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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 17 - Témoignages du 4 novembre 2003


OTTAWA, le mardi 4 novembre 2003

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour faire l'étude de l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergents au sein de ces industries; le rôle, les droits, et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Bonjour et bienvenue à cette nouvelle réunion du comité.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous entendrons des témoins de Corus Entertainment Inc. Accueillons M. Cassaday, président et chef de la direction; M. Paul Robertson, président de la division de la télévision de Corus et Nelvana; M. John Hayes, président de la division de la radio de Corus; et Mme Kathleen McNair, vice-présidente, Affaires commerciales et réglementation, et avocate générale. Nous sommes heureux de recevoir un groupe aussi formidable, et je suis sûr que notre réunion sera des plus intéressantes, ce matin.

M. John M. Cassaday, président et chef de la direction, Corus Entertainment Inc.: Bonjour, mesdames et messieurs. Merci de nous avoir invités. Comme l'a mentionné la présidente, je suis président-directeur général de Corus Entertainment. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour représenter Corus Entertainment au cours de ces audiences et pour vous faire part de nos points de vue sur les questions qui intéressent le comité.

Corus Entertainment est l'un des principaux groupes de médias canadiens, et l'un des plus récents. En septembre 1999, Shaw Communications a réuni ses actifs dans le domaine de la radiodiffusion en vue de créer une toute nouvelle société ouverte au public, Corus Entertainment. Corus est une entreprise intégrée dans le domaine des médias et du divertissement qui est reconnue comme un chef de file dans l'industrie. Nous ambitionnons d'être reconnus mondialement comme la plus importante société de divertissement au Canada.

En quatre ans, Corus a connu une croissance considérable. Lorsque nous avons démarré nos activités, en septembre 1999, nous comptions 11 stations de radio. Aujourd'hui, nous en possédons 50. En 1999, nos actifs en télévision comprenaient les réseaux de télévision spécialisée YTV, Treehouse et CMT, et nous avions une participation dans trois autres chaînes spécialisées. Nous sommes également propriétaires de W Network et avons des intérêts majoritaires dans Telelatino, le premier réseau de services spécialisés de télévision à caractère ethnique. Nous sommes aussi coactionnaires de Teletoon et avons une participation dans Food Network. Par ailleurs, Corus est propriétaire de Movie Central qui est le fournisseur des services de télévision offrant des films dans l'Ouest canadien par le truchement de canaux thématiques, de trois réseaux numériques de télévision spécialisée, y compris le Documentary Channel, en partenariat avec la Société Radio-Canada et l'Office national du film, et de trois stations de télévision locales en Ontario.

Depuis quatre ans, nous nous sommes imposés en tant que chef de file du marché, à la fois dans l'industrie de la radio et dans celle de la télévision spécialisée. Corus apporte une contribution majeure au monde de la radiodiffusion et de la culture au Canada. Grâce à notre société de production, Nelvana, nous sommes aussi l'un des principaux fournisseurs d'émissions d'animation canadiennes dans le monde, et par l'entremise de Kids Can Press, nous sommes également le plus important éditeur de livres pour enfants au Canada.

Vous avez certainement entendu parler de CKNW à Vancouver, une station qui diffuse des nouvelles, des émissions- débats ainsi que des nouvelles sportives, de CHML la radio locale de Hamilton, de CFPL à London, ainsi que de CINW, la radio de l'information continue à Montréal; de YTV, de W Network, de Benjamin, de Babar, l'éléphant le plus célèbre du monde entier — tous ont quelque chose à voir avec nous.

Corus possède 50 stations de radio, du Québec à la Colombie-Britannique. Nous sommes le plus important exploitant de stations de radio au Canada en ce qui a trait aux produits d'exploitation et aux cotes d'écoute, et nous tirons parti de la puissance collective de nos 50 stations de radio afin d'offrir la meilleure programmation à nos auditeurs, avec différentes formules d'émissions musicales, de nouvelles, d'émissions-débats et d'émissions sportives.

Même si nous constituons un groupe important étant donné le nombre de nos éléments d'actifs en radio et l'efficacité opérationnelle qui en résulte, il reste que les journalistes de nos stations spécialisées dans les nouvelles et les émissions-débats conservent leur indépendance et présentent principalement des émissions locales, y compris en ce qui concerne les nouvelles. Ainsi, on s'assure que ces stations offrent à la population locale des points de vue régionaux et présentent davantage d'émissions d'information et de bulletins de nouvelles à leurs auditeurs. Nos stations de radio favorisent également l'interaction entre les studios et l'auditoire. Nous présentons un certain nombre d'émissions de ligne ouverte, et nous sollicitons activement les commentaires de nos auditeurs par l'entremise du courrier électronique.

Pour vous citer un autre exemple de cette indépendance à l'échelle locale, Corus exploite aussi trois stations de télévision locales à Kingston, Peterborough et Oshawa, en Ontario. Ces stations sont affiliées à Radio-Canada, aussi elles présentent dans une large mesure la programmation de la Société. Toutefois, les stations de Kingston et de Peterborough produisent chacune leur bulletin de nouvelles à l'heure du souper et en fin de soirée. Par conséquent, ces stations font largement appel aux émissions locales et offrent constamment une perspective régionale.

Corus est déterminée à faire preuve d'excellence dans toutes ses activités. Nous nous sommes aussi engagés à faire preuve d'excellence en tant qu'employeur. Aussi, nous nous efforçons d'agir comme un employeur modèle et d'offrir à nos employés un milieu de travail où ils se sentent stimulés, respectés et valorisés. Nous offrons à nos quelque 2 800 employés de partout au Canada un éventail de programmes de formation en milieu de travail, comme la «Radio Sales University» et le programme universitaire récemment mis sur pied par Corus en vue d'améliorer les compétences en matière de gestion et de leadership.

Corus s'appuie sur une politique prônant le «respect en milieu de travail» afin d'offrir à ses employés un milieu où aucune forme de discrimination n'est tolérée. De plus, nous appliquons une politique de tolérance zéro en matière de harcèlement. Et nous sommes fiers d'affirmer que la moitié des employés de Corus sont des femmes, et que cette représentation est encore plus importante, en proportion, au sein du conseil d'administration et dans les rangs de la haute direction que dans le reste de l'industrie.

Le message que nous aimerions vous livrer ce matin est double. Premièrement, Corus est l'exemple même d'une entreprise possédant des intérêts dans divers médias et qui laisse diverses voix s'exprimer dans ces médias. Nous accordons beaucoup d'importance à cette caractéristique, et nous tirons beaucoup de fierté de nos résultats.

Deuxièmement, Corus est d'avis qu'il est essentiel que les politiques gouvernementales favorisent le développement d'entreprises canadiennes fortes dans le domaine des médias afin que les Canadiens puissent faire entendre leurs voix et leurs idées dans le futur. Nous devons créer et maintenir un contexte favorable à la croissance des sociétés canadiennes afin qu'elles puissent résister à la concurrence des géants des médias du monde entier et devenir des joueurs avec lesquels il faut compter sur la scène internationale.

M. John P. Hayes, président, Corus Radio, Corus Entertainment Inc.: En 1998, le CRTC a révisé sa politique en matière de radiodiffusion et l'a modifiée notamment en ce qui concerne la propriété commune de plusieurs licences de radiodiffusion. Cette modification a été effectuée en vue de favoriser l'émergence d'une industrie de la radiodiffusion forte, en bonne santé financière et bien organisée dans ce pays. La politique révisée a permis à des entreprises d'accroître le nombre de stations de radio qu'elles pouvaient exploiter à l'intérieur d'un même marché, selon la taille de ce marché. Dans un grand marché, qui est défini comme un secteur comportant au moins huit stations de radio commerciales, la même entreprise pouvait être propriétaire d'au plus deux stations de radio MF et deux stations de radio MA.

Jusqu'à maintenant, cette nouvelle politique a donné de très bons résultats. Elle a amélioré la situation financière des stations de radio commerciales de ce pays en permettant aux propriétaires de plusieurs licences de radiodiffusion de rendre leur exploitation plus efficace sur le plan administratif. Elle a également favorisé une plus grande diversité dans nos stations, amélioré nos milieux de travail ainsi que les compétences de nos employés.

Le secteur de la radio de Corus est le chef de file canadien pour ce qui est des produits d'exploitation et des cotes d'écoute. Chaque semaine, près d'un Canadien sur trois écoute une station de radio de Corus. En retour, et étant donné notre engagement et de notre envergure, nous apportons une contribution financière importante au développement des talents musicaux canadiens et aux initiatives visant le perfectionnement de ces talents.

La politique du CRTC relative à la propriété a permis à Corus Radio d'améliorer sa rentabilité, et par le fait même de mettre en ondes des émissions d'excellente qualité. Nous avons investi dans la recherche afin de nous assurer que nos émissions répondent aux désirs de nos auditeurs locaux. À l'aide de programmes permettant de mesurer les cotes d'écoute et d'effectuer un mappage des émissions, nous avons pu nous assurer de la pertinence de nos services. L'année dernière seulement, Corus a interrogé plus de 10 000 Canadiens dans le cadre de ses recherches. Nous avons aussi investi près de 2 millions de dollars jusqu'ici dans la Corus Radio Sales University, notre programme de formation des représentants commerciaux.

Le secteur de la radio de Corus a également réalisé un important investissement dans la radio MA. Nous exploitons à l'heure actuelle sept des 10 principales stations commerciales MA diffusant des nouvelles et des émissions-débats au Canada anglais. Nos stations de nouvelles et d'émissions-débats à Vancouver, Edmonton, Winnipeg, Hamilton et Calgary sont des chefs de file sur le marché, et se classent soit au premier rang ou dans les trois premiers.

Par ailleurs, Corus Radio a introduit un format de présentation novateur et créatif sur la bande de fréquence MA avec MOJO radio — la station destinée à la gent masculine — à Toronto et Vancouver. Nous avons aussi investi plus de 5 millions de dollars pour lancer et améliorer nos toutes nouvelles stations MA à Montréal, dont l'une diffuse ses émissions en anglais, et l'autre en français.

Il est clair que nos stations de radio MA fournissent aux collectivités qu'elles desservent des sources additionnelles de nouvelles locales et d'émissions d'information. Elles servent également de tribune favorisant les échanges et les débats. Plusieurs comportent des émissions de ligne ouverte qui incitent les auditeurs à la discussion et qui favorisent l'expression d'un éventail d'opinions. Ces stations constituent aussi un important véhicule pour la discussion des sujets d'intérêt public. Nos stations de nouvelles et d'émissions-débats ont été parmi les premières à offrir une tribune à l'échelle du pays sur le Protocole de Kyoto, créant ainsi un forum de discussion essentiel sur une question qui concerne tous et chacun d'entre nous.

Même si nous exploitons des stations de radio de nouvelles et d'émissions-débats dans neuf marchés aux quatre coins du pays, Corus Radio n'a pas adopté de politique rédactionnelle nationale en ce qui concerne l'information. Dans les marchés locaux, les chefs des nouvelles prennent les décisions en ce qui concerne la couverture de l'information, parce qu'ils sont les mieux placés pour le faire. De fait, nous sommes persuadés que la plus grande force de la radio est justement sa capacité de réagir instantanément aux besoins et aux intérêts de la collectivité locale. Selon cette définition, les chefs des nouvelles doivent prendre les décisions en ce qui concerne les événements à couvrir.

Nos directeurs des nouvelles et des émissions voient à ce que les auditeurs entendent un mélange équilibré et juste d'opinions sur les sujets d'intérêt public. Par exemple, la station CJOB AM à Winnipeg a établi une ligne de qualité radiodiffusion avec l'édifice de l'assemblée législative afin de fournir une couverture en profondeur des nouvelles et des enjeux d'intérêt provincial. Par ailleurs, une fois par semaine, le premier ministre du Manitoba, Gary Doer se rend directement dans les studios de CJOB afin de répondre aux auditeurs qui participent à une émission de ligne ouverte.

Étant donné que la radio est d'abord et avant tout un média local, nos stations de nouvelles reconnaissent qu'elles sont les sources vers lesquelles la collectivité se tourne pour obtenir des émissions d'intérêt local. Nos stations diffusant sur bande MF sont aussi déterminées à offrir des nouvelles locales, faisant régulièrement le point sur l'actualité et diffusant des capsules d'information pendant toute la journée.

Corus est fière du rôle qu'elle joue dans les collectivités locales. Un exemple frappant de ce rôle important a été démontré récemment durant la panne d'électricité survenue dans la majeure partie de l'est et du sud de l'Ontario, en août dernier. Les stations de radio de Corus ont continué de diffuser leurs émissions d'information à un moment où le besoin s'en faisait cruellement sentir.

Partout en Ontario, les stations de radio de Corus ont informé, leurs auditeurs, les ont reliés entre eux et tenus au courant pendant toute la durée de la crise en diffusant d'importants messages concernant l'évolution des services, les fermetures dans la localité et l'état de la circulation. À un certain moment, durant près de 40 minutes, au tout début de la panne d'électricité, alors que les auditeurs avaient le plus besoin d'information, la station de radio MOJO AM de Toronto était la seule à émettre sur les ondes. MOJO a été aussi la seule station à émettre sans interruption durant toute la panne d'électricité.

