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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

La santé des Canadiens – Le rôle du gouvernement fédéral

Rapport final

Volume six : Recommandations en vue d'une réforme


PARTIE IV: RESSERRER LES MAILLES DU FILET DE SÉCURITÉ


CHAPITRE SEPT

Étendre la couverture pour inclure la protection contre les coûts exorbitants des médicaments de prescription 

Dans les volumes précédents de son étude, le Comité a mis en lumière plusieurs questions cruciales touchant la couverture de l’assurance-médicaments au Canada et le coût des médicaments de prescription :

·        Ces dernières années, le coût des médicaments de prescription a grimpé plus rapidement que celui de tous les autres éléments du système de santé. Les dépenses en médicaments de prescription représentent une part très importante et sans cesse croissante des coûts de la santé dans le secteur public. On s’attend à ce que la hausse des frais de médicaments de prescription persiste à mesure que de nouveaux médicaments efficaces mais très coûteux (spécialement ceux qui sont adaptés génétiquement au patient) apparaîtront sur le marché canadien au cours de la prochaine décennie.

·        La Loi canadienne sur la santé ne s’applique pas aux médicaments de prescription utilisés hors du milieu hospitalier, et la couverture des régimes publics d’assurance-médicaments varie considérablement d’une province à l’autre. Il s’agit là d’un net contraste avec la politique qui existe dans de nombreux pays de l’OCDE, où les médicaments de prescription sont assurés par l’État aussi bien que les services hospitaliers et les services fournis par les médecins.

·        La couverture privée offerte par les régimes d’assurance de l’employeur ou les polices d’assurance individuelle pour les médicaments de prescription varie beaucoup quant à la conception, à l’admissibilité et aux frais que les participants doivent payer de leur poche (soit les dépenses personnelles non remboursables).

·        Malgré l’accessibilité des régimes publics et des régimes privés d’assurance-médicaments, beaucoup de Canadiens ne bénéficient d’absolument aucune couverture pour leurs médicaments de prescription. De plus, dans le cas de ceux qui en ont une (publique ou privée), la nature et la qualité de la couverture varient considérablement.

·        Le fardeau financier excessif attribuable aux dépenses élevées en médicaments de prescription devient de plus en plus un risque réel – et même une réalité – pour beaucoup de particuliers et de familles au Canada.

Dans le présent chapitre, nous examinons les tendances des coûts des médicaments et le niveau actuel de couverture offert par les régimes d’assurance pour les médicaments de prescription au Canada. Nous accordons une attention particulière à l’absence et à l’insuffisance de protection contre les coûts très élevés des médicaments. Le Comité formule des observations sur la nécessité pour les Canadiens de bénéficier d’une meilleure protection contre les frais très élevés et même exorbitants de médicaments de prescription, de même que des recommandations sur la façon dont le gouvernement fédéral devrait contribuer à cet objectif.

Comme il l’a fait remarquer dans des rapports antérieurs et précédemment dans le présent volume, le Comité est fermement convaincu qu’aucun Canadien ne devrait avoir à porter un fardeau financier excessif parce qu’il est obligé d’acquitter ses factures de soins de santé. Ce principe fondamental, qui est à la base de la politique canadienne en matière de santé, devrait s’appliquer aux frais de médicaments de prescription.

 

7.1     Tendances des dépenses au titre des médicaments[1]

L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) signale que, depuis 1997, les dépenses consacrées aux médicaments (de prescription et en vente libre) forment la deuxième catégorie en importance de dépenses de santé au Canada, venant derrière les coûts hospitaliers mais maintenant devant ceux des services fournis par les médecins. On prévoit que les chiffres définitifs indiqueront qu’en 2001, les dépenses en médicaments équivalaient à près de 50 % des dépenses hospitalières.

Les dépenses au titre des médicaments sont passées de 3,8 milliards de dollars en 1985 à 15,5 milliards de dollars en 2001. Les données de l’ICIS montrent qu’au cours de cette période de 16 ans, elles ont augmenté plus rapidement que l’inflation et à un rythme supérieur à celui de la croissance démographique. Plus précisément, de 1985 à 1992, elles ont augmenté à un taux annuel moyen de 12 % et de 1992 à 1996, à un taux de 5 %. Par la suite, le taux de croissance est passé à environ 10 % en 1997 et en 1998, pour tomber à environ 8 % en 1999. Bien que les données ne soient pas encore au point, on s’attend à ce que le taux moyen de croissance des dépenses en médicaments ait été d’environ 7 % en 2000 et de 9 % en 2001.

Les médicaments de prescription constituent l’élément le plus important des dépenses totales en médicaments (79 % en 2001, en hausse par rapport à 67 % en 1985). Les médicaments en vente libre comptaient pour les 21 % restants des dépenses en médicaments en 2001 (contre 33 % en 1985). Dans la plupart des cas, les consommateurs achètent eux-mêmes et paient de leur poche les médicaments en vente libre. Par contraste, plusieurs payeurs contribuent au financement des médicaments de prescription. Ils appartiennent au secteur public (les régimes provinciaux/territoriaux d’assurance-médicaments, les régimes d’assurance du gouvernement fédéral pour certains groupes et les commissions de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail/Workers’ Compensation Boards) et au secteur privé (les régimes d’assurance privés et les particuliers).

TABLEAU 7.1  
DÉPENSES AU TITRE DES MÉDICAMENTS DE PRESCRIPTION SELON LA SOURCE DE FINANCEMENT  
(pourcentage)  

 

1985

1988

1999

2001

Gouvernements prov. et terr.

Gouvernement fédéral

CSPAAT/WCB1

Total partiel - Secteur public

 

Assureurs privés

Dépenses personnelles non remboursables

Total partiel - Secteur privé

40,6

2,3

0,5

43,4

 

n. d.

n. d.

56,6

42,6

1,9

0,6

45,1

 

30,5

24,4

54,9

38,2

2,4

3,1

43,7

 

33,5

22,8

56,3

42,0

2,4

4,8

49,2

 

29,9

20,9

50,8

Total – Ensemble des sources

100,0

100,0

100,0

100,0

1) Les données portant sur 1997 et les années suivantes englobent les dépenses faites par les CSPAAT/WCB de même que par le Fonds de l’assurance-médicaments du Québec.
n. d. : données non disponibles.
Source : ICIS (avril 2002), Drug Expenditure in Canada, 1985-2001, et Division de l’économie, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement.

En 1985, 57 % des dépenses en médicaments de prescription ont été payées par le secteur privé (voir le tableau 7.1). En 2001, la proportion avait baissé à 51 %. En conséquence, la proportion financée par des sources publiques a augmenté progressivement, passant de 43 % à 49 %.  Le tableau 7.1 montre également que la proportion totale des médicaments de prescription que les citoyens canadiens ont payés de leur poche a diminué entre 1998 et 2001, passant de 24,4 % à 20,9 %. Ces chiffres révèlent qu’une part croissante des dépenses totales en médicaments de prescription au Canada est payée par les régimes d’assurance-médicaments du secteur public.

Les données de l’ICIS sur les dépenses en médicaments n’incluent pas les médicaments distribués dans les hôpitaux, que l’Institut considère comme des dépenses hospitalières. D’après les estimations fournies par l’ICIS dans son rapport d’avril 2002, les dépenses en médicaments des hôpitaux se sont élevées à 1,1 milliard de dollars en 2001. En outre, la proportion des dépenses hospitalières totales consacrée aux médicaments n’a cessé d’augmenter entre 1985 et 2001, passant de 2,8 % à 3,4 %. L’ICIS fait cependant observer que le taux de croissance des dépenses en médicaments des hôpitaux a été plus lent que celui des dépenses en médicaments faites à l’extérieur des hôpitaux. Bien qu’il ait pu y avoir un déplacement des dépenses des hôpitaux vers la collectivité, l’ICIS fait remarquer qu’il faut effectuer davantage de recherche pour connaître le rapport entre la consommation de médicaments à l’hôpital et la consommation hors de l’hôpital.

Beaucoup d’observateurs s’attendent à ce que le coût des médicaments de prescription consommés à l’extérieur des hôpitaux augmente beaucoup dans les années à venir, et ce pour plusieurs raisons :

·        Le coût de la mise au point et de la commercialisation de nouvelles pharmacothérapies a augmenté rapidement à mesure que les sociétés pharmaceutiques s’attaquent à des maladies plus difficiles à soigner et doivent se soumettre à des processus plus rigoureux d’approbation des médicaments partout dans le monde.

·        Les progrès scientifiques rapides ont donné lieu à la possibilité d’élaborer de nouveaux médicaments génétiquement personnalisés, applicables à un petit nombre de patients souffrant de maladies dégénératives chroniques, médicaments qui peuvent être à la fois extrêmement efficaces et extrêmement coûteux.

·        Bon nombre des nouvelles pharmacothérapies visent à soigner des maladies chroniques traitées à domicile plutôt que des maladies aiguës traitées à l’hôpital.

·        Des changements dans la pratique médicale et la nouvelle technologie ont remplacé le traitement en milieu hospitalier par des soins à domicile qui sont maintenant offerts pour plusieurs maladies dont les coûts de pharmacothérapie sont élevés.

Par conséquent, beaucoup de Canadiens doivent aujourd’hui payer des frais élevés de médicaments de prescription, ce qui était impensable il y a quelques années à peine.

 

7.2     Comparaisons avec d’autres pays

En comparaison avec certains pays de l’OCDE, le Canada consacre aux médicaments une forte proportion de ses dépenses totales en soins de santé, venant au deuxième rang en 1998, après le Royaume-Uni. La même année, le Canada s’est classé au quatrième rang pour ce qui est du montant des dépenses en médicaments par habitant, derrière les États-Unis, l’Allemagne et la Suède. Les dépenses en médicaments varient énormément d’un pays à l’autre en fonction de nombreux facteurs, notamment le caractère traditionnel des politiques gouvernementales et les caractéristiques institutionnelles (systèmes de remboursement pour les consommateurs et les fournisseurs, habitudes de prescription, etc.)[2].


TABLEAU 7.2  
COUVERTURE DES RÉGIMES PUBLICS D’ASSURANCE POUR LES MÉDICAMENTS DE PRESCRIPTION

 

Liste des médicaments admissibles

Partage des coûts

Australie

·         La liste nationale des médicaments admissibles contient uniquement les médicaments qui font l’objet d’une évaluation positive quant à la sécurité, à la qualité, à l’efficacité clinique et au rapport coût-efficacité.

·         Établissement du coût en fonction du produit thérapeutique de référence1.

·         Quote-part fixe par ordonnance, sous réserve d’un plafond annuel. La quote-part varie selon le type de bénéficiaire.

·         Exemptions pour certains segments de la population.

·         Partage des coûts plus élevé pour les médicaments de marque déposée lorsqu’il existe des médicaments génériques.

·         Les particuliers doivent payer les médicaments ne figurant pas sur la liste.

Allemagne

·         Le gouvernement fédéral tient une « liste négative » contenant les médicaments non admissibles au remboursement par le régime public.

·         Établissement du coût en fonction du produit thérapeutique de référence1.

·         Quote-part fixe par ordonnance. La quote-part varie selon le type de bénéficiaire et l’importance de l’ordonnance.

 

Pays-Bas

·         Liste nationale des médicaments.

·         Établissement du coût en fonction du produit thérapeutique de référence1.

·         Quote-part fixe par ordonnance, sous réserve d’un plafond annuel. La  quote-part varie selon le type de bénéficiaire.

·         Exemptions pour certains segments de la population.

Suède

·         Il n’existe pas de liste nationale, mais chaque conseil de comté a sa propre liste.

·         Tous les médicaments prescrits par les médecins et les hôpitaux sont achetés par un organisme national unique, Apotekbolaget, société d’État propriétaire de toutes les pharmacies de Suède.

·         Quote-part fixe par ordonnance, sous réserve d’un plafond annuel. La  quote-part varie selon le type de bénéficiaire.

·         Exemptions pour certains segments de la population.

 

Royaume-Uni

·         Liste nationale des médicaments admissibles sous le régime du NHS.

·         Il existe aussi une « liste négative » des médicaments qui ne peuvent être prescrits par le NHS à cause de leur piètre valeur thérapeutique ou de leur coût excessif.

·         Quote-part fixe par ordonnance.

·         Exemptions pour certains segments de la population.

1) L’établissement du coût en fonction du produit thérapeutique de référence fait en sorte que le gouvernement ne paie que jusqu’à concurrence du coût d’un médicament à prix abordable qui est  interchangeable du point de vue thérapeutique avec le médicament prescrit ou qui en est l’équivalent.
Source : Stephane Jacobzone (avril 2000), Pharmaceutical Policies in OECD Countries: Reconciling Social and Industrial Goals, étude hors-série no 40, Politique du marché du travail et politique sociale, OCDE, avril 2000; Donald Willison et coll., L’expérience internationale en matière de politique pharmaceutique  : défis communs et leçons à tirer pour le Canada, projet financé par le Fonds pour l’adaptation des services de santé de Santé Canada, 30 avril 2001; Comité sénatorial des affaires sociales (volume trois) et Division de l’économie, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement.

Par contraste, la part publique des dépenses en médicaments est beaucoup plus faible au Canada et aux États-Unis, ce qui s’explique surtout par le fait que l’ensemble de la population des autres pays bénéficie d’une couverture pour les médicaments de prescription. Par ailleurs, les pays avec lesquels sont comparés le Canada et les États-Unis ont des listes limitant le nombre des médicaments admissibles à la couverture par les régimes d’assurance publics, imposent le partage des coûts (quote-parts, coassurance et franchises) et prévoient des exemptions pour certains groupes de bénéficiaires (voir le tableau 7.2).

