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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

La santé des Canadiens – Le rôle du gouvernement fédéral

Rapport final

Volume six : Recommandations en vue d'une réforme


PARTIE V: 
ACCROÎTRE LA CAPACITÉ ET CONSTRUIRE L'INFRASTRUCTURE


CHAPITRE DIX
le rôle du gouvernement fédéral dans l’infrastructure de soins de santé 

Dans le volume cinq, le Comité a présenté ses conclusions et ses recommandations d'ensemble en ce qui a trait au rôle du gouvernement fédéral dans l’infrastructure des soins de santé[1]. Ces recommandations étaient fondées sur le troisième des rôles que le Comité a attribués au gouvernement fédéral, dans le volume quatre, au sujet des soins de santé et de la santé en général, en l’occurrence celui touchant le « soutien de l’infrastructure des soins de santé et de l’infostructure de la santé »[2].

Dans le présent chapitre, le Comité précise ses recommandations relatives aux technologies de la santé (section 10.1), aux dossiers de santé électroniques (section 10.2) et à l’évaluation de la qualité, de l’efficacité et des résultats (section 10.3). Ce sont là les trois aspects de l’infrastructure canadienne des soins de santé auxquels, selon le Comité, le gouvernement fédéral doit accorder la priorité.

La collecte de renseignements sur les patients aux fins d’un système de dossiers de santé électroniques (DES) et l’utilisation de ces renseignements aux fins 1) de la pratique clinique, 2) de la gestion du système, 3) de l’évaluation de l’efficacité et des résultats et 4) des recherches en santé soulève un certain nombre de questions importantes et complexes touchant la protection des renseignements personnels en matière de santé. Celles-ci sont abordées à la section 10.4.

 

10.1   Technologies de la santé

Dans le volume cinq, le Comité constate que, malgré l’importance que revêtent les technologies de la santé dans la prestation de services de qualité supérieure en temps opportun, le Canada traîne encore très nettement de l’arrière par rapport aux autres pays de l’OCDE sur le plan de l’accès aux nouvelles technologies. En effet, il est au 21e rang des 28 pays de l’OCDE pour ce qui est de l’accès à un tomodensitomètre, au 19e rang (sur 22) pour l’accès à un lithotripteur et 19e (sur 27) pour l’accès à un IRM. Il n’est en bonne place qu’au chapitre de l’accès aux appareils de radiologie (6e sur 17).

Pire encore, les chiffres montrent que l’écart se creuse. Ainsi, la position du Canada par rapport aux autres pays de l’OCDE, notamment l’Australie, la France, les Pays-Bas et les États-Unis, pour ce qui est de l’accès à l’IRM, a reculé entre 1986 et 1995[3].

En outre, toujours dans le volume cinq, nous faisons remarquer que le « vieillissement » des appareils pose aussi problème. D’après des informations communiquées au Comité, 30 à 63 % des appareils d’imagerie médicale actuellement utilisés au Canada sont désuets. Cette situation risque non seulement d’affecter la santé des patients, mais elle suscite des préoccupations quant à la responsabilité des professionnels de la santé[4].

Le Comité craint que le manque d’équipement et l’utilisation d’appareils désuets ne nuisent à l’établissement de diagnostics précis et à la qualité des traitements. En outre, nous craignons que le déficit sur le plan des technologies de la santé n’ait eu pour effet de limiter l’accès aux soins nécessaires et d’allonger les périodes d’attente. À notre avis, les technologies de la santé sont essentielles pour pouvoir offrir aux Canadiens des soins de santé de qualité supérieure en temps opportun.

En septembre 2000, le gouvernement fédéral a décidé de remédier au déficit sur le plan des technologies de la santé en créant le Fonds pour l’acquisition de matériel médical (FAMM). Il a versé un milliard de dollars aux provinces et territoires (au prorata de leurs populations, sur une période de deux ans) afin de leur permettre d’acheter des technologies de la santé. Le Comité se réjouit de cette injection de nouveaux fonds fédéraux. Cependant, nous avons soulevé plusieurs préoccupations dans le volume cinq relativement au FAMM :

·        Premièrement, toutes les provinces n’ont pas encore réclamé la part qui leur revient, sans doute parce que le gouvernement fédéral exige qu’elles fournissent une subvention de contrepartie, ce qui est difficile pour certaines d’entre elles.

·        Deuxièmement, l’exploitation de nouveaux équipements entraîne de nouvelles dépenses, qui peuvent être difficiles à assumer même pour les provinces qui ont les moyens de s’équiper.

·        Troisièmement, cet investissement ne règle en rien le problème de la modernisation des équipements désuets.

·        Quatrièmement, même les nouvelles sommes investies dernièrement ne porteront pas le Canada à un niveau comparable à celui des autres pays de l’OCDE.

·        Enfin, il n’existe apparemment pas de mécanisme de reddition de comptes qui permette de savoir ce que font exactement les provinces et les territoires des sommes qui leur sont accordées pour acheter de l’équipement neuf.

En juillet 2002, l’Association médicale canadienne a remis un rapport sur le Fonds pour l’acquisition de matériel médical qui traite d’un grand nombre de ces préoccupations[5]. Voici ce que l’on apprend à la lecture de ce document d’information :

·        Comme il n’existe pas de mécanismes de reddition de comptes transparents, il est difficile de déterminer si les objectifs ultimes du FAMM ont été atteints.

·        Près de 60 % du milliard de dollars versé par l’intermédiaire du FAMM ont servi à absorber de nouvelles dépenses (supplémentaires) dans le domaine des technologies de la santé, tandis que 40 % ont alimenté des dépenses déjà prévues.

·        Le FAMM a permis d’apporter des améliorations allant de modestes à importantes dans l’accès aux technologies de la santé au Canada par rapport aux autres pays de l’OCDE. Par exemple, l’écart dans ce domaine a été considérablement réduit dans le cas des appareils de radiologie et d’IRM depuis l’adoption du FAMM, mais cet écart demeure important dans le cas des tomodensitomètres, des tomographes par émission de positrons et des lithotripteurs.

·        On estime à quelque 1,15 milliard de dollars l’investissement qui est encore nécessaire pour permettre au Canada de se hisser au niveau moyen établi pour sept pays de l’OCDE en 1997. Sur cette somme, 650 millions de dollars devront servir à l’achat de nouveaux équipements médicaux et 500 millions de dollars au financement des frais de fonctionnement supplémentaires. Il faudra à tout prix que les provinces et territoires disposent de cette somme pour être en mesure de se prévaloir des fonds destinés à l’achat de matériel, faute de quoi l’investissement pourrait ne pas se réaliser, certaines provinces et certains territoires risquant de ne pas avoir les moyens financiers d’exploiter le nouvel équipement.

Les estimations d’ensemble de l’Association médicale canadienne sont très prudentes; elles se limitent à quelques appareils seulement (tomodensitomètres, IRM, lithotripteurs, tomographes par émission de positrons et accélérateurs linéaires). Qui plus est, l’investissement de 1,15 milliard de dollars dans les technologies de la santé ne permettrait au Canada que de se hausser au niveau atteint en 1997 par les autres pays de l’OCDE pour ce qui est de ces cinq appareils en particulier[6].

D’après d’autres calculs effectués par l’Association canadienne des institutions de santé universitaires, les centres universitaires des sciences de la santé (CUSS) auront besoin de 1,7 à 2,5 milliards de dollars (soit quelque 420 millions de dollars par an sur cinq ans) pour acheter et exploiter du matériel médical de pointe.

Les constats auxquels parviennent l’Association médicale canadienne et l’Association canadienne des institutions de santé universitaires dans leurs documents confortent le Comité dans ses observations et conclusions du volume cinq. Nous croyons donc que l’achat de technologies de la santé exige l’injection de nouveaux fonds. Nous croyons aussi que le gouvernement fédéral devra soutenir financièrement les provinces et les territoires pour leur permettre d’acquérir du nouveau matériel médical.

Le Comité estime que le gouvernement fédéral doit veiller à ce que tous les nouveaux fonds destinés aux technologies de la santé soient consacrés à l’achat de matériel médical plutôt qu’au financement de dépenses déjà prévues. Nous sommes en outre intimement convaincus qu’il faudrait resserrer les mécanismes de reddition de comptes pour ce qui est de l’utilisation des fonds fédéraux ciblés, comme le FAMM.

Le Comité fait par ailleurs remarquer, dans le volume cinq, qu’il convient d’effectuer davantage d’évaluations des technologies de la santé (ETS) au moment de décider de l’adoption de technologies nouvelles ou du remplacement des appareils médicaux[7]. L’ETS permet d’obtenir des informations sur la sûreté des technologies, leur efficacité clinique et leur rentabilité et elle prend en compte les aspects sociaux, juridiques et éthiques du recours aux technologies de la santé. Le Comité insiste sur le fait que, tous ordres de gouvernement confondus, le Canada investit annuellement moins de 8 millions de dollars au total dans l’ETS, comparativement aux quelque 100 millions de dollars que le Royaume-Uni consacre à son National Institute for Clinical Evidence (NICE). Forts de ce constat, nous recommandons, dans le volume cinq, que le gouvernement fédéral accroisse le montant des fonds destinés aux organismes chargés de l’ETS afin de favoriser l’évaluation des technologies de la santé courantes et nouvelles.

Enfin, le Comité croit qu’une part importante du financement destiné à l’achat de technologies de la santé devrait aller aux CUSS qui possèdent actuellement une grande partie du matériel médical de pointe. De plus, les CUSS sont bien placés, compte tenu de leur infrastructure matérielle et clinique, pour se lancer dans des activités d’ETS de pointe. Le Comité estime que le financement fédéral consacré aux technologies de la santé ne devrait pas être consenti à des cliniques privées puisqu’elles n’exercent aucune activité d’enseignement, d’évaluation ou de recherche.

Le Comité prend acte du rôle important que jouent les CUSS dans la mise en place et l’évaluation des nouvelles technologies de la santé. Nous reconnaissons que les hôpitaux communautaires doivent, eux aussi, pouvoir investir davantage dans l’achat de nouveau matériel médical. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de premier plan pour maintenir l’investissement à long terme dans les technologies de la santé nécessaires.

Le Comité ne croit cependant pas qu’un programme comme le FAMM soit le moyen à utiliser pour atteindre cet objectif. Nous sommes d’accord avec la position des témoins à l’effet que le financement fédéral doit s’inscrire dans un cadre financier pluriannuel et viser à satisfaire aux demandes émanant des établissements de santé eux-mêmes, dont l’examen serait confié à un groupe d’experts indépendants. À nos yeux, cette formule correspond à un modèle de gouvernance plus efficace et responsable.

Ainsi, en vertu de ce modèle, les hôpitaux universitaires et communautaires ainsi que les régies régionales de la santé (RRS) seraient tenus d’assortir leurs demandes de solides justifications quant aux ressources supplémentaires requises. Le bien-fondé de chaque demande serait évalué par un groupe d’experts indépendants qui ferait ensuite rapport au ministre de la Santé. En outre, afin de garantir la reddition de comptes, les candidats retenus devraient faire rapport de la façon dont ils dépensent les fonds perçus. Le Comité recommande donc :

Que le gouvernement fédéral verse aux hôpitaux des fonds expressément destinés à l’achat et à l’évaluation de technologies de la santé.  Le gouvernement fédéral devrait consacrer à cette fin 2,5 milliards de dollars au total sur cinq ans (ou 500 millions de dollars par année). De ce montant, 400 millions de dollars seraient alloués annuellement aux centres universitaires des sciences de la santé, et 100 millions de dollars aux hôpitaux communautaires. Le financement des hôpitaux communautaires serait partagé à parts égales avec les provinces, tandis que la financement des centres serait assuré intégralement par le gouvernement fédéral.

Que les établissements bénéficiant de ce programme fassent rapport de la façon dont ils utilisent les fonds reçus.

 

10.2   Dossiers de santé électroniques

Le dossier de santé électronique (DSE) s’appuie sur un système automatisé alimenté par les fournisseurs de soins de santé, à l’intérieur d’un réseau électronique donnant accès au dossier de santé complet du patient, notamment aux renseignements concernant les visites chez le médecin, les séjours à l’hôpital, les médicaments prescrits, les analyses de laboratoire, etc. Dans le volume cinq, le Comité rappelait que le système de DSE représente la première étape d’un processus de collecte de renseignements sur la santé qui permettra de prendre des décisions fondées sur des données probantes dans l’ensemble du système de soins de santé. Un système de DSE offre d’énormes possibilités pour réaliser l’intégration des divers éléments du système de soins de santé du Canada, actuellement cloisonné[8].

Tout système de DSE possède l’importante caractéristique suivante : il permet aux fournisseurs de soins de santé et aux établissements, où qu’ils se trouvent, d’accéder au besoin à des renseignements sur les patients, grâce à l'interconnexion de bases de données interopérables qui respectent les normes nécessaires en matière de technique et de données. Un tel système permet non seulement d’accroître sensiblement la qualité de la prestation et la rapidité d’accès aux soins, mais il permet aussi d’améliorer la gestion et l’efficacité du système de soins de santé de même que la reddition de comptes à son égard. De plus, les données recueillies grâce à un système de DSE peuvent être très utiles aux fins de la recherche en santé.

Les avantages d’un tel système sont nombreux :

La mise en œuvre à l’échelle nationale de solutions de DSE interopérables, qui permettent aux fournisseurs de soins et à leurs patients de disposer de données complètes et transférables, habiliteront les Canadiens et permettront d’améliorer la qualité, la sécurité, l’accessibilité, la rapidité et l’efficacité des services.

De plus, leur mise en œuvre permettra de créer, d’analyser et de diffuser, à l’échelle du Canada et du monde, des données grâce auxquelles les patients, les citoyens et les aidants, de même que les professionnels de la santé, les fournisseurs de soins, les administrateurs du réseau de la santé ainsi que les responsables des orientations politiques pourront prendre des décisions plus informées. Grâce aux DSE, il sera possible de maximiser le rendement des investissements dans les TIC, grâce à l’harmonisation des systèmes, et de favoriser l’interopérabilité de même que l’élaboration de normes communes[9].

Tous les ordres de gouvernement du Canada ont reconnu l’importance d’élaborer et de mettre en œuvre des systèmes de DSE. En effet, le 11 septembre 2000, les premiers ministres provinciaux ont convenu de collaborer à l’établissement d’un système intégré au cours des trois prochaines années et à la formulation de normes communes de données destinées à assurer la compatibilité et l’interopérabilité des réseaux provinciaux d’information sur la santé, de même qu’à garantir une stricte protection des renseignements médicaux personnels.

À l’appui de l’accord conclu par les premiers ministres, le gouvernement fédéral a engagé 500 millions de dollars en 2000-2001 afin de mettre sur pied une société sans but lucratif du nom d’Inforoute Santé du Canada Inc. (ou Inforoute). Inforoute n’est ni un organisme fédéral, ni une société d’État et elle n’est pas non plus contrôlée par le gouvernement fédéral. Inforoute regroupe les sous-ministres de la Santé des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et elle est régie par un conseil d’administration dont les membres représentent les différentes régions du Canada[10] et comptent aussi quelques administrateurs indépendants.

En juillet 2002, Inforoute a transmis au Comité un exemplaire de son plan d’activités. L’organisme y indique son intention d’investir dans des projets susceptibles d’améliorer les soins dispensés aux patients, à partir de la base de gestion de l’information existante, de multiplier les investissements et d’harmoniser les priorités fédérales, provinciales et territoriales de façon durable pour parvenir à mettre en œuvre un système pancanadien de DSE.

Le Comité est conscient que les coûts associés à la mise en œuvre d’un système pancanadien et interopérable de DSE dépasseront de loin l’investissement initial de 500 millions de dollars du gouvernement fédéral. En fait, d’après les données d’Inforoute, la mise en place d’un système coordonné de DSE à l’échelle du Canada coûtera 2,2 milliards de dollars. S’il devait ne pas y avoir de coordination, autrement dit si les instances responsables travaillaient chacune de leur côté, les coûts ponctuels de mise en œuvre atteindraient alors 3,8 milliards de dollars. Force est de constater que la mise en place d’un système de DSE exigera de gros efforts de coordination de la part de toutes les instances concernées, de même que la mise en commun des ressources, la collaboration du secteur privé et le recours à de nouvelles sources de financement.

Dans l’ensemble, le Comité se réjouit du travail entrepris par Inforoute en vue de la mise en œuvre d’un système national de DSE. Nous croyons qu’un tel système sera grandement profitable aux Canadiens et à leur système public de soins de santé si sa portée est nationale. En fait, l’établissement d’un système national de DSE est crucial. En conséquence, nous estimons que le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership et débloquer les ressources nécessaires à cette fin. Le Comité réitère donc la recommandation qu’il avait formulée dans le volume cinq, à savoir :

Que le gouvernement fédéral accorde un financement additionnel à Inforoute Santé du Canada Inc. pour permettre à cette entreprise de créer, de concert avec les provinces et les territoires, un système national de dossiers de santé électroniques.

De plus, le Comité recommande :

Que le financement fédéral supplémentaire versé à Inforoute s’élève à 2 milliards de dollars sur cinq ans, soit une enveloppe annuelle de 400 millions de dollars.

La question de la protection de la vie privée, de la confidentialité et de la sécurité des renseignements personnels sur la santé dans le contexte d’un système de DSE est probablement l’aspect le plus délicat soulevé lors des audiences du Comité à ce sujet. Nous y reviendrons plus en détail à la section 10.4. Il convient toutefois de souligner ici qu’un système de DSE offre de réelles possibilités d’amélioration de la protection des renseignements médicaux personnels. À l’heure actuelle, rien ne garantit la protection des dossiers médicaux personnels. De plus, les patients n’ont pas facilement accès à leurs propres dossiers et, en fait, ne savent même pas où ceux-ci se trouvent. Le Comité est d’avis que l’absence de DSE communs met en péril la protection des renseignements personnels et la qualité des soins de santé en raison de la dispersion de parcelles de renseignements ici et là dans les dossiers des cabinets de médecin, des hôpitaux, des services de santé publique, des fournisseurs de soins à domicile, des centres d’hébergement et de soins de longue durée, etc.

 

10.3   Évaluation de la qualité, de l’efficacité et des résultats

Dans le volume cinq[11], le Comité affirme qu’un investissement à long terme dans les technologies de l’information et des communications, notamment dans un système de DSE, permettra de recueillir des renseignements plus pertinents et plus opportuns sur l’accès aux soins, la qualité de leur prestation, l’efficacité du système de soins et ses résultats pour le patient. Nous indiquons aussi que les gouvernements doivent financer le système de DSE sans toutefois se charger d’évaluer les données sur la santé, la qualité des soins et les résultats. À l’instar des témoins, nous reconnaissons que la collecte et l’évaluation des renseignements sur la santé sont actuellement effectuées par ceux qui financent et assurent la prestation des soins de santé, à savoir les gouvernements.

Nous avons ainsi constaté que les résultats ne font l’objet d’aucune évaluation indépendante et qu’il n’existe pas de vérification externe de l’impact des diverses interventions sur les patients. Cette même préoccupation a été soulevée dans les rapports des différentes commissions provinciales sur les soins de santé. À la lumière des témoignages et des rapports provinciaux, le Comité a conclu que le rôle d’évaluation du système de soins de santé doit être dissocié de celui qui est lié au financement et à la prestation des soins afin de permettre une évaluation indépendante de l’efficacité et des résultats du système de soins de santé.

Comme cela est expliqué en détail au chapitre un, le Comité est d’avis qu’une telle évaluation indépendante doit être menée à l’échelle nationale (et non fédérale). Ce genre d’approche permettrait une mise en commun des compétences de nature à optimiser l’emploi des ressources humaines limitées dont dispose actuellement le Canada, d’où la réalisation d’importantes économies d’échelle. C’est pourquoi nous recommandons la création d’un poste de commissaire national aux soins de santé chargé de formuler des observations et des recommandations sur l’efficacité du système de soins de santé, l’état de santé de la population et les résultats obtenus.

De plus, le Comité croit que le travail du commissaire national aux soins de santé aux fins de l’évaluation de l’efficacité et des résultats du système de soins de santé devrait reposer sur celui des organismes nationaux actuellement chargés de procéder à des évaluations indépendantes du système.

Le Comité est intimement convaincu que l’Institut canadien de l’information sur la santé (ICIS) devrait être appelé à collaborer à un système national d’évaluation indépendante. Nous estimons que l’ICIS a fait ses preuves dans la collecte de données normalisées et l’élaboration d’indicateurs applicables au système de soins de santé. Le fruit de ses travaux est le résultat d’une collaboration avec divers ordres de gouvernement et de multiples intervenants.

De plus, l’ICIS dispose déjà d’imposantes données d’archives de nature à faciliter la surveillance du système de soins de santé (dans différents domaines comme les ressources humaines, les effets indésirables, les délais d’attente, les groupes homogènes de patients (DRG), l’efficacité du système, les indicateurs de l’état de santé, la gestion financière, etc.). Qui plus est, l’ICIS dispose déjà de mécanismes de production de rapports publics dignes de foi.

Depuis sa création, l’ICIS fournit une excellente information à la population canadienne, aux gestionnaires des soins de santé et aux décideurs. Cependant, son budget, qui est actuellement de 95 millions de dollars sur quatre ans (2001-2005), ne suffit pas pour investir comme il le faudrait pour être en mesure de produire l’information nécessaire pour prévoir et gérer les effets des changements recommandés par le Comité sur le système de soins de santé et en faire rapport. Nous sommes donc fermement convaincus de la nécessité d’augmenter considérablement le budget de l’ICIS.

Un autre organisme national, le Conseil canadien d’agrément des services de santé (CCASS) s’est doté d’une solide assise grâce au processus d’agrément volontaire des établissements de soins de santé. Le Comité a appris que cet organisme a bâti sa crédibilité sur son désir de viser, en permanence, l’amélioration de la qualité; c’est là une orientation qu’il faudra préserver.

Selon nous, il conviendrait, dans le cadre d’un système national d’évaluation, d’élargir le mandat du CCASS pour qu’il puisse imposer à tous les secteurs des soins de santé (RRS, hôpitaux publics et hôpitaux privés, établissements de soins de santé primaires, etc.) un agrément ordinaire, renouvelable à intervalles réguliers. L’agrément doit reposer sur des normes nationales reconnues. Si ces normes ne sont pas respectées et que les mesures prises pour corriger la situation sont insatisfaisantes, l’agrément ne doit pas être accordé. Le processus d’agrément contribuerait à la mise en œuvre d’un mécanisme de reddition de comptes transparent.