Les journaux ont décrit le rôle que la radio a joué en tenant les gens au courant de ce qui se passait en plus de simplement couvrir la panne proprement dite. Dans un article publié le lendemain de la panne d'électricité dans le Hamilton Spectator, le journaliste rendait hommage au travail admirable accompli par la radio pour tenir ses auditeurs bien informés. L'article mentionnait que la station CHML AM de Corus, qui a adopté son format de présentation habituel de ligne ouverte durant la panne d'électricité, a permis à ses auditeurs de devenir en quelque sorte ses yeux et ses oreilles sur le terrain, à Hamilton. La station a contribué à calmer les appréhensions de la population et a permis de suivre de près les nombreuses fermetures survenues dans la ville.

En plus de celles de Toronto et Hamilton, les stations de Corus situées à London, Kingston, Barrie, Guelph, Collingwood et Peterborough ont toutes cessé leurs émissions régulières pour fournir des bulletins d'information sur la panne d'électricité.

En plus de diffuser des nouvelles sur ses stations de radio MA, la division de la radio de Corus met en onde des émissions musicales diverses, surtout sur les stations MF, à l'intention de ses auditeurs locaux et contribue ainsi considérablement au développement des talents musicaux canadiens.

Depuis que Corus a fait l'acquisition de certaines stations, un certain nombre ont supplanté des émissions de radio vendues sous licence américaine et les ont remplacées par des émissions ayant un contenu local original. Par exemple, nous avons acquis la station de radio CILQ Q107 MF de Toronto et avons remplacé Howard Stern par John Derringer, un animateur d'émission matinale.

Récemment, à notre station d'Edmonton, Power 92.5, nous avons abandonné une émission vendue sous licence américaine intitulée, «Rick Dees Weekly Top 40,» et l'avons remplacée par une nouvelle initiative locale.

Les stations de radio de Corus sont des chefs de file dans leur collectivité. Nos stations distribuent chaque année l'équivalent de 31 millions $ à des oeuvres de bienfaisance locales et à organisations communautaires en diffusant des messages d'intérêt public et en organisant des campagnes de financement. Par exemple, notre station de Winnipeg, CJKR-FM Power 97 a parrainé le Blitz de construction 2003 pour l'organisation Habitat pour l'humanité de Winnipeg. Depuis deux ans, la station Power est l'hôte de nombreuses prestations en direct un éventail d'artistes. Ces enregistrements populaires ont été gravés sur un disque compact. Une édition limitée à 2 000 exemplaires de ce CD mise en vente uniquement à Winnipeg a été épuisée en l'espace de deux jours seulement et a permis d'amasser une bonne part du montant de 90 000 $ ayant servi à construire l'une des sept maisons du projet Habitat.

Non seulement la station Power a-t-elle recueilli de l'argent pour Habitat, mais les employés de Corus ont offert bénévolement leurs services et ont participé avec Habitat à la construction d'une maison. Cette maison appartient désormais à une mère de famille monoparentale et à ses trois enfants.

Nous avons également pris des engagements totalisant plus de 27,5 millions de dollars en avantages réels axés sur le soutien aux artistes canadiens. Ce montant comprend notamment plus de 10,3 millions destinés au Radio Star Maker Fund; 3,3 millions pour le Fonz Radio Star; près de 6,8 millions pour Factor; 2,5 millions pour MusicAction; et enfin, 500 000 $ pour Canadian Music Week. De plus, les stations de radio de Corus y vont chaque année d'une contribution de 420 000 $ à diverses initiatives visant à promouvoir les artistes canadiens.

La division de la radio de Corus possède l'envergure nécessaire pour faire une contribution significative. Cette envergure contribue à la diversité parce que nous nous concentrons sur le contenu local en matière d'information. Nous sommes extrêmement soucieux d'assumer notre responsabilité en tant qu'exploitant d'une station de radio, autrement dit un média local. Nous prenons cette responsabilité très au sérieux, et nous continuerons de le faire.

M. Paul Robertson, président, Corus Television and Nelvana, Corus Entertainment Inc.: Honorables sénateurs, la division de la télévision de Corus est un chef de file de la télévision spécialisée grâce à ses réseaux qui sont reconnus d'un bout à l'autre du pays, et notamment YTV, W, CMT, Treehouse, Teletoon et Telelatino.

Nous exploitons aussi le service de diffusion de films de la télévision payante, Movie Central, dans l'Ouest canadien, et nous avons joué un rôle de premier plan dans le déploiement de la télévision numérique au Canada avec le lancement, il y a deux ans, de nos réseaux numériques, Scream, Documentary Channel et Discovery Kids.

Ces cinq dernières années, les services de la télévision de Corus ont été à l'origine ou ont participé à la production d'émissions de télévision canadiennes totalisant plus de 1 milliard de dollars. Au cours des sept prochaines années, Corus investira plus de 500 millions dans des émissions de télévision canadiennes.

Nos réseaux spécialisés nationaux diffusent beaucoup d'émissions à contenu canadien qui adoptent divers formats: émissions pour enfants, séries dramatiques, variété et style de vie. Elles ne diffusent pas de nouvelles locales ou de nouvelles chaudes.

Nos stations de télévision classiques en Ontario n'ont pas adopté de politique rédactionnelle unique. Prenons par exemple la station de télévision CKWS, à Kingston, qui diffuse des émissions depuis le milieu des années 50. En tant que station affiliée à Radio-Canada, CKWS-TV sert de véhicule pour la diffusion des bulletins de nouvelles régionales et nationales produits par la Société à l'intention des auditeurs du sud-est de l'Ontario, et est également la source de nouvelles locales, de bulletins de météo et de nouvelles sportives à la télévision. Cette station produit plus de 12,5 heures d'émissions de nouvelles locales par semaine, y compris les journaux télévisés de début et de fin de soirée. Ces 12,5 heures d'émissions de nouvelles locales, soit dit en passant, dépassent de beaucoup les normes établies par le CRTC qui exige la production de neuf heures et 10 minutes d'émissions de nouvelles locales par semaine. Nous considérons qu'il s'agit d'une quantité exceptionnelle de bulletins de nouvelles locales, et nous sommes fiers de nos réalisations.

Les émissions d'actualité diffusées sur CKWS comprennent notamment des journaux télévisés en format de 30 ou de 60 minutes animés par un chef d'antenne qui présente des bulletins produits par les stations de télévision locales sur les événements survenus dans la journée, dans la région de Kingston, Belleville et Brockville. Ces émissions de nouvelles présentent des leaders d'opinion et des décideurs locaux, ce qui intéresse à coup sûr les personnes qui vivent dans ces collectivités.

L'ampleur de ces émissions de nouvelles locales est sensiblement la même dans nos autres stations locales de Peterborough et d'Oshawa. En tant qu'exploitant de ces stations, nous sommes convaincus de l'importance de donner la parole à ces voix locales, et nous sommes déterminés à maintenir l'indépendance rédactionnelle dans chacune de nos quatre stations de télévision classiques.

Corus possède également l'une des plus importantes maisons de production d'émissions pour enfants au monde. À l'automne 2001, Corus a fait l'acquisition de Nelvana Limited. Nelvana est aussi l'une des plus grandes sociétés d'exportation de produits culturels canadiens, notamment de personnages aussi populaires que Benjamin, Petit ours et Babar.

Les émissions produites par Nelvana sont vendues dans plus de 200 pays. Aux États-Unis, Nelvana diffuse plus d'émissions sur les réseaux de télévision que tout autre producteur indépendant dans le monde.

Corus possède également Kids Can Press, une division de Nelvana. Kids Can Press est le plus important éditeur de livres pour enfants du Canada. Parmi les nombreux titres qu'il publie, on retrouve notamment un livre pour enfants intitulé Alphabeasts qui s'est mérité le Prix du Gouverneur général 2002 pour l'illustration de livres d'enfants.

M. Cassaday: Je tiens à vous remercier, encore une fois, d'avoir invité Corus Entertainment à participer à ces audiences. Dans notre déclaration préliminaire, nous vous avons fait part des messages que voulions vous transmettre aujourd'hui.

En conclusion, nous sommes très fiers de nos réalisations et des contributions que nous avons faites jusqu'ici. Nous sommes confiants dans le futur et dans ce qu'il nous réserve.

Corus illustre bien comment une entreprise possédant des intérêts dans divers médias peut se montrer déterminée à faire entendre diverses voix dans les médias justement, et à faire en sorte que les collectivités locales ne perdent pas le contenu local qui les intéresse.

La capacité de nos stations de radio et de télévision de parler au nom des collectivités où elles évoluent et s'adresser à elles est une source de fierté pour Corus, et une caractéristique que nous voulons conserver.

Nous sommes convaincus qu'il est absolument essentiel à la réussite du système des médias canadiens de créer et de maintenir un environnement où des entreprises canadiennes comme Corus peuvent grandir et prospérer, à la fois au pays et à l'échelle internationale afin que notre contribution au Canada puisse elle aussi s'accroître.

Nous avons le dessein de devenir la société chef de file du divertissement au Canada. Nous pensons que pour atteindre cet objectif, il nous faut évoluer au sein d'un cadre réglementaire prévisible et favorable.

La consolidation des médias à laquelle nous assistons depuis quelques années — et Corus a très certainement alimenté cette tendance — a favorisé le développement de sociétés de médias canadiennes vigoureuses qui présentent des émissions de grande qualité qui parlent des Canadiens. Elle est essentielle dans cet univers où la concurrence est de plus en forte. La consolidation est le résultat de la fragmentation croissante des auditoires qui s'explique tout simplement par l'abondance des choix qui s'offrent aux consommateurs. Les Canadiens ont accès à des centaines de canaux de télévision, tant canadiens qu'étrangers, ainsi qu'à un grand nombre de stations de radio, de journaux, de sites Internet et de plates-formes de jeu. L'éventail de choix en concurrence pour captiver les yeux et les oreilles des Canadiens est tout simplement renversant.

Mais ce dont les Canadiens en général et les industries des médias en particulier n'ont pas besoin, c'est d'autres mécanismes de réglementation afin de garantir la diversité des médias au Canada. En effet, Corus est d'avis qu'il est essentiel que les mécanismes de politique publique soient utilisés pour soutenir et favoriser la croissance de sociétés de médias vigoureuses capables de protéger et de développer notre patrimoine culturel.

En réalité, des entreprises comme Corus n'ont pas vraiment de concurrents à l'échelle nationale, mais plutôt à l'échelle internationale. Nous avons par conséquent besoin de l'appui du gouvernement, un appui qui devrait prendre la forme d'un cadre réglementaire prévisible et justifiable, pour relever les défis de plus en plus difficiles que nous pose la concurrence. La santé de notre industrie dépend de cet appui.

Nous avons aussi besoin d'un soutien sous la forme d'un financement stable pour le Fonds canadien de télévision. Il faut pouvoir compter sur la collaboration constante entre les radiodiffuseurs, les distributeurs, les producteurs et le gouvernement fédéral afin de lutter contre le vol des signaux transmis par satellite.

La Loi sur la radiocommunication doit être modifiée en vue de prévoir des dommages-intérêts légaux. Par ailleurs, la Loi devrait prévoir expressément la saisie par des agents des douanes du matériel lié au marché noir ou gris.

Nous croyons que la Loi sur le droit d'auteur devrait aussi être révisée. Le système des droits d'auteur doit être abordable, prévisible et il doit permettre les progrès technologiques.

Quels sont les avantages de toutes ces mesures pour le système de radiodiffusion dans son ensemble? Des entreprises de médias solides comme Corus possèdent les qualités nécessaires pour devenir des chefs de file dans le domaine de la radio et de la télévision et pour présenter des émissions variées à leur public canadien. Nous sommes aussi capables d'investir dans le lancement de réseaux numériques comme notre canal sur les documentaires et de faire d'importantes contributions au développement et à la production d'émissions et de voix canadiennes.

Des entreprises solides comme Corus sont capables de tirer profit des synergies créées par le croisement des médias en vue de promouvoir les talents et les émissions canadiennes. Je vous remercie encore d'avoir invité Corus Entertainment Inc. à participer à ces audiences. Nous répondrons avec plaisir à toutes vos questions.

Le sénateur Carney: Je remercie les témoins pour leur excellent exposé, et j'aimerais leur faire part de deux choses.

La première, c'est que je suis membre du conseil d'administration de Rogers Media, aussi j'ai une certaine connaissance de ce dont vous parlez et je suis au courant de votre extraordinaire réussite. Deuxièmement, je suis très fière d'être la tante de Natalie Carney, qui a travaillé pour la station CKNW, à Vancouver, à titre de productrice technique. Elle m'a confié qu'elle aimait beaucoup travailler pour cette station. Elle est ensuite partie pour Dubaï, en vue d'y travailler à titre de productrice technique, en République arabe unie, et actuellement elle est en Égypte pour y faire le même travail. Elle disait que la station CKNW et Corus étaient de bons employeurs.

Certains des avantages pour la collectivité que vous avez énumérés font partie des exigences du CRTC relatives à l'octroi d'une licence en vue de l'expansion. Lorsque vous achetez des stations de radio et que vous les consolidez, vous êtes tenus d'offrir en contrepartie certains avantages dans les collectivités. Est-ce que la liste détaillée des avantages que vous nous avez énumérés répond à ces exigences ou dépassent-elles les normes du CRTC relativement à l'acquisition de nouvelles licences?