 

7.3     L’assurance pour les médicaments de prescription au Canada[3]

À l’heure actuelle, la protection à l’égard des médicaments de prescription au Canada est offerte au moyen d’un mélange de régimes d’assurance publics et privés, que nous décrivons ci-après.

 

7.3.1   Régimes publics d’assurance-médicaments

En ce qui a trait aux régimes publics, il convient de noter ce qui suit :

1.      Toutes les provinces ont des régimes d’assurance-médicaments qui couvrent presque tous les frais de médicaments des personnes âgées à faible revenu (celles qui touchent le Supplément de revenu garanti, ou SRG), qui forment environ 5 % de la population adulte du Canada. Ainsi, ce groupe est entièrement protégé contre les frais exorbitants de médicaments de prescription. Toutes les provinces sauf Terre-Neuve offrent également cette protection aux personnes âgées mieux nanties.

2.      Toutes les provinces ont aussi des régimes qui assurent une protection aux bénéficiaires de l’aide sociale, groupe qui constituait 6,8 % de la population en 2000 et qui, ainsi, se trouve à l’abri des frais exorbitants de médicaments de prescription.

3.      Le gouvernement fédéral assume entièrement le coût des médicaments de prescription (et d’autres services de santé) fournis à certaines populations autochtones et à certains anciens combattants. Ces groupes, qui comptent pour environ 2 % de la population canadienne, sont ainsi entièrement protégés contre les frais exorbitants de médicaments de prescription.

4.      Les gouvernements de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l’Ontario ont des régimes d’assurance-médicaments destinés à l’ensemble de la population et qui prévoient un plafond (fondé dans certains cas sur le revenu familial) pour les dépenses personnelles non remboursables.

5.      Le Québec prévoit pour tous ses résidents une assurance-médicaments assortie d’un plafond de 750 $ pour les dépenses personnelles non remboursables, qu’il s’agisse des régimes d’assurance de l’employeur ou du régime provincial.

6.      L’Alberta offre à tous ses résidents un régime facultatif d’assurance-médicaments, à base de cotisations, qui assure une couverture étendue pour les médicaments de prescription au bout d’une période d’attente de trois mois.

En somme, un grand nombre de régimes publics d’assurance-médicaments offrent une protection financière importante aux Canadiens qui ont des frais très élevés de médicaments de prescription. Cependant, le gouvernement fédéral ne contribue directement à aucun des régimes provinciaux.

 

7.3.2   Régimes privés d’assurance-médicaments

Les régimes d’assurance-médicaments du secteur privé contribuent de façon importante à protéger les Canadiens contre les coûts des médicaments de prescription :

1.      Ces régimes résultent entièrement de l’initiative de leurs promoteurs, qui sont pour la plupart des employeurs, mais aussi des syndicats, des entités mixtes syndicales-patronales et des établissements d’enseignement. De plus, environ 1 % des Canadiens sont protégés par des polices d’assurance-santé qu’ils ont achetées eux-mêmes.

2.      Environ 2,4 millions de Canadiens adhèrent à un régime privé qui couvre la totalité des frais de médicaments de prescription, les protégeant ainsi entièrement contre un fardeau financier excessif attribuable à des coûts pharmaceutiques très élevés. Environ 300 000 autres bénéficient de régimes qui, en combinaison avec un régime public d’assurance-médicaments, leur assurent une couverture totale.

3.      Environ 9,7 millions de Canadiens (les 2,4 millions dont nous venons de parler, plus 7,3 millions d’autres, soit au total 55 % des participants aux régimes privés) adhèrent à un régime privé qui prévoit un plafond global pour les dépenses personnelles non remboursables.

4.      Les 8,1 millions de Canadiens restants qui souscrivent à un régime privé (45 % des participants aux régimes privés) bénéficient, dans la plupart des cas, d’une protection substantielle, mais incomplète, contre les frais exorbitants de médicaments de prescription.

Dans le volume quatre de son étude, le Comité a évoqué le cas d’un Canadien de la région de l’Atlantique dont la situation illustre bien ce dernier point. Cet homme, bibliothécaire de profession et cotisant pourtant à un bon régime d’assurance de son employeur, doit débourser de sa poche 17 000 $ chaque année pour payer une partie des médicaments dont son épouse a besoin et qui coûtent environ 50 000 $ par année.

Le Comité a entendu parler dernièrement du cas d’un autre résident de la région de l’Atlantique qui souffre d’hypertension artérielle pulmonaire (une maladie parfois mortelle) et dont les médicaments coûtent 100 000 $ par année. Cette personne paie actuellement plus de 4 600 $ par mois (55 000 $ par année) pour sa cotisation d’assurance, le médicament, les instruments nécessaires à la prise du médicament, d’autres médicaments dont elle a besoin et des bonbonnes d’oxygène. L’augmentation prévue de la dose d’ici un an fera passer sa facture mensuelle à environ 5 150 $, soit 61 800 $ par année. Or, les résidents de la province où habite cette personne ne deviennent admissibles à l’aide gouvernementale qu’une fois épuisées toutes leurs épargnes, y compris leurs REER.

 

7.3.3   Les caractéristiques des régimes d’assurance et leur incidence sur la protection contre les frais élevés de médicaments

Les régimes d’assurance-médicaments présentent de nombreuses caractéristiques et particularités différentes, mais seulement quatre d’entre elles ont une incidence sur le degré de protection qu’ils offrent contre les frais exorbitants de médicaments. Ce sont la franchise, la quote-part/coassurance, le maximum annuel ou à vie et le plafond appliqué aux dépenses personnelles non remboursables.

La franchise est le montant que l’assuré doit payer au départ avant d’avoir droit à un remboursement de son régime d’assurance-médicaments. Elle s’applique normalement à l’année civile ou l’année du régime. La franchise est habituellement un montant fixe, mais certains régimes publics établis par la loi la calculent en fonction du revenu familial. À moins d’être extraordinairement élevée, la franchise a ordinairement une incidence minime sur le degré de protection qu’offre le régime contre les frais exorbitants de médicaments.

La quote-part et la coassurance sont la partie du coût de chaque ordonnance que doit payer l’assuré. La quote-part représente un montant fixe par ordonnance (p. ex. 5 $), tandis que la coassurance est un pourcentage fixe par ordonnance (p. ex. 5 %). La quote-part peut aussi inclure les frais d’exécution de l’ordonnance (par opposition au coût du médicament lui-même). Comme nous l’avons vu dans l’exemple du bibliothècaire ci-dessus, la quote-part et la coassurance ne protègent pas l’assuré contre les dépenses personnelles très élevées résultant de la consommation prolongée de médicaments très chers.

Le maximum annuel ou à vie limite à un certain montant le total des dépenses en médicaments de prescription que paiera le régime à l’égard d’un assuré. Ce dernier doit payer de sa poche les frais excédant ce montant. Par exemple, un régime assorti d’un maximum annuel de 5 000 $ ne paiera pas plus que ce montant au cours d’une année donnée. Plus le maximum est élevé, plus grande est la protection. Il est très inhabituel qu’un régime public d’assurance-médicaments impose un maximum. Certains régimes privés le font, mais la plupart offrent une couverture illimitée ou fixent un maximum annuel ou à vie très élevé, par exemple un million de dollars.

Enfin, le plafond appliqué aux dépenses personnelles non remboursables est une disposition qui limite le montant total de la franchise, de la quote-part et de la coassurance que devra payer l’assuré au cours d’une année donnée. Il peut s’agir d’un montant fixe (p. ex. 1 500 $) ou d’une proportion du revenu familial (p. ex. 3 %). Beaucoup de régimes, surtout des régimes du secteur privé, ne fixent pas de plafond explicite pour les dépenses personnelles non remboursables. Le plafond appliqué aux dépenses personnelles garantit à l’assuré une protection contre les frais exorbitants de médicaments de prescription. Plus cette limite est basse, plus le degré de protection est élevé.

 

7.4     Un phénomène nouveau : Les dépenses exorbitantes en médicaments de prescription

Généralement, les répercussions financières directes de l’augmentation des frais de médicaments, que nous décrivons plus haut, sont relativement modestes, car la proportion des dépenses moyennes d’un ménage au titre des médicaments de prescription est faible en termes absolus. Les données de l’ICIS montrent qu’en 1999, les dépenses annuelles par habitant s’élevaient à 331,38 $; de ce montant, l’assuré a payé 75,49 $ de sa poche.

Malgré cela cependant, certains particuliers et certaines familles peuvent dépenser des sommes beaucoup plus élevées et les dépensent effectivement. Il est important de reconnaître que, pour le moment, c’est le cas de relativement peu de gens, mais le Comité croit que le problème justifie un examen attentif, car :

1.      Chose la plus importante, certaines personnes portent effectivement un lourd fardeau financier en payant elles-mêmes leurs frais de médicaments, ce qui va à l’encontre de l’objectif fondamental de la politique canadienne de santé, dont nous parlons plus haut.

2.      Les personnes qui portent un lourd fardeau financier peuvent abandonner (ou ne pas entreprendre) un traitement nécessitant des médicaments coûteux.

3.      Les médecins peuvent admettre un patient à un traitement plus coûteux à l’hôpital de manière à lui éviter les coûts élevés des médicaments de prescription qu’il aurait à payer hors du milieu hospitalier.

4.      Les médecins peuvent prescrire, et les patients exiger, des médicaments moins chers mais moins efficaces.

5.      Certaines personnes peuvent choisir de demeurer assistées sociales au lieu de chercher un emploi, afin de conserver leur droit à l’assurance-médicaments.

6.      Le régime d’assurance-médicaments auquel participe l’assuré peut avoir des déboursés financiers si grands qu’ils amènent le promoteur à limiter ou à abandonner le régime, réduisant ou supprimant ainsi pour tous les participants la protection contre les frais de médicaments. D’autres promoteurs peuvent prendre des mesures préventives afin de réduire le risque financier de coûts exorbitants de médicaments dans leur propre régime.  

D’après les calculs de Fraser Group/Tristat Resources, 98 % de la population canadienne bénéficie actuellement de la couverture d’un ou de plusieurs régimes publics et/ou privés d’assurance-médicaments (voir le tableau 7.3). Deux pour cent des Canadiens (environ 600 000 personnes) n’ont absolument aucune couverture pour les médicaments de prescription et doivent assumer eux-mêmes le risque financier que suppose le recours éventuel à des médicaments coûteux.

TABLEAU 7.3  
PROTECTION DE LA POPULATION CANADIENNE CONTRE LES FRAIS DE MÉDICAMENTS DE PRESCRIPTION  

Couverture assurée par

Pourcentage de la population

les régimes publics

53 %

les régimes privés

58 %

les deux types de régimes

13 %

Aucune couverture

2 %

Source : Fraser Group/Tristat Resources, Drug Expense Coverage in the Canadian Population: Protection From Severe Drug Expenses, août 2002, p. 11.

La firme Fraser Group/Tristat Resources a également analysé les variations par province des niveaux actuels de protection contre les frais élevés de médicaments. Les tableaux 7.4 et 7.5 indiquent le pourcentage de résidents de chaque province qui auraient à payer telles ou telles dépenses personnelles non remboursables si leurs frais totaux de médicaments de prescription s’élevaient à 5 000 $ (tableau 7.4) ou à 20 000 $ (tableau 7.5). Dans chaque tableau, la population de la province est divisée en quatre groupes, selon le montant à payer de sa poche : a) les personnes qui paieraient jusqu’à 750 $; b) celles qui paieraient entre 751 $ et 2 000 $; c) celles qui paieraient plus de 2 000 $; d) celles qui ne bénéficient d’aucune protection.

Par exemple, le tableau 7.4 indique que 70 % des résidents de la Colombie-Britannique dont les frais de médicaments de prescription se chiffrent à 5 000 $ ne paient pas plus de 750 $ de leurs poches, alors que les 30 % restants de la population de la province paient entre 751 $ et 2 000 $. À Terre-Neuve, seulement 48 % des résidents qui ont eu des frais de médicaments de 5 000 $ paient jusqu’à 750 $ de leurs poches, alors que 24 % de la population de la province paient entre 751 $ et 2 000 $. Cependant, 28 % des Terre-Neuviens ne bénéficient d’aucune protection et doivent donc payer la somme totale de 5000 $.

Dans le cas des personnes dont les frais de médicaments s’élèvent à 20 000 $ (tableau 7.5), les pourcentages de résidents de la Colombie-Britannique qui ont à payer telles ou telles dépenses personnelles non remboursables sont les mêmes. À Terre-Neuve, 48 % de la population ne paient encore que jusqu’à 750 $, et les mêmes 28 % des résidents ne bénéficient d’aucune protection et doivent donc payer la somme totale de 20 000 $. Les 24 % de la population qui payaient entre 751 $ et 2 000 $ lorsque leurs frais de médicaments se chiffraient à 5 000 $ doivent maintenant débourser plus de 2 000 $.

Il est frappant de voir qu’une proportion importante des résidents de la région de l’Atlantique ne bénéficie encore d’aucune protection, mais les tableaux indiquent aussi que les dépenses personnelles non remboursables varient beaucoup entre les provinces qui offrent des régimes d’assurance à l’ensemble de la population. C’est au Québec que les niveaux de protection varient le moins, puis en Colombie-Britannique, au Manitoba et en Saskatchewan.

TABLEAU 7.4  
Dépenses personnelles non remboursables des personnes dont les frais de médicaments de prescription s’élèvent à 5000 $  
(pourcentage de la population)  

 

Jusqu’à 750$

751 $ - 2 000 $

Plus de 2 000 $

Aucune protection

Total

C.-B.

70 %

30 %

0 %

0 %

100 %

ALB.

43 %

57 %

0 %

0 %

100 %

SASK.