Le Comité recommande donc :

Que le gouvernement fédéral accorde un financement annuel supplémentaire de 50 millions de dollars à l’Institut canadien d’information sur la santé et verse en outre une somme annuelle de 10 millions de dollars au Conseil canadien d’agrément des services de santé. Ce nouvel investissement fédéral contribuera à l’établissement d’un système national d’évaluation de l’efficacité et des résultats du système de soins de santé et facilitera ainsi la tâche au commissaire national aux soins de santé.

 

10.4   Protection des renseignements personnels sur la santé

Les dossiers de santé électroniques modifieront vraisemblablement l’application des principes de traitement équitable de l’information à bien des égards. L’élaboration et la mise en œuvre de systèmes de DSE d’un bout à l’autre du pays transformeront les rapports bilatéraux qu’entretiennent habituellement le patient et le fournisseur en un ensemble d’interactions plus complexes entre le patient et le système de soins de santé.

En raison de leur nature même, les documents sur papier sont essentiellement des éléments distincts d’information personnelle qui peuvent être colligés sur papier et placés dans un endroit précis, souvent sur l’initiative d’un seul fournisseur et accessibles à lui seul dans le contexte d’une rencontre individuelle. Il en va différemment des DSE qui peuvent être regroupés dans un fichier d’information personnelle sur la santé de portée longitudinale plus complète et détaillée, et dont le contenu est établi à partir de sources multiples, puis saisi dans un format électronique facilement accessible et auquel de multiples utilisateurs autorisés peuvent avoir accès, en temps réel, où qu’ils se trouvent.

Cette transformation se répercutera inévitablement sur la façon dont les patients peuvent exercer de façon concrète et pratique leur droit à la protection des renseignements personnels en matière de santé. De même, elle aura une incidence sur la façon dont les responsabilités et les obligations de rendre compte sont coordonnées et partagées entre les multiples utilisateurs.

C’est ce qui explique que l’évolution des technologies de l’information sur la santé, notamment l’élaboration et la mise en œuvre de DSE, est souvent perçue comme menaçante pour le respect de la vie privée. Cette réserve est attribuable en partie à l’élargissement possible de l’accès à de multiples utilisateurs et au manque apparent de contrôle exercé par le patient sur les renseignements concernant sa propre santé. Cela étant dit, les technologies de l’information sur la santé offrent malgré tout de réelles possibilités d’améliorer la protection de la vie privée grâce à des dispositifs de sécurité plus efficaces qui restreignent l’accès et à des mécanismes améliorés de suivi qui permettent de vérifier toutes les opérations. Ces avantages possibles sont aussi inhérents aux DSE que les éventuelles menaces qu’ils peuvent poser.

La mise en place d’un système de DSE est censée être la première étape cruciale de l’élaboration d’une éventuelle infostructure pancanadienne de la santé. Les avantages immédiats et évidents des DSE dans le contexte des soins de santé primaires concernent notamment les gains d’efficience découlant d’une gestion plus efficace des dossiers de santé des patients et de l’intégration des services de santé offerts. Les DSE devraient aussi accroître la qualité des soins de santé dispensés étant donné que les fournisseurs pourront acquérir une connaissance plus approfondie de l’état de santé de leur patient, ce qui est essentiel pour pouvoir poser un bon diagnostic et prescrire un traitement efficace et des médicaments sûrs, en particulier dans les situations d’urgence ou lorsque des soins sont dispensés à l’extérieur de la province de résidence.

De plus, l’infostructure pancanadienne de la santé devrait responsabiliser les patients puisqu’ils auront accès eux aussi à une information sur la santé de meilleure qualité. Il leur sera ainsi possible de faire des choix éclairés au sujet de leur santé, de la santé d’autrui et du système de soins de santé. Une infostructure de la santé offrira aux gestionnaires des soins de santé les outils nécessaires pour mieux évaluer les fournisseurs de services et permettra une meilleure reddition de comptes. De même, elle fournira aux chercheurs les assises nécessaires pour continuer à améliorer les soins de santé et mieux comprendre les déterminants de la santé[12].

À l’heure actuelle, il y a trois principaux enjeux en matière de protection des renseignements personnels qui doivent être pris en compte si nous voulons que les DSE deviennent une réalité au Canada au cours des cinq à sept prochaines années. Ce sont, en l’occurrence :

1.      La nécessité de mieux harmoniser l’approche adoptée à l’égard de la protection des renseignements personnels d’un territoire de compétence à l’autre afin d’uniformiser les conditions régissant le partage de renseignements personnels sur la santé entre les utilisateurs et d’assurer la même protection à tous les patients.

2.      La nécessité d’élaborer des balises, des politiques et des procédures rigoureuses et efficaces en matière de protection de la vie privée, qui peuvent être mises en œuvre de façon pratique et rentable.

3.      La nécessité de convaincre le public que les renseignements personnels sur la santé seront protégés dans un monde électronique[13].

À l’heure actuelle, il y a d’énormes variations dans les lois sur la protection des renseignements personnels et les politiques en matière d’accès aux données en vigueur d’un bout à l’autre du pays. Ces écarts sont autant de défis posés aux systèmes de DSE, dont le fonctionnement est tributaire de l’acheminement des renseignements personnels sur la santé d’un secteur à l’autre et d’une province ou d’un territoire à l’autre. Le manque d’uniformité des règles régissant la définition des fins autorisées, la forme de consentement exigé, les conditions applicables à la prise de décisions pour autrui, les critères d’accès sans consentement à des renseignements personnels sur la santé, les périodes de conservation des données et les exigences en matière de destruction, pour n’en nommer que quelques-uns, doivent être examinés attentivement si nous voulons être en mesure d’élaborer des systèmes de DSE.

De plus, les organismes de surveillance actuellement en place dans les différents secteurs et au sein des différentes instances peuvent exercer des pouvoirs législatifs délégués de portée variable sur certains aspects des systèmes de DSE, mais non sur d’autres. Sans une certaine coordination globale, cette approche fragmentaire rendra très difficile en pratique l’adoption d’un système d’examen et de surveillance, d’un processus d’approbation, d’une procédure d’enquête et de sanctions.

Le Comité se réjouit des efforts constants déployés par les instances fédérales-provinciales-territoriales pour mettre au point une approche harmonisée à l’égard de la protection des renseignements personnels sur la santé. De façon précise, le Comité recommande :

Que les enjeux clés suivants fassent l’objet d’une plus grande harmonisation et coordination entre les instances fédérales, provinciales et territoriales :

§         des règles d’accès sélectif restreignant l’accès aux utilisateurs autorisés en fonction des fins pour lesquelles ceux-ci ont besoin des renseignements;

§         des règles de consentement régissant la forme et les critères à respecter pour qu’un consentement soit valide;

§         des conditions autorisant l’accès sans consentement à des renseignements personnels sur la santé dans des circonstances exceptionnelles et pour des fins précises;

§         des règles régissant la conservation et la destruction des renseignements personnels sur la santé;

§         des mécanismes permettant d’assurer une surveillance suffisante des systèmes de DSE d’un organisme à l’autre.

L’autre défi important qui se pose aux DSE réside dans la nécessité de trouver une façon de mettre en œuvre des systèmes de DSE compatibles qui permettent à la fois de préserver le droit des personnes à la protection des renseignements personnels sur leur santé et de satisfaire aux critères de faisabilité et d’efficacité. Peut-être est-il possible d’adopter des mesures matérielles, technologiques et organisationnelles très strictes, mais il se peut que leur application ne soit tout simplement pas pratique ou rentable. De plus, les mesures de protection évoluent sensiblement au fil du temps, à mesure que les technologies et les pratiques habituelles changent, d’où la nécessité d’une mise à jour et d’une modernisation constantes. Les organisations devront faire la différence entre les tendances passagères et les mesures d’avant-garde qui ont fait leur preuve, puis décider en conséquence des investissements à faire.

Dans un environnement de DSE, de nombreux dépositaires interviendront dans la collecte de renseignements personnels sur la santé devant être versés dans un fichier. De multiples utilisateurs autorisés pourront éventuellement avoir légitimement accès aux DSE, pour y ajouter d’autres renseignements et participer collectivement à l’enrichissement du fichier. Comme la responsabilité du contrôle sera partagée entre plusieurs dépositaires et utilisateurs, il devra en être de même de l’obligation de rendre compte. La réelle difficulté résidera donc dans la nécessité de coordonner et de répartir les responsabilités de façon que les droits des patients ne soient pas relégués au second rang. Malgré le caractère apparemment vague du cadre de fonctionnement d’un système de DSE, les patients devront pouvoir adresser leurs questions et leurs préoccupations à une entité identifiable et exercer de façon concrète leur droit d’accès, de correction et de recours en cas de non-conformité.

Le Comité recommande donc :

Qu’Inforoute Santé du Canada Inc. et d’autres investisseurs clés structurent leurs critères d’investissement de façon à créer des conditions de nature à encourager les concepteurs de systèmes DSE à trouver des solutions utiles et pratiques en matière de protection des renseignements personnels pour permettre :

§         l’adoption de mesures de sécurité d’avant-garde pour protéger les renseignements personnels sur la santé et soumettre les opérations à une vérification;

§         un partage entre les différents dépositaires qui ont accès aux DSE et les utilisent de la responsabilité en matière de reddition de comptes;

§         une coordination entre les dépositaires de façon que les patients puissent concrètement exercer leur droit d’accès à leur DSE pour y rectifier une inexactitude et contester en cas de non-conformité.

L’obtention de la confiance du public sera absolument indispensable pour permettre l’élaboration et la mise en œuvre de DSE. Peu d’études ont été menées jusqu’ici pour tenter de mieux comprendre les éléments qui déterminent l’attitude des Canadiens à l’égard de l’utilisation à différentes fins des renseignements personnels concernant leur santé. Or, elles sont essentielles si nous voulons que les DSE soient élaborés et mis en œuvre de façon à tenir compte de ces éléments et à respecter les préoccupations sous-jacentes de la population dans des contextes précis.

Les avantages des DSE sont peut-être évidents pour ceux dont le travail est de les concevoir, mais ils doivent aussi l’être aux yeux des Canadiens. Le projet d’infostructure pancanadienne de la santé engage tout le monde. Un dialogue éclairé et valable doit avoir lieu pour permettre la participation de tous les intervenants clés, notamment les groupes de patients et les représentants des consommateurs. Les fournisseurs seront mieux équipés pour améliorer la qualité des soins qu’ils dispensent et réaliser l’intégration de leurs services; les décideurs et les gestionnaires seront mieux informés pour assurer l’accessibilité aux soins de santé et une reddition de comptes plus serrée; les chercheurs seront mieux en mesure d’évaluer l’efficacité des produits et services médicaux et de comprendre les déterminants de la santé des Canadiens; le grand public sera mieux habilité à faire des choix éclairés au sujet de sa propre santé, des soins de santé et des politiques en matière de santé. Une stratégie de communication publique ouverte, transparente et itérative contribuerait beaucoup à convaincre la population des nombreux avantages des DSE et de la vision véritablement inclusive d’une éventuelle infostructure pancanadienne de la santé. Le Comité recommande donc :

Que les principaux intervenants, notamment les ministères de la Santé fédéral, provinciaux et territoriaux, Inforoute Santé du Canada Inc., l’Institut canadien d’information sur la santé et les Instituts de recherche en santé du Canada, veillent à :

§         entreprendre une étude rigoureuse des facteurs qui déterminent l’attitude des Canadiens à l’égard de ce qui leur paraît être une utilisation acceptable ou non acceptable des renseignements personnels concernant leur santé;

§         amorcer un dialogue éclairé et valable avec les principaux intervenants, notamment les groupes de patients et les représentants des consommateurs;

§         mettre en œuvre une stratégie de communication publique ouverte, transparente et itérative pour expliquer les avantages des DSE.


CHAPITRE ONZE

Les ressources humaines de la santé 

11.1 La gravité de la pénurie de ressources humaines en santé

Au cours de ses audiences, le Comité a entendu des témoignages accablants relativement à une pénurie persistante de ressources humaines dans tous les secteurs du système de soins de santé. Cette pénurie touche tout autant les médecins spécialistes que les omnipraticiens, les infirmières autorisées que les infirmières auxiliaires autorisées, les technologues de laboratoire que les pharmaciens. S’occuper de la question de l’offre de professionnels dans toutes les disciplines des soins de santé et trouver des moyens d’accroître leur productivité individuelle et globale constituent deux des problèmes les plus pressants et les plus complexes auxquels sont confrontés les décideurs de la santé.

Il se passe rarement un mois sans qu’on publie une nouvelle étude ou un nouveau rapport confirmant l’ampleur et la gravité de la situation. Plusieurs de ces ouvrages ont paru depuis la publication du dernier rapport du Comité, et ils abondent malheureusement dans le même sens.

Selon un nouveau rapport publié par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) en juin 2002, le nombre de médecins a atteint un sommet au Canada en 1993; il a diminué de 5 % depuis, ce qui a fait baisser le ratio médecin-population au niveau d’il y a 15 ans[14]. Le document de l’ICIS illustre une fois de plus la grave pénurie de ressources humaines ainsi que ses conséquences, notamment le moins grand nombre d’omnipraticiens et de jeunes médecins et la charge de travail plus lourde des médecins.

Deux documents provinciaux récents portant sur l’offre de médecins (médecins disponibles) viennent à leur tour appuyer le point de vue exprimé par le Comité dans ses rapports antérieurs, à savoir qu’il est de plus en plus justifié de parler d’une crise des ressources humaines en santé. Le Collège des médecins du Québec a étudié le nombre de médecins qui exercent actuellement leur profession, plutôt que de se fier simplement au nombre de médecins inscrits, et a constaté que la province aurait besoin de 1 400 médecins de plus pour desservir la population[15].

Pour sa part, l’Ontario Medical Association estime qu’il y a eu une perte nette additionnelle de 110 médecins en Ontario entre les années 1999 et 2000, portant le manque à gagner total à environ 1 585. Le rapport de l’OMA révèle que plus de 100 localités sont actuellement mal desservies dans la province[16].

De son côté, le Comité s’inquiète du fait que toutes les études dont il est question plus haut parlent uniquement du nombre de médecins et passent sous silence le problème de la productivité. Or il est clair que l’on pourrait réduire le nombre de médecins supplémentaires nécessaires au Canada si l’on augmentait la productivité des médecins.

Par exemple, la plupart des chirurgiens affirment qu’ils seraient plus productifs si on leur accordait plus d’heures en salle d’opération et un meilleur accès à des lits de soins de courte durée pour leurs patients, lesquels pourraient poursuivre leur convalescence à la maison[17]. Ce fait soulève la question suivante en matière de politique gouvernementale : vaut-il mieux éliminer les obstacles à une productivité accrue chez les chirurgiens ou produire un plus grand nombre de chirurgiens qui, comme leurs prédécesseurs, ne seront pas aussi productifs qu’ils pourraient l’être ou voudraient l’être à cause de contraintes institutionnelles? On ne peut répondre à de telles questions de politique sans connaître beaucoup mieux le niveau actuel de productivité des médecins et les obstacles à l’accroissement de leur productivité.

Le Comité estime essentiel que des organismes de recherche indépendants de la profession médicale étudient attentivement la productivité des médecins et les obstacles qui empêchent son accroissement. Le gouvernement, en tant que source de financement du système de santé, et les fournisseurs de soins de santé eux-mêmes doivent comprendre les facteurs qui influent sur la productivité dans le domaine des soins de santé et la façon dont on peut améliorer la productivité du personnel clé du système.

Dans d’autres secteurs, la disponibilité de nouvelles technologies de l’information, par exemple, a permis d’accroître la productivité des professionnels au cours des 20 dernières années. Il est certain qu’on aurait pu rendre les médecins plus productifs grâce à de meilleurs appareils de diagnostic, à des médicaments plus efficaces et à de meilleurs traitements externes, sans compter l’effet qu’aurait pu avoir sur leur productivité l’amélioration de l’état de santé des Canadiens depuis 20 ans. Or, rien ne nous dit si cela s’est effectivement produit. C’est pourquoi la recherche proposée s’impose.

Selon le Comité, des observations semblables à celles qui ont été faites au sujet de la productivité des médecins valent également pour d’autres professionnels de la santé. Le Comité recommande donc :

Que l’on effectue des études pour trouver des moyens d'améliorer la productivité des professionnels de la santé. Ces études devraient être effectuées ou commandées par le comité national de coordination des ressources humaines en santé dont le Comité recommande la création.

Trois rapports parus dernièrement fournissent des données supplémentaires sur l’importance de la pénurie d’infirmières. L’ICIS a révélé qu’en juin 2002, la légère hausse du nombre d’infirmières actives au Canada (1,2 %) entre 1997 et 2001 n’a pas été suffisante par rapport à l’accroissement démographique. Il y a donc moins d’infirmières par habitant aujourd’hui qu’il y a cinq ans. Le rapport de l’ICIS indique également que l’effectif infirmier vieillit rapidement, la moyenne d’âge chez les infirmières autorisées étant passée de 42,4 ans en 1997 à 43,7 ans en 2001[18].

Une étude de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada portant sur les tendances observées depuis 1996 signale qu’au cours des 35 années étudiées, on remarque un déplacement de la composition par âge de l’effectif infirmier vers les groupes d’âge plus avancé[19]. Le rapport de l’AIIC établit aussi des projections de l’offre et de la demande d’infirmières au cours des 10 à 15 prochaines années et conclut qu’il y aura une pénurie de 78 000 infirmières autorisées en 2011 et de 113 000 en 2016[20].

Le rapport final du Comité consultatif canadien sur les soins infirmiers, présidé par M. Michael Decter, a paru en août 2002. On y énumère trois façons d’améliorer la qualité de vie au travail des infirmières canadiennes[21] :

·        augmenter le nombre d’infirmières;

·        améliorer la formation et élargir le champ de pratique des infirmières;

·        améliorer les conditions de travail des infirmières.

Parmi ses 51 recommandations destinées à réaliser ces améliorations, le Comité consultatif propose qu’on augmente de 25 % le nombre de nouvelles places de première année du diplôme d’infirmière autorisée dans les écoles de sciences infirmières (c’est-à-dire qu’on ajoute environ 1 100 nouvelles places) en septembre 2004, et qu’on accroisse encore le nombre de 20 % à chacune des quatre années subséquentes.

Cependant, on n’en sait pas encore assez sur la productivité des infirmières et sur ce qu’on pourrait faire pour l’améliorer. Dans son rapport, par exemple, le Comité consultatif canadien sur les soins infirmiers confirme la nécessité d’« orienter les ressources provinciales et fédérales vers l’élaboration de stratégies précises et pratiques visant à mesurer la charge de travail et à en faire rapport »[22]. Le Comité estime qu’il faudrait effectuer le même genre d’études de productivité que celles qu’il propose plus haut dans le cas des médecins, afin de mieux comprendre à quelles tâches les infirmières consacrent leur temps et quels sont les obstacles institutionnels qui nuisent à l’amélioration de leur productivité. C’est la raison pour laquelle la recommandation ci-dessus porte sur tous les professionnels de la santé.

Même si les membres des professions paramédicales ne sont pas autant le point de mire du public¸ le Comité a plusieurs fois attiré l’attention sur le fait que la pénurie de ressources humaines ne se limite pas aux médecins et aux infirmières. Par exemple, il a indiqué dans des volumes antérieurs que plus de 20 disciplines ont déclaré connaître des pénuries importantes, dont les physiothérapeutes et les ergothérapeutes, les technologues en radiographie et les technologues de laboratoire médical ainsi que les inspecteurs sanitaires.

De plus, des témoins ont fait savoir que, malgré ces pénuries, on réduit le recrutement dans les programmes de formation. On a donné l’exemple des programmes de techniques de laboratoire médical, en Alberta, où le nombre de places de formation est passé de 40 à 20. Des témoins ont cité d’autres chiffres troublants, compte tenu de la demande toujours croissante de personnel technique et professionnel, à la fois en raison des nouvelles technologies et de l’accroissement de la population. Par exemple, le nombre de diplômés des programmes de techniques de laboratoire médical a diminué de 42 % dans l’ensemble du pays depuis 1987, et le nombre de diplômés en imagerie diagnostique a baissé de 15 %. La Société canadienne de science de laboratoire médical a prédit une pénurie de technologues généraux de laboratoire médical partout au pays d’ici 5 à 15  ans.

L’Association des pharmaciens du Canada a également témoigné à ce sujet. Elle a fait remarquer que la pénurie de pharmaciens ne touche pas seulement le Canada, mais aussi de nombreux autres pays, dont le Royaume-Uni et les États-Unis. Un nombre insuffisant de pharmaciens signifie davantage de postes vacants, de plus longues périodes d’attente pour combler ces postes, un plus grand nombre d’heures supplémentaires et des augmentations de salaire excessives par rapport au coût de la vie. Une autre étude récente indique que bien au-delà de 2 000 pharmaciens supplémentaires pourraient facilement trouver du travail au Canada.

À la baisse du nombre de diplômés s’ajoute ce que l’on pourrait appeler « une progression insidieuse des compétences », c’est-à-dire l’augmentation graduelle du niveau d’études nécessaire pour occuper un emploi dans un domaine donné, attribuable à la complexité croissante des tâches à exécuter. Cette progression insidieuse des compétences a pour effet, entre autres, d’allonger la durée de formation des nouveaux diplômés, ce qui aggrave la pénurie de tous genres de professionnels de la santé.

La progression insidieuse des compétences a aussi d’autres conséquences. D’une part, elle peut mener au transfert de certains programmes des collèges communautaires aux universités et, de l’autre, elle peut faire en sorte que les diplômés demandent des salaires plus élevés, qu’ils justifient par la formation additionnelle qu’ils ont reçue.

Le Comité s’inquiète que ces phénomènes se produisent sans qu’on les ait suffisamment étudiés afin de vérifier si les changements apportés aux niveaux de compétence et de rémunération sont justifiés. Il est d’avis que l’on devrait déterminer la durée de la formation nécessaire aux divers professionnels de la santé et l’établissement d’enseignement le plus apte à offrir cette formation.