M. Cassaday: Un montant d'environ 27 millions $ a été exigé à titre d'avantage tangible associé à l'acquisition de diverses stations de radio. Les contributions qu'elles font à l'échelle locale sont fondamentales pour le succès des stations de radio, et ces contributions comprennent notamment la diffusion de messages d'intérêt public ainsi que la participation à des activités organisées par des oeuvres de bienfaisance et des organismes communautaires. Le Fonds pour les orphelins de CKNW, à Vancouver, dont vous avez sans doute entendu parler, remporte un énorme succès. En effet, nous avons réussi à amasser plus de 1 million de dollars en une seule journée.

Le sénateur Carney: Donc, vous ne vous contentez pas simplement de respecter les exigences qui vous sont imposées par la réglementation?

M. Cassaday: Non. Il est essentiel à notre réussite que nous soyons considérés comme des chefs de file dans la collectivité.

Le sénateur Carney: Vous avez abordé la question de la propriété de plusieurs licences pour des stations de radio. Je sais que cette question est vraiment cruciale pour le monde de la radio. Pensez-vous que le fait que le CRTC permette à des sociétés d'être propriétaires de plusieurs stations dans le même marché, ce qui entraîne la prolifération des stations de radio, entraîne la cannibalisation du marché? Je sais que votre société et quelques autres possèdent beaucoup plus de stations dans ces marchés, mais quelles sont les conséquences sur votre part du marché? Dans bien des cas, cela crée un marché stagnant ou dont la croissance est ralentie. Quelles sont d'après vous les conséquences de la prolifération du droit de détenir plusieurs licences d'exploitation sur le marché?

M. Cassaday: La chose la plus importante à se rappeler est qu'avant que l'on ne modifie la réglementation en 1987 ou en 1998, environ la moitié des stations de radio au Canada perdaient de l'argent, et la plupart diffusaient sur la bande MA. Il a donc fallu modifier en profondeur la structure de ces entreprises.

Dans notre déclaration préliminaire, nous avons mentionné notre capacité, grâce à l'envergure que nous avons atteinte, d'améliorer l'efficacité opérationnelle et de faire beaucoup plus sur le plan de la recherche et de l'approche de nos auditeurs, afin que nos stations deviennent plus efficaces et plus concurrentielles sur le marché.

La plus grande menace de cannibalisation de la part du marché ne vient pas de l'application des règles permettant la propriété de plusieurs stations, mais plutôt de l'octroi de licences pour de nouvelles stations, ce qui est assez répandu depuis quelques années. Je dirais que le marché de la radio canadien n'a rien perdu de la vigueur qu'il avait depuis les 15 dernières années.

Le sénateur Carney: Comment voyez-vous l'avenir des services de télévision numérique? On ne peut pas dire que ce soit un secteur très lucratif pour le moment, mais il me semble que la technologie va dans cette direction. Qu'entrevoyez-vous dans le futur pour la télévision numérique? Vous possédez 15 nouvelles licences, ce qui n'est pas peu dire pour des services de télévision numérique de catégorie 2, aussi vous devez avoir confiance dans l'avenir de ce service. Quelle sera l'incidence sur les téléspectateurs canadiens et le marché de la publicité au Canada?

M. Cassaday: Au fur et à mesure que la télévision numérique pénétrera le marché au Canada, cela va créer de nouvelles occasions favorables pour la croissance de ces réseaux numériques. Je pense que l'on peut affirmer sans crainte qu'aucun de ces réseaux numériques n'est rentable aujourd'hui, mais il y en a plus de 25 qui diffusent des émissions, qui sont à la disposition des Canadiens et qui s'efforcent de perfectionner leurs compétences et d'attirer de nouveaux auditoires.

Le principal facteur est la lenteur de la pénétration de ce marché. Nous pensons que la télévision numérique sera très répandue d'ici cinq à sept ans, et qu'à ce moment, nous assisterons à la prolifération de ces réseaux numériques et qu'ils finiront par devenir rentables.

En ce qui nous concerne, nous en possédons trois. Nous avons perdu près de 4 millions $ l'année dernière dans ce marché, et nous prévoyons perdre encore 2 millions cette année. Nous pensons atteindre la rentabilité d'ici deux ans avec ces services.

Le sénateur Carney: Qu'est-ce qui pousse ce secteur? Il n'y a qu'un petit nombre d'auditeurs et un petit nombre d'annonceurs, aussi on peut se demander ce qui motive la croissance de ces services numériques?

M. Cassaday: À l'heure actuelle, tout le financement provient des frais d'abonnement. Lorsque les auditoires auront grossi par suite de la pénétration des boîtes numériques, nous serons capables d'attirer des annonceurs. Nos téléspectateurs augmentent régulièrement. Les gens apprécient le canal de documentaires, et le regardent de plus en plus. Il ne fait aucun doute qu'il existe un marché pour ces services. Ils sont incapables de concurrencer efficacement des émissions extraordinaires 24 heures par jour, mais si vous consultez le télé-horaire chaque semaine, vous y trouverez des émissions intéressantes sur tout le vaste éventail des canaux numériques. C'est ce que les téléspectateurs font en ce moment. Ils font leur choix, et ils syntonisent le canal qui leur plaît.

Le sénateur Carney: Étant donné votre intérêt pour la télévision numérique, êtes-vous intéressé à vous lancer dans les aspects liés à la télécommunication de la radiodiffusion, autrement dit, à regrouper les télécommunications avec vos canaux numériques?

M. Cassaday: Nous nous considérons comme d'excellents partenaires pour les services de télécommunication désireux de regrouper leurs services. S'ils veulent utiliser nos services à titre de services à valeur ajoutée, alors nous pensons que nous sommes en bonne position pour leur venir en aide. Toutefois, ce sont les entreprises de distribution de radiodiffusion, les EDR, qui assurent le contact ultime avec nos auditoires, et nous devons passer par leur intermédiaire. Nous avons l'intention de collaborer avec les sociétés de télécommunications lorsqu'elles feront leur entrée dans la distribution des vidéos, dans le futur, et en particulier en ce qui a trait à la disponibilité des films et des séries dans un contexte de vidéos sur demande. C'est à ce moment-là que nous pourrons réellement parler de regroupement des services avec les sociétés de télécommunications.

Le sénateur Carney: C'est l'une des directions dans laquelle s'engage l'industrie, et il se peut que d'autres soient intéressés à explorer ce territoire.

Le sénateur Merchant: J'aimerais avoir votre opinion dans deux domaines. J'essaie d'établir une comparaison entre l'intérêt public et l'intérêt du secteur privé. La décision du CRTC semble avoir diminué la concurrence dans bien des marchés en permettant à une seule entreprise de posséder jusqu'à quatre stations de radio, ou trois dans un plus petit marché comme celui de Saskatoon et de Regina. Je crois comprendre que vous pouvez aussi administrer d'autres stations de radio.

Dans une situation où il se pourrait que seulement une entreprise ou deux aient le pouvoir de déterminer les tarifs de publicité et les moments où ces publicités sont diffusées, nous constatons une diminution des nouvelles, parce que bien des gens ne s'intéressent pas à la diffusion des bulletins de nouvelles. Les acheteurs de publicité paient des tarifs plus élevés, en raison du contrôle exercé sur le marché.

Dans quelle mesure cela peut-il être favorable aux auditeurs de la radio?

M. Cassaday: Cette question comporte des volets sous-jacents, mais il faut se rappeler le contexte et que la radio était en piteux état au Canada. Plus de la moitié de nos stations étaient déficitaires. Aussi, lorsque le CRTC a autorisé la propriété de plusieurs stations, aux États-Unis on était déjà passé au deuxième stade de la déréglementation. Le premier étant que l'on permettait à des entreprises de posséder deux stations MA et deux stations MF, comme nous le faisons actuellement. Le deuxième stade a été appelé régime «ciels ouverts» aux États-Unis. Nous sommes donc beaucoup moins avancés que les Américains sur le plan de la concentration.

Par ailleurs, au Canada, nous devons tenir compte aussi du Bureau de la concurrence. Même si le CRTC a déclaré qu'il était possible de posséder deux stations de radio MA et deux stations de radio MF dans un marché qui en compte plus de huit, le Bureau de la concurrence quant à lui considère le degré de propriété et de façon générale, n'approuve pas la consolidation qui résulte de degrés de propriété qui excèdent 30 p. 100 de la part de n'importe quel marché.

C'est une autre mesure de protection. Le principal avantage pour les auditeurs et les annonceurs est la diversité qui en est résultée. Dans le passé, lorsque plusieurs exploitants ne possédaient qu'une seule station dans un marché, tous les formats d'émissions étaient axés sur les marchés démographiques lucratifs — on ciblait les jeunes hommes ou les jeunes femmes âgés de 18 à 35 ans — aussi, il y avait beaucoup de stations de musique rock et de musique rock légère.

Par la suite, M. Hayes et son groupe ont commencé à segmenter l'offre de radio d'une manière plus réussie que dans le passé. Aussi, aujourd'hui, les auditeurs ont accès à un plus grand éventail d'émissions musicales et de formats d'émissions de causerie qu'auparavant. Cette formule s'est révélée bénéfique pour les artistes parce qu'ils sont désormais capables d'introduire de la musique dans des segments qui n'auraient peut-être pas été mis en ondes dans le passé. Ces modifications ont donc apporté d'énormes avantages au public, en particulier en ce qui a trait à la diversité.

Les mesures de protection en place sont le niveau de concurrence que cela permet et, bien entendu, la politique a reconnu que des stations pourraient ne pas voir le jour si on ne modifiait pas l'industrie. M. Hayes voudra peut-être ajouter quelque chose en ce qui concerne les avantages.

M. Hayes: À titre d'exemple, à Toronto, avant que nous n'achetions Q107 et Edge 102, ces deux stations de musique rock étaient en concurrence directe. Depuis l'acquisition, nous avons pu nous permettre de concentrer chacune sur un genre de rock en particulier. Aussi, aujourd'hui, Edge fait tourner de la musique rock moderne, tandis que Q diffuse du rock classique. Cela permet à chacune de se concentrer sur un genre musical. Il y a plusieurs autres exemples de situations semblables dans notre entreprise.

Nous avons été en mesure de créer de nouveaux formats d'émission. La radio Mojo qui se spécialise dans la diffusion d'émissions-débats destinées à la gent masculine sur les ondes de nos stations MA de Toronto et de Vancouver en est un bon exemple. Parmi plusieurs stations que nous considérons en cours de transformation, il y a, notamment, un format d'émission de musique country pour la région du Grand Toronto qui provient de notre licence nous permettant de diffuser à Burlington. La musique country n'était pas diffusée sur les ondes de la radio dans la région du Grand Toronto avant que nous ne modifions notre format à la station CING et que nous n'empruntions cette direction. Nous comptons aussi deux toutes nouvelles stations à Montréal; une anglophone et une francophone. Il y a encore de nombreux exemples un peu partout dans notre entreprise. Je ne voudrais pas vous ennuyer avec ces exemples, mais à mon avis, la consolidation a eu pour résultat d'accroître la diversité et la spécialisation des émissions, a permis aux stations de radio de mieux s'adapter aux besoins et aux intérêts d'un auditoire plus diversifié et ce mode de fonctionnement est devenu la norme.

Le sénateur Merchant: J'aimerais vous poser une question concernant les émissions, enfin sur un aspect.

Je veux parler des émissions préemballées ou des émissions toutes faites qui sont diffusées par bien des stations. Je sais que c'est très lucratif pour les propriétaires, mais je me demande dans quelle mesure vous pensez que cela répond aux besoins de votre auditoire. À certains moments, disons les fins de semaine, vous présentez des émissions toutes faites, et ce genre d'émissions manque un peu de pertinence, de lien avec l'auditoire, du caractère humain lié au fait qu'il y a une personne à l'autre bout, et il ne reste que le DJ qui présente des entrefilets.

Il arrive aussi que vous achetiez des émissions de nos voisins américains. Je pense qu'il y a une émission appelée «Rick Dees» ou quelque chose du genre, où l'on présente peut-être de la bonne musique, mais ce n'est pas la musique que les auditeurs canadiens aiment ou qu'ils ont l'habitude d'écouter. Il s'agit en quelque sorte d'émissions bon marché destinées à remplir les heures creuses. Je ne vois vraiment pas comment ce genre d'émissions pourraient satisfaire davantage l'auditoire ou le public que les stations de radio individuelles qui existaient auparavant ne le faisaient.

M. Hayes: C'est une bonne question; et je ne vous cache pas que nous avons jonglé avec cette idée. L'année dernière, le secteur de la radio de Corus a pratiquement mis fin à 95 p. 100 des ententes relatives aux émissions achetées, pour diverses raisons, mais surtout parce que nous ne pensions pas que des émissions, comme celle de «Rick Dees», reflétaient les besoins et les intérêts de nos collectivités. L'émission de «Rick Dees» était aussi diffusée à Edmonton et à Calgary, et nous l'avons remplacée par une émission présentant de la musique locale. Dans l'Ouest, les fins de semaine, nos stations d'émissions-débats diffusent de nombreuses émissions que nous produisons nous-mêmes, ces émissions ne sont pas préemballées, mais naturellement, quelques-unes sont préenregistrées.

