Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 16 - Témoignages du 30 octobre 2003
OTTAWA, jeudi le 30 octobre 2003
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 10 h 56 pour faire l'étude de l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergeants au sein de ces industries; le rôle, les droits, et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.
[Français]
M. Till Heyde, greffier du comité: Il est de mon devoir de vous aviser de l'absence inévitable de la présidente, et de présider à l'élection d'un président intérimaire qui présidera cette réunion.
[Traduction]
Honorables sénateurs, j'ai le devoir de vous informer de l'absence inévitable de la présidente et de présider l'élection d'un président intérimaire pour la réunion.
[Français]
Y a t-il une motion à cet effet?
[Traduction]
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je propose qu'en l'absence de la présidente et du vice-président, le sénateur Eymard Corbin soit nommé président intérimaire pour cette réunion.
M. Heyde: Il est proposé par l'honorable sénateur Graham que l'honorable sénateur Corbin soit président intérimaire pour cette réunion.
Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: Adopté.
M. Heyde: Adopté.
Le sénateur Eymard G. Corbin (président intérimaire) occupe le fauteuil.
Le président intérimaire: Merci, honorables sénateurs. Il y a longtemps que je n'ai présidé une séance.
C'est un grand plaisir pour moi de souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, à nos témoins, au public et aux téléspectateurs de tout le Canada à cette réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications au sujet des médias canadiens d'information.
[Français]
Le comité poursuit son étude du rôle que l'État devrait jouer pour aider nos médias d'actualité à demeurer vigoureux, indépendants et diversifiés dans le contexte des bouleversements qui ont touché ce domaine au cours des dernières années, notamment la mondialisation, les changements technologiques, la convergence et la concentration de la propriété.
Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir M. André Préfontaine, président de Médias Transcontinental. Tel qu' indiqué dans ses notes biographiques, M. Préfontaine a travaillé dans plusieurs postes reliés à l'industrie de l'information avant de se joindre à Transcontinental en 1996.
[Traduction]
M. Préfontaine connaît très bien le Parlement. Il a travaillé ici comme journaliste il y a de nombreuses années.
Nous sommes donc très heureux de vous accueillir au comité aujourd'hui, monsieur Préfontaine. Comme vous le savez, notre pratique est de vous accorder environ 15 minutes pour nous présenter votre exposé qui sera suivi d'une période de questions et de discussion.
[Français]
M. André Préfontaine, président, Médias Transcontinental inc.: Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais commencer par deux brèves remarques. Vous avez reçu le texte de mon allocution et je m'en tiendrai au contenu du texte, mais je vais vous épargner la lecture du texte.
Je voudrais, au départ, vous signaler que nous sommes heureux d'avoir l'opportunité de contribuer aux travaux du comité et j'espère que les éclairages que nous allons apporter aujourd'hui vont pouvoir enrichir votre réflexion. Nos remarques seront d'ordre général et viseront principalement à préparer la période de questions, les échanges qui vont suivre.
J'aimerais, dès le départ, établir le credo de Médias Transcontinental, qui est aussi celui de sa société mère, Transcontinental inc. et des éditeurs, des rédacteurs en chef et des journalistes de nos 11 quotidiens, nos 74 hebdomadaires, nos 37 magazines et nos 54 autres publications périodiques qui couvrent l'ensemble du pays.
Je vais me permettre, pour s'assurer que cela entre dans vos minutes, de lire le credo qui va comme suit: À titre d'entreprise de presse, Médias Transcontinental croit fermement que l'information factuelle, vérifiable, quantifiable est au cœur de l'activité et du succès, de toutes ses publications. Pour nous, l'information n'est pas un simple produit. Elle engage la responsabilité sociale de l'entreprise de presse et, par sa qualité, elle contribue directement à la santé de la démocratie.
Nous croyons que la qualité de l'information est la pierre angulaire de notre succès chez Médias Transcontinental, que cette qualité soutient notre réussite financière et nourrit notre croissance. C'est d'ailleurs cette santé financière qui nous a permis, en 2002, d'effectuer l'acquisition la plus importante de notre histoire, soit 12 journaux locaux acquis de CanWest, dont dix quotidiens, dans les provinces de l'Atlantique et en Saskatchewan.
Cette transaction a fait de nous le quatrième groupe de presse écrite au pays, le deuxième éditeur de journaux locaux et régionaux, a fait passer nos revenus à 500 millions de dollars par année, le nombre de nos employés, d'une mer à l'autre, à 3 000, et a permis à un groupe de journalistes de se joindre à une compagnie qui croit aux journaux et dont la philosophie est axée sur le service à la communauté.
[Traduction]
Au plan canadien, Transcontinental peut être considéré comme une nouvelle voix. Par exemple, nos revenus d'édition en 1997 n'étaient que de 66 millions de dollars. J'ai mentionné qu'en 2003, ce chiffre atteindra 500 millions de dollars.
À notre sens, la diversité et la multiplication des sources d'information, particulièrement à l'ère d'Internet, constituent les meilleures garanties au droit du public à une information libre et de qualité. Or, cette diversité ne peut venir que de joueurs qui ont la capacité par leur présence de faire contrepoids à ces grands empires médiatiques. Lorsque je parle d'empires médiatiques, je veux parler des groupes plus importants qui publient non seulement ici au Canada, mais qui proviennent d'autres pays, particulièrement des États-Unis.
Transcontinental est le plus important éditeur de magazines au pays; nous sommes le deuxième éditeur de magazines en importance, toutes catégories confondues, avec 22 p. 100 du marché canadien. Nos magazines féminins, le plus important portefeuille de ce genre au pays, occupent 49 p. 100 du marché. Ils sont lus par 11 millions de lecteurs tous les mois. Nous sommes également le deuxième éditeur de journaux locaux et régionaux en importance au Canada. Soit dit en passant, nous sommes le seul éditeur au Canada à avoir pignon sur rue dans 10 provinces.
Notre taille est essentielle au maintien de notre position concurrentielle et au maintien de la qualité de notre contenu et de l'intégrité de notre opération, et elle contribue également à assurer notre croissance.
Bien que notre taille soit remarquable au Canada, elle est très relative à l'échelle nord-américaine. En fait, aucune entreprise canadienne ne figure au classement des 10 plus grandes entreprises de presse en Amérique du Nord. En Amérique du Nord, Transcontinental est aussi un tout petit joueur. Un seul numéro du magazine People publie chaque semaine plus d'exemplaires que l'ensemble de tous les magazines canadiens réunis. N'empêche que nous devons leur faire concurrence.
Pour tirer son épingle du jeu, Transcontinental a choisi de se concentrer dans des créneaux. Cette stratégie n'est toutefois pas un rempart contre la concurrence. Notre stratégie a fait de nous le premier éditeur de magazines en français et en anglais avec des titres comme Canadian Living, Coup de pouce, Elle Canada, Elle Québec, Style at Home, Décormag, Homemakers, TV Guide, The Hockey News, et cetera.
[Français]
Nos principes d'édition sont simples et ont fait notre succès jusqu'à maintenant. Les Canadiens et les Canadiennes vont toujours préférer des magazines offrant un contenu canadien de qualité, préparé par des Canadiens pour des Canadiens. Nos magazines, nous le croyons fermement, contribuent à façonner l'identité canadienne, à partager nos expériences et nos valeurs, et à unir les Canadiens autour de ces valeurs qui reflètent leur identité.
Nos concurrents ne poursuivent pas les mêmes objectifs. La principale menace vient de magazines comme Cosmopolitan, qui vend plus de 253 000 exemplaires par mois au Canada, Prevention qui a un tirage de 184 000 copies, Martha Stewart Living 165 000 copies, Oprah 162 000 copies, People près de 171 000 copies et Teen People 126 000 copies.
[Traduction]
Songez un instant qu'il y a 126 000 adolescents au Canada qui façonnent leur image et leurs valeurs à partir de Teen People, un magazine américain pour adolescents.
[Français]
Les éditeurs américains voient le Canada comme un autre État américain. Ils incluent le Canada dans des programmes nord-américains de promotion et de développement de tirage et nous considèrent comme une source de tirage à bon marché puisqu'ils n'ont pas à investir dans des ressources éditoriales ou des opérations au Canada.
C'est pourquoi, d'ailleurs, les compressions qui ont été effectuées cet été au programme de soutien à l'industrie du magazine par Patrimoine canadien sont regrettables. Pour Transcontinental, il s'agit d'une perte, sur 24 mois, de plus de six millions de dollars.
