic Health Sciences Centres Laid Bare », Jeffrey Lozon et Robert Fox ont indiqué que les CUSS devraient être considérés comme une ressource nationale dans le système de soins de santé et que le gouvernement fédéral devrait accroître sa part de financement des CUSS. Les auteurs ont indiqué que les CUSS ne peuvent plus se battre pour solliciter des fonds auprès de divers fournisseurs et se passer du soutien du gouvernement fédéral[54].

Le Comité est d’accord avec les témoins pour dire que les centres universitaires des sciences de la santé sont différents des hôpitaux communautaires dans la mesure où ils exécutent une vaste gamme d’activités complexes, y compris la prestation de services, l’enseignement et la recherche. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le financement fondé sur les services dispensés soit complété par une méthode de financement additionnelle qui tiendrait compte des services uniques qu’offrent les centres universitaires des sciences de la santé, y compris l’enseignement et la recherche.

De plus, le Comité croit fermement que, puisqu’ils jouent un rôle essentiel au chapitre de l’enseignement, de la recherche et de la prestation de soins perfectionnés, les CUSS constituent une ressource nationale dans le système de soins de santé canadien; ils font par ailleurs partie intégrante de l’infrastructure de soins de santé du Canada. Par conséquent, le gouvernement fédéral est particulièrement bien placé pour soutenir les CUSS à l’échelle du pays, en assumant le rôle bien reconnu qu’il joue pour financer l’enseignement postsecondaire, la recherche en santé, la prestation des soins de santé, la technologie relative aux soins de santé et pour planifier les ressources humaines en soins de santé. Ces questions sont traitées dans les chapitres suivants du présent rapport.

 

2.5     Petits hôpitaux et hôpitaux communautaires ruraux

Puisque les hôpitaux communautaires de grande taille ou de taille moyenne ne sont pas aux prises avec les mêmes difficultés que les petits hôpitaux et les hôpitaux communautaires ruraux, des problèmes peuvent se présenter si la même formule de financement est appliquée aux deux types d’hôpitaux. Par exemple, Raisa Deber, professeure à l’Université de Toronto, a déclaré ce qui suit :

 […] sur des problèmes liés au financement axé sur les services, notamment pour les hôpitaux des petites provinces ou collectivités,  […] le financement prévu ne sera pas suffisant pour supporter les dépenses d'infrastructure et d'administration[55].

En outre, l’Association canadienne des soins de santé a indiqué dans son mémoire :

La mise en oeuvre du financement fondé sur les services serait difficile dans les régions rurales et éloignées, particulièrement si un seul fournisseur ou une seule organisation est en mesure de dispenser les services[56].

À l’examen des témoignages présentés au Comité, il semblerait que, dans la plupart des cas, les petits hôpitaux et les hôpitaux communautaires en milieu rural sont aux prises avec les problèmes suivants :

1.      Des économies d’échelle limitées – Les petits hôpitaux situés en milieu rural doivent souvent assumer des coûts fixes et des volumes de patients faibles ou imprévisibles. Il en résulte des coûts par patient plus élevés. 

2.      Isolement – Un hôpital rural est considéré comme isolé si l’hôpital suivant le plus proche est situé à plus de 150 km. Cet hôpital devient alors le principal fournisseur de soins de santé pour l’ensemble de la région géographique. Un hôpital qui est responsable d’une grande région doit être en mesure de dispenser un plus vaste éventail de services malgré des volumes de patients faibles et sporadiques.

3.      Éloignement – Par éloignement on entend la distance entre un hôpital et le centre de soins hospitaliers tertiaires le plus proche. Les hôpitaux peuvent être éloignés mais pas isolés (plusieurs hôpitaux peuvent servir une région donnée mais être situés à une distance considérable d’un centre de soins tertiaires). Toutefois, comme les hôpitaux isolés, les hôpitaux éloignés sont souvent aux prises avec des coûts fixes relativement élevés et doivent dispenser une gamme plus vaste de soins que les hôpitaux communautaires situés près des centres de soins tertiaires. Tous ces facteurs font en sorte que les coûts par patient sont plus élevés.

4.      Population ayant des besoins spéciaux – De nombreux hôpitaux éloignés doivent s’occuper d’une population ayant des besoins spéciaux, comme les résidents des réserves des Premières nations. L’état de santé de ces personnes est souvent moins bon que la moyenne provinciale, ce qui donne lieu à des taux d’admission plus élevés[57].

Par conséquent, la formule de financement utilisée pour les grands hôpitaux communautaires ne convient pas toujours aux petits hôpitaux et aux hôpitaux situés en milieu rural. Il est donc important que la formule tienne compte des défis particuliers que doivent relever les petits hôpitaux, les hôpitaux ruraux et les hôpitaux éloignés.

Un certain nombre de témoins ont exprimé leur inquiétude relativement à l’effet qu’aurait sur les services offerts par les petits hôpitaux ou les hôpitaux ruraux une méthode de financement fondée sur les services dispensés. Par exemple, Mark Rochon de l’Association des hôpitaux de l’Ontario a déclaré :

Nous devrons aussi nous assurer que le financement axé sur les services n'encourage pas les fournisseurs de services à cesser d'offrir les services nécessaires aux collectivités. Il faudra établir quels sont les besoins de chaque collectivité et déterminer si les services offerts sont suffisants[58].

Le president-directeur général du University Health Network, Kevin Empey, a ajouté :

Si on passe d'un financement global à un financement axé sur les services, certains fournisseurs décideront de se spécialiser davantage ou d'abandonner certaines choses. […] les petites localités ne peuvent se permettre de voir leur hôpital cesser d'offrir certains services tout simplement en raison des tarifs[59].

Le Comité convient avec les témoins que, pour préserver l’accès aux services les plus demandés, le financement fondé sur les services dispensés doit être rajusté pour tenir compte de la situation particulière des petits hôpitaux et des hôpitaux communautaires en milieu rural. Par conséquent, le Comité recommande :

Que, dans l’élaboration d’une formule de rémunération fondée sur les services dispensés pour le financement des hôpitaux communautaires, l’on tienne compte des facteurs suivants :

§         Isolement : les hôpitaux ruraux ou éloignés doivent assumer des coûts plus élevés que ceux des grands centres urbains.

§         Taille : les petits hôpitaux assument des coûts plus élevés par cas pondéré que les grands hôpitaux. Un rajustement devrait être apporté pour tenir compte de ces réalités.

 

2.6     Financement des besoins en immobilisations des hôpitaux canadiens

Comme nous l’indiquons à la section 2.1.7, les provinces et les territoires utilisent une méthode de financement des dépenses en immobilisations qui diffère de la méthode de financement utilisée relativement aux coûts de fonctionnement en ce qu’elle repose sur les projets et est, de ce fait, bien adaptée aux projets ponctuels à grande échelle.

Le Comité a entendu des témoignages selon lesquels les besoins en immobilisations des hôpitaux canadiens étaient importants. Des témoins ont affirmé que le niveau actuel d’investissement de capital des gouvernements provinciaux et territoriaux et des fondations des hôpitaux n’étaient pas suffisants pour assurer la viabilité du secteur hospitalier au Canada. D’après l’information qui a été présentée au Comité :

·        Entre 1982 et 1998, les dépenses publiques réelles par habitant affectées à la construction de nouveaux hôpitaux ont diminué, passant de 50 à 2 $, soit une baisse de 5,3 % par an[60].

·        Depuis 1998, les dépenses publiques réelles par habitant affectées à l’équipement des hôpitaux reculent de 1,8 % annuellement[61].

On observe par conséquent un écart substantiel entre le besoin d’installations et de matériel neufs et la capacité d’un hôpital de financer des immobilisations. Ainsi, plusieurs témoins ont proposé que le gouvernement fédéral accorde un financement. L’Association canadienne des institutions de santé universitaires (ACISU) a indiqué au Comité qu’un précédent existe à cet égard :

Il convient également de noter qu’il existe un précédent quant qu rôle que le gouvernement fédéral joue à cet égard. En 1948, le gouvernement fédéral a lancé un programme de subventions pour la construction d’hôpitaux – qui a été financé à frais partagés avec les provinces[62].

L’Association médicale canadienne a affirmé qu’en plus de l’investissement gouvernemental en immobilisations hospitalières, il pourrait être nécessaire que les hôpitaux mettent en place des approches novatrices au financement de l’infrastructure physique. D’après l’Association, il importe d’explorer le concept de partenariats publics-privés pour répondre aux besoins plutôt que de ne compter que sur les subventions gouvernementales[63].

Bien que le Comité ait soutenu la consolidation du secteur hospitalier qui a eu lieu ces dernières années dans toutes les provinces, nous craignons que le nombre de lits dans certains hôpitaux ne soit pas suffisant pour répondre à la forte augmentation de la demande dans certaines régions où la population croît rapidement. Le problème touche en particulier certaines régions métropolitaines de l’Alberta (Calgary), de la Colombie-Britannique (Abbotsfort, Vancouver), de la Nouvelle-Écosse (Halifax), de l’Ontario (Oshawa, Toronto), du Québec (Montréal, Sherbrooke) et de la Saskatchewan (Saskatoon) [64].

Par conséquent, le Comité croit que le gouvernement fédéral doit intervenir encore une fois, comme il l’a fait en 1948, pour soutenir financièrement les hôpitaux dont les besoins en immobilisations sont les plus grands. Cette participation fédérale ne toucherait pas le financement courant, mais serait plutôt considérée comme une mesure de « rattrapage ». Il s’agirait de mesures ponctuelles dont le financement pourrait cependant s’étendre sur plusieurs années.

Ainsi, le gouvernement fédéral pourrait par exemple décider de participer de façon ponctuelle au financement de l’expansion de la capacité hospitalière lorsque la croissance démographique d’une région donnée dépasse la moyenne provinciale de 50 %, et ce dans le contexte d’un programme d’investissement à coûts partagés avec la province concernée. Ainsi, armé de la promesse du gouvernement fédéral de verser une somme donnée tous les ans pendant dix ans, l’hôpital pourrait contracter un emprunt auprès d’une institution financière et faire démarrer les travaux.

Le Comité croit également que les gouvernements provinciaux et territoriaux devraient envisager d’établir des partenariats entre le secteur public et l’entreprise privée pour obtenir un investissement additionnel en immobilisations hospitalières. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral participe aux dépenses en immobilisations associées à l’expansion des hôpitaux situés dans des endroits où la croissance démographique est exceptionnellement élevée, c’est-à-dire les régions où la croissance démographique dépasse la moyenne provinciale de 50% ou plus. Cet apport devrait représenter 50 % du total de l’investissement en immobilisations nécessaire. En tout, le gouvernement fédéral devrait consacrer 1,5 milliard de dollars à cette initiative sur une période de dix ans ou 150 millions de dollars annuellement.

Que le gouvernement fédéral devrait encourager les provinces et les territoires à explorer des partenariats entre le secteur public et l’entreprise privée en vue d’obtenir un investissement supplémentaire dans la capacité hospitalière.

Les investissements en immobilisations préoccupent aussi les CUSS. L’Association canadienne des institutions de santé universitaires a informé le Comité que le remplacement des immeubles est sous-financé et que la dépréciation n’est pas pleinement reconnue par les gouvernements fédéral et provinciaux aux fins du financement. En outre, la plupart des décisions d’investissement de capital semblent fondées sur des réactions à court terme plutôt que sur une perspective de planification à long terme. Dans certains cas, des annexes ou des rénovations sont apportées à des  structures médiocres, lorsqu’une reconstruction complète aurait pu être une meilleure décision stratégique.

Bien qu’il y ait des variations dans les exigences en capital des hôpitaux d’enseignement, il est clair qu’un investissement important est nécessaire. Par exemple :

·        Le Centre de santé de l’Université de Montréal a évalué les installations existantes (certains des immeubles ont entre 40 et 100 ans) et déterminé qu’il en coûtera 475 millions de dollars pour les rénover.

·        Le University Health Network de Toronto estime que ses besoins en immobilisations pour les dix prochaines années s’élèveront à plus de 500 millions de dollars (soit plus de 50 millions de dollars par année).

·        La St. John’s Healthcare Corporation (Terre-Neuve) a terminé récemment l’aménagement d’un centre de pédiatrie et de réadaptation au coût de 70 millions de dollars.

D’après les renseignements qu’on lui a fournis, le Comité a conclu que le gouvernement fédéral doit consacrer quelque 4 milliards de dollars au renouvellement des infrastructures aux 16 sites des CUSS. Nous estimons que ces fonds fédéraux doivent être fournis en réponse à des demandes formulées par les CUSS eux-mêmes, sous réserve d’un examen par un groupe d’experts spécial indépendants, ce qui, à notre avis, serait gage de transparence. 

Plus précisement, les CUSS devront présenter avec leur demande une justification solide des ressources additionnelles réclamées.  Le bien-fondé de chaque demande sera évalué par un groupe d’experts indépendants qui fera rapport au ministre de la Santé.  De plus, les CUSS retenus feront rapport de leur utilisation des fonds reçus, dans un esprit de reddition de comptes.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral verse 4 milliards de dollars au cours des dix prochaines années (soit 400 millions de dollars par année) aux centres universitaires des sciences de la santé pour leurs dépenses en immobilisations.

Que les centres universitaires des sciences de la santé soient tenus de faire rapport de leur utilisation de ces fonds fédéraux.

 

2.7     Établissements de soins de santé publics ou privés?

Dans la section 2.3 ci-dessus, le Comité a fait valoir les nombreux avantages du financement fondé sur les services dispensés, dont l’un a trait à la structure de propriété des établissements de soins de santé. Nous avons dit que le financement fondé sur les services signifie que l’assureur (le gouvernement) serait neutre relativement à la structure de propriété d’un hôpital. Le bailleur de fonds/assureur achèterait des services auprès d’un établissement à la condition que ceux-ci respectent les normes de qualité en vigueur. Puisque des établissements comparables recevraient le même montant pour une intervention donnée et puisque tous les établissements seraient soumis avec la même rigueur au contrôle de la qualité et au système d’évaluation, la structure de propriété ne serait pas importante sur le plan de la politique publique. Ainsi, le Comité est neutre face à la question de la structure de propriété.

Comme il l’indique dans le volume cinq, le Comité croit que le patient et le bailleur de fonds/assureur recevront le même service quelle que soit la structure de propriété d’un établissement de soins de santé, pourvu que les deux conditions précitées relativement aux tarifs et à la qualité des services soient respectées. Le Comité tient à préciser qu’il ne prône pas la création d’établissements privés à but lucratif, mais il ne pense pas pour autant qu’il faille les interdire. D’ailleurs, ils ne sont pas interdits actuellement en vertu de la Loi canadienne sur la santé. En fait, nous nous attendons à ce qu’une majorité écrasante de fournisseurs institutionnels continuent, comme maintenant, d’être des établissements publics ou privés sans but lucratif.

De plus, le Comité tient à souligner qu’il n’y a pas de raison pour que des services de santé financés par le gouvernement et dispensés par des établissements privés à but lucratif donnent lieu à une structure de soins de santé à « deux vitesses », tant que le financement de ces services reste public et que les renvois aux établissements continuent d’être déterminés par le besoin clinique. Cette situation relativement aux hôpitaux n’est pas différente de celle que l’on observe dans le cas des soins de santé primaires, de la plupart des services diagnostiques et des chirurgies d’un jour – services qui sont actuellement dispensés au Canada par des entrepreneurs et des établissements privés à but lucratif.

Dans le système canadien de soins de santé à l’heure actuelle, 5 % seulement des services hospitaliers sont dispensés par des entreprises à but lucratif. Par exemple, l’hôpital Shouldice, en Ontario, est un établissement privé à but lucratif qui a bénéficié d’une clause de droits acquis lorsque le régime d’assurance-maladie est entré en vigueur dans la province. Les établissements comme celui-ci sont réglementés selon un taux de rendement pour réduire le risque de surfacturation aux patients. En Alberta, les établissements privés à but lucratif sont autorisés en vertu d’une loi provinciale (loi 11) à faire concurrence aux hôpitaux publics et privés sans but lucratif pour la prestation d’un ensemble de services chirurgicaux assurés. Le Canada compte également plusieurs établissements de soins de santé à but lucratif (« cliniques privées ») qui soignent uniquement des patients qui paient à titre privé les services qu’ils reçoivent.

Malgré la présence au Canada de ces établissements de soins de santé privés à but lucratif, qui semblent dispenser la même qualité de soins que les établissements sans but lucratif et les établissements publics, un grand débat se poursuit quant au rôle potentiel et à l’incidence des hôpitaux et des cliniques à but lucratif dans le système de soins de santé. Ce débat a culminé en mai 2002 avec la publication de l’étude de méta-analyse de P. J. Devereaux et coll. publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne. Les auteurs de cette étude ont remarqué, en se fondant sur l’examen de 15 études par observation, que la propriété privée à but lucratif des hôpitaux comparée à la propriété privée sans but lucratif aux États-Unis entraîne un risque plus élevé de décès pour les patients[65]. Les auteurs en concluent que la recherche de profit inhérente aux hôpitaux privés à but lucratif pouvait entraîner un plafonnement des soins éventuellement fâcheux pour les patients.