68 %

24 %

8 %

0 %

100 %

MAN.

84 %

13 %

3 %

0 %

100 %

ONT.

70 %

25 %

5 %

0 %

100 %

QUÉBEC

100 %

0 %

0 %

0 %

100 %

N.-B.

45 %

28 %

0 %

27 %

100 %

N.-É.

47 %

29 %

O %

24 %

100 %

Î.-P.-É.

48 %

25 %

0 %

27 %

100 %

T.-N.

48 %

24 %

0 %

28 %

100 %

Canada

73 %

23 %

2 %

2 %

100 %

 

TABLEAU 7.5  
Dépenses personnelles non remboursables des personnes dont les frais de médicaments de prescription s’élèvent à 20 000 $  
(pourcentage de la population)  

 

Jusqu’à 750$

751 $ - 2 000 $

Plus de 2 000 $

Aucune protection

Total

C.-B.

70 %

30 %

0 %

0 %

100 %

ALB.

43 %

0 %

57 %

0 %

100 %

SASK.

67 %

25 %

8 %

0 %

100 %

MAN.

84 %

13 %

3 %

0 %

100 %

ONT.

70 %

12 %

18 %

0 %

100 %

QUÉBEC

100 %

0 %

0 %

0 %

100 %

N.-B.

45 %

0 %

28 %

27 %

100 %

N.-É.

47 %

0 %

29 %

24 %

100 %

Î.-P.-É.

48 %

0 %

25 %

27 %

100 %

T.-N.

48 %

0 %

24 %

28 %

100 %

Canada

73 %

20 %

5 %

2 %

100 %

Source : Fraser Group/Tristat Resources, Drug Expense Coverage in the Canadian Population : Protection From Severe Drug Expenses, août 2002, p. 48-49.

Des données provenant toujours de Fraser Group/Tristat Resources révèlent également que la couverture dont bénéficient la grande majorité des Canadiens (89 %) prévoit un plafond protecteur pour les dépenses personnelles non remboursables, quelle que soit l’importance des frais de médicaments de prescription. Cependant, 9 % de la population canadienne participe à des régimes d’assurance-médicaments dépourvus d’un tel plafond protecteur, régimes qui imposent des quote-parts ou limitent le remboursement. Pour ces personnes, les dépenses personnelles non remboursables s’accroissent à mesure qu’augmentent les frais de médicaments.

Au total, 11 % des Canadiens courent un risque important d’éprouver de graves difficultés financières parce qu’ils devront payer de leur poche des frais élevés de médicaments de prescription. Le tableau 7.6 montre les dépenses personnelles non remboursables d’une personne ayant besoin de médicaments de prescription qui coûtent 20 000 $ par année[4].

TABLEAU 7.6  

 

Type de régime d’assurance

Paramètres du régime

Dépenses personnelles non remboursables

($)

Franchise

Quote-part

Régimes ordinaires de prestations aux employés

0

0

0

Aide sociale dans beaucoup de provinces

0

0

0

SSNA (Affaires indiennes)

0

0

0

Autre régime ordinaire de prestations aux employés

25 $

0

25 $

Alberta Seniors Plan

0

30 %, sans dépasser 25 $ par ordonnance

Environ 900 $ (en supposant
3 ordonnances par mois)

RAMQ (Québec), pour les personnes de moins de 65 ans

100 $

25 % de dépenses personnelles non remboursables (limite de 750 $)

750 $

Régime d’assurance-médicaments de la Colombie-Britannique

800 $

0

800 $

Programme de médicaments Trillium de l’Ontario (pour un revenu familial de 60 000 $)

4 % du revenu familial rajusté

 

2 400 $

Régime ordinaire de prestations aux employés le plus courant

0

20 %

4 000 $

Régime de la fonction publique fédérale

60 $

20 %

4 048 $

Programme pour assurés ne faisant partie d’aucun groupe en Alberta

0

30 %

6 000 $

Aucune protection

n. d.

n. d.

20 000 $

Dans une analyse distincte des données relatives aux demandes de remboursement d’un grand nombre de régimes d’assurance-médicaments offerts par l’employeur (environ la moitié de tous les régimes au Canada), la recherche présentée au Comité a révélé que, pour l’année 2000 :

·        Quelques personnes ont eu des frais de médicaments dépassant 200 000 $.

·        Environ un assuré sur 1 000 a eu des frais médicaux personnels (en sus de l’assurance-santé) dépassant 10 000 $. Il s’agissait en grande majorité de frais de médicaments de prescription.

D’après ces données, on estime qu’environ trois personnes sur 1 000 participant à des régimes privés, soit environ 53 000, ont eu des frais de médicaments dépassant 5 000 $ en 2000.  

Selon des données publiées émanant du Programme de médicaments de l’Ontario, la fréquence des frais de médicaments excédant 5 000 $ peut être plusieurs fois supérieure (entre 10 et 20 personnes sur 1 000) dans le cadre de régimes publics couvrant les personnes âgées et les personnes incapables de travailler. Cela n’est pas particulièrement étonnant puisque les régimes publics couvrent toutes les personnes âgées, qui forment le groupe d’âge le plus susceptible de faire une forte consommation de médicaments de prescription.

On peut donc dire avec une certaine assurance que plus de 100 000 Canadiens ont chaque année des frais de médicaments dépassant 5 000 $, et il est presque certain que ce nombre augmentera dans les années à venir. Le paiement de ces lourdes dépenses – c’est-à-dire la part payée par un régime d’assurance privé, celle payée par un régime d’assurance public et celle payée par le consommateur lui-même – variera évidemment d’une personne à l’autre.

 

7.5     Protéger les Canadiens contre les frais exorbitants de médicaments de prescription

En proposant d’élargir le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé de façon à inclure la protection contre les dépenses élevées ou « exorbitantes » en médicaments de prescription, le Comité vise deux objectifs.

Tout d’abord, il veut faire en sorte qu’aucun particulier, ni aucune famille au Canada n’ait à supporter un fardeau financier excessif parce qu’il doit payer la totalité ou même une fraction importante des coûts d’un traitement extrêmement long et/ou coûteux faisant appel à des médicaments de prescription. Voilà qui est tout à fait conforme aux objectifs fondamentaux sur lesquels repose le régime public d’assurance-santé au Canada.

Ensuite, le Comité veut créer les conditions nécessaires pour assurer la viabilité à long terme des régimes actuels d’assurance-médicaments et des régimes d’assurance-médicaments complémentaire, tant publics que privés, devant la montée en flèche des coûts des médicaments de prescription et l’avènement prévu de pharmacothérapies de plus en plus coûteuses et efficaces.

Le régime que propose le Comité s’inspire donc des régimes provinciaux d’assurance-médicaments et des régimes privés d’assurance-médicaments complémentaire qui existent déjà au Canada; il ne les remplace pas. Le Comité entend donc présenter un programme réalisable et réaliste qui permettra d’injecter des fonds fédéraux nouveaux pour élargir la couverture actuelle de façon à protéger les Canadiens contre un fardeau financier excessif résultant de dépenses élevées ou exorbitantes en médicaments de prescription.

Plus précisément, le Comité propose que le gouvernement fédéral assume la responsabilité de 90 % des frais de médicaments de prescription dépassant un seuil au-delà duquel ils deviennent « exorbitants ». Le gouvernement fédéral devrait établir des critères et des conditions auxquels les régimes privés et les régimes publics des provinces et territoires devraient répondre pour être admissibles à l’aide fédérale. En échange, il assumerait 90 % de ce qu’il en coûte pour protéger les particuliers et les familles contre les frais exorbitants de médicaments. Afin d’assurer une couverture uniforme partout au Canada et de contrôler l’admissibilité des médicaments dans le cadre du régime, il sera également nécessaire d’établir liste nationale des médicaments admissibles (voir la section 7.6 plus loin).  

Le Comité reconnaît que les paramètres définitifs du régime d’assurance contre les dépenses exorbitantes en médicaments de prescription devront être arrêtés lors de négociations entre toutes les parties concernées : le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les promoteurs des régimes privés d’assurance-médicaments complémentaire et les assureurs. Il est cependant d’avis que le profil général du régime qu’il propose forme un cadre de mise en oeuvre à la fois réaliste et acceptable.

 

7.5.1   Comment fonctionnerait le régime

Pour avoir droit à l’aide fédérale, il faudrait que les provinces et les territoires mettent en place un régime garantissant que les résidents n’auront jamais à payer de leur poche plus de 3 % de leur revenu familial pour acheter des médicaments de prescription. En d’autres mots, un plafond de 3 % du revenu familial serait appliqué aux dépenses personnelles non remboursables des familles de la province ou du territoire au titre des médicaments de prescription. Le gouvernement fédéral accepterait de payer 90 % des frais dépassant 5 000 $ dans le cas de personnes dont le total combiné des dépenses personnelles non remboursables et de la contribution provinciale à laquelle elles avaient droit est supérieur à 5 000 $ au cours d’une année. Ainsi, les provinces et les territoires participants n’auraient à payer que 10 % des coûts supérieurs à 5 000 $ dans le cas des familles dont les frais sont exorbitants (c’est-à-dire ceux dont le total des frais de médicaments dépassent 5 000 $ pour l’année).

Pour avoir droit à l’aide fédérale, il faudrait que les promoteurs des régimes privés d’assurance complémentaire pour les médicaments de prescription garantissent qu’aucun participant n’aura à payer de sa poche plus de 1 500 $ par année. En d’autres termes, dans le cas des régimes privés, les coûts que les participants auraient à payer de leur poche seraient plafonnés à 1 500 $ pour une année donnée. Pour les régimes qui respectent ce critère, le gouvernement fédéral s’engagerait à payer 90 % des coûts de médicaments de prescription dépassant 5 000 $ à l’égard des participants dont le total des frais de médicaments de prescription s’élève à plus de 5 000 $ par année, les régimes privés assument les 10 % restantes. Ainsi, les dépenses personnelles non remboursables de chaque participant seraient plafonnées à 3 % de son revenu familial ou à 1 500 $, selon le plus petit des deux montants.

Les régimes privés d’assurance-médicaments complémentaire conserveraient la responsabilité des frais de médicaments jusqu’à concurrence de 5 000 $ et seraient fortement encouragés à mettre en place une caisse commune pour s’aider les uns les autres à absorber les coûts se situant entre 1 500 $ et 5 000 $. Bien entendu, les promoteurs de régimes privés pourraient offrir des avantages et des améliorations additionnels allant au-delà des exigences minimales nécessaires pour être admissible à l’aide fédérale.

Le nouveau régime visant à protéger les familles et les particuliers canadiens contre les conséquences de frais très élevés de médicaments de prescription ferait en sorte que personne ne serait obligé de consacrer plus de 3 % de son revenu familial à l’achat de médicaments de prescription. Les adhérents aux régimes privés qui participent au programme fédéral ne paieraient jamais plus de 1 500 $ ou 3 % de leur revenu familial au titre de médicaments de prescription, selon le moins élevé des deux montants. Suivant que la personne est membre ou non d’un régime privé, la première tranche de 5 000 $ de ses frais de médicaments de prescription serait payée grâce à une combinaison de dépenses personnelles non remboursables, d’assurance publique et d’assurance privée. Le gouvernement fédéral paierait 90 % des frais de médicaments de prescription d’une personne qui dépassent 5 000 $ au cours d’une année donnée, et un régime provincial ou un régime privé d’assurance complémentaire assumerait les 10 % restants.

Pour comprendre comment fonctionnerait concrètement ce programme, voyons l’exemple suivant. Comparons trois personnes qui dépensent chacune 10 000 $ en médicaments de prescription au cours d’une année donnée. Jeanne gagne 60 000 $ par année. Robert en gagne 30 000 $. Jeanne et Robert souscrivent tous deux à des régimes privés d’assurance-médicaments complémentaire qui répondent au critère fédéral d’admissibilité à la couverture pour dépenses exorbitantes en médicaments de prescription. La troisième personne, Anne, travaille à son compte et gagne elle aussi 60 000 $ par année, mais elle n’adhère pas à un régime privé d’assurance-médicaments complémentaire. Ces trois personnes vivent dans une province qui participe au programme fédéral.

Pour sa part, Anne, aurait recours au régime provincial d’assurance-médicaments. Comme 3 % de son revenu se chiffre à 1 800 $, elle aurait droit à un remboursement de 8 200 $ du régime provincial pour payer ses dépenses totales de 10 000 $.

Quant à Robert, ses dépenses personnelles non remboursables seraient limitées à 1 500 $ en vertu de son régime privé d’assurance-médicaments complémentaire. Mais comme 3 % de son revenu se chiffre à seulement 900 $, il aurait droit à un remboursement de 600 $ de son régime d’assurance, de manière que le total des frais payés de sa poche ne dépassent pas 3 % de son revenu[5].

Dans le cas de Jeanne, les dépenses à payer de sa poche seraient, comme pour Robert, limitées à 1 500 $ en vertu de son régime privé d’assurance complémentaire. Mais comme 3 % de son revenu (1 800 $) représente un montant plus élevé que ses dépenses personnelles non remboursables (1 500 $), elle n’aurait droit à aucune aide additionnelle.

Supposons maintenant que Jeanne et Robert se marient. Leurs dépenses personnelles en médicaments de prescription s’élèvent toujours à 10 000 $ par année, soit 20 000 $ au total pour les deux. Leur revenu familial est maintenant 90 000 $ (60 000 $ + 30 000 $).  Leur régime privé d’assurance-médicaments complémentaire limite le montant des dépenses personnelles non-remboursables à 1 500 $ chacun, soit 3 000 $ au total pour les deux. Toutefois, comme la part correspondant à 3 % de leur revenu familial n’est plus que 2 700 $, Robert et Jeanne ont droit à un remboursement de 300 $ du gouvernement provincial.