Nous les préenregistrons pour des raisons économiques. Les stations de radio MA sont très peu rentables au Canada; de fait, la plupart d'entre elles sont déficitaires. Étant donné la place importance que nous réservons aux émissions interactives et de nouvelles durant les heures de grande écoute en semaine sur nos stations MA, nous avons besoin d'un petit répit les fins de semaine, aussi nous avons recours à ces émissions préenregistrées, mais je le répète, elles sont produites au Canada par notre entreprise.

Nous avons étudié cette question en long et en large. Nous l'avons débattue dans tous les sens, et nous en sommes venus à la conclusion que la meilleure chose à faire était de produire des émissions locales. Cela s'est avéré un peu plus coûteux pour nous, mais en bout de ligne, je pense que cela fait de nous un meilleur radiodiffuseur.

M. Cassaday: Il faut aussi que le comité reconnaisse qu'une part importante de nos émissions sont diffusées en direct. Un très petit pourcentage de notre programmation globale est préemballée. Comme le faisait remarquer M. Hayes, nous ne présentons ce genre d'émissions qu'aux heures de la journée où l'auditoire est le plus faible, comme la nuit et en matinée, les fins de semaine.

Le sénateur Spivak: Pour poursuivre sur la lancée du sénateur Merchant, en quoi consiste votre mission sur le plan du contenu canadien, à la fois dans le domaine de la radio et de la télévision? Je sais que l'on constate plus souvent des infractions en cette matière à la télévision. Pouvez-vous nous en donner une idée? Prenons, par exemple, le canal YTV, est-ce que son contenu est surtout canadien, ou alors comment est-ce que c'est structuré?

M. Robertson: Le canal YTV possède un très fort contenu canadien. Il diffuse 60 p. 100 de ses émissions aux heures de grande écoute, et habituellement, plus près de 70 p. 100 du contenu est canadien aux heures de pointe, et 60 p. 100 du contenu est canadien dans l'ensemble. Les jeunes apprécient beaucoup les émissions d'animation réalisées au Canada. Nelvana est responsable en grande partie de ce succès. Les enfants ne connaissent pas l'origine des émissions, mais ils apprécient assurément ce qu'ils voient.

M. Cassaday: En ce qui concerne la radio, le contenu canadien minimum requis est de 35 p. 100 pour les services musicaux. Nous avons un code de valeurs qui nous incite à respecter nos engagements, et nous avons indiqué à nos directeurs que ce pourcentage est un minimum, et non un chiffre à arrondir pour passer de 34,8 à 35. Non, c'est le minimum, tout simplement.

Le sénateur Spivak: Et quel est l'état de la situation? Quel pourcentage de votre contenu est canadien, en ce qui a trait à la musique et émissions-débats?

M. Cassaday: Trente-cinq pour cent.

Le sénateur Spivak: Vous avez dit, par exemple, que vous avez remplacé Howard Stern à Toronto par quelqu'un d'autre. Alors, dans cette station en particulier, quel est le contenu canadien?

M. Cassaday: Il n'y avait pas de musique durant l'émission de Howard Stern. Mais, maintenant qu'il a été remplacé par John Derringer, nous faisons tourner des disques durant cette émission, et il y a certainement des oeuvres canadiennes dans ces pièces musicales. Les exigences relatives au contenu sont différentes selon qu'il est question de musique ou d'une formule à prépondérance verbale.

Le sénateur Spivak: Êtes-vous en train de me dire que, peu importe les conditions exigées par le CRTC, vous les remplissez?

M. Cassaday: Nous respectons ou dépassons les exigences liées à l'octroi d'une licence.

Le sénateur Spivak: Je m'interrogeais aussi sur le vol des signaux satellite.

Quel est l'état de la situation au Canada?

M. Cassaday: La situation est grave. Nous pensons qu'il existe entre 750 mille et un million d'antennes paraboliques illégales au Canada, sur le marché noir ou le marché gris. Ce sont les chiffres les plus récents que nous avons. Cette situation s'explique pour deux raisons. Je pense que certains Canadiens trouvent qu'ils ne sont pas bien desservis parce qu'ils n'ont pas accès à des canaux comme celui des services HBO et Nickelodeon.

D'après les recherches que nous avons consultées, la principale raison qui incite les Canadiens à se procurer des antennes paraboliques sur le marché noir ou le marché gris est qu'ils peuvent ainsi regarder ces canaux gratuitement ou à très bas prix. C'est pourquoi nous continuons de faire pression sur le gouvernement pour qu'il adopte une loi en vue de régler ce problème, parce que nous sommes les détenteurs des droits sur ces émissions américaines qui sont diffusées au Canada; nous avons payé pour les obtenir. Nous avons donc des droits exclusifs sur ce territoire. Deuxièmement, chaque fois qu'une personne se procure une antenne parabolique sur le marché noir, c'est au détriment du système qui n'en retire aucune contribution.

Dans le cas de la télévision, pour chaque service que nous avons, en moyenne un tiers des produits d'exploitation sont consacrés à la production d'émissions à contenu canadien. Chaque fois qu'un consommateur ne paie pas pour l'utilisation du système, cela réduit d'autant la possibilité de produire des émissions canadiennes.

Madame McNair, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Mme Kathleen McNair, vice-présidente, Affaires commerciales et réglementation, avocate générale, Corus Entertainment Inc.: Honorables sénateurs, nous avons été très encouragés lorsque nous avons pris connaissance des modifications proposées à la Loi sur la radiocommunication, des modifications qui entraîneraient des peines plus sévères pour le vol de signaux. Nous espérons que le gouvernement accélérera l'adoption de ces modifications, parce qu'il s'agit là d'un problème énorme.

Le sénateur Spivak: Est-ce que les gens fonctionnent toujours de la même manière? Doivent-ils donner une adresse quelque part aux États-Unis?

M. Cassaday: Actuellement, il y a trois manières d'abuser du système. La première consiste à faire appel au marché noir. Le marché noir est purement et simplement du vol, c'est-à-dire qu'il suffit d'acquérir une antenne parabolique auprès d'un distributeur canadien, d'obtenir une carte encodée et le tour est joué, on a accès à tous les services américains. Le deuxième moyen qu'utilisent les gens consiste à se servir de ce que l'on appelle le marché gris. C'est ce qui se passe lorsque les gens donnent une adresse aux États-Unis et qu'ils paient quelque chose pour voir ces émissions, mais il est illégal de se procurer ce genre de services au Canada. La troisième possibilité est celle de l'encodage et du vol des signaux émis par des services de satellites canadiens possédant des licences. Le service de Bell Expressvu est celui qui est le plus facilement piraté par les Canadiens. Bell a mis en place des procédures visant à vérifier si les abonnés qui reçoivent les émissions ont bel et bien payé leur abonnement à Bell Expressvu. L'entreprise provoque elle-même des pannes et rétablit le système avec tous ceux qui paient leur abonnement, et les pirates sont incapables de l'utiliser.

Le sénateur Spivak: Que pensez-vous d'Internet, non seulement comme un concurrent pour toutes les autres sources d'information, mais aussi en ce qui a trait à la diffusion d'émissions de radio sur Internet?

M. Cassaday: Nous entretenons des liens étroits avec Internet, qu'il s'agisse de la radio ou de la télévision. Pratiquement toutes nos licences de radio sont assorties de sites Internet complémentaires. Notre site Edge, à Toronto, remporte un énorme succès. Ce service est offert dans le monde entier, mais c'est l'une des stations de radio les plus écoutées sur le Web dans le monde en raison de ses particularités.

Nous nous intéressons aussi beaucoup à Internet en ce qui concerne nos actifs liés aux enfants en particulier. Le site Web de YTV est le numéro un pour les jeunes dans tout le pays. Nous fournissons aussi un site Web complémentaire sur YTV, il s'agit d'un site de clavardage pour les jeunes, sauf que ce sont les parents qui doivent abonner leur enfant à ce service et que nous exerçons une surveillance de 24 heures par jour, sept jours par semaine pour nous assurer que ce site est sans danger pour les jeunes. Nous avons en quelque sorte créé une collectivité pour les jeunes où ils peuvent travailler en ligne.

Nous avons également collaboré avec Microsoft et l'INCA afin de créer le premier portail pour les aveugles, c'est une réalisation à laquelle nous sommes très fiers d'avoir participé, et aussi quelque chose qui, grâce à la créativité des employés de la télévision de notre groupe, a enrichi l'existence des jeunes aveugles du Canada.

Le sénateur Graham: Je suis très impressionné par ce que nos témoins nous confient.

Ceci dit, j'aimerais soulever un point. Je pense qu'il pourrait y avoir un conflit d'intérêt ici pour le sénateur Carney, parce que je vais mentionner la société Rogers. Des représentants de Rogers ont comparu devant le comité et ont recommandé la levée des restrictions relatives à la propriété étrangère pour les entreprises de télécommunications, c'est- à-dire les câblodistributeurs, mais pas pour les fournisseurs de contenu, c'est-à-dire les radiodiffuseurs.

Quelle est votre position en ce qui concerne les restrictions relatives à la propriété étrangère?

M. Cassaday: Nous partageons le même avis, sénateur. Vous savez, même si nous avions accès à des capitaux de deux ou trois autres centaines de millions de dollars, j'ignore ce que nous en ferions. Nos besoins en capitaux sont modestes. En tant qu'entreprise d'une aussi grande envergure que celle que nous sommes devenus en quatre années d'existence, nos besoins totaux en capitaux se chiffrent annuellement entre 20 et 25 millions de dollars.

Pour ce qui est des principales EDR, connaissant leurs besoins énormes en capitaux, je comprends qu'elles aient besoin de capitaux étrangers. Toutefois, en ce qui nous concerne, nous n'éprouvons pas de besoins du même ordre.

Le sénateur Graham: Un témoin a suggéré que si les restrictions relatives à la propriété étrangère étaient abolies au Canada, ce serait un moyen de faire entrer des capitaux étrangers en grande quantité au Canada, peut-être en raison des différences qui existent ici sur le plan réglementaire et fiscal par rapport aux États-Unis. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?

M. Cassaday: Non, pas du tout. Le Canada possède des éléments d'actifs très convoités. Il n'y a pas une entreprise aux États-Unis qui ne soit extrêmement intéressée par l'acquisition de Corus, si cela était envisageable.

Le sénateur Graham: Dans votre exposé de ce matin, vous avez déclaré que près d'un Canadien sur trois écoute une station de radio de Corus chaque semaine. C'est très impressionnant. Avez-vous apporté avec vous les résultats des sondages BBM que vous pourriez nous laisser?

M. Cassaday: Non, malheureusement. Cependant, nous pourrions facilement vous fournir ces renseignements. En fin de compte, nous sommes des chefs de file sur le marché à Vancouver, Calgary, Edmonton, et Winnipeg. Nous sommes très forts dans l'Ouest, ainsi qu'en français et en anglais à Montréal et nous sommes en plein essor dans le sud de l'Ontario. Si vous désirez obtenir des chiffres précis, nous pouvons vous les fournir.

La présidente: Ces renseignements seraient utiles au comité, et particulièrement en ce qui concerne les données sur les nouvelles et l'information. La musique est plus amusante, mais nous avons décidé de nous concentrer sur les nouvelles et l'information.

Le sénateur Graham: Vous avez conclu votre déclaration concernant la taille de votre auditoire en affirmant qu'étant donné votre envergure et de votre engagement, vous versez des contributions financières importantes pour le développement de talents musicaux canadiens et d'initiatives en ce sens. Comment procédez-vous à cet égard? Pouvez- vous nous donner une idée de l'ampleur de ces contributions financières?

Mme McNair: Il s'agit des avantages prévus par le CRTC. En effet, dans le cadre de l'acquisition de stations, nous avons pris l'engagement de participer à un certain nombre d'initiatives en avantages réels qui totalisent 27,5 millions $. Chaque année, nos stations contribuent au moins 420 000 $ à des projets visant à promouvoir des talents canadiens. Ces projets sont définis par le CRTC, de sorte que les fonds sont versés à une tierce partie. Cette tierce partie doit participer à la création de talents artistiques ou au perfectionnement de talents musicaux. En plus, nous avons estimé que, chaque année, nos stations versent un montant d'environ 31 millions $ à des initiatives dans leurs collectivités respectives sous la forme de messages d'intérêt public, de campagnes de financement et de commandites.

Le sénateur Graham: J'aimerais que nous parlions un peu de vos émissions de ligne ouverte qui, selon vous, incitent les auditeurs à la discussion et aux débats et favorisent l'expression de diverses opinions.

À mon avis, certaines émissions de ligne ouverte, dans la région d'où je suis originaire, en Nouvelle-Écosse, et ici même à Ottawa, et probablement ailleurs aussi, peuvent dégénérer et manque beaucoup d'objectivité. Est-ce que vos animateurs jouissent d'une totale liberté sur le plan éditorial? S'efforcent-ils de faire comme les radiodiffuseurs d'émissions sportives qui, naturellement, ont une préférence pour une équipe en particulier, mais se contentent de décrire ce qu'ils voient en toute objectivité pendant la retransmission d'un match?

M. Cassaday: Nous donnons comme instruction à nos animateurs de présenter des émissions équilibrées. L'une des choses qu'a fait valoir M. Hayes auprès d'eux, c'est qu'il faut montrer les deux côtés de la médaille durant la même émission. C'est ce qui fait voler des étincelles à la radio.

Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une simple ligne ouverte, plutôt que d'une émission où l'on reçoit plusieurs invités, certains appellent pour exprimer leur opinion, et c'est à ce moment-là que l'animateur doit filtrer les appels afin d'éviter que certains auditeurs n'expriment des idées racistes ou pires.