Pourquoi observe-t-on une plus grande mortalité dans les établissements à but lucratif?  En général, les  investisseurs attendent un rendement de 10 à 15 % sur leur investissement. Les administrateurs des hôpitaux privés à but lucratif sont récompensés quand ils atteignent ou dépassent la marge bénéficiaire anticipée. Les établissements privés à but lucratif doivent générer des bénéfices, mais aussi payer des impôts et assumer parfois des coûts élevés associés aux remboursements dont bénéficient les cadres supérieurs, dépenses que n’ont pas les établissements privés sans but lucratif. En conséquence, quand ils servent des groupes de patients pour lesquels les remboursements sont similaires (comme ceux du programme Medicare), les hôpitaux privés à but lucratif doivent relever un défi de taille dans la mesure où ils doivent obtenir les mêmes résultats que les établissements privés sans but lucratif en consacrant cependant moins de ressources au soin des patients[66].

Lorsqu’il a témoigné devant le Comité, le Dr Arnold Relman, ancien rédacteur en chef  du New England Journal of Medicine, a exprimé des vues analogues :

J'en suis arrivé à la conclusion que la plupart, sinon la totalité, des problèmes que connaît actuellement le système de soins de santé des États-Unis, et ils sont nombreux, résultent de l'empiètement croissant des entreprises privées à but lucratif et des marchés concurrentiels sur un secteur de notre vie nationale qui est à juste titre du domaine public. Ce n'est pas une coïncidence si aucun autre système de soins de santé dans le monde industrialisé n'est autant commercialisé que le nôtre, et si aucun n'est aussi onéreux, inefficace, inéquitable ou impopulaire. À dire vrai, les seules personnes qui sont satisfaites aux États-Unis de notre système actuel de soins de santé soumis aux lois du marché sont les propriétaires et les investisseurs des industries à but lucratif qui vivent des produits du système[67].

Ces résultats font dire à de nombreux observateurs qu’il n’est pas exclu que la même chose se produise au Canada si l’on décide « d’ouvrir la porte » aux hôpitaux privés à but lucratif.

Toutefois, le Comité a appris que l’étude Devereaux et coll. appelait plusieurs réserves. Premièrement, Brian S. Ferguson, professeur au département d’économie de l’Université de Guelph (Ontario), a informé le Comité dans un document récent que les auteurs de la méta-analyse avait exclu de façon systématique les hôpitaux publics de leur étude sous prétexte que les hôpitaux canadiens sont techniquement des établissements privés sans but lucratif se comportant plus ou moins comme les hôpitaux américains privés sans but lucratif[68]. Le professeur Ferguson fait valoir toutefois que les hôpitaux privés sans but lucratif américains ne fonctionnent pas du tout dans le même contexte que les hôpitaux privés sans but lucratif canadiens : ils fonctionnent dans un contexte très concurrentiel et jouissent de beaucoup plus de liberté en ce qui concerne la prise de décisions que leurs homologues canadiens.

À cet égard, le professeur Ferguson a soutenu que les hôpitaux canadiens privés sans but lucratif ressemblent davantage aux hôpitaux publics américains qu’aux hôpitaux privés sans but lucratif américains. Dans cette optique, l’inclusion des hôpitaux publics dans la méta-analyse de Devereaux et coll. pourrait avoir donné des résultats bien différents[69]. En effet, plusieurs études ont révélé que les hôpitaux publics américains ont une mortalité (de 30 jours rajustée en fonction des risques) plus élevée que les hôpitaux à but lucratif, qui à leur tour affichent une mortalité supérieure à celle des hôpitaux sans but lucratif[70].

Deuxièmement, le professeur Ferguson a également critiqué la méthodologie utilisée par Devereaux et coll. sur plusieurs points : les paramètres d’inclusion de la documentation pertinente; la sélection des résultats à inclure dans l’analyse; le choix de la variable dépendante; l’omission de certaines variables, etc.[71]. Enfin, dans un autre document, le professeur Ferguson a indiqué qu’il est presque impossible de tirer des conclusions valables sur le rôle potentiel des hôpitaux privés à but lucratif au Canada en se fondant sur des documents américains[72]. Le système de soins de santé aux États-Unis est composé de plusieurs assureurs publics et privés, comprend une multiplicité de fournisseurs publics et privés (sans but lucratif et à but lucratif) et fonctionne dans un contexte hautement concurrentiel, situation qui n’est pas susceptible de se présenter au Canada où prévaut un système d’assureur unique.

De plus, le cadre réglementaire qui régit la prestation des soins hospitaliers aux États-Unis est différent de celui du Canada. C’est pourquoi nous ne pouvons pas transposer simplement au Canada ce qui se passe aux États-Unis. Par exemple, le Dr Arnold Relman a déclaré au Comité :

À l'échelle du système américain de soins de santé, on trouve une réglementation insuffisante dans les établissements privés à but lucratif, tout autant que dans les établissements privés sans but lucratif. En ce qui concerne le système à but lucratif, il y a tellement d'argent en jeu dans les services de soins infirmiers, hospitaliers, ambulatoires et pharmaceutiques que les organismes réglementaires ont été persuadés, et j'irais jusqu'à dire intimidés, par l'influence politique et financière des propriétaires.

[…] Aux États-Unis, la prestation des soins de santé dans les établissements à but lucratif représente beaucoup d'argent. Cet argent est utilisé en partie pour faire en sorte que la réglementation demeure déficiente. Cela s'applique à la Food and Drug Administration ainsi qu'à toutes sortes d'organismes réglementaires. J'ai travaillé durant six ans pour un organisme public qui étudiait la qualité des soins dans les hôpitaux du Massachusetts. Il est clair pour moi que les considérations financières jouent un rôle important.

[…] Si nous avions une réglementation solide, énergique et non discriminatoire, bon nombre des problèmes que j'ai mentionnés en rapport avec la qualité seraient résolus. Malheureusement, il n'en est rien[73].

Les observations de Devereaux et coll. sont aussi en contradiction avec celles d’une étude canadienne publiée en 1999 dans le Journal de l’Association médicale canadienne sur la qualité des soins dispensés dans des foyers pour personnes âgées autorisés et non autorisés de la région des Cantons de l’Est du Québec[74]. Les auteurs ont par exemple constaté  que la qualité des soins dispensés aux résidents âgés dans les grands centres non autorisés de soins de longue durée (privés à but lucratif) étaient analogues à ceux que l’on retrouvait dans  les grands centres autorisés de soins de longue durée (privés sans but lucratif)[75]. Ils ont observé en outre que la majorité des établissements étudiés (indépendamment de la taille et du type) fournissaient des soins d’une qualité relativement bonne.

Dans l’ensemble, le Comité reconnaît que les textes sur les coûts comparatifs, la qualité, l’efficacité et le comportement général des établissements privés à but lucratif et privés sans but lucratif ne manquent pas. Nous reconnaissons également que ces études ont abouti à des conclusions mixtes. D’après certaines conclusions, les établissements à but lucratif ont un meilleur rendement, tandis que d’après d’autres ce sont les établissements sans but lucratif ou les hôpitaux privés qui ont un meilleur rendement. D’après d’autres études encore, il n’y a pas de différence entre le rendement des deux types d’établissements. 

Compte tenu de l’information disponible, le Comité croit qu’en laissant la Loi canadienne sur la santé en l’état – c’est-à-dire en continuant d’autoriser le fonctionnement des hôpitaux et des cliniques privés à but lucratif dans le cadre du régime d’assurance-santé (puisque la loi n’interdit pas actuellement de tels établissements) – on ne détruira pas, comme certains critiques le soutiennent, le système de soins de santé tel que nous le connaissons maintenant. D’autres pays avancés, où prévaut un système de soins de santé organisé public, universel et qui fonctionne parfaitement bien (comme l’Australie, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni), permettent déjà l’existence d’hôpitaux à but lucratif; leur présence n’a pas causé de problèmes ou de difficultés insurmontables.

Le débat sur les avantages comparatifs des établissements publics, des établissements privés sans but lucratif et des établissements privés à but lucratif ne semble pas soulever le même type de passion partout. En fait, le Comité a passé en revue les activités du système de soins de santé de sept pays (voir le volume trois) et a visité trois pays (Danemark, Suède, Royaume-Uni). Il a constaté qu’il n’existe pas d’articles ou d’études dans les pays européens et en Australie qui comparent la qualité ou les résultats des hôpitaux à but lucratif, des hôpitaux sans but lucratif et des hôpitaux publics. Dans ce sens, ce débat est uniquement nord-american.

Le Comité pense qu’il est peu probable que la mise en oeuvre du financement fondé sur les services dispensés fasse apparaître au Canada des hôpitaux généraux privés à but lucratif comme ceux qui sont exploités en Australie et au Royaume-Uni : dans ces deux pays, l’assurance privée des soins de santé fonctionne en parallèle avec le système public, et les médecins sont autorisés à exercer en pratique privée à grande échelle, un système qui a peu de chance d’être mis en place au Canada. Il est plus probable que les cliniques privées resteront petites et spécialisées. De telles cliniques apparaîtraient dans les créneaux où les bailleurs de fonds croient pouvoir faire un profit en fonctionnant à un coût inférieur à celui du système public, en réalisant des économies d’échelle ou, plus probablement, en profitant de l’économie de la spécialisation. Ces cliniques apporteraient un capital supplémentaire dans le système de soins de santé, puisqu’elles seraient financées par le secteur privé. C’est une autre raison pour laquelle il est peu probable qu’elles deviennent des hôpitaux généraux complètement équipés : le financement privé d’une entreprise si ambitieuse et risquée serait plus difficile à obtenir que le financement de cliniques spécialisées.

Enfin, le Comité est convaincu de la nécessité d’améliorer le rendement des hôpitaux et d’établir des rapports sur les hôpitaux du Canada, peu importe qui en est propriétaire, ce qui pourra se faire grâce au processus d’évaluation indépendant recommandé aux chapitres un et dix du présent volume. L’application d’un processus réglementaire unique à tous les établissements de soins de santé contribuerait grandement à assurer la prestation de soins de qualité, où que ce soit.


Annexe 2.1 :
Centres universitaires des sciences de la santé et hôpitaux et régies régionales de la santé affiliés

1.          Memorial University of Newfoundland and Labrador  
Healthcare Corporation of St. John’s
The General Hospital
St. Clare’s Mercy Hospital
Janeway Children’s Health and Rehabilitation Centre
Waterford Hospital
Dr. L.A. Miller Centre
Dr. Walter Templeman Health Centre

2.         Dalhousie University  
Capital Health
IWK Health Centre
Queen Elizabeth Health Sciences Centre II
Dartmouth General Hospital
East Coast Forensic Hospital
Eastern Shore Memorial Hospital
Hants Community Hospital
The Nova Scotia Hospital
Twin Oaks Memorial Hospital
Musquodoboit Valley Memorial Hospital
Atlantic Health Sciences Corporation*
Saint John Regional Hospital
St. Joseph’s Hospital
Sussex Health Centre
Charlotte County Hospital
Grand Manan Facility

 

3.         Université Laval  
Centre hospitalier universitaire de Québec  
Hôpital Laval, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie

 

4.         Université de Sherbrooke  
Centre universitaire de santé de l’Estrie  
Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke

 

5.         Université de Montréal  
Centre hospitalier de l’Université de Montréal  
Hôpital Sainte-Justine  
Institut de cardiologie de Montréal  
Hôpital Maisonneuve-Rosemont  
Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal  
Institut universitaire de gériatrie de Montréal


6.         McGill University  
Centre universitaire de santé McGill  
Hôpital général juif  
Hôpital St. Mary’s  
Hôpital Douglas

 

7.         Université d’Ottawa  
Services de santé des Soeurs de la charité d’Ottawa  
Hôpital d’Ottawa  
Centre hospitalier pour enfants de l’Est de l’Ontario

 

8.         Queen’s University  
Kingston General Hospital
Hotel Dieu Hospital
Providence Continuing Care Centre

 

9.         University of Toronto  
University Health Network
St. Michael’s Hospital
The Hospital for Sick Children
Sunnybrook Health Sciences Corporation
Mount Sinai Hospital
Toronto Rehabilitation Institute
Baycrest Centre for Geriatric Care
Centre for Addiction and Mental Health

 

10.        McMaster University  
Hamilton Health Sciences Centre
St. Joseph’s Hospital

 

11.        University of Western Ontario  
London Health Sciences Centre
St. Joseph’s Health Centre
 

12.        Université du Manitoba  
Office régional de la santé de Winnipeg  
Hôpital général de St-Boniface  
Centre des sciences de la santé  
 

13.        University of Saskatchewan  
Saskatoon District Health Board
Royal University Hospital
Saskatoon City Hospital
St. Paul’s Hospital
Regina Health District
Regina General Hospital
Pasqua Hospital


14.        University of Calgary  
Calgary Health Authority
Rockyview Hospital
Foothills Hospital
Alberta Children’s Hospital
Peter Lougheed Hospital
   

15.        University of Alberta  
Capital Health Authority
Royal Alexandra Hospital
University of Alberta Hospital
Grey Nuns and Misercordia Hospital

 

16.        University of British Columbia  
Provincial Health Services Authority
Children’s and Women’s Health Centre
BC Cancer Agency
Vancouver Coastal Health Authority
Vancouver Hospital and Health Science Centre
Providence Health Care/St. Paul’s Hospital
   
Source: renseignements fournis par Glenn Brimacombe, directeur général, Association canadienne des institutions de santé universitaires.

*Le CUSS fait office de principal campus au Nouveau-Brunswick de l’Université Dalhousie et de l’Université Memorial de Terre-Neuve et Labrador.


CHAPITRE TROIS

Déléguer plus de responsabilités aux régies régionales de la santé 

Dans le volume cinq de son étude sur les soins de santé, le Comité soutient que la restructuration majeure du système médical et hospitalier entraînerait un transfert de la responsabilité opérationnelle à l’égard des dépenses en soins de santé des gouvernements provinciaux (ministères de la Santé) aux régies régionales de la santé (RRS). En vertu de cette réforme, les RRS seraient responsables de l’achat des services de santé auprès des hôpitaux et des autres établissements de santé au nom de la population qu’elles desservent. Si une province le souhaite, les régies régionales de la santé pourraient également être chargées de l’achat des soins de santé primaires et des médicaments de prescription[76]. Le transfert de la responsabilité de l’ensemble des services de santé des ministères provinciaux de la santé aux RRS faciliterait l’intégration et la coordination du système de prestation des soins de santé et permettrait de vraiment l’orienter vers les besoins des patients.  

Ce type de réforme, déjà implantée à différents degrés dans plusieurs pays, notamment en Suède et au Royaume-Uni, est également proposé dans le rapport du Conseil consultatif sur la santé du premier ministre de l’Alberta, le rapport Mazankowski[77]. Le Comité croit que les RRS ont accompli un travail digne de mention en intégrant et en organisant les services de santé pour la population de leur région au cours des dix dernières années et qu’il faudrait leur confier davantage de responsabilités et de pouvoirs en ce qui a trait à la prestation de l’ensemble des services de santé publics ou à la passation de contrats à cette fins, ou les deux.

Le Comité croit de plus que cette réforme favorisera la concurrence entre les fournisseurs de soins de santé (tant les particuliers que les établissements) et contribuera à la rentabilité et à l’efficience des services offerts. Comme il le mentionne dans le volume cinq, le Comité sait qu’une réforme de ce genre doit être adaptée à la situation particulière des différentes régions du pays, afin de tenir compte autant du nombre et du type de fournisseurs de soins de santé desservant chaque région que des facteurs comme le mélange urbain/rural. Nous sommes aussi conscients qu’en Ontario, au Yukon et au Nunavut, il faudra recourir à d’autres moyens pour atteindre les objectifs visés par cette réforme puisqu’il n’y a pas de RRS dans ces provinces et territoires[78].

Ce chapitre est divisé en cinq sections. La section 3.1 brosse un tableau général des régies régionales de la santé au Canada, à savoir leur structure actuelle, leur taille ainsi que l’ampleur de leurs responsabilités et de leur financement. La section 3.2 passe en revue les objectifs ayant mené à leur création et résume les répercussions qu’elles ont eues à la lumière de ces objectifs. La section 3.3 traite des obstacles qui empêchent actuellement les RRS de s’acquitter pleinement de leurs responsabilités. La section 3.4 explique en quoi les réformes axées sur certaines approches de « marché interne » pourraient permettre de remédier à ces préoccupations grâce à la délégation d’un plus grand nombre de responsabilités aux RRS. Enfin, dans la section 3.5, le Comité énonce sa position au sujet du rôle des RRS au Canada.

 

3.1     Un tableau des RRS au Canada[79]

Au Canada, les régies régionales de la santé jouent un rôle de plus en plus grand dans les soins de santé. Au cours des quatorze dernières années, toutes les provinces, à l’exception de l’Ontario et des Territoires du Nord-Ouest, ont transféré en grande partie la responsabilité de la gestion du réseau de soins de santé des gouvernements provinciaux et territoriaux aux RRS. Au Canada, la définition courante de RRS est la suivante :

Les régies régionales de la santé sont des organismes de soins de santé autonomes qui sont chargés de l’administration de la santé dans une région géographique clairement définie au sein d’une province ou d’un territoire. Elles sont dotées de conseils de gouvernance nommés ou élus et sont responsables du financement et de la prestation des services de santé communautaires et en établissement de leurs régions[80].

Malgré cette définition commune, il existe des différences considérables entre les régies régionales de la santé au Canada quant à l’ampleur, à la structure, à l’étendue des responsabilités et au nombre par province ou territoire. Le tableau 3.1 contient des renseignements sur le nombre actuel et la date approximative de constitution des RRS dans chaque province ou territoire ainsi que des données sur la population desservie. La régionalisation des soins de santé est un phénomène récent dans beaucoup de provinces. Alors que certaines provinces ont réduit dernièrement leur nombre de RRS (par exemple, leur nombre est passé de 52 à 6 en Colombie-Britannique), d’autres l’ont augmenté (une de plus au Nouveau-Brunswick et 5 de plus en Nouvelle-Écosse). De plus, la taille de la population desservie par une RRS varie d’une province à l’autre et à l’intérieur de chaque province.