Il n'y a pas de doute dans mon esprit que ces compressions vont entraîner des bouleversements profonds et à long terme dans l'industrie canadienne du magazine et qu'elles constituent un changement de politique du gouvernement canadien, qui n'a pas été planifié. Quand je réfère à la politique, je veux préciser, à la politique culturelle du gouvernement canadien. Les éditeurs de magazines canadiens, pour prospérer dans un environnement tel que celui que je vous ai décrit précédemment, ont besoin d'une approche structurée qui leur permette de développer des plans d'affaires à long terme. Quand on constate les coûts associés à l'extension de nos contenus sur Internet, et on parle de centaines de milliers de dollars par titre, on comprend encore plus difficilement la décision de Patrimoine canadien de réduire son appui aux éditeurs de magazines canadiens.
[Traduction]
Dans un tel contexte, on doit s'attendre à des mouvements de propriété au sein de l'industrie des médias, et certains de ces changements échapperont à notre contrôle ici au Canada, car ils se produisent ailleurs dans le monde.
Certains diront qu'une concentration excessive de la propriété des médias pourrait menacer la qualité et la diversité de l'information. En fait, l'industrie aujourd'hui est moins concentrée qu'elle ne l'était il y a 20, 30 ou 40 ans. Les joueurs émergents comme Média Transcontinental inc. permettent de maintenir une diversité significative et de hausser les standards de qualité. Nous sommes convaincus que l'environnement actuel a encouragé l'arrivée de nombreux joueurs solides, même si cela signifie que nous devions faire face à un marché plus concurrentiel.
Transcontinental Média inc. s'est concentrée sur les marchés locaux, et nous contribuons à faire entendre des voix qui, autrement, ne pourraient s'exprimer. Dans certains cas, notre réseau de publications, qu'il s'agisse des magazines ou des journaux, a permis à certains titres de survivre alors qu'autrement, ils n'existeraient plus aujourd'hui.
[Français]
Ceci m'amène à vous parler du sens de la communauté qui réside au cœur de notre philosophie d'édition. Cette philosophie est fort simple: si c'est bon pour la communauté, c'est bon pour le journal. Nos journaux sont des membres actifs de leur communauté et contribuent à leur développement. Nos employés participent à la vie communautaire et, à titre d'exemple, deux de nos éditeurs, Caroline Andrews, éditrice du Orleans Star et du Ottawa Business Journal, ainsi que Jean Touchette, éditeur du Progrès, de Saint-Léonard, ont été honorés cet été lorsqu'on leur a décerné la médaille du Jubilé de la Reine pour services à la communauté.
Les causes et les projets locaux appuyés par nos journaux sont trop nombreux pour être énumérés, et quand les communautés sont dans le besoin, nous sommes là également. À titre d'exemple, l'été dernier, dans la région des Bois- Francs, dans le centre du Québec, des inondations ont dévasté cette région et ont affecté plusieurs milliers d'habitant. Nos éditeurs, avec la Croix-Rouge, ont lancé une campagne de souscription et ont recueilli 275 000 dollars, soit 75 000 $ de plus que l'objectif fixé.
[Traduction]
Certains d'entre vous se rappelleront également ce qui est arrivé au village de Badger à Terre-Neuve. Tout le village s'est retrouvé emprisonné dans la glace après une chute de température qui a suivi une inondation. Nos deux journaux à Terre-Neuve, soit le Cornerbrook Western Star et le St. John's Telegram se sont joints à la Croix-Rouge et à d'autres organisations sur l'île et ont recueilli 1,6 million de dollars pour venir en aide aux sinistrés.
[Français]
Des exemples comme ceux-ci existent partout dans nos journaux en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Manitoba, en Saskatchewan et en Ontario. En fait, pour la deuxième année consécutive, Transcontinental a été reconnu par Corporate Knights comme étant l'une des entreprises canadiennes la plus responsable socialement.
En terminant, nous sommes d'avis que la consolidation que nous avons observée au cours des dernières années n'est pas terminée. Dans un contexte comme celui-ci, Transcontinental Médias entend poursuivre sa croissance et dans notre cas, notre taille et nos ressources, vont favoriser une information de qualité, une diversité des voies. Et nous devons pouvoir continuer, maintenir cette croissance sans contrainte réglementaire additionnelle.
La masse critique est un facteur de survie et constitue un rempart essentiel au Canada contre l'envahissement des éditeurs, des télédiffuseurs et des radiodiffuseurs étrangers. C'est en fait une garantie de pouvoir offrir des produits canadiens parlant des Canadiens pour les Canadiens. Cette responsabilité ne repose pas uniquement sur le gouvernement. Le droit du public à une information de qualité n'est pas contraire au droit des entreprises d'effectuer des transactions. Le CRTC et le Bureau de la concurrence sont là pour veiller à ce que ces transactions soient dans l'intérêt du public.
[Traduction]
En guise de conclusion, nous sommes d'avis que le niveau actuel de concentration de la presse au pays n'a pas eu d'effets négatifs. Le modèle de développement de Transcontinental s'appuie sur une croissance disciplinée respectant l'éthique journalistique. Notre histoire démontre que même sans réglementation, une entreprise de presse peut être consciente de ses responsabilités et les assumer pleinement, dans tous ses marchés.
Les entreprises canadiennes doivent avoir les ressources nécessaires pour atteindre la masse critique qui fera d'elles des concurrents solides à long terme, particulièrement dans le contexte du marché actuel. Face à la menace sans précédent de la culture américaine et de ses formidables moyens financiers, c'est d'une approche structurée qui nous permet de développer nos plans d'affaires à long terme dont nous avons besoin de la part du gouvernement canadien.
Je serai heureux, monsieur le président, de répondre aux questions des membres du comité.
[Français]
Le président intérimaire: Je vous remercie, monsieur Préfontaine. Honorables sénateurs, c'est mon devoir de vous rappeler que nous tâcherons d'ajourner au plus tard vers 12 h 30. Je vais vous lire la liste des sénateurs qui désire prendre la parole. Les sénateurs Graham, Spivak, Merchant et Day.
[Traduction]
Le sénateur Graham: Merci, monsieur Préfontaine, et nous sommes heureux de vous revoir sur la colline du Parlement. Vous avez mentionné toutes les provinces où vous publiez des quotidiens, sauf, je crois, la Colombie- Britannique et l'Alberta.
M. Préfontaine: Nous publions des magazines dans ces deux provinces.
Le sénateur Graham: Dans toutes les autres provinces, vous publiez des quotidiens?
M. Préfontaine: Nous publions des quotidiens ou des hebdomadaires. Nous publions des quotidiens au Québec, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve et en Saskatchewan. Au Nouveau-Brunswick, nous publions un hebdomadaire à Sackville. Nous publions des hebdomadaires en Ontario, au Manitoba et en Sasktachewan.
Le sénateur Graham: Je m'intéresse aux noms des 10 ou 12 quotidiens que vous publiez.
M. Préfontaine: Nous allons commencer par St. John's, avec le Evening Telegram; à Corner Brook, c'est le Western Star; à Sydney, le Cape Breton Post; à Truro, le Evening News; à New Glasgow, le Daily News.
Le sénateur Graham: Le Daily News de Truro et le Evening News de New Glasgow.
M. Préfontaine: Je reconnais mon erreur. Le Amherst Daily News; le Halifax Daily News; le Moose Jaw Times- Herald en Saskatchewan, le Daily News à Prince Albert qui se trouve également dans le nord de la Sasktachewan; et le Métro à Montréal.
Le sénateur Graham: Dans votre résumé, vous dites:
Nous sommes d'avis que le niveau actuel de concentration de la presse au pays n'a pas eu d'effets négatifs.
Vous dites ensuite dans votre avant-dernier paragraphe:
Face à la menace sans précédent de la culture américaine et de ses formidables moyens financiers, c'est d'une approche structurée qui nous permette de développer nos plans d'affaires à long terme dont nous avons besoin de la part du gouvernement canadien.
Pouvez-vous nous expliquer davantage ce que vous voulez dire par «une approche structurée»?
M. Préfontaine: Je vais vous donner un exemple. Le Programme d'aide aux publications pour l'industrie canadienne des périodiques existe depuis avant la Confédération. Ce programme a contribué à développer une industrie canadienne des périodiques très prospère. En fait, si on regarde les périodiques qui sont vendus au Canada, il y en a environ 50 p. 100 qui sont canadiens et 50 p. 100 américains. Cependant, si on regarde les périodiques qui sont vendus par abonnement, «abonnement» signifiant que ces abonnements sont distribués avec l'aide du Programme d'aide aux publications, 80 p. 100 des périodiques canadiens sont vendus par abonnement.