 

11.2   Les ressources humaines de la santé : Nécessité d’une stratégie nationale

Le Comité croit fermement que l’une des principales conséquences de la pénurie mondiale croissante de ressources humaines en santé, c’est qu’elle force le Canada à élaborer une stratégie qui lui permettra de réaliser l’autosuffisance à cet égard.

Selon le Comité, pour aller de l’avant dans ce dossier, il faut d’une part reconnaître qu’une telle stratégie ne saurait être « fédérale », mais plutôt qu’elle devra mettre à contribution tous les intervenants; d’autre part, il faut garder à l’esprit que la formation des professionnels de la santé incombe aux provinces. Pour que le Canada puisse devenir autosuffisant sur le plan des ressources humaines en santé, une collaboration et une coordination à long terme sont essentielles entre tous les intervenants du secteur de la santé.

De l’avis du Comité, les problèmes causés par la concurrence interprovinciale pour obtenir les diplômés dans les divers domaines de la santé ne font qu’accentuer la nécessité d’élaborer une stratégie nationale des ressources humaines en santé. La concurrence que se livrent les provinces ou les pays, se disputant de maigres ressources humaines, risque de créer de graves disparités régionales dans la capacité de dispenser des services de soins de santé.

Le Comité estime que le gouvernement fédéral doit dorénavant jouer un rôle beaucoup plus important pour coordonner les efforts visant à élaborer et à mettre en œuvre une stratégie nationale relative aux ressources humaines en santé et à lutter contre les pénuries. Puisqu’il n’y a pas de solution miracle et qu’il faut tenir compte d’une foule d’intérêts et de préoccupations dans la formulation de solutions à long terme, le Comité estime souhaitable de recommander l’élaboration d’un cadre de travail permanent. Il a par conséquent recommandé dans le volume cinq de son rapport :

Que le gouvernement fédéral travaille avec d’autres parties intéressées afin de créer un comité national permanent de coordination des ressources humaines de la santé, composé de représentants des principaux intervenants et des différents ordres de gouvernement. Son mandat serait le suivant :

§         diffuser des renseignements à jour sur les besoins en ressources humaines;

§         coordonner des projets visant à assurer un nombre suffisant de diplômés pour réaliser l’objectif d’autosuffisance en matière de ressources humaines;

§         partager et promouvoir les pratiques exemplaires quant aux stratégies servant à retenir des professionnels de la santé compétents, et coordonner les efforts de rapatriement des professionnels de la santé canadiens qui ont émigré;

§         recommander des stratégies pour accroître le nombre de professionnels de la santé provenant de groupes sous-représentés, comme les peuples autochtones, ainsi que dans les régions mal desservies, particulièrement les régions rurales et éloignées;

§         examiner les possibilités en vue d’une meilleure coordination, entre les divers ordres de gouvernement, des exigences en matière d’accréditation et d’immigration.

Comme il a déjà été signalé, le Comité est d’avis que le comité national de coordination des ressources humaines en santé devrait se charger d’étudier les moyens d’améliorer la productivité des professionnels de la santé. Il est également clair pour le Comité qu’aucun groupe de professionnels ni aucun ordre de gouvernement ne devrait prédominer dans les délibérations du comité national de coordination dont il propose la création.

Le Comité a aussi recommandé que le gouvernement fédéral prenne un certain nombre de mesures précises destinées à augmenter le nombre de professionnels de la santé, notamment :

Que le gouvernement fédéral :

§         Travaille avec les gouvernements provinciaux pour faire en sorte que toutes les écoles de médecine et de sciences infirmières reçoivent les augmentations de financement nécessaires pour leur permettre d’accroître le nombre d’inscriptions.

§         Mette en place des mécanismes permettant un financement fédéral direct afin de soutenir un plus grand nombre d’inscriptions dans les écoles de médecine et de sciences infirmières, et assure la stabilité du financement en vue de la formation de professionnels paramédicaux.

§         Examine les programmes féderaux de prêts étudiants offerts aux professionnels de la santé et y apporte les modifications nécessaires afin que les augmentations inévitables de frais de scolarité ne nuisent pas aux étudiants défavorisés sur le plan socioéconomique.

§         Travaille avec les gouvernements provinciaux pour faire en sorte que la rémunération des différentes catégories de professionnels de la santé tienne compte du niveau de formation réel exigé d’eux.

Dans les volumes précédents, le Comité a signalé un grave manque de fournisseurs de soins de santé d’origine autochtone. Pour aider à solutionner ce problème, il a aussi recommandé dans le volume cinq :

Que le gouvernement fédéral travaille avec les provinces et les facultés de médecine et de sciences infirmières afin de financer des places à l’intention des étudiants d’origine autochtone, en plus des places offertes à la population générale.

De plus, étant donné que la mise en œuvre de toutes les mesures énumérées dans les recommandations ci-dessus prendra du temps, il faut prévoir diverses mesures à court terme pour régler la crise des ressources humaines. L’une d’elles consiste en des incitatifs fiscaux. De tels incitatifs fiscaux à court terme ont été utilisés à la fin des années 60 et au début des années 70 pour attirer des professeurs d’université au Canada à une époque où le pays connaissait une grave pénurie d’universitaires qualifiés. Le Comité est d’avis qu’une approche semblable devrait être envisagée à l’heure actuelle en ce qui concerne les professionnels de la santé. Il recommande par conséquent :

Que, pour faciliter le retour au Canada des professionnels de la santé canadiens travaillant à l’étranger, le gouvernement fédéral travaille avec les provinces et les associations professionnelles afin d’informer ces professionnels des nouvelles perspectives d’emploi au Canada, et qu’il étudie la possibilité d’adopter des incitatifs fiscaux à court terme pour ceux qui sont prêts à rentrer au Canada.

Les sections suivantes du présent chapitre contiennent d’autres observations sur la pénurie de ressources humaines en santé au Canada, ainsi qu’un certain nombre de recommandations additionnelles pour aider à la réduire.

 

11.3   Accroître le nombre de médecins formés au Canada

Le rapport publié récemment par l’ICIS, dont nous parlons plus haut, a enrichi l’étude portant sur l’offre de médecins au Canada, en attribuant un poids aux divers facteurs qui ont contribué à la baisse du ratio médecin-population :

·        environ 25 % de la baisse est attribuable à la formation postdoctorale plus longue des médecins, parce que les omnipraticiens doivent maintenant faire deux années de formation postdoctorale au lieu d’une avant de se joindre à un cabinet indépendant, et parce qu’une plus forte proportion de médecins choisissent de devenir spécialistes, ce qui exige une formation beaucoup plus longue;

·        22 % est attribuable au fait qu’un moins grand nombre de médecins étrangers viennent au Canada;

·        17 % est attribuable au nombre plus élevé de médecins qui prennent leur retraite;

·        jusqu’à maintenant, seulement 11 % est attribuable à la baisse du nombre d’inscriptions dans les écoles de médecine, mais les pleines répercussions des compressions des années 90 ne se feront sentir qu’au cours des prochaines années.

L’auteur du rapport, le DBen Chan, fait remarquer que plusieurs erreurs importantes ont été commises dans les décisions stratégiques prises au cours des années 90. Premièrement, on n’a pas tenu compte des conséquences non intentionnelles de ces décisions. Par exemple, on n’a pas pleinement pesé le fait que le prolongement de la formation des omnipraticiens (deux années de formation postdoctorale au lieu d’une) réduirait de façon permanente le nombre de médecins. Deuxièmement, on n’a pas revu les politiques assez fréquemment, de sorte que les effets de plusieurs politiques se sont combinés de façon inattendue, créant une pénurie plus grave que prévu. Enfin, on a éliminé des mesures qui donnaient au système une certaine souplesse. Par exemple, les étudiants étaient obligés de faire un choix de carrière très tôt dans leurs études universitaires sans pouvoir profiter d’une expérience pratique ou de la possibilité de changer d’idée plus tard[23].

Le Comité demeure convaincu que la seule solution à long terme à la crise des ressources humaines en santé est l’élaboration d’une stratégie nationale visant, d’une part, à former un nombre suffisant de médecins et d’autres professionnels de la santé au Canada pour répondre aux besoins du pays, et, d’autre part, à accroître la productivité des médecins. Une estimation récente fournie au Comité par le DAbraham Fuks, président de l’Association des facultés de médecine du Canada (AFMC), indique que, seulement pour maintenir le ratio médecin-population actuel, il faudrait que 2 500 étudiants entrent en faculté de médecine d’ici 2005, ce qui représente 640 de plus que les 1 860 inscriptions de première année enregistrées en 2001[24].

Dans le volume cinq, le Comité a recommandé que le gouvernement fédéral accorde un soutien financier continu aux provinces afin d’accroître le nombre d’inscriptions dans les écoles de médecine canadiennes. Selon l’AFMC, le coût par place dans une école de médecine au Canada se chiffre actuellement à 260 000 $ pour une période de quatre ans. Par conséquent, 640 étudiants de plus coûteraient environ 160 millions de dollars par année une fois atteints les nouveaux niveaux d’inscription[25]. Le Comité estime que cet argent serait bien dépensé. Il recommande donc :

Que le gouvernement fédéral verse dès maintenant 160 millions de dollars par année afin que les écoles de médecine canadiennes puissent recruter 2 500 étudiants de première année d’ici 2005.

De plus, il est également important de garder à l’esprit la conclusion du DChan, à savoir qu’il faudra revoir régulièrement les niveaux d’inscription pour s’assurer qu’ils sont en tout temps conformes à l’évolution de la situation. Le DFuks estime que, pour compenser les pénuries actuelles de médecins (plutôt que seulement maintenir le ratio médecin-population), il faudrait augmenter davantage les inscriptions pour atteindre l’objectif de 3 000 étudiants de première année en 2009. Il importe toutefois de signaler que ces prévisions ne tiennent pas compte de l’effet des augmentations possibles de productivité. Le Comité est d’avis qu’il faut surveiller la situation de près. Il recommande :

Que le comité national de coordination des ressources humaines en santé dont le Comité propose la création soit chargé de surveiller les niveaux d’inscription des écoles de médecine du Canada et qu’il conseille le gouvernement fédéral à cet égard.

Cependant, il est clair qu’il faudra du temps pour accroître les niveaux d’inscription et encore plus de temps pour que ces augmentations se traduisent par un plus grand nombre de médecins actifs. On devra alors, à court terme, prendre certaines mesures pour réduire un peu la pression. Le Comité a déjà réitéré sa recommandation du volume cinq, à savoir que le gouvernement fédéral devrait étudier la possibilité d’adopter des incitatifs fiscaux à court terme pour rapatrier les professionnels de la santé qui travaillent à l’étranger.

De plus, un certain nombre de Canadiens hautement qualifiés et spécialisés terminent actuellement leurs études médicales de base à l’extérieur du Canada, notamment en Australie, en Irlande et au Royaume-Uni. Le DFuks a déclaré au Comité que beaucoup de ces étudiants, qui fréquentent des facultés de médecine de renom, ont hâte de revenir au Canada. Le Comité croit donc que l’on devrait établir une politique de recrutement vigoureuse pour encourager ces Canadiens expatriés à rentrer au Canada pour recevoir une formation postdoctorale et exercer leur profession au pays.

Afin d’accueillir ces étudiants qui reviennent, de même que les diplômés en médecine étrangers dont il est question plus bas, il faudra aussi augmenter le nombre de postes de médecins résidents. S’inspirant des chiffres fournis par l’Association des facultés de médecine du Canada[26], le Comité recommande donc :

Que le gouvernement fédéral contribue financièrement à accroître le nombre de postes de médecins résidents afin d’atteindre un ratio de 120 pour 100 diplômés des écoles de médecine canadiennes.

Comme le Comité l’a déjà fait remarquer, cette mesure permettra aussi aux médecins canadiens déjà en place d’accéder plus facilement à la formation supérieure et d’acquérir des compétences additionnelles.

 

11.4   Intégration des diplômés en médecine étrangers

Une autre mesure visant tout particulièrement à réduire la pénurie de médecins consiste à élaborer un plan national qui permettra de mieux utiliser les diplômés en médecine étrangers qui sont déjà ici. Par le passé, le Canada a pu compter sur le recrutement étranger pour combler certains de ses besoins. Par exemple, plus de 50 % des médecins de la Saskatchewan sont des diplômés étrangers qui ont été formés ailleurs et ont été recrutés par cette province plus tard au cours de leur carrière. Cependant, d’autres pays sont maintenant confrontés aux mêmes pénuries que le Canada. Il semble insensé que tous les pays développés fassent sans cesse du maraudage les uns chez les autres pour recruter des professionnels de la santé hautement qualifiés.

La plupart des experts estiment actuellement à au moins 2 000 le nombre de diplômés en médecine étrangers au Canada qui ne détiennent pas de licence pour pratiquer la médecine[27]. Il n’existe pas de programme uniforme pour accorder les attestations d’études aux diplômés étrangers, et chaque province dispose d’un programme limité pour leur admission aux programmes de résidence. Par exemple, l’Ontario réserve 40 places pour la formation de diplômés étrangers, et sur les 1 000 demandes reçues l’année dernière, 25 seulement ont été acceptées.

On note cependant des signes d’amélioration. En avril 2001, le Manitoba a lancé le premier programme permanent au Canada pour aider les diplômés étrangers à obtenir une licence de médecine. Ce programme se fonde sur un processus d’évaluation clinique et de perfectionnement professionnel (CAPE) en trois étapes, outil élaboré par la faculté de médecine de l’Université du Manitoba pour évaluer les connaissances médicales et les compétences cliniques des médecins formés à l’étranger. Le programme CAPE a connu un tel succès que le College of Physicians and Surgeons of Nova Scotia y réfère les diplômés étrangers candidats qui n’ont pas reçu de formation autorisée ou acquis d’expérience clinique pratique en Amérique du Nord[28].

Les membres de l’Association des facultés de médecine du Canada ont conclu récemment qu’il faut d’urgence élaborer une stratégie nationale, comportant des normes nationales, pour favoriser l’intégration des diplômés en médecine étrangers au personnel médical canadien. Ils ont proposé un programme d’évaluation commun qui permettrait de classer les diplômés dans l’une des quatre catégories suivantes : la personne a fait des études et reçu une formation équivalente et elle devrait être autorisée à exercer la profession au Canada; la personne a besoin d’une formation complémentaire; la personne a fait des études en médecine équivalentes, mais elle doit suivre une formation postdoctorale au Canada; la personne n’a pas d’études ni de formation suffisantes et elle doit recommencer des études en médecine au Canada.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral travaille avec les provinces afin d’établir des normes nationales pour l’évaluation des diplômés en médecine étrangers, et qu’il fournisse un financement continu pour mettre en œuvre un programme accéléré visant à délivrer des licences aux diplômés étrangers qualifiés et à intégrer complètement ces derniers au système canadien de soins de santé.

 

11.5   Réduire la pénurie d’infirmières

Comme nous l’avons indiqué plus haut dans le présent chapitre, une étude menée par l’Association des infirmières et infirmiers du Canada a révélé qu’il manquerait 78 000 infirmières autorisées au pays en 2011 et que l’écart pourrait atteindre 113 000 en 2016. Les auteurs de l’étude arrivent à ces conclusions malgré les hypothèses relativement optimistes qu’ils posent à l’égard du nombre de diplômés en sciences infirmières auquel on peut s’attendre au cours des cinq prochaines années. Selon eux, le nombre de diplômés des écoles de sciences infirmières du Canada passera de 4 599 en 2000 à plus de 9 000 par année en 2007[29]. (Voir le tableau 11.1 ci-dessous.)


Tableau 11.1  
Nombre de diplômés en sciences infirmières, 1999-2008*  

Année

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Canada

5 221

4 599

5 499

6 782

7 578

7 678

7 834

8 829

9 182

9 382

Source : Projections établies par Eva Ryten pour le compte de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, juin 2002.
* 1999-2001 : données réelles; 2002-2008 : projections

Cependant, même si le nombre de diplômés augmente de près du double et que l’on s’attend à un apport de 1 200 infirmières formées à l’étranger chaque année à compter de 2002, les auteurs affirment de façon catégorique qu’il sera impossible de répondre à la demande prévue de services de soins infirmiers. Il n’existe pas non plus de bassin suffisamment large d’infirmières qualifiées qui ne travaillent pas actuellement en soins infirmiers et qui pourraient être incitées à revenir à la profession pour aider à réduire la pénurie. En fait, le rapport fait remarquer :

Il convient tout particulièrement de noter qu’en 2000 et 2001, moins de 3 000 infirmières autorisées ne travaillaient pas en soins infirmiers et cherchaient un emploi dans ce domaine. C’est un bien petit nombre en comparaison du nombre total d’infirmières autorisées au pays[30].

Néanmoins, le Comité estime qu’il faudrait tout faire pour inciter les infirmières qualifiées qui ont quitté la profession à revenir travailler en soins infirmiers. Cela est d’autant plus important que, même si l’on jugeait souhaitable de remplacer les infirmières autorisées par des infirmières auxiliaires autorisées, les auteurs du rapport signalent que ces dernières ne sont pas en nombre suffisant pour combler la pénurie.

Pour que les infirmières auxiliaires autorisées puissent répondre à une partie importante des besoins en services infirmiers qui ne peuvent être comblés à cause de la pénurie d’infirmières autorisées, il faudrait que leur nombre augmente à un rythme extrêmement rapide. Or le nombre d’infirmières auxiliaires autorisées ne bouge pas ou diminue depuis près de 20 ans. En 1983, il y avait 83 539 infirmières auxiliaires au Canada. En 1999, le nombre était tombé à 66 100[31].

En même temps, Mme Kelly Kay, de l’Association des infirmiers et infirmières auxiliaires du Canada, a déclaré au Comité :

Dans la plupart des provinces, on manque d’infirmières auxiliaires autorisées. Il reste toutefois des situations comme en Ontario où 1 400 infirmières auxiliaires autorisées ont indiqué dans leur dernier formulaire de renseignements qu’elles cherchaient un emploi en soins infirmiers[32].

En 1997, le nombre de demandes d’inscription dans les écoles de sciences infirmières était à la baisse, mais il semble que ce ne soit plus le cas maintenant. Mme Ginette Lemire-Rodger, présidente sortante de l’AIIC, a donné au Comité l’explication suivante :

Au Canada, cette année seulement, on a refusé des milliers d’étudiants très bien formés. Les universités les refusent parce qu’il n’existe que 70 sièges pour 800 demandes au pays. Nous ne vivons pas une pénurie de jeunes et de moins jeunes personnes voulant entreprendre une carrière dans les soins infirmiers. Nous sommes dans une situation où les gouvernements ne financent pas les sièges pour accepter ces étudiants[33].

En somme, tout indique qu’il faudrait accroître de manière assez radicale le nombre de diplômés en sciences infirmières. Le Comité a fait remarquer dans le volume cinq que Développement des ressources humaines Canada (DRHC) a entrepris une importante étude de secteur afin de formuler des recommandations au sujet du nombre d’infirmières. Toutefois, Michael Decter a signalé au Comité :

Je sais que le gouvernement du Canada, par l’entremise de DRHC, finance actuellement deux grandes études. Pour reprendre ce que disait David Sackett, il n’est pas nécessaire de faire un essai clinique à double insu pour faire preuve de bon sens. Le bon sens veut que nous ayons besoin de plus d’infirmiers et d’infirmières au Canada et que ce besoin est urgent[34].

Dans son rapport, l’AIIC précise qu’en calculant le nombre de places qui devraient être allouées, il est important d’éviter à long terme

des périodes de fortes hausses ou de fortes baisses sur de courts intervalles. De telles fortes hausses et fortes baisses répétées sur de longues périodes mènent à une suite d’excédents et de déficits dans la profession. L’idéal serait que les niveaux augmentent graduellement chaque année en fonction de l’accroissement des besoins[35].

Même s’il n’y avait pas eu un sérieux problème de sous-financement des postes en soins infirmiers dans les années 90, l’AIIC estime que le nombre de diplômés requis aurait été de toute façon de l’ordre de 10 000 par année. L’AIIC explique cela en disant que même sans la crise des années 90, le Canada serait confronté à des pénuries d’infirmières en 2011 et 2016, bien que moins fortes, à cause de la retraite imminente des grandes cohortes de diplômés qui seront remplacées par de plus petites[36]. En tenant compte des conséquences des décisions erronées prises dans les années 90, l’AIIC a cru prudent de recommander l’élargissement des programmes de sciences infirmières pour atteindre le nombre cible de 12 000 diplômés par année.

Le Comité appuie cette estimation. Le tableau 11.1 présente les chiffres contenus dans le rapport au sujet du nombre actuel et projeté de nouveaux diplômés jusqu’en 2008. Le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral introduise graduellement du financement au cours des cinq prochaines années de façon que le nombre de diplômés des programmes de sciences infirmières atteigne 12 000 en 2008 dans l’ensemble du Canada, et qu’il continue à fournir un financement supplémentaire complet aux provinces pour toutes les places dans les écoles de sciences infirmières au-delà de 10 000 inscriptions, et ce, aussi longtemps qu’il sera nécessaire pour enrayer la pénurie d’infirmières au pays.

Si l’on examine les chiffres du tableau 11.1, qui indiquent le nombre prévu de diplômés en sciences infirmières, on constate qu’en 2008 il nous faudra 2 618 diplômés de plus. Les effectifs pourraient être augmentés de la façon suivante afin d’en arriver à ce nombre cible :

Tableau 11.2

 

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre prévu de diplômés à l’heure actuelle

7 678

7 834

8 829

9 182

9 382

Nombre projeté de diplômés en tenant compte du financement fédéral additionnel

8 000

9 000

10 000

11 000

12 000

L’AIIC a informé le Comité que chaque poste additionnel en soins infirmiers en Ontario coûte 7 700 $ par année. Pour un programme de quatre ans, cela signifie qu’il faudrait environ 30 000 $ pour former chaque nouvelle infirmière. Si l’on étend cette estimation à toutes les places en soins infirmiers au Canada, il en coûterait environ 8-80 millions de dollars par année pour atteindre le niveau de 12 000 diplômés en sciences infirmières recommandé par l’AIIC[37]. Pour s’assurer de disposer de fonds suffisants, et vu la gravité de la pénurie d’infirmières, le Comité juge qu’il serait prudent de réserver la somme additionnelle de 10 millions de dollars dans l’espoir qu’un plus grand nombre de diplômés puissent terminer leurs études plus tôt. Le Comité recommande donc :

Que le gouvernement fédéral verse 90 millions de dollars par année tirés des recettes supplémentaires dont le Comité recommande le prélèvement, afin de permettre aux écoles d’infirmières du Canada de produire 12 000 diplômés d’ici 2008.

