Aller au contenu
AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 5 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 1er avril 2004

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 35 pour étudier les questions liées au développement et à la commercialisation de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée sur les marchés national et international.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président: Aujourd'hui, nous continuons notre étude sur les questions se rattachant au développement et à la mise en marché, au Canada et à l'étranger, de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée.

Laissez-moi d'abord vous souhaiter la bienvenue, honorables sénateurs, ainsi qu'à nos observateurs. J'aimerais également souhaiter la bienvenue aux Canadiennes et aux Canadiens qui nous regardent et nous écoutent sur le réseau CPAC et l'Internet.

[Traduction]

Au cours de la séance précédente, nous avons commencé notre étude des produits à valeur ajoutée. Nous avons entendu plusieurs témoins qui nous ont expliqué les questions se rattachant au développement et à la mise en marché des produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée. Ce matin, honorables sénateurs, nous avons invité Pulse Canada à faire un survol des problèmes auxquels se heurte son secteur pour ce qui est des débouchés pour les agriculteurs qui veulent vendre des produits à valeur ajoutée.

Comparaissent devant nous ce matin le chef de direction de Pulse Canada, M. Bacon, qui est accompagné de M. Froese, président du conseil d'administration.

J'invite M. Bacon à faire son exposé. Ensuite, comme le veut l'usage, les sénateurs vous poseront des questions.

M. Gordon Bacon, chef de la direction, Pulse Canada: J'aimerais céder la parole au président du conseil d'administration de Pulse Canada, M. Froese.

M. Jack Froese, président, Pulse Canada: Je suis un producteur de légumineuses de Winkler, au Manitoba, depuis le début des années 70. À cette époque, notre exploitation produisait des pois; plus tard, nous sommes passés aux haricots. Je suis le producteur représentant auprès de l'Association manitobaine des producteurs de légumineuses et je siège au conseil d'administration de Pulse Canada, où j'assume les fonctions de président.

Pulse Canada a été créé dans les années 90 pour servir les intérêts des producteurs et du commerce au Canada. Nos membres viennent de l'Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta, ainsi que de l'Association canadienne des cultures spéciales. Nous avons des liens avec les ministères gouvernementaux comme Agriculture et Agroalimentaire Canada, ainsi qu'avec les gouvernements provinciaux et les universités canadiennes.

À l'origine, Pulse Canada était un groupe de développement et de promotion du marché dont le but était de s'attaquer aux problèmes d'accès au marché et d'éliminer les barrières tarifaires. Dans ce contexte, nous avons assisté depuis 10 ans à une croissance phénoménale du secteur des légumineuses. Après des débuts modestes, les légumineuses sont devenues l'une des cultures principales tout comme les céréales et les oléagineuses.

Aujourd'hui, nous voulons aborder deux questions. Premièrement, la politique de réglementation dans l'environnement actuel et, deuxièmement, la recherche. Je vais laisser à M. Bacon le soin de vous en parler.

M. Bacon: Comme M. Froese l'a dit, le secteur des légumineuses est devenu un secteur de premier plan au Canada. La valeur de la production dépasse un milliard de dollars par année. En outre, cette croissance a permis de créer des emplois dans les domaines de la transformation et du transport. Un grand nombre de ces emplois à valeur ajoutée ont été créés dans des régions rurales du Canada, où il y a traditionnellement peu de débouchés. La culture des légumineuses a donc été fort avantageuse pour un grand nombre de communautés rurales.

La question de la production à valeur ajoutée revêt une grande importance pour notre secteur. En fait, il y a quatre ans, nous avons entrepris d'établir une stratégie nationale de recherche pour l'industrie. Le Canada est devenu l'un des principaux exportateurs mondiaux de lentilles et de pois, et il fait partie des cinq premiers exportateurs de haricots et de pois chiches.

Les producteurs reconnaissent collectivement qu'il leur faut demeurer forts pour l'avenir, et que l'avenir sera fondé sur la recherche, En réunissant les intervenants scientifiques, que ce soit aux niveaux fédéral, provincial ou des organisations de producteurs, nous avons réussi à élaborer une stratégie nationale unifiée qui sert de base non seulement pour la production et l'amélioration génétique des cultures, mais aussi pour la qualité et l'utilisation ou encore pour la production à valeur ajoutée, de même que pour la recherche nécessaire pour en vue d'assurer la protection de l'environnement.

La transformation à forte valeur ajoutée est l'une des quatre grandes composantes de la stratégie de recherche de la culture des légumineuses. C'est dans ce domaine que nous voulons mentionner les défis et les possibilités qui se présentent.

À notre avis, toutes entreprises comptent quatre piliers. La production et la mise en marché en sont deux. Les entreprises qui ont du succès ont toujours une solide base en R et D. À notre avis, tout investissement dans la recherche agricole est un investissement dans l'avenir de l'agriculture. Nous considérons que l'investissement dans la recherche est la clé qui permettra à notre secteur de s'épanouir et de croître grâce à la transformation à valeur ajoutée.

Le Canada doit se doter d'un cadre de recherche agricole intégré. En effet, ce cadre ne doit pas se limiter à la transformation à valeur ajoutée, mais accueillir également les systèmes de production nécessaires pour alimenter le volet de la transformation à valeur ajoutée à l'avenir. Nous sommes convaincus qu'un volet recherche vigoureux sera un atout pour attirer des investissements de la part d'intérêts canadiens et étrangers.

Permettez-moi de vous donner un exemple qui confirme cela. Comme je l'ai mentionné, le Canada s'est hissé parmi les principaux producteurs de lentilles au monde. Ces dernières années, une société turque a investi dans l'ouest du Canada. Cette entreprise est venue investir au Canada parce qu'elle était convaincue que le système de recherche canadien était l'un des plus solides au monde et que nous pourrions lui fournir la matière brute dont elle a besoin pour fabriquer un produit de haute qualité.

Je tiens à signaler que le marché de la lentille rose, que dessert cette société, se trouve surtout en Afrique du Nord et dans les pays du Moyen-Orient. Manifestement, les Canadiens peuvent être concurrentiels. Nous devons, entre autres, nous attacher à offrir un environnement apte à maintenir le caractère concurrentiel de l'industrie.

Les capitaux afflueront là où ils obtiendront le meilleur rendement. Les Canadiens doivent créer un environnement distinct pour susciter l'intérêt des investisseurs. À notre avis, la recherche est un incontournable.

J'ai parlé d'une stratégie intégrée car à notre avis, si nous nous attachons uniquement à la recherche et à la transformation à valeur ajoutée, sans faire en sorte que notre base de production demeure actuelle, nous n'offrirons un équilibre attrayant pour les investissements dans la recherche. Conscients du caractère incontournable de la recherche, les producteurs de légumineuses ont augmenté leurs contributions dans ce domaine. La Saskatchewan, qui est la première province productrice de légumineuses, et l'Alberta ont récemment porté la contribution de leurs agriculteurs, c'est-à-dire l'argent prélevé au moment de la vente, à un pour cent de la valeur des ventes agricoles, plaçant ainsi le secteur de la culture des légumineuses au premier rang de tous les autres secteurs pour ce qui est du financement de la recherche agricole. Les provinces du Manitoba et de l'Ontario, où est concentrée la production de haricots à forte valeur ajoutée, ont fixé la contribution de leurs agriculteurs à un demi de un pour cent.

Ces programmes ont fait beaucoup pour satisfaire aux besoins en matière de recherche identifiés par le secteur des légumineuses. En collaboration avec des groupements d'autres producteurs spécialisés et le gouvernement fédéral, nous voudrions maintenant élaborer une stratégie en vue d'identifier le rôle que le gouvernement fédéral pourrait jouer dans la recherche agricole, tant au niveau de la production primaire que de la transformation à valeur ajoutée.

J'aimerais commenter la politique de réglementation en vigueur au Canada. Comme M. Froese l'a mentionné, Pulse Canada s'est attaché à promouvoir le commerce des légumineuses dans le monde en insistant sur l'élimination des barrières tarifaires, qu'il s'agisse de taxes ou de tarifs. Récemment, nous avons dénoncé des politiques sanitaires et phytosanitaires qui limitaient ou tentaient de limiter le commerce des légumineuses au Canada.

Nous avons examiné la position du Canada en matière de commerce international. Il est évident que notre politique commerciale vise à assurer aux exportateurs canadiens l'égalité des chances pour qu'ils ne soient pas pénalisés par des restrictions fondées sur des politiques concernant les taxes ou les tarifs.

Nous sommes aussi d'avis que le moment est venu pour le Canada de se pencher sérieusement sur son cadre de réglementation. En tant que petit pays fortement dépendant des exportations de produits agricoles primaires, nous serons aussi dépendants des exportations de produits à valeur ajoutée. Si l'environnement réglementaire d'ici diffère de celui des autres pays avec lesquels nous sommes en concurrence dans le domaine des produits à valeur ajoutée, nous serons défavorisés.

J'aimerais vous citer un exemple. Pour assurer la salubrité des aliments, les Canadiens ont élaboré des règlements uniques au monde concernant l'enregistrement de nouvelles variétés différentes des variétés cultivées à l'heure actuelle. Notre législation relative aux plantes dotées de caractéristiques nouvelles est unique au monde. Certes, elle garantit aux Canadiens un degré de sécurité alimentaire élevé, mais elle nous place dans un environnement réglementaire différent de celui de nos concurrents. Les tests additionnels requis vont retarder l'enregistrement des variétés et les rendre plus coûteuses, ce qui pourrait nuire à la compétitivité de notre secteur sur la scène mondiale.