Essayez de visualiser un kiosque à journaux où vous seriez allé récemment, peut-être celui qui se trouve à l'aéroport d'Ottawa, et vous verrez que l'on est bombardé de titres américains. Quatre-vingt-quinze pour cent des magazines vendus dans les kiosques à journaux canadiens sont américains. Le gouvernement fédéral n'a accordé aucune aide à l'industrie canadienne des périodiques pour l'aider à faire face à la concurrence américaine dans les kiosques à journaux.
Le Programme d'aide aux publications est en place depuis longtemps. Il fait partie intégrante du plan d'affaires de tous les éditeurs de magazines canadiens. L'été dernier, nous avons été confrontés à des changements importants qui ont été apportés au Programme d'aide aux publications par Patrimoine Canada et cela, dans le contexte d'une entente de trois ans que nous avions négociée. Lorsque je dis «nous», je ne veux pas parler de Transcontinental, mais de l'industrie des périodiques par l'intermédiaire de son association, la Canadian Magazine Publishers' Association. Nous avions négocié une entente de hausse des prix progressive avec Postes Canada, avec l'aide de Patrimoine Canada.
Nous tenions tous pour acquis au moment des négociations que l'aide du gouvernement fédéral ne changerait pas au cours de cette période de trois ans, sur laquelle nous nous étions entendus. Dans ce contexte, nous avions accepté des hausses de tarif postal supérieures à celles que nous aurions normalement acceptées. Par exemple, à compter du 1er janvier 2004, les tarifs postaux pour les magazines destinés à nos abonnés augmenteront de 12 p. 100. Si nous avions su qu'au cours de cette période de trois ans visée par l'entente, Patrimoine Canada retirerait une grande partie de son appui, nous n'aurions pas négocié de la même façon.
Par conséquent, certains éditeurs de magazines au Canada n'ont pas une marge de profit très élevée. Souvent, la subvention qu'ils obtiennent grâce au Programme d'aide aux publications est l'équivalent des profits qu'ils font. Une érosion graduelle de la rentabilité en résultera, conséquence qui n'a été ni étudiée, ni analysée.
Nous avions recommandé aux hauts fonctionnaires de Patrimoine Canada et aux membres du personnel du cabinet de la ministre de prendre le temps d'étudier les conséquences d'une modification du Programme d'aide aux publications, avant de prendre la décision. Malheureusement, notre point de vue n'a pas été pris en compte, et je suis certain qu'au cours des prochaines années, certains éditeurs canadiens ne pourront soutenir la concurrence dont j'ai parlé. C'est là un élément.
L'autre élément important pour nous est d'avoir des règles prévisibles. Les règles du jeu ne doivent pas changer à court terme.
Le sénateur Graham: Vous dites que Transcontinental met l'accent sur les médias écrits et veut offrir aux publicitaires une couverture complète à partir de la promotion locale ciblée jusqu'à la publicité nationale, dans les deux langues officielles, d'un océan à l'autre.
Étant donné que vous souhaitez et que vous tentez d'offrir une couverture complète aux publicitaires, avez-vous déjà envisagé la possibilité pour vous d'entrer dans le secteur de la radiodiffusion?
M. Préfontaine: Sénateur, vous avez touché un point sensible. La réponse est oui, nous avons examiné cette possibilité mais nous avons décidé de ne pas toucher à ce domaine des communications. Cette décision découle en partie du fait que le propriétaire de notre entreprise est l'un des principaux imprimeurs au Canada, en fait le deuxième en importance. Nous avons donc un faible pour la presse écrite, particulièrement du fait que nous sommes notre propre imprimeur.
Nous avons développé un modèle de convergence différent, si c'est ce dont vous voulez parler, selon lequel nous avons trois principales capacités: l'impression, l'édition et la distribution porte à porte de matériel publicitaire.
Nous sommes d'avis que nous pouvons miser sur ces capacités de base pour offrir un produit intéressant et efficace aux annonceurs canadiens. Cela nous a aidés à résister à la tentation d'entrer dans la course lorsque les entreprises de radiodiffusion étaient à vendre, que ce soit la télévision ou la radio.
Le sénateur Day: Je voudrais confirmer votre réponse à la question du sénateur Graham lorsqu'il vous a demandé pourquoi vous n'avez pas choisi la radiodiffusion.
Avez-vous pris cette décision pour des raisons commerciales et de propriété ou bien parce qu'à votre avis la convergence n'est pas une bonne chose pour les Canadiens?
M. Préfontaine: C'est un énorme débat, sénateur. Nous sommes d'avis — et nous l'avons déclaré publiquement — que le modèle de convergence, par exemple la fusion AOL-Time Warner, ne peut fonctionner. Depuis des années nous disons que ce n'est pas un modèle qui à notre avis peut être viable à long terme.
Le sénateur Day: Est-ce un modèle viable du point de vue des affaires?
M. Préfontaine: Oui.
Le sénateur Spivak: À part la subvention postale, que je comprends, de quoi d'autre voulez-vous parler lorsque vous faites allusion à une approche structurée qui vous permette d'élaborer des plans d'affaires à long terme?
M. Préfontaine: Nous croyons que le cadre de réglementation actuel, qu'il s'agisse du CRTC qui examine les demandes de nouvelles licences ou de renouvellement des licences, et qui examine aussi au moment du renouvellement si les radiodiffuseurs sont propriétaires de publications ou de journaux, et du Bureau de la concurrence, offre une protection suffisante aux Canadiens à ce moment-ci. C'est un cadre de réglementation que connaît bien notre industrie; c'est un cadre de réglementation que nous acceptons, que nous appuyons et que nous respectons.
Toute modification à ce cadre changerait les règles fondamentales selon lesquelles nous fonctionnons. Par exemple, l'acquisition par CanWest de 12 journaux a totalisé 265 millions de dollars, la plus importante de toute notre histoire, même si cela est modeste par rapport à certaines transactions plus importantes qui se sont faites au Canada au cours des deux ou trois dernières années. Ces transactions ont été faites selon certaines règles de base. Je ne suis pas certain que si les règles changeaient, la réalité du marché ne changerait pas en même temps.
Je suis d'avis que le modèle actuel nous convient tout à fait. Il a fait ses preuves, et il ne devrait pas être changé à la légère.
Le sénateur Spivak: Vous êtes satisfait de la règle actuelle. Cependant, dans certains cas, au Canada, je pense dans l'Ouest, il n'y a pas de concurrence au niveau des journaux, des quotidiens. Il n'existe qu'un seul quotidien. Je ne sais pas ce que vous en pensez si on prend en compte l'intérêt public.
M. Préfontaine: Je devrai modifier ma réponse.
Le sénateur Spivak: Je dois ajouter que ces publications n'ont qu'un seul propriétaire.
M. Préfontaine: Il y a un certain nombre de propriétaires de journaux dans les Prairies et en Colombie-Britannique. CanWest, Sun Media et Black Press sont actifs sur ces marchés. Horizon est actif dans le sud de l'Alberta et Sterling Newspapers dans le centre de la Colombie-Britannique. Nous sommes actifs en Colombie-Britannique et au Manitoba. Il y a un certain nombre de joueurs, bien que certains d'entre eux soient plus actifs que d'autres.
Le point de vue selon lequel certaines régions ou certains centres urbains ne devraient avoir qu'un seul journal découle, à mon avis, davantage de la capacité de ces marchés d'absorber plus d'un journal, plutôt que du fait qu'il n'y a qu'un joueur qui est prêt à entrer sur ce marché.
Je connais les dirigeants de toutes les entreprises que j'ai mentionnées, et la plupart d'entre sont extrêmement compétitifs. S'il y avait une possibilité de publier un autre quotidien ou un autre hebdomadaire sur ces marchés, ils le feraient. À l'occasion, ils l'ont fait. Dans les basses terres du Fraser en Colombie-Britannique, Black Press est en concurrence avec Lower Mainland Publishing. Ils sont également actifs dans le reste de la Colombie-Britannique. Lorsqu'il y a possibilité de mettre en place une franchise, ces joueurs n'ont aucune hésitation à le faire.
Le sénateur Spivak: Pour ce qui est de la politique publique, croyez-vous que nous sommes sur la bonne route, à l'exception de cette subvention postale?
M. Préfontaine: Pour ce qui est de la politique publique, le public canadien pour l'instant est bien servi par le cadre stratégique en place. Comme je l'ai dit, les changements au Programme d'aide aux publications et au Fonds du Canada pour les magazines sont regrettables. Ces changements auront des répercussions à long terme sur l'industrie canadienne des magazines, qu'il est impossible de prévoir et qui n'ont pas été analysées.
Si vous examinez les différents éléments du secteur des médias, seule l'industrie des magazines et des journaux continue de mettre l'accent sur le contenu canadien.