 

11.6   Professions paramédicales

Le Comité n’a pu obtenir suffisamment de données pour élaborer une proposition détaillée relativement au nombre précis de diplômés qu’il faudrait produire pour composer avec la pénurie de personnel des professions paramédicales, dont nous avons parlé plus haut dans le présent chapitre. Il croit néanmoins essentiel que le gouvernement fédéral engage des fonds pour répondre à ces besoins pressants. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral verse 40 millions de dollars par année tirés des recettes supplémentaires dont le Comité recommande le prélèvement, afin d’aider les provinces à accroître le nombre de diplômés des professions paramédicales chaque année.

Que l’allocation exacte de ces fonds soit déterminée par le comité national de coordination des ressources humaines en santé.

 

11.7   Financement des études supérieures

Les coûts de formation des nouveaux professionnels de la santé ne s’arrêtent pas au moment où ceux-ci obtiennent leur diplôme d’université ou de collège. Les centres universitaires de sciences de la santé, surtout, ont des coûts additionnels à payer, pas seulement pour les médecins mais aussi pour tous les autres professionnels de la santé. Selon l’Association canadienne des institutions de santé universitaires (ACISU), les coûts additionnels liés à l’augmentation des places de formation pour toutes les professions de la santé sont de l’ordre de 300 millions à 550 millions de dollars au cours du cycle de formation (soit entre 60 et 110 millions de dollars par année). Les coûts comprennent la rémunération des formateurs, la location des locaux, les frais généraux et les fournitures. Le Comité recommande donc :

Que le gouvernement fédéral consacre 75 millions de dollars par année des nouveaux fonds que recommande de recuellir le Comité afin d’aider les centres universitaires des sciences de la santé à payer les coûts liés à l’accroissement du nombre de places de formation pour l’ensemble des professions de la santé.

 

11.8   Ressources humaines de la santé : Examen des règles relatives au champ de pratique

La dernière question sur laquelle portent les recommandations du Comité en matière de ressources humaines est la nécessité d’effectuer un examen indépendant complet des règles relatives au champ de pratique des diverses professions de la santé. Cet examen doit être axé sur l’élimination des obstacles qui nuisent actuellement à une collaboration fructueuse entre professionnels de la santé et qui empêchent certains d’entre eux (les infirmières praticiennes, par exemple) d’utiliser l’ensemble des compétences pour lesquelles ils ont été formés.

Dans son témoignage devant le Comité, le DDuncan Sinclair, président de la Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario, a été clair sur l’importance de résoudre ce problème de façon urgente :

Faire faire par un médecin le travail qu’une infirmière praticienne ou une infirmière pourrait effectuer, c’est comme faire venir un électricien pour changer une ampoule ou demander à un mécanicien breveté de faire le plein et de vérifier le niveau d’huile et la pression des pneus. Ces spécialistes feraient-ils du bon travail? Certainement! Mais est-ce que ce serait utiliser judicieusement leur temps, leur formation et leur expertise? Pas du tout! Ce serait une utilisation coûteuse et inefficiente de ressources déjà limitées que sont l’argent et le savoir de gens très doués[38].

Le Comité est d’avis que cette utilisation coûteuse et inefficiente de ressources humaines rares doit cesser dès maintenant. Comme nous le soulignons dans le chapitre quatre, qui porte sur la réforme des soins de santé primaires, le rapport de synthèse sur les projets liés aux soins primaires du Fonds pour l’adaptation des services de santé concluait, pour ce qui est des infirmières praticiennes :

Il faudrait une initiative fédérale, provinciale et territoriale pour définir des normes nationales en ce qui concerne la terminologie et la portée de la pratique. Cette initiative devrait comprendre des prescriptions légales favorables à l’élargissement du rôle des infirmières et des infirmières praticiennes[39].

Le Comité recommande donc :

Qu’un examen indépendant des règles relatives au champ de pratique et des autres règlements concernant ce que chaque professionnel de la santé peut ou ne peut pas faire soit effectué dans le but d’élaborer des propositions qui feraient en sorte qu’on utilise pleinement les compétences des divers professionnels de la santé et que les soins de santé soient fournis par le professionnel qualifié qui convient le mieux.

 

11.9   Commentaires du Comité

Le Comité reconnaît qu’il faut accroître les effectifs de chacune des professions de la santé, et c’est l’objectif qu’il vise par ses recommandations.

Cependant, il s’inquiète beaucoup des coûts globaux que l’accroissement des ressources humaines supposera pour l’ensemble du système. Il est tout à fait conscient, par exemple, que ce sont les médecins qui sont le principal facteur de coût[40]. Puisque le fait d’accroître le nombre de médecins ne fait pas baisser le coût moyen qu’impose chaque médecin au système, le seul moyen de faire en sorte que le système demeure financièrement viable au fur et à mesure qu’augmentera le nombre de médecins actifs serait d'améliorer sensiblement la productivité.

Par conséquent, le Comité estime nécessaire que l’accroissement du nombre de places dans les programmes d’enseignement s’accompagne d’études approfondies sur la façon d’améliorer la productivité dans chacune des professions de la santé. En l’absence de telles études et d’une amélioration importante de la productivité, le Comité craint que les coûts globaux des soins de santé ne connaissent une escalade intolérable.


CHAPITRE DOUZE

Favoriser l’excellence dans la recherche canadienne en santé[41]

La recherche en santé a pour objet de créer et d’appliquer de nouvelles connaissances dans les domaines de la santé et des soins de santé. Elle englobe toute une gamme d’activités allant de la recherche biomédicale à la recherche clinique, en passant par la recherche sur les services de santé et sur la santé de la population.

·         La recherche biomédicale porte sur les organismes biologiques, les organes et les systèmes d’organes. Dans des recherches de ce genre, on utilise par exemple des cultures de cellules ou des tissus animaux ou humains pour tenter de comprendre comment l’organisme contrôle la production de cellules sanguines dans la moelle osseuse, comment la leucémie dérègle ces mécanismes de contrôle et comment rétablir des mécanismes normaux par l’administration de médicaments.

·         La recherche clinique consiste à étudier des personnes saines ou malades. Dans des recherches de ce genre, on pourrait par exemple faire des essais cliniques sur des humains pour déterminer l’efficacité et la toxicité d’un nouveau traitement possible de la leucémie qui s’est révélé prometteur au cours de recherches biomédicales de base, puis comparer le nouveau médicament à d’autres en fonction de ses avantages nets pour les patients.

·         La recherche sur les services de santé englobe la prestation, l’administration, l’organisation et le financement des soins de santé. On peut citer comme exemple la recherche portant sur les processus de traitement des leucémiques : moyens de diagnostic, hospitalisation, traitement en consultation externe ou à domicile et suivi à long terme à l’hôpital ou dans des services de santé communautaire.

·         La recherche sur la santé de la population est centrée sur les grands facteurs qui influent sur l’état de santé (conditions socio-économiques, sexe, culture, niveau d’instruction, etc.). On peut citer comme exemple les études fondées sur de grandes bases de données contenant des renseignements médicaux personnels tirés de différentes sources afin de déterminer si l’incidence de la leucémie est liée à des facteurs environnementaux ou autres.

La recherche en santé est la source de nouvelles connaissances sur la santé humaine : comment maintenir un état de santé optimal, comment prévenir, diagnostiquer et traiter les maladies, comment gérer notre système de soins de santé. Elle permet de mettre au point des pharmacothérapies nouvelles ou améliorées, des traitements, des équipements et des dispositifs médicaux et de nouveaux moyens d’organiser et de dispenser les soins de santé. La recherche en santé contribue également à une meilleure compréhension de l’interaction complexe des facteurs déterminants sociaux, économiques, environnementaux, biologiques et génétiques qui influent sur la santé et sur la prédisposition aux maladies.

D’après les témoignages reçus par le Comité, la recherche en santé favorise la création d’emplois axés sur le savoir, ce qui peut contribuer à l’inversion de l’exode des cerveaux observé dans le pays. Dans l’ensemble, les témoins ont souligné que cette recherche améliore la santé personnelle et économique des Canadiens et renforce notre compétitivité à l’échelle internationale :

La recherche en santé procure à la société des retombées énormes sur les plans économique, social et des soins de santé. Les emplois créés par ces investissements sont des emplois de grande qualité, bien rémunérés et qui font appel à la matière grise et procurent aux Canadiens une reconnaissance mondiale. Ces investissements favorisent par ailleurs le renouvellement des établissements universitaires partout au pays. Ils aident à former de nouveaux professionnels dans les plus récentes techniques et technologies et apportent un soutien important au système de soins de santé au Canada. Enfin et surtout, les résultats de ces activités entraîneront directement une amélioration du traitement des patients, contribuant ainsi à une population en meilleure santé et plus productive[42].

Le Comité a également entendu des témoignages selon lesquels la recherche en santé peut servir de catalyseur du développement économique régional et les innovations qui en découlent peuvent beaucoup contribuer à améliorer la qualité et la viabilité du système canadien de soins de santé. À mesure que les activités de recherche en santé sortent des centres universitaires et des laboratoires du gouvernement pour s’étendre à des milieux plus proches de la collectivité, nous pouvons nous attendre à ce que la qualité des soins s’améliore parce que les fournisseurs de soins participant à des recherches sur la santé seront davantage branchés sur l’information la plus récente dans le domaine. Dans l’ensemble, la recherche en santé offre des perspectives extraordinaires de progrès tant sur le plan économique que sur celui des soins.

Le Comité est d’avis que le Canada doit participer activement à la recherche en santé pour en retirer sa part d’avantages. Il croit fermement aussi que le gouvernement fédéral a un rôle essentiel à jouer comme facilitateur, catalyseur, intervenant, conciliateur et coordonnateur de l’ensemble des efforts déployés pour favoriser l’excellence dans la recherche en santé. Le présent chapitre aborde une série de questions, comprenant le financement, les partenariats et l’éthique, qui méritent à notre avis, beaucoup d’attention, si le Canada veut parvenir aux degrés les plus élevés de l’excellence dans la recherche en santé[43].

 

12.1   Assumer le leadership dans la recherche en santé

Comme le montre le tableau 1, la recherche en santé au Canada se caractérise par un réseau complexe comprenant un vaste éventail de disciplines et une multiplicité d’intervenants menant des activités de recherche à différents endroits. Au Canada, la recherche en santé est effectuée par les universités, les hôpitaux universitaires, des entreprises, des organismes gouvernementaux et des organismes sans but lucratif. Elle est financée par différentes sources publiques et privées, canadiennes et étrangères.

TABLEAU 1  
LE RÉSEAU CANADIEN DE LA RECHERCHE EN SANTÉ  

DISCIPLINES

LIEUX

SOURCES DE FINANCEMENT

§         Disciplines cliniques

§         Sciences sociales et humanités

§         Épidémiologie

§         Sciences de la vie

§         Biologie cellulaire et moléculaire

§         Chimie

§         Génie

§         Informatique et mathématiques

§         Services de santé

§         Milieu universitaire (universités, hôpitaux universitaires, instituts de recherche)

§         Secteur privé

§         Gouvernement

§         Cabinets de médecins

§         Organismes communautaires

§         Hôpitaux communautaires

§         Autres

§         Gouvernements (fédéral, provinciaux, ministères, organismes de financement)

§         Organisations non gouvernementales et organismes bénévoles nationaux

§         Sources internationales

§         Secteur privé

§         Universités

§         Autres

 

Les différents intervenants dans la recherche en santé collaborent entre eux de diverses manières, établissant des relations gouvernement-université, université-secteur privé et gouvernement-secteur privé. En fait, le Comité a appris des témoins que la science est un continuum et que les multiples composantes de la recherche en santé ne peuvent pas exister indépendamment les unes des autres. Chaque composante a un rôle important, quoique changeant, à jouer dans la recherche pour procurer le maximum d’avantages aux Canadiens.

Le gouvernement fédéral a toujours joué un rôle important dans le financement, l’exécution et l’utilisation de la recherche en santé. Il soutient financièrement la recherche effectuée dans les universités, les hôpitaux universitaires et les instituts de recherche (recherche extra-muros), il mène lui-même des recherches sur la santé dans ses propres laboratoires (recherche intra-muros) et il utilise les résultats des recherches faites ailleurs. De plus, le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans la définition des priorités nationales de la recherche en santé.

Le Comité estime que, dans un pays aussi vaste que le Canada, le gouvernement fédéral a un rôle de chef de file catalyseur à jouer auprès des gouvernements provinciaux et territoriaux pour faire en sorte que notre système de soins de santé soit axé sur la recherche et l’innovation. Pour réussir, le gouvernement fédéral doit travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires afin de soutenir une culture qui appuie la création et l’utilisation de connaissances générées par la recherche en santé.

En outre, le Comité convient, avec les auteurs d’un rapport publié en 1999 par le Conseil d’experts en sciences et en technologie, que la recherche en santé effectuée, financée et utilisée par le gouvernement fédéral doit être de la plus haute qualité. Elle doit, preuves à l’appui, satisfaire aux normes internationales d’excellence en sciences, en technologie et en éthique, ou les dépasser[44].

Le Comité a été informé qu’au fur et à mesure de l’augmentation du coût, de la complexité et du rythme de progression de la recherche en santé, les organismes de recherche n’ont, à eux seuls, ni les ressources ni l’expertise nécessaires pour travailler indépendamment :

Les chercheurs ont de tout temps travaillé dans l’isolement, menant leurs propres programmes de recherche et vivant de subventions successives. Cette approche fragmentaire, au jour le jour, n’est tout simplement plus envisageable dans un monde où la complexité des sciences impose de mettre en commun les ressources disponibles[45].

Lors de la troisième Conférence annuelle Amyot organisée par Santé Canada, le Dr Kevin Keough, expert scientifique en chef du Ministère, a déclaré qu’il est nécessaire d’adopter une approche inclusive (ou horizontale) de la recherche en santé et de trouver de nouveaux moyens de former des partenariats, c’est-à-dire de regrouper des équipes pluridisciplinaires de scientifiques recrutés dans l’ensemble du système de la recherche en santé et de réunir leurs ressources intellectuelles, financières et matérielles pour mener les recherches nécessaires, et ce, afin de mieux comprendre le monde complexe et hautement interdépendant dans lequel nous vivons[46].

Le Comité convient avec le Dr Keough qu’il est de la plus haute importance de maintenir des partenariats efficaces et de répartir les efforts des partenaires individuels de façon à maximiser les résultats de la recherche en santé. À notre avis, des approches complémentaires et conjointes de la recherche en santé sont non seulement réalisables et économiques, mais elles contribuent aussi à de meilleurs résultats pour tous les intervenants. Cet objectif fondamental ne peut être atteint que si le rôle du gouvernement fédéral continue à s’adapter à l’environnement changeant de la recherche en santé. À part son rôle dans l’exécution, le financement et l’utilisation de la recherche, le gouvernement fédéral doit devenir plus actif comme catalyseur et facilitateur.

Le Comité croit fermement que le gouvernement fédéral devrait assumer le leadership de la recherche canadienne en santé et, par conséquent, recommande :

Que la recherche et sa concrétisation dans le système de soins de santé figurent régulièrement à l’ordre du jour des rencontres des ministres et sous-ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de la santé, et que l’Institut de recherche en santé du Canada soit représenté et participe à l’établissement des programmes de recherche en santé lors de ces réunions. Ces mesures aideront énormément à soutenir une culture d’appui à la création et à l’utilisation des connaissances générées par la recherche en santé partout au Canada.

Que le gouvernement fédéral établisse, sur une base régulière et en collaboration avec tous les intervenants, des objectifs et des priorités nationaux pour la recherche en santé.

Que le gouvernement fédéral favorise la collaboration entre différents intervenants lorsqu’il exécute, finance et utilise des recherches en santé. On pourrait ainsi disposer des meilleures ressources possibles, tout en réduisant au minimum le chevauchement et le double emploi.

Le Dr Keough a souligné que le gouvernement fédéral devrait, pour commencer, encourager l’échange de chercheurs en santé entre le gouvernement, le monde universitaire et le secteur privé. Une circulation plus libre des scientifiques rehausserait la qualité de la recherche en santé, améliorerait la qualité des conseils donnés au gouvernement en matière de sciences et de recherche, maximiserait la contribution des scientifiques canadiens à l’ensemble de la communauté de la recherche en santé et contribuerait au renouveau de la base scientifique dans tous les secteurs. Le Comité a des vues semblables à cet égard. Par conséquent, il recommande :

Que le gouvernement fédéral assume un rôle de leadership, par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada et de Santé Canada, dans l’élaboration d’une stratégie visant à encourager l’échange de chercheurs entre le gouvernement, le milieu universitaire et le secteur privé, y compris les organisations bénévoles nationales.

Le Comité souhaite reconnaître le rôle important joué par les organisations bénévoles nationales dans la recherche en santé. Ces organisations sont des intermédiaires clés, au niveau national, entre la recherche et l’application de ses résultats par transfert de connaissances aux chercheurs, aux fournisseurs de soins et au public. Le Comité est d’avis que, compte tenu de leurs connaissances et de leur expérience, ainsi que de l’importance des activités de recherche en santé qu’elles appuient, les organisations bénévoles nationales doivent participer à la collaboration entre les intervenants dans la recherche en santé.

 

12.2   S’engager dans la révolution scientifique

Les témoins ont dit au Comité que la recherche en santé, aussi bien au Canada qu’ailleurs dans le monde, subit actuellement les effets d’une révolution scientifique. Ils ont expliqué que cette révolution est due aux progrès réalisés en génomique, en ingénierie et en biologie cellulaire. La recherche dans ces disciplines aura de profonds effets sur la détection, le diagnostic et le traitement de différentes maladies liées à la génétique. L’explication des processus physiologiques associés aux diverses affections exigera des années d’efforts pour identifier les gènes en cause et déterminer leur interaction.

Nous sommes au milieu d’une profonde révolution mondiale alimentée par notre compréhension toujours croissante du fondement moléculaire de la vie, de la biologie humaine et de la maladie. Comme les révolutions antérieures de la science, celle-ci est menée par la collision entre diverses disciplines et approches : génétique, biologie moléculaire, l’ensemble des sciences de la vie, [l’informatique] et les méthodes de calcul, les petites molécules et la chimie de surface, la bioéthique, l’épidémiologie, l’économie de la santé, les sciences sociales et les humanités. Le rythme de cette révolution de la recherche en santé n’a pas encore cessé de s’accélérer sous l’effet d’importants investissements mondiaux des gouvernements, du secteur privé et de philanthropes[47].

À mesure que le projet du génome humain tire à sa fin, le prochain défi consistera à comprendre le rôle des quelque 30 000 à 40 000 gènes que les humains semblent posséder. Ces gènes codent tout l’ensemble des protéines ou protéome, qui en compterait 2 millions. Par conséquent, la prochaine frontière en biologie est probablement celle de la protéomique, catalogue et fonctions de toutes les protéines des organismes vivants, qui est beaucoup plus complexe et prometteuse que la génomique.

De même, les progrès en génie biomédical et en miniaturisation à l’échelle moléculaire favoriseront le développement de dispositifs diagnostiques et thérapeutiques de plus en plus perfectionnés qui permettront l’administration de médicaments à cible définie, les essais biologiques, l’imagerie moléculaire et les réparations de tissus et d’organes. Le Canada a des chances réelles de devenir un chef de file mondial dans le domaine de la nanotechnologie ou nanomédecine.

L’étude et l’utilisation des cellules souches sont un autre bon exemple des répercussions possibles de la recherche sur la santé et les soins. Les cellules souches, quelle que soit leur origine, ont la propriété très particulière de donner naissance à des cellules à fonction spécialisée. À l’heure actuelle, tant le monde de la recherche que les autres intervenants sont très enthousiastes quant aux possibilités des cellules souches provenant de tissus embryonnaires ou adultes. On s’attend à ce que la recherche sur ces cellules débouche sur des traitements d’affections graves telles que la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, le diabète et les lésions de la moelle épinière. On croit aussi, en général, qu’il sera possible un jour de manipuler ces cellules pour produire presque n’importe quels tissus, ce qui permettra de disposer des organes dont on a tellement besoin pour les transplantations.

Des chercheurs ont récemment réussi à programmer des cellules souches tirées d’embryons humains pour qu’elles produisent de l’insuline, fonction normalement réalisée par les cellules spécialisées des îlots pancréatiques. Si ces recherches permettent de guérir le diabète, qui est actuellement traité par des injections régulières d’insuline, elles n’amélioreront pas seulement la qualité de vie des patients, mais réduiront aussi le fardeau économique de la maladie. Dans une étude différente, des chercheurs sont parvenus à utiliser des cellules souches prélevées sur la peau d’animaux pour produire des neurones, du tissu musculaire et des cellules adipeuses.

Parmi les autres domaines dans lesquels la révolution scientifique a des effets marqués, il y a lieu de mentionner la chimie et l’informatique, où les progrès de la modélisation moléculaire s’alliant à la chimie synthétique sont en train de changer la façon dont les nouveaux médicaments sont découverts. De plus, la bioinformatique et la robotique influeront également sur la recherche en santé.

Dans cette recherche, la révolution scientifique ne se limite pas aux travaux de base et à la recherche biomédicale. Elle est en train de créer des perspectives extraordinaires dans les domaines de la recherche sur les services de santé et sur la santé de la population. Plus que jamais auparavant, des recherches sont effectuées au Canada et à l’étranger pour trouver de nouveaux moyens de dispenser des soins de qualité et de comprendre les effets de l’interaction des déterminants qui agissent sur la santé d’une population.

À la troisième Conférence annuelle Amyot, le Dr Keough a souligné que les progrès de la recherche en santé et la nécessité pour les gouvernements et les particuliers de tenir compte de ces progrès continueront à s’accélérer. Cela signifie que les gouvernements doivent être en mesure d’exécuter et d’utiliser de bonnes recherches scientifiques axées sur le bien public. L’efficacité avec laquelle le gouvernement intégrera les progrès découlant de nouveaux secteurs tels que la biotechnologie et la nanotechnologie dépend de ce principe.