De la même façon que nous nous sommes efforcés d'harmoniser les politiques tarifaires à l'échelle mondiale, il nous faut voir comment nous pourrions harmoniser nos politiques de réglementation. Je vais utiliser l'exemple du Codex Alimentarius, une organisation de l'ONU qui fixe les normes internationales de salubrité des aliments pour ce qui est des résidus de pesticides, des métaux lourds et des microtoxines. Le Canada participe à l'élaboration de ces normes internationales de sécurité alimentaire, mais les agences réglementaires canadiennes établissent aussi leurs propres normes. Dans bien des cas, ces normes sont différentes de celles dont le Canada a convenu qu'elles seraient appropriées au niveau international.

À l'heure actuelle, le secteur des légumineuses a du mal à accéder à certains marchés parce que les pays en question prétextent les différences entre la réglementation canadienne et leur propre réglementation pour limiter les importations. Bien qu'on réalise des progrès pour ce qui est de supprimer les obstacles au commerce international, nous estimons qu'il faut qu'il y ait une discussion sur les règlements concernant la salubrité des aliments ou les règlements sanitaires et phytosanitaires au niveau international.

En somme, la recherche sera l'atout qui rendra notre industrie agricole — au niveau de la production primaire comme au niveau de la valeur ajoutée — un investissement attrayant pour les entreprises canadiennes et étrangères. Le secteur des légumineuses a déployé des efforts pour faire des progrès dans ce domaine.

Par exemple, une entreprise japonaise se sert de protéines de pois pour produire de la bière — de la bière sans orge. On emploie de l'amidon de pois pour fabriquer un type de nouille asiatique. Nous savons qu'il nous faut apporter des améliorations aux propriétés de l'amidon pour fabriquer un produit de haute qualité. Nous envisageons d'employer l'amidon d'autres légumineuses au Canada en tant qu'additif pour d'autres produits alimentaires asiatiques, mais pour cela, il nous faut comprendre les propriétés intrinsèques de l'amidon et déterminer, grâce à l'amélioration des plantes ou à un traitement quelconque, si nous pouvons le rendre mieux approprié à cette fin.

Alors que nous envisageons de nombreuses possibilités, la première étape essentielle sera de mener des travaux additionnels pour comprendre les propriétés des cultures que nous faisons et de développer une vision pour l'avenir.

Ma dernière observation concerne notre environnement réglementaire. Étant donné que le Canada est et sera toujours une nation commerçante, nous devons examiner la pertinence de collaborer avec certains de nos partenaires commerciaux en vue d'harmoniser les règlements concernant la sécurité alimentaire, la qualité et l'environnement — d'abord pour protéger la santé et l'environnement des Canadiens, mais aussi pour dégager un environnement commercial sain permettant aux entreprises d'être concurrentielles.

Voilà qui met un terme à mon exposé.

La présidente: Je vous remercie de cet exposé des plus stimulant et intéressant.

Il y a environ deux semaines, nous avons reçu le ministre de l'Agriculture. Lorsqu'il a appris que nous faisions une étude des produits à valeur ajoutée, il a déclaré que cela l'avait encouragé puisque c'était une façon d'essayer de hausser le revenu des agriculteurs. Grâce à la recherche que vous financez au moyen des prélèvements, vous faites la preuve, encore une fois, que le Canada peut être un chef de file dans le domaine de la recherche scientifique, de la production de sous-produits des cultures de légumineuses que l'on peut vendre en Asie et ailleurs dans le monde. Cela est des plus encourageant, et j'aimerais voir la même évolution dans d'autres secteurs de l'agriculture.

Selon vous, il faudrait que le gouvernement fédéral soit plus présent au niveau de la transformation à forte valeur ajoutée. Dans quelle mesure et de quelle façon? Premièrement, comment le gouvernement fédéral contribue-t-il à la recherche à ce niveau à l'heure actuelle? Et de quelle façon voudriez-vous qu'il s'engage, au plan des orientations stratégiques?

M. Bacon: Le Cadre stratégique pour l'agriculture qu'a récemment rendu public Agriculture et agroalimentaire Canada renferme un élément encourageant pour ce qui est de la transformation à valeur ajoutée. Au milieu des années 90, les compressions budgétaires imposées à l'ensemble du gouvernement fédéral ont touché la direction de la recherche d'Agriculture Canada.

Nous voudrions que le ministère et les Canadiens s'interrogent sur le rôle futur que devrait jouer le gouvernement fédéral dans le domaine de la recherche agricole et ce, tant pour ce qui est de la hauteur de son financement que de son niveau d'engagement.

Étant donné que nous avons un cadre stratégique pour l'agriculture solide, il est maintenant temps d'élaborer un cadre pour la recherche qui définira le niveau d'investissement et identifiera les bénéficiaires des fonds en question — est-ce que ce devrait être la production agricole primaire, et à quel niveau? Combien d'argent faut-il consacrer à la salubrité des aliments et à l'assurance de la qualité? Combien d'argent devrait aller à la transformation à valeur ajoutée? En outre, il faut que le gouvernement fédéral invite les agriculteurs à discuter, au niveau national, du rôle qu'ils devraient jouer dans le financement de la recherche.

Permettez-moi de vous donner l'exemple de l'Australie qui a un programme de prélèvement pour la recherche agricole auquel la totalité des producteurs contribue, tous produits confondus. Par la suite, le gouvernement fédéral consent un financement équivalent aux sommes d'argent fournies par les agriculteurs grâce à leurs contributions jusqu'à concurrence d'un certain niveau.

Le président: Que pensez-vous de ce modèle? Le recommanderiez-vous?

M. Bacon: La communauté scientifique et notre secteur ont élaboré un modèle quelque peu différent de celui adopté par l'Australie, de sorte que je ne pense pas que nous puissions l'adopter directement. Cependant, il serait à propos que les producteurs canadiens aient une discussion sur l'intérêt de se doter d'un programme national de contribution à la recherche. Parallèlement, le gouvernement fédéral pourrait réévaluer le niveau de ses investissements dans la recherche agricole. Une fois qu'un plan sera adopté, nous saurons que nos investissements auront pris en compte les vastes besoins de la recherche en agriculture.

Le sénateur Fairbairn: Je vous remercie beaucoup d'être venus ici aujourd'hui. Je pense qu'on peut dire sans crainte de se tromper que votre secteur agricole n'est pas très bien connu des Canadiens. Cela dit, c'est un secteur très prometteur à une époque où d'autres cultures se heurtent à des difficultés — à savoir nos cultures dominantes depuis toujours, comme les céréales et les oléagineuses. Je comprends et j'apprécie l'enthousiasme avec lequel vous tentez de promouvoir la culture des légumineuses grâce à un programme de mise en marché plus dynamique, tant à l'échelle nationale qu'internationale.

Vous souhaitez une discussion plus vaste. En ce moment — et depuis un certain temps déjà —, le gouvernement fédéral organise une série de tables rondes avec divers intervenants des secteurs agricoles et agroalimentaires. Votre secteur y a-t-il participé? Dans l'affirmative, l'exercice vous a-t-il donné satisfaction? Est-ce un processus auquel il faudrait donner plus de place et plus de visibilité?

M. Bacon: Oui, Pulse Canada a participé à ces discussions. Nous étions présents à la table ronde sur les cultures spéciales. Qui plus est, un ancien président de Pulse Canada présidait la table ronde.

Il ne faut pas se borner à des discussions sectorielles. Il faut que tous les intervenants discutent ensemble. Il nous faut réunir tous les groupes de produits. Les représentants du secteur des cultures spéciales réunis autour d'une table ne peuvent décider quelle serait la meilleure stratégie nationale en matière de recherche. Le secteur des céréales, le secteur des oléagineux, le secteur horticole — tous les secteurs doivent se rassembler pour décider quels sont leurs points communs et quelle approche il convient d'adopter.

Il a été question d'élargir les tables rondes pour y inclure le volet de la recherche agricole. Chose certaine, cela permettrait aux divers participants de l'industrie de se faire entendre. Je voulais vous faire comprendre que dans la perspective du gouvernement fédéral, il faut aussi avoir une discussion sur le rôle que devrait jouer l'investissement public dans la recherche agricole. Ces décisions — peut-être à la suite des recommandations de l'industrie — seront prises ici à Ottawa.

Le sénateur Fairbairn: À ce stade-ci, privilégiez-vous une conférence nationale sur ces enjeux particuliers?

M. Bacon: Il y a plusieurs façons de procéder. L'important, c'est de s'attacher au secteur R et D de l'industrie agricole. Je ne pense pas que nous ayons eu suffisamment de discussions au sujet de l'avenir de notre secteur. Pour de nombreuses raisons, nous nous sommes concentrés sur des préoccupations immédiates qui, sans vouloir en nier l'importance, avaient le plus souvent trait à des problèmes financiers.

Cependant, c'est seulement en investissant dans la recherche agricole qu'on pourra aider cette industrie afin qu'elle ne se limite pas à simplement réagir aux crises qui se succèdent. Ces investissements dans le secteur financier sont importants à court terme, mais ils ne permettent pas d'imprimer une orientation à long terme pour l'avenir de l'industrie. Sans recherche, l'industrie demeurera ce qu'elle est aujourd'hui. Ainsi, il nous deviendra difficile de soutenir la concurrence dans une dizaine d'années.

Le sénateur Fairbairn: Parmi toutes les stations de recherche que compte le pays, dans quelle région ou dans quelle province se trouve celle qui s'intéresse le plus à votre production?

Par exemple, je sais qu'il y a un centre de recherche très important dans ma ville natale de Lethbridge. Il y a quelques années, des priorités de recherche ont été assignées aux différentes stations; dans le cas de Lethbridge, ce fut le boeuf. Où se trouve la station de recherche désignée pour votre industrie?