J'ai des enfants qui écoutent de la musique, et j'ose dire que seule une fraction de la musique qu'ils écoutent est canadienne. Ils regardent des émissions de télévision dont un grand nombre proviennent du sud de la frontière.
Le cadre stratégique actuel a favorisé une industrie canadienne solide des magazines et de la presse, qu'il s'agisse de quotidiens ou d'hebdomadaires. Nous devrions donc traiter ce cadre avec prudence.
Le sénateur Spivak: Quelle est l'importance à votre avis des magasins de journaux et de revues des kiosques?
Par exemple, à l'aéroport j'ai constaté qu'il y a peu de magazines canadiens. Même ceux qu'on vous remet dans l'avion sont américains; il n'y a pas un seul magazine canadien.
À votre avis, la politique publique pourrait-elle contribuer à modifier cette situation?
M. Préfontaine: Oui. Je vous proposerai une façon de le faire. On a beaucoup débattu du fait que suite à l'adoption du projet de loi C-55, les magazines pouvaient bénéficier du Fonds du Canada pour les magazines. Selon les règlements qui accompagnaient le projet de loi, les fonds devaient servir strictement aux activités rédactionnelles. On partait en effet du principe que cela améliorerait le contenu canadien, et qu'un meilleur contenu canadien attirerait un plus grand nombre de lecteurs canadiens. Cela a créé une dynamique positive. Cependant, le contenu canadien avant cette époque était assez bon. Si on examine le tirage en fonction des abonnements, les éditeurs de magazines canadiens ont gagné cette guerre-là. Nous l'avons toutefois perdue en ce qui concerne les kiosques à journaux; 95 p. 100 des magazines vendus dans les kiosques à journaux sont américains.
Mes collègues et moi-même avions recommandé à Patrimoine canadien de nous accorder la marge de manœuvre nécessaire pour affecter certains des fonds attribués dans le cadre du Fonds du Canada pour les magazines à la distribution dans les kiosques à journaux, pour élargir notre présence dans les kiosques à journaux, et pour promouvoir la valeur des magazines canadiens, par opposition aux magazines américains.
La situation a quelque chose d'insidieux parce que 50 p. 100 des magazines vendus sont américains. Il y a tout un livre qui décrit à quoi devrait ressembler un magazine et ce qu'il devrait coûter.
La plupart des magazines vendus dans les kiosques à journaux canadiens sont vendus à un prix inférieur à ce qu'ils coûtent aux États-Unis. Je pourrais en fournir une liste au comité. Nous avons remis cette liste à Patrimoine canadien à plusieurs reprises. Les éditeurs américains fixent systématiquement le prix de leur magazine à un niveau trop bas. Parfois, le prix des magazines qu'ils vendent au Canada est inférieur à leur coût d'impression.
S'il s'agissait de blé ou d'acier, on parlerait de «dumping». Nous sommes victimes d'un «dumping culturel» qui se pratique au niveau de la distribution dans les kiosques à journaux.
Ne vaut-il pas la peine que nous nous défendions?
Les éditeurs de magazines canadiens sont disposés à le faire, mais nous ne demandons pas de fonds supplémentaires à cette fin. Nous demandons qu'on nous accorde un peu plus de souplesse dans l'utilisation des sommes que vous nous attribuez déjà.
Le sénateur Spivak: C'est un peu comme la guerre des prix que se livrent Coke et Pepsi.
M. Préfontaine: Le problème, c'est que les Canadiens produisent du Coke et les Américains produisent du Pepsi. Nous voulons apposer une grosse feuille d'érable sur la bouteille de Coke.
Le sénateur Merchant: Ce dernier élément d'information m'intéresse parce que les magazines américains auxquels je suis abonné ne sont pas vraiment meilleur marché, à l'exception peut-être de un ou deux. Ce seraient des renseignements utiles.
M. Préfontaine: Sénateur, il serait préférable que vous les achetiez à un kiosque à journaux plutôt que de vous y abonner.
Le président intérimaire: J'accepterai votre invitation à fournir cette information au greffier de notre comité.
M. Préfontaine: Avec plaisir.
Le sénateur Merchant: Je m'intéresse aux quotidiens de la Saskatchewan. Il est très important, lorsque cela est possible, que des gens de la localité écrivent nos histoires, parce que ce sont nos voisins et ils savent ce que nous considérons important. Sans que cette information soit moins factuelle ou de moindre qualité, la façon dont ils la présentent diffère de la façon dont est présenté un article sur la même question dans un journal à grand tirage comme le National Post ou le Globe and Mail. Il est important que nos histoires soient relatées par nos propres voisins parce qu'ils connaissent les lieux, les noms et les gens.
Il est aussi important d'avoir des lecteurs. Par exemple, le Moose Jaw Times Herald est-il vendu uniquement à la population de Moose Jaw et des environs?
Est-ce que la population de Regina, par exemple, achète ce journal?
M. Préfontaine: Il a un tirage très limité à Regina, mais lorsque nous parlons de Moose Jaw, nous parlons de la région dans son ensemble. Certains de nos journaux sont distribués sur un territoire de 100 milles carrés. Swift Current en est un autre exemple.
Le sénateur Merchant: Parfois ces journaux renferment très peu d'information, et c'est peut-être parce que l'on peut être informé de bien des façons. Ils renferment beaucoup d'annonces parce que les marchands du coin veulent vendre leurs produits, mais ils ne renferment pas beaucoup d'information. Parfois même le journal de Regina ne compte que six pages.
Les journaux des petites localités ont-ils de la difficulté à obtenir suffisamment de nouvelles intéressantes qui ne se trouvent pas dans les journaux à grand tirage?
M. Préfontaine: Vous venez d'aborder un grand nombre d'éléments auxquels nous faisons face dans le cadre de la publication de quotidiens sur de petits marchés non urbains.
Dans le Regina Leader Post, par exemple, vous trouverez deux ou trois pages de nouvelles locales et le reste se composera de nouvelles nationales et internationales. Le journal de Prince Albert ne publie que des nouvelles locales. Il renferme très peu d'information nationale, internationale ou d'affaires, et il s'agit d'une décision délibérée.
La différence entre les journaux métropolitains et les quotidiens non urbains, c'est que les journaux locaux ont du contenu local. Les nouvelles qui se trouvent dans le quotidien de Prince Albert ne sont publiées nulle part ailleurs. Il n'y a pas de station de télévision ou de radio pour fournir ce genre d'information, seulement le journal. C'est le journal de la collectivité. Si nous ne le faisons pas, personne d'autre ne le fait, et cela assure le succès du journal.
Dans l'ensemble, si vous examinez les tendances nord-américaines, et le Canada n'y fait pas exception, les journaux locaux ont beaucoup mieux réussi à conserver le même nombre de lecteurs que les grands quotidiens métropolitains, parce qu'ils sont proches des réalités quotidiennes de leurs lecteurs, et dans la majorité des cas, il s'agit de nouvelles qui ont des répercussions sur la vie des gens, qui les aident à être de meilleurs citoyens, de meilleurs membres de leur collectivité et à être au courant de ce qui se passe autour d'eux.
Le sénateur Merchant: Pourriez-vous offrir ces journaux dans les écoles gratuitement? Vous devez avoir des lecteurs plus âgés. Comment faites-vous pour encourager les jeunes à être fiers de leur collectivité et de leur pays? Croyez-vous que cela pourrait se faire en classe? Encouragez-vous des programmes de ce genre?
M. Préfontaine: Nous avons un programme dont le titre est «Newspapers in Education», dans le cadre duquel nous établissons un partenariat avec des écoles pour leur offrir des journaux accompagnés d'un guide à l'intention de l'enseignant sur la façon de les lire, en expliquant pourquoi il est important de lire certaines parties du journal et ce qu'apporte ce journal aux citoyens.
Il y en a un remarquable exemple non pas en Saskatchewan mais au Cap-Breton. Le rédacteur en chef du journal était tellement convaincu de l'utilité du programme «Newspapers in Education», qu'il a de lui-même recruté des membres de la collectivité pour payer le programme.
Le sénateur Merchant: Ce serait une initiative très utile parce que j'ai l'impression que les jeunes ne lisent pas les journaux. Les journaux locaux s'intéressent peut-être au macroélément des nouvelles plutôt qu'à mettre l'accent sur les nouvelles de leur localité.
M. Préfontaine: C'est exact.
[Français]
Le sénateur Day: Nous avons discuté de l'affaire du dumping. Vous serait-il possible de nous donner des chiffres? Y a-t-il eu des poursuites dans ce domaine jusqu'à présent?
M. Préfontaine: Non. À la suite de la défaite du Canada devant l'Organisation mondiale du commerce, qui a mené à la rédaction du projet de loi C-55 et qui a modifié les niveaux de propriété étrangère pour les magazines au pays, le gouvernement a perdu son enthousiasme pour ce domaine.