La contribution du gouvernement fédéral serait versée soit aux provinces, soit aux régimes privés d’assurance complémentaire, mais pas directement aux particuliers. Les versements seraient effectués à des intervalles réguliers établis à l’avance (chaque trimestre, chaque semestre ou chaque année) et les demandes de remboursement seraient évidemment soumises à une vérification périodique pour s’assurer qu’elles correspondent à des dépenses réelles.

 

7.5.2   Avantages du régime proposé

Prises ensemble, ces mesures assureraient une protection efficace contre les frais exorbitants de médicaments de prescription pour tous les Canadiens et offriraient des avantages additionnels aux personnes à faible revenu en plafonnant les dépenses personnelles non remboursables à 3 % du revenu familial. Le régime proposé comporte également des incitatifs pour encourager les gouvernements provinciaux et territoriaux et les promoteurs des régimes privés d’assurance complémentaire à participer.

Pour les provinces et les territoires, le régime que propose le Comité est structuré de façon que le gouvernement fédéral fournira une aide financière pour une partie de la couverture que les provinces et les territoires offrent tous déjà, par exemple le paiement des coûts exorbitants de médicaments de prescription que doivent acheter les personnes âgées et les assistés sociaux. La contribution fédérale libérerait par conséquent des fonds provinciaux et permettrait aux provinces d’apporter les améliorations nécessaires à leurs régimes d’assurance-médicaments afin de mettre en oeuvre la garantie qu’aucun résident n’aura à payer de sa poche plus de 3 % de son revenu. De plus, la contribution fédérale se trouve à transposer des provinces au gouvernement fédéral l’obligation de faire face à l’incidence croissante des frais de médicaments très élevés (exorbitants) attribuables à la montée en flèche des coûts des médicaments eux-mêmes et à l’apparition de nouvelles pharmacothérapies plus perfectionnées et particulièrement coûteuses.

Ainsi, même les provinces et les territoires qui n’offrent pas actuellement de protection contre les frais exorbitants de médicaments aux travailleurs de moins de 65 ans (et qui pourraient également avoir du mal à participer à un programme fédéral à frais partagés ordinaire parce qu’ils n’ont pas l’argent nécessaire pour égaler la contribution fédérale) sont susceptibles de tirer un avantage financier suffisant de ce programme pour leur permettre de répondre au critère d’admissibilité fédéral. Cela constituerait bien sûr un net progrès pour les Canadiens qui ne bénéficient actuellement d’aucune protection contre les frais exorbitants de médicaments de prescription (au nombre d’environ 600 000).

La proposition du Comité contribuerait également à assurer la viabilité à long terme des régimes privés d’assurance-médicaments complémentaire qui accepteraient de plafonner à 1 500 $ par année les dépenses personnelles non remboursables des participants. Elle éliminerait aussi le spectre de l’extrême volatilité des coûts du régime résultant des dépenses exorbitantes en médicaments. De plus, les promoteurs potentiels qui hésitaient dans le passé à mettre sur pied des régimes d’assurance-médicaments de prescription complémentaire de crainte d’avoir à absorber des coûts pharmaceutiques exorbitants seront peut-être dorénavant plus enclins à le faire. Cet avantage est particulièrement important dans le cas des nouvelles PME, car celles-ci pourraient offrir à leurs futurs employés des ensembles d’avantages sociaux plus compétitifs que cela n’aurait été possible autrement.

 

7.5.3   Combien coûterait le régime?

On estime que la mise en oeuvre de cette mesure fédérale, visant à protéger tous les Canadiens contre les frais exorbitants de médicaments de prescription, coûterait environ 500 millions de dollars par année.  À la demande du Comité, cette estimation a été établie à l’aide d’un modèle de micro-simulation à grande échelle de la couverture nationale pour les médicaments de prescription, modèle élaboré par Fraser Group/Tristat Resources, chercheurs qui ont effectué plusieurs études importantes sur l’assurance-médicaments au Canada. Leur étude la plus récente, Drug Expense Coverage in the Canadian Population: Protection from Severe Drug Expenses, a été présentée au Comité sénatorial le 12 juin 2002.

Le modèle élaboré par Fraser Group/Tristat Resources est fondé sur quatre fichiers de données de base :

·        L’échantillon d’environ 60 000 ménages canadiens utilisé pour l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) de Statistique Canada fournit les caractéristiques démographiques de base.

·        L’Enquête sur les horaires et les conditions de travail de Statistique Canada sert à établir l’état de la protection complémentaire à l’assurance-médicaments.

·        Le fichier des paramètres des régimes d’assurance-médicaments, qui établit les conditions des régimes publics et des régimes privés, a été élaboré à partir d’une analyse des dispositions des régimes publics et des dossiers de 80 000 régimes offerts par l’employeur.

·        Le fichier des besoins en médicaments, renfermant les moyennes annuelles des dépenses en médicaments calculées selon les groupes d’âge et le sexe de même que la distribution théorique selon la taille des dépenses, se fonde sur une analyse des demandes de remboursement présentées aux régimes d’assurance-médicaments complémentaire ainsi que sur des données publiées par certains régimes publics.

L’ensemble du modèle est équilibré à l’aide de normes globales découlant de macro-statistiques fournies par l’Institut canadien d’information sur la santé pour l’année 2000, rajustées pour tenir compte des caractéristiques de la base de sondage utilisée par Statistique Canada.

Le Comité a ajouté aux résultats bruts du modèle un coussin additionnel afin de fournir une estimation prudente et solide qui, croyons-nous, surestime quelque peu les coûts probables.

 

7.5.4   Proposition du Comité relative à un régime d’assurance contre les frais exorbitants de médicaments de prescription

En résumé, donc, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral mette en place un programme visant à protéger les Canadiens contre les dépenses exorbitantes en médicaments de prescription.

Pour tous les régimes admissibles, le gouvernement fédéral accepterait de payer :

§         90 % des dépenses en médicaments de prescription dépassant 5 000 $ dans le cas des personnes dont le total combiné des dépenses personnelles non remboursables et de la contribution de la province ou du territoire à leur égard est supérieur à 5 000 $ au cours d’une année;

§         90 % des dépenses en médicaments de prescription dépassant 5 000 $ dans le cas des participants à un régime privé d’assurance-médicaments complémentaire dont le total combiné des dépenses personnelles non remboursables et de la contribution du régime d’assurance privé à leur égard est supérieur à 5 000 $ au cours d’une année.

§         Les 10 % restants seraient assumés par un régime provincial/territorial ou par un régime privé complémentaire.

Pour être admissibles à ce programme fédéral :

§         les provinces et les territoires devront mettre en place un programme garantissant qu’aucune famille n’aura à payer de sa poche plus de 3 % de son revenu familial pour acheter des médicaments de prescription;

§         les promoteurs des régimes privés d’assurance-médicaments complémentaire existants devront garantir qu’aucun participant n’aura à payer de sa poche plus de 1 500 $ par année; ainsi, les dépenses personnelles non remboursables de chaque participant seraient plafonnées à 3 % de son revenu familial ou à 1 500 $, selon le moins élevé des deux montants.

 

7.6     Nécessité d’une liste nationale des médicaments admissibles

Bien entendu, le Comité reconnaît qu’il faudra établir une liste nationale des médicaments admissibles si l’on veut mettre en oeuvre un régime visant à protéger les familles et les particuliers canadiens, de façon uniforme et équitable partout au Canada, contre les dépenses exorbitantes en médicaments de prescription. L’idée d’une liste nationale a été évoquée plusieurs fois au cours de l’étude du Comité.

Il s’agit d’une liste des médicaments de prescription fournis en vertu d’un régime public d’assurance-médicaments. Le terme « national ».  ne signifie pas que le gouvernement fédéral serait la seule instance chargée de déterminer les médicaments de prescription qui y figureraient. Au contraire, la liste serait le fruit de la collaboration du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux, avec le concours d’autres intervenants intéressés.

Comme le Comité le fait observer dans le volume quatre de son étude, une liste nationale des médicaments admissibles présenterait les avantages suivants :

·        elle éliminerait la possibilité qu’une province se sente obligée d’ajouter un médicament à sa liste parce qu’une autre province l’a déjà fait;

·        elle accroîtrait la capacité d’effectuer et de diffuser à l’échelle nationale les recherches nécessaires pour démontrer que les avantages d’un médicament nouveau (et plus cher) constituent vraiment un progrès important par comparaison à des médicaments existants (et moins chers)[6].

La création d’une liste nationale des médicaments admissibles pourrait conduire à la création d’un organisme acheteur unique qui servirait tous les gouvernements provinciaux et territoriaux et le gouvernement fédéral. Le pouvoir d’achat d’un tel organisme serait colossal, ce qui aiderait probablement les régimes publics à obtenir les meilleurs prix possibles auprès des sociétés pharmaceutiques.

Puisque l’objectif est de protéger les Canadiens contre les frais exorbitants de médicaments de prescription, une liste nationale des médicaments admissibles permettrait d’accorder à tous les Canadiens une protection uniforme et un accès comparable aux médicaments où qu’ils habitent. Elle permettrait aussi à ceux qui financent le régime d’exercer un contrôle sur les médicaments admissibles. Le Comité juge essentiel que le gouvernement fédéral soit présent à la table quand les décisions se prendront, puisqu’il paiera 90 % des coûts. De plus, comme les coûts des nouvelles pharmacothérapies risquent d’augmenter de façon exponentielle, ceux qui financent le régime devront s’entendre sur les médicaments qui seront couverts. Le Comité recommande par conséquent :

Que le gouvernement fédéral travaille en étroite collaboration avec les provinces et les territoires afin d’établir une liste nationale unique des médicaments admissibles.


CHAPITRE HUIT

Élargir la couverture pour inclure les soins actifs à domicile 

8.1     Bref aperçu des principaux points relevés dans les volumes deux et quatre à propos des soins à domicile

Les dépenses au titre des soins à domicile au Canada (dans les secteurs public et privé) on sans cease augmenté au cours des vingt dernières années (voir les graphiques 8.1 et 8.2). Dans ses rapports précédents, le Comité a noté qu’aucun consensus ne se dégage à propos des services à inclure dans la définition des soins à domicile. Ils peuvent comprendre certains soins de courte durée tels que l’intraveinothérapie et la dialyse, les soins de longue durée aux personnes atteintes d’affections dégénératives telles que la maladie d’Alzheimer ou des incapacités chroniques physiques ou mentales, et les soins de fin de vie pour les personnes en phase terminale. Outre les soins de santé, les soins à domicile peuvent inclure les services sociaux de soutien tels la surveillance, l’aide ménagère, les conseils nutritionnels et la préparation de repas. Les soins à domicile couvrent donc un large spectre de soins.

Les fournisseurs de soins à domicile se répartissent en deux groupes : les soignants professionnels – infirmières,  thérapeutes et préposés au soutien personnel – et les aidants naturels – généralement des membres de la famille ou des amis. L’enquête 1998-1999 sur la santé de la population a révélé que la plupart des personnes ayant besoin de soins à domicile en raison du vieillissement, d’une incapacité ou d’une maladie chronique, n’ont reçu aucune aide des services de santé publics. Entre 80 et 90 % de la totalité des soins à domicile sont prodigués sans rémunération. L’enquête n’indique pas dans quelle mesure les services non financés par les fonds publics ont été payés de source privée, ou quels besoins ont été comblés par des aidants naturels ou sont demeurés insatisfaits.

La satisfaction des besoins de soins à domicile deviendra un problème croissant à mesure que les baby-boomers vieillissent, qu’augmente l’espérance de vie, que les soins sont désinstitutionnalisés et gagnent en complexité technologique et que les régimes de travail et les modèles sociaux réduisent la possibilité que des membres de la famille puissent offrir des soins en tant qu’aidants naturels. Le Comité a été informé que les soins à domicile peuvent remplir plusieurs fonctions, notamment :

·        ils remplacent les services fournis par les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée;

·        ils permettent au client de demeurer dans son environnement, généralement son domicile, ce qui lui évite de déménager dans un nouvel endroit souvent plus dispendieux, tel un établissement de soins de longue durée;

·         ils préviennent la dépendance, surtout par la surveillance qu’ils assurent, au prix d’un coût supplémentaire à court terme mais moins élevé à long terme.

Selon de nombreux témoins, lorsque les soins à domicile remplacent les soins de courte durée (habituellement en milieu hospitalier), ils devraient être considérés comme des soins de courte durée fournis dans un autre cadre et, par conséquent, tomber sous le régime de la Loi canadienne sur la santé.

Actuellement, chaque province ou territoire offre un éventail de soins à domicile, mais ceux-ci ne sont pas considérés comme services « médicalement nécessaires » aux termes de la Loi canadienne sur la santé. Par conséquent, les programmes publics de soins à domicile varient considérablement d’un bout à l’autre du pays en ce qui concerne l’admissibilité, l’étendue de la couverture et les frais d’utilisation. Bien que les services de soins à domicile fournis aient augmenté dans la plupart des provinces au cours des dernières années, les dépenses publiques en soins à domicile constituent toujours une faible proportion du budget global des soins de santé des provinces.

Des études récentes indiquent que les soins à domicile sont souvent économiques; toutefois, dans bien des cas, les soins en établissement demeurent plus efficients, particulièrement pour les personnes âgées en perte d’autonomie. Bien entendu, il est toujours plus commode pour les fournisseurs de soins de santé d’offrir les soins en établissement.

Toutefois, le coût des services et la facilité de prestation ne sont pas les seuls facteurs dont il faut tenir compte : bien des gens préféreront recevoir des soins à domicile, dans la mesure du possible, plutôt qu’en établissement.