M. Bacon: Plusieurs stations de recherche fédérales s'intéressent aux légumineuses à grains: il y a des programmes sur l'élevage à base de haricots à Harrow (Ontario), Morden (Manitoba) et Lethbridge; il y a également un programme sur la culture du pois à Lacombe.

Si je puis me permettre, ce qui importe, ce n'est pas tellement de connaître l'emplacement des stations de recherche fédérales s'intéressant aux légumineuses à grains, mais de savoir où il se fait de la recherche à ce sujet. Il y a quinze ans, il n'y avait que très peu de producteurs de lentilles et la recherche sur le pois chiche était inexistante. La plupart des décisions en matière de recherche agricole ont été prises voilà 20 ou 30 ans, et n'ont guère été actualisées depuis. La Saskatchewan figure généralement parmi les premières provinces au chapitre de la production. C'est surtout à l'université que l'on effectue des recherches sur les produits cultivés en Saskatchewan.

Pulse Canada préconise la suppression des barrières institutionnelles et provinciales pour permettre une utilisation optimale des fonds fédéraux. S'il est préférable que les investissements aillent aux universités, qu'il en soit fait ainsi; s'il vaut mieux que les fonds soient dirigés vers une station de recherche, c'est très bien également.

Il faut commencer par déterminer les recherches à effectuer, établir qui possède l'expertise requise et investir les fonds publics en conséquence, plutôt que d'affirmer que les fonds fédéraux doivent seulement être dépensés dans les institutions fédérales.

Le sénateur Fairbairn: C'est exactement là où je voulais en venir. J'espère que vous aurez l'occasion de faire valoir ce point de vue auprès de notre nouveau ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.

Le sénateur Gustafson: J'ai une question au sujet de la région de Lacombe relativement au soutien du gouvernement fédéral auquel notre président a fait allusion. Une aide financière considérable a été accordée en 1995. Quelle portion de cette somme a été retirée par la suite? Quelle quantité de fonds destinés à la recherche ont été récupérés, le cas échéant?

M. Bacon: C'est peut-être la direction générale de la recherche d'Agriculture Canada qui pourrait vous fournir l'estimation la plus précise de cette réduction budgétaire, mais je crois que la diminution se chiffrait à environ 30 p. 100 des fonds octroyés pour la recherche agricole à ce moment-là, parallèlement à un regroupement des programmes et à la fermeture de certaines stations.

Pour faire de la recherche, il faut non seulement s'assurer d'avoir les installations requises et les personnes compétentes en place, mais aussi de disposer des fonds nécessaires pour mener à bien les programmes. Il ne fait aucun doute qu'il est devenu plus compliqué de faire de la recherche. C'est l'une des raisons pour lesquelles les groupes de cultivateurs ont accru leur contribution, ce qui est en soi une bonne chose.

Il convient maintenant de s'interroger sur nos orientations futures et de se demander si le gouvernement fédéral décidera de réinvestir dans la recherche agricole au fil de l'amélioration de la conjoncture économique et financière.

Le sénateur Gustafson: Dans notre région, à peu près tous les fermiers ont essayer de cultiver des pois, des lentilles ou des haricots, surtout des pois, parce que c'est bon pour la régénération des sols. En effet, cette culture alimente les sols en azote et est très profitable de ce point de vue.

En revanche, la culture peut être très difficile dans certains secteurs en raison de la taille de la plante, entre autres facteurs. Quelles sont les recherches effectuées en vue de nous permettre de nous livrer à cette culture sans mettre en péril notre machinerie?

Bon nombre de fermiers se lancent dans cette culture, en font pendant un an ou deux, puis y renoncent. Ils constatent que c'est bon pour le sol et pour l'environnement, mais que cela leur cause de nombreuses difficultés.

Le président: Est-ce que c'est rentable?

Le sénateur Gustafson: Parfois, oui; la plupart du temps, non.

Le président: Comme la plus grande partie des produits agricoles, n'est-ce pas?

Le sénateur Tkachuk: S'il existait en Saskatchewan un produit dont nous étions sûrs de la rentabilité, nous le cultiverions tous.

Le sénateur Gustafson: C'est mon ami du sud du Manitoba où les terres sont belles et planes. Il réfutera probablement mes arguments.

M. Froese: Il suffit d'examiner la croissance de l'industrie pour tout comprendre. Si nous avons connu une croissance aussi phénoménale, c'est parce que cette culture est rentable et s'inscrit bien dans le cycle de rotation. C'est aussi à cause du surplus d'azote apporté et des avantages de ce type de production par rapport à l'utilisation des pesticides.

Des efforts considérables sont déployés pour développer des variétés demi-aphylles et tenir compte des différents facteurs agronomiques pour nous assurer que nous cultivons les variétés de haricots qui conviennent aux différentes régions, selon qu'on y trouve des sols noirs ou bruns ou des zones pédologiques différentes. Il faut surtout s'assurer que ces variétés seront en demande sur les marchés vers lesquels nous les expédions. Nous cherchons à obtenir la contribution du secteur commercial et à établir des liens de telle sorte que les considérations reliées aux marchés soient prises en compte dans nos recherches visant à déterminer les cultures les plus profitables, non seulement du point de vue agronomique, mais aussi sur le plan commercial.

Le sénateur Gustafson: En Europe, et maintenant aux États-Unis, la tendance veut que le secteur agricole joue un rôle accru dans les dossiers de l'environnement, du développement rural, et cetera. Est-ce que l'on a songé à utiliser des mécanismes comme l'assurance-récolte pour inciter les agriculteurs à s'intéresser à ces produits bons pour l'environnement, mais plus difficiles à cultiver? Il n'y a rien de plus facile que de cultiver du blé et rien d'autre, mais il est impossible de gagner sa vie de cette façon. Devrait-on envisager la possibilité d'encourager, peut-être au moyen de l'assurance-récolte ou d'autres programmes déjà existants, la culture de produits plus bénéfiques pour l'environnement?

M. Bacon: Sur la scène internationale, Pulse Canada est d'avis qu'il convient d'éviter la mise en oeuvre de programmes qui vont influer sur les choix de production ou entraîner une distorsion des échanges commerciaux. Nous nous sommes très vivement opposés aux modifications apportées dans la Loi agricole américaine de 2002 qui prévoyaient notamment des incitatifs financiers accrus pour la postproduction.

Nous voulons des programmes d'assurance-récolte qui fonctionnent bien, mais nous désirons également faire en sorte que les décisions des agriculteurs soient dictées, dans toute la mesure du possible, par les forces du marché.

Le sénateur Gustafson: Je vois que le sénateur Tkachuk acquiesce, mais il faut par contre bien préciser que les Américains ne renonceront jamais aux subventions. Ils nous servent cette fausse promesse depuis 20 ans déjà. Si nous poursuivons dans le même sens, cela pourrait être avantageux pour certaines cultures spécialisées, mais nous savons que la culture du blé, par exemple, est en régression. Les fermiers en cultivent de moins en moins parce que cela n'est plus rentable; ils se tournent vers d'autres cultures. Les Américains ne cesseront jamais de subventionner leur agriculture. Ils ont injecté 93 milliards de dollars additionnels au cours des deux dernières années dans le cadre d'un programme de dix ans. À l'échelle planétaire, l'agriculture est confrontée à un problème grave qu'il faut absolument régler. Ottawa nous répète depuis des années que tout ira pour le mieux si on peut amener les Européens et les Américains à renoncer aux subventions. Ce n'est pas vraiment le cas.

M. Froese: Nous aimerions pouvoir décider de ce que nous allons cultiver en fonction de la conjoncture d'un marché libre. La culture de produits spéciaux comme ces légumineuses à grains exige davantage d'expertise et d'efforts de gestion. C'est ce qui fera la différence à l'avenir.

Le sénateur Gustafson: Je ne suis pas d'accord.

Le sénateur Hubley: On dit souvent que l'agriculture à valeur ajoutée est un moyen pour les fermiers de grimper dans la chaîne de valeurs de manière à obtenir une portion plus considérable des bonifications associées au prix de détail fixé, ou une façon de différencier leur produit afin d'en augmenter la valeur.

Quels sont les produits à valeur ajoutée dans l'industrie des légumineuses à grains actuellement?

M. Bacon: Il y a tout un éventail de produits. Les légumineuses à grains sont une denrée de consommation courante un peu partout dans le monde. Les Canadiens ont implanté ici la culture de produits nouveaux développés ailleurs. Question de vous donner un bref aperçu de quelques-uns des produits intéressants qui existent, une entreprise de l'Alberta fabrique un produit de type beurre d'arachide conçu à partir de pois. Comme il ne contient pas d'arachides, il convient aux personnes qui y sont allergiques. Il y a aussi des farines produites à partir de légumineuses à grains que peuvent utiliser les personnes allergiques au gluten. Il existe de nombreux produits santé créés grâce aux caractéristiques particulières des légumineuses.

Les légumineuses à grains sont utiles pour la gestion de certaines maladies comme le diabète parce qu'elles figurent au bas de l'indice glycémique, c'est-à-dire que leur digestion lente évite les montées abruptes du taux de sucre dans le sang.

Certains producteurs de la Saskatchewan fabriquent des lasagnes avec les lentilles, plutôt qu'avec du boeuf. Des grignotines et des produits à valeur ajoutée de partout dans le monde renferment des composantes des légumineuses à grains, qu'il s'agisse de fécule, de protéines ou de fibres.

D'autres perspectives s'ouvrent également ailleurs dans le monde. Les Australiens conçoivent des substituts du lait pour les personnes qui ont une intolérance au lactose. Les légumineuses à grains offrent de multiples possibilités en raison de leur taux élevé de protéines et de la grande digestibilité de la fécule.