Nous sommes relativement nouveaux dans le domaine de l'édition. En 1997, nos revenus étaient seulement de 66 millions de dollars, mais nous avons appris vite. Nous avons appris que les Américains dominent les kiosques. Pour réussir, au fur et à mesure que nous allons nous développer, nous devrons être capables de vendre nos magazines en kiosque. Je vous explique pourquoi.
Je vous ai parlé, tout à l'heure, de l'augmentation des frais d'envois postaux. La mise à la poste n'est qu'un élément des coûts postaux des magazines. Vous êtes sûrement abonné à certains magazines et, plusieurs mois avant la fin de votre abonnement, vous commencez à recevoir des cartons qui vous signalent de renouveler votre abonnement. Nous envoyons même des rappels que l'on nomme «early bird». Nous faisons cela environ sept fois par abonné avant la fin de l'abonnement.
Le sénateur Day: Même si j'ai payé tout de suite, cela continue. J'ai vu cela.
M. Préfontaine: J'espère que ce n'était pas un de nos magazines. Le coût d'envoi, de ces cartons, augmente et celui du renouvellement aussi. Il est donc de moins en moins rentable d'utiliser la poste.
Conséquemment, à un moment donné, nous n'aurons plus le choix et il nous faudra utiliser les kiosques, «single copy sales», comme une façon de plus en plus importante de vendre nos publications.
Le sénateur Day: Comment allons-nous faire si 95 p. 100 du marché est occupé par des éditeurs étrangers tels que Hearst, Conde Nast, Time-Warner.
M. Préfontaine: Transcontinental est un gros joueur sur le marché canadien et un très petit joueur sur le marché nord-américain et mondial. Lorsque les éditeurs américains entrent au Canada et qu'ils achètent des positions aux caisses avec des dollars américains, ils considèrent le Canada comme un État américain. Je suis très sérieux.
Dans les plans de développement de tirage des éditeurs américains, le Canada est automatiquement inclus comme un État. Il faut rétablir un certain équilibre des forces. Il faut être capable de développer une présence crédible dans les kiosques.
Le sénateur Day: Ma prochaine question concerne la concentration de médias. Nous avons commencé à en discuter tout à l'heure. Vous avez un site Internet. Que voulez-vous dire avec l'expression «solution Internet»?
M. Préfontaine: C'est une présence sur Internet. Nos magazines sont présents sur Internet et nous opérons des portails féminins ainsi qu'un portail d'affaires au Québec. Ces portails coûtent des centaines de milliers de dollars individuellement et collectivement nous faisons face à des dépenses de millions de dollars. Il n'y a personne encore qui a trouvé la bonne façon de faire de l'argent en publiant sur Internet. Nous savons tous que nous devons être là. Toutefois c'est un drain supplémentaire sur les ressources des éditeurs canadiens.
Dans le contexte actuel, les éditeurs canadiens doivent concentrer certaines de leurs ressources pour être présents et expérimenter, au fur et à mesure, les solutions qui sont trouvées sur Internet pour en faire un mode de diffusion rentable. Sans la taille appropriée, peu d'éditeurs de magazines ou de journaux ont la capacité de le faire d'une façon acceptable tout en gardant la qualité.
Le sénateur Day: C'est donc l'agrégation électronique des contenus d'actualités et d'affaires. Est-ce votre information des journaux et des hebdomadaires? Avez-vous aussi des journalistes qui travaillent seulement pour Internet?
M. Préfontaine: Certains de nos portails comme «lesaffaires.com», «mokasofa.ca» ont des journalistes affectés strictement au volet Internet. Dans d'autres cas, le site Internet est intégré aux opérations normales de la salle de rédaction. Ce sont les journalistes des journaux ou des magazines qui alimentent le site.
Le sénateur Day: L'agrégation est-elle seulement votre propriété intellectuelle ou avez-vous une licence de convention avec les autres compagnies?
M. Préfontaine: Certains de nos titres sont abonnés également au service de la presse canadienne et enrichissent leur contenu de dépêches provenant de cette presse. En général, le contenu de nos sites Internet est produit presque à 100 p. 100 par nos propres moyens.
Le sénateur Day: Vous avez mentionné le site Internet «mokasofa.ca», avez-vous un magazine qui porte le même nom?
M. Préfontaine: Non, c'est une marque de commerce qui agit selon le concept «Internet Newstand». Dans «mokasofa.ca» vous retrouvez tous nos titres. Sur le site «mokasofa.ca» anglais, vous retrouvez les magazines: Canadian Living, Style at Home, Home Makers, sur le site français, vous retrouver nos magazines francophones.
Le sénateur Day: Vous avez aussi le site «voisin.net» qui est un site hôte pour les organismes à but non lucratif. Est- ce lucratif pour vous?
M. Préfontaine: Aucun de nos sites est lucratif. C'est important de souligner au comité de prendre conscience du fait qu'il n'y a pas d'éditeurs canadiens qui font de l'argent sur Internet: ni Rogers, ni New, ni CanWest, ni Sun Média. Nous sommes vraiment en phase expérimentale. Même les grands sites américains, outre les grands portails comme Yahoo, Google, ne font pas d'argent. C'est un investissement dans un avenir que nous ne connaissons pas.
Le sénateur Day: Finalement, nous avons parlé convergence. Conceptuellement, êtes-vous contre l'idée de concentration dans le domaine des journaux, de la télévision et Internet? Voyez-vous un problème avec la convergence?
M. Préfontaine: Conceptuellement, je ne vois pas de problème. Bien avant que le mot «convergence» ait été inventé, je travaillais pour la Presse canadienne. Elle avait une filiale qui s'appelait Broadcast/News. Les journalistes de Broadcast/News, ceux de Canadian Press et la Presse canadienne, nouvelles, télévision et radio, qui était la version française, faisaient ce que nous appelions du «dual fonction». Nous couvrions l'actualité pour le fil de presse et, à l'occasion, l'on nous demandait d'écrire un bulletin de nouvelles pour la radio ou d'aller en ondes directement. C'était donc une formule de convergence. Cela enrichissait la qualité de l'information fournit par Canadian Press, la Presse canadienne, à ses sociétaires et à ses clients radiodiffuseurs et télédiffuseurs.
Il était possible pour certains employés de le faire parce qu'ils étaient confortables mais, d'autres l'étaient moins. C'est la même chose de nos jours. La formule où vous aurez une seule salle de rédaction pour des journalistes qui iront parfois à la radio, parfois à la télévision, parfois devront écrire un texte, fonctionnera-t-elle? Je vous réponds: non.
Je suis un journaliste de carrière. J'ai commencé à dix-neuf ans à la Tribune de Sherbrooke. J'ai passé toute ma vie dans les journaux. Lorsque je travaillais à la Presse canadienne, je gérais autant le côté télévision que celui du fil de presse. Je peux dire que c'est un talent particulier que d'être un bon journaliste de télévision. C'est un autre niveau d'expertise pour être un bon journaliste à la radio et une autre expertise pour être un bon journaliste à l'écrit. Parfois, certains sont capables de tirer une certaine synergie entre les deux ou les trois mais ce n'est pas constant. Ce modèle est douteux et il n'est pas essayer à grande échelle. Si l'on regarde ce qui se passe au pays ou en Amérique du Nord, il se peut qu'il y ait quelques projets pilotes qui existent à gauche et à droite mais pas ce n'est pas à grande échelle.
La réalité de la collecte de l'information, la dissémination de l'information va faire que ce modèle ne sera pas répandu.
Le président intérimaire: Je constate que vous êtes propriétaire du journal de Bathurst?
M. Préfontaine: Nous étions propriétaires.
Le président intérimaire: Qu'est-il arrivé alors à ce journal?
M. Préfontaine: Nous l'avons vendu il y a quelques mois au Groupe Irving. Le journal de Bathurst était isolé géographiquement des autres journaux que nous publions dans les Provinces Atlantiques et entouré par des propriétés du Groupe Irving, donc sans possibilité de le développer. Il y avait une synergie naturelle entre les journaux du Groupe Irving et le Northernlight de Bathurst. C'est la raison pour laquelle nous l'avons vendu au Groupe Irving.
Le président intérimaire: C'est plus qu'une synergie, c'est, à toutes fins pratiques, un monopole!
M. Préfontaine: Ce sont vos paroles. C'était un territoire dans lequel il était pratiquement impossible de développer ce journal et cela rendait l'existence du journal précaire.