Le sénateur Graham: Donc, vous vous efforcez d'être le plus équilibrés possible?

M. Cassaday: Oui. Le secret est de mettre en place des directeurs de la programmation et des chefs des nouvelles responsables qui comprennent bien leurs responsabilités et qui surveillent ces émissions de près.

Le sénateur Graham: Je remarque que vous avez laissé les gens s'exprimer lors du débat sur l'adoption du Protocole de Kyoto, ce qui est très bien. Est-ce que vous avez consacré des émissions d'une heure ou de deux heures à ce sujet, ou les avez-vous espacées sur une certaine période?

J'aimerais savoir aussi si vous avez abordé la question de la guerre en Irak, un sujet qui a soulevé beaucoup d'intérêt chez tous les Canadiens?

Quel est le rôle des nouvelles dans la radio d'aujourd'hui, et est-ce que ce rôle a changé depuis les cinq, dix ou quinze dernières années? Pensez-vous que les nouvelles à la radio pourraient avoir plus d'impact sur les jeunes que celles qui sont diffusées dans d'autres médias? Pensez-vous que votre licence de radiodiffuseur comporte une responsabilité non seulement en matière de divertissement, mais aussi d'éducation, un aspect que je considère très important? Je veux parler de l'éducation de la population, et plus particulièrement des jeunes.

M. Cassaday: Je vais laisser à M. Hayes le soin de vous faire part de ce que son groupe et lui-même ont réussi à faire concernant la guerre en Irak. Je vais commencer par Kyoto, parce que c'est un sujet plus facile, et ensuite je vais vous parler de la responsabilité.

Dans le cas de Kyoto, nous avons réalisé que c'était un sujet très controversé que personne n'osait aborder, aussi nous avons décidé d'organiser une tribune avec nos stations d'un bout à l'autre du pays. Nous avons diffusé des émissions dont la durée variait entre une heure et trois heures au cours d'une même semaine, en commençant par Vancouver. Nous avons choisi Rutherford à Edmonton, Adler à Winnipeg et Roy Green à Hamilton. Chaque semaine, nous changions d'animateur dans la région, et nous diffusions les émissions sur tout le réseau afin que les Canadiens puissent comprendre les enjeux régionaux et se faire une idée de la question qui visait les ressources pétrolières et l'environnement. Naturellement, les Albertains et les Ontariens n'avaient pas la même opinion au sujet de Kyoto.

Ce n'est qu'un exemple de la manière dont nous pouvons utiliser le poids collectif de notre système pour créer un réseau autour d'un enjeu comme celui de Kyoto.

Pour ce qui est de la question plus vaste que vous avez posée au sujet de notre responsabilité sociale d'éduquer les jeunes Canadiens, je pense que cette responsabilité est celle d'informer les Canadiens. Je ne pense pas réellement que nous ayons la responsabilité de faire l'éducation des Canadiens par le truchement de nos stations de radio. Dans le cas des réseaux Treehouse et Discovery Kids, nous avons la responsabilité d'éduquer, parce que c'est le format de ces services. Si nous tentions de faire l'éducation des gens sur les ondes de notre station de radio EDGE ou encore sur Power, à Edmonton, notre auditoire nous laisserait tomber. Cependant, nous sommes convaincus qu'il est important de fournir régulièrement à cet auditoire des informations. Sur nos stations d'émissions-débats, qui attirent un auditoire plus âgé, nous présentons une grande diversité d'opinions. Mais, sur les stations rock, nous demandons à nos personnalités de faire connaître leur opinion sur des sujets d'actualité, dans un langage avec lequel les jeunes s'identifient. Nous ne considérons pas qu'il est de notre devoir de faire l'éducation des jeunes sur nos stations de radio.

M. Hayes: Vous aviez posé une question sur l'Irak?

Le sénateur Graham: Oui, ce n'est qu'un exemple d'une autre grande question que la nation a dû affronter, surtout parce que le Canada a adopté une position différente de celle que nos voisins du sud auraient bien voulu nous voir prendre.

M. Hayes: Nous avons offert une couverture intensive de l'invasion de l'Irak. Nous avons fait appel à des correspondants à l'étranger et nous avons établi des liaisons entre nos stations afin qu'à Edmonton, Calgary, Toronto et Montréal on puisse connaître l'impact de ces nouvelles à Vancouver, et vice versa.

Vous vous souviendrez peut-être que la guerre en elle-même s'est déroulée très rapidement. La couverture continue que nous avons offerte à la guerre en Irak a été constituée principalement de bulletins de nouvelles, mais elle a servi également de contexte dans nos émissions-débats. Je veux parler de ces émissions d'une certaine longueur où l'on tient des lignes ouvertes et encourage les auditeurs à faire connaître leurs opinions.

Les émissions-débats ne sont pas pour les coeurs sensibles. C'est un format d'émission très exigeant. Lorsque c'est bien fait, on permet l'expression d'un large éventail d'opinions. Il m'arrive souvent, en l'espace de cinq minutes, de passer de l'amusement et du ravissement à la colère.

Le sénateur Carney: Vous devez vouloir parler du récent départ de Rafe Mair.

M. Hayes: Je veux parler d'un certain nombre de nos animateurs d'émissions-débats, de leurs auditeurs et de ceux qui appellent souvent. On peut y entendre un éventail d'opinions, et je le répète, ce n'est pas pour les coeurs sensibles.

Nous avons fait un effort sincère et constant pour nous montrer justes et équilibrés. Nos directeurs des programmes réalisent que certains de nos animateurs ont des opinions arrêtées et qu'ils les expriment dans le cours de la discussion, mais ils rétablissent l'équilibre lors de l'émission suivante avec un autre animateur qui peut voir les choses différemment.

Comme l'a mentionné M. Cassaday, nous essayons, dans la mesure du possible, de présenter les deux côtés de la médaille en studio, en même temps. Cela contribue non seulement à faire de la bonne radio, mais aussi cela permet aux auditeurs d'entendre les arguments des deux côtés en même temps. Beaucoup de stations peuvent décider de montrer un certain aspect de la question dans l'émission du mardi, et de donner l'autre côté de la médaille le jeudi, mais nous trouvons que les auditeurs réagissent mieux et que les émissions sont plus instructives et équilibrées lorsque les deux points de vue s'expriment en même temps.

Je suis très fier que Corus ait adopté cinq objectifs d'entreprise annuels. Trois de ces objectifs ont un rapport avec l'exploitation de la station, et deux visent la formation et le perfectionnement ainsi que le service communautaire. Nous incluons le service communautaire, et nous entendons par là offrir des services dans nos collectivités et réagir instantanément aux besoins et aux intérêts de ces collectivités, et aussi respecter les conditions de nos licences et les normes relatives au contenu des émissions établies par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, le CCNR. Nous incluons ces aspects dans un objectif annuel pour tous nos directeurs de stations et nos employés dans les stations de radio, afin qu'il soit bien clair que c'est primordial. C'est quelque chose dont tout le monde peut discuter et dont on peut s'inspirer au début d'un exercice financier, et pour lequel il faut établir des plans et des programmes afin de nous assurer d'avoir respecté nos engagements et d'avoir sincèrement fait ce qu'il fallait pour bien servir nos collectivités.

C'est en quelque sorte une boussole sur le plan moral qui nous guide, au sein de la division de la radio de Corus pour que notre présence dans la collectivité soit un facteur de croissance. C'est un objectif qui se retrouve dans notre plan d'activités annuel et dans notre examen trimestriel. Ce sont des questions que je pose, personnellement, lorsque je visite nos stations, d'un bout à l'autre du pays. Je leur demande ce qu'ils ont fait récemment pour la collectivité?

Le sénateur Corbin: Je reviens à votre déclaration, à la page deux, où vous dites que vous avez conclu une collaboration avec la Société Radio-Canada et l'Office national du film pour la mise sur pied d'un canal sur les documentaires, pouvez-vous nous en dire un peu plus?

M. Cassaday: Nous sommes en quelque sorte le partenaire chargé de l'exploitation dans cette entreprise, c'est-à-dire que nous sommes chargés d'établir les programmes pour ce service, de produire le service, ainsi que de le vendre et de recueillir les produits de cette vente.

La Société Radio-Canada et l'Office national du film sont des partenaires en ce qu'ils fournissent les émissions. Radio-Canada possède une riche bibliothèque de documentaires, tout comme l'Office national du film. Tous deux ont un important mot à dire sur le contenu des émissions ainsi que sur l'aspect général du réseau.

Le sénateur Corbin: Est-ce que la programmation est établie surtout en fonction de documents d'archives?

M. Cassaday: Oui. Nous produisons des documentaires, mais la majorité des services proviennent des archives.

Le sénateur Corbin: Si je comprends bien, vous n'avez aucune opération ou association à l'est de Montréal?

M. Cassaday: Nous avons des stations de radio à l'est de Montréal. Nous avons des stations de radio à Drummondville, à Amqui, à Montmagny, dans les Laurentides et deux stations à Rimouski.

Le sénateur Corbin: Avez-vous des stations dans les provinces de l'Atlantique?

M. Cassaday: Non, pour le moment, nous n'en avons aucune, mais nous aimerions y faire notre entrée dans le futur.

Le sénateur Corbin: Je n'aurais rien contre, étant donné la situation locale, dans certaines provinces. Vous mentionnez à la page 11, que chaque année, vos stations fournissent une aide financière de 30 millions $ à des oeuvres de bienfaisance et à des événements organisés dans la communauté. Comment arrivez-vous à ce chiffre? Autrement dit, comment fixez-vous le montant de cette contribution?

M. Cassaday: Nous avons commencé à consigner tous les engagements que nous prenons en ce qui concerne les messages d'intérêt public. Nous leur attribuons une valeur sur notre fiche des tarifs. Combien cela coûterait-il si quelqu'un achetait ce temps d'antenne?

Le sénateur Corbin: Selon le moment de la journée ou le jour de la semaine?

M. Cassaday: C'est exact.

Le sénateur Corbin: C'est le tarif qui est offert?

M. Cassaday: Tout à fait.

Le sénateur Corbin: Comment réagissez-vous aux plaintes? Je suppose que vous avez déjà reçu des plaintes de la part de téléspectateurs ou des plaintes à l'interne dans vos divers lieux de travail. Pouvez-vous nous dire comment vous les traitez?

Mme McNair: S'il s'agit d'auditeurs qui téléphonent ou qui envoient des courriels à la station, ces plaintes sont prises en charge par la station locale. Toutefois, il y a aussi une certaine procédure à suivre si une personne achemine une plainte au CRTC ou encore au Conseil canadien des normes de la radiotélévision, le CCNR, dans ce cas, la procédure est plus officielle.

La plainte nous est transmise. Nous disposons de 21 jours pour y réagir et pour fournir une réponse écrite. Si le plaignant n'est pas satisfait de notre réponse, il peut alors présenter au CCNR une demande de décision afin de déterminer si nous avons commis une infraction au code des programmes.

Pour ce qui est de la télévision, le canal YTV dispose d'un service des relations avec les téléspectateurs et il répond aux plaintes, aux questions ou aux commentaires qui lui sont acheminés.

Le sénateur Corbin: Est-ce que vos employés sont syndiqués?

M. Cassaday: Un faible pourcentage de nos opérations sont syndiquées. Nous avons des syndicats à Peterborough, Kingston et Oshawa. La majorité de nos opérations ne sont pas syndiquées.

Le sénateur Corbin: Pour revenir aux émissions sur Kyoto, avez-vous fait une analyse des réponses que vous avez obtenues et avez-vous tenté d'en arriver à certaines conclusions? Serait-il possible d'obtenir cette analyse? En fait, ma question vise à savoir si vous faites normalement ce genre de chose, en ce qui concerne des questions d'intérêt public?

M. Cassaday: C'est la première fois que nous utilisons notre système en adoptant le format d'un réseau pour une question de cette nature. De toute évidence, il existe des possibilités de fonctionner en réseau. Nous allons suivre le déroulement de la Coupe Grey dans quelques semaines, à la grandeur du réseau. Mais, de façon générale, la radio est une affaire locale et nous voulons nous concentrer sur les questions qui intéressent la localité en demandant à des personnalités de cette localité de s'exprimer. Nous trouvons que nous sommes moins efficaces lorsque nous essayons de diffuser une émission dans plusieurs stations à la fois.

Pour répondre à votre question nous demandant si nous avons des moyens de savoir si nous avons touché une corde sensible avec Kyoto? La réponse est, pas vraiment. En radio, nous recevons une sorte de bulletin trois fois par an, dans la plupart des marchés, un petit bulletin d'automne, de printemps et d'été. Cela nous permet de savoir si nous avons touché des points sensibles chez nos auditeurs des quatre coins du pays. Ils votent dans des journaux trois fois par an, et nous font savoir s'ils trouvent que nous faisons bien notre travail.

Le sénateur Corbin: À la page 18 de votre exposé, vous dites en substance que la consolidation est le résultat de la fragmentation des auditoires imputable à l'abondance de choix offerts aux consommateurs.

Sommes-nous sur le point d'atteindre la saturation quant à ce que les auditeurs peuvent absorber, ou est-ce que de nouveaux marchés s'agrandissent sans arrêt? J'allume la télé. J'écoute la radio. Je jette un coup d'oeil sur la masse de journaux qui sont en vente. Je comprends que vous essayez d'atteindre les marchés locaux, mais il me semble que la simple offre qui existe déjà donne à penser que nous approchons du point de saturation.