Le Comité convient avec le Dr Keough qu’il est impératif pour le Canada de relever les défis qu’apporte la révolution scientifique. Nous sommes convaincus que les pays dotés d’un solide réseau de recherche en santé sont plus capables que les autres d’utiliser les progrès et les innovations pour créer des services de santé efficaces et économiques, des cadres stratégiques et réglementaires pouvant soutenir la concurrence internationale, des produits nouveaux ou adaptés et de nouvelles activités de promotion de la santé. Un milieu dynamique de recherche en santé contribue à l’amélioration de la santé, de la qualité de vie et du système des soins de santé. Cela, à son tour, suscite la confiance du public et engendre un milieu d’affaires dynamique et une économie forte.

Comme le Dr Keough, le Comité croit que les sciences et l’économie vont de pair et que le gouvernement a un rôle essentiel à jouer pour maximiser les avantages pour le Canada et ses citoyens. De toute évidence, le travail scientifique de qualité est coûteux, mais il est encore plus coûteux de ne pas le faire. Les développements scientifiques se multiplient rapidement, et une concurrence féroce règne dans ce domaine. Comme beaucoup de témoins, le Comité est persuadé que le Canada ne peut pas se permettre de prendre du retard. Les avantages possibles comprennent un transfert de connaissances rapide et rentable et la conversion de ces connaissances en avantages tangibles pour la population canadienne.

Le Comité est d’avis que, pour relever un défi de cette envergure, il faudra un effort concerté de la part du gouvernement, du secteur privé, du milieu universitaire, des organisations non gouvernementales et des organismes internationaux. Chacun de ces partenaires a un rôle précis à jouer. Toutefois, c’est le gouvernement fédéral qui doit assurer la coordination et le soutien, par l’entremise de ses ministères et organismes, et notamment les IRSC et Santé Canada. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral, par l’entremise aussi bien de Santé Canada que des Instituts de recherche en santé du Canada, assure la coordination et fournisse les ressources nécessaires pour que le Canada contribue à la révolution scientifique et en bénéficie, de façon à en maximiser les avantages économiques, sanitaires et sociaux pour les Canadiens.

Le Comité est convaincu que le Canada peut être un chef de file mondial de la recherche en santé, grâce à ses forces en génétique humaine, en biologie des cellules souches, en santé de la population, en bioéthique, en protéomique et en économie de la santé. Nous avons une prodigieuse occasion d’appliquer les connaissances acquises en génomique et en protéomique à l’étude des populations humaines et à la recherche sur l’être humain. Par exemple, les IRSC, par l’entremise de l‘Institut de génétique et de l’Institut des services et des politiques de la santé,  travaillent en collaboration avec le Comité coordonnateur fédéral-provincial-territorial en matière de génétique et de santé afin de cerner les questions émergentes pouvant faire l’objet d’études et d’établir un ordre de priorité.

Une méthode d’investissement plus intégrée pourrait grandement favoriser les domaines de la génomique et de la protéomique. Ainsi, avec ses solides antécédents d’excellence en recherche et en formation en science protéique, le Canada est bien placé pour contribuer à la protéomique. L’initiative canadienne en protéomique – un partenariat entre l’Institut de génétique des IRSC et les centres d’excellence du Réseau en génie protéique– table sur les investissements du gouvernement fédéral dans l’infrastructure à ce jour pour établir un programme national d’envergure qui assurera le maintien de la compétitivité du Canada à l’échelle internationale. Par conséquent, le Comité recommande :

Que les Instituts de recherche en santé du Canada et Génome Canada financent des projets de recherche qui assureront au Canada un rôle de chef de file mondial dans ce nouveau domaine de la génomique et de la génétique humaine afin que le système de soins de santé puisse profiter de cette nouvelle technologie pour améliorer la santé des Canadiens.

Que les Instituts de recherche en santé du Canada jouent un rôle de chef de file dans l’établissement de pratiques exemplaires pour ce qui est questions éthiques complexes que soulève l’utilisation de cette nouvelle technologie en recherche et en soins de la santé.

 

12.3   Garantir un environnement de recherche prévisible

Comme le souligne le volume deux, le gouvernement fédéral a une longue tradition de financement de la recherche en santé[48]. Les estimations les plus récentes de Statistique Canada révèlent que la majorité (environ 79 %) des recherches en santé bénéficiant d’un financement fédéral sont « extérieures », en ce sens qu’elles ont lieu dans les universités et les hôpitaux (68 %), dans des organismes privés sans but lucratif (6 %) et dans des entreprises (4 %)[49].

Les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, constituent le principal organisme fédéral de financement de la recherche dans ce domaine. En fait, les IRSC sont la seule entité fédérale dont le budget soit intégralement consacré à la recherche en santé. Leur création, en 2000, représentait une importante évolution du mandat du Conseil de recherches médicales du Canada (CRM). Ils sont maintenant responsables du Programme national de recherche et de développement en matière de santé (PNRDS), qui était auparavant le principal instrument de financement de la recherche extérieure en santé. Malgré la création des IRSC, Santé Canada s’occupe encore du financement de certaines recherches extérieures dans une foule de domaines (santé des enfants, santé des femmes, santé des Autochtones, etc.).

Il y a en outre un certain nombre d’organismes fédéraux axés sur la recherche dont le financement est entièrement centré sur la recherche en santé. Il s’agit surtout de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (FCRSS) et de l’Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé (OCCETS).

De plus, le Canada compte, plusieurs sources fédérales secondaires de financement de la recherche extérieure en santé. Plus précisément, le gouvernement fédéral est responsable de plusieurs conseils, agences et programmes de recherche qui consacrent (dans diverses mesures) une partie de leur budget à des recherches liées à la santé, comme le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), le Programme des chaires de recherche du Canada (PCRC) et les Réseaux de centres d’excellence (RCE)[50]. Le gouvernement fédéral a également financé Génome Canada, société sans but lucratif consacrée à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une stratégie nationale de recherche sur le génome.

Les autres recherches en santé financées par le gouvernement fédéral (environ 21 %) sont internes, étant effectuées dans des installations fédérales. Celles-ci se trouvent à Santé Canada, Statistique Canada, le Conseil national de recherches, Développement des ressources humaines Canada, Agriculture Canada, Environnement Canada (en partenariat avec Santé Canada) et l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

 

12.3.1 Le financement fédéral de la recherche en santé

Le gouvernement fédéral a démontré à maintes reprises son engagement envers la recherche en santé. Le Comité se félicite de la haute priorité accordée à la recherche dans le discours du Trône de 2001 et, en particulier, de l’augmentation qui y est annoncée du financement de la recherche en santé :

Notre objectif, audacieux s’il en est, doit être de nous faire reconnaître comme l’un des pays les plus novateurs du monde. [...] Nous devons voir à hisser le Canada au rang des cinq pays les plus avancés au chapitre de la recherche-développement, et ce, d’ici 2010.

[...]

Le gouvernement augmentera à nouveau de manière substantielle les fonds destinés aux Instituts de recherche en santé du Canada. Ces fonds additionnels leur permettront d’accroître la recherche sur la prévention et le traitement des maladies, les déterminants de la santé et l’efficacité du régime de soins[51].

Le Comité reconnaît également que la création des IRSC constituait une grande réalisation dans le domaine de la recherche en santé. Nous nous félicitons de l’augmentation du financement des IRSC annoncée dans l’exposé budgétaire de décembre 2001 en dépit des fortes pressions financières qui s’exerçaient sur le gouvernement fédéral. De plus, la création et le financement de la Fondation canadienne pour l’innovation en 1997, suivi par l’établissement des bourses d’études du millénaire, du Programme des chaires de recherche du Canada et de Génome Canada sont des indications claires du fait que la recherche et l’innovation en santé font partie intégrante de la politique publique du Canada relative à la santé.

Tout le long de l’étude, les témoins ont dit au Comité que, même si le financement fédéral assure un appui important à la recherche en santé, le Canada ne se compare toujours pas favorablement aux autres pays industrialisés à cet égard. En fait, le rôle du gouvernement national dans le financement de la recherche en santé, exprimé en parité de pouvoir d’achat (PPA) par habitant, est beaucoup plus important aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et en Australie qu’au Canada. Par exemple, comme le mentionne le volume deux , en 1998, le gouvernement américain a consacré à la recherche en santé, par habitant, quatre fois plus que le gouvernement canadien[52].

Les témoins ont été unanimes à recommander que la part du gouvernement fédéral dans les dépenses de recherche extra-muros en santé soit portée de son niveau actuel d’environ 0,5 % à 1 % des dépenses consacrées aux soins de santé au Canada. Cela nécessiterait de porter le budget actuel des IRSC de son niveau actuel de 560 millions de dollars à 1 milliard de dollars. D’autres ressources devraient également aller à la recherche en santé réalisée dans les installations fédérales (que nous abordons dans la section suivante). Dans l’ensemble, l’augmentation des fonds affectés à la recherche extérieure et intérieure en santé rapprocherait la contribution fédérale du niveau des gouvernements nationaux d’autres pays de l’OCDE. Fait plus important, cela assurerait le maintien de la recherche en santé comme secteur de pointe dynamique et innovateur.

Les témoins ont porté une autre préoccupation à l’attention du Comité : le caractère à long terme de la recherche s’accommode mal de l’horizon limité de la planification budgétaire actuelle. À l’échelle internationale, la recherche de haut calibre est très concurrentielle et nécessite des engagements à long terme. Les jeunes chercheurs, dont dépend l’avenir de la recherche canadienne, engagent leur carrière sur la base de leur perception de l’environnement à long terme de la recherche. Le Canada ne pourra pas attirer et garder les éléments brillants sans leur ménager un excellent environnement de recherche. La recherche fait abstraction des frontières nationales. Le monde reconnaît l’excellence et livre une vigoureuse concurrence pour l’obtenir.

Le Comité appuie fortement le point de vue selon lequel les fonds consacrés à la recherche en santé doivent servir à encourager les esprits les plus brillants. Les deux tiers au moins de ces fonds vont aux salaires et aux allocations de formation de chercheurs, d’adjoints de recherche, de techniciens et de stagiaires aussi hautement qualifiés que motivés. En définitive, le défi du Canada dans la recherche en santé est d’attirer et de conserver des personnes aux talents exceptionnels.

Le rôle du gouvernement fédéral est essentiel dans cette concurrence livrée pour attirer les bons chercheurs. En particulier, les IRSC constituent la source de fonds à long terme pour les activités de recherche suscitées par les chaires de recherche, la Fondation canadienne pour l’innovation et Génome Canada, qui augmentent considérablement la possibilité pour le Canada d’exceller dans le domaine de la recherche. Les IRSC sont aussi un partenaire essentiel pour la recherche suscitée par les nombreux organismes caritatifs de recherche en santé.

Dans l’ensemble, le Comité croit que le gouvernement fédéral doit établir et maintenir la stabilité à long terme de l’environnement canadien de la recherche en santé. Un financement prévisible d’un niveau suffisant constitue un préalable nécessaire. Nous sommes d’accord avec les témoins qui estiment que le gouvernement fédéral doit accroître ses investissements en recherche en santé afin que le financement fédéral de la recherche extra-muros s’élève à 1 % de toutes les dépenses consacrées aux soins de santé.

D’après le Comité, les fonds fédéraux supplémentaires devront être affectés à des projets de recherche pouvant influer considérablement sur l’état de santé ou contribuer à améliorer grandement la qualité et la prestation des soins de santé. La priorité absolue doit être accordée à la recherche dans des domaines comme la santé de la population, l’hygiène publique, la prestation de services de santé, les directives pour la pratique clinique, le développement de la petite enfance et la santé des femmes et des Autochtones.

Le Comité estime également que la création des IRSC a donné une vaste tribune pouvant servir à lancer des nouveaux projets audacieux de recherche en santé. Il juge en outre que les IRSC et leurs 13 établissements doivent insister pour que les connaissances générées par la recherche se traduisent en mesures concrètes, notamment la modification de la pratique clinique, de la politique en matière de soins de santé et des comportements individuels.

La recherche en santé est un investissement à long terme : de nombreux projets s’étendent sur toute la carrière d’un chercheur et les subventions sont ordinairement accordées pour des périodes de trois à cinq ans, ce qui est tout simplement incompatible avec le principe d’une allocation budgétaire annuelle aux IRSC. Dans l’ensemble, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral :

§         augmente, dans un laps de temps raisonnable, sa contribution financière à la recherche extérieure en santé, de façon à atteindre un niveau de 1 % des dépenses totales consacrées aux soins de santé au Canada, ce qui signifie un investissement supplémentaire de 440 millions de dollars de la part du gouvernement fédéral;

§         reconnaisse que la recherche en santé est un projet de longue haleine et, par conséquent, établisse des plans à long terme clairs pour le financement de la recherche en santé, et s’y conforme, particulièrement par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada. Plus précisément, le gouvernement fédéral devrait adopter un horizon de planification de cinq ans pour le budget des IRSC;

§         fasse un investissement prévisible et suffisant dans la recherche interne en santé.

 

12.3.2 La recherche fédérale interne en santé

Selon un rapport du Conseil d’experts en sciences et en technologie, le gouvernement fédéral doit clairement effectuer des recherches internes : il doit disposer de capacités suffisantes de recherche pour être en mesure de s’acquitter des grandes fonctions suivantes :

·        soutenir la prise de décisions, l’élaboration des politiques et la réglementation;

·        élaborer et gérer des normes;

·        répondre aux besoins du public en matière de santé, de sécurité, d’environnement et/ou de défense;

·        faciliter le développement économique et social[53].

Autrement dit, pour que le gouvernement fédéral puisse élaborer des politiques et faire respecter des règlements, il a besoin de capacités de recherche internes. De plus, il doit avoir accès à une information scientifique et technique de la plus haute qualité dans des délais correspondant à ses besoins. À défaut d’utiliser les meilleures données et analyses disponibles, le gouvernement s’expose à être jugé responsable d’éventuels dommages causés par ses décisions.

Santé Canada est le principal intervenant au niveau fédéral dans le domaine de la recherche interne en santé, cette fonction étant essentielle à l’exécution de son mandat. Le Ministère a le devoir de préserver et d’améliorer la santé de la population du Canada et d’assurer sa sécurité. Santé Canada doit donc, en plus d’accéder à une information scientifique et technique de la plus haute qualité, obtenir des conseils lui permettant d’élaborer des politiques et de mettre en vigueur des règlements. La capacité de recherche interne nécessite des compétences dans les domaines suivants :

·        la situation et la propagation des maladies;

·        la sécurité des aliments, de l’eau et des produits de santé, y compris les produits pharmaceutiques;

·        les questions liées à la qualité de l’air;

·        le respect des obligations en matière de promotion de la santé.

Pour assumer ces responsabilités, les chercheurs de Santé Canada doivent posséder des connaissances et des compétences indépendantes dans tout un éventail de disciplines scientifiques, allant des sciences du comportement à la biologie cellulaire et moléculaire. De plus, Santé Canada doit posséder des capacités internes suffisantes pour assimiler, interpréter et extrapoler les connaissances obtenues par d’autres partenaires de la recherche en santé. Enfin, le Ministère doit pouvoir recourir facilement à des compétences et à des installations dont il ne dispose pas lui-même dans ses ressources internes.

Dans l’ensemble, le Comité a appris que Santé Canada joue un rôle unique. Pour remplir son mandat, le Ministère doit être en mesure de donner des conseils scientifiques indépendants de la plus haute qualité, dans le cadre des responsabilités que lui confère la loi, d’entreprendre une vaste gamme d’activités scientifiques liées à son rôle d’organisme de réglementation et de conseiller en matière de politique, et de dispenser des services et des programmes de santé fondés sur les résultats. Ces obligations sans pareille imposent à Santé Canada d’avoir les capacités scientifiques et de recherche nécessaires pour s’acquitter de ces trois fonctions.

Le Comité croit qu’il est important de reconnaître qu’en nommant un expert scientifique en chef en 2001, Santé Canada a agi d’une façon décisive en vue d’acquérir les capacités nécessaires pour s’acquitter de son mandat. L’expert scientifique en chef et ses collaborateurs jouent un rôle central en dirigeant et en coordonnant les responsabilités et les activités scientifiques de Santé Canada et en se faisant les champions des principes de l’alignement, des liens et de l’excellence que préconise le Conseil d’experts en sciences et en technologie.

Le Comité croit fermement qu’il est nécessaire pour le gouvernement fédéral de faire de la recherche en santé et d’avoir les moyens de s’acquitter de son mandat. Le Comité reconnaît également qu’il est important pour Santé Canada de former au besoin des partenariats avec des intervenants extérieurs au secteur public. Par conséquent, le Comité recommande :

Que Santé Canada :

§         dispose des ressources financières et humaines de recherche en santé qu’il lui faut pour s’acquitter de son mandat et de ses obligations;

§         entreprenne activement d’établir des liens et des partenariats avec d’autres intervenants du domaine de la recherche en santé.

 

12.4   Rehausser la qualité des services de santé et de la prestation des soins

Comme nous l’avons mentionné à maintes reprises dans notre rapport, le système canadien de soins de santé se trouve dans une situation grave, marquée par des hausses des coûts, une grande insatisfaction et des attentes élevées. De nombreuses recommandations ont été formulées au fil des ans en vue de modifier le système public de soins de santé. La plupart se fondaient cependant non sur des faits scientifiques, mais sur des preuves anecdotiques ou des considérations politiques. Voilà pourquoi la recherche portant sur tous les aspects du système public de soins de santé revêt actuellement tant d’importance pour les décideurs et les gestionnaires de la politique des soins de santé.

D’autres recherches sont nécessaires dans différents secteurs, notamment :

·        les politiques de promotion de la santé

·        les stratégies de prévention des maladies et des blessures (tant au niveau des individus que de la population)

·        les déterminants de la santé

·        les approches de gestion des soins primaires

·        les nouveaux modes de rémunération des fournisseurs et des établissements de soins de santé

·        le processus décisionnel des fournisseurs et des utilisateurs de soins de santé

·        les modèles organisationnels de prestation des soins

·        la gestion de la politique en matière de soins de santé

·        la répartition des ressources des soins de santé

·        les répercussions de la privatisation de certains secteurs des soins de santé

·        l’analyse pharmacoéconomique

·        l’évaluation et l’utilisation de la technologie et du matériel de soins de santé.

La recherche clinique et la participation des fournisseurs de soins eux-mêmes à la recherche en santé jouent un rôle clé dans l’exploitation des résultats de la recherche fondamentale pour améliorer la santé et les soins. Les essais cliniques et les grandes études longitudinales sur la santé de la population ne reçoivent pas un financement suffisant au Canada, surtout parce que le lancement de telles études nécessite d’importants engagements financiers à long terme. Des investissements urgents sont nécessaires pour former des cliniciens-chercheurs et pour les appuyer par la suite dans leur carrière. Harcelés par une demande toujours plus grande de services cliniques, ces derniers trouvent de plus en plus difficile de rester compétitifs dans la course aux prix et aux subventions.

Au Canada, de nombreuses organisations s’occupent de recherche sur les services de santé. Le Comité est d’avis qu’en ce moment critique pour notre système de soins de santé, il est essentiel que ce genre de recherche reçoive un financement suffisant et que les centres de recherche et leur personnel participent au débat actuel sur la structure future du système canadien de services hospitaliers et de services dispensés par un médecin ainsi que sur les moyens de réduire les lacunes croissantes de la couverture du régime de soins.

De plus, de nombreuses études ont montré qu’il existe un important écart entre les nouvelles connaissances et leur application courante dans la médecine de tous les jours. Par exemple, seulement 46 % des patients âgés ont reçu le vaccin antipneumococcique, en dépit du fait qu’ils forment le groupe qui risque le plus d’être atteint par les infections pneumococciques. Bien que son administration soit recommandée pour tous les diabétiques adultes, l’aspirine n’est prescrite que dans 20 % des cas, et les conseils sur la transmission du VIH ne sont donnés qu’à moins de 3 % des adolescents qui passent par un cabinet de médecin[54]. De plus, d’importantes différences persistent dans les schémas de pratique et les résultats, aussi bien entre régions qu’entre provinces. Le Comité croit que le gouvernement fédéral, en raison de son rôle très particulier dans la recherche en santé, devrait consacrer des crédits substantiels pour favoriser, de concert avec les provinces et les territoires, l’adoption des résultats de la recherche dans la pratique clinique. Le gouvernement devrait le faire tout en continuant à appuyer les nouvelles recherches sur les questions de santé prioritaires et à mettre au point de nouveaux outils, pour qu’à l’avenir ces connaissances et ces outils servent à améliorer la santé et les soins de santé.

Dans l’ensemble, le Comité estime qu’il faudrait mener plus de recherches pour améliorer la qualité des services de santé et de la prestation des soins. Par conséquent, il recommande :

Que le gouvernement fédéral, par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada, de Santé Canada et de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé, consacre des fonds supplémentaires à la recherche sur les services de santé et à la recherche clinique, et qu’il collabore avec les provinces et les territoires pour que les résultats de ces recherches soient largement diffusés parmi les fournisseurs, les gestionnaires et les décideurs du domaine des soins de santé.

 

12.5   Améliorer l’état de santé des populations vulnérables

De nombreux groupes de la société canadienne ont, pour diverses raisons, un accès moins immédiat que les autres à des services de santé correspondant à leurs besoins particuliers. On peut citer l’exemple des personnes atteintes de troubles mentaux, des toxicomanes, des personnes handicapées, de certaines minorités ethniques, des femmes en situation difficile, des habitants des collectivités rurales et isolées, des sans-abri et des pauvres. Le Comité reconnaît qu’il existe au Canada un besoin urgent d’appuyer des recherches pluridisciplinaires en santé afin d’acquérir de nouvelles connaissances sur les divers facteurs qui influencent l’état de santé ainsi que sur les moyens d’améliorer l’accès aux soins de santé dont les groupes vulnérables ont besoin. Les IRSC ont récemment élaboré un plan stratégique, par l’intermédiaire de trois de leurs instituts, en vue d’étudier cet important problème, mais des ressources supplémentaires sont nécessaires. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral, par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada et de Santé Canada, affecte davantage de fonds à la recherche portant sur la santé de segments particulièrement vulnérables de la société canadienne.