Le président intérimaire: C'est quand même étonnant que vous ayez acquis ce journal alors qu'au départ il avait été acheté par Hollinger — les intérêts Black —, ensuite les intérêts Hasper, quand ils ont fait l'acquisition d'un bloc de propriétés de Hollinger. Pourquoi l'avez-vous acheté à ce moment-là?
M. Préfontaine: Nous avons acheté l'ensemble des journaux qui étaient la propriété du groupe CanWest dans les Provinces Atlantiques, ce qui inclut naturellement Terre-Neuve.
Le président intérimaire: Cela faisait donc partie d'une acquisition en bloc, pour des raisons qui n'étaient pas d'intérêt local ou autres?
M. Préfontaine: On ne pouvait pas, selon les règles de la transaction, acheter tous les journaux sauf Bathurst. Bathurst venait avec, si on peut dire. Par contre, je tiens à souligner que Transcontinental n'est pas une compagnie qui vend ses unités d'affaires fréquemment. C'est peu fréquent pour nous de vendre. Nous sommes plus des acheteurs que des vendeurs et nous sommes des opérateurs à long terme.
D'ailleurs, quand nous avons effectué la transaction de Bathurst avec le Groupe Irving, nous nous sommes empressés d'indiquer à tous nos employés à travers les provinces Atlantiques que c'était la seule transaction que nous avions l'intention de faire, et qu'au contraire, nous étions fermement décidés à développer nos opérations dans les autres provinces Atlantiques.
Le sénateur Graham s'en est rendu compte lui-même. Nous avons investi quelques millions à Halifax pour relancer le Halifax Daily News. Nous l'avons déménagé au centre-ville, au cœur de sa communauté. Nous lui avons donné un nouveau contenu et une nouvelle facture graphique. Nous avons installé de nouvelles presses pour ce journal, parce que nous croyions fermement que Halifax avait besoin d'une deuxième voix, une voix plus forte. C'est pour cela que nous avons investi considérablement dans le Halifax Daily News.
Le président intérimaire: Ma deuxième question qui a trait à votre credo, que vous avez énoncé au tout début de votre présentation. Tout credo contient habituellement des éléments de dogme. Je me souviens de mon petit catéchisme. On y croit ou non. Si on n'y croit pas, on n'est plus dans l'Église, on est ailleurs. Cela a des conséquences sur notre vie dans l'autre monde peut-être. Vos employés, vos journalistes, adhèrent-ils à votre credo?
M. Préfontaine: Oui. Quand nous avons fait l'acquisition des journaux dans les Maritimes, j'ai personnellement visité chaque journal. J'ai réuni les employés de chaque journal et je leur ai présenté notre credo. Transcontinental croit à la liberté éditoriale de chacun de ses journaux. Transcontinental croit que l'éditeur du journal et son rédacteur en chef sont les mieux habilités à établir la politique éditoriale du journal. Nous n'intervenons pas dans la politique éditoriale du journal. Nous avons une seule règle, que j'ai répétée à chaque visite que j'ai faite: Vous devez servir la communauté. Si le journal n'est pas au service de la communauté, nous allons venir vous visiter. Votre mandat est de publier un journal qui servira les intérêts de la communauté, et cela sous-tend notre credo: Si c'est bon pour la communauté, c'est bon pour le journal.
Cela fait 32 ans que je suis dans le métier. J'ai commencé à La Tribune de Sherbrooke, un journal régional. Quand un journal couvre bien l'actualité de sa communauté, la communauté le récompense. Quand le journal ne le fait pas, la communauté le punit. La communauté est rapide à punir quand les choses ne vont pas bien.
Le président intérimaire: Finalement, nous ne sommes pas sans constater que le Groupe Rodgers, en ce qui concerne sa particularité de propriétaire de revues, Quebecor, dont vous êtes un ancien employé, Transcontinental et d'autres, ont un endettement considérable dans les temps qui courent. Évidemment, l'économie canadienne se porte bien. Donc, quand l'économie se porte bien à l'échelle nationale, régionale et locale vos journaux, vos hebdomadaires et vos revues ont tendance à bien se porter parce qu'il y a un apport de publicité considérable, et sans publicité, vous n'allez pas loin.
Je suis inquiété par le fait que ce taux d'endettement présente des risques à long terme, quand même. On ne sait pas ce que l'économie va faire. Je ne pense pas que ce soit l'appréciation du dollar canadien qui causera un krach économique, mais si dans deux, trois ou quatre ans — vous savez à quel point les choses peuvent changer rapidement parfois mondialement — s'il y avait un krach économique, les grands propriétaires de médias seraient dans une situation extrêmement difficile, avec comme résultat la disparition ou la vente rapide de certains biens afin de pouvoir garder la tête hors de l'eau. Cela ne vous inquiète-t-il pas?
M. Préfontaine: C'est vrai que les éditeurs canadiens que vous avez mentionnés ont un fort taux d'endettement, sauf en ce qui concerne Transcontinental. Notre ratio dette-équité est de 32 cents par dollar.
Le président intérimaire: Vous considérez que cela est sain?
M. Préfontaine: Selon les ratios, oui. Notre indication au marché indique que nous ne dépasserons pas 55 cents du dollar d'équité pour notre endettement, et nous sommes en deça des indications que nous avons fournies au marché. Nous avons des marges de crédit de plusieurs centaines de millions de dollars qui sont inutilisés. Nous générons suffisamment de liquidités pour non seulement assurer nos frais d'exploitation, mais pour encourager également leur expansion. Tout à l'heure, dans ma présentation, j'ai insisté sur le besoin de la santé financière, de la solidité financière comme prérequis à une information de qualité. Cela fait partie de notre façon de gérer notre entreprise. Je crois que vous avez raison lorsque vous dites que si l'environnement économique devait se détériorer, certains éditeurs devront se départir de certains actifs, mais nous serons là.
Nous avons pu, au fil des années, profiter du fait que certains éditeurs avaient des problèmes de liquidité pour développer nos propres opérations. Je me ferai un plaisir d'envoyer aux membres de votre comité quelques copies de notre rapport annuel et vous pourrez constater par vous-même que le bilan de Transcontinental est extrêmement solide.
[Traduction]
Le sénateur Gustafson: Avez-vous des journaux en Saskatchewan?
M. Préfontaine: Oui, à Moose Jaw, Switf Current et Prince Albert.
Le sénateur Gustafson: Comment vont-ils?
M. Préfontaine: Ils vont très bien. Nous venons de nommer un nouvel éditeur à Prince Albert dont la famille vient de Prince Albert. Il est extrêmement fier d'être de retour dans la collectivité et il s'est donné comme priorité d'assurer la participation de la communauté de manière à améliorer le journal.
Le sénateur Gustafson: Êtes-vous en train de parler des hebdomadaires?
M. Préfontaine: Des quotidiens à Prince Albert et à Moose Jaw, et d'un hebdomadaire à Swift Current.
Le sénateur Gustafson: Je suis un sénateur de la Saskatchewan et je sais que ces petits journaux se débrouillent très bien.
M. Préfontaine: Ce sont des entreprises solides, effectivement.
Le sénateur Graham: Le sénateur Gustafson a indiqué qu'il vient de la Saskatchewan, et nous représentons nos régions et le pays dans son ensemble.
Pourriez-vous nous indiquer le tirage des quatre journaux de la Nouvelle-Écosse?
Vous n'avez pas à nous fournir cette information maintenant, mais vous pourrez la remettre au greffier.
M. Préfontaine: Je le ferai avec plaisir.
Le sénateur Merchant: Notre comité doit adopter une approche prospective, et envisager la situation dans 10, 15 ou 20 ans d'ici. Lord Black a des intérêts en Grande-Bretagne. La famille Aspers a des intérêts en Australie.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de la propriété étrangère et des étrangers qui viennent ici publier des journaux? Est-ce une bonne chose pour le pays? Est-il bon d'avoir ce type de concurrence? Qu'en pensez-vous?
M. Préfontaine: J'ai une opinion très arrêtée à ce sujet, monsieur le sénateur. Je considère que les règles actuelles concernant la propriété ne devraient pas être modifiées.
Le sénateur Merchant: Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?
M. Préfontaine: Le meilleur exemple, ce sont les kiosques à journaux, qui ne font l'objet d'aucune restriction. La taille et l'envergure des éditeurs américains ou européens sont telles qu'ils étoufferaient pratiquement les éditeurs canadiens, quelle que soit la place importante que nous occupons sur nos propres marchés.
La vigueur du dollar américain permettrait aux éditeurs américains de payer beaucoup plus cher nos biens que nous ne le pourrions. Quant à ce qui se produirait une fois qu'ils seraient propriétaires des journaux, je ne peux que faire des suppositions, mais je doute que cela améliorerait la qualité du contenu canadien à l'intention des Canadiens.