TABLEAU 3.1  
RÉGIES RÉGIONALES DE LA SANTÉ (RRS)

 

DATE DE CONSTITUTION

NOMBRE DE RRS

POPULATION DESSERVIE

(plage ou moyenne)

Colombie-Britannique

Alberta

Saskatchewan

Manitoba

Ontario

Québec

Nouvelle-Écosse

Nouveau-Brunswick

Île-du-Prince-Édouard

Terre-Neuve

Yukon

Territoires du Nord-Ouest

Nunavut

1997

1994

1992

1997-1998

-

1989-1992

1996

1992

1993-1994

1994

-

1988-1997

-

6

17

12

12

-

18

9

8

5

6

-

9

-

320 000 à 1,3 million

20 000 à 900 000

30 000 à 50 000

7 000 à 650 000

-

411 000

34 000 à 384 000

95 000

143 000

143 000

-

386 à 17 897

 

-

Source:  Association des hôpitaux de l’Ontario, Regional Health Authorities in Canada – Lessons for Ontario, document de travail, janvier 2002 (www.oha.com).

Le tableau 3.2 contient l’information sur l’étendue des services dont les RRS sont responsables dans chaque province et territoire. Il existe de grandes variations à ce chapitre. Les services hospitaliers sont communs aux RRS de toutes les provinces. De plus, dans certaines provinces, les services de laboratoire, les soins de longue durée et les soins à domicile sont souvent dispensés par les régies régionales au moyen de contrats avec des organismes du secteur privé sans but lucratif ou à but lucratif. Au Québec, l’intégration d’une vaste gamme de services de santé, de services sociaux et de services de santé mentale par les RRS a été particulièrement réussie. Toutefois, les services médicaux, les médicaments de prescription et les soins aux personnes atteintes de cancer n’ont pas été délégués aux régions et sont toujours administrés et financés principalement par les gouvernements provinciaux et territoriaux.


TABLEAU 3.2  
SERVICES ADMINISTRÉS PAR LES RÉGIES RÉGIONALES DE LA SANTÉ

 

Hôpitaux

Soins de longue durée

Soins à domicile

Santé publique

Santé mentale

Réhab

Services sociaux

Ambulance

locale

Labos

C.-B.

Alb.

Sask.

Man.

Qc

N.-B.

N.É.

Î.-P.É.

T.-N.

T.N.-O.

X

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Source : Association des hôpitaux de l’Ontario, Régional Health Authorities in Canada – Lessons for Ontario, document de travail, janvier 2002 (www.oha.com).

L’étendue du pouvoir décisionnel des régies régionales de la santé varie de l’une à l’autre. Dans certaines provinces, les RRS sont soumises à des restrictions budgétaires et administratives particulières déterminées à l’échelle provinciale (Nouvelle-Écosse, Manitoba, Colombie-Britannique), tandis qu’elles ont plus d’autonomie dans d’autres (Alberta, Saskatchewan, Île-du-Prince-Édouard). Les RRS sont dotées d’un conseil d’administration élu seulement dans quelques provinces (en Alberta, par exemple, les RRS ont des conseils dont les membres sont en partie élus). Et seulement quelques conseils comptent dans leurs rangs des représentants des fournisseurs de soins de santé (comme en Colombie-Britannique). Aucun des conseils n’intervient dans la génération de recettes, mais tous sont chargés de la planification, de l’établissement des priorités, de l’attribution des fonds et de la gestion des services au niveau local en vue d’assurer une meilleure intégration et d’améliorer l’efficacité et l’efficience, dans le respect des lignes directrices de la politique établie par la province. Bon nombre jouent également un rôle direct dans la prestation de services, ou du moins emploient des fournisseurs de soins autres que les médecins.

Les RRS reçoivent des fonds du gouvernement provincial/territorial habituellement au moyen de budgets globaux fondés sur les niveaux de dépenses antérieurs pour la population desservie. Certaines provinces (comme l’Alberta, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan) ont opté pour un financement par tête basé sur les besoins de la population (ajusté en fonction des indicateurs de population, d’âge, de sexe et de besoin).

 

3.2     RRS : Objectifs et réalisations[81]

À l’origine, la délégation aux régions des décisions relatives aux soins de santé comportait de nombreux objectifs. Selon la documentation canadienne, elle visait notamment : 1) la compression des coûts; 2) la satisfaction des besoins locaux; 3) le contrôle local du processus décisionnel; 4) la coordination et l’intégration des services; 5) l’utilisation efficiente des ressources en santé; 6) l’amélioration de l’accès; 7) la gestion efficace; 8) la responsabilisation accrue; 9) l’accent sur la santé et le bien-être de la population et 10) de meilleurs résultats cliniques.

Il y a eu peu d’évaluations de la régionalisation pour vérifier dans quelle mesure ces objectifs ont été atteints ou sont maintenant en voie de l’être. Les témoignages recueillis par le Comité et les renseignements fournis dans différents ouvrages donnent toutefois à penser que les RRS ont très bien tiré leur épingle du jeu à de nombreux égards :

·        Les RRS fournissent des services moyennant des frais administratifs réduits. Par exemple, l’organisme Capital Health Region situé à Edmonton consacre moins de 3 % de son budget total aux frais administratifs.

·        Les RRS axent principalement leur intervention sur la prévention de la maladie et la santé publique et veillent à maintenir des liens interactifs avec leur collectivité.

·        Les RRS sont bien placées pour assurer l’intégration et la coordination des établissements offrant des services de santé. Ce faisant, elles arrivent à accroître l’efficacité et la qualité du service de façon durable.

·        Une meilleure intégration et coordination au niveau régional permet de recourir aux fournisseurs de soins les moins coûteux, compte tenu des objectifs de chaque consommateur en matière d’accessibilité et de qualité des soins.

·        La prestation intégrée des services de santé au niveau des RRS permet de mieux répondre aux demandes de services, par exemple, lorsque les services d’urgence sont débordés, grâce aux réponses intégrées faisant appel à des ressources spécialisées en soins à domicile, soins prolongées et soins actifs.

·        Les RRS ont une plus grande marge de manœuvre pour réaffecter et regrouper les services cliniques entre les fournisseurs de soins de santé et les établissements.

Dans l’ensemble, les RRS jouent un rôle crucial dans le système de soins de santé en agissant comme intermédiaires 1) entre le patient et le fournisseur, 2) entre le gouvernement et la population locale et 3) entre l’assureur (gouvernement) et les différents fournisseurs. À cet égard, le Comité voit les RRS comme des intervenants clés dans la réforme du système de soins de santé. Elles offrent de formidables possibilités aux fins du renouvellement et de la viabilité des soins de santé au Canada.

 

3.3     Obstacles qui empêchent les RRS de mettre pleinement à profit leur potentiel[82]

Au cours de son étude, le Comité a appris qu’un certain nombre d’obstacles empêchaient actuellement les RRS de mettre pleinement à profit leur potentiel. Ils sont résumés ci-dessous :

·        Même s’il incombe aux RRS d’offrir des services de santé en fonction des besoins de leur population, leurs budgets sont, dans certaines provinces, presque entièrement déterminés par le gouvernement, tout comme leurs objectifs de rendement. Dans ces provinces, les RRS disposent de peu d’options si elles ne peuvent répondre aux besoins de leurs citoyens en matière de santé avec les ressources financières à leur disposition. Des observateurs ont fait remarquer que les conseils des RRS doivent consacrer une grande partie de leur énergie à exercer des pressions sur la province pour obtenir plus de financement. Ils croient qu’il serait préférable d’investir ces efforts dans l’établissement de leurs propres priorités et dans la réalisation de leurs propres objectifs plutôt que dans l’adoption de mesures visant à satisfaire aux priorités et aux objectifs qui leur sont imposés par le gouvernement.

·        Il existe des faiblesses dans la planification des ressources et l’établissement des budgets par les RRS, ainsi que des écarts dans les rapports de rendement. Actuellement, les RRS sont tenues de présenter des plans d’activités et des budgets à la province. Dans certains cas, cependant, il s’agit de plans très généraux. Il n’y a pas d’objectifs précis établis et acceptés par les deux parties, et les budgets s’apparentent plus à des lignes directrices et ne fixent aucune limite officielle quant aux montants qui peuvent être dépensés et à quelles fins. Certains analystes ont proposé de préciser dans les accords avec le gouvernement provincial ce qui arrive quand les RRS ne parviennent pas à respecter leur budget ou n’atteignent pas leurs objectifs de rendement. Cette obligation contribuerait grandement à accroître la transparence et la responsabilisation.

·        Un exemple utile de la façon dont l’établissement d’objectifs peut être mis en pratique a été porté à l’attention du Comité. Le ministère de la Santé et du Mieux-être de l’Alberta, de concert avec les organisme Capital Health des régions d’Edmonton et de Calgary, fixe annuellement des objectifs de volume pour ce qui est des services dispensés dans l’ensemble de la province (comme les transplantations d’organes, les chirurgies à cœur ouvert, les soins aux accidentés graves et aux grands brûlés et les neurochirurgies complexes). Ces objectifs sont établis en fonction de l’état de santé, de l’incidence des conditions sanitaires et des données conjoncturelles. La capacité de ces deux RRS albertaines d’atteindre les objectifs fixés et le degré d’efficacité des soins qui en découle font l’objet d’un suivi annuel.

·        Même si la majorité des décisions en matière de soins de santé relèvent des médecins, la rémunération de ces derniers est indépendante des RRS. À titre d’exemple, lorsqu’un médecin demande un test de laboratoire ou un rayon-X, c’est la RRS qui assume le fardeau financier, non le médecin. Voici ce que David Kelly, ancien sous-ministre adjoint de la Santé en Alberta et en Colombie-Britannique, avait à dire au Comité à ce sujet :

En place depuis près de dix ans dans l’ouest du Canada, les régions sanitaires ont un mandat et des ressources pour fournir les services de santé payés par les fonds publics. Cependant, jusqu’ici on ne leur a pratiquement pas délégué de responsabilités relatives à la prestation de services médicaux. La rémunération des médecins demeure une responsabilité des ministères de la Santé, qui négocient des contrats provinciaux avec les associations de médecins. À ce jour, ces contrats, à mon avis, ont bien peu contribué à l’intégration des services médicaux aux services de santé régionaux ou à la promotion de la réforme des soins primaires. La décision prise par l’Alberta en 1994 constitue une exception remarquable. Cette province a transféré aux régions sanitaires la responsabilité et les ressources pour la prestation de tous les services de laboratoire, tant ceux des hôpitaux que des laboratoires privés. Cette décision, qui a suscité le transfert d’environ 10 % du budget des médecins aux régions, a produit des économies substantielles et un service de laboratoire intégré à l’échelle régionale. Les rapports Fyke et Mazankowski recommandent qu’au moins une partie de la responsabilité pour le paiement des services médicaux soit transférée aux régions (…)[83].

La situation pourrait être considérablement améliorée si le coût des services médicaux était inclus dans le budget des RRS plutôt que ce soit les gouvernements provinciaux et territoriaux qui assument séparément la rémunération des médecins. Plus important encore peut-être, le transfert de la pharmacothérapie et des soins de santé primaires au budget des RRS permettrait, du point de vue des patients, la pleine intégration du système (c’est-à-dire la mise en place d’un « système homogène »).

(…) le transfert aux régies régionales a probablement réduit certains problèmes de manque de coordination des soins entre les organismes mais il n’est pas certain qu’il a amélioré l’intégration des nombreux processus de soins aux patients. Les composantes essentielles des soins intégrés ont été exclues du mandat des régies régionales – les médicaments et les soins médicaux étant les plus importantes. Sans responsabilité à l’égard des médecins et des produits pharmaceutiques, une régie régionale de la santé ne peut pas fournir des soins de santé intégrés[84].

À la lumière de ce fait, le Comité croit que l’attribution de responsabilités accrues en matière de prise de décisions concernant l’ensemble des services de santé et en matière de planification ainsi que l’exercice d’un plus grand contrôle sur l’attribution des ressources faciliteraient l’intégration des services de santé. Or, ce sont toutes là des responsabilités que les RRS sont en mesure d’assumer dans le système de soins de santé financé par l’État, maintenant et dans l’avenir.  

Cela exige que les gouvernements renoncent aux approches « descendantes » et privilégient plutôt le transfert à l’échelon régional de la responsabilité de la gestion et de la régie des soins de santé. Le rôle du gouvernement devrait se limiter à assurer la régie globale du système, à établir les politiques en matière de santé de la population, à négocier des plans stratégiques et des budgets et à financer les RRS pour atteindre ces objectifs.

L’adoption d’une politique fondée sur certains principes d’une approche de « marché interne » est une forme possible de réforme qui faciliterait la délégation d’un plus grand nombre de responsabilités aux RRS, dépolitiserait les décisions relatives aux soins de santé, accroîtrait la concurrence et l’éventail de choix offerts dans le secteur des soins de santé et ferait en sorte que les Canadiens aient accès à un système de soins de santé véritablement homogène.

 

3.4     Les RRS et le potentiel des marchés internes[85]

Le concept de « marchés internes » peut paraître complexe, mais il réfère simplement à l’introduction des mécanismes de marché dans le système public de soins de santé. Des stimulants de ce type auraient une incidence sur les aspects prestation et attribution des systèmes de soins de santé, mais non sur l’aspect financement. Les réformes de type « marché interne » visent à accroître l’efficacité de la prestation des soins et des mécanismes d’attribution servant à répartir les recettes entre les fournisseurs de soins et les établissements.

Les marchés sont « internes » parce qu’ils supposent l’intervention, tant du côté de la demande que de l’offre, d’entités faisant partie du système public de soins de santé lui-même. Du côté de la demande, il y a un acheteur public qui agit à titre d’agent représentant la population de patients desservis. Du côté de l’offre, se trouve une autre entité qui offre le service. Dans ce contexte, l’acheteur serait la RRS, tandis que le fournisseur pourrait être un hôpital, un spécialiste, un laboratoire, un médecin de soins primaires, etc.

Des observateurs ont fait remarquer que le système canadien de soins de santé comporte déjà un certain nombre de caractéristiques propres aux marchés internes. Par exemple, dans la plupart des provinces, les RRS achètent les services hospitaliers au nom de leurs citoyens ou allouent des contrats à cet égard. Au préalable, un budget global ou un financement basé sur la population est négocié séparément entre le gouvernement et chaque RRS.

Au Canada, les gouvernements n’ont pas encore 1) délégué aux RRS, de façon claire et explicite, la responsabilité de l’achat de l’ensemble des services de santé, et n’ont pas non plus 2) établi de cadre de résultats cohérent qui permettrait l’établissement d’une concurrence équitable entre différents fournisseurs pour l’obtention de financement, et serait assorti de responsabilités claires énoncées dans un modèle-type de contrat d’affaires ou de rendement. Dans certains cas, les  RRS se contentent actuellement de transmettre aux hôpitaux le budget reçu de leur gouvernement provincial ou territorial et fondé sur les niveaux de dépenses antérieurs. En outre, aucune RRS au Canada n’est  responsable du budget des médecins (spécialistes rattachés à un hôpital et ou médecins de soins primaires) ni des dépenses en médicaments de prescription. En conséquence, il ne peut y avoir de concurrence (ni d’orientation de marché) entre les fournisseurs et les établissements de soins de santé, ni de réelle intégration des différents services de santé financés par l’État.

Certains spécialistes canadiens prétendent qu’une approche de marché interne où les RRS joueraient le rôle d’acheteurs favoriserait la gestion efficace des services de santé et améliorerait la qualité des soins dans leur région :

Dans un marché interne, les régies régionales de la santé tiennent les cordons de la bourse et choisissent les fournisseurs en fonction de la qualité et des prix, au lieu de financer simplement les décisions de ceux qui utilisent les ressources[86].

L’application au niveau régional de principes de réforme axée sur les marchés internes ne signifie pas que les hôpitaux relevant actuellement des RRS doivent se tourner vers le secteur privé. Il est possible d’appliquer la logique des réformes de marché interne au Canada grâce à la passation de contrats à caractère concurrentiel entre les RRS et les différents hôpitaux publics (relevant des RRS). La concurrence peut être plus vive encore si les fournisseurs du secteur privé sont autorisés à faire concurrence aux fournisseurs de l’État pour offrir certains services de santé assurés par l’État (comme les chirurgies d’un jour et les soins de longue durée). En plus de favoriser une concurrence accrue, ces contrats entre les RRS et leurs hôpitaux permettraient de fixer des objectifs de rendement précis, de sorte que la responsabilisation des hôpitaux et des autres fournisseurs de soins s’en trouverait grandement améliorée.  

Le Comité est d’avis que les réformes axées sur des approches de marché interne peuvent éventuellement favoriser la concurrence entre les hôpitaux, les autres établissements et les différents fournisseurs de soins. Elles peuvent aussi inciter les fournisseurs à être plus efficaces et plus conscients des coûts et à prendre des décisions quant aux services à offrir, à leurs destinataires et aux normes de service à respecter.

Le Comité croit de plus que de telles réformes conféreraient aux RRS la marge de manœuvre nécessaire pour réorganiser les services afin de mieux les adapter aux besoins de la population. Plus important encore peut-être, l’adoption de réformes fondées sur des principes de marché interne permet de remédier au problème actuel de certaines provinces dont les ministères de la Santé appliquent un mode de gestion descendante. De plus, une approche de marché interne contribuerait à accroître considérablement la transparence et la responsabilisation dans toutes les parties du système.