Peut-être n'avons-nous pas un grand secteur de transformation à valeur ajoutée, mais il faut se rappeler qu'il y a quinze ans à peine, le secteur de la production était à peu près inexistant. Nous en sommes à nos premiers pas dans le secteur de la valeur ajoutée.

Le sénateur Hubley: Les producteurs canadiens de légumineuses à grains sont-ils généralement propriétaires des installations de traitement à valeur ajoutée? Est-ce que c'est ce que vous constatez?

M. Bacon: Je crois qu'il y a environ 140 installations de transformation des légumineuses à grains en Saskatchewan seulement. Dans la grande majorité des cas, il s'agit d'agriculteurs seuls ou de groupes d'agriculteurs qui se sont réunis pour investir. On trouve également certaines des grandes entreprises nationales et internationales qui s'occupent du produit en vrac. Une forte proportion des légumineuses à grains sont transportées par conteneurs, mais cela peut varier selon les marchés. Ainsi, les légumineuses sont souvent nettoyées, ensachées et conteneurisées sur place avant l'expédition, ce qui fait que le traitement dans notre industrie s'effectue souvent dans de petites installations.

Si l'on fait exception de la mise en conserves, qui est dominée par les grandes entreprises, la plupart des activités de traitement à valeur ajoutée sont réalisées par de petites organisations dans le contexte de notre transition d'une industrie fondée sur le traitement local vers un secteur de production plus global.

Le sénateur Hubley: Les exigences qui pèsent actuellement sur notre chaîne alimentaire amènent à s'interroger sur des questions comme les produits biologiques, l'utilisation de pesticides, que vous avez déjà mentionnée, la traçabilité et la sécurité des produits.

Est-ce que l'industrie des légumineuses à grains s'intéresse actuellement à ces questions?

M. Bacon: Les légumineuses à grains seront l'une des récoltes pour lesquelles il sera plus le plus facile d'établir entièrement la traçabilité parce qu'elles sont traitées, ensachées et expédiées dans des conteneurs de 20 tonnes. Nous avons en place des programmes en vertu desquels les entreprises de traitement établissent des contrats avec les agriculteurs précisant les produits qu'elles comptent utiliser. Nos produits sont en demande auprès d'une clientèle très consciente de la qualité, comme certaines entreprises internationales de mise en conserves et de fabrication d'aliments. La question de la traçabilité ne devrait poser aucun problème au secteur des légumineuses à grains.

Comme M. Froese l'a mentionné, les légumineuses à grains revêtent une valeur environnementale dans le cadre de la rotation des récoltes. Elles font l'objet d'une promotion en ce sens en Europe, comme l'a indiqué le sénateur Gustafson. Les légumineuses à grains, comme l'ensemble des légumineuses d'ailleurs, fixent leur propre azote, ce qui fait que certaines récoltes n'ont pas besoin d'engrais azoté. D'autres légumineuses à grains reçoivent moins d'engrais azoté parce qu'elles ne sont pas du même genre, de la même espèce ou de la même famille que les céréales qui font partie des graminées, ou que les graines oléagineuses. Elles ne sont pas affectées par des parasites du même genre; les plantes nuisibles qui les accompagnent sont également différentes; ainsi, la rotation des cultures avec les légumineuses à grains minimise les problèmes de maladies ou de parasites qui peuvent s'accumuler en situation de monoculture. Par ailleurs, la production de légumineuses à grains s'apparente grandement à celle de céréales ou de graines oléagineuses biologiques. Il existe un marché pour les légumineuses à grains biologiques et il y a des producteurs qui s'y consacrent mais, dans l'ensemble, les proportions sont plutôt faibles.

Le sénateur Hubley: Où se situe le Canada parmi les pays producteurs? Quelle est notre part de la production mondiale?

M. Bacon: Nous sommes le premier pays au monde pour la production et l'exportation de lentilles. Plus de 50 p. 100 des exportations mondiales proviennent du Canada. Pour la production de haricots, nous disputons le premier rang à la France, mais nous sommes le premier exportateur au monde. Par ailleurs, nous avons connu une croissance très rapide pour nous installer au premier rang parmi les exportateurs de pois chiches. Notre production a toutefois chuté considérablement ces derniers temps; cette diminution est principalement attribuable au manque de recherche qui a fait en sorte que nos variétés ne sont pas bien adaptées aux régions où elles sont produites. Nous figurons au quatrième rang pour l'exportation de haricots, mais nos chiffres de production à ce chapitre sont relativement faibles.

L'Inde est le premier producteur mondial de légumineuses à grains. C'est aussi le pays qui en importe le plus en raison de la taille de sa population. Nous sommes déjà un intervenant majeur dans ce secteur de production, et nous sommes en voie de le devenir également rapidement sur les marchés commerciaux.

Le président: Voilà des statistiques très intéressantes. C'est un secteur en pleine croissance pour l'agriculture et les produits à valeur ajoutée.

Le sénateur Tkachuk: J'ai toujours cru que notre avenir passait par l'alimentation. Le Canada se retrouve dans une position particulièrement avantageuse en raison de la capacité d'innovation dont font montre ses agriculteurs, du moins dans ma province, et, j'en suis persuadé, dans toutes les autres également. Nous pouvons aussi compter sur des scientifiques de tout premier plan ainsi que sur l'apport de différents groupes ethniques qui comprennent bien les cultures des autres coins de la planète.

Je me réjouis que nous étudiions cette question. J'aimerais approfondir certains des sujets que nous avons abordés au chapitre de la réglementation et de la salubrité des aliments. Certaines remarques m'ont inquiété un peu. Peut-être n'ai-je pas bien compris et pourrez-vous éclairer ma lanterne. Vous avez traité de la nécessité d'harmoniser la réglementation en citant explicitement, vers la fin de votre exposé, le dossier de la salubrité des aliments.

Vous avez parlé des normes canadiennes en matière de salubrité des aliments. Disiez-vous que, pour harmoniser la réglementation, il fallait que nous abaissions nos normes, ou encore que nous devions obtenir des autres pays qu'ils relèvent les leurs?

M. Bacon: Je vais vous donner un exemple où il n'est pas question pour nous d'abaisser nos normes ou de demander aux autres pays de hausser les leurs. Comparons la politique d'homologation des pesticides au Canada à celle des États-Unis. Des organismes de réglementation se penchent sur cette question de chaque côté de la frontière et utilisent des moyens différents pour évaluer les risques. Je ne crois pas que les Américains vous diraient que leur processus d'homologation des pesticides est plus risqué que le nôtre, et vice versa, mais ce sont deux mécanismes différents. Le genre de données à recueillir n'est pas le même.

Cet exemple pourrait s'appliquer pour bien d'autres règlements parce qu'on ne procède tout simplement pas de la même façon. L'objectif ultime demeure d'offrir aux consommateurs des aliments sains. Les gens doivent pouvoir être convaincus de la salubrité des aliments qu'ils consomment. C'est notre but à tous. À mon avis, les organismes de réglementation de tous les pays devraient s'entendre sur les mécanismes d'évaluation utilisés à cette fin. Par exemple, des experts internationaux conjuguent leurs efforts pour revoir les recherches effectuées et établir pour nous dans le Codex Alimentarius ce qui représente, selon eux, un niveau sans danger de résidus de pesticides ou de métaux lourds. Si les Canadiens utilisent des méthodes différentes pour en arriver à une telle conclusion, il se peut que les résultats obtenus s'écartent légèrement des normes établies; ce sont ces légers écarts qui sont invoqués pour poser des barrières commerciales.

L'industrie des légumineuses à grains est bien au fait de cette situation. Au cours des huit derniers mois, nous avons constaté une croissance rapide de l'utilisation de ces écarts pour justifier l'imposition de barrières commerciales.

Le président: Quelles sont précisément les différences entre nos règlements et les normes établies dans le Codex?

M. Bacon: Je peux vous donner quelques exemples bien précis. Il existe un produit utilisé pour contrôler une moisissure sur les haricots.

Ce produit est homologué au Canada, mais ne l'est pas aux États-Unis pour les haricots secs. Aux États-Unis, ce produit peut être utilisé sur la laitue et les oignons — une gamme étendue de fruits et légumes, contrairement au Canada où il ne peut l'être.

À titre d'exemple, si je ne me trompe, ce produit peut être utilisé sur la laitue aux États-Unis et le résidu peut être de dix parties par million. Au Canada, la limite de résidu sur les haricots secs est de deux parties par million et pourtant, les haricots, avec 0,2 partie par million, n'ont pas pu entrer sur le marché américain. Même si la réglementation sur la laitue accepte dix parties par million, comme le titulaire d'homologation n'a pas demandé une homologation pour les haricots secs, cela ne paraît pas sur l'étiquette et n'est donc par conséquent pas autorisé.

Nous avons le même problème en Europe. Les Européens sont très soucieux de l'innocuité des aliments et cherchent à diminuer le nombre d'ingrédients actifs homologués sur leur marché. Dans le cas de certains, il s'agit de produits chimiques très anciens qui ne sont pas utilisés, tandis que d'autres sont connus comme posant un problème. Nous les examinons et les éliminons progressivement au Canada.

Prenons les déshydratants de cultures à titre d'exemple de produits déclarés sûrs au Canada. Un déshydratant est un produit que l'on diffuse sur les cultures pour en accélérer la déshydratation. Ce produit est homologué et s'il est utilisé selon les recommandations de l'étiquette, les responsables de la santé au Canada savent qu'il est sûr. Pourtant, ce même produit n'est pas homologué en Europe, soit parce qu'il n'est pas jugé nécessaire ou parce que d'autres produits chimiques sont homologués, sans compter que la limite autorisée par les Européens pour ce produit venant du Canada correspond à zéro partie par million, malgré le fait que les responsables canadiens de la santé ont démontré qu'il est sûr à cinq parties par million.