Dans un pays comme le Canada, dont la population est clairsemée et dispersée sur de vastes distances, et où les coûts sont plus élevés, nous devons être protégés contre la propriété étrangère. Il serait peu prudent, à mon avis, de modifier les règles. Je crois que cela vaut pour les journaux et aussi pour les magazines bien que, comme vous le savez, les règles ont été modifiées depuis l'adoption du projet de loi C-55. Ce serait également une décision très imprudente pour l'industrie de la radiodiffusion.
Le Canada a été bien servi par les mesures prises par le gouvernement fédéral pour protéger ses médias. Je ne peux pas m'empêcher d'être un peu sentimental ici car notre identité nationale dépend de notre capacité de raconter notre histoire. Si nous ne sommes plus propriétaires des instruments grâce auxquels nous racontons notre histoire, notre passé, qui le fera à notre place?
Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai de jeunes enfants et je vois les émissions qu'ils regardent à la télévision. J'écoute la musique qu'ils écoutent. Je suis consterné.
Est-ce ainsi que nous voulons bâtir notre identité canadienne?
Le sénateur Merchant: À moins d'enseigner à nos enfants la valeur de l'écrit, ils obtiendront leur information d'autres sources. C'est une chose qu'il est très difficile de contrôler. Je me demande à quoi cela va aboutir.
M. Préfontaine: Je suis tout aussi préoccupé, mais dans une perspective à moyen terme, parce que je connais les restrictions actuelles en matière de propriété. Cela nous a donné l'assurance nécessaire pour investir des centaines de millions de dollars des fonds provenant de nos actionnaires, à qui nous assurons un bon rendement. Cependant, si les règles de la propriété changent, je ne suis pas sûr que nous parviendrons à maintenir ce rendement pendant un certain temps.
Je vous exhorte à soutenir la structure politique déjà instaurée qui protège la culture et l'identité canadiennes, car les règles et politiques ont bien servi notre pays. Il ne faudrait pas envisager à la légère de les abandonner, si persuasifs puissent être les gens de l'extérieur ou de l'intérieur qui vous suggéreraient de faire le contraire. Il se trouvera toujours des gens dans notre industrie qui voudront ouvrir toutes grandes les portes.
Le sénateur Johnson: J'ai écouté en grande partie ce que vous aviez à dire. Je m'excuse, mais il y a actuellement une conférence de presse.
M. Préfontaine: Ils sont exécrables, ces journalistes.
Le sénateur Johnson: Pouvez-vous me dire si les magazines américains sont subventionnés, et dans quelle mesure?
M. Préfontaine: Elles ne le sont pas.
Le sénateur Johnson: Les pertes que vous avez subies au cours des 24 derniers mois sont dues à des compressions.
M. Préfontaine: Ces réductions ont été annoncées le 8 juillet et entreront en vigueur le 1er avril 2004, pour 24 mois.
Le sénateur Johnson: Et combien cela représente-t-il?
M. Préfontaine: Cela représente 6 millions de dollars pour notre entreprise seule.
Le sénateur Johnson: Et pour tout le Canada?
M. Préfontaine: Plutôt que de vous induire en erreur, je transmettrai à votre comité les chiffres que nous avons.
Le sénateur Johnson: Pourquoi ces compressions ont-elles été effectuées à ce moment-ci?
Si je vous pose la question, c'est qu'actuellement, notre société est inondée de magazines de tous genres. Non seulement y en a-t-il trop, mais ils consomment beaucoup de papier, ce qui nuit à l'environnement.
Que font les magazines pour contribuer à notre culture et aux prouesses intellectuelles des Canadiens, étant donné que 90 p. 100 de nos concitoyens lisent des revues à potins, plutôt que des magazines comme le New Yorker, Harpers, l'Atlantic Monthly et le National Geographic.
Vous avez dit que ces magazines contribuaient à la vie culturelle de notre pays. Comment justifiez-vous cela?
M. Préfontaine: Je ne porterai pas de jugement sur les titres que vous avez nommés, et je me contenterai de parler des magazines que nous publions, en commençant par Canadian Living.
Le sénateur Johnson: Excellent magazine.
M. Préfontaine: Canadian Living cible les femmes qui élèvent une famille, qu'elles restent au foyer ou travaillent à l'extérieur, et qui doivent faire face aux pressions quotidiennes de la vie.
Notre magazine propose des solutions qui permettent de vivre plus simplement et mieux, comme des solutions pour élever ses enfants, pour rester en santé, pour créer un foyer équilibré et pour prôner les valeurs de respect, d'amour, de compréhension mutuelle et de tolérance. Regardez ce magazine, et vous reconnaîtrez dans Canadian Living des valeurs que partagent tous les Canadiens et qui modèlent l'identité canadienne.
Canadian Living est une publication phénoménale.
Le sénateur Johnson: Je connais très bien Canadian Living. Considérez-vous que c'est l'un de vos meilleurs magazines?
M. Préfontaine: Certes. Je pense aussi à Femme au foyer, qui est un magazine dans lequel nous avons décidé récemment de réinvestir et qui vise à proposer des dossiers de fond qui intéressent les femmes. D'ailleurs, nous avons récemment publié un dossier sur le sort des femmes afghanes.
Le sénateur Johnson: Il s'agit de l'article de Sally Armstrong.
M. Préfontaine: Nous avons traité du cancer du sein, mais aussi d'autres dossiers de fond qui alimentent la réflexion; je pense que c'est un des rares magazines au Canada à faire cela.
Je voudrais également mentionner un autre magazine dont la valeur ne saute pas aux yeux, et c'est Elle Canada, que nous avons lancé il y a 18 mois et qui traite de mode et d'esthétique.
Lorsque nous l'avons lancé, nous avions pour objectif notamment d'aider à créer une industrie de la mode et de l'esthétique véritablement canadienne, et c'est pourquoi tous les produits qui y sont mentionnés sont disponibles au Canada. Les images que nous diffusons sont celles de Canadiens et Canadiennes, et nous faisons appel à des écrivains et à des photographes canadiens. D'ailleurs, certains des photographes à qui nous avons fait appel travaillent maintenant pour d'autres magazines qui appartiennent à notre chaîne. On peut ne pas s'entendre nécessairement sur la valeur de cette industrie, mais ce magazine a créé à notre avis une vision de la mode et de la beauté plus canadienne que celle que transmet Cosmopolitan qui vend pourtant 280 000 exemplaires par mois au Canada.
Le sénateur Johnson: Comment vous comparez-vous à Cosmopolitan?
M. Préfontaine: Je ne veux pas me comparer à Cosmopolitan.
Le sénateur Johnson: Je parlais du tirage.
M. Préfontaine: Elle Canada a un tirage de 100 000 exemplaires.
Le sénateur Johnson: Cosmopolitan n'est pas si bien que cela comme magazine.
M. Préfontaine: Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Johnson: C'est un magazine populaire qui cible certaines parties de la population pour des raisons bien précises. Mais comme vous dites, c'est un magazine américain, et il n'est pas subventionné, puisque le marché est parfaitement concurrentiel.
M. Préfontaine: Faisons un peu d'histoire.
Le sénateur Johnson: À votre avis, combien vous faudrait-il pour subventionner le maintien de la production de vos magazines?
M. Préfontaine: Le Programme d'aide aux publications précède la Confédération; son objectif était d'assurer la diffusion des magazines dans notre vaste pays, afin que les Canadiens puissent lire du contenu canadien.
Le programme a donné d'excellents résultats et ne coûte pas cher au gouvernement canadien. L'enveloppe totale est de 47 millions de dollars, et on aide ainsi à diffuser non seulement les magazines, mais aussi les journaux locaux dans les régions rurales. L'objectif est double.
Le programme a fait de l'excellent travail, et cela se traduit dans nos chiffres. Les chiffres sont révélateurs: 80 p. 100 des magazines canadiens vendus le sont par abonnement. C'est un indice de l'excellence du programme.
Notre industrie ne demande pas un sou de plus de Patrimoine canadien. Nous avons même dit au ministère de ne rien modifier au programme puisque tout allait bien et qu'il donnait de bons résultats. Il semble que notre point de vue n'ait pas prévalu. Nous respectons la décision prise par la ministre, mais nous croyons qu'elle posera problème pour les éditeurs canadiens dans les prochaines années.
Le sénateur Johnson: Nous pourrions en discuter longuement. L'industrie de la revue de mode est un véritable monstre dans le monde occidental, et pas seulement au Canada et aux États-Unis. Il existe bien sûr de très belles revues, et, tout comme vous, j'ai à cœur que les bonnes revues canadiennes survivent face à la concurrence effrénée.