Dans le volume quatre de son étude sur les soins de santé, le Comité a déclaré que l’état de santé des Autochtones canadiens est une honte nationale. Il y a un écart disproportionné et totalement inacceptable entre les indicateurs de santé des Autochtones et ceux des autres Canadiens. Les membres de nos Premières nations connaissent une incidence beaucoup plus élevée de nombreux problèmes de santé, comprenant notamment le cancer, le diabète et l’arthrite, les affections cardiaques parmi les hommes, le suicide parmi les jeunes hommes, le VIH-sida ainsi que la morbidité et la mortalité liées aux blessures. Les taux de mortalité infantile sont deux à trois fois supérieurs à la moyenne nationale, avec des proportions élevées de syndrome et d’effets d’alcoolisme fœtal et de mauvaise nutrition. Environ 12 % des enfants autochtones sont asthmatiques, par rapport à 5 % de l’ensemble des enfants canadiens. Cette dernière tendance est attribuable, du moins en partie, à des problèmes de santé environnementale, comme la présence de moisissures dans les maisons[55].

Le Comité croit que c’est la recherche qui pourrait contribuer le plus à l’amélioration de l’état de santé des Autochtones canadiens. À notre avis, la création, aux IRSC, de l’Institut de la santé des Autochtones est un pas important dans la bonne direction. Santé Canada, qui dispense de nombreux services et programmes de santé dans les collectivités des Premières nations et les collectivités inuites, devrait renforcer sa capacité de recherche et sa capacité d’intégration des résultats de la recherche dans la politique publique. En particulier, Santé Canada a besoin d’une forte capacité de recherche pour atteindre les objectifs suivants :

·        compiler et analyser les renseignements démographiques disponibles pour déterminer les tendances, les nouveaux problèmes et les différences entre régions géographiques et collectivités;

·        examiner les programmes et les services pour déterminer les pratiques les plus efficaces dans les collectivités des Premières nations et les collectivités inuites, et pour s’assurer que des progrès suffisants sont réalisés en vue de résoudre les grands problèmes de santé;

·        maintenir et renforcer la capacité d’analyse de la recherche tant nationale qu’internationale, et intégrer les pratiques exemplaires dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques et des programmes.

Par conséquent, le Comité recommande à titre urgent :

Que le gouvernement fédéral affecte des fonds supplémentaires à l’Institut de la santé des Autochtones des IRSC, afin d’intensifier la participation des chercheurs canadiens en santé, et notamment des Autochtones eux-mêmes, aux recherches visant à améliorer la santé des Autochtones canadiens.

Que Santé Canada reçoive des ressources supplémentaires pour étendre sa capacité de recherche et renforcer sa capacité d’intégration des résultats de la recherche dans le domaine de la santé des Autochtones.

La recherche sur les questions de santé intéressant les pays en développement est également importante. Le Comité a appris que ces recherches sont très rares. En fait, les données recueillies portent à croire que moins de 10 % de la recherche en santé est consacrée aux problèmes qui représentent 90 % du fardeau mondial des maladies.

Les principales causes de morbidité et de mortalité dans les pays en développement peuvent être regroupées sous quatre grands titres : la malnutrition, le manque d’hygiène sexuelle et reproductive, les maladies transmissibles et les maladies non transmissibles (y compris les blessures). Un récent rapport de l’Organisation mondiale de la santé révèle qu’en présence d’un grand nombre de malades, de mourants ou de personnes souffrant de malnutrition, la croissance économique est impossible à long terme.

Le Comité est d’avis qu’en raison de son expertise et de son excellence dans la recherche en santé, le Canada devrait assumer un rôle de leadership à cet égard. Le gouvernement fédéral a déjà franchi un premier pas dans la bonne direction. En effet, dans un effort conjoint sans précédent, quatre organismes gouvernementaux canadiens ont uni leurs forces pour prendre l’engagement commun de s’attaquer aux problèmes de santé mondiaux grâce à la recherche. L’Agence canadienne de développement international (ACDI), les IRSC, le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) et Santé Canada ont ainsi lancé l’Initiative de recherche en santé mondiale (IRSM). Cette entreprise conjointe leur permettra non seulement d’exploiter plus efficacement leurs programmes et leurs recherches, mais aussi de contribuer à une grande cause humanitaire, la protection de la santé des citoyens de tous les pays, y compris les Canadiens. C’est un début, et il faudra en faire plus. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral affecte davantage de ressources à l’Initiative de recherche en santé mondiale.

 

12.6   Commercialiser les résultats de la recherche en santé

Les nouvelles connaissances découlant de la recherche en santé ont en elles-mêmes une grande valeur pour la société, mais les effets globaux de la recherche sont maximisés quand ces connaissances rapportent des avantages sociaux et économiques. La commercialisation des résultats de la recherche en santé est l’un des moyens de réaliser ces avantages.

La commercialisation des résultats de la recherche en santé peut intervenir à de nombreuses étapes différentes de la recherche, chacune de ces étapes faisant l’objet de problèmes distincts. Par exemple, l’une des principales difficultés de la commercialisation de la recherche universitaire en santé (recherche effectuée dans les universités et les hôpitaux) est qu’aux premiers stades des travaux, les investissements privés sont très risqués et sont donc d’un caractère spéculatif. Par contre, une fois que la recherche a débouché sur un produit commercialisable, comme aux derniers stades des essais cliniques (principalement réalisés par de grandes entreprises pharmaceutiques orientées vers la recherche), le principal problème réside dans le régime de propriété intellectuelle et de brevets, de même que dans l’approbation et la surveillance des médicaments. La commercialisation des résultats de la recherche en santé procure de nombreux avantages, notamment :

·        amélioration de la santé, qui peut augmenter la productivité de la main-d’œuvre;

·        amélioration de la qualité des services de santé;

·        augmentation de l’efficacité de la prestation des soins de santé;

·        financement accru de la recherche, découlant de la commercialisation et de la formation de partenariats de recherche;

·        création d’emplois dans de nouvelles entreprises;

·        intensification de l’activité économique grâce à la fabrication, à la commercialisation et à la vente de nouveaux produits et services liés aux soins de santé.

Dans son mémoire au Comité, le Conseil pour la recherche en santé au Canada mentionne que les nouvelles sociétés de biotechnologie établies par des scientifiques bénéficiant d’un financement des IRSC constituent une importante retombée des investissements publics dans la recherche en santé :

Par exemple, 23 sociétés ont été créées à l’Université de la Colombie-Britannique, et 732 personnes y travaillent. À McGill, 18 entreprises ont été lancées; elles emploient 392 personnes. À l’Université d’Ottawa, 10 sociétés ont été mises sur pied et offrent du travail à 459 personnes. De telles entreprises ne peuvent s’épanouir sans investissements publics servant à financer régulièrement la machine à découverte[56].

Visudyne est un exemple de résultat de la recherche canadienne en santé ayant entraîné des progrès remarquables dans le domaine des soins. Ce médicament, dont l’utilisation a été autorisée dans plus de 30 pays, constitue le seul traitement approuvé de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, principale cause de perte de la vue due au vieillissement. Le médicament a été mis au point à l’Université de la Colombie-Britannique, avec un financement provenant partiellement du gouvernement fédéral. L’Université a prêté son concours pour le démarrage de la société QLT Inc., chargée de la commercialisation du produit. L’entreprise, qui a son siège à Vancouver, emploie plus de 350 personnes et a une capitalisation boursière de l’ordre de 1,5 milliard de dollars américains.

Le 3TC est un autre exemple : seul inhibiteur de la reverse-transcriptase du VIH ayant peu ou pas d’effets secondaires, ce produit est un élément courant du traitement du VIH-sida, mis au point grâce à des recherches effectuées à Montréal avec un financement fédéral. Avant son acquisition par la société britannique Shire Pharmaceuticals plc., BioChem Pharma Inc. avait son siège à Montréal, employait 278 personnes et avait une capitalisation boursière de 3,7 milliards de dollars américains.

Ces exemples illustrent le potentiel de la recherche en santé pour le traitement des maladies, la création d’emplois et la production d’avantages économiques pour le Canada. Même si beaucoup de technologies développées dans les universités sont cédées sous licence à des sociétés étrangères, il est raisonnable de s’attendre à ce que le Canada conserve certains avantages quand le gouvernement fédéral a contribué au financement de la recherche en cause.

Comme nous l’avons dit à la section 12.2, les sciences et l’économie vont de pair. Toutefois, dans son témoignage devant le Comité, le Dr Henry Friesen, chef d’équipe du Western Canadian Task Force on Health Research and Development, a déclaré que les conditions actuelles ne permettent pas aux contribuables canadiens de bénéficier au maximum des résultats de la recherche en santé financée par les deniers publics[57]. De l’avis du groupe de travail, loin d’être optimale, la capacité de commercialisation des résultats de la recherche est clairement inacceptable[58].

Des conclusions semblables figurent dans un rapport daté de 1999 du Conseil consultatif des sciences et de la technologie (CCST), produit par son Groupe d’experts sur la commercialisation des résultats de la recherche universitaire[59]. Le Groupe d’experts défend la thèse selon laquelle les résultats tirés de la recherche universitaire financée par des fonds fédéraux devraient, s’il existe des possibilités de commercialisation, être gérés comme un bien pouvant rapporter des dividendes à l’économie et aux contribuables du Canada. Il démontre que les États-Unis ont beaucoup mieux réussi que le Canada à commercialiser les résultats de la recherche universitaire, en dépit d’une participation croissante du secteur privé au financement de la recherche dans les universités canadiennes.

La plupart des grands établissements de recherche du Canada (universités et hôpitaux de recherche) ont des bureaux internes de commercialisation de la technologie financés par des sources universitaires et, en cas de succès, par les recettes découlant de leur propre activité. À l’heure actuelle, les dépenses liées aux activités de commercialisation ne sont pas couvertes par le financement fédéral direct de la recherche. Le Comité a appris que, pour la grande majorité, ces bureaux de commercialisation de la technologie ne recouvrent pas leurs frais et constituent donc des centres de coûts plutôt que des centres de profit pour leur établissement. Même si leur fonction n’est pas essentielle à la recherche en soi (création de nouvelles connaissances), on peut soutenir qu’il existe de bonnes raisons d’inclure les frais d’exploitation de ces bureaux dans le calcul des coûts indirects de la recherche, puisque la commercialisation de la technologie est une activité liée à la recherche.

La question du financement des coûts de recherche indirects par les organismes subventionnaires fédéraux fait depuis quelques années l’objet d’une controverse. Selon certains, elle explique en partie la compétitivité moindre des chercheurs canadiens. Les coûts indirects sont les dépenses liées à l’administration, à l’entretien, à la commercialisation et à la rémunération du chercheur principal, qui sont attribuables à un projet de recherche. Le rapport de 1999 du CCST[60] ainsi que des publications postérieures recommandent que le gouvernement fédéral augmente son investissement en acceptant de financer les coûts indirects de la recherche qu’il appuie. De même, le mémoire du Conseil pour la recherche en santé au Canada insiste sur le point suivant :

[Les] coûts indirects de recherche doivent être financés afin d’offrir un milieu de pointe en recherche, milieu qui permette la réalisation de tous les avantages du programme d’innovation du gouvernement. […] Le Conseil croit que le gouvernement devrait avoir pour priorité d’élaborer le plus tôt possible un plan spécifique et à long terme s’attaquant à cette question[61].

Le Comité reconnaît que, dans son budget de décembre 2001, le gouvernement fédéral a prévu un investissement ponctuel de 200 millions de dollars, par l’entremise des conseils subventionnaires, pour réduire les pressions financières liées à la hausse des coûts indirects des activités de recherche, y compris la commercialisation. Nous espérons, d’une part, que les universités et les hôpitaux de recherche utiliseront une partie de ces fonds pour renforcer leur capacité de commercialisation et, de l’autre, que le gouvernement fédéral décidera de transformer cet investissement ponctuel en crédit annuel permanent.

Le Comité convient avec les témoins et les conclusions des rapports récents qu’il est nécessaire de trouver des moyens de faire profiter au maximum les contribuables canadiens de la commercialisation de la recherche en santé financée à l’aide de fonds fédéraux. Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait établir les conditions nécessaires pour permettre aux chercheurs et aux bureaux de commercialisation de la technologie qui offrent de l’appui et des services aux chercheurs de maximiser les résultats de leurs efforts de commercialisation des résultats de la recherche en santé financée à l’aide de fonds fédéraux.

De plus, le Comité estime qu’à titre de principal mécanisme canadien de financement de la recherche en santé ayant le mandat législatif d’utiliser la connaissance pour améliorer la santé, les IRSC sont les mieux placés pour évaluer les recommandations relatives à la recherche en santé formulées par le Western Canadian Task Force, le Groupe d’experts du CCST et dans d’autres études sur la commercialisation de la technologie. Nous croyons que les IRSC devraient se servir de ces études comme base pour élaborer et mettre en œuvre une stratégie d’innovation tenant compte des programmes, des politiques et des personnes. À notre avis, une telle stratégie devrait permettre aux IRSC d’appuyer et de renforcer la capacité des bureaux universitaires de commercialisation de la technologie de maximiser les transferts de technologie au marché, favorisant ainsi l’innovation et la création d’entreprises et d’emplois au Canada. Nous croyons en outre que cette stratégie d’innovation doit se fonder sur un cadre comprenant des principes directeurs qui touchent le bien public et les avantages pour le Canada, afin que la recherche du maximum d’avantages sociaux et économiques ne menace ni la liberté universitaire, ni l’orientation de la recherche, ni la prestation des soins de santé. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral exige de tous les bénéficiaires de subventions fédérales à la recherche en santé l’engagement explicite d’obtenir le maximum d’avantages pour le Canada quand les résultats de la recherche subventionnée sont utilisés à des fins lucratives.

Que les Instituts de recherche en santé du Canada, sans faire abstraction de la valeur sociale de la recherche en santé n’ayant pas de résultats commerciaux lucratifs, cherchent à favoriser les retombées économiques au Canada découlant de leurs investissements dans la recherche canadienne en santé, quand les résultats de cette recherche sont utilisés à des fins lucratives. Ce faisant, les IRSC devraient élaborer une stratégie d’innovation visant à accélérer et à faciliter la commercialisation des résultats de la recherche en santé.

Que le gouvernement fédéral investisse des ressources supplémentaires, dans le cadre de la stratégie d’innovation des IRSC, pour valoriser la production des chercheurs canadiens en santé et renforcer la capacité de commercialisation des résultats de la recherche en santé financée par des fonds fédéraux. Le nouveau financement devrait s’ajouter aux investissements actuels dans la recherche en santé. Il faudrait en particulier rendre permanent le financement des coûts indirects de la recherche par les organismes subventionnaires du Canada. Les responsables de la recherche en santé devraient rendre compte de l’utilisation des fonds de commercialisation.

La délivrance de brevets à l’égard de formes de vie supérieures est un aspect de la commercialisation des résultats de la recherche en santé qui a récemment suscité une certaine controverse. Ce sujet est étroitement lié à des questions d’éthique, de propriété intellectuelle et d’intérêts économiques. Même si ces questions s’inscrivent dans le cadre de la recherche canadienne en santé et du travail du Comité, elles sont examinées ailleurs. En fait, le gouvernement fédéral a chargé le Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB) de le conseiller sur cette question de la plus haute importance. Le CCCB a publié un rapport provisoire fin 2001 dans lequel il recommande de refuser de breveter des êtres humains, quel que soit le stade de leur développement[62]. De plus, le rapport recommande d’entreprendre un programme de recherche systématique pour évaluer les répercussions des brevets de biotechnologie sur différents aspects des services de santé. C’est clairement là un sujet qui mérite un examen sérieux, mais qui déborde le cadre du présent rapport.

 

12.7   Respecter les normes d’éthique les plus élevées dans la recherche en santé

Les sections qui précèdent ont démontré l’excellence croissante du Canada dans le domaine de la recherche en santé et la priorité élevée dont cette recherche bénéficie chez nous. L’histoire montre cependant que la découverte de nouvelles connaissances relatives à la santé peut, par exemple, occasionner des abus touchant les sujets de la recherche, la vie privée et le traitement des animaux. Des nombreux rapports ont souligné de diverses façons que l’acquisition de nouvelles connaissances ne devrait pas se faire au détriment d’êtres humains ou d’autres formes de vie et que l’excellence en santé exige l’excellence en matière d’éthique.

Mais qu’est-ce que l’éthique? Laura Shanner, professeure à l’Université de l’Alberta, a dit au Comité que l’éthique est « une tentative systématique et raisonnée de comprendre des questions d’une importance humaine fondamentale et de prendre les meilleures décisions possibles à leur sujet[63] ». Quand l’éthique est appliquée à des connaissances biologiques en médecine, on parle plutôt de « bioéthique ». La Dre Nuala Kenny, professeure de pédiatrie à l’Université Dalhousie (Nouvelle-Écosse), a défini comme suit la bioéthique :

La bioéthique est une compréhension particulière de l’éthique qui implique la discipline de la philosophie pour aider à prendre des décisions de valeur. C’est une question de déterminer ce qui est juste et bon. La bioéthique est l’éthique dans le domaine de la biosphère, la biologie humaine. Cela va également au-delà de la santé humaine, mais la majorité des gens l’utilisent dans ce contexte.

Cela revient à poser la question de savoir comment définir, dans une société multiculturelle, les valeurs, les problèmes et les intérêts en jeu pour décider de ce qui est juste et bon, généralement concernant la situation d’un patient. Puis, comment aider les parties en question à établir une sorte de priorité afin de se battre pour ce qui est bon ou contre ce qui est mauvais, et de faire des choix de manière responsable[64].

Dans beaucoup de domaines, les décisions difficiles nécessitent l’examen de multiples facteurs, mettant chacun en cause des valeurs, des principes, des points de vue, des convictions, des attentes, des craintes, des espoirs, etc., différents et souvent contradictoires. Face à de telles décisions, différentes personnes vont aboutir à différentes conclusions non seulement parce qu’elles considèrent des facteurs différents, mais aussi parce qu’elles les jugent les uns par rapport aux autres de façons différentes. L’effet pratique de l’éthique, comme discipline, est d’aider ceux qui doivent affronter des décisions complexes à en saisir les valeurs et les principes inhérents et à les peser les uns par rapport aux autres afin d’aboutir à la meilleure décision possible. Bien que fondée sur de solides bases théoriques, l’éthique des soins et de la recherche en santé traite de situations réelles de la vie.

Comme la recherche tente constamment de faire avancer le champ de la connaissance, elle pose les questions d’éthique les plus difficiles. L’objet de cette section est de passer en revue quelques-uns des grands secteurs de l’éthique de la recherche à la lumière des politiques et des mécanismes nécessaires ou actuellement en place au Canada, pour nous assurer que la recherche en santé est réalisée d’une manière conforme aux normes éthiques des Canadiens.

 

12.7.1 La recherche sur des sujets humains

La recherche en santé doit, à l’occasion, porter sur des humains comme sujets. Même si la recherche sur d’autres êtres vivants procure des connaissances essentielles, en définitive, seule la recherche sur des sujets humains peut nous dire, par exemple, si une approche possible de la prévention, du diagnostic ou du traitement d’une maladie est assez sûre, si elle aide vraiment les patients, quels sont ses effets secondaires et si elle est supérieure à un traitement qui existe déjà.

Les sujets de recherche – il s’agit souvent de patients atteints de la maladie dont le traitement est à l’étude – assument des risques pour que d’autres puissent profiter des connaissances que la recherche est censée fournir. La recherche sur des sujets humains comporte de nombreux risques : abus des personnes en cause, mauvaise utilisation des données, exploitation, violation de la vie privée, confidentialité, etc. Parce que la recherche en santé suscite tant de questions, un consensus international s’est développé au cours du dernier demi-siècle. Ce consensus, qui a commencé avec le Code de Nuremberg (1947) et la Déclaration de Helsinki (1964, révisée en 2000), préconise que les aspects éthiques de tout projet de recherche ayant des sujets humains soient examinés et approuvés, après modification si nécessaire, par un comité d’éthique constitué d’une manière appropriée (au Canada, il porte le titre de « comité d’éthique de la recherche » ou CER) avant le commencement des travaux.

Un comité d’éthique de la recherche (CER) « est un mécanisme que la société canadienne établit pour garantir la protection de ses membres participant à des travaux de recherche[65] ». Un CER est un groupe pluridisciplinaire indépendant des chercheurs et des commanditaires de la recherche, formé dans un établissement local pour examiner les normes éthiques des projets de recherche de l’établissement. Il est habilité à approuver ou à rejeter tout projet envisagé ou en cours ayant des sujets humains, à en demander la modification ou à y mettre fin. En fait, le CER atteste, pour chaque protocole de recherche, que les travaux envisagés, s’ils sont réalisés de la manière approuvée, satisfont aux normes d’éthique auxquelles les Canadiens s’attendent, ou les dépassent.

La principale politique nationale régissant l’éthique de la recherche sur des sujets humains, Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains (EPTC), a été publiée en 1998 par les IRSC, le CRSH et le CRSNG. L’EPTC a remplacé les politiques antérieures (CRM, 1978 et 1987; CRSH, 1976). Le Panel d’experts et le Secrétariat en éthique de la recherche, que les trois organismes subventionnaires fédéraux ont constitués en novembre 2001, sont chargés de coordonner l’évolution et l’interprétation de l’EPTC, l’objectif étant de le tenir à jour face à l’évolution rapide de la connaissance, de la recherche et de la technologie.

L’Énoncé de politique des trois Conseils a été adopté par les établissements universitaires (où se fait la plus grande partie de la recherche sur des sujets humains) et par un certain nombre de ministères et d’organismes fédéraux, y compris le ministère de la Défense nationale (MDN) et le Conseil national de recherches du Canada (CNRC).

Santé Canada est en train d’établir son propre comité d’éthique de la recherche, qui se servira aussi de l’EPTC, pour déterminer si la recherche interne, la recherche donnée à contrat à des chercheurs extérieurs et les demandes présentées aux IRSC et à d’autres organismes de financement sont acceptables sur le plan éthique. Santé Canada a également adopté les lignes directrices de la Conférence internationale d’harmonisation relatives aux essais cliniques auxquels participent des sujets humains[66].