Reste alors à savoir s'il s'agit d'une question de santé ou tout simplement d'une différence de réglementation. Des sociétés vont homologuer un produit pour un pays donné. De plus en plus, le résidu que l'on retrouve sur les cultures aspergées de ces produits devient un obstacle au commerce.

Je crois qu'il est difficile de prétendre qu'il s'agit d'une question de santé et de sécurité lorsque vous pouvez diffuser un produit particulier sur la laitue et les framboises à des taux 400 fois plus élevés que ceux que l'on retrouve sur les fruits et légumes canadiens, mais que ces fruits et légumes sont jugés comme ne respectant pas la réglementation américaine et ne peuvent donc pas être importés aux États-Unis. Cela rend-il notre réglementation plus souple ou la réglementation d'autres pays meilleure?

C'est la raison pour laquelle je dirais plutôt qu'il faudrait parler d'harmonisation afin d'éviter certaines de ces différences réglementaires qui, à mon avis, n'ont rien à voir avec la santé. En fait, c'est simplement parce qu'une société respecte les modalités d'homologation dans un pays, mais pas dans un pays importateur.

Le président: D'après vous, quel genre d'organisme international serait le mieux placé pour travailler sur l'harmonisation? Auquel pensez-vous?

M. Bacon: Codex Alimentarius existe depuis quelque 20 à 30 années. C'est l'organisme international auquel participent les représentants de Santé Canada et d'autres pour fixer ces normes internationales. On a pensé mettre sur pied un organisme international chargé d'établir des normes, notamment pour les pays qui n'ont pas les ressources ni l'expertise pour ce faire. Il me semble inhabituel — et je ne suis pas spécialiste du domaine — que des Canadiens participent à la mise au point d'une norme internationale qui, selon eux, n'est pas suffisamment élevée pour leur pays.

Le sénateur Tkachuk: Dans le même ordre d'idées, existe-t-il une organisation des légumineuses à grains organiques?

M. Bacon: Il existe des organisations de produits organiques qui englobent les légumineuses à grains comme étant l'une des cultures qu'elles produisent et représentent. Je ne connais pas d'organisations qui ne s'occuperaient que des légumineuses à grains organiques.

Le sénateur Mercer: Bonjour, messieurs, et merci d'être là. Je dois dire que les nouveaux produits et les nouveaux travaux de recherche dans le domaine de l'agriculture sont très prometteurs pour notre pays.

Y a-t-il de nouveaux marchés et de nouveaux produits que nous devrions rechercher et dont le gouvernement du Canada pourrait faciliter l'accès dans le contexte des échanges internationaux? Quels sont ces nouveaux marchés? J'ai été très impressionné d'apprendre que nous exportons vers de nouveaux marchés qui ne présentent pas les obstacles réglementaires auxquels nous sommes confrontés; nous essayons donc de nous éloigner de certains des marchés traditionnels pour ne pas nous y heurter.

M. Bacon: Les légumineuses à grains du Canada sont expédiées dans plus de 140 pays. Il est exagérément simpliste de dire qu'il s'agit des pois, des haricots, des lentilles et des pois chiches. Par exemple, les lentilles peuvent être vertes ou rouges, se présenter sous différentes tailles et formes; il existe au moins une douzaine de genres de haricots. Le type de produits expédiés correspond de près au marché ciblé.

Les sociétés canadiennes ont parfaitement réussi à percer les marchés du monde entier.

Nous arrivons toujours à obtenir de légères variations des produits, par exemple, un pois chiche de forme et de couleur différentes si bien qu'il convient mieux à la minoterie, ou un genre de haricot qui n'est pas actuellement produit commercialement aux États-Unis ou au Canada et qui, pourtant, est extrêmement recherché sur les marchés mexicain ou sud-américains.

Pulse Canada amène les sélectionneurs de végétaux dans le monde entier et recherche toujours des opportunités de culture d'un genre particulier de légumineuses à grains. Le concept de valeur ajoutée n'est pas trop pris en compte à ce moment-là.

Dans la recherche de nouveaux produits et de marchés à valeur ajoutée, nous avons parcouru les marchés des États- Unis et du Canada, nous avons rencontré de nombreuses collectivités ethniques, pour voir le genre de produits qui se trouvent sur les tablettes et pour savoir d'où ils viennent afin de déterminer s'il est possible d'amener ce genre de production au Canada.

En décembre, Pulse Canada a accompagné le ministre Vanclief lors d'une mission en Inde. Nous nous sommes arrêtés dans une société de transformation produisant des grignotines à base de légumineuses à grains et il a été question que cette société s'implante au Canada.

Nous nous intéressons à ces genres de choses. Nous aimerions aller au-delà de ce que nous faisons actuellement et trouver des produits que vous et moi ne pouvons même pas imaginer aujourd'hui. Il s'agirait, par exemple, d'utiliser un type particulier de féculent dans un processus industriel, ou comme additif alimentaire pour améliorer les produits qui existent déjà.

C'est grâce à la recherche que l'on trouvera les opportunités nous permettant d'aller plus loin.

Le sénateur Mercer: J'aimerais parler un peu plus de l'intérêt local. Je remarque que vos adhérents se retrouvent surtout dans l'Ouest canadien — en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario. Il n'est pas fait mention de Québec ni non plus du Canada atlantique. Est-ce parce que nous ne faisons pas ce genre de cultures dans le Canada atlantique? L'aspect écologique de certains de ces produits me paraît particulièrement intéressant. Il pourrait être utile au plan écologique que les régions du Canada atlantique où l'on cultive traditionnellement la pomme de terre ou d'autres légumes s'intéressent à ce domaine. Cela permettrait également de diversifier nos cultures et de faire gagner plus d'argent aux producteurs.

Vous avez fait mention de trois établissements de recherche. Vous n'avez pas parlé de la station de recherche en Nouvelle-Écosse. J'en conclus qu'aucun travail de recherche ne s'y fait.

M. Bacon: Les provinces productrices de légumineuses à grains sont la Saskatchewan, l'Alberta, le Manitoba et l'Ontario. Il y a également au Québec une production de haricots canneberges. L'Association canadienne des cultures spéciales qui fait également partie du groupe des légumineuses à grains a des adhérents du Québec.

Il n'y a pas d'organisation de cultivateurs de légumineuses à grains au Québec ou dans les provinces maritimes, parce que la base de production est très limitée, voire inexistante.

Je ne sais pas vraiment pourquoi la production commerciale de légumineuses à grains dans le Canada atlantique n'est pas plus importante, car je ne suis pas spécialiste agronome. Je peux aussi dire qu'aucune recherche dans l'amélioration et le développement des légumineuses à grains ne se fait dans les Maritimes. Peut-être est-ce là une explication, je ne le sais pas. Nous n'excluons personne, mais évidemment, nos associations représentent les régions où l'industrie est la plus concentrée.

Le président: En Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba, utilise-t-on des techniques de culture sans labour, avec des semoirs pneumatiques, et cetera, de manière à ne pas autant perturber le sol lorsque l'on cultive des légumineuses à grains? S'agit-il d'une technique standard?

M. Froese: C'est diversifié. Certains font de la culture sans labour, d'autres s'en tiennent au travail classique du sol. Dans le sud du Manitoba, il faut s'en tenir au travail classique du sol à cause des propriétés du sol. On est confronté à des problèmes d'humidité excessive, tandis que la Saskatchewan et l'Alberta veulent conserver l'humidité et emploient donc toutes les techniques de labour.

Le sénateur Sparrow: Qu'est-ce que la moutarde? Est-ce une graine oléagineuse?

M. Bacon: Oui.

Le sénateur Sparrow: Vos acheteurs sont-ils agréés et, si oui, par qui?

M. Bacon: Voulez-vous parler de ceux qui achètent les légumineuses à grains des cultivateurs de l'Ouest canadien?

Le sénateur Sparrow: Oui.

M. Bacon: Oui et non; certains transformateurs, mais pas tous, sont agréés et cautionnés par la Commission canadienne des grains.

Le sénateur Sparrow: On nous a laissé entendre que certains producteurs ne sont pas payés pour leurs produits. Est- ce véritablement un problème? Lorsque vous parlez des «acheteurs», vous parlez des transformateurs, n'est-ce pas? Un transformateur va mettre le produit en sac, le classer, et cetera. C'est un transformateur aussi bien qu'un acheteur.

M. Bacon: C'est exact.

Le sénateur Sparrow: Pourquoi n'est-il pas exigé que tous ces transformateurs et acheteurs soient cautionnés pour que l'agriculteur ne se retrouve pas entre deux chaises et sans argent?

M. Bacon: Je vais me faire brièvement le porte-parole de Pulse Canada puis céder la parole à M. Froese, qui pourra vous parler dans la perspective des provinces. Pulse Canada ne s'est pas occupée de l'agrément et du cautionnement et n'a pas non plus pris position sur la garantie de paiement des producteurs à la livraison. Il s'agit bien sûr d'un point essentiel dans l'industrie des légumineuses à grains, comme en témoigne le fait que les organisations provinciales s'en sont chargées. Pulse Canada se concentre sur la scène et les politiques internationales qui touchent les échanges internationaux, tandis que certaines des questions plus nationales sont réglées au niveau provincial. Je vais demander à M. Froese d'en parler sous l'angle de la Manitoba Pulse Growers Association.

M. Froese: Nous n'avons pas pris d'orientation précise au Manitoba. C'est difficile, car si l'on demandait à tout le monde d'être cautionné et agréé, les restrictions pousseraient beaucoup de ces entreprises à la faillite, ce qui limiterait la croissance de l'industrie de transformation ou à valeur ajoutée.