M. Préfontaine: Il est intéressant de noter que Canadian Living est le magazine qui a le plus grand lectorat au Canada.
Son équivalent en français s'appelle Coup de pouce, et c'est le magazine féminin le plus lu au Canada francophone.
Il y a de l'espoir pour nous.
Le sénateur Johnson: Dans votre éventail de magazines, vendez-vous plus de magazines féminins que d'autres?
M. Préfontaine: Certes. Notre portefeuille de magazines destinés aux femmes est le plus important au Canada. Ce portefeuille compte en effet dix magazines, et compte sur un lectorat de 11 millions de lecteurs. Aucun réseau de télévision, réseau de radio ou journal n'atteint autant de femmes canadiennes, et si nous avons choisi cette voie, c'est parce que nous avions pour stratégie de nous battre dans des créneaux précis contre des titres américains. La seule façon de résister à la pression des Américains, c'est de combiner la force de notre portefeuille et un créneau précis, puis miser sur celui-ci. Notre modèle commercial se fonde sur cette stratégie.
Le sénateur Johnson: Je suis impressionné par la ferveur que vous mettez à vous montrer socialement responsables, à la fois dans vos magazines et dans vos journaux.
Avant que le président intérimaire cède la parole à quelqu'un d'autre, j'aimerais savoir si vous êtes propriétaire de journaux communautaires dans ma province du Manitoba.
M. Préfontaine: Nous possédons quatre hebdomadaires de la région de Winnipeg, ainsi que le Headliner de Headingley.
Le sénateur Johnson: Celui-là, je ne l'ai pas vu depuis longtemps.
M. Préfontaine: Je pourrais vous en envoyer un numéro. C'est un hebdomadaire très intéressant. Nous sommes propriétaires de cinq journaux au Manitoba.
Le sénateur Johnson: L'étude que nous effectuons nous apprend que beaucoup des magazines, des journaux communautaires et des quotidiens n'appartenant pas à la compagnie CanWest proviennent du Québec.
M. Préfontaine: En effet, Quebecor, par le truchement de Sun Media, détient un portefeuille très vaste de quotidiens et de journaux communautaires au Canada anglais. Il me semble très sain de constater que les Canadiens français ont tellement à cœur le sort du Canada qu'ils sont disposés à investir partout dans leur pays et à faire fructifier ce médium.
Le sénateur Johnson: C'est une conclusion qui ressort nettement de votre témoignage et de celui du témoin d'hier.
M. Préfontaine: À la lecture de la politique culturelle de Patrimoine canadien, on constate qu'elle ressemble étonnamment aux stratégies que nous avons adoptées en vue de faire prendre de l'expansion à notre entreprise par tout le pays, la valeur des identités communes, de parler les deux langues officielles en faisant passer un message national à un public national.
La formule réussit. C'est une bonne politique. Elle a bien servi les Canadiens, et elle a permis aux éditeurs tel que Médias Transcontinental inc. d'élaborer un plan d'affaires en conséquence et de réussir.
Le sénateur Johnson: Merci de votre exposé et d'avoir toléré certaines de mes questions aujourd'hui.
Le sénateur Day: Ma question porte sur votre responsabilité sociale, et nous parlons de ce qu'a fait le gouvernement pour aider le secteur à bien fonctionner, et vous avez parlé des niveaux de propriété et de propriété étrangère et des tarifs postaux qui ont aidé le secteur. Moi, je voudrais plutôt discuter de la responsabilité du secteur envers la société en retour.
Quelles sont les restrictions qui existent, et en avons-nous besoin de plus, afin de s'assurer que lorsque vous aidez la population à se faire des opinions, vous le faites de façon objective?
Est-il normal qu'un journaliste qui écrit des articles sur l'agriculture, les sports ou d'autres événements survenant dans une localité qui sont propres au reportage, accepte une invitation à assister à un barbecue chez un agriculteur de la région qui a réussi?
Est-il normal d'y assister gratis, ou d'aller à un match de hockey et d'y occuper une loge, ou de passer la fin de semaine en quelque part?
Si vous trouvez cela anormal, y a-t-il, au sein de l'entreprise ou du secteur, des règles qui l'empêchent de se produire, et quelles limites fixez-vous, ou avez-vous besoin de quelque chose de nous?
M. Préfontaine: Le gouvernement commettrait une grosse erreur en édictant des règles régissant le journalisme au pays. Ce serait bien triste pour le Canada.
Ceci dit, vous soulevez des questions opérationnelles auxquelles nos rédacteurs et éditeurs font face tout le temps, et cela demande un jugement très sûr. Il est normal d'être invité à dîner, mais il n'est pas normal d'être invité à faire un grand voyage, dont le but n'est que du plaisir ou du divertissement. Je serais très déçu d'apprendre que l'un de nos journalistes a fait ce genre de choses. Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai eu mes débuts à La Tribune à Sherbrooke, et c'est un journal régional solide. Je suis passé à La Presse canadienne où, comme vous le savez, les lignes directrices en matière d'éthique sont extrêmement rigoureuses. C'est là que j'ai appris les règles de base de notre profession sur le plan national. Je souscris aux règles. Je crois qu'elles sont bien intentionnées, et je crois qu'elles protègent l'intégrité de la profession et qu'il faut les respecter.
Il est vrai que certains de nos journalistes accepteront des voyages. Certains d'entre eux accepteront un souper ou un dîner, mais ils le feront dans le cadre de leur profession. Si un journaliste accepte un voyage afin de visiter une usine ou une installation, il faudrait dire dans l'article que le journaliste avait accepté le voyage. Ce sont les règles de base. Si vous faisiez d'autres vérifications, vous verriez que la plupart des entreprises de collecte de nouvelles suivent ces règles de très près.
Sénateur Day: Nous n'avons plus de temps, mais si vous voulez bien nous écrire par l'entremise du président, nous serions ravis d'apprendre davantage sur ce sujet passionnant.
Je vous aurais posé plus de questions sur le niveau de propriété des journalistes et des entreprises. J'aimerais être informé des journalistes intégrés aux forces armées, et de l'installation de CNN à Bagdad moyennant une entente avec le gouvernement local selon lequel CNN ne montrerait pas le gouvernement sous un jour défavorable. Est-ce que c'est ce que CNN dit à tout le monde?
M. Préfontaine: De Corner Brook à Bagdad il y a beaucoup de chemin à parcourir.
Le sénateur Day: Oui et non. À Corner Brook, on publie des articles et des reportages qui peuvent beaucoup influer sur l'économie locale et le gouvernement local, comme ce sera le cas à Bagdad. Vous avez raison, la différence est énorme mais quand il s'agit d'énoncer l'opinion publique, il y a sans doute des ressemblances.
M. Préfontaine: Je suis actuellement le vice-président de la Presse canadienne. On a proposé à la Presse canadienne d'intégrer certains de ses journalistes à des unités de troupes américaines en Irak. On en a discuté et nous avons décidé de refuser. À notre avis, ce n'était pas la bonne façon d'assurer la couverture de ce genre de nouvelles. Je suis fier de dire au comité que les médias canadiens ont fait preuve d'une grande rigueur en matière de normes et de reportages en Afghanistan et en Irak.
Le sénateur Day: Radio-Canada nous a informés qu'un de ses journalistes était effectivement intégré aux troupes.
M. Préfontaine: Peut-être dans un seul cas.
Le sénateur Day: Ce qui est renversant.
M. Préfontaine: Un seul cas ne constitue pas la règle et nous devrions nous en féliciter. Je ne suis pas le dirigeant de Radio-Canada mais personnellement, j'estime que certains de ses journalistes gagneraient à travailler un certain temps à la Presse canadienne.
Le président intérimaire: Votre témoignage nous a été extrêmement utile, monsieur Préfontaine.
Avez-vous des liens avec des groupes de médias ou des maisons d'édition à l'étranger?
M. Préfontaine: Nous sommes partenaires avec Hachette Filipacchi International pour la publication de Elle Québec et Elle Canada. Nous sommes aussi partenaires avec la presse Bayer International pour nos publications destinées aux aînés. Bayer est la maison d'édition la plus importante en matière de publications du troisième âge et nous avons une association avec cette maison. À part cela, nous n'avons aucune association avec d'autres groupes étrangers.
[Français]
Le président intérimaire: Au nom des membres de ce comité, je vous remercie sincèrement. Vous avez été un témoin ouvert, honnête et nous l'apprécions beaucoup.
M. Préfontaine: Le plaisir a été pour moi.
[Traduction]
Je voudrais vous informer que notre prochaine réunion aura lieu le mardi 4 novembre à 9 h 30 dans la salle 505 de l'édifice Victoria.
La séance est levée.