Depuis les années 70, conformément aux politiques nationales régissant l’éthique de la recherche sur les sujets humains, quelque 300 CER locaux ont été créés au Canada dans différents milieux : universités, laboratoires du gouvernement, organisations communautaires, hôpitaux universitaires et communautaires. Dans beaucoup d’hôpitaux universitaires, au moins 50 % des protocoles de recherche examinés par les CER portent sur des essais cliniques commandités par le secteur privé pour mettre à l’épreuve de nouvelles interventions pharmaceutiques dans la santé humaine, afin de satisfaire aux exigences réglementaires d’autorisation de Santé Canada et de la Food and Drug Administration des États-Unis. De plus, un certain nombre de CER d’entreprise et de CER privés à but lucratif ont été créés dans les dernières années pour examiner la recherche financée par des intérêts privés à l’extérieur des établissements universitaires, à des endroits sans accès à un CER local. En Alberta, tous les médecins qui ne relèvent pas d’un CER d’établissement sont tenus de recourir au CER du Collège des médecins et chirurgiens de l’Alberta. Pour sa part, Terre-Neuve envisage d’établir un CER unique chargé d’examiner toute la recherche en santé effectuée dans la province.

En 1989, le CRM a créé le Conseil national d’éthique en recherche chez l’humain (CNERH), avec l’appui de Santé Canada et du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Le CNERH s’efforce d’encourager le respect de normes d’éthique rigoureuses dans la recherche sur des sujets humains effectuée partout dans le pays, en donnant des conseils sur la mise en œuvre de l’EPTC, surtout dans le cadre d’activités éducatives et de visites sur place à des CER locaux. Le CNERH est actuellement financé par les IRSC, le CRSH, le CRSNG, Santé Canada et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.

 

12.7.2 Questions suscitées par la recherche sur des sujets humains[67]

L’Énoncé de politique des trois Conseils, qui est en fait la politique nationale du Canada sur la conduite éthique de la recherche en santé sur des sujets humains, semble être compatible avec les normes mondiales. Pour la plupart, les CER du Canada semblent appliquer des normes élevées, fondées sur plus de vingt ans d’expérience et de dévouement de nombreuses personnes partout dans le pays. Toutefois, le Comité a appris que de sérieuses lacunes sont signalées dans quelques rapports récemment publiés par le CNERH et les IRSC ainsi que par la Commission du droit du Canada[68]. Nous présentons dans ce qui suit un résumé des principaux problèmes ou lacunes mentionnés dans ces rapports :

·        Bien que l’Énoncé de politique des trois Conseils établisse des normes très élevées, il n’existe actuellement aucun mécanisme de surveillance permettant de vérifier la conformité à ces normes. D’une part, il n’existe aucun processus d’approbation, d’autorisation ou d’inspection régulière des procédures d’examen de l’éthique de la recherche appliquées par les CER. De l’autre, et malgré le fait qu’un nombre croissant de CER commencent à s’attaquer à ce problème, peu de comités d’éthique suivent les recherches effectuées après l’approbation du protocole correspondant. En d’autres termes, les CER n’ont le plus souvent qu’une connaissance limitée de ce qui se passe après l’approbation d’un protocole de recherche.

·        Certaines préoccupations ont été exprimées au sujet de conflits d’intérêts réels ou perçus impliquant des chercheurs ou des établissements. Même si, par consensus international, les CER doivent être créés dans les établissements de recherche et si leur travail exige une collaboration étroite avec d’autres services de leur établissement, ils doivent pouvoir fonctionner à l’abri des pressions de l’établissement et des chercheurs.

·        De même, l’absence de supervision publique des CER privés, qui agissent indépendamment ou par l’entremise d’organisations de recherche engagées à contrat par des sociétés de produits pharmaceutiques, suscite des préoccupations au sujet de leur indépendance et des possibilités de conflit d’intérêts.

·        Les CER ont besoin de ressources supplémentaires. Le travail devenant de plus en plus compliqué, du fait de la mondialisation, de l’évolution de la technologie et de la commercialisation, les CER ont de la difficulté à se trouver des présidents et même à recruter des membres.

·        Il n’existe actuellement au Canada aucune norme sur les titres et l’expérience des membres des CER et des chercheurs en éthique de la recherche. En l’absence de normes canadiennes, les chercheurs doivent cependant satisfaire aux normes de formation américaines s’appliquant à la recherche en santé sur des sujets humains financée par des sources américaines.

·        Les processus actuels d’examen éthique se fondent davantage sur les « producteurs » que sur les « consommateurs ». En d’autres termes, les sujets ne sont pas suffisamment représentés au niveau de la gestion de la recherche.

·        Il est urgent d’entreprendre des recherches empiriques au sujet des effets de la recherche en santé sur les sujets humains, ainsi que de l’efficacité des procédures d’examen éthique.

Bref, il faut améliorer la gouvernance, la transparence et la responsabilité des processus d’examen éthique appliqués au Canada :

[…] nous avons été surpris de constater l’importance des écarts entre les idéaux exprimés dans la politique et les dispositions pratiques de responsabilité, d’efficacité et d’autres critères de bonne gestion[69].

Le Comité convient avec les auteurs de nombreux rapports que la question centrale, pour le Canada, est de savoir qui est responsable envers le public de l’ensemble des processus mis en œuvre pour assurer le caractère éthique de la recherche effectuée sur des sujets humains. Nous reconnaissons l’excellent travail accompli dans différents milieux, partout au Canada, par des personnes dévouées qui se sont efforcées de veiller à ce que la recherche en santé effectuée sur des sujets humains satisfasse aux normes d’éthique les plus élevées. Nous sommes persuadés que les résultats obtenus au Canada sont aussi bons que partout ailleurs dans le monde. En fait, le rapport publié par la Commission du droit du Canada souligne :

Nous avons également été très impressionnés par le calibre des experts appartenant à de nombreux CER, sur les plans de l’érudition, de l’éthique et du droit. D’une façon générale, les chercheurs canadiens ont acquis une réputation internationale en ce qui concerne les aspects juridiques et éthiques de la recherche effectuée sur des sujets humains[70].  

Le Comité croit cependant que les structures et les approches variées qui caractérisent actuellement l’éthique de la recherche en santé sont incompatibles avec la responsabilité envers le public qu’exige un secteur de cette importance. Nous exhortons donc les différents grands intervenants de la recherche en santé sur des sujets humains à travailler ensemble pour élaborer un système de gouvernance pouvant atteindre les objectifs suivants : la promotion de la recherche présentant des avantages sociaux, la protection des chercheurs et le maintien de la confiance entre la communauté de la recherche et l’ensemble de la société[71].  Les intervenants suivants devraient participer à cette initiative : Santé Canada, les IRSC, les autres organismes subventionnaires fédéraux, le Panel d’experts et le Secrétariat en éthique de la recherche, les commanditaires du secteur privé, les instituts de recherche, les organisations et associations professionnelles de la santé, le CNERH, l’Association canadienne (nouvellement créée) des comités d’éthique de la recherche, etc. Par conséquent, le Comité recommande :

Que Santé Canada prenne l’initiative, en collaboration avec les intervenants, de l’élaboration d’un système commun de gouvernance de la recherche en santé effectuée sur des sujets humains s’appliquant à toute la recherche que le gouvernement fédéral exécute, finance et utilise dans ses activités de réglementation.

Que, dans l’élaboration de ce système de gouvernance de l’éthique, Santé Canada considère les éléments suivants comme essentiels au progrès :

§         travailler en premier sur toute la recherche (en santé) que le gouvernement fédéral exécute, finance ou utilise dans ses activités de réglementation, afin d’élaborer un système efficace et efficient de gouvernance qui sera adopté comme norme partout au Canada;

§         accorder une grande importance, dans le système de gouvernance, à des mécanismes efficaces d’éducation et de formation, destinés à tous ceux qui s’occupent de recherche et d’éthique de la recherche et dotés d’un processus d’agrément correspondant aux responsabilités des différents participants;

§         élaborer des normes, fondées sur l’Énoncé de politique des trois Conseils, les lignes directrices de la Conférence internationale d’harmonisation relatives aux essais cliniques sur des sujets humains et d’autres normes pertinentes canadiennes et étrangères, pouvant servir de base à l’autorisation ou à l’agrément des fonctions ou des comités d’éthique de la recherche à un niveau correspondant aux attentes des Canadiens et aux normes d’autres pays;

§         veiller à l’actualisation de l’Énoncé de politique des trois Conseils et à son maintien à l’avant-garde des politiques internationales régissant l’éthique ou la recherche sur des sujets humains;

§         faire disparaître les incohérences entre les différentes politiques qui régissent actuellement la recherche sur des sujets humains et faire concorder les normes canadiennes avec celles d’autres pays qui influent sur la recherche canadienne;

§         établir un processus d’autorisation ou d’agrément des fonctions d’éthique de la recherche, qui soit indépendant du gouvernement, mais qui soit clairement tenu de lui rendre compte de son activité;

§         élaborer le système de gouvernance dans le cadre de consultations de fond ouvertes et transparentes avec les intervenants.

 

12.7.3 L’utilisation d’animaux dans la recherche

Les animaux étant biologiquement très semblables aux humains, ils sont utilisés dans la recherche pour acquérir de nouvelles connaissances biologiques ayant de fortes chances de s’appliquer aux humains. Toutefois, comme ils ne sont pas identiques à ceux-ci, toute nouvelle connaissance découlant de la recherche sur les animaux doit faire l’objet d’essais sur des humains avant d’être appliquée à la santé humaine.

Des préoccupations éthiques au sujet de l’utilisation des animaux, notamment dans la recherche, ont été exprimées depuis le XIXe siècle, surtout en Angleterre. Au Canada, ces préoccupations ont amené le CRM et le CNRC à entreprendre des études qui ont abouti, en 1968, à la création du Conseil canadien de protection des animaux (CCPA). Aujourd’hui, le CCPA reçoit 87 % de son budget de 1,2 million de dollars des IRSC et du CRSNG, ce qui lui permet d’offrir ses services aux établissements de recherche qu’ils financent. Le CCPA tire le reste de ses revenus des honoraires qu’il facture aux établissements gouvernementaux et privés.

Le CCPA délivre le Certificat de bonnes pratiques animalesâ aux établissements qu’il juge conformes à ses normes. La conformité est déterminée par des équipes d’évaluation qui effectuent des visites sur place. Les IRSC et le CRSNG imposent à tous ceux qui souhaitent recevoir des fonds de recherche de participer au programme du CCPA et informent les bénéficiaires qu’ils cesseront de recevoir ces fonds si le CCPA les déclare non conformes à ses normes. Le CCPA signale que les établissements respectent en général ses recommandations[72].

Dans son mémoire au Comité, la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé (CRBS) affirme que les normes du CCPA sont reconnues aussi bien au Canada qu’à l’échelle internationale :

La CRBS estime que les recherches faisant appel à des animaux qui sont conformes aux lignes directrices et aux politiques du CCPA sont des activités éthiques et responsables.

En reconnaissant les normes du CCPA, qui sont acceptées à l’échelle nationale et internationale, le gouvernement fédéral sera en mesure d’établir l’équilibre nécessaire entre la protection des animaux et les bienfaits découlant de leur utilisation à des fins scientifiques[73].

La structure formelle du CCPA et son programme de surveillance constituent, pour beaucoup d’observateurs au Canada et à l’étranger, un modèle optimal qui permet au Conseil de travailler efficacement en toute indépendance du gouvernement, mais en collaboration avec lui[74]. De plus, un rapport récent envisage même l’utilisation d’un modèle du même genre dans la recherche sur des sujets humains. Par exemple :

Il y a au Canada un modèle intéressant que nous devrions, je crois, considérer sérieusement dans notre recherche d’un processus d’approbation de la recherche sur des sujets humains. C’est celui du Conseil canadien de protection des animaux. [...] il a aujourd’hui une crédibilité remarquable et une réputation internationale. [...] Il s’agit d’un modèle très intéressant presque exclusivement canadien. Il bénéficie de subventions fédérales tout en fonctionnant d’une manière indépendante, définissant des normes et établissant un processus très respecté d’approbation de la recherche sur les animaux[75].

Le Comité reconnaît que le CCPA fournit des services de calibre mondial aux Canadiens d’une façon efficace et économique. Quoiqu’un certain nombre de Canadiens ne voudront pas en convenir – notamment ceux qui s’opposent à toute utilisation des animaux dans la recherche, le Comité croit que le CCPA a clairement prouvé qu’il est possible de gérer efficacement un secteur très délicat qui nécessite une attention de tous les instants en adoptant une approche fondée sur :

·        la conviction, jusqu’à preuve du contraire, que les établissements et les particuliers s’efforcent de travailler d’une manière qui reflète les valeurs des Canadiens;

·        le renforcement de la sensibilisation et de la formation des personnes aux dossiers et aux normes;

·        des méthodes d’évaluation qui sont basées sur des normes reconnues à l’échelle internationale, qui mènent à l’agrément des installations et des processus, font intervenir des experts et des profanes et sont appliquées d’une manière collégiale en l’absence de preuves d’écarts de conduite et d’omission de prendre les mesures correctives nécessaires.

Sans préconiser une simple transposition des mécanismes du CCPA dans la gestion, certes difficile, de la recherche sur des sujets humains, le Comité croit qu’il y a beaucoup d’enseignements à tirer de l’expérience du CCPA. Il estime cependant qu’il existe des lacunes dans l’interaction entre le CCPA et le gouvernement fédéral. Même si de nombreux ministères et organismes fédéraux ont adopté le programme d’évaluation du CCPA pour la recherche sur les animaux effectuée dans leurs propres installations et même si les IRSC et le CRSNG imposent le respect des normes du CCPA comme condition préalable à l’attribution de fonds de recherche, nous croyons que cela ne suffit pas. Par conséquent, le Comité recommande :

Que tous les ministères et organismes fédéraux imposent le respect des normes du Conseil canadien de protection des animaux dans :

§         toute la recherche effectuée dans des installations fédérales;

§         toute la recherche financée par des ministères et organismes fédéraux, mais effectuée en dehors des installations fédérales;

§         toute la recherche effectuée sans financement fédéral en dehors des installations fédérales, mais dont les résultats sont présentés au gouvernement fédéral ou sont utilisés par lui dans l’exercice de fonctions prévues par voie législative.

 

12.7.4 La confidentialité des renseignements médicaux personnels

Tous les renseignements personnels sont importants, mais pour la plupart des gens les renseignements médicaux sont probablement les plus délicats. Les renseignements sur la santé revêtent un caractère très intime, non seulement parce qu’ils touchent directement la personne en cause, mais aussi parce qu’ils ont des effets sur les membres de la famille et d’autres, ainsi que sur différents aspects de la vie d’une personne, comme son emploi ou son assurabilité.

Le droit à la vie privée et à la protection des renseignements médicaux personnels est très précieux pour les Canadiens. Plus que jamais auparavant, ceux-ci ont aujourd’hui besoin de l’assurance que leur vie privée et leurs renseignements personnels seront respectés en cette ère de progrès technologiques rapides. En même temps, l’état de santé et la qualité des soins ont aussi une très grande valeur pour eux. Les fournisseurs de services de santé, les gestionnaires des soins de santé et les chercheurs en santé doivent avoir accès aux renseignements médicaux personnels pour améliorer la santé des Canadiens, renforcer les services et maintenir la qualité du système de soins. Pour les Canadiens, le défi actuel est de trouver un juste milieu entre leur droit à la vie privée et les besoins d’accès à l’information (des fournisseurs de services de santé, des gestionnaires des soins et des chercheurs).

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), promulguée en juin 2000, a suscité un débat animé et un important examen de cette question ces deux dernières années. Le secteur de la santé ne s’est rendu compte des effets possibles de cette mesure législative sur la recherche en santé et la gestion des soins qu’assez tard dans le processus d’examen du projet de loi à la Chambre des communes. Des représentants de différentes parties du secteur de la santé sont donc intervenus énergiquement au cours des audiences tenues par le Comité fin 1999. Leur témoignage a clairement démontré, d’une part, que le secteur de la santé ne participait pas au large consensus qui s’était formé en faveur du projet de loi et, de l’autre, que les diverses entités du secteur de la santé ne s’entendaient pas entre elles sur une solution aux problèmes de confidentialité de l’information médicale que soulevait la mesure législative. En conséquence, le Comité a conclu que beaucoup d’incertitude entourait l’application de la LPRPDE aux renseignements médicaux personnels et que des éclaircissements étaient donc nécessaires. En réponse à la recommandation du Comité[76], le gouvernement fédéral a décidé de reporter jusqu’au 1er janvier 2002 l’application de la Loi aux renseignements médicaux personnels. Cette période d’un an après la proclamation de la LPRPDE devait permettre au gouvernement et aux intervenants en cause du secteur de la santé de régler les points d’incertitude et de proposer une solution assurant la protection des renseignements médicaux personnels.

Le Comité est heureux de constater que plusieurs groupes du secteur de la santé se sont sérieusement occupés de beaucoup des préoccupations soulevées par la LPRPDE, et notamment la nécessité de protéger les renseignements médicaux personnels tout en en permettant une utilisation limitée à des fins essentielles, telles que la recherche en santé et la gestion des soins (qui comprend la prestation, la gestion, l’évaluation et l’assurance de la qualité des services de santé).

Au cours des deux dernières années, les IRSC ont procédé à une vaste analyse de cette question et ont lancé un important processus de consultation avec différents intervenants, qui a abouti à des recommandations sur l’interprétation et l’application de la LPRPDE à la recherche en santé[77].

Les recommandations des IRSC présentent, sous forme d’un projet de règlement établi en vertu de la LPRPDE, des dispositions exprimées dans un langage juridique précis, qui , sans modifier la Loi, en faciliteraient l’interprétation et l’application dans le domaine la recherche en santé. Les IRSC ont présenté ces recommandations au Comité comme solution réaliste à court terme fondée sur l’hypothèse que la LPRPDE ne serait vraisemblablement pas modifiée avant le 1er janvier 2002. Les IRSC ont souligné que leur projet de règlement, quoique sensiblement limité par le libellé actuel de la LPRPDE, peut néanmoins servir de guide utile pour aider à clarifier certains termes ambigus d’une manière qui permettrait d’atteindre les objectifs de la Loi sans pour autant entraver des recherches d’une importance vitale. Les IRSC sont également d’avis que le règlement, comme instrument exécutoire, est nécessaire pour permettre aux chercheurs et à l’ensemble des Canadiens de comprendre ce que la loi attend d’eux et de choisir en conséquence leur ligne de conduite. De plus, il pourrait servir de base aux mesures législatives sensiblement équivalentes que les provinces et les territoires pourraient élaborer avant le 1er janvier 2004, comme le prévoit la LPRPDE[78].

Enfin, les IRSC reconnaissent que d’autres travaux doivent être réalisés de concert avec différents intervenants et les provinces pour établir un cadre juridique ou stratégique d’ensemble plus cohérent, plus complet et mieux harmonisé pour le secteur de la santé. En définitive, la loi ou la politique qui régira ce domaine doit admettre une certaine souplesse et un certain réalisme dans son interprétation et son application. De plus, les utilisateurs devront élaborer des lignes directrices plus détaillées pour favoriser l’adoption des meilleures pratiques d’information dans leur travail quotidien.

Le Comité a examiné le projet de règlement proposé par les IRSC, qu’il tient à féliciter de leurs efforts dans ce domaine. Nous appuyons pleinement l’intention de ce document. Comme nous l’avons mentionné dans notre quatorzième rapport daté du 14 décembre 2001[79], le Comité croit que ce texte devrait faire l’objet d’une étude sérieuse. Par conséquent, il recommande :

Que des règlements comme celui que proposent les Instituts de recherche en santé du Canada fassent l’objet de l’étude la plus complète et la plus équitable possible dans le cadre des discussions qui se tiendront sur les moyens de clarifier et de préciser la loi, afin d’en atteindre les objectifs sans entraver d’importantes recherches destinées à améliorer la santé des Canadiens et à leur assurer de meilleurs services de santé.

Une deuxième initiative parallèle a été entreprise par un Groupe de travail sur la protection de la vie privée composé de représentants de l’Association dentaire canadienne, l’Association canadienne des soins de santé, l’Association médicale canadienne, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, l’Association des pharmaciens du Canada et l’Association des consommateurs du Canada. Le groupe de travail s’est occupé des besoins d’accès aux renseignements médicaux personnels à des fins de gestion des soins de santé. Dans un rapport présenté à Santé Canada, il énonce les principes suivants[80] :

·        Le caractère confidentiel de l’information, dans le domaine de la prestation des soins de santé, revêt une grande importance pour les Canadiens. La crainte que des renseignements médicaux personnels soient divulgués à d’autres peut nuire à la confiance qui est essentielle dans les relations entre patients et fournisseurs et amener donc les patients à hésiter à obtenir des soins ou à donner des renseignements que les fournisseurs ont besoin de connaître pour administrer un traitement approprié.

·        Même si le droit individuel à la protection des renseignements médicaux personnels est d’une grande importance, il n’est pas absolu. Ce droit doit s’exercer dans des limites raisonnables, prescrites par la loi, de façon à réaliser l’équilibre entre le droit à la vie privée et les besoins sociaux dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

·        Toute personne a droit à la protection de ses renseignements médicaux personnels, peut décider des conditions dans lesquelles ces renseignements sont recueillis, utilisés ou divulgués, a le droit de connaître l’existence de ses dossiers médicaux, d’y avoir accès et d’en vérifier l’exactitude, et doit avoir des recours quand elle soupçonne une violation de sa vie privée.

·        En contrepartie, les fournisseurs et les organisations de soins de santé ont l’obligation de considérer les renseignements médicaux personnels comme confidentiels; de prendre des mesures de sécurité adéquates pour préserver la vie privée et la confidentialité des renseignements personnels; de n’utiliser des renseignements identifiables qu’avec le consentement de la personne en cause, sauf si la loi impose le contraire ou, dans des conditions strictes, s’il existe des preuves concluantes que le bien public l’exige; de limiter la collecte, l’utilisation et la divulgation des renseignements médicaux personnels à l’information non identifiable, sauf s’il est possible de démontrer la nécessité de renseignements identifiables; et de mettre en œuvre les politiques, procédures et pratiques nécessaires pour assurer la protection des renseignements personnels.

Lorsque le Comité s’est réuni en décembre 2001 pour examiner les progrès réalisés au sujet de l’application de la LPRPDE aux soins de santé, il a appris qu’en dépit du fait que les membres du Groupe de travail sur la protection de la vie privée s’entendaient sur de nombreuses questions, ils n’étaient pas encore parvenus à une position finale commune. Le Groupe de travail était d’avis que la formation d’un consensus nécessiterait la participation active et le leadership du gouvernement fédéral. Pour sa part, le gouvernement fédéral estimait que les préoccupations des membres du Groupe de travail devaient être réglées entre eux-mêmes et le commissaire à la protection de la vie privée.