Nous reconnaissons également que nos producteurs ont besoin de garantie. C'est là le dilemme.

Le sénateur Sparrow: Votre réponse n'est pas complète. En attendant, on profite de l'agriculteur puisqu'il n'existe aucun genre de garantie de ces fonds.

Prévoit-on quelque chose dans le proche avenir pour protéger le producteur? Est-il envisagé que quoi que ce soit? Il est essentiel que l'industrie fasse front commun pour régler ce problème.

M. Froese: Nous avons créé un comité regroupant les divers cultivateurs de légumineuses à grains de l'Alberta, du Manitoba et de la Saskatchewan et travaillons actuellement à la mise au point d'un système. Plusieurs options sont possibles et nous les analysons pour décider de l'orientation à prendre au sujet de la garantie du producteur.

Le sénateur Sparrow: Que devrait-il se passer d'après vous?

M. Froese: Il existe des points de vue différents à ce sujet, et mon opinion personnelle peut différer de celle de l'organisation, si bien que je préfère ne pas approfondir la question pour l'instant.

Le sénateur Sparrow: C'est l'une des questions critiques auxquelles est confrontée l'industrie. Ce qui me préoccupe ce matin, c'est que votre groupe ne prend pas vraiment position à ce sujet. On se contente de hausser les épaules et de dire: «Eh bien, on s'est fait avoir, désolé.» Il faut vraiment faire quelque chose à ce sujet.

M. Bacon: Le conseil d'administration de Pulse Canada, qui regroupe les cultivateurs et les représentants commerciaux de l'ensemble du Canada doit examiner la question des ressources humaines, financières, et concentrer ses efforts sur les points où, d'après lui, il peut contribuer le plus. Les responsabilités sont partagées. Certaines questions sont traitées au niveau de l'Association provinciale des cultivateurs, et lorsqu'il en va de l'intérêt commun, sont renvoyées au niveau national. C'est simplement que c'est à notre conseil d'administration de décider d'affecter les ressources de Pulse Canada, qui sont limitées, à certains autres domaines.

Le sénateur Sparrow: Seriez-vous prêts tous les deux à saisir vos conseils d'administration de cette question et à leur indiquer que nous nous en préoccupons et que peut-être il faudrait prendre davantage de mesures à cet égard?

M. Bacon: Certainement.

Le sénateur Sparrow: Merci.

Le président: Pourriez-vous envoyer une lettre au greffier du comité pour nous faire savoir ce qu'il en est de la demande du sénateur Sparrow?

Le sénateur Lawson: Au sujet de la commercialisation — et je crois que vous avez parlé de grignotines, et cetera — je ne sais pas si vous suivez de près la question du régime Atkins et du décès du Dr Atkins, mais il semble qu'au Canada, et aux États-Unis notamment, des milliers de magasins ouvrent pratiquement chaque jour pour vendre des aliments à faible teneur en hydrates de carbone à un prix élevé. Vos producteurs pourraient-ils envisager de passer au secteur du détail afin de vendre des aliments de santé composés de légumineuses à grains, ce qui leur permettrait d'augmenter leur revenu?

M. Bacon: Nous n'avons pas mis l'accent sur le secteur du détail. Nous essayons de fournir de l'information permettant aux professionnels de la santé d'examiner comment utiliser au mieux les légumineuses à grains dans le cadre d'un régime.

Le régime Atkins, par exemple, met l'accent sur la faible teneur en hydrates de carbone. Les légumineuses à grains ne sont peut-être pas l'un des aliments préférés du Dr Atkins, mais nous dirions que ce genre d'hydrates de carbone, dont la digestion se fait lentement, représente véritablement une partie importante d'un régime basé sur l'indice glycémique. Les légumineuses à grains deviennent très intéressantes, puisqu'elles permettent d'éviter les pics du taux de sucre dans le sang.

Nous mettons au point des fiches pour la Fondation des maladies du coeur du Canada ainsi que pour l'Association canadienne du diabète. Nous en préparons une actuellement sur l'acide folique et ses liens avec le spina bifida et d'autres anomalies congénitales. Notre organisation est petite et dispose d'un budget relativement peu important et plutôt que d'adopter une approche de front, nous mettons au point des outils pour aider les professionnels de la santé. Si vous consultez notre site Web, vous y trouverez de nombreuses recettes ainsi que de l'information en matière de santé et d'alimentation. Non seulement nous intéressons-nous au Canada, mais aussi essayons-nous de trouver des collaborateurs à l'échelle internationale. Pas plus tard que la semaine dernière, M. Froese et moi-même parlions à l'American Dry Bean Board au sujet d'efforts conjoints. Nous avons des liens étroits avec Pulse Australia, avec les associations européennes, et cetera. Peut-être ne sommes-nous pas sur la ligne de front, mais nous travaillons avec ceux qui s'y trouvent.

Le sénateur Lawson: La seule autre observation que je ferais porte sur le budget. Votre budget n'est pas suffisamment important. C'est ce que nous avons appris ce matin. Vous nous avez bien informés au sujet de l'industrie des légumineuses à grains et de ses avantages. C'est une histoire très intéressante qu'il vaut la peine de diffuser. Si nous choisissions 1 000 Canadiens au hasard, il n'y en aurait pas 10 qui sauraient ce dont vous parlez. C'est quelque chose de fort intéressant.

M. Bacon: Merci.

Le président: Vous avez dit que vous n'êtes pas présents au niveau du détail, mais vous nous avez beaucoup parlé des nouilles asiatiques, des féculents, et cetera. Êtes-vous dans le domaine de la fabrication? Si oui, où sont les usines? D'où provient le féculent des légumineuses à grains?

M. Bacon: Les diverses minoteries au Canada sont relativement petites. Nous avons une société de séparation de la protéine et des féculents dans l'Ouest canadien, dans deux endroits différents.

Le président: En Saskatchewan et en Alberta?

M. Bacon: Cette société en particulier a une usine au Manitoba et l'autre en Saskatchewan. Il s'agit de petites exploitations de minoterie. Il existe une société de fabrication alimentaire à Edmonton qui offre toute une gamme de produits à base de légumineuses à grains. Nous avons des conserveries en Ontario et au Québec. On retrouve des légumineuses à grains dans les produits congelés.

Nous parcourons également le monde pour avoir des idées. Nous participons à de grands salons de l'alimentation en Europe pour savoir comment valoriser davantage ce secteur.

Du point de vue de la recherche, il faut trouver comment mieux adapter les légumineuses à grains à la préparation rapide des aliments. Il faut peut-être un peu moins qu'une demi-heure pour faire cuire des lentilles, tandis qu'il faut beaucoup plus de temps pour les haricots, à cause de leur taille. Il faut trouver des moyens pour que les légumineuses à grains conviennent au consommateur d'aujourd'hui qui veut pouvoir préparer rapidement des aliments à partir de produits n'ayant pas subi de préparation de longue conservation.

M. Froese: J'aurais quelque chose à ajouter. Nous étions au Mexique, il n'y a pas longtemps, et nous y avons observé ce même souhait du consommateur. Comme l'économie et la population changent, il faudra développer des produits à cuisson plus rapide, des grignotines et ainsi de suite, si nous voulons préserver nos parts de marché de légumineuses, sans quoi nous les perdrons. Il y a tant de concurrence sur le marché des produits alimentaires qu'il faudra que nous changions. Il faudra faire de la recherche pour développer des produits qui nous permettront de conserver nos marchés.

M. Bacon: La consommation de produits de légumineuses à grain par habitant au Canada est l'une des plus faibles au monde. Certains pays où la consommation par habitant est beaucoup plus élevée observent une baisse sur les marchés opulents, baisse attribuable en partie au temps qu'il faut pour préparer les légumineuses. La question préoccupe l'industrie des légumineuses à grain du monde entier.

Le sénateur Gustafson: Quand les Canadiens se sont mis à cultiver le canola et la moutarde — dans le cas du canola, c'était il y a quinze ans —, cette production n'intéressait pas les Américains. Ces cultures semblent depuis lors s'être déplacées vers le sud. Le Dakota du Nord ou le Montana n'en cultivait pas à l'époque. Les Américains ne pratiquaient pas ce genre de culture. Ils ne croyaient pas pouvoir en faire pousser.

Que se passe-t-il sur le plan de la concurrence? Actuellement, les champs du Dakota du Nord sont jaunes, tellement on y cultive des oléagineux. Il s'y livre une très vive concurrence, cela ne fait aucun doute. Quelle expérience avez-vous vécue avec les cultures de légumineuses à grain à cet égard?

M. Bacon: En raison de la longueur de la saison de leur culture, les lentilles ont tendance à être cultivées dans les régions les plus sèches de l'Ouest canadien. Il s'en cultive au Manitoba, mais la plus grande partie de la culture se fait en Saskatchewan et dans la partie sud-est de l'Alberta.

Les pois chiches ont aussi tendance à exiger une saison de culture plus longue, de sorte qu'ils sont cultivés dans les régions plus chaudes et plus sèches. Les pois, par contre, que l'on estimait au début convenir à des régions plus froides et plus humides comme les forêts-parcs de l'Ouest canadien poussent bien même dans les régions plus sèches.

Le cas des haricots est également intéressant. Je vais laisser M. Froese vous en parler.

M. Froese: Il y a eu une transition mondiale vers la production au moindre coût. Cette transition s'est faite de l'Est jusque dans l'Ouest canadien. Il y a également eu transition en Chine qui, tout comme l'Amérique du Sud, compte d'énormes champs de production de légumineuses. Ce sont là de grands marchés et, comme ils sont liés au dollar américain dans un rapport de 7 pour 1, ils sont vraiment compétitifs.