Des réformes de marché interne impliquant la délégation claire de responsabilités aux organismes régionaux de santé ont été implantées en Suède et au Royaume-Uni. En Suède, avant l’adoption des réformes, les hôpitaux appartenaient aux conseils de comté qui étaient chargés de l’administration ainsi que du financement et de la prestation des services de santé et qui employaient la plupart des médecins, ceux qui étaient rattachés à un hôpital et les médecins de soins primaires. Les réformes ont donné lieu à de nouveaux accords contractuels et à de nouveaux modes de rémunération.

Ainsi, la gestion des hôpitaux publics a été transférée des conseils de comté à des conseils d’administration indépendants. La rémunération hospitalière a été remplacée par les diagnostics regroupés pour la gestion (DRG), une forme de financement en fonction du service (comme celle recommandée au chapitre deux du présent rapport). Des réformes du secteur des soins primaires ont aussi été instaurées pour permettre aux conseils de comté d’acheter les services des médecins. Un grand nombre de médecins de soins primaires se trouvent maintenant en pratique privée sous contrat avec les conseils de comté; ils sont remboursés par les conseils de comté selon la formule de rémunération à l’acte. D’autres conseils de comté ont instauré la rémunération par capitation pour les médecins de soins primaires. Dans l’ensemble, les estimations montrent que les conseils de comté ayant instauré des réformes de marché interne ont pu réduire les coûts de 13 % de plus que ceux qui avaient maintenu le statu quo.

Dans le système en vigueur avant la réforme, les hôpitaux du Royaume-Uni appartenaient à l’État et étaient administrés par le National Health Service (NHS), soit le service de santé national par l’entremise de ses RRS. Le budget de chaque RRS était établi par le gouvernement central selon une formule de capitation pondérée. Le budget de chaque hôpital était ensuite préparé selon un processus administratif comprenant des négociations entre la direction de l’hôpital et la RRS concernée. Les spécialistes des hôpitaux étaient des employés salariés du NHS. Ce système faisait l’objet de critiques, principalement parce que les RRS achetaient les services au nom de leur population locale et, qu’en même temps, elles dirigeaient les hôpitaux locaux. Elles se trouvaient donc en conflit d’intérêt puisqu’elles cherchaient à protéger ces hôpitaux.

Lorsque les réformes de marché interne ont été implantées, les RRS ont cessé de gérer directement leurs propres hôpitaux et sont devenues responsables, à titre d’acheteurs, de la passation de contrats avec les hôpitaux du NHS et les fournisseurs privés en vue de fournir les services requis par leurs populations résidentes. Les hôpitaux, de leur côté, ont été transformés en fiducies du NHS (NHS Trusts), c’est-à-dire, des organismes sans but lucratif à l’intérieur du NHS mais ne relevant pas directement des RRS. Un système de DRG a été mis en place pour payer les hôpitaux.

Un examen de la documentation laisse supposer qu’au Royaume-Uni, il n’y a guère eu d’évaluation rigoureuse du rôle d’acheteur de soins assumé par les RRS. Le fait que toutes les RRS sont devenues des acheteurs au début de la réforme a réduit les possibilités d’analyse comparative. Selon certains spécialistes, les marchés internes n’ont pas fonctionné comme prévu car les deux parties en cause n’ont pas pris de mesures incitatives pour favoriser la restructuration.

Plus important encore peut-être, la responsabilité des soins de santé primaires n’a jamais été déléguée aux RRS. Les médecins de soins primaires ont été encouragés à adhérer au système des enveloppes budgétaires pour les omnipraticiens (« GP Fundholdings »). Ceux participant à ce régime recevaient un fonds pour l’achat, au nom de leurs patients, de médicaments de prescription, de services de spécialistes rattachés à un hôpital et de certains soins hospitaliers. Ainsi, la plupart des médecins de soins primaires qui ont adhéré au régime sont devenus des acheteurs rivaux pour les RRS. En fait, le régime est devenu si populaire que le gouvernement central a décidé de transférer les responsabilités d’achat jusque-là dévolues aux RRS aux médecins fonctionnant selon le régime des enveloppes budgétaires  (qui ont par la suite formé les groupes de soins primaires (Primary Care Trusts)).

D’après Donaldson, Currie et Mitton (2001), la transformation des RRS en acheteurs est possible au Canada. Il y a maintenant des RRS dans la plupart des provinces et territoires et le fait que la plupart des soins de santé au Canada sont dispensés dans les grandes villes et à proximité de celles-ci ouvre, selon eux, toute grande la voie à une possible concurrence  entre les fournisseurs. Ils insistent cependant sur les défis à relever.

·        Premièrement, il faudrait modifier le mode de rémunération des hôpitaux pour que les stimulants de marché fonctionnent. Ainsi, les hôpitaux seraient rémunérés selon une formule de financement fondée sur les services dispensés. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Comité en a recommandé l’adoption dans le chapitre deux.

·        Deuxièmement, si les hôpitaux devaient s’engager dans des contrats avec les RRS, il leur faudrait exercer un contrôle plus rigoureux sur le personnel à leur emploi. En bout de ligne, il faudrait que la responsabilité du budget pour les spécialistes rattachés à un hôpital soit déléguée aux RRS.

·        Troisièmement, pour réaliser l’intégration complète du système de soins de santé, le budget pour les médecins de soins primaires devrait être attribué aux RRS, qui seraient chargées de négocier des contrats avec les médecins de leur région. Les médecins ou les groupes de médecins devraient avoir le choix de s’engager par contrat avec une RRS ou de travailler à l’extérieur du système. Cela exigerait une révision du mode actuel de rémunération des médecins.

·        Quatrièmement, il faudrait songer sérieusement à confier aux RRS le pouvoir de dépenser pour l’achat de médicaments de prescription.

D’après le rapport Mazankowski, les RRS sont prêtes à relever ces défis. De façon précise, voici ce que dit le rapport :

·        Les RRS devraient envisager autant la passation de contrats avec les hôpitaux de leur région que d’autres ententes de prise en charge et mécanismes de paiement.

·        Il faudrait inciter les RRS à signer des contrats avec différents fournisseurs y compris les cliniques, les fournisseurs privés et sans but lucratif, les groupes de fournisseurs de soins de santé (notamment les médecins de soins primaires) et les autres régions.

·        Il faudrait encourager les RRS à faciliter la création de centres de spécialisation. Les RRS dotées d’une expertise spécialisée devraient être en mesure de vendre ces services à d’autres régions et de négocier des contrats avec elles pour en assurer la prestation. De cette manière, les régions généreraient un volume de services suffisant pour leur permettre d’atteindre de meilleurs résultats.

Le Comité reconnaît le fait que les marchés internes peuvent améliorer l’efficience dans les grands centres urbains et les zones où la population est dense, mais il n’en va pas de même dans les régions à faible densité de population. Ce point a également été soulevé par Michael Decter, actuel président du conseil d’administration de l’ICIS et ancien sous-ministre de la Santé en Ontario, lorsqu’il a affirmé :

(…) la densité de la population est sous-estimée en tant que facteur de la capacité d’implanter un marché interne. C’est un des dangers de l’expérience européenne appliquée au Canada. Les scissions acheteur/fournisseur fonctionnent bien lorsque la densité de la population et celle des fournisseurs sont suffisantes pour susciter la compétition.

(…) Nous avons deux réalités au Canada. Une grande partie de la population, peut-être 70 %, vte dans une poignée de grandes villes où je crois que ce modèle devrait fonctionner. La compétition serait une bonne chose en fonction de l’obtention de meilleurs prix et de meilleure qualité au fil du temps. Pour le reste, vous avez besoin de stratégies afin d’avoir suffisamment de services pour répondre aux besoins. Il ne s’agit pas de compétition. C’est plus une question de stabilité du financement et de stratégies pour permettre aux fournisseurs de s’installer réellement[87].

Le Comité est également conscient du fait qu’il n’y a pas de RRS en Ontario, au Yukon et au Nunavut à l’heure actuelle. En conséquence, la mise en œuvre de réformes fondées sur des principes de marché interne en vertu desquelles les RRS seraient responsables de l’ensemble des services de santé n’est pas possible dans ces provinces et territoires. Il faudrait donc songer à d’autres moyens pour intégrer la prestation des services de santé et en améliorer l’efficacité.

 

3.5     Commentaires du Comité

Le Comité croit que la délégation d’un plus grand nombre de responsabilités aux régies régionales de la santé constitue une étape importante de la réforme des soins de santé au Canada. En réalité, les RRS sont présentes dans la plupart des provinces et un fort pourcentage des dépenses en soins de santé se concentre dans les grandes villes et à proximité de celles-ci, d’où l’instauration possible d’une concurrence entre les différents fournisseurs et établissements. Nous sommes persuadés qu’il est maintenant temps que les RRS puissent exercer un plus grand contrôle sur l’ensemble des dépenses de soins de santé de leur région.

Le Comité reconnaît que l’établissement de mécanismes de marché pour stimuler la concurrence entre les établissements de soins de santé exige un nombre suffisant de fournisseurs et une population importante. Bien que bon nombre de régions du Canada sont en mesure d’entreprendre une réforme de marché interne, certaines petites provinces et certaines régions à l’intérieur de grandes provinces en sont incapables. À notre avis, les réformes de marché interne devraient être mises en œuvre dans les secteurs géographiques où elles seraient avantageuses sur le plan de l’efficacité et de l’efficience.

Le Comité croit aussi qu’une réforme axée sur les principes de marché interne est la solution pour surmonter les différents obstacles qui empêchent les RRS de mettre pleinement à profit leur potentiel. Par ailleurs, il y aura moins d’interférence politique lorsque les RRS auront la liberté et la responsabilité pour atteindre les objectifs et se conformer aux normes de rendement. Les RRS auront la marge de manœuvre nécessaire pour attribuer leurs ressources financières de manière plus rentable et mieux adaptée aux besoins de la population qu’elles desservent. De plus, en confiant l’enveloppe budgétaire des soins primaires aux RRS, on s’assure qu’elles auront les moyens d’en contrôler les coûts. En outre, la délégation de la responsabilité financière à l’égard des services hospitaliers, des médecins rattachés à un hôpital et des soins de santé primaires favorisera la concurrence et permettra aux RRS d’offrir les services les plus efficaces et les plus rapides qui soient ou d’allouer des contrats à cette fin. Enfin, la prise en charge par une seule entité de l’ensemble des services de santé fera en sorte que le système de soins de santé sera mieux intégré et davantage orienté vers les besoins des patients.

Le Comité est conscient que l’application des principes de marché interne dans un système public de soins de santé oblige à modifier la méthode de rémunération des hôpitaux. Nous croyons que le financement en fonction des services est la méthode la plus pertinente et notre recommandation à cet effet est énoncée en détail au chapitre deux.

Le Comité sait aussi que pour porter fruit, les réformes de marché interne nécessitent de l’information détaillée et fiable sur les coûts. Nous croyons aussi que les recommandations que nous formulons concernant la mise en place d’un système national de dossiers de santé électroniques ainsi que l’évaluation indépendante du rendement et des résultats (voir le chapitre 10) faciliteront grandement ces réformes.

Il semble qu’il n’y a eu que très peu d’évaluations rigoureuses des réformes de marché interne entreprises dans d’autres pays. Nous croyons que l’intervention de nombreux facteurs, tels que la mise en œuvre simultanée de différentes réformes, a rendu difficile l’établissement de leur réelle portée. Pour cette raison, le Comité pense qu’il est important de surveiller et d’évaluer l’incidence que les réformes fondées sur des principes de marché interne peuvent avoir au Canada sur la productivité, l’efficacité du système de soins de santé, l’accès aux services couverts par le régime d’assurance public, les délais d’attente, etc., et de communiquer ces renseignements à la population canadienne.

Malgré le fait que la gestion et la prestation des services de santé soit d’abord une question de compétence provinciale, le Comité croit que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important pour améliorer la prestation des soins de santé à l’échelle régionale en investissant de façon durable dans l’infostructure des soins de santé (notamment dans la création de systèmes d’information pour permettre le passage à une formule de financement fondée sur les services dans le cas des hôpitaux), dans l’évaluation des résultats du système de soins de santé et dans le bassin de ressources humaines affectées au secteur de la santé.

En conséquence, le Comité recommande  :

Que les régies régionales de la santé des grands centres urbains puissent exercer un contrôle sur le coût des services médicaux en plus d’assumer leur responsabilité à l’égard des services hospitaliers dans leur région. Le pouvoir de dépenser pour l’achat de médicaments de prescription devrait également leur être délégué.

Que les régies régionales de la santé puissent choisir entre différents fournisseurs (particulier ou établissement) en fonction de la qualité et des coûts et récompenser les meilleurs fournisseurs par un volume accru. Ainsi, les RRS seraient dans l’obligation d’établir des contrats clairs où le volume des services et les objectifs de rendement seraient précisés.

Que le gouvernement fédéral encourage le transfert des responsabilités des gouvernements provinciaux et territoriaux aux régies régionales de la santé et participe à l’évaluation de la portée des réformes de marché interne menées à l’échelle régionale.


CHAPITRE QUATRE

Réforme des soins de santé primaires 

4.1 Pourquoi une réforme des soins de santé primaires est-elle nécessaire? 

Les services de soins de santé primaires constituent le premier point de contact avec le système de soins de santé. D’après l’Association médicale canadienne, les soins de santé primaires comprennent « le diagnostic, le traitement et la gestion des problèmes de santé, la prévention et la promotion de la santé, de même qu’un soutien constant combiné à des interventions familiales ou communautaires, s’il y a lieu »[88].

À l’heure actuelle, la prestation des soins primaires au Canada s’articule principalement autour de médecins de famille et d’omnipraticiens exerçant seuls ou en petits groupes. Environ 33% des médecins de soins primaires travaillent seuls et moins de 10% d’entre eux exercent dans des cliniques pluridisciplinaires. La grande majorité des cabinets de soins primaires appartiennent à des médecins qui les gèrent. Les honoraires à l’acte constituent la forme de rémunération des médecins la plus courante.

On a noté diverses lacunes et divers problèmes dans la façon dont les soins primaires sont généralement dispensés au Canada, à savoir :

·        la fragmentation des soins et des services;

·        l’utilisation inefficace des fournisseurs de soins de santé;

·        le manque d’importance accordée à la promotion de la santé;

·        les obstacles à l’accès (les soins ne sont pas offerts après les heures ouvrables et les fins de semaine);

·        la piètre qualité du partage, de la collecte et de la gestion de l’information;

·        le décalage des mesures d’incitation, en particulier de la rémunération à l’acte, qui récompense les soins ponctuels davantage que les soins prolongés et la promotion de la santé/prévention de la maladie[89].

La création de groupes de soins primaires (GSP) comme étape essentielle de la réforme des soins primaires fait l’objet d’un assez vaste consensus, et presque tous les rapports provinciaux importants publiés ces dernières années renferment une recommandation en faveur d’une forme quelconque de réforme des soins primaires (voir la section 4.2.1). Comme Michael Decter, ex-sous-ministre de la Santé de l’Ontario, l’a indiqué au Comité :

Le plus difficile, c’est de passer d’un modèle qui ne peut plus véritablement fonctionner – c’est-à-dire la pratique isolée – à un modèle collectif. Les groupes pourraient avoir de nombreuses configurations[90].

Les groupes de soins primaires sont des cabinets de groupe composés de médecins auxquels peuvent se joindre également d’autres fournisseurs de soins de santé (éventuellement des infirmières, des infirmières praticiennes, des physiothérapeutes, des diététistes, des sages-femmes, des psychologues, etc.).  

Dans presque tous les types actuels de groupes de soins primaires, les patients doivent s’inscrire auprès d’un groupe ou d’un médecin précis pour une période de temps bien définie. Le GSP doit ensuite assurer l’accès aux soins primaires aux patients inscrits, et ce, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Une fois inscrits, les patients doivent habituellement demeurer avec leur groupe de soins primaires désigné pendant une période de temps bien précise, généralement de six mois à un an, à moins qu’ils ne changent de lieu de résidence. Le médecin ou l’équipe de soins primaires joue le rôle de portier pour le reste du système, aiguillant les patients inscrits vers des spécialistes. Comme maintenant, le choix du spécialiste ferait l’objet d’une négociation entre le patient et le médecin de soins primaires concerné. Toutefois, le patient inscrit n’aurait pas directement accès à un spécialiste (comme c’est théoriquement le cas à l’heure actuelle), ni à un autre médecin de famille à l’extérieur du groupe, sauf bien sûr, dans des situations urgentes.

Un système fondé sur des GSP présente plusieurs avantages, notamment :

·        une garantie d’accès pour le patient à sa propre équipe de médecins et d’autres fournisseurs de services, 24 heures sur 24, sept jours sur sept;

·        une meilleure utilisation de la gamme de fournisseurs de soins de santé et une meilleure coordination des services aux patients, grâce au travail d’une équipe interdisciplinaire;

·        des possibilités d’économies à plus long terme grâce à une réduction de la demande à l’égard de services coûteux comme les salles d’urgence  et les spécialistes, etgrâce à l’adoption de mesures pour faire en sorte que chaque tâche soit confiée au professionnel le plus qualifié pour s’en occuper;

·        des mesures de promotion de la santé et de prévention de la maladie à l’intention des patients.