Dans le volume quatre (section 8.10), le Comité propose quatre solutions pour la contribution fédérale au financement des soins à domicile.

1.      Programme national de soins à domicile

En vertu de cette solution, le gouvernement fédéral augmente ses paiements de transfert afin d’aider les provinces et les territoires à élaborer des programmes de soins à domicile sur leur territoire. Le gouvernement fédéral travaille en étroite collaboration avec les provinces et les territoires pour élaborer des normes nationales de soins à domicile, condition absolument essentielle si l’on veut que les soins à domicile fassent partie du système canadien de soins de santé.

2.      Crédit d’impôt et déduction fiscale pour les consommateurs de soins à domicile

Le gouvernement fédéral pourrait accroître l’aide financière aux consommateurs de soins à domicile grâce à des changements fiscaux, pouvant s’ajouter aux prestations fiscales existantes. Ou alors, il pourrait créer des nouvelles mesures fiscales afin d’encourager les gens à épargner en prévision des soins à long terme dont ils auront besoin.

3.      Créer une caisse d’assurance pour les soins à domicile

La création d’une caisse d’assurance capitalisée réservée à cette fin, sur le modèle proposé par la Commission Clair au Québec, permettrait d’offrir les soins à domicile sous forme de prestations en nature ou de paiements.

4.      Mesures spécifiques destinées aux aidants naturels

La réduction des services aux malades hospitalisés a alourdi le fardeau des membres de la famille et des amis des patients. Actuellement, plus de trois millions de Canadiens ­– principalement des femmes – soignent des membres malades de leur famille, à la maison, sans être rémunérés. La solution présentée en rubrique augmenterait l’aide financière apportée aux aidants naturels au Canada : le Régime de pensions du Canada (RPC) et les programmes d’assurance-emploi soutiendraient les personnes qui quittent temporairement le marché du travail pour prodiguer des soins à un proche.

 

8.2     Autres options

Ces options étaient centrées sur la participation du gouvernement fédéral aux trois aspects des soins à domicile (substitution, maintien et prévention). Dans le volume cinq, le Comité a abordé, comme seul élément, l’élaboration d’une infostructure nationale de la santé et la nécessité d’investir dans les télésoins à domicile. Il y a aussi annoncé son intention de produire une étude thématique sur la question des soins à domicile prochainement.

Par la suite, le Comité a entendu des témoins souligner l’importance d’envisager l’élaboration d’une stratégie nationale de soins à domicile en étapes, en abordant d’abord les soins à domicile en tant que remplacement des soins de courte durée.  

En 1999[7], Santé Canada a montré qu’à l’échelle nationale, le tiers des personnes recevant des soins à domicile présentent des besoins de courte durée et que les deux tiers utilisent des services à long terme (tableau 1). Ceux-ci reçoivent des soins prolongés tandis que le premier groupe reçoit des soins actifs à domicile, généralement pour une courte période suivant l’hospitalisation. Les transformations qu’a subies récemment le milieu hospitalier en raison des fermetures et des fusions, des réductions marquées des durées de séjour et de la modification radicale de la taille et de la fonction des hôpitaux ont accru la proportion de soins à domicile puisqu’elles ont augmenté les soins actifs à domicile après une hospitalisation.

Les soins à domicile ne sont plus réservés aux personnes âgées. Quarante-cinq pour cent des consommateurs de soins à domicile en Ontario ont moins de 65 ans, et quinze pour cent sont des enfants[8]. De plus, les profils de services sont distincts pour les deux groupes principaux formant la clientèle des soins à domicile. Les bénéficiaires de soins actifs à domicile reçoivent des soins pour une courte période, généralement inférieure à 90 jours; l’autre groupe, composé principalement de personnes âgées ou handicapées, reçoit des soins de façon permanente ou continue. Pour ce qui est des soins à court terme, la plus grande part est dispensée par des services infirmiers (63 %), le reste étant réparti entre les services de soutien personnel (20,6 %) et les autres thérapies  (16,4 %). À l’opposé, chez les bénéficiaires de soins prolongés, les services de soutien personnel viennent en premier (59,2 %), suivis des soins infirmiers (35,5 %); les services thérapeutiques sont rarement nécessaires[9].

Tableau 8.1  
Pourcentages de clients des services à court terme, à long terme et autres , 1996-1997 (territoires où des données sont disponibles)  

Province /
Territoire

Clients – soins de courte durée

Clients – soins de longue durée

Autres

Total

C.-B.

56,4

34,5

Non disp.

90,9

Alb.

41,0

52,0

7,0

100,0

Sask.

22,9

70,5

6,6

100,0

Québec

21,1

63,7

15,2

100,0

N.-B.

53,3

46,6

Non disp.

99,9

Î.-P.-É.

20,0

75,0

5,0

100,0

Yukon

16,6

73,7

9,6

99,9

Canada

33,0

58,0

8,7

99,7

 

Le Comité estime que le modèle de prestation de soins à domicile mis de l’avant par  le Nouveau-Brunswick mérite d’être souligné.

 

8.3     Le programme extra-mural au Nouveau-Brunswick

Fondé en 1981, sous la direction de Brenda Robertson (alors ministre de la Santé et maintenant sénatrice et membre du Comité), l’Hôpital extra-mural du Nouveau-Brunswick a été le premier programme public d’hospitalisation à domicile au pays,  souvent cité comme modèle possible pour les autres territoires. Les services de l’Hôpital, désigné corporation hospitalière en vertu de la Loi hospitalière du Nouveau-Brunswick, étaient admissibles aux fins d’assurance par la province. La mission de l’Hôpital extra-mural du Nouveau-Brunswick consistait à fournir une gamme complète de services de soins de santé coordonnés pour les personnes de tout âge en vue de promouvoir, de maintenir et/ou de restaurer la santé, dans le contexte de leur vie quotidienne [10].

En 1996, l’Hôpital extra-mural du Nouveau-Brunswick a subi une importante restructuration. En effet, un changement législatif a modifié le statut de l’Hôpital extra-mural qui, de corporation hospitalière, est devenu le programme extra-mural (PEM) actuel. La gestion des unités existantes de prestation de services a été déléguée aux huit corporations hospitalières régionales (CHR). Les CHR gèrent les établissements hospitaliers, les centres de santé communautaires (quatre dans la province) et les unités de prestation de services extra-muraux situées dans leur territoire. Bien que la gestion de la prestation des services ait été décentralisée, la direction globale, y compris le développement, l’établissement de normes, le financement et la surveillance du programme extra-mural (PEM), relève de la division des services hospitaliers du ministère de la Santé et des Services communautaires.

Trente centres de prestation de services dispensent les services du PEM partout dans la province. Le personnel comprend des coordonnateurs cliniques, des infirmières de liaison, des employés de soutien et du personnel sur place spécialisé en nutrition, en soins infirmiers, en ergothérapie, en physiothérapie, en orthophonie, en service social et en inhalothérapie. Tous les professionnels sont des employés du PEM et travaillent dans des équipes interdisciplinaires. Les services de soutien, tels l’aide ménagère et la « popote roulante », sont fournis à contrat. Le personnel de soins directs assure aussi la gestion des cas. Les services infirmiers sont disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7; tous les autres services sont fournis du lundi au vendredi.

Les clients du programme sont classés en quatre catégories ou groupes :

·        Soins de courte durée – Objectifs : permettre la sortie de l’hôpital plus tôt ou prévenir des admissions à l’hôpital ou dans des établissements plus coûteux; fournir une évaluation et intervenir dans l’environnement naturel des clients afin d’améliorer ou de restaurer les fonctions. Les services offerts sont, entre autres, la chimiothérapie sélective, l’oxygénothérapie, la gestion du diabète, la thérapie intraveineuse, les soins des plaies, l’hydratation par intraveineuse, l’administration de médicaments ainsi que la réadaptation postopératoire.

·        Soins prolongés – Objectifs : maintenir la santé/les fonctions ou  prévenir une détérioration supplémentaire de la santé/des fonctions, ce qui permet aux personnes de demeurer dans leur environnement aussi longtemps que possible. Les services comprennent, entre autres, l’oxygénothérapie, l’évaluation, la gestion et la surveillance de la médication, le contrôle de la position assise et de la posture, les aides ou ordonnances en équipement d’adaptation, le soutien aux personnes utilisant un dispositif de ventilation artificielle et la thérapie de groupe.

·        Soins de promotion/de préventionObjectifs : fournir des renseignements, des conseils ou toute combinaison prévue de soutiens éducationnel et organisationnel dans le but de maintenir ou d’améliorer la santé, prévenir les blessures, les maladies, les affections chroniques et les incapacités qui en résultent.

·        Soins palliatifsObjectifs :  intervenir afin d’aider à atténuer la douleur et à gérer les symptômes d’une maladie en phase terminale; fournir du soutien et un répit aux clients et à leurs aidants naturels, afin que ces personnes puissent mourir à la maison ou retarder, aussi longtemps qu’elles le souhaitent, leur admission dans un établissement de soins médicaux.

Chaque catégorie de soins comporte des éléments d’évaluation, de traitement, de formation et de consultation. Les services fournis servent à favoriser le plus longtemps possible l’autonomie du client. Au moment de la création du PEM, son budget s’établissait à 250 000 $. Comme le montre le tableau 8.2, le budget du programme s’élève maintenant à quelque 40 millions de dollars, dans une province dont la population dépasse à peine 750 000 personnes, illustrant comment il est possible de mettre en œuvre progressivement un programme complet de soins à domicile.

 

8.3.1 S’inspirer de l’exemple du Nouveau-Brunswick : renvois directs aux soins à domicile

Le Comité a relevé en particulier le fait que le PEM du Nouveau-Brunswick permet aux médecins de diriger les patients directement vers le programme. Cheryl Hansen, directrice provinciale du PEM, a signalé dans son mémoire au Comité qu’entre 50 et 60 % des clients du PEM reçoivent des services de courte durée ou des soins actifs qui remplacent les soins hospitaliers. Mme Hansen a en outre signalé qu’environ 55 % des bénéficiaires de soins de courte durée sont admis directement à partir de leur collectivité[11] et ne sont pas hospitalisés au préalable. Le Comité souligne cet aspect du PEM dans l’espoir que d’autres compétences voudront élaborer des programmes semblables, offrant la possibilité d’élargir la gamme de services offerts aux Canadiens en vertu de la Loi canadienne sur la santé, de façon efficace et économique.


Tableau 8.2  
Programme extra-mural – Données variées
 

 

1996-

1997

1997-

1998

1998-

1999†

1999-2000†

2000-2001*‡

Personnel (ETP)

527

590

592

608

668

Séparations3

10 866

11 972

12 680

13 924

19 941

Visites – soins infirmiers1, 3

270 145

275 586

295 817

326 630

282 813

Visites – réadaptation2, 3

34 107

64 080

93 459

87 946

78 609

Autres visites 3

40 457

42 587

43 522

45 040

39 148

Total des visites

344 709

382 253

432 720

459 616

400 570

Dépenses brutes (M $)

28,6

31,7

35,0

37,2

39,7

Coût moyen / visite3

83 $

83 $

81 $

81 $

99 $

Coût moyen / séparation 3

2 632 $

2 662 $

2 758 $

2 674 $

1 990 $

Source: ministère de la Santé et du Mieux-être du Nouveau-Brunswick, Rapport annuel 2000-2001.
Notes :
1.          Comprend les visites en ergothérapie, en physiothérapie et en orthophonie.
2.          Comprend les visites en travail social, en nutrition clinique et en inhalothérapie.
3.          Pour l’exercice 1999-2000 seulement, en raison de la mise en œuvre d’un nouveau système d’information pour le PEM, les statistiques sont des estimations basées sur les données relatives aux activités d’avril à septembre 1999.
†    Hausses de recrutement et de volume attribuables au Plan de services de réadaptation.
*     Données provisoires.
‡    Les données peuvent varier par rapport aux années précédentes car, en 2000-2001, le PEM a commencé à utiliser un nouveau système d’information (EMP Information System). La cueillette des statistiques est effectuée en conformité avec les directives du système d’information de gestion du Nouveau-Brunswick pour l’année 2000-2001.

 

8.4     Organiser et fournir des soins actifs à domicile

Dans la présente section, ainsi que dans les deux sections suivantes, le Comité expose sa proposition visant l’établissement d’un programme national d’assurance publique pour les soins actifs à domicile, c’est-à-dire à l’intention des personnes ayant besoin de traitements à domicile à la suite d’une hospitalisation[12]. Il décrit les mécanismes de financement, de prestation et d’organisation en vue de ce type de soins.

Bien que d’autres types de services de soins à domicile soient actuellement disponibles, le Comité croit qu’il importe, pour le moment, de se concentrer sur le financement, l’organisation et la prestation de services de soins actifs à domicile. L’objectif du Comité est de promouvoir la création d’un nouveau programme national d’assurance publique pour les services qui, parce qu’ils sont fournis à domicile, ne tombent pas sous le régime de la Loi canadienne sur la santé. Bien qu’il ne propose pas un programme complet de soins à domicile, le Comité est convaincu de l’importance d’amorcer dès maintenant, dans la mesure où la situation financière le permet, l’élargissement  du « filet de sécurité » en matière de soins de santé au Canada. Or, le Comité estime que le programme qu’il propose est réalisable sur le plan financier.

 

8.4.1   Définition des soins actifs à domicile

Les soins actifs à domicile désignent les soins prodigués aux patients à domicile, à la suite d’une période d’hospitalisation. Le premier défi que pose l’élaboration d’un programme national de soins actifs à domicile consiste à définir et à classifier les soins à domicile suivant une période d’hospitalisation et à décrire comment il est possible de les relier à une période initiale de soins hospitaliers, en tant que services aux patients hospitalisés ou aux patients en chirurgie d’un jour.