Le sénateur Gustafson: Qu'en est-il du Dakota du Nord, de cette région des États-Unis au sud de Winnipeg? On doit y faire pousser beaucoup de légumineuses.

M. Froese: Il s'agit d'une des plus grandes régions de production de légumineuses au monde. Le marché y est très compétitif.

Le sénateur Gustafson: Je n'en doute pas.

Le sénateur Hubley: Quelle est la durée de conservation des légumineuses à grain comme les haricots ou les lentilles, si elles ont été bien séchées? Combien de temps se conserveront-elles?

M. Bacon: Les légumineuses à grain peuvent être entreposées très longtemps. Avec le temps, le tégument va changer de couleur à cause de l'oxydation. Or, l'apparence est très importante. Une des priorités sur le plan de la sélection est de mettre au point des variétés dont le tégument ne s'oxyde pas. Le taux d'absorption d'eau de certains genres de légumineuses à grain baisse à mesure que vieillit le produit.

Dans certains pays européens, les légumineuses à grain sont entreposées en tant que réserves de produits alimentaires, à des fins de sécurité alimentaire.

Le sénateur Hubley: C'est justement ce à quoi je pensais. J'en ai entendu parler.

M. Bacon: Certains types de légumineuses s'oxydent rapidement et leur couleur change, de sorte que leur apparence est à son meilleur immédiatement après la récolte.

Le sénateur Hubley: L'Institut culinaire du Canada, situé à l'Île-du-Prince-Édouard, forme des chefs du monde entier. Ce serait peut-être une bonne idée de communiquer avec ses dirigeants pour voir si vous ne pourriez pas présenter certaines de ces récoltes de sorte que les jeunes chefs en sachent plus au sujet de votre produit. Peut-être pourraient-ils vous proposer des façons nouvelles et créatrices de présenter votre produit.

Le président: Je dois dire que vous nous avez fait des exposés absolument superbes. Les sénateurs s'intéressent beaucoup à ce que vous faites. J'y vois un énorme potentiel de valeur ajoutée pour les produits de la ferme dans tout le Canada. C'est pourquoi nous nous y intéressons tant.

Le sénateur Fairbairn: J'aimerais revenir à la question qu'a soulevée le sénateur Lawson au sujet des bienfaits pour la santé. Votre exposé d'aujourd'hui promet beaucoup de potentiel. Nous avons parlé de l'emploi innovateur de pois à une usine albertaine pour fabriquer un produit qui se rapproche du beurre d'arachides, mais qui ne provoquerait pas de réaction allergique. Vous avez mentionné les avantages qu'offrent les légumineuses à grain dans la gestion du diabète. Vous avez aussi parlé de la prévention des maladies cardio-vasculaires. Vous avez dit également que la forte teneur en acide folique joue un grand rôle dans la prévention des anomalies congénitales.

Nous vivons à une époque où quotidiennement, nous sommes confrontés à la question d'améliorer la santé publique pour une clientèle de tous âges. Il s'agit d'un élément troublant de notre société. La façon dont nous mangeons et la façon dont nous nous maintenons en santé est importante. On devrait se presser à votre porte pour vous demander d'accroître votre production.

Comment votre produit est-il distribué? Il n'est pas question seulement de manger des produits frais. Une entreprise est-elle en train de mettre au point un procédé pour vendre votre produit en gélules ou en sirop que pourrait aisément se procurer le Canadien moyen?

M. Bacon: Étant donné la courte histoire de l'industrie au Canada et le manque de fonds de recherche, nous commençons tout juste à faire une analyse des composantes des légumineuses à grain. C'est un domaine prometteur.

Aussi récemment qu'il y a six ans, une grande entreprise asiatique de production d'aliments m'a demandé quelle était la teneur en amidon des légumineuses à grain canadiennes. Malheureusement, non seulement étais-je incapable de lui répondre, mais il ne s'effectuait même pas de recherche à ce sujet au Canada.

À mesure que nos fonds nous le permettent, nous commençons à étudier les composantes particulières des légumineuses à grain qui sont bénéfiques pour la santé. Nous savons que nos cultures en contiennent mais, je le répète, il faut faire de la recherche fondamentale pour comprendre en quoi nous légumineuses à grain ont une composition différente de celles qui sont cultivées dans d'autres régions. Jusqu'à ce que nous sachions où se trouve notre avantage sur la concurrence — ce que nous dira la recherche —, le développement n'ira pas plus loin.

Le sénateur Fairbairn: Donc, vous n'en êtes pas encore au stade de la commercialisation?

M. Bacon: Pas sous forme de supplément ou de concentré. Je suppose que c'est la raison pour laquelle nous nous efforçons surtout de faire augmenter la consommation de légumineuses à grain et de mieux faire connaître ce produit.

Sénateur Fairbairn, je tenais à vous parler d'une chose qui nous enthousiasme énormément et dont nous sommes fiers. Pulse Canada et les associations provinciales de producteurs de légumineuses à grain commanditent une athlète qui fait partie de l'équipe canadienne de l'aviron et qui participera aux Jeux olympiques d'été qui auront lieu en Grèce. Nous sommes fiers de l'appuyer, en partie parce qu'elle a reconnu la valeur nutritive des légumineuses à grain, l'importance de cette source d'aliments faibles en gras et à forte teneur protéinique.

Nous sommes également fiers parce que son frère est un producteur de légumineuses à grain du sud de l'Alberta et un ex-président de l'association provinciale représentant ces producteurs. L'athlète s'appelle Pauline Van Roessel. Elle s'entraîne avec l'équipe olympique, mais elle a accepté, après la tenue des Jeux olympiques, de prendre la parole publiquement pour expliquer son approche à l'égard de l'alimentation, comment elle se fixe des objectifs et s'efforce d'avoir un régime alimentaire et un style de vie sains. Nous espérons manifestement que l'équipe canadienne d'aviron brillera par sa présence aux Jeux olympiques et que l'athlète reviendra ici pour véhiculer ce message aux Canadiens d'un océan à l'autre.

Le sénateur Fairbairn: Raison de plus pour encourager l'équipe. J'espère que certains athlètes que je connais dans le mouvement paralympique le feront également.

Ce qui me frappe, c'est qu'il est question ici des deux principales causes de décès au pays — je parle bien sûr du diabète et des maladies cardio-vasculaires. Si ces produits peuvent aider d'une façon quelconque à améliorer la situation, c'est d'autant plus excitant. J'espère certainement que, dans le monde commercial et au sein du gouvernement, vous obtiendrez plus d'appui dans la poursuite de vos objectifs, parce qu'ils ont beaucoup d'importance pour la qualité de vie de nos concitoyens.

Le sénateur Sparrow: Existe-t-il à l'étranger des marchés dont la demande n'est pas satisfaite et que nous pourrions approvisionner à un prix raisonnable? Je vous pose la question parce que j'aimerais savoir s'il y a des cultures que vous pouvez recommander cette année en vue d'approvisionner un éventuel marché.

M. Bacon: Non. Ce serait difficile à faire. Nous pouvons suivre l'évolution des différents marchés. Nous pouvons voir ce que produit l'Inde durant l'hiver et nous faire une idée de l'effet que cela pourrait avoir.

Les marchés de légumineuses à grain sont très compliqués. Certains marchés précis ont une demande connue pour un certain genre de légumineuses à grain — par exemple, les conserveries de haricots savent d'année en année de combien de haricots elles auront besoin. Toutefois, sur d'autres marchés — l'Inde, le Bangladesh et le Pakistan sont de bons exemples, car un pourcentage élevé de leur population est végétarienne et le Canada leur fournit des pois et des lentilles jaunes et verts —, nous ne pouvons pas prédire d'année en année ce que sera la demande.

C'est attribuable en partie au fait que le consommateur indien peut substituer toute une gamme de produits, y compris ceux qui ne sont pas cultivés au Canada, comme le pois cajan, qui est davantage une culture tropicale, ou le haricot papillon. Non seulement faut-il suivre ce que font nos concurrents, en termes de ventes de haricots à l'Inde — notamment l'Australie, la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, le Danemark, l'Ukraine, cette longue liste de pays qui fournissent l'Inde en haricots —, mais également ce qui se passe au Myanmar, en Tanzanie et dans d'autres pays qui produisent certaines de ces cultures tropicales. C'est un de ces domaines où, pour ce qui est de prévoir la demande, notre organisme s'en remet à des entreprises privées spécialisées dans les études de l'offre et de la demande.

Le sénateur Sparrow: Comment le fermier peut-il avoir accès à cette information pour savoir quels produits il serait utile de cultiver — cette année ou d'année en année?

M. Froese: Il existe sur le marché des fournisseurs de services qui produisent toutes sortes d'informations et d'analyses, et la plupart des fermiers et des producteurs y ont accès. Si, en tant que groupe de producteurs, nous recommandions qu'ils fassent pousser une certaine variété, nous inonderions ce marché.

Le marché des légumineuses à grain est un véritable marché de l'offre et de la demande. Si l'offre est excédentaire, les cours baissent; s'il y a pénurie, les cours augmentent. Il appartient au producteur de suivre ce qui se passe dans le monde.

Le sénateur Sparrow: Il est difficile pour certains cultivateurs d'obtenir cette information.

M. Froese: C'est vrai.

Le sénateur Sparrow: Ils auraient plus facilement accès à l'information dont vous disposez.