 

Dans le volume cinq, le Comité a reconnu qu’il n’existera jamais de modèle unique de prestation des soins de santé primaires pouvant s’appliquer exactement de la même façon dans chaque région et dans chaque province du pays, mais il s’est inspiré de divers rapports (voir la section 4.2.1) pour dresser une liste d’attributs souhaitables pour tous les modèles d’équipes pluridisciplinaires de soins de santé primaires, à savoir :

·        la prestation d’une vaste gamme de services 24 heures sur 24, sept  jours sur sept;

·        la prestation des services par le professionnel de la santé le plus compétent pour s’en charger;

·        l’adoption d’autres modes de rémunération que les honoraires à l’acte, par exemple la capitation, soit exclusivement, soit dans le cadre d’une formule de financement mixte;

·        l’intégration de stratégies de promotion de la santé et de prévention de la maladie dans leur travail quotidien;

·        la pleine intégration des dossiers de santé électroniques (DES) des patients à la prestation des soins.

L’une des questions soulevée lors des plus récentes audiences du Comité visait à savoir si la réforme des soins primaires allait entraîner des réductions de coûts perceptibles. Certains témoins sont d’avis qu’il devrait être possible de réaliser des économies si chaque service est dispensé par le fournisseur le plus compétent pour s’en charger, puisque les GSP offrent à tous les fournisseurs de soins la possibilité de mettre pleinement en valeur les compétences liées à leur champ de pratique. Ces témoins voient une source possible d’économies dans le fait que jusqu’à 60 à 70 % des interventions faites par des médecins pourraient être confiées à des infirmières ou à des infirmières praticiennes (des infirmières possédant des titres professionnels de niveau supérieur). Ils estiment que le transfert de ces tâches à d’autres membres qualifiés du personnel qui ne sont pas payés autant que les médecins, peut être avantageux à deux égards : il permet de réaliser des économies à court terme et de faire en sorte que les médecins consacrent une plus grande part de leur temps aux tâches pour lesquelles ils sont les seuls qualifiés et dont bon nombre sont actuellement assumées par des spécialistes parce que les médecins de soins primaires ne peuvent s’en occuper eux-mêmes faute de temps[91].

Tous les témoins conviennent qu’on réaliserait des gains d’efficacité en permettant aux médecins de se concentrer sur les interventions qui requièrent leurs compétences uniques, mais plusieurs doutent en fait qu’on réaliserait les économies prévues. À titre d’exemple, voici ce qu’a noté à ce sujet le Dr Peter Barrett, ancien président de l’AMC :

[…] quoique souhaitable, l’élargissement de l’équipe de prestation de soins pour y inclure les infirmières, les pharmaciens, les diététistes et d’autres intervenants occasionnera une augmentation, et non pas une réduction, des coûts; il faut donc envisager autrement la réforme des soins primaires. Il faut y voir un investissement et non une façon de faire des économies, une façon rentable de répondre aux nouveaux besoins des Canadiens[92].

Néanmoins, le Comité estime que certains facteurs contribueraient effectivement à réduire les coûts. Les remarques du Dr Barrett se fondent sur l’hypothèse voulant qu’il y ait beaucoup de besoins auxquels le système ne répond pas et que la réforme des soins de santé primaires permettrait de combler, puisqu’un plus grand nombre de professionnels de la santé offriraient davantage de services. Avec une formule de rémunération à l’acte, il en coûterait évidemment plus cher. Par contre, si les médecins de soins primaires offraient des services selon la pleine mesure de leurs compétences, il y aurait également moins de patients dirigés vers des spécialistes[93].

Tous les témoins soutiennent cependant que même s’il n’y a pas d’économies à réaliser à court terme, cela ne réduit en rien l’importance d’une réforme des soins primaires, mais fait au contraire ressortir d’autres raisons de la faire progresser. D’après le professeur Brian Hutchison, de l’Université McMaster :

L’obsession de la réduction des coûts nous a amenés à envisager de recourir aux infirmières praticiennes comme remplaçantes des médecins. L’autre dimension qu’il faut explorer, c’est leur potentiel pour ce qui est d’étendre la palette des soins primaires et d’insister davantage sur la promotion de la santé, la prévention et le counselling, domaines dans lesquels elles ont beaucoup à offrir, probablement plus que les médecins. Nous devrions envisager pour les infirmières praticiennes un rôle complémentaire, au lieu de les voir principalement comme un moyen d’économiser de l’argent. Nous devrions voir dans cette profession un outil d’amélioration de la santé[94].

Le Comité est tout à fait d’accord avec ce point de vue. De fait, le rapport de synthèse sur divers projets de soins de santé primaires entrepris sous les auspices du Fonds pour l’adaptation des services de santé de Santé Canada fournit d’autres preuves en ce sens. Voici ce que dit ce rapport au sujet d’un projet d’évaluation du rôle d’un(e) infirmière praticienne dans le contexte d’une équipe pluridisciplinaire travaillant à partir d’une clinique de Calgary :

Au départ, les médecins ne savaient pas très bien quel serait le rôle des infirmières praticiennes, mais ils ont vite constaté qu’elles facilitaient la communication entre différents fournisseurs de soins, qu’elles amélioraient sensiblement l’accès aux soins et leur qualité, et qu’elles prenaient en main des cas, permettant ainsi aux médecins de passer plus de temps avec des patients qui avaient besoin de leurs services. Quelque 95 p. 100 des patients ont été satisfaits de cette initiative[95].

 

4.2     Les provinces et la réforme des soins primaires

Dans la présente section, nous examinons brièvement les points saillants de six rapports provinciaux qui renferment des recommandations de réforme des soins primaires. Nous passons ensuite en revue différentes initiatives récentes de mise en œuvre dans trois provinces, soit l’Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick, qui ont dépassé le stade de la rédaction de rapports et de la création de projets pilotes.

 

4.2.1   Rapports récents

Le tableau 4.1(fin de chapitre) présente un aperçu des différentes propositions énoncées dans les six rapports, le plus ancien datant de décembre 1999[96], et les regroupe en fonction d’un certain nombre d’éléments clés d’une éventuelle réforme des soins primaires. Il y a beaucoup de similitudes importantes et un certain nombre de différences notables de l’un à l’autre.

Tous les rapports préconisent de recourir à une forme quelconque d’équipe pluridisciplinaire fonctionnant habituellement 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, pour assurer la prestation de soins primaires complets. Les modalités de réalisation de cet objectif varient cependant considérablement, tout comme les détails fournis dans les divers rapports. Il importe de noter que tous insistent sur la nécessité de créer une forme quelconque de dossier de santé électronique (DSE – voir le chapitre dix), même s’ils n’en font pas tous une condition inhérente à la mise en œuvre de leurs propositions de réforme des soins primaires.

Les descriptions des équipes pluridisciplinaires proposées dans les rapports diffèrent, tout comme la façon dont les liens entre les groupes de soins primaires et les autres fournisseurs de soins de santé, comme les hôpitaux, y sont envisagés. Seule une minorité des rapports préconisent l’adoption de mécanismes de financement de rechange bien précis, et deux seulement comportent des propositions explicites concernant l’inscription de patients.

Même s’il est trop tôt pour dire si les recommandations formulées dans ces différents rapports seront mises en œuvre, l’exemple de l’Ontario est peut-être instructif à cet égard. Premier à être publié, le rapport de la Commission de restructuration des services de santé (rapport Sinclair) est celui qui donne la description la plus détaillée de la façon dont la réforme des soins primaires devrait être mise en oeuvre. Comme l’Ontario a été la première province à entreprendre une réforme des soins primaires sur l’ensemble de son territoire, il est intéressant de noter que le modèle effectivement adopté à cette fin semble moins uniforme et d’application plus souple et facultative que celui proposé dans le rapport.

 

4.2.2   Le Réseau santé-famille de l’Ontario

Le Réseau santé-famille de l’Ontario (RSFO) a été créé en mars 2001. Il s’agit d’un organisme semi-autonome qui relève du ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD) de l’Ontario. Le RSFO fournit aux médecins de famille de l’information, un soutien administratif et des fonds pour les technologies afin d’appuyer la création volontaire dans leurs communautés de réseaux santé-famille (RSF).

Le modèle des RSF incite les groupes de médecins de famille et les membres des professions paramédicales comme les infirmières praticiennes à collaborer pour fournir des soins accessibles et coordonnés aux patients qui sont inscrits auprès de leurs services. Le RSFO fournit des fonds, des lignes directrices et des services de soutien, mais ce sont les médecins qui décident de leur propre gré de former un RSF local et qui planifient de quelle façon ils collaboreront pour offrir à leurs patients les meilleurs services possibles.

Il faut au moins cinq médecins (dont un doit jouer le rôle de chef de groupe) et 4 000 patients inscrits pour former un RSF, qui peut s’étendre à plus d’un endroit. En plus d’offrir des services pendant les heures ouvrables, l’un des bureaux d’un RSF doit être ouvert de 17 h à 20 h, du lundi au jeudi, et trois heures par jour la fin de semaine. En dehors des heures ouvrables, les patients inscrits sur la liste du RSF ont accès à une ligne téléphonique où des infirmières répondent aux appels, avec l’aide d’un médecin de garde du réseau santé-famille.

On a créé en 1998 des réseaux pilotes, appelés réseaux de soins primaires. Entre 1998 et 2000, on en a mis sur pied 14 dans sept communautés, si bien qu’aujourd’hui, ils regroupent plus de 178 médecins et environ 270 000 patients inscrits. En novembre 2001, l’Ontario Medical Association (OMA) s’est prononcée par vote en faveur de l’idée de permettre au RSFO d’offrir aux médecins du nord et des régions rurales de la province de conclure des ententes avec les réseaux santé-famille. En janvier 2002, les membres de l’OMA ont également donné leur accord à la signature d’un accord contractuel de portée générale avec les médecins de famille de toute la province. Un groupe de six médecins des Dorval Medical Associates à Oakville a formé en 2002 le premier réseau santé-famille de l’Ontario.

Les patients qui adhèrent à un RSF acceptent de contacter d’abord le médecin de leur réseau santé-famille lorsqu’ils ont besoin d’un service de santé, à moins d’être en voyage ou de se trouver dans une situation d’urgence. Ils acceptent également de permettre au MSSLD de fournir au médecin du RSF certains renseignements au sujet des services de santé qui leur ont été dispensés par des médecins de famille n’appartenant pas leur réseau. Le MSSLD peut, en outre, communiquer au réseau santé-famille les dates d’immunisations et les résultats de tests de dépistage du cancer du col utérin et de mammographies.

C’est le médecin du réseau santé-famille qui, en consultation avec chaque patient, effectue les renvois vers des spécialistes ou d’autres médecins de famille pour obtenir une contre-expertise. Les patients peuvent continuer à utiliser les services de leur médecin sans joindre les rangs du RSF dont celui-ci fait partie. De même, s’ils décident d’annuler leur inscription auprès du RSF de leur médecin, ils n’ont pas à changer de médecin de famille. Celui-ci peut continuer à les recevoir selon les mêmes conditions qu’avant leur adhésion au réseau. Les patients peuvent changer de médecin attitré jusqu’à deux fois par an. Cependant, s’ils consultent régulièrement un autre omnipraticien, leur médecin attitré peut supprimer leur nom de la liste des patients inscrits auprès de son réseau santé-famille.

Le degré de satisfaction des médecins à l’égard des réseaux pilotes est élevé et aucun ne s’est encore retiré. Les ententes que signent les médecins afin de créer un RSF portent sur les droits et les responsabilités des patients et des médecins eux-mêmes, leur rémunération et le soutien administratif.

Les montants versés pour les patients inscrits, montants qui sont pondérés suivant l’âge et le sexe (voir le tableau 4.2) et qui englobent un éventail de 57 services de soins primaires courants, sont censés correspondre à environ 60 % des revenus d’un RSF. Le reste est constitué d’autres montants pour la prestation de services préventifs comme les vaccinations, les tests de Papanicolaou et les mammographies; de bonis pour le rapatriement de patients ayant déjà consulté d’autres médecins pour recevoir des soins primaires essentiels; d’honoraires de visite et de primes pour des services non essentiels, comme les accouchements et les soins aux patients hospitalisés.

Tableau 4.2  
Coefficient applicable au versement du paiement au taux de base et du paiement spécial suivant l’âge et le sexe  

Âge

Homme

Femme

Moyenne

00-04

1,05

1,00

1,03

05-09

0,55

0,54

0,55

10-14

0,44

0,46

0,45

15-19

0,46

0,82

0,64

20-24

0,46

1,03

0,74

25-29

0,50

1,07

0,79

30-34

0,58

1,08

0,83

35-39

0,72

1,17

0,95

40-44

0,80

1,20

1,01

45-49

0,88

1,30

1,11

50-54

1,02

1,46

1,25

55-59

1,16

1,47

1,33

60-64

1,27

1,50

1,40

65-69

1,43

1,58

1,52

70-74

1,66

1,69

1,69

75-79

1,99

2,01

2,00

80-84

2,08

2,08

2,08

85-89

2,34

2,37

2,36

90+

2,64

2,68

2,67

Nota : Le multiplicateur pour le paiement au taux de base est 96,85 $.
Source : Matt Borsellino, “Primary Care Payment Options Become Available,” The Medical Post, 4 décembre 2001, p. 8.

Les médecins peuvent aussi facturer leur formation médicale continue et chaque réseau a droit annuellement à une somme pouvant aller jusqu’à 25 000 $ pour acquitter ses frais d’administration supplémentaires. Les RSF ont également droit à des fonds pour se doter d’un système de technologies de l’information, notamment pour les dossiers électroniques de leurs patients, les avertissements concernant les interactions médicamenteuses, le suivi des mesures liées aux soins préventifs et la facturation électronique.

Avec une charge « moyenne » de travail de bureau et de garde à l’hôpital, en obstétrique et en salle d’urgence, et une liste de 1 480 patients, un médecin peut recevoir 254 846 $ en vertu du modèle de rémunération mixte. La rémunération annuelle d’un médecin qui ne fait que du travail de bureau et qui a une liste de 1 423 patients peut atteindre 204 256 $. Sa rémunération brute s’élève à 105 455 $ s’il a une liste de 598 patients seulement.

Selon le Dr Elliot Halparin, médecin de famille de Georgetown (Ontario) et président de l’OMA, la rémunération moyenne d’un médecin rattaché à un RSF en milieu urbain, en vertu du modèle mixte, est évaluée à 244 500 $, pour une liste de 1 600 patients, contre 210 700 $ en vertu de la formule traditionnelle de rémunération à l’acte. Ces chiffres reposent sur la facturation moyenne des 6 500 à 7 000 médecins de famille ontariens qui assurent des soins complets.

Même s’il est trop tôt pour tenter d’évaluer le projet de RSFO lui-même, Price Waterhouse Coopers a effectué en octobre 2001 pour le compte du MSSLD une évaluation des projets pilotes (des réseaux de soins primaires ou RSP) avant leur pleine mise en œuvre. Certaines de ses conclusions sont dignes de mention :

·        Les cinq principaux avantages dont bénéficient les médecins adhérant à un RSP sont les suivants : effets positifs de la rémunération par capitation sur le mode de vie et le style de pratique; amélioration des soins aux patients; technologies de l’information (TI); accroissement du revenu; partage des appels et remplacement en cas d’absence.

·        Les principaux défis auxquels les médecins sont confrontés lorsqu’ils adhèrent à un RSP concernent les exigences administratives, les TI, la liste de patients et les relations avec le ministère.

·        La participation d’infirmières praticiennes et d’autres fournisseurs de soins de santé aux réseaux a jusqu’ici été limitée, même si les patients déclarent être très satisfaits des infirmières praticiennes.

·        La définition des rôles et l’intégration aux équipes posent des défis lorsque vient le temps d’inclure des infirmières praticiennes dans les RSP; le nombre d’infirmières praticiennes par rapport au nombre de médecin est extrêmement faible dans beaucoup de ces réseaux.

·        Le recrutement d’infirmières praticiennes pourrait avoir une incidence sur la rentabilité des RSP, mais il n’existe aucune preuve définitive à cet effet.

·        Les médecins sont très satisfaits de la capitation et certaines données préliminaires montrent que ce mode rémunération a pour effet d’encourager des changements de comportements.

·        Le service de télétriage semble avoir eu des répercussions positives sur l’utilisation des salles d’urgence. Selon les données émanant du fournisseur de ce service, s’il n’y avait pas eu de télétriage, les demandeurs auraient effectué 1 874 consultations auprès des salles d’urgence d’hôpitaux. Or, seuls 871 demandeurs se sont fait conseiller de se rendre à l’urgence, ce qui représente 1 003 consultations de moins.

On a aussi noté dans le rapport trois catégories d’obstacles qui entravent les progrès des réseaux :

·        Les obstacles à la mise en œuvre. Exemples : les retards pour diverses composantes des TI, l’insuffisance des ressources pluridisciplinaires, l’incapacité d’absorber le volume plus élevé que prévu d’appels adressés au service de télétriage, le manque de sensibilisation des patients et du public au sujet de la réforme.

·        Les obstacles liés au modèle. Exemples : une approche centrée sur les médecins à l’égard de la réforme, les problèmes posés par les codes de bonis et les taux de capitation, le peu de rétroaction donnée aux médecins au sujet de l’utilisation des services externes, la nécessité de recourir à des mesures de rendement précises pour évaluer les RSP.

·        Les obstacles systémiques. Exemples : les pénuries de médecins, la structure de financement des soins de santé, le degré insuffisant d’intégration aux réformes adoptées dans d’autres secteurs de la santé et les lacunes sur le plan du service.