 

8.4.1.1     Quand les services de soins actifs à domicile (SAD) commencent-ils?

Heureusement, il y a eu des études sur la définition des soins actifs à domicile dans le contexte de la restructuration des services de santé[13]. Pour la plupart des spécialistes, le bénéficiaire de soins actifs à domicile est défini comme étant une personne ayant reçu sa première visite de soins à domicile dans les trente jours après avoir été hospitalisée ou après avoir reçu son congé à la suite d’une hospitalisation d’un jour. Il est peu probable que, passé ce délai, les soins à domicile soient directement liés à l’hospitalisation[14].  Un intervalle plus court que trente jours risque d’exclure les soins actifs à domicile reportés à cause de problèmes d’horaire ou autres.

Le Comité propose donc que le bénéficiaire de soins actifs à domicile soit défini comme étant une personne ayant reçu sa première visite de soins à domicile dans les trente jours après avoir été hospitalisée ou après avoir reçu son congé à la suite d’une hospitalisation d’un jour.

 

8.4.1.2    Quand les SAD se terminent-ils?

Bien qu’il semble y avoir consensus quant à la définition de bénéficiaire des SAD, il est plus difficile de définir quels services sont directement liés à l’hospitalisation. Généralement, la solution a été de fixer une date arbitraire au-delà de laquelle on pouvait considérer que la poursuite des services à domicile était sans lien avec les motifs ayant nécessité l’hospitalisation. Dans certains cas, la date limite a été fixée à un an après le congé[15] et dans d’autres cas, à soixante jours. L’une des raisons invoquées pour justifier la période de soixante jours est le fait qu’elle correspond à la classification de soins de court séjour (ou de courte durée), les périodes de soins à domicile de plus de soixante jours étant alors classées comme périodes de long séjour (ou soins prolongés).

Il importe de souligner que, pour la plus de la moitié des bénéficiaires de SAD, les soins à domicile se terminent avant 30 jours; pour presque 70 % des bénéficiaires de SAD, les soins prennent fin avant 60 jours, et seulement 12,7 % reçoivent des SAD pendant plus de 6 mois. Le Comité a donc décidé d’adopter une période  limite  de 3 mois, soit un compromis entre 60 jours et 6 mois. Ainsi, pour 75 % à 80 % des bénéficiaires de SAD, les soins auront pris fin avant la fin des trois premiers mois.

Par conséquent,  le Comité recommande :

Qu’une période de SAD désigne l’ensemble des services de soins à domicile reçus entre la première date de prestation de services suivant le congé d’hospitalisation, si cette date survient moins de trente jours après le congé,  jusqu’à concurrence de trois mois après le congé de l’hôpital.

 

8.4.2   Dispositions organisationnelles pour les SAD

Nous établissons plus loin l’estimation nationale du coût total du programme SAD. Cependant, l’affectation des fonds et les mécanismes d’attribution des responsabilités en matière d’organisation et de prestation de tels soins sont des questions extrêmement importantes. La présente section expose donc les mécanismes de financement, d’organisation et de prestation des SAD.

Le contrôle et la responsabilité de l’organisation et de la prestation des SAD sont confiés à diverses instances au Canada, mais ils relèvent généralement d’organismes distincts des hôpitaux. Cette situation a créé des courants d’intérêts parallèles bien arrêtés, opposant les organismes responsables des soins hospitaliers à ceux ayant charge des soins à domicile et entraînant un conflit qui a réduit les possibilités d’intégrer les services, freiné  l’innovation et limité inutilement la rentabilité des services.

Par conséquent, le Comité croit que ce serait une erreur de continuer à financer les organismes chargés en propre de négocier, de choisir, d’approuver et d’évaluer (à l’interne ou à l’externe) les dispositions contractuelles avec les fournisseurs de soins à domicile. La création d’un nouveau programme distinct, d’un autre ensemble d’intérêts particuliers, ne contribuera pas à garantir que les ressources financières servent le bénéficiaire des soins. Pour ce qui est des SAD, les ressources financières devraient être dirigées d’abord vers les hôpitaux.  C’est pourquoi le Comité recommande :

Que le financement des soins actifs à domicile soit d’abord dirigé vers les hôpitaux.

Il a été souvent démontré que les hôpitaux réagissent de façon prévisible aux encouragements fiscaux. L’introduction d’un remboursement basé sur les services, en vertu duquel les hôpitaux seraient remboursés à un tarif fixe pour chaque type de service fourni (conformément aux recommandations formulées par le Comité au chapitre deux, au sujet du financement hospitalier), inciterait à raccourcir la durée des séjours et à déplacer l’ensemble des cas hospitaliers vers la chirurgie d’un jour et à les détourner des soins à l’hôpital[16].  De plus, étant donné la relation entre les SAD et les soins hospitaliers, l’introduction pour les hôpitaux du remboursement basé sur les services augmenterait leurs besoins en SAD[17].

Le fait de diriger les ressources financières associées aux SAD vers les hôpitaux permettra à ces derniers de bénéficier des économies potentielles associées aux séjours plus courts, favorisant ainsi l’utilisation des soins à domicile et des SAD[18]. Par contre, si les fonds pour la prestation de services de soins à domicile sont versés à un organisme distinct, l’économie potentielle due aux séjours plus courts ou au recours à la chirurgie d’un jour ne serait pas récupérée et, par conséquent, elle n’aurait pas un impact direct sur les décisions relatives à la prestation de services.

Par conséquent, le Comité croit que les gains d’efficience, en matière de prestation de soins hospitaliers et de SAD, sont favorisés par l’intégration verticale de ces services et de leur financement conjoint. Il recommande donc ce qui suit :

Afin d’encourager l’innovation et l’intégration de services et d’améliorer l’efficience et l’efficacité des services de soins de santé nécessaires, indépendamment du cadre dans lequel ces services sont reçus, que soit élaborée une méthode de remboursement pour les SAD, basée sur les services, conjointement avec les arrangements fondés sur les services pour chaque période de soins hospitaliers.

De plus, le Comité estime qu’il faut éviter de réserver les programmes de SAD aux services infirmiers et thérapeutiques, si l’on ne veut pas déformer les modèles de pratique; en effet, les bénéficiaires de SAD, comme les autres consommateurs de soins à domicile, utilisent la gamme complète des services offerts. Le fait de limiter l’étendue des services couverts par le programme pourrait encourager les hôpitaux à substituer des services infirmiers à d’autres services de soutien personnel qui auraient été plus efficaces en matière de coûts. Or, en agissant ainsi, les hôpitaux risquent d’augmenter les coûts des soins au lieu de les réduire.

C’est ce qu’a confirmé l’expérience du Programme extra-mural du Nouveau-Brunswick. Dans son exposé au Comité, Cheryl Hansen a mentionné qu’une des leçons apprises était que :

Le remplacement des soins actifs par des soins à domicile exige une équipe complète qui travaille en collaboration pour satisfaire aux besoins du client et de la famille. Un élément essentiel des services de soins actifs réside dans la prestation de services de soutien à domicile à court terme adaptés (p. ex.,  les services d’un auxiliaire familial). […] La question du financement et de la prestation d’un soutien suffisant à court terme doit être réglée pour que le recours aux soins à domicile en guise de remplacement/substitution permette d’assurer des services de qualité au client et à la famille[19].

Pour ces raisons, le Comité croit que les dispositions de remboursement pour la prestation de soins à domicile à la suite d’une hospitalisation devraient être suffisamment souples afin d’encourager l’innovation et l’efficience. C’est pourquoi il recommande:

Que la gamme de services, de produits et de technologies pouvant être utilisée pour faciliter les soins à domicile après une hospitalisation ne fasse pas l’objet de restrictions.

 

8.4.3   Qui fournit des SAD?

Le Comité reconnaît que la question de l’organisation et de la prestation des SAD est une question distincte du financement; il sait aussi que la prestation de ces services peut prendre différentes formes. Dans certains cas, les hôpitaux peuvent fournir les services eux-mêmes; dans d’autres cas, ils peuvent établir des contrats avec des fournisseurs de soins à domicile à but lucratif ou non; les hôpitaux peuvent aussi établir des contrats avec des agences intermédiaires qui concluent des contrats de sous-traitance avec les fournisseurs de soins de santé à domicile.

Les SAD peuvent donc être organisés de multiples façons, offrant chacune ses avantages. Premièrement, l’établissement d’agences intermédiaires pour les soins à domicile fournit l’occasion aux hôpitaux de mettre en commun des ressources et de réaliser des économies d’échelle dans la prestation des services, malgré le risque d’engendrer des coûts supplémentaires d’administration et de gestion des contrats.

Deuxièmement, les hôpitaux peuvent mettre sur pied des équipes de service à domicile adaptées aux conditions particulières que connaissent les bénéficiaires dans leur collectivité.

Enfin, les hôpitaux peuvent passer des contrats de sous-traitance avec les fournisseurs de services de soins à domicile. Ce genre d’arrangement comporte certains avantages, soit: permettre la prestation de services spécialisés par des fournisseurs qui connaissent bien les conditions du milieu; offrir une possibilité d’intégrer les services hospitaliers et les SAD; permettre des économies en raison des améliorations apportées aux modèles de soins.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que les hôpitaux aient la possibilité d’établir des liens contractuels directement avec les fournisseurs de soins à domicile ou avec des agences intermédiaires pouvant prendre des dispositions en matière de prestation de services et de gestion de cas.

Indépendamment de l’arrangement organisationnel choisi, le fournisseur de SAD devrait recevoir un remboursement en fonction des services fournis. Comme le montre en détail le chapitre deux, la somme que reçoit le fournisseur dans un régime de financement en fonction des services offerts dépend de la gravité du cas traité. Par conséquent, le niveau de financement devrait être dicté par des facteurs cliniques. Cette méthode garantit que les fournisseurs de SAD reçoivent un taux fixe pour les services offerts à un patient donné, soutenant ainsi l’innovation et l’intégration des services et améliorant l’efficience et l’efficacité de la répartition des services de soins de santé.

Le fait de rembourser les fournisseurs de services de soins à domicile selon un mode de paiement fixe et prédéterminé offre un certain nombre d’incitatifs. Premièrement, s’ils peuvent conserver les résultats résiduels nets, les fournisseurs sont encouragés à choisir les moyens les plus efficaces pour des services. Deuxièmement, les efforts visant à profiter des économies d’échelle et de gamme peuvent favoriser l’intégration verticale et horizontale des services. Des organismes ainsi intégrés peuvent être en meilleure position que d’autres pour déléguer les tâches de façon rentable et améliorer la continuité des soins. Troisièmement, dans la mesure où le paiement dépasse les coûts engagés pour la prestation de services, ce système incite les organismes à se faire concurrence pour obtenir de nouveaux bénéficiaires[20]

Toutefois, ce système comporte un désavantage en ce qu’il peut inciter les fournisseurs de soins à se désintéresser des bénéficiaires présentant des besoins élevés, c’est-à-dire à choisir les clients. De plus, en l’absence d’un programme d’évaluation vigilant, les organismes seront tentés de lésiner sur la prestation des services, entraînant une réduction de la qualité des soins34. Par conséquent, la détermination d’un juste paiement basé sur les services, ajusté aux risques et adapté aux besoins des bénéficiaires de SAD, et l’introduction d’un programme systématique d’évaluation du rendement en fonction des résultats attendus doivent faire l’objet de politiques élaborées dans le contexte des nouveaux modes de financement afin d’assurer la rentabilité et l’uniformité d’accès de SAD de qualité.

Le Comité recommande donc :

Que les contrats établis avec les fournisseurs de services de soins à domicile incluent, en plus des ententes de remboursement en fonction des services, des mécanismes pour surveiller la qualité et le rendement des services, ainsi que les résultats prévus.

 

8.5     Le coût d’un programme national de soins actifs à domicile

8.5.1   Comment calculer le coût d’un programme national de SAD

Comme le montre la figure 3, il existe de larges variations interprovinciales dans les dépenses publiques par personne pour les soins à domicile au Canada, qui persistent même après l’ajustement relatif aux variations de composition âge-sexe de la population visée. Le financement public moyen par personne pour les soins à domicile pour l’exercice 2000 s’élevait à 87,51 $. Cependant, on note un écart de quatre pour un dans ces dépenses entre le niveau le plus élevé, le Nouveau-Brunswick (193,76 $), et le plus bas, l’Île-du-Prince-Édouard (47,85 $) et le Québec (51,89 $)[21] . Ces écarts sont en partie attribuables à la portée du programme public de soins à domicile, qui peut être vaste (comme au Nouveau-Brunswick) ou assez restreinte (comme à l’Île-du-Price-Édouard et au Québec).

À l’échelle nationale, les dépenses publiques en soins à domicile s’élevaient à 2 690,9 millions de dollars pour l’exercice 2000[22]. Afin d’établir la proportion de ces dépenses associée aux SAD, le Comité a utilisé des méthodes basées sur des travaux effectués auparavant en Ontario pour la Commission de restructuration des services de santé[23]. Tous les bénéficiaires de soins à domicile ont été identifiés pour l’exercice 1997 et assignés à l’une des quatre catégories mutuellement exclusives, comme le montre la figure 4, en fonction de leur utilisation des soins à domicile relativement à toute période de soins hospitaliers.