M. Cassaday: Nous ne sommes pas de cet avis. Ce que nous avons constaté dans les médias, c'est que l'offre est passée d'un service d'intérêt général à des variations sur le même thème. L'offre évolue vers des spécialisations ou vers l'intégration verticale.

Dans le futur, vous verrez Speed Channel devenir un canal qui se spécialise uniquement dans les courses de motocyclettes, tandis qu'un autre canal s'intéressera aux courses de hors-bord et un autre aux courses automobiles. Nous sommes à même de constater cette segmentation dans le domaine musical. Much Music a ouvert le bal. Puis, un autre segment s'est créé avec la musique country. La semaine dernière, nous avons assisté au lancement d'une nouvelle station sur le jazz. Nous assisterons bientôt à l'entrée d'une station sur la musique classique. Je pense que dans le futur il y aura une segmentation encore plus poussée, et que les stations se tourneront vers des auditoires encore plus spécialisés.

Le sénateur Corbin: Vous avez dit que nous devrions réviser la Loi sur le droit d'auteur. De quel genre de réforme voulez-vous parler ou quelles sont les modifications que vous souhaiteriez, en rapport avec vos médias?

Mme McNair: L'une des réformes que nous aimerions bien voir arriver, et rapidement, touche le droit éphémère. Le droit éphémère est un droit accordé aux radiodiffuseurs de faire un enregistrement temporaire en vue de faciliter la communication de l'oeuvre au public.

Ce droit a vu le jour en 1997, en même temps que les modifications majeures apportées à la Loi sur le droit d'auteur. Mais il y a une exception à ce droit, de sorte que si une société de gestion des droits d'auteur établie propose des droits en échange de cette reproduction limitée, elle y est autorisée en vertu de la loi.

Récemment, deux sociétés de gestion des droits d'auteur ont proposé des tarifs à la Commission du droit d'auteur, et celle-ci a décidé qu'il était approprié que les stations de radio versent 8 p. 100 de leurs revenus en contrepartie de ce droit de reproduction temporaire, ce qui à notre avis ne correspond pas aux modifications envisagées par le Parlement en 1997.

Le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes procède actuellement à l'examen de l'article 92 de la Loi sur le droit d'auteur. Cette révision de la législation est un processus qui se déroule en trois étapes. Les droits éphémères ayant été proposés devraient être examinés lors de la troisième étape, et nous voudrions au contraire que cela se fasse immédiatement.

Contrairement au Canada, bien d'autres pays que nous connaissons — notamment la Finlande, la Suède et les États-Unis — ont adopté un droit éphémère pour les radiodiffuseurs.

Le sénateur Corbin: Vous avez mentionné la situation à l'étranger. À votre avis, qui possède la meilleure proposition en ce qui concerne le système du droit d'auteur?

Mme McNair: C'est difficile à dire. Il y a beaucoup de différences entre le modèle américain et le modèle européen. Le Canada a adopté quant à lui un modèle hybride. Et ce modèle s'apparente davantage à celui du Royaume-Uni. Aux États-Unis, ils ne reconnaissent pas un certain nombre de droits qui sont prévus dans notre législation.

Les redevances de droits d'auteur versées aux États-Unis sont sensiblement moindres que les tarifs établis au Canada. Cela rend les choses difficiles pour les exploitants de stations de radio. Nous devons assumer plus de frais que nos voisins du sud. Nos redevances au CRCT sont beaucoup plus élevées que celles qu'un radiodiffuseur américain doit verser à la FCC et nos paiements au titre du droit d'auteur sont importants. À elle seule, notre entreprise verse chaque année plus de 11 millions $ en droits d'auteur.

La présidente: Dans le domaine de la radio, si mes chiffres sont exacts, vous détenez une aussi grande part du marché canadien que Clear Channel sur le marché américain. Toutefois, vous semblez avoir adopté une stratégie d'entreprise diamétralement opposée. Je suppose que Clear Channel engrange des sommes faramineuses en rognant sur les émissions locales et en établissant sa programmation centralement. Vous avez passé beaucoup de temps aujourd'hui à nous expliquer que le coeur de vos activités se déroulent à l'échelle locale, qu'elles consistent justement à couvrir l'actualité locale et à fournir des informations locales et des émissions-débats. Par contre, je ne sais pas ce qu'il en est pour la musique.

Pourquoi avez-vous adopté cette approche? Est-ce parce que le Canada est différent ou parce que le CRTC vous y oblige? Il aurait sûrement été plus simple de faire beaucoup d'argent à partir d'un studio central.

M. Cassaday: M. Hayes était propriétaire d'un groupe de radiodiffusion aux États-Unis. Il a donc eu la possibilité d'évoluer dans les deux systèmes. Je vais lui céder la parole sur ce sujet aussi.

Mais pour répondre à votre question, c'est tout simplement que le Canada est différent. La réglementation du CRTC ne nous impose pas de faire les choses ainsi, mais il reste qu'au Canada, le gros des activités dans le domaine de la radio se déroulent dans les 10 principaux marchés. Ces marchés sont notre moyen de subsistance. Clear Channel est de toute évidence présent dans de nombreux grands marchés aux États-Unis, mais ce canal est aussi présent dans de nombreux marchés plus petits. Dans bien des cas, ces intérêts sont aussi propriétaires de plus de quatre stations de radio dans le même marché. Ils ont donc pensé que, sur le plan stratégique, il était important de donner plus de place que nous aux commentaires enregistrés et à l'automatisation dans les stations de radio.

Afin de maximiser notre efficacité dans les marchés qui comptent, nous pensons devoir nous concentrer sur le marché local. C'est une stratégie que nous avons adoptée en toute connaissance de cause, et vous avez parfaitement raison lorsque vous dites qu'elle est très différente de celle privilégiée par Clear Channel aux États-Unis. Elle s'explique par le fait que le Canada présente un marché différent de celui des États-Unis parce que notre population est concentrée à l'intérieur de 10 grands marchés.

M. Hayes: Clear Channel possède 1 200 stations de radio aux États-Unis, et nous en avons 50 au Canada. Cette entreprise exerce ses activités sur une échelle qui dépasse massivement la nôtre.

Notre approche est fondamentalement différente. C'est-à-dire que nous avons adopté une structure de gestion décentralisée qui met l'accent sur la gestion locale, l'embauche et le maintien à l'emploi des meilleurs gestionnaires locaux que nous pouvons trouver. Cette structure de gestion leur donne une certaine marge de manoeuvre, les responsabilise et leur demande de rendre compte de leur gestion, non seulement devant l'entreprise, mais aussi en ce qui concerne le respect des besoins et des intérêts de la collectivité où ils évoluent.

Lorsque la consolidation s'est faite aux États-Unis, j'étais là en observateur. J'ai vendu ma société à Infinity. Ce sont de proches cousins de Clear Channel. J'avais un poste d'observation privilégié. Ces sociétés ont essayé de créer une nouvelle façon de faire. J'espère en avoir tiré des leçons. Beaucoup d'erreurs ont été commises, non seulement pour l'entreprise, mais aussi envers les employés, les annonceurs et les collectivités locales. L'investisseur en a souvent fait les frais. Tous les intervenants susceptible d'être affectés par une entreprise locale l'ont été, et pas toujours de façon positive, par les affres de la consolidation aux États-Unis.

M. Cassaday et d'autres membres de notre entreprise n'ont pas manqué de s'apercevoir que quelque chose n'allait pas dans le processus de consolidation des Américains. Nous nous sommes engagés à ne pas répéter certaines erreurs au Canada, et je pense que nous avons réussi.

La présidente: Quels sont vos relations de travail avec la société Shaw? Je connais vos liens d'entreprise, mais avez- vous mis en place des stratégies communes ou bien existe-t-il une certaine coordination des émissions? Comment est-ce que tout cela s'articule?

M. Cassaday: Nous sommes une société entièrement distincte. Nous sommes distincts sur le plan structurel. La présidente du conseil dirigeante de notre entreprise est Heather Shaw, la fille de J.R. Shaw. La soeur de Heather, Julie, est membre de notre conseil d'administration. Il n'y a pas de direction croisée ni de gestion croisée du personnel.

Mais ce qui importe le plus pour nous, c'est que Shaw est notre plus gros client individuel parce que notre présence se fait surtout sentir dans l'Ouest. En tant que principal distributeur d'émissions dans l'Ouest, la société est notre plus gros client. Mais nous n'avons aucune relation en ce qui concerne la planification stratégique.

J.R. Shaw, qui contrôle les deux compagnies, les traite comme deux entités distinctes. Il le fait pour deux raisons. La première, c'est qu'au moment de la création de la nouvelle société, il semblait logique sur le plan structurel de créer une entité distincte afin de pouvoir participer à la consolidation de l'industrie de la programmation au Canada. Il a décidé de procéder de cette manière parce qu'il pensait que l'expertise de base se trouvait dans la câblodistribution. Il entrevoyait d'énormes possibilités dans les aspects liés au divertissement ou aux médias de ce secteur. Il pensait que pour maximiser les possibilités pour sa famille et pour les actionnaires, il devait exploiter son entreprise de divertissement en adoptant une approche totalement différente et en faisant appel à une direction indépendante.

Le sénateur Carney: Nous avons entendu parler de la gestion locale et de la concentration sur les activités locales. Que s'est-il passé lorsque vous avez acquis Women's Network? D'après ce que je me rappelle avoir lu dans les journaux, cette station avait ses bureaux à Winnipeg. Après que vous l'ayez achetée, elle est déménagée de Winnipeg à Toronto. Nous avons entendu dire que de nombreux employés faisant partie de l'effectif de Winnipeg avaient été congédiés pour diverses raisons, comme l'impossibilité de déménager à Toronto ou encore parce qu'il n'y avait plus de débouchés pour eux.

Pour le compte-rendu, pourriez-vous nous dire ce qui est arrivé à Women's Network et nous décrire l'état de la situation aujourd'hui?

M. Cassaday: Nous pensons que W Network ne rendait pas tous les services qu'elle aurait dû à son auditoire, parce que la station de télévision était isolée avec son statut de canal indépendant. L'endroit où nous l'avons relocalisée importe peu. Le fait est que cette station ne disposait pas de la protection que peut offrir un réseau de stations de télévision, aussi elle ne pouvait pas tirer parti de l'efficacité opérationnelle pouvant résulter d'une équipe de vente combinée, d'un service de la comptabilité, et ainsi de suite.

Nous avons déménagé WTN à Toronto. Nous avons rebaptisé le service W Network. Nous avons fait passer ce réseau de télévision, qui était le quatrième service de télévision le plus regardé par les femmes, au premier rang. Nous avons augmenté les cotes d'écoute de plus de 60 p. 100 depuis que nous avons pris le contrôle de la station. Ce n'est pas parce que la station était située à Winnipeg et parce qu'elle était administrée par ce groupe de personnes en particulier que nous ne pouvions faire mieux. Nous avons prouvé que nous offrons un meilleur service à l'auditoire féminin que dans le passé.

Je pense que ce n'était qu'une coïncidence que Corus soit situé à Toronto. Parce que si Corus avait eu ses installations à Winnipeg, WTN serait demeurée à Winnipeg, mais elle aurait été tout simplement coincée parmi les autres émissions que nous avions déjà.

Le sénateur Carney: Votre argument contredit celui que vous utilisez pour justifier la programmation locale des stations de radio. Je suis consciente des impératifs commerciaux et de gestion concernant les actifs dans la télévision, et vous agissez de cette manière avec vos actifs dans la radio, et pourtant ils sont exploités dans des marchés locaux, alors j'ai bien peur de ne pas comprendre.

M. Cassaday: Oui, mais WTN n'est pas un réseau de télévision local. C'était un réseau national, aussi il n'était pas nécessaire d'avoir une direction locale à Winnipeg, parce que le rôle de WTN ne consiste pas à offrir des services aux femmes de Winnipeg, mais à celles de tout le Canada.

Le sénateur Carney: En tant que résidente de la Colombie-Britannique, je l'ai beaucoup regardé, et pourtant je ne vivais pas à Winnipeg.

M. Cassaday: Tout à fait; il s'agit d'un service à l'échelle nationale. Il y a autre chose que nous avons fait pour les auditoires de la Colombie-Britannique, ce fut d'installer une autre source afin que les émissions de grande écoute en Colombie-Britannique soient diffusées aux heures de grande écoute dans cette province. C'est une autre amélioration qui n'existait pas lorsque le réseau était la propriété de l'ancien groupe de gestion.

Le sénateur Carney: J'aimerais vous demander quelque chose au sujet des coûts, et je veux revenir sur un point que j'ai déjà abordé. Notre comité essaie de déceler des tendances en matière de communications. Il est clair que votre entreprise est un exemple frappant de cette tendance, puisque vous êtes passé, en l'espace de seulement quelques années, de 11 stations de radio à 50, et que trois abonnés du câble sur quatre au Canada regardent des émissions de Corus.

Votre entreprise est une filiale de Shaw, qui possède un groupe de médias, dont des stations de radio et de télévision ainsi que des canaux numériques. Grâce à Shaw, vous avez également des intérêts dans le domaine de la distribution par satellite et dans la câblodistribution. Donc, ce groupe couvre tout l'éventail, de la radio-télévision jusqu'à la distribution.