Le Comité trouve important de souligner que le modèle adopté en Ontario diffère énormément de celui préconisé par la Commission de restructuration des services hospitaliers. La Commission aurait voulu que les gouvernements cessent de payer les services offerts individuellement par les médecins et adoptent plutôt un modèle en vertu duquel ils financeraient le GSP dans son ensemble principalement au moyen d’une formule de capitation. De l’avis du Comité, cette proposition aurait entraîné la création de véritables pratiques de groupe au lieu du genre de pratique qui semble vouloir voir le jour en Ontario et en vertu duquel des médecins praticiens travaillent sous un même toit tout en conservant l’essentiel de leur autonomie. Le Comité souscrit à l’approche recommandée par la Commission de restructuration des services hospitaliers.

Deux autres provinces ont toutefois annoncé récemment des initiatives de réforme des soins primaires qui s’apparentent plus étroitement aux recommandations contenues dans les rapports commandés par leurs instances gouvernementales respectives.

 

4.2.3   Québec

Le 4 juin 2002, le ministre québécois de la Santé et le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec ont annoncé qu’ils en étaient arrivés à une entente sur des modalités d’établissement des 20 premiers groupes de médecine de famille (GMF). Cette initiative fait partie d’un plan visant à créer plus de 300 de ces groupes au cours des quatre prochaines années, au terme desquelles ceux-ci devraient fournir des services de soins primaires à 75 % de la population de la province, comme l’a recommandé la Commission Clair[97].

La création de GMF ne sera pas obligatoire, pas plus que l’inscription des patients. Chaque GMF englobera 6 à 10 médecins et infirmières et fournira une gamme complète de services de soins primaires à une population de 10 000 à 20 000 patients[98]. Durant la phase de transition initiale, les médecins continueront d’être rémunérés pour leur activité clinique de la même façon qu’ils le sont actuellement (à l’acte, au moyen d’un salaire, etc.), mais recevront aussi une rémunération horaire pour leurs activités associées au fonctionnement du GMF, comme la coordination des services destinés aux patients inscrits ou leur collaboration interdisciplinaire avec d’autres fournisseurs, de même qu’une prime annuelle pour chaque patient inscrit sur leur liste[99].

Les patients s’inscriront auprès du médecin de leur choix à l’intérieur d’un GMF. Une inscription sera valide pendant une année et automatiquement renouvelée à moins que le patient ne l’annule par écrit. Les patients inscrits auront accepté de consulter d’abord leur médecin (ou quelqu’un d’autre au sein du même GMF), à moins qu’ils ne se trouvent dans une situation d’urgence ou qu’ils ne soient en voyage. Les GMF auront des heures d’ouverture prolongées et garantiront la prestation de soins 24 heures sur 24, sept jours sur sept, grâce à un service d’urgence téléphonique[100].

Pour financer la création des 20 premiers GMF, le gouvernement québécois a engagé 15 millions de dollars, répartis en trois enveloppes : 5 millions de dollars pour verser une rémunération additionnelle aux médecins, 5 millions de dollars également pour la bureautique et le matériel de bureau et enfin 5 millions de dollars pour recruter des infirmières[101]. La création de chaque GMF devra être approuvée par le ministre; chaque groupe de médecine de famille devra également avoir conclu un contrat avec un CLSC (un centre de santé communautaire), ainsi qu’une entente avec le conseil régional de la santé.

Le gouvernement du Québec a aussi récemment présenté un projet de loi, parrainé conjointement par les ministères de la Santé et de la Justice, qui redéfinit les rôles des médecins pour leur permettre de déléguer plus de responsabilités aux infirmières. Ce groupe se spécialisera dans des domaines comme la chirurgie, la cardiologie et les soins intensifs néonataux, de même que dans l’exécution de tâches additionnelles dans divers contextes, notamment les salles d’urgence[102].

 

4.2.4   Nouveau-Brunswick

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a récemment annoncé deux mesures connexes qui font suite aux recommandations relatives à une réforme des soins primaires contenues dans le rapport du Conseil du premier ministre sur la qualité des soins. Le 8 mai, il a déposé un projet de loi visant à intégrer des infirmières praticiennes au système de santé de la province et à permettre aux infirmières agréées de faire davantage usage de leurs compétences et de leur formation. Ce projet de loi prévoit la création et l’agrément d’infirmières praticiennes et habilite les infirmières de première ligne oeuvrant dans les soins de santé primaires à traiter elles-mêmes certains patients n’exigeant pas des soins urgents, sans l’intervention directe d’un médecin[103]. Elles pourront commander des tests en laboratoire et diverses procédures de diagnostic et délivrer des ordonnances pour certains médicaments.

Le ministre de la Santé a annoncé plus tôt que le gouvernement consacrera 2,1 millions de dollars à la création dans la province d’au moins deux centres de santé communautaire durant l’exercice en cours[104]. Ces centres feront appel à des équipes pluridisciplinaires de professionnels de la santé, notamment à des infirmières praticiennes.

Ce projet de loi a reçu l’appui tant des organisations représentant les médecins que de celles représentant les infirmières. En avril 2002, la Société médicale du Nouveau-Brunswick a de fait proposé la facturation directe de certains services de soins infirmiers au régime d’assurance-maladie de façon à permettre aussi bien aux médecins qu’aux infirmières de voir des patients. Elle a alors fait valoir que cette mesure allait permettre aux cabinets de médecins de famille d’accepter plus de patients, réduire les listes d’attente pour la consultation de spécialistes et même inciter certaines infirmières à retourner à l’exercice de leur profession.

 

4.3     Surmonter les obstacles au changement

Le Comité accueille favorablement ces initiatives provinciales. Nous notons que, pour la première fois, la réforme des soins de santé primaires est passé du stade des études préliminaires à celui de la mise en application concrète. Ces progrès nous autorisent à entretenir un optimisme prudent quant à l’éventualité d’une vaste réforme des soins primaires au Canada. Il faudra cependant surmonter un certain nombre d’obstacles au changement.

En ce qui concerne l’Ontario par exemple, un certain nombre de témoins ont exprimé des doutes au sujet du caractère « centré sur les médecins » du RSFO. L’un d’eux, le professeur Hutchison, a déclaré au Comité que le modèle ontarien était :

… un modèle très limité qui reflète le processus par lequel il a été négocié : des négociations bilatérales entre le gouvernement et l’Ontario Medical Association. Aucun intervenant non médecin n’a participé à la discussion. C’était des négociations privées, derrière des portes closes.

Bien qu’il comporte certains éléments intéressants, c’est un modèle plutôt traditionnel. On a changé le mode de financement (de rémunération des médecins), mais pas grand-chose d’autre. Chose certaine, ce modèle ne donne pas beaucoup de possibilités aux fournisseurs de soins pour ce qui est de mettre au point et d’évaluer divers arrangements faisant appel à des fournisseurs non médecins comme des infirmières praticiennes, travailleurs sociaux, sages-femmes, etc. C’est un modèle axé sur le médecin[105].

Abondant dans le même sens, le Dr Peter Barrett a insisté sur le fait qu’ « afin de garantir des soins complets et intégrés, le médecin de famille doit demeurer le prestataire et le coordonnateur central de l’accès opportun aux services médicaux financés par l’État »[106]. La Dre Ruth Wilson, présidente du RSFO, a reconnu dans son témoignage que le modèle ontarien actuel constituait un point de départ. Elle espère « que les relations avec les autres professionnels se resserreront quand nous aurons mis en place des réseaux de santé familiale »[107], et ajoute que « nous avons beaucoup de choses à changer si nous voulons convaincre les milliers de médecins de famille de l’Ontario d’accepter ce modèle »[108].

À cet égard, le président de l’OMA, le Dr Elliott Halparin, a souligné qu’il faudrait du temps avant que les médecins n’y adhèrent en grand nombre :

On peut comparer l’intérêt qu’il suscite à du maïs à éclater : au début, quelques grains éclatent seulement et ensuite il y en a de plus en plus. L’intérêt pour le système augmentera de la même façon à mesure que des gens se rendront compte que c’est la meilleure façon d’offrir un ensemble complet de services et que le système profite tant aux patients qu’aux médecins[109].

De façon plus générale, des témoins ont fait état de divers obstacles qui entravent encore la mise en œuvre d’une réforme des soins primaires, en l’occurrence :

·        les droits acquis de divers groupes professionnels;

·        les pénuries de personnel qualifié;

·        le fait que les honoraires à l’acte soient la méthode de rémunération des médecins la plus courante;

·        les coûts élevés de démarrage;

·        l’absence d’une infrastructure d’information électronique.

Le premier de ces points est celui qui a semblé susciter le plus de controverse chez les témoins entendus par le Comité. Certains estiment qu’il faut une intervention ferme, de la part du gouvernement si nécessaire, pour sortir de l’impasse créée par des groupes professionnels qui défendent leur chasse gardée. Claude Forget, ancien ministre de la Santé du Québec, a affirmé que « le fonctionnement du secteur n’est pas très différent de celui d’une guilde médiévale au sens où il est rigide et ne permet pas d’aller chercher quelqu’un qui évolue dans une profession connexe, en cas de pénurie »[110].

Graham Scott, ancien sous-ministre de la Santé de l’Ontario, a exprimé une opinion similaire, faisant remarquer que « nous sommes confrontés à un monstre très bien financé, bien organisé et puissant caché sous les traits des organisations qui représentent les professionnels de la santé »[111]. Toujours selon ses dire, il faut « la menace de dispositions législatives forcées » [112] pour amener les parties à la table des négociations afin de réviser la réglementation qui régit actuellement les champs de pratique.

D’autres témoins ont cependant fait valoir que la réforme des soins primaires ne pourra être imposée aux fournisseurs de soins de santé et qu’elle ne portera fruit que si elle est adoptée volontairement. Le Dr Les Vertesi, directeur médical au Royal Columbian Hospital de Vancouver, a ainsi affirmé « [qu’]il y a des choses, comme la réforme des soins de santé primaires, qui doivent être effectuées par les fournisseurs, car le souci du détail est incroyablement important »[113]. Le professeur Hutchison a également souligné que « les chances sont très minces d’imposer des réformes à des fournisseurs récalcitrants, en partie parce que je ne crois pas qu’aux yeux du public, une réforme des soins primaires apporterait des avantages énormes »[114].

Au sujet des champs de pratique, Mme Kelly Kay de l’Association canadienne des infirmières auxiliaires, a souligné ce qui suit :

[…] le fait que les infirmières auxiliaires autorisées rencontrent toujours des obstacles artificiels à l'exercice de leur profession, que les infirmières praticiennes doivent lutter pour être reconnues et rémunérées et que d'autres professionnels, comme les physiothérapeutes, ne bénéficient toujours pas d'un accès direct illustre bien les obstacles que rencontrent encore certains groupes professionnels[115].

Par ailleurs, des représentants des médecins ont noté les progrès réalisés par les organisations de professionnels lorsqu’elles ont convenu de principes communs pour déterminer les champs de pratique. Voici ce qu’à dit à ce sujet le Dr Barrett :

L’Association médicale canadienne a adopté une politique sur les « champs de pratique » qui appuie clairement la collaboration et la coopération. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada et l’Association des pharmaciens du Canada ont donné leur accord de principe à cette politique. Nous avons d’ailleurs signé un document à cet effet[116].

Dans le volume cinq, le Comité s’est dit favorable à la révision des règles qui régissent les champs de pratique afin de permettre à tous les fournisseurs de soins de santé de fournir la gamme complète des services pour lesquels ils ont été formés[117]. Le Comité est d’avis qu’il faudrait uniformiser autant que possible ces règles dans tout le pays. Le rapport de synthèse des projets touchant les soins primaires du Fonds pour l’adaptation des services de santé en arrive à une conclusion semblable, notamment pour ce qui est des soins infirmiers :

Il faudrait une initiative fédérale, provinciale et territoriale pour définir des normes nationales en ce qui concerne la terminologie et la portée de la pratique. Cette initiative devrait comprendre des prescriptions légales favorables à l’élargissement du rôle des infirmières et des infirmières praticiennes[118].

Le Comité souscrit à cette conclusion et croit que le gouvernement fédéral devrait prendre l’initiative à cet égard.

Certains témoins ont laissé entendre que ce qui manque surtout pour faire progresser la réforme des soins primaire plus rapidement, c’est la volonté politique. Dans cet esprit, Michael Decter a déclaré au Comité :

La question n’est pas de trouver le bon modèle, mais plutôt de déplacer des balises. Nous avons passé beaucoup de temps à chercher le modèle parfait de réforme des soins primaires. À certains endroits, cela a fonctionné en grande partie parce que quelqu’un a tout simplement eu la volonté de changer les choses[119].

Des témoins ont réitéré l’argument formulé par le Comité dans le volume cinq à l’effet qu’il ne peut y avoir de modèle unique applicable de la même façon dans toutes les régions du pays. Mme Kelly Kay a affirmé que « celle-ci [la prestation des soins de santé primaires] variera d'un endroit à l'autre », puisque « chaque ville doit adapter ses services à ses besoins »[120]. Pour sa part, la Dre Susan Hutchison, présidente du Forum des médecins omnipraticiens de l’Association médicale canadienne, a déclaré au Comité :

La composition des équipes de soins de santé varie selon les besoins de la population. Il n’existe pas de composition idéale. Ce qui fonctionne le mieux, ce sont des ressources humaines adéquates pour répondre aux besoins de la population. La composition du personnel soignant s’établit en fonction des services nécessaires pour répondre aux besoins des malades. La gamme idéale des services offerts par une équipe dépend des besoins de la population et du bassin de professionnels de la santé disponibles. Il peut y avoir une variation considérable entre les besoins de diverses populations, comme c’est le cas pour les populations autochtones, par exemple[121].

Les auteurs du rapport de synthèse sur les projets du Fonds pour l’adaptation des services de santé (FASS) dans le domaine des soins primaires (juin 2002) en arrivent à une conclusion semblable lorsqu’ils soulignent que « le système de santé s’est déjà montré capable de soutenir des variations organisationnelles et il pourrait encore le faire dans le cadre déterminant de l’intégration des soins de santé primaires »[122]. Ils tirent aussi un certain nombre de leçons qui corroborent les recommandations formulées par le Comité dans le volume cinq en ce qui concerne les caractéristiques fondamentales d’un système de soins primaires réformé, l’élaboration d’une stratégie nationale en matière de ressources humaines en santé et la mise en oeuvre d’un système national de dossiers de santé électroniques. Ainsi, ils concluent que :

L’expérience directe acquise par le biais des projets du FASS apporte un nouvel éclairage et renforce les connaissances de longue date sur certains aspects des soins de santé primaires, comme les avantages de la médecine de groupe et des équipes pluridisciplinaires, le potentiel inexploité des infirmières, et les liens entre les déterminants, la promotion de la santé et la maladie, et la prévention des blessures[123].

Ils affirment également que certaines conditions sont nécessaires au succès de la réforme des soins primaires et soutiennent  à cet égard qu’« il est essentiel, si l’on veut de bons soins de santé primaires, de prêter attention à des éléments sous-jacents tels que la création d’un dossier médical électronique commun et l’accès à des ordinateurs et à d’autres technologies pour les services, l’information et la recherche »[124].

 

4.4     Le rôle du gouvernement fédéral

Dans le volume cinq, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral continue de travailler avec les provinces et les territoires à la réforme de la prestation des soins primaires et qu’il assure un soutien financier permanent aux projets de réforme entraînant la création d’équipes de soins de santé primaires pluridisciplinaires qui :

§         visent à offrir une large gamme de services 24 heures sur 24, sept jours sur sept;

§         veillent à faire en sorte que les services soient dispensés par les professionnels de la santé compétents qui conviennent le mieux;

§         utilisent à leur pleine mesure les capacités et les compétences d’un éventail de professionnels de la santé;

§         adoptent d’autres modes de rémunération que les honoraires à l’acte, par exemple la capitation, soit exclusivement, soit dans le cadre d’une formule de financement mixte;

§         cherchent à intégrer des stratégies de promotion de la santé et de prévention de la maladie dans leur travail quotidien;

§         assument progressivement une plus grande part de responsabilité à l’égard des besoins en santé et en bien-être de la population desservie.

Un appui financier permanent à l’égard des initiatives de réforme qui entraînent la création d’équipes de soins de santé primaires pluridisciplinaires constituerait un prolongement de l’engagement dont le gouvernement fédéral a fait preuve à l’égard de la réforme des soins primaires en allouant 150 millions de dollars au Fonds pour l’adaptation des services de santé, dont 60 millions de dollars ont servi à financer des projets reliés à la réforme des soins primaires. Le gouvernement fédéral a également affecté 560 des 800 millions de dollars consentis au titre du Fonds pour l’adaptation des soins de santé primaires (FASSP), créé en 2002 à l’issue de la Conférence des premiers ministres, pour aider les provinces et les territoires à élargir la portée des mesures envisagées dans le secteur des soins primaires et en accélérer la mise en oeuvre. Cette somme est allouée au prorata de la population. Pour y avoir accès, chaque gouvernement provincial et territorial doit élaborer une proposition sur la façon dont leur part du FASSP servira à absorber les frais de transition occasionnés par la réforme des soins de santé primaires.

Le FASSP n’est toutefois pas un programme permanent. Le Comité reconnaît que les coûts de démarrage pour les groupes de soins primaires peuvent être considérables. Si l’on se fie aux coûts réels de mise en œuvre de la réforme des soins primaires au Québec, ceux-ci pourraient atteindre jusqu’à 750 000 $ par groupe, mais on avait évalué au départ qu’ils pourraient aussi atteindre un million de dollars par groupe.

Le Comité recommande donc :

Que le gouvernement fédéral puise 50 millions de dollars par année dans les nouvelles recettes que le Comité lui a recommandé de générer, pour aider les provinces à mettre sur pied des groupes de soins primaires.