Les bénéficiaires de soins à domicile ont tout d’abord été classés selon qu’ils ont ou non vécu une période de soins hospitaliers, soit en tant que patient hospitalisé ou lors d’une chirurgie d’un jour, durant l’exercice 1997[24]. S’ils avaient été hospitalisés, la prestation de services de soins à domicile moins de 30 jours après le congé était analysée. Si la visite de soins à domicile à la suite de l’hospitalisation avait eu lieu dans une période de trente jours, l’utilisation de services de soins à domicile dans les trente jours avant l’hospitalisation était analysée. Les quatre catégories de bénéficiaires de soins à domicile étaient donc établies comme suit : pas d’hospitalisation; pas de SAD; SAD sans soins à domicile antérieurs; et SAD avec soins à domicile antérieurs.

L’utilisation de services de soins à domicile et le coût moyen de ces services ont été analysés pour une année à partir de la date des premiers services de soins à domicile (pour les bénéficiaires qui n’ont pas reçu de SAD), ou de la date des premiers soins à domicile suivant le congé de l’hôpital (pour les bénéficiaires qui ont reçu des SAD).

Deux estimations sont proposées pour la proportion du coût total des soins à domicile imputable aux SAD. La première estimation (la plus élevée) a été établie en fonction de la proportion de bénéficiaires de soins à domicile ayant reçu des SAD, tandis que la deuxième estimation (la plus basse), a été établie en fonction de la proportion de dépenses attribuables à ces soins. Bien que 42,8 % des bénéficiaires de soins à domicile aient reçu des SAD, seulement 26,5 % des dépenses totales de soins à domicile étaient attribuables à ces soins. Conséquemment, l’utilisation des deux estimations du coût national du programme de SAD tient compte de l’incertitude associée à l’estimation de coûts d’un programme de ce genre, dans l’absence d’un système d’information sur la santé relatif à l’utilisation des services de soins à domicile.

 

8.5.2   Et les coûts cachés?

En plus du coût des services de soins à domicile, il existe d’autres coûts associés à la prestation de SAD, cachés dans d’autres catégories de dépenses provinciales. Le coût des médicaments constitue une composante majeure des coûts cachés. Pour l’exercice 2001, les dépenses du programme de médicaments de l’Ontario attribuables aux bénéficiaires de soins à domicile étaient évaluées à 86,8 millions de dollars[25]. Bien que ces données reflètent probablement une sous-estimation des coûts du programme de médicaments provincial associés à la prestation de soins à domicile, elles peuvent servir à estimer les coûts cachés liés à la prestation de SAD[26].

 

8.5.3   Combien coûtera un programme national de SAD?

Dans un calcul effectué pour le Comité, on a combiné les estimations de coûts cachés à celles des coûts directs liés aux services, convertis en dollars 2002, en utilisant la croissance de 11,9 % du financement dans le domaine des soins à domicile en Ontario entre les exercices 2000 et 2002, et on a estimé le coût des soins actifs à domicile pour une période d’un an à la suite d’une hospitalisation. D’après ce calcul, un programme national de SAD coûterait, au total, entre 1 021,1 millions et 1 511,8 millions de dollars pour l’exercice 2002[27].  Puisqu’il a établi qu’une couverture de trois mois serait plus appropriée, le Comité juge légitime d’évaluer le coût total du programme à environ 1,100 millions par année, tout en reconnaissant que même cette évaluation est probablement élevée.

 

8.6     Payer les soins post-hospitaliers à domicile

Le Comité croit que le coût d’un tel programme devrait être partagé à parts égales entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Il recommande donc  :

Que le gouvernement fédéral établisse un nouveau programme national de soins actifs à domicile, qu’il financera à parts égales avec les provinces et territoires (50 / 50).

Cela ramènerait les dépenses totales (en dollars de l’exercice 2002) du gouvernement fédéral au regard d’un programme national de SAD à environ 550 millions de dollars.

Cependant, on doit aussi se demander si la personne recevant les soins à domicile (le patient) devrait aussi aider à couvrir le coût de cette expansion des services publics de soins assurés. On peut examiner cette question sous deux angles.

D’une part, on peut concevoir que ce service prolongé vient de ce que le patient a effectué un séjour à l’hôpital. Par conséquent, le service sera un prolongement des soins hospitaliers qui, dans le régime d’assurance-maladie, doivent être « gratuits » pour le patient et entièrement payés par les fonds publics. De plus, l’un des avantages de cette option offrant une couverture au premier dollar est que, puisque le coût entier de la couverture des soins à domicile sera payé par le programme SAD, les patients n’ont pas de raison de s’objecter à de plus courts séjours à l’hôpital. Cela signifie que rien ne s’oppose au transfert de patients recevant des soins hospitaliers coûteux vers des services extra-hospitaliers moins chers, ce qui augmente les possibilités de gain en efficience pour l’ensemble du système de soins de santé.

Par contre, étant donné que la plupart des patients paient actuellement le coût d’au moins une partie de ce genre de service, il est raisonnable qu’ils continuent de payer une petite partie des coûts, à la condition que les sommes versées par le patient soient ajustées à son revenu. Le montant payé par le patient devra être suffisamment modeste pour satisfaire le second objectif établi par le Comité au regard des soins de santé publics, c’est-à-dire qu’aucun Canadien ne doit subir de difficultés financières excessives en raison de la nécessité de payer des factures de soins de santé.

Pour appliquer cette deuxième approche, on a proposé de traiter les services assurés comme avantage imposable. Selon ce modèle, à la fin de l’année, les bénéficiaires du programme de SAD recevraient du gouvernement provincial un état des coûts totaux des services à domicile reçus. Ces coûts constitueraient un avantage imposable pour le patient. On pourrait protéger le patient contre les difficultés financières excessives associées au paiement de cette hausse d’impôt en limitant le niveau d’impôt sur le revenu additionnel à 3 % du revenu personnel.

Cette approche suppose aussi que les nouvelles ressources financières publiques investies dans les services étendus de soins de santé doivent profiter aux Canadiens et Canadiennes les moins en mesure de payer ces services; ceux qui ont les moyens de le faire devront apporter une contribution financière pour aider à couvrir le coût de ces services. Nous maintenons que ce n’est qu’en adoptant cette approche d’expansion du système public de soins de santé que le Canada se donnera les moyens de fermer les écarts grandissants  dans le « filet de sécurité » des soins de santé. En fait, c’est l'une des raisons pour lesquelles le programme d’assurance destiné à protéger les Canadiens contre le paiement de coûts vertigineux de médicaments, proposé par le Comité, comporte une contribution financière du patient.

Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne l’adoption d’un nouveau programme de soins actifs à domicile, le Comité, après mûre réflexion, appuie la première des deux approches. Bien qu’il s’inquiète du précédent que constitue l’assurance au premier dollar de services étendus, le Comité estime que les avantages qu’offre cette approche en favorisant l’efficience – puisqu’elle promeut le transfert de patients recevant des soins hospitaliers coûteux vers des soins à domicile moins chers – et l’équité, l’emportent sur les inconvénients.

En ce qui concerne l’expansion du régime public d’assurance-maladie pour y inclure les soins actifs à domicile, le Comité recommande donc :

Que le programme des SAD soit considéré comme un prolongement de la couverture médicale nécessaire déjà prévue par la Loi canadienne sur la santé et que, par conséquent, le coût intégral du programme soit couvert par le gouvernement (à parts égales entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux-territoriaux).

 

 


Figure 8.4 : Bénéficiaires de soins à domicile et dépenses moyennes (en dollars 2002)

 




CHAPITRE NEUF

Étendre la couverture pour inclure les soins palliatifs à domicile 

Au cours des différentes phases des audiences, on a porté à l’attention du Comité l’importance des soins palliatifs et des soins  de fin de vie. Les soins palliatifs constituent un genre spécial de soins de santé qui s’adressent aux personnes atteintes d’une maladie mortelle en phase terminale, ainsi qu’à leur famille.

Les soins palliatifs ont pour but d’améliorer le plus possible la qualité de vie des malades en phase terminale en leur assurant confort et dignité et en soulageant leur douleur et leurs autres symptômes. Les soins palliatifs sont conçus pour répondre non seulement aux besoins physiques du malade, mais aussi à ses besoins psychologiques, sociaux, culturels, émotionnels et spirituels et à ceux de sa famille.

 

9.1     Nécessité d’un programme national de soins palliatifs

Les soins palliatifs sont dispensés à divers endroits : à domicile, dans les hôpitaux, dans les établissements de soins de longue durée et, à l’occasion, dans les hospices. Comme l’a mentionné le sous-comité sénatorial chargé de mettre à jour le rapport De la vie et de la mort au mois de juin 2000, les services de soins palliatifs au Canada sont souvent fragmentés ou inexistants. Il arrive que les malades n’y aient accès que peu de temps avant la mort ou même, dans bien des cas, qu’ils n’en bénéficient jamais. Le rapport indique aussi que les soins palliatifs dispensés dans les hôpitaux sont habituellement payés par les régimes d’assurance-santé provinciaux, qui couvrent en général les soins professionnels et les médicaments, les fournitures médicales et l’équipement dont le malade a besoin pendant son séjour à l’hôpital. Par contre, dans les établissements de soins de longue durée, les résidents doivent parfois payer divers montants pour leurs soins et leurs fournitures.

Selon le Comité, il est clair qu’on doit assurer des soins palliatifs adéquats et universels et que ceux-ci doivent être dispensés de façon à respecter les volontés du mourant et des êtres qui lui sont chers.

Diverses composantes du système de soins de santé interviennent dans les nombreux aspects des soins palliatifs de fin de vie. En ce qui touche les grandes orientations, il est important que le gouvernement fédéral et les provinces et territoires travaillent ensemble pour veiller à ce que les Canadiens reçoivent des soins adéquats et puissent faire des choix en matière de soins de fin de vie.

Le Comité reconnaît qu’il est important d’assurer l’accès aux services de soins palliatifs aux Canadiens de tous âges et dans tous les secteurs concernés du système de soins de santé, à savoir les hôpitaux, les hospices, les services communautaires et les organisations non gouvernementales. Il est également conscient que permettre l’accès universel aux services de soins palliatifs dans tous ces secteurs exigerait des changements importants qu’il serait très difficile de mettre en œuvre.

Selon des études récentes, plus de 80 % des Canadiens meurent à l’hôpital, alors que pas moins de 80 à 90 % préféreraient finir leurs jours à la maison, auprès de leur famille et dans des conditions de vie aussi normales que possible. Cependant, il arrive souvent que les services nécessaires à domicile n’existent pas. Ceux qui existent sont habituellement le fruit d’initiatives prises au niveau communautaire ou par des instances locales et les régies régionales de la santé, et non pas d’une politique gouvernementale destinée à l’ensemble de la population canadienne.

Le Comité est convaincu qu’il est essentiel que le gouvernement fédéral contribue dans une large mesure à procurer aux Canadiens des soins palliatifs à domicile. Cependant, il lui a été impossible d’obtenir des données qui permettraient d’estimer d’une façon assez exacte le coût d’un programme national de soins palliatifs à domicile. Ni les experts que le Comité a consultés ni les sources susceptibles de détenir des statistiques exactes sur les soins palliatifs n’ont pu lui fournir des détails sur les coûts des soins palliatifs à domicile. Quoi qu’il en soit, le Comité estime que le gouvernement fédéral devrait réserver dès maintenant les fonds nécessaires pour payer les coûts initiaux d’un programme qui devrait être élaboré conjointement avec les provinces et les territoires et financé selon une formule de partage à parts égales. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral s’engage à verser 250 millions de dollars par année au titre d’un programme national de soins palliatifs à domicile, élaboré de concert avec les provinces et les territoires et financé à 50 % par chacune des deux parties.

 

9.2     Aide financière aux fournisseurs de soins palliatifs à domicile

En plus d’aider à établir un programme national de financement des soins de fin de vie pour les Canadiens qui choisissent de mourir à la maison, le gouvernement fédéral devrait prendre d’autres mesures pour alléger le fardeau qui incombe actuellement à des milliers d’aidants naturels. Il est question de ces mesures dans la présente section et dans celles qui suivent.

Les coûts des soins de fin de vie à domicile sont présentement assumés en grande partie par la famille du malade. Dans la deuxième phase de son étude, le Comité a appris qu’en général, la majorité des aidants naturels sont des femmes qui, bien souvent, doivent s’occuper à la fois de leurs parents vieillissants et de leurs propres enfants, en plus de travailler à l’extérieur à plein temps. Ce cumul de responsabilités peut entraîner des maladies liées au stress et des absences du travail pour le soignant, et accroître le risque de négligence et de mauvais traitements pour le malade.

Dans le rapport intitulé Caring about Caregiving: The Eldercare Responsibilities of Canadian Workers and the Impact on Employers, qu’il a publié en 1999, le Conference Board du Canada signale que 48 % des personnes qui dispensent des soins personnels à domicile ont déclaré qu’il leur était très difficile de concilier leurs obligations personnelles et leur vie professionnelle; 42 % ont dit vivre énormément de stress en essayant de concilier leurs divers rôles; 57 % ont affirmé ne pas avoir suffisamment de temps pour elles-mêmes; 53 % ont réduit leurs heures de sommeil et 44 % avaient eu des problèmes de santé mineurs au cours des six derniers mois.

Ces statistiques, qui s’appliquent à tous les fournisseurs de soins à domicile et pas seulement à ceux qui prodiguent des soins palliatifs, montrent que la dépendance à l’égard de soignants naturels coûte cher aux Canadiens, même si cela permet au système de santé de faire des économies. Si ce n’était des soignants naturels, les coûts des hôpitaux et des autres fournisseurs de soins seraient fort probablement plus élevés.

Dans le volume quatre de son étude, le Comité insiste sur l’importance d’accorder un soutien aux soignants naturels. Il reconnaît que les dispositions fiscales actuelles ne permettent pas de rémunérer ces personnes dans une juste mesure pour le temps et les ressources qu’elles consacrent à un membre de la famille malade. Il souligne le fait que le Conseil consultatif national sur le troisième âge (CCNTA) avait recommandé qu’on modifie le Régime de pensions du Canada (RPC) et le programme d’assurance-emploi afin de tenir compte des personnes qui quittent temporairement leur emploi pour assumer des responsabilités d’aidant naturel.