Toutefois, on ne vous retrouve pas dans le domaine de l'imprimé, et j'aimerais vous entendre nous dire pourquoi, parce que les canaux de télévision spécialisée ont besoin de contenu, et qu'un bon moyen d'acquérir ce contenu est par l'entremise des médias imprimés.

Il suffit de regarder la prolifération des canaux, la croissance des canaux de télévision spécialisée, comme vous les avez décrits, ainsi que la tendance vers la vidéo sur demande, les nouvelles sur demande et la radio diffusant de l'information en continu, où c'est l'auditoire qui décide de ce qu'il veut entendre ou voir, à quel moment et sur quel type de canal. Le fait est que le marché lui-même est assez constant, aussi le seul moyen d'obtenir des revenus additionnels consiste à augmenter les tarifs. Le nombre d'annonceurs est aussi limité, et avec la consolidation des entreprises, il y a de moins en moins d'annonceurs nationaux. Vous créez de plus en plus de canaux spécialisés, et la concurrence est de plus en plus forte pour les téléspectateurs, et le seul moyen que je vois pour vous d'augmenter vos revenus consiste à augmenter les tarifs pour les consommateurs.

Dans ma maison de l'île, je capte StarChoice, qui est une des stations appartenant à Shaw. Mes frais d'abonnement ont augmenté considérablement depuis quatre ans, suivant sensiblement le rythme de votre croissance. Par ailleurs, à mon bureau, j'ai un abonnement avec le service de câblodistribution de Shaw et là aussi, mes frais d'abonnement ont beaucoup augmenté depuis quelques années. Il s'agit dans certains cas d'augmentations autorisées par le CRTC.

Combien le consommateur qui désire obtenir un choix diversifié et la possibilité d'avoir accès à la musique et à l'information sur demande devra-t-il payer pour avoir ce choix?

M. Cassaday: Premièrement, pour vous réitérer que Corus est une entité distincte de Shaw, nous n'avons absolument aucune influence et nous n'avons pas un mot à dire en ce qui concerne les décisions prises par Shaw relativement aux prix établis, non plus que sur la forme de présentation, la distribution ou le regroupement fait par StarChoice ou par Shaw Communications. Ce sont des entreprises totalement indépendantes.

Deuxièmement, nous croyons — et notre plan stratégique en fait mention — que la principale source de notre croissance passera par les revenus publicitaires, et non par la croissance dans le secteur des abonnements, comme vous le suggérez. D'après nous, les marchés de la radio au Canada ont un potentiel de croissance qui varie entre 3 et 4 p. 100. Historiquement, le marché de la publicité au Canada s'est accru au rythme de 1à 2 p. 100 de plus que le PIB, et nous sommes convaincus que ce pays continuera d'afficher une croissance positive du produit intérieur brut.

Le fait est que YTV diffuse des émissions depuis plus de 10 ans maintenant, et qu'il n'y a jamais eu d'augmentation du tarif d'abonnement. WTN diffuse des émissions depuis près de sept ans, et il n'a jamais augmenté ses tarifs d'abonnement. Teletoon diffuse des émissions depuis sept ans, et il n'a jamais augmenté ses tarifs non plus. Movie Central a même réduit ses tarifs d'abonnement depuis son lancement, par conséquent, nous n'avons pas fait 5 cents de profit à même une augmentation des tarifs d'abonnement.

Lorsque nos produits d'abonnement ont augmenté, c'est simplement par suite de l'expansion de notre pénétration du marché au Canada. Les signaux par satellite nous ont donné accès à des régions non câblées, ou encore mal desservies par la câblodistribution, ce qui nous a ouvert des portes, et ces possibilités étaient dans une large mesure offertes par la télévision numérique.

Avec le temps, le consommateur devra faire des choix. Il devra en effet décider s'il veut avoir la télévision à haute définition, ou s'il choisit la vidéo sur demande, ou encore s'il veut encore davantage de canaux numériques. Oui, les consommateurs devront payer en retour de services plus diversifiés, mais ils auront aussi la possibilité de s'abonner uniquement au service de base de la câblodistribution ou encore au service de base de la télévision par satellite et de limiter leurs coûts, s'ils le désirent. Mais je pense que nous aurons un jour la possibilité de faire notre épicerie sur la large bande, grâce à la câblodistribution, et il nous appartiendra alors de décider si ça nous intéresse ou pas.

Le sénateur Carney: Je ne veux pas laisser entendre que tout cela est mauvais. J'ai dit très clairement que si le consommateur veut et exige cette prolifération de choix, il devra en payer le prix.

M. Cassaday: C'est exact.

Le sénateur Carney: Cependant, je sais que dans mon foyer, la combinaison des services de télécommunications, de câblodistribution et de télévision par satellite représente la plus grosse dépense du budget. Bien sûr, cela comprend le téléphone, les cellulaires, l'accès à Internet, les services de câblodistribution et les services de transmission par satellite. Tous ces services réunis représentent une part assez imposante du budget familial, et c'est un choix que nous avons fait, à l'instar d'autres ménages canadiens.

Avez-vous fait des projections en vue de déterminer quel sera le coût pour les consommateurs? Je ne porte pas de jugement, à savoir si c'est bien ou si c'est mal; je vous demande simplement si vous avez estimé à combien reviendront ces services. Je ne dispose d'aucune indication comme quoi la croissance du marché publicitaire et du PIB serait suffisante pour financer tout cela.

Avez-vous fait des projections en vue de déterminer combien il en coûterait au consommateur?

M. Cassaday: Nous constatons que certains segments, comme la téléphonie locale, sont calmes en ce moment. Je ne pense pas que des exploitants comme Bell s'attendent à beaucoup de croissance dans ce secteur, mais ils prévoient en revanche une croissance extraordinaire dans la téléphonie sans fil. Je pense que nous serons à même de constater une croissance continue dans ce domaine. Le consommateur ne montre peut-être pas un appétit insatiable pour les nouveaux services, mais très certainement un appétit extraordinaire. Il apprécie les avantages du téléphone cellulaire; il apprécie les avantages de l'accès à la large bande et il semble prêt à en payer le prix, pour le moment.

Je soupçonne que cela ne se fait pas sans compromis. Ces compromis sont peut-être un repas de moins au restaurant par semaine ou un film de moins par mois, en échange des avantages qui leur sont offerts.

Je ne sais pas quel pourcentage de leur revenu cela représente, mais je sais que dans une étude récente, Price Waterhouse Coopers a prédit, en considérant toutes les économies du divertissement dans le monde, que celle du Canada connaîtrait la croissance la plus rapide au cours des sept prochaines années.

Je recommande aux membres du comité de consulter cette étude qui, essentiellement, répartit toutes les composantes de l'économie du divertissement en leurs éléments constituants et prédit, comme je l'ai dit, que le Canada est le pays du G7 ou du G8 qui connaîtra la plus forte croissance durant toute la période jusqu'en 2007.

Le sénateur Carney: Pourriez-vous nous fournir cette étude de Price Waterhouse Coopers ou nous indiquer à qui nous devons nous adresser pour l'obtenir?

M. Cassaday: Très certainement. Il s'agit probablement d'une étude que nous ne pouvons pas reproduire, mais je vais fournir les renseignements pertinents à la présidente, et vous pourrez prendre les décisions qui s'imposent.

Le sénateur Spivak: Je serai très brève. J'aimerais vous poser une question au sujet de l'influence des jeunes et du fait que l'on cible les enfants lorsque l'on fait de la publicité. Je sais qu'au Québec, c'est interdit. Je crois comprendre d'après un article qui nous a été transmis que la stratégie dite de l'influence des enfants est votre nouveau cheval de bataille. Cette stratégie de l'influence des enfants repose sur le «pouvoir d'embêter» les parents. Cette stratégie sert à commercialiser le média à un point tel que cela devient répréhensible. Comment pouvez-vous justifier cela?

M. Robertson: Tout ce que nous faisons en termes de publicité et de programmation sur nos canaux destinés aux jeunes s'effectue dans le respect total du code de radiodiffusion concernant les jeunes. À aucun moment nous ne recommanderions quoi que ce soit qui aille à l'encontre de la loi ou des lignes directrices prévues par l'ACR et le CRTC.

Il faut souligner que les ménages sont très démocratiques au Canada. Les enfants veulent être entendus à la maison, et les parents favorisent le dialogue. Nous avons constaté dans le cadre de nos recherches que les jeunes ont un important mot à dire dans les achats faits par la famille. Par exemple, les jeunes ont voix au chapitre lorsque les parents décident d'acheter une mini-fourgonnette. Il est bien entendu que, si les parents sont d'accord pour que les enfants expriment leur point de vue, et que les enfants veulent donner leur avis, cet avis sera entendu.

Notre approche consiste à tenir compte du fait que les enfants ont un point de vue au sein du ménage, et que s'ils s'intéressent à des produits et participent aux décisions familiales, les cibler lorsque nous faisons de la publicité est de bonne guerre.

Le sénateur Spivak: Je ne voudrais pas me montrer trop sévère, mais il me semble qu'il y a une différence entre laisser les enfants s'exprimer, et cibler la publicité de manière à créer chez les enfants des besoins qu'ils n'auraient jamais soupçonnés. Autrement dit, la publicité vise à créer des besoins chez les gens, à susciter chez eux des envies insoupçonnées. Dans le monde réel, les entreprises s'adressent aux adultes. Mais, doivent-elles vraiment faire de la publicité auprès des enfants? Je ne pense pas que vous puissiez justifier votre stratégie en faisant valoir la démocratie qui règne au sein d'une famille, avec tout le respect que je vous dois.

Votre entreprise fait un excellent travail. Vous diffusez d'excellentes émissions. Je suis moi-même une fan de YTV.

Mais, même Harry Potter est devenu un produit commercial. Dans quel monde vivons-nous où tout devient un produit à commercialiser?

M. Robertson: C'est une façon de voir les choses.

Le sénateur Spivak: Si vous voulez savoir ce que je pense vraiment, je vais vous le dire.

M. Robertson: Nous respectons votre point de vue sur cette question. Le Canada est très respecté partout dans le monde pour les mesures de protection que le pays a mises en place en vue d'encadrer la publicité aux enfants. Nous sommes le seul pays au monde où il n'y a absolument aucune publicité destinée aux enfants d'âge préscolaire. Nous admettons que les très jeunes enfants ne devraient pas être exposés à une publicité directe. Par ailleurs, il y a d'autres mesures de protection. Aucune publicité ne s'adresse à un enfant en lui disant qu'il doit aller acheter quelque chose. Toute la publicité se limite à donner de l'information sur le produit, plutôt que de le solliciter directement.

Il y a plusieurs autres moyens que prend l'industrie pour s'assurer que l'on agit correctement à l'endroit des enfants, notamment en ce qui concerne la communication. Beaucoup de pays viennent nous demander comment nous procédons. Aux États-Unis, il n'y a aucune restriction commerciale en ce qui concerne la publicité adressée aux enfants. Le Canada jouit d'un grand respect dans le monde entier en raison de cette politique.

Le sénateur Spivak: Autrement dit, vous justifiez ce procédé en principe. Êtes-vous en train de me dire qu'il n'y a aucun mal à agir ainsi?

M. Robertson: Je ne vois pas ce qu'il y a de mal à faire de la publicité auprès des enfants. Avec les mesures de protection appropriées, nous pensons qu'il n'y a rien à redire.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je voudrais revenir à un commentaire qui a été fait en ce qui concerne les moyens qui sont pris pour que les nouvelles soient transmises aux gens des localités en vue de les informer.

Vous avez notamment mentionné qu'une fois par semaine, le premier ministre Gary Doer se rend directement dans les studios de CJOB pour répondre aux appels des auditeurs. Je me demande si, dans un souci d'équilibrer les chances, vous invitez aussi les chefs et les porte-parole des autres partis à venir faire la même chose, de temps en temps?

M. Hayes: Oui, bien sûr.

Le sénateur Graham: Dans votre résumé, vous avez mentionné certaines choses que le gouvernement, en l'occurrence le gouvernement du Canada, pourrait faire. Vous avez dit que vous avez besoin de son appui sous la forme d'un financement stable à l'endroit du Fonds canadien de télévision. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Cassaday: À l'heure actuelle, le gouvernement affecte un montant — cette année, il est de 75 million $ — à la production d'émissions de télévision canadiennes. Dans le passé, le financement était de 100 millions. À ces contributions financières s'ajoutent des fonds fournis par l'industrie de la câblodistribution. Nous pensons que ces fonds ont joué un rôle essentiel et ont stimulé grandement la production de tous nos services et que l'absence de ce financement entraînerait une diminution importante à la fois de la qualité et de la quantité de l'offre des émissions canadiennes.

Le sénateur Graham: Est-ce que le but de ce financement est de promouvoir les talents canadiens?

M. Cassaday: C'est exact. Pour se qualifier en vue d'obtenir du financement de la part du FCT, il faut respecter un critère qui consiste à encourager le développement du contenu canadien dans divers genres, y compris les séries dramatiques, les émissions pour enfants, les documentaires et les émissions sur le style de vie.

Le sénateur Graham: Est-ce que ce financement a été réduit?

M. Cassaday: Le financement a été réduit l'année dernière, mais le gouvernement s'est engagé à le fournir durant deux ans. Il ne s'est pas engagé au-delà, et nous l'encourageons à le faire sur une base continue.