Cet argent, qui s’ajoutera aux sommes provenant du FASSP, devrait permettre la création de 50 à 65 groupes de soins primaires par année.  

Le Comité est persuadé que, pour pouvoir fonctionner efficacement, les groupes de soins primaires doivent jouer le rôle de portiers pour le reste du système de soins de santé. Il faut, par exemple, trouver des moyens pour inciter les patients inscrits auprès d’un GSP à consulter le médecin de leur groupe plutôt que de faire eux-mêmes des démarches pour obtenir les soins de spécialistes. Ce devrait donc être au fournisseur de soins primaires de faire les renvois à des spécialistes, en consultation avec le patient.

Néanmoins, le Comité ne croit pas qu’il y a lieu d’interdire aux patients de consulter d’autres médecins, particulièrement des spécialistes, s’ils le désirent. Il croit par contre que les patients qui choisissent de solliciter ailleurs des soins qui pourraient être fournis adéquatement par le GSP auprès duquel ils sont inscrits devraient assumer les conséquences financières de leur décision. En d’autres termes, les patients devraient être assujettis à des frais, lorsqu’ils consultent d’autres médecins, notamment des spécialistes, de leur propre initiative.

Dans le volume cinq, le Comité recommande aussi l’établissement d’un cadre permanent pour l’étude des questions touchant les ressources humaines, en particulier grâce à la création d’un organisme national permanent de coordination des ressources humaines en santé composé de représentants des principaux intervenants et des différents ordres de gouvernement. Le mandat de cet organisme consisterait à coordonner des projets visant à assurer un nombre suffisant de diplômés pour réaliser l’objectif d’autonomie du Canada en matière de ressources humaines en santé[125].

Au sujet de la création de dossiers de santé électroniques, le Comité recommande dans le volume cinq de prolonger le mandat actuel d’Inforoute Santé du Canada, au-delà des 3 à 5 ans initialement prévus, pour qu’elle mette au point, de concert avec les provinces et territoires, un système national de DSE. Plusieurs témoins ont fait valoir que la création de dossiers de santé électroniques est non seulement essentielle à la réforme des soins de santé primaires, mais que c’est un domaine dans lequel le gouvernement fédéral peut exercer un leadership.

D’après Jack Davis, président-directeur général de la Calgary Health Region, « le seul domaine où je vois un réel potentiel d’investissement fédéral est la création du dossier médical électronique »[126]. Le Dr Kenneth Sky, ex-président de l’Ontario Medical Association, a mentionné que « pour les médecins, l’élément de la réforme des soins primaires qui est lié à l’utilisation de la technologie de l’information constitue un gros incitatif »[127]. Michael Decter estime pour sa part que les dossiers de santé électroniques sont si importants qu’« on devrait soudoyer les médecins. Je leur offrirais de l’argent pour qu’ils informatisent leur système »[128].

Le Comité admet que le gouvernement fédéral devrait assumer un rôle de premier plan pour accélérer d’un système national de dossiers de santé électroniques et présente des recommandations précises en ce sens au chapitre dix.

Annexe 4.1 :
Régime d’envellopes budgétaires pour les omnipraticiens  en Grande-Bretagne

Lors des discussions sur la réforme des soins primaires, il est souvent question de l’expérience britannique avec la création de marchés internes durant les années 90. Avant 1990, il était exact de décrire le service national de santé britannique (le British National Health Service, habituellement appelé le NHS) comme une entité dirigée par une bureaucratie monolithique qui contrôlait tous les aspects du système. À l’époque, les services de soins de santé communautaires et les hôpitaux du NHS appartenaient à l’État et étaient exploités par les régies régionales de la santé du NHE. On déterminait le budget de chaque hôpital suivant un processus administratif qui supposait des négociations entre la direction hospitalière et celle du NHS. La prestation des soins par les omnipraticiens était assujettie à un système d’établissement de listes (« rostering ») qui obligeait les patients à s’inscrire auprès d’un omnipraticien en particulier, qui tenait lieu par la suite de portier (« gatekeeper ») pour le reste du système. Les omnipraticiens travaillaient à contrat pour le NHS et étaient rémunérés selon un système mixte de salaire et de capitation établie selon le nombre de patients inscrits sur leur liste.

Avec la réforme des soins primaires et la création de marchés internes, certains cabinets de médecine générale ont pu choisir volontairement d’adhérer au régime des enveloppes budgétaires (autrement dit, de devenir des « fundholders »). Les cabinets de médecine familiale qui desservaient un nombre suffisant de patients sont devenus des acheteurs et ont alors été autorisés à passer des contrats avec des hôpitaux et avec d’autres fournisseurs communautaires (des infirmières de district, par exemple) pour obtenir certains services. Les enveloppes budgétaires ne devaient servir qu’à l’achat de services hospitaliers et communautaires; elles ne pouvaient être utilisées pour arrondir les revenus des omnipraticiens concernés. Le NHS a toujours rémunéré les omnipraticiens participant au régime comme des professionnels indépendants travaillant à leur compte. Les diverses réformes adoptées durant les années 90, comme la mise en place du régime d’enveloppes budgétaires (« fundholding ») et, plus récemment, la création de groupes de soins primaires, n’ont pas fondamentalement modifié la façon dont les omnipraticiens britanniques gagnent leur argent.

Au début des années 90, on s’attendait à ce que le régime d’enveloppes budgétaires ne représente qu’une infime partie du processus général de réforme mais contre toute attente, il a rapidement gagné en popularité pour diverses raisons. Il est vite devenu évident que les participants au régime pouvaient offrir de meilleurs services à leurs patients. Ceci a créé un effet d’entraînement, peu de médecins voulant être laissés pour compte. Le gouvernement conservateur a renforcé cette tendance en offrant d’autres avantages (comme des ordinateurs) uniquement aux cabinets participant au régime. En plus, le fait de fonctionner selon le régime des enveloppes budgétaires conférait aux omnipraticiens concernés un rôle central et une plus grande autorité dans l’ensemble du système. Les consultants (des spécialistes) ont été obligés de faire preuve d’une plus grande souplesse et de rendre davantage de comptes aux omnipraticiens, puisque ceux-ci pouvaient décider de renvoyer leurs patients à d’autres professionnels dans le cadre de leur pratique.

Élu pour la première fois en 1997, le gouvernement travailliste dirigé par Tony Blair était critique à l’égard d’un certain nombre d’aspects de la réforme axée sur les marchés internes. Il estimait, en particulier, que le régime d’enveloppes budgétaires avait favorisé l’apparition en Grande-Bretagne d’une forme de système à deux vitesses (« two-tierism »), parce que les patients des omnipraticiens participant au régime pouvaient souvent se faire soigner plus rapidement que ceux des autres omnipraticiens. Comme ils estimaient que cela allait à l’encontre des principes fondamentaux du NHS, les travaillistes ont cherché à restreindre les formes de concurrence qui, selon eux, étaient la cause des inégalités en train de se créer.

En avril 1999, le gouvernement a obligé tous les omnipraticiens à joindre les rangs d’un groupe de soins primaires (GSP), c’est-à-dire un regroupement de cabinets de médecine générale à l’intérieur de régions géographiques bien plus grandes que celles délimitées en vertu du régime des enveloppes budgétaires, pouvant englober de 50 000 à 250 000 personnes. Les GSP ont réuni des fournisseurs de soins primaires locaux sous l’autorité d’un conseil principalement dirigé par des omnipraticiens, mais comptant également des infirmières et d’autres fournisseurs de soins communautaires locaux. On s’attendait à ce que les GSP évoluent petit à petit et deviennent des « fiducies » (« trusts ») de soins primaires capables d’assumer l’entière responsabilité de la mise en service (par l’octroi de contrats) et de la prestation de services de santé communautaires à leur population . Dès avril 2002, presque tous les GSP étaient devenus des fiducies.

En principe, cette évolution conférait dorénavant à tous les omnipraticiens les avantages offerts par le régime des enveloppes budgétaires, c’est-à-dire un seul budget régional englobant tous les services de médecine générale, les médicaments de prescription et les soins hospitaliers et spécialisés. Une évaluation récemment effectuée par le King’s Fund donne toutefois à penser qu’il y aura encore certaines étapes à franchir avant que les fiducies de soins primaires puissent réaliser leur indéniable potentiel. Les auteurs de cette étude ont conclu que les fiducies de soins primaires se développent actuellement à des rythmes différents et que même si elles ont fait des progrès au chapitre de l’établissement et de l’intégration des soins primaires et communautaires, leur portée demeure jusqu’ici limitée pour ce qui est de la mise en service et de l’amélioration de la santé[129].

Il y a lieu de souligner que les omnipraticiens ont conservé le monopole de la prestation des soins primaires jusqu’à la mise en œuvre des réformes du marché dans les années 90 grâce à leur rôle de portiers pour tous les autres volets du système. Un certain nombre de réformes apportées par le gouvernement travailliste a permis aux cabinets dirigés par des infirmières d’assumer un rôle croissant à cet égard. On a notamment créé une ligne téléphonique de consultation dont des infirmières assurent la surveillance 24 heures sur 24 (NHS Direct) et ouvert un certain nombre de cliniques sans rendez-vous où des infirmières font une première évaluation et peuvent ensuite diriger les patients au besoin vers des omnipraticiens locaux.

Il est très difficile, en raison d’un certain nombre de facteurs, de tirer des conclusions définitives de l’expérience britannique, qui puissent facilement s’appliquer au contexte canadien. On n’a pas toujours disposé de données suffisantes et la rapidité des changements n’a pas facilité la réalisation d’une étude approfondie. En plus, compte tenu de la structure très différente des deux systèmes, il est difficile d’appliquer les leçons tirées du système britannique au système canadien de soins de santé. Un certain nombre de points sont toutefois dignes de mention :

·        Premièrement, malgré son opposition à la forme prise par les marchés internes sous le gouvernement conservateur sortant, le gouvernement travailliste a néanmoins conservé des éléments clés du principe de la séparation « payeur-fournisseur » adopté par les conservateurs.

·        Deuxièmement, la transition opérée par le gouvernement Blair pour passer du régime des enveloppes budgétaires aux GSP et aux FSP semble mettre davantage en évidence les succès du régime plutôt que ses lacunes. On s’est mis à craindre l’instauration d’un système à deux vitesses parce que les omnipraticiens participant au régime ont réussi à négocier avec les fiducies hospitalières au nom de leurs patients.

·        Troisièmement, le fait d’octroyer un plus grand rôle aux infirmières et à d’autres fournisseurs de soins dans la prestation des soins primaires n’est pas sans rappeler les recommandations en ce sens qui reviennent constamment sur le tapis dans le débat en cours au Canada à propos de la réforme des soins primaires.


Tableau 4.1
Examen de rapports provinciaux récents comportant des recommandations de réforme des soins de santé primaires

Rapport

Étendue des services

Composition des équipes

Rémunération

Taille d’un cabinet

DSE*

Inscription

Relations externes

Sinclair

(Ont.)

Déc. 1999

Des soins primaires complets seraient fournis 24 heures sur 24, sept jours sur sept grâce à l’ouverture des cabinets après les heures ouvrables (ou à la prolongation de leurs heures d’ouverture) et à un triage téléphonique qui serait aussi effectué 24 heures sur 24 jour.

Des médecins et des infirmières praticiennes jouant le rôle de « fournisseurs principaux », à l’intérieur d’une équipe interdisciplinaire qui inclurait des infirmières agréées, des sages-femmes, des psychologues et des travailleurs sociaux, des pharmaciens, des physiothérapeutes et des diététistes. Chacun des fournisseurs de soins de santé exercerait la gamme complète des compétences liées à son champ de pratique.

Il s’agirait d’un financement de groupe plutôt que d’un financement individuel, principalement au moyen d’une formule de capitation à laquelle s’ajouteraient d’autres méthodes; le groupe déterminerait les montants qui seraient  remboursés aux fournisseurs de services qui en seraient membres. Il ne s’agirait pas simplement d’un partage des bureaux.

Trois modèles distincts : régions urbaines - 6 médecins et 2 infirmières praticiennes pour environ 1 680 patients;

Régions rurales – 2 médecins et 2 infirmières praticiennes pour 1 293 patients;

Régions éloignées – 1 médecin et 3 infirmières praticiennes/infirmiers praticiens pour 1 142 patients.

 

Oui

Oui

Chaque cabinet serait chargé d’élaborer des ententes avec d’autres organismes et fournisseurs de soins de santé (des hôpitaux, des spécialistes, des services de santé publics, des centres de réadaptation, des établissements de soins de longue durée, des services de soins à domicile et des services de soins communautaires).

Clair

(Qué.)

Janv. 2001

Des cabinets de groupe assureraient les services  24 heures sur 24, sept jours sur sept. Les services incluraient la promotion de la santé et la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies, les renvois vers des hôpitaux et des spécialistes, la coordination du continuum des soins et les renvois vers des organismes de services sociaux.

Les cabinets ne comprendraient que des médecins et des infirmières praticiennes, mais ceux-ci travailleraient en collaboration avec le réseau actuel de CLSC (des travailleurs sociaux, des diététistes, des psychologues, des physiothérapeutes, etc.).

Un système mixte de rémunération incluant des éléments de capitation, une somme forfaitaire pour la participation à certains programmes et des honoraires à l’acte à des fins de prévention ou pour stimuler la productivité.

6 à 10 médecins travaillant à l’intérieur d’une polyclinique ou d’un CLSC, bénéficiant de la collaboration de deux à trois infirmières praticiennes et responsables de 1 000 à 1 800 personnes.

Oui

Oui

Contrat avec la régie régionale de la santé et entre le cabinet de soins primaires de groupe et le CLSC. Les régies régionales de la santé seraient chargées de coordonner le réseau de cabinets de soins primaires de groupe avec d’autres fournisseurs de services.

Fyke

(Sask.)

Avril 2001

Des cabinets de groupe offriraient les services 24 heures sur 24. En dehors des heures ouvrables, les appels téléphoniques seraient transmis à un membre du groupe qui se trouverait à proximité; un service d’appoint serait assuré en permanence grâce à un centre d’appel provincial. Il n’y aurait pas de liste explicite des services.

Les cabinets de soins primaires de groupe comprendraient divers fournisseurs, notamment des médecins, des infirmières praticiennes, des sages-femmes, des physiothérapeutes, des diététistes, des préposés aux soins à domicile et des professionnels dans les domaines de la santé mentale, de la réadaptation, de la lutte contre la toxicomanie et de la santé publique.

 

 

Oui

 

Les régies régionales de la santé organiseraient et géreraient les cabinets de soins primaires de groupe, en recrutant tous les fournisseurs de services, notamment les médecins, par contrat ou autrement.

 

Mazan-kowski

(Alb.)

Déc. 2001

L’auteur de ce rapport approuve de façon très générale l’idée d’une réforme des soins de santé primaires. Des équipes pluridisciplinaires assureraient la prestation de soins complets.

Les équipes pourraient comprendre un médecin de famille, une infirmière ou une infirmière praticienne, des travailleurs en santé mentale, des travailleurs sociaux et d’autres intervenants.

L’auteur estime que les honoraires à l’acte font obstacle au changement. Il est d’avis qu’un modèle mixte de financement serait la meilleure solution et trouve que le Réseau santé-famille de l’Ontario constitue un excellent exemple à cet égard.

 

Oui

 

Les médecins devraient avoir la possibilité de conclure des contrats avec les régies régionales de la santé pour une partie de leurs revenus.

T.-N.

Déc. 2001

Un réseau d’équipes de soins primaires assurant un « continuum de soins » (incluant des soins préventifs, des soins axés sur la promotion de la santé, des soins curatifs, des soins de soutien et de réadaptation).

Les médecins de soins primaires collaboreraient avec d’autres fournisseurs de soins de santé et d’autres médecins. À l’intérieur de chacune des  équipes, chaque fournisseur de soins de santé exercerait ses compétences à leur plus haut niveau.

L’auteur ne recommande pas de méthode précise de financement (un modèle universel), mais semble être favorable à une forme quelconque de financement souple et mixte. Il ne fait pas mention de la capitation.

 

Oui

 

Les conseils régionaux dresseraient à l’intention des médecins un aperçu des services médicaux nécessaires pour leur région. Des groupes de médecins concluraient des ententes officielles avec les conseils pour assurer la prestation de l’ensemble des services énumérés dans lesdites ententes.

N.-B.

Janv. 2002

Accès à une gamme complète de services ambulatoires 24 heures sur 24, sept jours sur sept, qui seraient coordonnés à partir d’un seul endroit, de préférence, un centre de santé communautaire. Là où les centres ne sont pas ouverts 24 heures sur 24, les appels téléphoniques seraient redirigés vers un centre de service fonctionnant en permanence.

Un modèle axé sur la collaboration et une approche d’équipe vis-à-vis de la prestation des soins primaires. Les médecins de famille ne verraient pas chaque patient et d’autres membres de l’équipe pourraient fournir des services de consultation et/ou se charger du traitement. L’objectif consisterait à faire pleinement appel à tous les fournisseurs de soins en fonction de leurs connaissances, compétences et aptitudes respectives.

 

Dans la mesure du possible, tous les services de soins primaires seraient assurés ou coordonnés par un réseau de centres de santé communautaires. Ces centres seraient considérés comme le « noyau » physique des soins primaires offerts dans la communauté.

Oui

 

D’autres fournisseurs de soins pourraient être consultés par l’intermédiaire de télésanté et/ou, sur place, au centre de santé communautaire lui-même.