Le Comité croit que d’autres conseils et lignes directrices sont nécessaires pour guider la prestation, la gestion, l’évaluation et l’assurance de la qualité des services de santé. À cette fin, toutes les parties en cause doivent participer à un effort collectif constructif pour résoudre les problèmes qui se posent, et le gouvernement devrait donner l’exemple. Comme il l’a mentionné dans son quatorzième rapport, le Comité recommande :

Que des discussions se poursuivent entre les intervenants, le commissaire à la protection de la vie privée et les ministères fédéraux et provinciaux qui s’occupent de la prestation, de la gestion, de l’évaluation et de l’assurance de la qualité des services de santé.

Comme beaucoup d’autres Canadiens, les membres du Comité accordent une très grande importance à la protection des renseignements médicaux personnels. Ils reconnaissent en même temps l’étendue du risque couru si l’accès à ces renseignements est sommairement refusé par suite de menaces perçues pour la vie privée et la confidentialité des renseignements personnels. Au lieu d’accorder une valeur absolue au droit à la vie privée, le Comité croit que les Canadiens doivent procéder à un examen soigneux et réfléchi des raisons pour lesquelles l’accès à des renseignements personnels est nécessaire aux fins de la recherche en santé et de la gestion des soins, des avantages sociaux dont profitent les Canadiens en conséquence, à titre individuel et collectif, et des conditions auxquelles il faut satisfaire pour obtenir cet accès. Par suite de ses responsabilités de longue date dans le financement des soins et de la recherche en santé, le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de premier plan pour sensibiliser le public et favoriser un débat élargi sur ces questions.

Le projet d’Études de cas sur l’utilisation secondaire des renseignements personnels dans la recherche en santé (décembre 2001) des IRSC constitue un excellent modèle pour encourager la discussion et favoriser une meilleure compréhension grâce à des exemples très concrets de projets réels de recherche en santé faisant une utilisation secondaire de renseignements personnels. Des efforts parallèles déployés par d’autres pour présenter des études de cas semblables illustrant pourquoi et comment des renseignements personnels sont utilisés à des fins de gestion des soins de santé seraient extrêmement précieux. Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral, par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada et de Santé Canada et de concert avec d’autres intervenants intéressés, élabore et mette en œuvre un programme de sensibilisation du public destiné à assurer une meilleure compréhension :

§         de la nature et de la raison d’être des grandes bases de données contenant des renseignements médicaux personnels, qui doivent être tenues pour assurer le fonctionnement d’un système public de soins de santé;

§         du besoin essentiel de faire une utilisation secondaire de telles bases de données aux fins de la recherche en santé et de la gestion des soins.

Cela étant dit, le Comité croit que si les Canadiens autorisaient une utilisation limitée des renseignements médicaux personnels dans des fonctions essentielles, comme la recherche en santé et la gestion des soins, il serait impératif de protéger adéquatement ces renseignements. Nous tenons à insister sur l’importance de veiller, en même temps, à ce que les Canadiens soient persuadés du respect du caractère privé de leurs renseignements médicaux personnels. Une fois de plus, nous considérons que le gouvernement fédéral a un grand rôle à jouer à cet égard pour susciter une pleine discussion des questions éthiques qui se posent et une étude des mécanismes de contrôle et d’examen nécessaires pour s’assurer que l’utilisation secondaire de renseignements personnels aux fins de la recherche en santé et de la gestion des soins se fait d’une manière ouverte, transparente et responsable. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fédéral, par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada et de Santé Canada et de concert avec d’autres intervenants intéressés, se charge de favoriser :

§         une discussion et un examen réfléchis des questions éthiques, concernant notamment le consentement éclairé, que pose l’utilisation secondaire des renseignements médicaux personnels aux fins de la recherche en santé et de la gestion des soins;

§         une étude approfondie des mécanismes de contrôle et d’examen nécessaires pour s’assurer que les bases de données contenant des renseignements médicaux personnels sont efficacement créées, tenues et protégées et que leur utilisation aux fins de la recherche en santé et de la gestion des soins est faite d’une manière ouverte, transparente et responsable.

 

12.7.5 La confidentialité de l’information génétique

Nous avons examiné, dans la section précédente, le caractère confidentiel des renseignements médicaux personnels tirés de bases de données faisant partie du système actuel de soins de santé. Le Comité reconnaît que les nouvelles technologies d’analyse des gènes introduisent de nouveaux aspects dans la gestion des renseignements médicaux personnels. La capacité en pleine expansion d’établir des liens entre des séquences d’ADN et certaines maladies promet d’améliorer considérablement les soins qu’il sera possible de donner, mais augmente les possibilités d’atteinte à la vie privée de l’individu et de ses proches. De plus, les technologies permettent de prédire des maladies dont les symptômes ne sont pas encore évidents. Toutefois, la majorité de ces prédictions représentent surtout une probabilité accrue d’incidence de la maladie, le test étant souvent de nature plus statistique (révélant, par exemple, deux ou trois fois plus de chances de contracter la maladie par rapport à l’ensemble de la population) qu’absolue (comme dans le cas de la maladie de Huntington).

L’application des nouvelles techniques génétiques à la santé humaine en est encore à ses premiers balbutiements, mais certains de leurs avantages et inconvénients possibles sont déjà évidents. On peut craindre, par exemple, que l’accès à l’information génétique d’une personne ne puisse influer sur ses chances d’obtenir un emploi ou de l’assurance.

Le Comité a été heureux d’apprendre que des discussions interministérielles portant sur une vaste gamme de sujets sont en cours au sein du gouvernement fédéral. Il encourage la poursuite de ces discussions en vue d’aboutir à des conseils et des lignes directrices sur les moyens de régler ces questions complexes au mieux des intérêts des Canadiens.

 

12.7.6 Les situations possibles de conflit d’intérêts

Dans le domaine de la santé humaine, les progrès réalisés dépendent souvent de la participation de chercheurs du monde universitaire, du gouvernement et du secteur privé. Les limites entre ces groupes s’estompent de plus en plus, tandis qu’augmentent la confiance mutuelle et la collaboration entre eux. Par exemple :

·        En grande majorité, la recherche en santé dont les résultats sont publiés au Canada est l’œuvre de chercheurs d’établissements universitaires qui obtiennent du financement du gouvernement, de sources philanthropiques et du secteur privé.

·        Les chercheurs du milieu universitaire sont, de plus en plus souvent, animés de l’esprit d’entreprise. Ils fondent souvent de nouvelles sociétés qui assurent une croissance économique rapide dans la révolution biologique.

·        Les sociétés privées tirent de la recherche universitaire beaucoup de leurs idées commerciales, y compris de nouvelles interventions en santé. Elles commencent à créer des centres de recherche en milieu universitaire en contrepartie d’un droit de premier refus sur la propriété intellectuelle des résultats obtenus.

·        Le gouvernement réglemente les interventions en santé, tout en contribuant à la création de nouvelles connaissances grâce à ses recherches internes. Les règlements dépendent de recherches effectuées par le secteur privé, souvent dans des établissements universitaires, qui sont évaluées par les scientifiques du gouvernement, parfois avec l’aide et les conseils de scientifiques du milieu universitaire.  

Les possibilités de conflit d’intérêts sont évidentes. On peut craindre en outre que le souci de protéger la propriété intellectuelle et les intérêts commerciaux dans le secteur privé ne nuise à l’exécution ou à la publication de la recherche effectuée dans des établissements publics ou à l’aide de fonds publics. Les médias ont à juste titre concentré leur attention sur des cas où ces craintes s’étaient concrétisées.

Le Comité reconnaît que la recherche industrielle est un élément essentiel de la recherche en santé et des soins de santé. En fait, notre capacité croissante de favoriser la santé et de prévenir, diagnostiquer ou traiter les maladies est, pour une grande part, attribuable au secteur privé. De plus, malgré un certain nombre de cas de conflit d’intérêts qui ont fait les manchettes, le Comité est d’avis que la majorité des travaux du secteur privé reflètent des normes élevées d’éthique et répondent pleinement aux attentes des Canadiens à cet égard. Il n’y a pas de doute d’ailleurs que les entreprises ne peuvent pas espérer survivre dans le monde actuel en faisant fi des aspirations de la société.

Le Comité comprend cependant que le rôle de plus en plus important assumé par le secteur privé dans la recherche canadienne en santé, surtout sur le plan des essais cliniques, suscite des préoccupations. Cela ressort d’un récent éditorial de l’International Committee of Medical Journal Editors, qui exposait les règles de base à observer pour éviter les conflits d’intérêts dans les publications[81]. Il est nécessaire, en particulier, de trouver un équilibre approprié entre la recherche clinique effectuée en milieu universitaire, la possibilité de comparer différents traitements de la même maladie, l’importance accordée dans la recherche aux maladies assurant les bénéfices les plus importants (par exemple les maladies des pays riches, par opposition à celles des pays pauvres), la publication de résultats négatifs (nécessité d’établir un registre de tous les essais cliniques) et d’autres domaines connexes.

Le Comité se réjouit du travail accompli par les IRSC en vue de resserrer la collaboration entre le monde universitaire et le secteur privé dans le domaine de la recherche en santé grâce au Programme Université-industrie et au Programme Rx&D[82]. Nous comprenons qu’il est important d’encourager les partenariats des IRSC avec l’industrie. Nous nous rendons compte en même temps qu’il faut déterminer s’il convient d’établir des lignes directrices explicites, qui contribueraient à l’examen des aspects des relations des IRSC avec l’industrie pouvant poser des problèmes d’éthique. Par conséquent, le Comité recommande :

Que les Instituts de recherche en santé du Canada, en partenariat avec le secteur privé et d’autres intervenants, continuent d’étudier les aspects éthiques des relations entre les secteurs afin de veiller à ce que la collaboration et les partenariats jouent dans l’intérêt de tous les Canadiens.


[1] Volume cinq, p. 73-94.

[2] Volume quatre, p. 11.

[3] Volume cinq, p. 73-74.

[4] Volume cinq, p. 74.

[5] Association médicale canadienne, Whither the Medical Equipment Fund?, document d’information et notes techniques, juillet 2002.

[6] Association canadienne des institutions de santé universitaires, Background Information in Support of a National Teaching Centre Health Infrastructure Fund, projet de mémoire présenté au Comité, 6 août 2002.

[7] Volume cinq, p. 77-79.

[8] Volume cinq, p. 82-84.

[9] Linda Lizotte-MacPherson, présidente et présidente-directrice-générale d’Inforoute, lettre au Comité, 24 juillet 2002, p. 7.

[10] Le Québec a préféré, jusqu’ici, s’abstenir de participer en qualité de membre et ne s’est donc pas prévalu de son droit de nommer un représentant au conseil d’administration d’Inforoute.

[11] Volume cinq, p. 84-87.

[12] Inforoute Santé du Canada: Voies vers une meilleure santé, Rapport final du Conseil consultatif sur l’infostructure de la santé, décembre 1999.

[13] Voir Conseil consultatif sur l’infostructure de la santé, Inforoute Santé du Canada : Voies vers une meilleure santé, Rapport final, décembre 1999; Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur l’infostructure de la santé, Plan tactique pour une infostructure pancanadienne de la santé, Mise à jour de 2001; résumé des discussions du forum régional organisé par Inforoute Santé du Canada à l’adresse suivante : http://www.canadahealthinfoway.ca/sub.php?lang=en?secLoc=frm.

[14] Dr Benjamin T.B. Chan, Du surplus perçu à la pénurie perçue : l’histoire des médecins canadiens dans les années 1990, Institut canadien d’information sur la santé, juin 2002.

[15] Medical Post, 4 juin 2002.

[16] Ontario Medical Association, Position Paper on Physician Workforce Policy and Planning, avril 2002.

[17] Voir, au chapitre huit du présent volume, la proposition du Comité relativement à un programme de soins à domicile dispensés après hospitalisation.

[18] Institut canadien d’information sur la santé, Nombre et répartition des infirmières et infirmiers autorisés au Canada, rapport 2001, juin 2002.

[19] Association des infirmières et infirmiers du Canada, Planning for the Future: Nursing Human Resource Projections, juin 2002, p. 20.

[20] Ibid., p. 1.

[21] Notre santé, notre avenir : un milieu de travail de qualité pour les infirmières canadiennes, Comité consultatif des ressources humaines en santé, 2002, p. 3.

[22] Ibid., p. 40.

[23] DBen Chan, « How Canada can better manage its MD supply », Medical Post, 25 juin 2002.

[24] Dr Abraham Fuks, mémoire présenté au Comité le 23 juillet 2002.

[25] Le coût par étudiant par année représente le quart de la somme totale de 260 000 $, c’est-à-dire 65 000 $. Toutefois, une fois le nombre souhaité de nouveaux étudiants inscrits dans chacune des années du programme de quatre ans en médecine, il faut multiplier par quatre la somme de 65 000 $ par étudiant par année, ce qui porte le coût total des nouvelles places à 260 000 $ par année.

[26] Dr Fuks, op. cit.

[27] Medical Post, 11 juin 2002.

[28] Pamela Clarke, « The Foreign Question », Medical Post, 28 mai 2002.

[29] AIIC, op. cit., p. 1.

[30] Ibid., p. 13.

[31] Ibid., p. 74.

[32] 61:25.

[33] 61:16.

[34] 52:8.

[35] AIIC, op. cit., p. 76.

[36] Ibid., p. 73.

[37] Le calcul a été fait de la même manière que pour les étudiants en médecine (soit (2 618 x 30 000 $).

[38] Voir le volume quatre de l’étude du Comité, Questions et options, p. 118-119.

[39] Ann L. Mable et John Marriott, Health Transition Fund Synthesis Series – Primary Health Care, juin 2002, p. 29.

[40] Des chiffres montrent également que les médecins canadiens sont bien rémunérés en comparaison de ceux d’autres pays. Des données de l’OCDE indiquent que le ratio du revenu moyen des médecins à la rémunération moyenne des salariés au Canada s’établit à 3.2. Seuls les ratios observés aux États-Unis (5.5) et en Allemagne (3.4) sont plus élevés que celui du Canada; ils sont beaucoup plus bas dans un certain nombre d’autres pays, comme l’Australie (2.1), la France (1.9) et le Royaume-Uni (1.4). Voir Reinhardt, Uwe E., Peter S. Hussey et Gerard F. Anderson, « Cross-National Comparisons of Health Systems Using OECD Data, 1999 », Health Affairs, mai-juin 2002, p. 175.

[41] Le présent chapitre est une version mise à jour du chapitre cinq du volume cinq, p. 95-131.

[42] Dr Barry D. McLennan, président de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé (CRBS), L'amélioration du climat de la recherche en santé au Canada, mémoire présenté au Comité le 9 mai 2001, p. 2.

[43] Le Comité signale que les sections 12.1 et 12.2 du présent chapitre sont inspirées d'un discours prononcé par le Dr Kevin Keough, expert scientifique en chef à Santé Canada, lors de la troisième Conférence annuelle Amyot organisée par le Ministère. Le Comité a trouvé que cette conférence expliquait d'une manière très utile les défis et les perspectives de la recherche en santé.

[44] Conseil d'experts en sciences et en technologie, Vers l'excellence en sciences et en technologie (VEST) : Les rôles du gouvernement fédéral dans les activités liées aux sciences et à la technologie, décembre 1999, p. 5.

[45] The Western Canadian Task Force on Health Research and Economic Development, Seizing the Future – Health as an Engine of Economic Growth for Western Canada, résumé du rapport, août 2001, p. 2.

[46] Dr Kevin Keough, Conférence Amyot, octobre 2001.

[47] Dr Alan Bernstein, président des IRSC, Health Research Revolution – Innovation Will Shape This Century.

[48] Volume deux, p. 97-108.

[49] Statistique Canada, Estimations des dépenses totales au titre de la recherche et du développement dans le secteur de la santé au Canada, 1988 à 2000, no 88F0006XIB01006 au catalogue, avril 2001.

[50] Les RCE sont appuyés et supervisés par les trois organismes subventionnaires canadiens (les IRSC, le CRSNG et le CRSH). Il y a lieu de mentionner que huit réseaux, sur les 22 RCE actuellement financés, mènent des recherches dans les domaines suivants : arthrite, maladies bactériennes, vaccins et immunothérapie pour le cancer et les maladies virales, accidents vasculaires cérébraux, application de l'information sur la santé, maladies génétiques, cellules souches et ingénierie des protéines. Certains autres RCE peuvent avoir des répercussions sur la santé et les soins de santé (par exemple l’Institut de robotique et d'intelligence des systèmes ou le Réseau canadien de l'eau).

[51] Gouvernement du Canada, Discours du Trône, première session de la 37e législature, 30 janvier 2001.

[52] Volume deux, p. 101.

[53] Conseil d'experts en sciences et en technologie, Vers l'excellence en sciences et en technologie (VEST) : Les rôles du gouvernement fédéral dans les activités liées aux sciences et à la technologie, 16 décembre 1999, p. 12. Le CEST est formé d’un groupe d’experts extérieurs qui conseillent le gouvernement fédéral sur les questions de sciences et de technologie.

[54] JAMA, vol. 286, p. 1834 (2001).

[55] Volume quatre, p. 139-146.

[56] Conseil pour la recherche en santé au Canada, Recherche en santé – Moteur de l’innovation, mémoire présenté au Comité le 30 décembre 2001, p. 2-3.

[57] Voir délibérations du Comité, fascicule no 30.

[58] Western Canadian Task Force on Health Research and Development, Shaping the Future of Health Research and Economic Development in Western Canada, août 2001, p. 19-20.

[59] Groupe d'experts sur la commercialisation des résultats de la recherche universitaire, Les investissements publics dans la recherche universitaire : Comment les faire fructifier, Conseil consultatif des sciences et de la technologie, 4 mai 1999.

[60] Ibid.

[61] Conseil pour la recherche en santé au Canada, mémoire présenté au Comité, p. 5.

[62] Comité consultatif canadien de la biotechnologie, Biotechnologie et propriété intellectuelle : La brevetabilité des formes de vie supérieures et enjeux connexes, rapport provisoire adressé au Comité de coordination ministérielle de la biotechnologie, gouvernement du Canada, Ottawa, novembre 2001.

[63] Laura Shanner, Ethical Theories in Bioethics and Health Law, Université de l’Alberta, mémoire présenté au Comité, 2000, p. 1.

[64] Dre Nuala Kenny (42:59-60).

[65] Conseil national d’éthique en recherche chez l’humain, Protecting Human Research Subjects: Case-Based Learning for Canadian Research Ethics Boards and Researchers, Ottawa, 2000, p. 7.

[66] Malgré le soin apporté par les trois organismes subventionnaires fédéraux et Santé Canada pour assurer l’harmonisation internationale des lignes directrices régissant les essais cliniques sur des sujets humains, le Comité tient à avoir l’assurance catégorique que tout Canadien participant à des essais cliniques d’origine étrangère est protégé par des normes éthiques au moins aussi strictes que celles qui s’appliquent au Canada.

[67] La section qui suit ne traite pas des limites éthiques de la recherche sur la santé génésique humaine parce que des mesures législatives fédérales portant sur ce sujet doivent être déposées sous peu à la Chambre des communes. Le Comité reconnaît que ce secteur est à la fine pointe de la recherche appliquée et qu'il évolue rapidement. À notre avis, toute la recherche portant sur le matériel reproducteur humain, les organismes humains tirés de ce matériel, d'autres souches de cellules humaines ou toute partie de ce qui précède (y compris les gènes humains) devrait être assujettie à un examen éthique complet effectué par les CER compétents, ainsi qu'à l’EPTC et aux mesures législatives et réglementaires applicables.

[68] Pour plus de précisions, voir les quatre documents suivants : 1) CNERH (anciennement, le Conseil national de la bioéthique en recherche chez les sujets humains ou CNBRH), « Protéger et promouvoir le sujet de recherche humain : Un examen de la fonction des Comités de recherche d’éthique pour la recherche dans les facultés de médecine au Canada », dans Communiqué CNBRH, vol. 6(1), 1995; 2) Ébauche de rapport du Groupe de travail du CNERH chargé d’étudier les modèles d’accréditation des programmes de protection des sujets humains au Canada, 28 septembre 2001; 3) Michael MacDonald (chercheur principal), Gouvernance de la recherche en santé avec des sujets humains, recherche commanditée par la Commission du droit du Canada, Ottawa, mai 2000; 4) Projet de rapport du Groupe de travail sur l’examen continu, IRSC, 2001.

[69] Michael MacDonald, Commission du droit du Canada.

[70] Ibid., p. 300.

[71] Ces objectifs correspondent à ceux qui sont définis dans le rapport McDonald, cité dans la note précédente.

[72] Louis-Nicolas Fortin et Thérèse Leroux, « Éléments de réflexion sur la surveillance du contrôle éthique de la recherche », dans Communiqué CNBRH, été 1997.

[73] Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, mémoire présenté au Comité, p. 7.

[74] Sous-comité de l’éthique, Mandat d'éthique d'IRSC : Mise en place d'une vision transformatrice, document de travail établi à l’intention du conseil d’administration provisoire des IRSC, 10 novembre 1999, p. 18-19.

[75] Dr Henry Dinsdale, discours prononcé à la Conférence nationale du CNERH, mars 2001, p. 5.

[76] Deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, 36e législature, 2e session, 6 décembre 1999.

[77] IRSC, Recommandations pour l’interprétation et l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques dans le contexte de la recherche en santé, 30 novembre 2001. Le règlement proposé par les IRSC peut être consulté à http://www.cihr.ca/about_cihr/ethics/recommendations_f.pdf.

[78] C'est un fait que la Loi donne aux provinces et aux territoires jusqu'au 1er janvier 2004 pour élaborer des mesures législatives sensiblement équivalentes.

[79] Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, Quatorzième rapport, 37e législature, 1re session, 14 décembre 2001.

[80] Groupe de travail sur la protection de la vie privée, Principes de protection des renseignements personnels en matière de santé au Canada, rapport présenté à Santé Canada, décembre 2000.

[81] Voir Journal de l’Association médicale canadienne, 18 septembre 2001, vol. 165, p. 786-788.

[82] Partenariat entre les IRSC et les sociétés pharmaceutiques canadiennes axées sur la recherche.


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