Si l’on soutenait mieux les aidants naturels en leur fournissant des ressources financières et documentaires, les mourants pourraient recevoir des soins de qualité et choisir l’endroit où ils veulent passer leurs derniers jours. Un soutien accru permettrait aux soignants de bénéficier des connaissances, des compétences, de la sécurité de revenu, de la protection d’emploi et d’autres formes d’appui dont ils ont besoin pour s’occuper d’un être cher mourant sans compromettre leur santé et leur bien-être au cours du passage de la vie à la mort et de la période de deuil.

Bien des travailleurs canadiens sont confrontés à des choix difficiles lorsqu’ils doivent subvenir aux besoins de leur famille tout en s’occupant d’un parent atteint d’une maladie en phase terminale. Limiter la perte de revenus durant cette période très difficile serait un premier pas important pour améliorer la situation des soignants naturels.

Dans le volume quatre, le Comité cite des statistiques du CCNTA selon lesquelles on augmenterait le coût global de l’assurance-emploi d’environ 670 millions de dollars par année si l’on versait des prestations aux personnes qui quittent leur emploi pour s’occuper d’un parent malade. Cette estimation repose sur le nombre total de soignants et sur une période de prestations de dix semaines. Si l’on se fie aux données de Statistique Canada sur le nombre réel de malades bénéficiant de soins palliatifs, et si l’on réduit légèrement la période d’admissibilité aux prestations, le Comité est d’avis qu’il en coûterait beaucoup moins que la somme avancée par le CCNTA pour verser des prestations d’assurance-emploi aux aidants naturels qui donnent des soins palliatifs à domicile.

En 1999, 219 530 Canadiens sont décédés, mais ils n’ont pas tous eu besoin de soins palliatifs. En éliminant les décès dus à des accidents et à certains types de maladies, le Comité estime qu’environ 160 000 Canadiens pourraient avoir besoin de soins palliatifs au cours d’une année donnée. Si l’on utilise des prestations moyennes d’assurance-emploi de 257 $ par semaine et une période de prestations de six semaines (au lieu des dix semaines préconisées par le CCNTA), le Comité est d’avis qu’il en coûterait environ 240 millions de dollars par année pour verser des prestations aux personnes qui dispensent des soins palliatifs à domicile. Selon le Comité, il faudrait accorder jusqu’à six semaines de congé aux employés qui veulent prodiguer des soins palliatifs à domicile à parent mourant, et le gouvernement fédéral devrait envisager de permettre aux employés qui se prévalent de ce congé d’avoir droit à des prestations d’assurance-emploi. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral étudie la possibilité de permettre que des prestations d’assurance-emploi soient versées pendant une période de six semaines aux salariés canadiens qui choisissent de s’absenter du travail pour prodiguer des soins palliatifs à domicile à un parent mourant.

 

9.3     Crédit d’impôt pour fournisseurs de soins

Le programme d’assurance-emploi n’est pas le seul moyen d’aider les soignants. Les crédits d’impôt en sont un autre. Dans le budget de 1998, on reconnaissait que les familles s’occupant d’un être cher malade avaient besoin d’une aide gouvernementale et l’on prévoyait un crédit d’impôt pour les personnes qui vivent avec leur mère ou leur père âgé, un grand-parent ou un parent handicapé à charge et qui lui dispensent des soins à domicile. Ce crédit réduit l’impôt fédéral-provincial combiné d’un montant pouvant atteindre 600 $.

Le gouvernement fédéral accorde également un crédit d’impôt pour frais médicaux. Ce crédit permet aux Canadiens de déduire de leur revenu le coût de certains appareils, soins ou équipements médicaux. Il existe également d’autres crédits d’impôt, dont le crédit d’impôt pour personnes handicapées et la déduction pour frais de soins auxiliaires.

Le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral étudie la possibilité d’étendre  l’application des mesures fiscales déjà existantes aux personnes qui s’occupent d’un membre d’un proche mourant ou à celles qui paient pour obtenir ces services au nom du mourant.

 

9.4     Protection des emplois

En vertu de la Constitution, ce sont les provinces qui assument la responsabilité première en matière de législation du travail, notamment en matière de protection des emplois. Cependant, certains secteurs relèvent de la compétence du gouvernement fédéral, soit les fonctionnaires fédéraux, le personnel militaire et les employés des pénitenciers fédéraux. Ces personnes sont régies par le Code canadien du travail et c’est le Conseil du Trésor qui est responsable des employés du gouvernement fédéral.

En ce qui concerne la protection des emplois, le gouvernement fédéral pourrait prendre l’initiative de voir à ce que les employés qui s’absentent du travail pour s’occuper d’un parent mourant ne risquent pas de perdre leur emploi. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral modifie le Code canadien du travail de façon à permettre aux employés de s’absenter dans les situations de crise familiale, par exemple pour s’occuper d’un proche mourant, et qu’il collabore avec les provinces afin de favoriser de telles modifications aux codes provinciaux du travail.

De plus, le gouvernement fédéral pourrait prendre d’autres mesures en ce qui concerne ses propres fonctionnaires. Le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral prenne l’initiative en tant qu’employeur en modifiant la législation du Conseil du Trésor afin de protéger les emplois de ses propres employés qui s’occupent d’un proche mourant.

 

9.5     Conclusion

Le gouvernement fédéral peut agir comme chef de file et appuyer les Canadiens en fin de vie et leur famille, notamment en veillant à offrir à ceux qui le désirent les services dont ils ont besoin pour mourir à la maison avec dignité. Un nouveau programme national à frais partagés assurant la prestation de soins palliatifs à domicile représenterait un pas important dans ce sens.

De plus, les autres mesures recommandées dans le présent chapitre amélioreraient sensiblement la situation des personnes qui choisissent de prodiguer des soins à un parent malade à la maison. On pourrait offrir une aide financière immédiate aux soignants par le biais du programme d’assurance-emploi. De plus, cette solution mènerait probablement à l’adoption de lois sur la protection des emplois dans les provinces, comme dans le cas des dispositions relatives aux prestations de maternité complémentaires. Cette option présente cependant un inconvénient puisqu’elle ne vise que les travailleurs assurés. Les crédits d’impôt, quant à eux, ont l’avantage de procurer une couverture plus large, mais ils ne permettent pas de remplacer le revenu en période de besoin et ne contribueraient probablement pas à l’adoption de mesures législatives pour protéger les emplois.

Prises globalement, toutes les recommandations du présent chapitre forment un ensemble de mesures qui, si elles sont mises en œuvre, marqueront un véritable progrès vers la prestation de soins de fin de vie de qualité aux Canadiens.


[1] La plus grande partie de l’information fournie dans cette section provient d’un document de l’Institut canadien d’information sur la santé : Drug Expenditure in Canada, 1985-2001, Ottawa, avril 2002. On trouvera le communiqué annonçant ce rapport sur le site Web de l’ICIS : http://secure.cihi.ca/cihiweb/dispPage.jsp?cw_page=media_24apr2002_e.

[2] Stephane Jacobzone, Pharmaceutical Policies in OECD Countries: Reconciling Social and Industrial Goals, étude hors-série no 40, Politique du marché du travail et politique sociale, OCDE, avril 2000 (www.oecd.org).

[3] Cette section se fonde sur des données fournies par Fraser Group/Tristat Resources : Drug Expenses Coverage in the Canadian Population: Protection From Severe Drug Expenses, août 2002. Cette étude a été commandée par l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, à la demande du Comité.

[4] Bien que cela ne se produise pas couramment, environ 4 000 participants à des régimes privés ont dépassé ce montant en 2000. Nous ne disposons pas d’un chiffre comparable pour les régimes publics.

 

[5] Notons qu’il serait possible de mettre au point des modalités de paiement pour permettre aux personnes qui ne sont pas en mesure d’attendre le remboursement du gouvernement à la fin de l’année de bénéficier d’un crédit sur le lieu de vente, ou quelque autre mécanisme similaire pour réduire à une limite raisonnable les dépenses payées de leur poche.

[6] Volume quatre, p. 75-76.

[7] Programmes provinciaux et territoriaux de soins à domicile : Une synthèse pour le Canada, Santé Canada, juin 1999.

[8] Laporte, A., Croxford, R., Coyte, P.C., Access to home care services The role of socio-economic status, Présentation à la conférence de l’Association canadienne pour la recherche en économie de la santé, Halifax, mai 2002.

[9] Ibid.

[10] Mémoire présenté au Comité, p. 3.

[11] Mémoire présenté au Comité, p. 3.

[12] Le Comité désire souligner l’aide précieuse fournie par le Dr Peter Coyte afin de préparer sa proposition visant l’élaboration d’un programme national public de soins actifs à domicile. M. Coyte est professeur en économie de la santé et président des services de santé CIHR/FCRSS à l’Université de Toronto. Il est également co-directeur du Home and Community Care Evaluation and Research Centre et président de l’Association canadienne pour la recherche en économie de la santé. Plusieurs recommandations ont été élaborées par le professeur Coyte dans un document d’appui préparé à la demande du Comité.

[13] Coyte, P.C., Young, W., Regional variations in the use of home care services in Ontario, 1993/1995. Canadian Medical Association Journal, 161:4, 376-380, 1999; Coyte, P.C., Young, W., Reinvestment in and use of home care services, Rapport technique no 97-05-TR, Institute for Clinical Evaluative Studies, Toronto (Ontario), novembre 1997; Coyte, P.C., Young, W., DeBoer, D., Home care report for the Health Services Restructuring Commission. Rapport à la Commission de restructuration des services de santé,  Toronto, 1997.

[14] Hollander, M., The costs, and cost-effectiveness of continuing care services in Canada. Queen's-University of Ottawa Economic Projects Ottawa, 1-113, 1994; Coyte et Young (1999); Coyte et Young (1997); Coyte, Young et DeBoer (1997); Kenney, G.M., How access to long-term care affects home health transfers. Journal of Health Politics Policy and Law, 83: 412-414, 1993.

[15] Coyte et Young (1999); Coyte et Young (1997); Coyte, Young et DeBoer (1997).

[16] Plusieurs études ont exploré la classification des périodes d’hospitalisation et des SAD connexes. En se basant sur le travail accompli par la Commission de restructuration des services de santé en Ontario, par exemple, il serait possible d’assigner chaque hospitalisation et chaque cas de chirurgie d’un jour soit à l’une des vingt-cinq catégories cliniques principales, de type exclusif et exhaustif, dans le cas de soins à l’hôpital (hospitalisation), soit à un des six groupes de chirurgie d’un jour. [Coyte et Young (1999); Coyte et Young (1997); Coyte, Young et DeBoer (1997); Kenney (1993); Institut canadien d’information sur la santé : Length of stay database by CMG. Institut canadien d’information sur la santé, Ottawa, 1994. Institut canadien d’information sur la santé, DPG booklet. Institut canadien d’information sur la santé, Ottawa, 1996.]

[17] Kenney (1993); Kenney, G.M., Understanding the effects of PPS on Medicare home health use. Inquiry, 28: 129-139, 1991.

[18] Kenney (1993).

[19] Mémoire présenté au Comité, 17 juin 2002, p. 7.

[20] Valdeck, B.C., Miller, N.A., The Medicare home health initiative. Health Care Financing Review, 16:1, 7 – 16, 1994; Phillips, B.R., Brown, R.S., Bishop, C.E., et autres, Do preset per visit payments affect home health agency behaviour? Health Care Financing Review, 16:1, 91- 107, 1994.

[21] Santé Canada, Dépenses de santé au Canada selon l’âge et le sexe, 1980-1981 à 2000-2001. Politique de la santé et communications, Santé Canada, Ottawa, août 2001.

[22] Ibid.

[23] Coyte et Young (1999); Coyte et Young (1997); Coyte, Young et DeBoer (1997).

[24] Voir la figure 8.4.

[25] Peter Coyte, Communication personnelle, M. Carl Marshall, directeur associé, Administration, finance et admissibilité, programmes de médicaments, Ministère de la santé et des soins de longue durée de la province de l’Ontario, 2002.

[26] Supposons que les dépenses du programme de médicaments de l’Ontario attribuables aux soins de santé à domicile représentent seulement les coûts cachés engagés par les personnes de moins de soixante-cinq ans durant la période de soins à domicile reçus. Selon cette hypothèse, l’estimation des coûts cachés liés à cette période de soins à domicile s’élève à 627,97 $ (en dollars 2001). Étant donné que ces coûts sont supposés être uniformes dans toutes les catégories de bénéficiaires de soins à domicile, ils peuvent servir à calculer un facteur d’inflation des « coûts cachés » pour les SAD. Ce facteur tenant compte de l’inflation peut être défini comme étant la valeur un plus le ratio des coûts cachés (627,97 $) par rapport aux coûts par bénéficiaire de SAD. Ces derniers dépendent des coûts attribuables aux soins de santé à domicile pour les bénéficiaires de SAD divisés par le nombre de bénéficiaires (137 915 d’après la figure 4). En utilisant les chiffres de l’Ontario, conjointement avec l’estimation élevée des coûts de SAD, le facteur d’inflation des coûts cachés s’élève à 1,1731 tandis qu’il s’élève à 1,2796 en utilisant l’estimation plus basse des coûts de SAD.

[27] L’estimation basse a été calculée en utilisant la formule 2 690,9 M $ * 1,119 * 0,265 * 1,2796 tandis que l’estimation élevée a été dérivée de :  2 690,9 M $ * 1,119 * 0,428 * 1,1731. 


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