*Dossier de santé électronique
Source : Bibliothèque du Parlement



[1] Seulement 5 % des hôpitaux du Canada sont des établissements privés à but lucratif.

[2] Institut canadien d’information sur la santé, « Dépenses de santé des gouvernements provinciaux et territoriaux par affectation des fonds et par source de financement, 1975-2001 », Base de données sur les dépenses nationales en santé (BDDNS) (http://www.cihi.ca/dispPage.jsp?cw_page=statistics_results_source_nhex_e)

[3] Volume cinq, p. 25-27.

[4] Volume cinq, p. 38-41.

[5] À moins d’indication contraire, les renseignements qui ont servi à la rédaction de cette section sont fondés sur les documents suivants :

Sheila Block, The Ontario Alternative Budget 2002 – Health Spending in Ontario: Bleeding our Hospitals, Canadian Centre for Policy Alternatives (Ontario), mai 2002. (www.policyalternatives.ca)

Comité sur la réévaluation du mode de budgétisation des centres hospitaliers de soins généraux et spécialisés (Comité Bédard), La budgétisation et la performance financière des centres hospitaliers, Santé et Services sociaux, gouvernement du Québec, 2002. (www.msss.gouv.qc.ca)

Jeffrey C. Lozon et Robert M. Fox, « Academic Health Sciences Centres Laid Bare », Healthcare Papers, vol. 2, no 3, 2002, p. 10-36. (http://www.longwoods.com/hp/2-3academic/index.html)

Les Vertesi, Broken Promises: Why Canadian Medicare is in Trouble and What Can be Done to Save It, document déposé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, 2001.

Ian McKillop, George H. Pink et Lina M. Johnson, The Financial Management of Acute Care in Canada, - A Review of Funding, Performance Monitoring and Reporting Practices, Institut canadien d’information sur la santé, mars 2001.

(http://www.cihi.ca/dispPage.jsp?cw_page=GR_32_E)

Ministère de la Santé du Danemark, Hospital Funding and Casemix, septembre 1999. (http://www.sum.dk/publika/eng/hosp_casemix/)

Nizar Ladak, Understanding How Ontario Hospitals are Funded: An Introduction, Joint Policy and Planning Committee, Ontario, mars 1998. (www.jppc.org)

[6] Bien que la méthode de classification du financement peut être la même pour plusieurs administrations, la façon dont la méthode est mise en oeuvre peut varier.

[7] Mark Rochon, Association  des hôpitaux de l’Ontario (56:42).

[8] Jack Davis, régie régionale de la santé de Calgary (53:40).

[9] Les Vertesi (2001), op. cit., p. 117.

[10] Barer, M.L. (1995), « Hospital Financing in Canada », chapitre deux de Hospital Funding in Seven Countries, Office of Technology Assessment: U.S. Congress, p. 23.

(http://www.wws.princeton.edu/cgi-bin/byteserv.prl/~ota/disk1/1995/9525/952504.PDF)

[11] Les Vertesi (2001), op. cit., p. 31.

[12] Association canadienne des soins de santé, mémoire présenté au Comité en juin 2002, p. 6.

[13] Les Vertesi (53:44).

[14] Ontario Joint Policy and Planning Committee, Hospital Funding Report Using 2000/01 Data, document de référence no RD 9-12, octobre 2001 (www.jppc.org).

[15] Mary Laschober et James Vertrees (1995), « Hospital Financing in the United States », chapitre huit de Hospital Funding in Seven Countries, Office of Technology Assessment: U.S. Congress, p. 136.

(http://www.wws.princeton.edu/cgi-bin/byteserv.prl/~ota/disk1/1995/9525/952510.PDF)

[16] Comité Bédard (2001), p. 38.

[17] Medicaid est un programme conjoint fédéral-État qui assure les soins de santé aux Américains à faible revenu. Medicare est un programme fédéral d’assurance-santé chargé d’assurer les personnes de 65 ans et plus. Ensemble, ces deux programmes assurent environ 30 % de la population américaine.

[18] Comité Bédard (2001), p. 38.

[19] Deux listes de taux sont utilisés selon qu’un hôpital est situé dans un secteur urbain (comptant plus d’un millions d’habitants) ou dans secteur non urbain.

[20] Dr Duncan Sinclair (50:12).

[21] PricewaterhouseCoopers Healthcare (2000) « Health Care Fraud and Abuse: DRG Creep », Issues. (http://www.pwcglobal.com/extweb/manissue.nsf/DocID/80FFF2EE2B921FC9852566D7004D5BC)

[22] Les renseignements contenus dans cette section sont fondés sur un document du European Observatory on Health Care Systems : Health Care Systems in Transition – Denmark, 2001.

(http://www.euro.who.int/observatory/TopPage)

[23] Les renseignements contenus dans cette section sont fondés sur un document du European Observatory on Health Care Systems:  Health Care Systems in Transition – Norway, 2000.

(http://www.euro.who.int/document/e68950.pdf)

[24] Michael Decter (52:12).

[25] Mark Rochon, Association des hôpitaux de l’Ontario (56:43).

[26] Association canadienne des soins de santé, mémoire présenté au Comité en juin 2002, p. 6.

[27] Association des hôpitaux de l’Ontario, mémoire présenté au Comité le 22 mai 2002, p. 36.

[28] Cette opinion a également été exprimée par Ladak (1998), op. cit., p. 3.

[29] Association canadienne des soins de santé, mémoire présenté au Comité, p. 7.

[30] Les Vertesi (2001), op. cit., p. 118.

[31] Ontario Joint Policy and Planning Committee Financial Issues Advisory Group (1998), Understanding the Financial Pressures of Ontario Hospitals: Short and Long Term Solutions, document no RD 7-10. ( www.jppc.org)

[32] Ce point a été énoncé clairement dans une étude effectuée pour la Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada par Colleen Flood et Sujit Choudhry, Consolider les fondements : la modernisation de la Loi canadienne sur la santé, étude no 13, août 2002.

[33] Volume cinq, p. 41-42.

[34] Les services hospitaliers spécialisés comprennent, entre autres, la chirurgie cardiaque pédiatrique et la neurochirurgie par scalpel gamma.

[35] Par exemple, dans le cas de la chirurgie coronarienne pédiatrique, compte tenu du petit nombre d’enfants atteints et du fait qu’il s’agit généralement d’opérations réparatrices (par opposition à celles où l’enfant est en danger de mort), il serait avisé de concentrer les interventions dans quelques centres (comme c’est le cas actuellement en Ontario). Par contre, dans le cas des pontages coronariens chez l’adulte par exemple, il ne serait pas logique qu’un seul centre les pratique en Ontario.

[36] Duncan Sinclair (50:12).

[37] Michael Decter (52:13).

[38] Association canadienne des soins de santé, mémoire présenté au Comité, p. 7.

[39] Kevin Empey (56:45).

[40] Ibid.

[41]Association canadienne des soins de santé, mémoire présenté au Comité, p. 6.

[42] Mark Rochon, Association des hôpitaux de l’Ontario (56:43).

[43] Association canadienne des soins de santé, mémoire présenté au Comité, p. 6.

[44] Volume cinq, p. 36-39.

[45] Sharon Sholzberg-Gray (60:27).

[46] Volume cinq, p. 38-42.

[47] Volume quatre, p. 103-114.

[48] S. Kevin Empey, mémoire présenté au Comité le 22 mai 2002, p. 12.

[49] Lozon et Fox (2002), op. cit., p. 16.

[50] S. Kevin Empey, mémoire présenté au Comité le 22 mai 2002, p. 6.

[51] S. Kevin Empey, op. cit., p. 10.

[52] Dr Hugh Scott (63:17).

[53] Dr Jeffrey Lozon (63:16-17).

[54] Jeffrey Lozon et Robert Fox (2002), « Academic Health Sciences Centres Laid Bare », article vedette dans Healthcare Papers, vol. 2, no 3, p. 30.

[55] Raisa Deber (59:12).

[56] Association canadienne des soins de santé, mémoire présenté au Comité, p. 7.

[57] Ladak (1998), op. cit., p. 31.

[58] Mark Rochon (56:43).

[59] S. Kevin Empey (56:45).

[60] Association canadienne des institutions de santé universitaires, mémoire présenté au Comité le 13 juin 2002, p. 17.

[61] Ibid.

[62] Ibid.

[63] Association médicale canadienne, For Commissioner Romanow: A Prescription for Sustainability,  6 juin 2002, p. 26.

[64] Selon les données du recensement de 2001 de Statistique Canada. (http://geodepot2.statcan.ca/Diss/Highlights/)

[65] P.J. Devereaux et coll., « A Systematic Review and Meta-Analysis of Studies Comparing Mortality Rates of Private For-Profit and Private Not-for-Profit Hospitals », dans le Journal de l’Association médicale canadienne, vol. 166, no 11, 28 mai 2002, p. 1399-1406.

[66] Ibid., p. 1404-1405.

[67] Dr Arnold Relman (48:8-9).

[68] Pour plus de renseignements, prière de consulter le document récent de Brian S. Ferguson, A Comment on the Deveraux et al. Meta-Analysis of Mortality in Private American Hospitals, ébauche, département d’économie, Université de Guelph (Ontario), juin 2002.

[69] Ibid.

[70] Ces études sont résumées dans un article de Stephen Duckett, « Does it Matter Who Own Health Facilities », paru dans Journal of Health Services Research Policy, vol. 6, no 1, janvier 2001, p. 59-62.

[71] Brian S. Ferguson, op. cit., juin 2002.

[72] Brian S. Ferguson, « Profits and the Hospital Sector: What Does the Literature Really Say? », document de travail sur la santé rédigé pour l’Atlantic Institute for Market Studies, février 2002.

[73] Dr Arnold Relman (48:23).

[74] Gina Bravo et coll., « Quality of Care in Unlicensed Homes for the Aged in the Eastern Townships of Quebec », Journal de l’Association médicale canadienne, vol. 160, n10, 18  mai 1999, p. 1441-1445.

[75] L’interprétation des résultats en fonction du type d’établissement ( à but lucratif ou sans but lucratif) a été facilitée par l’information fournie par la statisticienne qui a participé à la réalisation de cette étude, Marie-France Dubois.

[76] Volume cinq, pp. 39-40.

[77] Premier’s Advisory Council on Health, (le très honorable Don Mazankowski, président), A Framework for Reform, décembre 2001 (http://www.premiersadvisory.com/).

[78] Le Comité a appris que l’absence de RRS en Ontario s’explique par le fait que la Région du Grand Toronto est trop vaste pour une seule RRS. La solution consisterait peut-être à adopter le modèle de la RRS ailleurs dans la province et à recourir à un autre modèle d’intégration des soins dans la RGT.

[79] À moins d’indication contraire, l’information contenue dans cette section est fondée sur les documents suivants :

Ontario Hospital Association, Regional Health Authorities in Canada – Lessons for Ontario, document de travail, janvier 2002. (www.oha.com)

Centre de recherche sur la régionalisation. La régionalisation.  (http://www.regionalization.org/)

Ian McKillop, George H. Pink et Lina M. Johnson. La gestion financière des soins de courte durée au Canada – Revue du financement, du suivi du rendement et des pratiques d’établissement des rapports financiers, Institut Canadien d’information sur la santé, mars 2001 (http://www.cihi.ca/dispPage.jsp?cw_page=GR_32_E).

Peggy Leatt, George H. Pink et Michael Guerriere, « Towards a Canadian Model of Integrated Health Care », HealthCare Papers, vol. 1, no. 2, printemps 2000, pp. 13-35.

(http://www.longwoods.com/hp/spring00/Papers2.pdf)

British Columbia Medical Association, Regionalization of Health Care, BCMA Policy and Reports, 1997 (http://www.bcma.org/IssuesPolicy/PolicyPapersReports/regionalization/default.asp).

Jonathan Lomas, Regionalization and Devolution: Transforming Health, Reshaping Politics?  Occasional Paper No. 2, octobre 1997. (http://www.régionalization.org/OP2.pdf)

Jonathan Lomas, « Devolving Authority for Health Care in Canada’s Provinces:  1. An Introduction to the issues », Journal de l’Association médicale canadienne, vol. 156, no 3, février 1997, pp. 371-377. (http://www.cmaj.ca/)

[80] Définition fournie par le Centre de recherche sur la régionalisation.

[81] Pour de plus amples renseignements, voir par exemple les documents suivants : 1) Robert Bear, « Can Medicare Be Saved? Reflections from Alberta », dans Healthcare Papers, été 2000, p. 60-67; 2) le rapport Mazankowski (décembre 2001).

[82] À moins d’indication contraire, l’information présentée dans cette section est fondée sur les documents suivants :

Le rapport Mazankowski (décembre 2001).

Glenn G. Brimacombe et Lorraine Pigeon, A Review of the Funding Flows of Régional Health Authorities in British Columbia, The Conference Board of Canada, 2001.

Cam Donaldson, Gillian Currie et Craig Mitton, “Integrating Canada’s Disintegrated Health Care System – Lessons from Abroad”, C.D. Howe Institute Commentary, avril 2001. (www.cdhowe.org)

[83] David Kelly, mémoire au Comité, pp. 7-8.

[84] Peggy Leatt et coll. (printemps 2000), p. 18.

[85] L’information fournie dans cette section est fondée sur les documents suivants :

European Observatory on Health Care Systems, Health Care Systems in Eight Countries:  Trends and Challenges, avril 2002. (http://www.euro.who.int/observatory/TopPage)

Volume trois, chapitre quatre et cinq, janvier 2002.

Volume cinq, avril 2002.

[86] Cam Donaldson et coll. (avril 2001), p. 8.

[87] Michael Decter (52:12).

[88] Citée dans Ann L. Mable et John Marriott, Le Fonds pour l’adaptation des services de santé – Série de rapports de synthèse – Les soins primaires, juin 2002, p. 15.

[89]Ibid., p. 16.

[90] 52:9.

[91] Ce phénomène est bien illustré par les faits suivants tirés d’un rapport de 1999 de la Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario et cités dans le volume quatre de l’étude du Comité (p. 118). Le tiers des services médicaux facturés par des spécialistes ontariens en 1997 (ayant coûté 1,4 milliard de dollars en tout) auraient pu être rendus par des omnipraticiens. En 1997, les cinq codes de facturation les plus fréquents chez les omnipraticiens ontariens représentaient environ 69 % du montant total facturé par ceux-ci (1,2 milliard de dollars). Les voici : évaluations intermédiaires (pédiatrie), évaluations générales, évaluations mineures, psychothérapie individuelle et counselling. D’après les cliniciens conseillant la Commission de restructuration, la plupart de ces services, voire tous, auraient pu être rendus par des infirmières praticiennes, des infirmières et de nombreux professionnels de la santé bien formés.

[92] 56:12.

[93] La recherche effectuée par la Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario montre que la baisse la plus spectaculaire à ce chapitre concerne les renvois à des dermatologues et à des oto-rhino-laryngologistes.

[94] 58:13.

[95] Marriott Mable, op. cit., p. 20

[96] Ces rapports sont les suivants :

1. Commission de restructuration des services de santé (Duncan Sinclair, président), Primary Health Care Strategy – Advice and Recommendations to the Honourable Elizabeth Witmer, Minister of Health, gouvernement de l’Ontario, décembre 1999.

2. Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux (Michel Clair, commissaire), Les solutions émergentes – Rapport et recommandations, janvier 2001.

3. Saskatchewan Commission on Medicare (Kenneth Fyke, commissaire), Caring for Medicare – Sustaining a Quality System, avril 2001.

4. Premier’s Advisory Council on Health (le très honorable Don Mazankowski, président), A Framework for Reform, rapport au premier ministre de l’Alberta, décembre 2001, p. 52 et 53.

5. Primary Care Advisory Committee (Kathy LeGrow, présidente), The Family Physician’s Role in a Continuum of Care Framework for Newfoundland and Labrador, un cadre pour le renouvellement des soins primaires, ministère de la Santé et des Services communautaires, Terre-Neuve et Labrador, décembre 2001.

6. Rapport du Conseil du premier ministre sur la qualité des soins de santé, Renouvellement du système de santé, gouvernement du Nouveau-Brunswick, janvier 2002.

 

[97] Communiqué de presse du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), 4 juin 2002.

[98] Health Edition, vol. 6 no 23, 7 juin 2002, p. 4.

 

[99] Fiche technique du MSSS, « Résumé de l’entente particulière entre la FMOQ et le MSSS relative aux groupes de médecine de famille. »

[100] Fiche technique du MSSS, « Le groupe de médecine de famille ».

[101] Health Edition, op. cit.

[102] Medical Post, 14 mai 2002.

[103] Communiqué de presse 453, 8 mai 2002.

[104] Medical Post, vol. 38, no 21, 21 mai 2002.

[105] 58:23.

[106] 56:10.

[107] 57:7.

[108] 57:17.

[109] 56:22.

[110] 53:54.

[111] 53:47.

[112] 53:49.

[113] 53:90.

[114] 58:12.

[115] 61:4.

[116] 56:12.

[117] Voir également au chapitre onze d’autres observations sur la nécessité de modifier les règles régissant les champs de pratique.

[118] Marriott Mable, op. cit., p. 45.

[119] 52:16.

[120] 61:5.

[121] 56:15.

[122] Marriott Mable, op. cit., p. 40.

[123] Ibid., p. 39.

[124] Ibid., p. 40.

[125] Voir également le chapitre onze du présent volume.

[126] 53:88.

[127] 56:22.

[128] 52:14.

[129] John Appleby et Anna Coote, Five Year Health Check, King’s Fund, avril 2002, p. 47.

 


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