Le sénateur Graham: Quand tombe la deuxième année de cet engagement?

M. Cassaday: Cette année.

Mme McNair: Le gouvernement s'est engagé jusqu'en 2004.

Le sénateur Merchant: Je comprends, bien sûr, que vous êtes dans les affaires pour faire de l'argent. C'est tout naturel. Si vous faites un certain travail, vous devriez naturellement recevoir de l'argent en contrepartie. Nous n'avons rien contre le fait que vous fassiez de l'argent.

C'est inespéré que le CRTC vous autorise à posséder plusieurs stations de radio au sein du même marché, et aussi à en administrer d'autres.

Y a-t-il une limite au nombre de stations de radio que vous soyez en mesure de gérer au sein d'un même marché?

Mme McNair: Oui. En réalité, le CRTC a mis en oeuvre une politique, par le truchement d'une réglementation, voulant que l'on obtienne au préalable l'autorisation de la commission avant de conclure une entente de gestion locale. Cette réglementation empêcherait que l'on dépasse le nombre de stations que l'on est autorisé à posséder en vertu des règles relatives à la propriété commune de plusieurs licences. Même si la possibilité existe de conclure une entente relative aux ventes avec d'autres stations, on ne peut pas gérer d'autres stations à l'intérieur d'un marché sans avoir obtenu au préalable l'autorisation du CRTC.

Le sénateur Merchant: Lorsque vous dites relatives aux «ventes», voulez-vous parler des ventes de publicité?

Mme McNair: Oui.

Le sénateur Merchant: Il se pourrait que des propriétaires d'entreprises dans la collectivité veuillent faire de la publicité. Si vous contrôlez une aussi grande part du marché, est-ce qu'on ne peut pas s'attendre à ce que le prix de la publicité monte en flèche? À l'époque où plusieurs stations étaient en concurrence pour s'accaparer les budgets de publicité, il se pouvait très bien qu'une station demande 50 $, tandis qu'une autre pouvait offrir la même chose pour 25 $, histoire d'attirer quelques annonceurs. Lorsque vous contrôlez les ventes, vous êtes en situation d'exiger des tarifs élevés des annonceurs. Vous pouvez le faire parce qu'il n'y a plus vraiment d'avantage concurrentiel. En fait, il n'y a plus vraiment de concurrence. Comment cette situation peut-elle être bénéfique pour le public?

M. Cassaday: Il y a de la concurrence, et il y a aussi des mesures de protection. Par exemple, un annonceur local dans un marché comme celui de Winnipeg dispose de quelques solutions de rechange. Il peut acheter du temps d'antenne à la télévision ou à la radio locale, même à l'intérieur d'un regroupement concentré. Il peut acheter de l'espace publicitaire sur une maison, un abribus, un autobus ou dans un quotidien. Il existe tout un éventail de possibilités qui permettent de surveiller l'évolution du marché.

Si les propriétaires de stations de radio pensaient pouvoir fixer les prix tout seuls, sans tenir compte des autres médias en concurrence, il pourrait y avoir un problème. Mais la réalité est tout autre, et nous ne pouvons pas fixer les prix de façon isolée. Nous devons fixer les prix en contexte avec les autres concurrents sur le marché.

Le sénateur Merchant: J'essaie de vous dire que cette entreprise en particulier ne pourra peut-être plus faire de publicité à la radio. Peut-être que d'autres options s'offrent à elle, mais il y en a une qu'elle n'a plus. Je sais qu'il existe d'autres possibilités pour cette entreprise, mais elle ne peut plus faire d'annonces à la radio parce qu'elle n'en a plus les moyens.

M. Hayes: C'est une crainte qui existait à l'époque où l'on a procédé à la consolidation. Mais je peux vous affirmer qu'en pratique, — et je ne blague qu'à moitié lorsque je dis «à mon grand déplaisir» — la différence qui existe entre l'époque où il y avait huit propriétaires de stations de radio plutôt que les trois ou quatre qui restent aujourd'hui dans un marché n'a pas eu d'incidence sur le montant de l'inventaire pour la radio commerciale, c'est-à-dire, pour l'offre. En effet, les propriétaires dans un même marché, par opposition aux huit propriétaires qu'il y avait auparavant, sont tout aussi concurrentiels pour ce qui est d'obtenir les commandites publicitaires qu'auparavant.

Par conséquent, dans la plupart de nos marchés, nous n'avons pas constaté de hausse des tarifs publicitaires. De fait, à Vancouver, nos tarifs sont restés stables depuis deux ou trois ans. À Winnipeg, les tarifs sont juste un peu plus élevés, ce qui correspond davantage à la croissance qu'a décrite M. Cassaday tout à l'heure, c'est-à-dire 3 à 4 p. 100 d'une année sur l'autre.

Il faut reconnaître que la majorité des ventes que nous faisons et les revenus que nous en tirons sont le fait d'une petite poignée de grandes agences de publicité du Canada qui ont une présence à l'échelle internationale. Ces agences contrôlent un grand nombre de clients et de placements d'annonces à la radio. Elles négocient serré les tarifs et les éléments de valeur ajoutée à une campagne publicitaire, y compris les concours, les promotions, les voyages et les cadeaux qui leur procurent une visibilité additionnelle. En fin de compte, si vous faisiez une enquête sur ces agences ainsi que sur les acheteurs de publicité, la vaste majorité des répondants vous diraient que la radio est un média rentable et efficace, non seulement par comparaison aux autres médias, mais aussi par rapport à ce qu'étaient les coûts de la radio dans le passé.

La présidente: Combien de journalistes avez-vous à votre emploi? Permettez-moi de faire une distinction entre les animateurs d'émissions-débatset les journalistes dans l'acception normale du terme. Je comprends qu'il y a des circonstances où les deux peuvent se confondre, mais, somme toute, ce sont deux métiers différents, ayant des priorités différentes et devant répondre à des impératifs différents aussi.

Combien de journalistes travaillent dans vos stations d'information continue, et combien sont répartis dans vos autres installations? Avez-vous ces renseignements sous la main ou pouvez-vous nous l'obtenir?

M. Cassaday: Nous vous l'obtiendrons. Charles Adler se demandera peut-être dans quelle catégorie il devrait se classer, et c'est sans aucun doute l'aspect le plus compliqué de votre question. Mais, nous ferons notre possible.

La présidente: Je reconnais que dans certains cas, les deux sont difficiles à séparer. Néanmoins, vous êtes en mesure d'établir une distinction générale entre les deux catégories.

M. Cassaday: Je comprends.

Le sénateur Carney: J'aimerais dire, pour le compte-rendu, parce que certains d'entre nous n'acceptent pas votre distinction, que la semaine dernière, Rafe Mair a remporté le prix d'excellence Bruce Hutchison pour l'ensemble des réalisations de sa carrière en journalisme, et il est animateur d'une émission-débat radiophonique.

La présidente: À mon point de vue, il est un exemple de ces situations où il peut les deux peuvent se confondre. Cependant, il suffit de penser à Howard Stern, pour citer l'exemple d'un animateur qui n'est pas canadien, pour que quelque part...

M. Cassaday: La distinction établie par le sénateur Carney nous aide à comprendre votre point de vue. Nous pouvons très certainement comprendre ce que vous voulez dire et faire cette distinction.

La présidente: Deuxièmement, monsieur Cassaday, vous avez dit, pas seulement ici, mais récemment en public, qu'au cours des 12 à 24 prochains mois, vous vous attendiez à une vague importante de consolidation dans les médias. Pouvez-vous m'en dire plus au sujet de ce que vous entrevoyez?

M. Cassaday: Par suite de la fragmentation du marché, nous pensons que nous allons assister à un regroupement encore plus serré des réseaux de télévision et de radio, au Canada. Nous croyons que l'élément déclencheur de tout cela sera la cession des actifs de Bell Globemedia par BCE dont on a fait l'annonce publiquement. Cette cession suscitera énormément d'activité sur le marché, et cela entraînera la création d'alliances.

Jusqu'où tout cela va-t-il nous mener, madame la présidente, je n'en sais trop rien. Je pense toutefois que diverses entreprises familiales vont reconsidérer leurs options. Elles vont devoir se demander si elles veulent franchir le pas et devenir de plus gros joueurs, ou si les 24 à 36 prochains mois seront ceux au cours desquels elles vont tirer leur révérence.

La présidente: Avez-vous des plans? Je comprends que vous ne puissiez nous donner des détails.

M. Cassaday: Oui. En tant qu'équipe de gestion, nous pensons que nous devons raffermir notre position au pays afin de devenir plus concurrentiels à l'échelle internationale. Nous avons acquis Nelvana dans le but exprès de nous doter d'une bibliothèque afin de pouvoir puiser notre expertise dans la programmation à l'intention des enfants dans des marchés à l'extérieur du Canada. Récemment, nous avons fait l'acquisition d'un réseau de télévision en Amérique latine, durant une période difficile pour l'économie latino-américaine. Toutefois, nous n'avons pas pu ou nous n'avons pas voulu aller plus loin à cet égard, tant que notre position au Canada n'aura pas été établie plus fermement. Michael Porter, le réputé stratège, insiste sur l'importance d'être concurrentiel sur le marché intérieur avant d'envisager de s'attaquer au marché international. Nous pensons que même si nous pouvons jouer un rôle important sur la scène internationale dans le domaine très précis des émissions pour enfants, nous devons tout de même raffermir notre position chez nous.

La présidente: Seriez-vous intéressé à faire l'acquisition de médias imprimés?

M. Cassaday: Ce n'est pas en tête de liste de nos priorités. À notre avis, les médias imprimés seront ceux dont la croissance sera la plus lente dans le futur. Nous pensons aussi que les petites annonces classées, qui sont le secteur le plus lucratif des médias imprimés, sont les plus vulnérables à la concurrence sur Internet. Ce sont les deux principales raisons pour lesquelles nous n'avons pas saisi les occasions qui se sont présentées dans le passé de faire notre entrée sur ce marché.

La présidente: Dans les secteurs où vous entrevoyez des possibilités de croissance, quels sont à votre avis les principes, s'ils existent, qui déterminent jusqu'à quel point une société comme la vôtre peut grossir au Canada?

M. Cassaday: Je pense que, dans ce pays, il faut décider si nous voulons créer de grands groupes de médias canadiens ou nous contenter de créer des entreprises qui sont vulnérables à l'acquisition par des intérêts étrangers. Quant à nous, en tant que Canadiens, nous préférons que l'on permette la création de grands groupes de médias canadiens.

La présidente: Quelle taille devez-vous avoir pour être forts?

M. Cassaday: Prenons par exemple Viacom, une entreprise américaine, qui est une société intégrée verticalement dans la production de contenu. Elle possède des stations de radio, des réseaux de télévision spécialisée ainsi que des activités dans le domaine de l'affichage extérieur et de la télévision locale ou classique. Je pense qu'aux États-Unis, on considère que cette entreprise est consciente de ses responsabilités sociales et qu'elle représente une excellente possibilité d'investissement. Mais il est difficile pour moi de vous dire ce qu'elle représente sur le plan de la taille d'entreprise.

Je suis persuadé que si Corus doublait la taille qu'elle a aujourd'hui, elle ne serait pas encore trop grosse pour continuer à bien servir les Canadiens et pour faire en sorte qu'il y ait encore de la concurrence dans les segments où elle est active. Même si nos opérations radio augmentaient du tiers, il y aurait toujours une concurrence importante au Canada dans le marché de la radio. Si nous décidions d'élargir nos activités dans le domaine de la télévision spécialisée, nous devrions aborder des genres que nous ne connaissons pas encore. Nous devrions sortir du créneau des émissions pour enfants, des émissions pour les femmes, et peut-être nous intéresser à celui des sports. Il existe des possibilités de croissance pour nous qui n'augmentent pas pour autant notre domination d'un segment en particulier.

La présidente: Je pourrais vous poser des questions encore durant une heure, mais je pense que nous avons eu une réunion intéressante.

Le sénateur Graham: Avec toute cette discussion sur la croissance et l'expansion, il m'est venu à l'esprit que je vais quitter cet endroit à un moment donné l'année prochaine et je pourrais être intéressé à relever un nouveau défi. Je sais que le sénateur Carney serait trop heureuse de recommander ma candidature à titre d'animateur objectif d'une émission-débat radiophonique, et particulièrement sur un réseau de télévision qui s'adresse aux jeunes.

Le sénateur Carney: J'aimerais dire qu'en ce qui concerne ce qui intéresse plus particulièrement notre comité, les derniers commentaires ayant porté sur l'intégration sont sans aucun doute les plus importants et les plus pertinents de tout ce qui a été dit devant nous. Essentiellement, l'intégration de l'industrie représente le futur de cette industrie. Votre propre croissance et celle de vos concurrents en sont la preuve.

Est-ce que vous avez l'intention d'inviter des représentants de Bell et de quelques autres entreprises à venir témoigner devant le comité? Nous aimerions savoir ce qu'ils font.

Je tiens à vous féliciter pour la franchise avec laquelle vous avez répondu à nos questions dans ce domaine des plus compétitifs.

M. Cassaday: Nous apprécions l'intérêt que vous nous témoignez.

La présidente: À vrai dire, ce fut une réunion fort intéressante. Merci beaucoup.

La séance est levée.


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