M. Bacon: Ce que vous venez de dire me rappelle quelque chose qui est en cours. Sur notre site Web, les cultivateurs de légumineuses à grain qui paient des droits à une province ont accès à ce que nous appelons une fenêtre réservée aux membres qui donne de l'information sur 40 pays différents — certains des plus grands importateurs. Cette adresse renseigne sur les exigences de qualité et fournit des données statistiques sur les importations récentes et sur la part canadienne de ces marchés. Nous projetons également d'afficher sur ce site Web beaucoup de comptes rendus de voyage que nous avons rédigés après être allés à l'étranger.

Je vous remercie d'avoir posé la question, parce que les cultivateurs ignorent l'existence de ce service. Il n'est du moins pas évident qu'ils en sont conscients d'après le nombre de personnes qui y ont souscrit. Une partie des renseignements dont vous parlez est affichée sur le site Web, mais nous n'allons pas jusqu'à recommander ce qu'il faudrait planter.

Le président: Un régime de gestion de l'offre serait certes utile. Ce n'est qu'une idée que j'ai lancée comme cela.

Le sénateur Tkachuk: J'aimerais éclaircir quelque chose qu'a mentionné le sénateur Sparrow dans ses premières questions au sujet des cultivateurs qui ne sont peut-être pas payés. Est-ce le fait de certains courtiers ou sont-ce plutôt les entreprises qui achèteraient le produit? Pourriez-vous me le préciser?

M. Bacon: La Commission canadienne des grains a sur pied un programme de courtiers en grain autorisés et cautionnés. En cas de faillite, ils paient, je crois, 90 p. 100 du montant dû si le cultivateur n'a pas été payé après avoir livré son grain à un courtier autorisé et cautionné. La plupart des personnes qui achètent des légumineuses à grain de cultivateurs au Canada font partie de ce régime de la Commission canadienne des grains, mais il y en a qui n'en sont pas membres. La source de préoccupation est le fait qu'un cultivateur qui a livré son produit à une installation non autorisée qui ferait par la suite faillite pourrait ne pas se voir payer.

Le sénateur Tkachuk: J'en déduis — vous me corrigerez si je fais erreur — que l'industrie tente de faire quelque chose de tout à fait atypique au Canada, c'est-à-dire qu'elle tente de résoudre un problème par elle-même, sans demander au gouvernement d'intervenir.

M. Bacon: Les groupes de cultivateurs travaillent effectivement à ce problème depuis dix ans probablement. Comme l'a mentionné M. Froese, ils ont examiné toute une gamme d'options, y compris l'auto-assurance, une solution pour laquelle ont opté les producteurs de maïs de l'Ontario. Ils examinent la façon dont un programme de cautionnement ou d'assurance pourrait être géré, soit par les groupes de cultivateurs eux-mêmes ou de concert avec la Commission canadienne des grains.

Actuellement, je suppose qu'il y a des raisons pour lesquelles certains ont élu d'être cautionnés et d'autres pas. Ces organismes de cultivateurs tentent simplement d'améliorer la situation actuelle. Il existe un régime en place. Ils discutent simplement de la façon de l'améliorer.

Le sénateur Tkachuk: Nul n'oblige le cultivateur à vendre à une personne en particulier. C'est lui qui fait ce choix.

M. Bacon: C'est juste.

Le sénateur Sparrow: Comment le cultivateur sait-il si l'acheteur est cautionné ou pas? Il n'y a pas d'écriteau qui dit: «Nous ne sommes pas cautionnés» ou «Nous n'avons pas de licence». Le producteur agricole n'en sait strictement rien, bien qu'il puisse faire une recherche. Toutefois, on suppose que les membres de cette industrie ont une licence et sont cautionnés et que les cultivateurs se font prendre par ignorance.

M. Bacon: Malheureusement, certains transformateurs de légumineuses à grains ont fermé leurs portes et, naturellement, il a été question dans les médias du niveau d'indemnisation qu'ils ont reçu, que ce soit d'un courtier cautionné ou pas. À mon sens, les agriculteurs sont conscients du problème et demanderont probablement à savoir si la personne à laquelle ils envisagent de vendre est cautionnée. La Commission canadienne des grains serait une autre source d'information. Vous avez raison toutefois qu'il n'y a pas d'écriteau dans l'entrée précisant que le courtier est cautionné ou pas.

Le sénateur Lawson: Dans la foulée de ce dont a discuté le sénateur Fairbairn, de votre athlète olympique et de tout le reste, les médias n'en parlent pas beaucoup. Tout ce qui les intéresse au sujet des athlètes, ce sont les stéroïdes, leur impact négatif, les morts qu'ils causent et toutes les études révélant que, bien qu'ils aident les athlètes à prendre du volume et à améliorer leur performance temporairement, ils auront de graves conséquences plus tard. Votre groupe devrait peut-être voir là l'occasion — je parle des jeux olympiques — de préciser les conséquences nocives des stéroïdes et les avantages de votre produit. Le sénateur Fairbairn et moi devrions peut-être vous aider à faire votre mise en marché. L'idée a peut-être du bon.

M. Bacon: Je vais vous prendre au mot, car tout en nous concentrant sur les jeux olympiques d'été de cette année, nous ne perdons pas de vue l'avenir et le fait que le Canada accueillera les jeux olympiques d'hiver en 2010. L'industrie des légumineuses à grains étudie la façon dont elle peut capitaliser sur ce qu'elle sait être un groupe d'aliments très importants dans l'accent qui sera mis pendant les jeux olympiques sur le mode de vie, l'établissement d'objectifs et une vie saine. Il faut porter notre message à un autre niveau. Nous estimons avoir un excellent produit alimentaire auquel peuvent s'identifier beaucoup de Canadiens et de nombreuses personnes partout dans le monde.

Le sénateur Lawson: Il y a vingt ans, quand le Mexique a ouvert ses usines dans la maquiladora, de nombreux producteurs de la Californie s'y sont installés pour profiter de la main-d'oeuvre bon marché et de l'absence de normes environnementales. Ces entreprises réexpédiaient leurs produits aux États-Unis, sans préciser le pays d'origine. Bien des gens croyaient acheter un produit américain cultivé en fonction de normes environnementales élevées et à des salaires équitables, mais ce n'était pas vraiment le cas. Elles sont maintenant obligées de préciser le pays d'origine, de sorte que, lorsque le produit vient du Mexique, il doit être identifié comme tel.

Voici donc la question que je me pose: quand vous expédiez vos produits aux acheteurs, êtes-vous tenus, par une loi ou par un autre moyen, de préciser le pays d'origine, de préciser qu'il s'agit d'un produit canadien?

M. Bacon: Les entreprises de transformation se plient aux exigences des sociétés d'importation. Certaines entreprises exigent que figure l'inscription «Produit du Canada», mais nous respectons les exigences de l'importateur, quelles qu'elles soient.

Le sénateur Lawson: Si l'importateur n'a pas besoin de cela ou n'en veut pas, insistez-vous? S'il produit un nouveau type de nouille ou un nouveau substitut du beurre d'arachide à l'aide d'un produit du Canada, ne pouvez-vous pas insister pour que l'on identifie la provenance du produit, soit le Canada?

M. Froese: La plupart des produits transformés sont expédiés dans des sacs de 100 livres sur lesquels figure la mention «Produit du Canada», mais nous n'avons aucun contrôle sur ce qui se passe une fois qu'ils cheminent plus loin le long de la chaîne alimentaire.

Le sénateur Lawson: Vous ne bénéficiez pas de la valeur ajoutée attribuable au Canada.

Il faut trouver un moyen de contourner cela.

Le sénateur Fairbairn: Je ne crois pas qu'il soit ridicule de ma part de vouloir explorer cette avenue davantage car vous avez dit une chose fascinante aujourd'hui qui nous a amenés à penser non seulement à la santé de la population en général, mais à des personnes aptes à promouvoir la santé publique. Il n'y a pas d'image plus parlante en matière de santé et de dynamisme que celle des athlètes canadiens qui vont compétitionner aux Jeux olympiques et paralympiques. Il y a plusieurs éditions des jeux qui se tiendront avant ceux qui auront lieu au Canada. Nous serons présents à Athènes en août, mais deux ans plus tard, nous serons à Turin, en Italie, pour les Jeux d'hiver et ensuite en Chine, pour la première fois pour les Jeux d'été. Il y aura plusieurs jeux olympiques d'ici 2010. À mon avis, ces athlètes sont toujours en quête de façons d'améliorer leur santé. En outre, pour les organismes qui les parrainent, ils présentent une vitrine formidable pour les Canadiens, et pour eux.

C'est une perspective qu'il ne faudrait pas prendre à la mesure. C'est une avenue qu'il vaut la peine d'explorer et je suis certaine qu'un grand nombre de nos athlètes seraient d'accord avec moi.

M. Bacon: Sénateur Fairbairn, je suggère que notre comité demande à l'athlète olympique Pauline van Roessel de comparaître après les Jeux olympiques. Elle pourrait vous livrer directement son message sur son approche, sur la façon dont ses objectifs, son mode de vie sain et la consommation de légumineuses ont contribué à son succès en tant qu'athlète internationale.

Le sénateur Fairbairn: Ce serait formidable. En effet, il est aussi important de faire savoir aux autres athlètes qui s'entraînent que c'est une option.

Le président: Nous nous attendons à ce qu'elle affiche «Pulse Canada» sur sa tuque.

Le sénateur Mercer: Je voudrais parler du développement de nouveaux marchés en Asie, et particulièrement en Chine et dans le sud-est asiatique.

Avez-vous parlé à des gens de l'ACDI pour que nous utilisions ces produits dans notre programme d'aide alimentaire, particulièrement en Asie et en Corée du Nord? Je songe à la création de futurs marchés. Ces gens ne seront pas pauvres et affamés indéfiniment, mais ils auront toujours faim de sorte que nous pourrions développer des marchés pour ce type de produit qui semblent bien s'intégrer à leur culture.

Au sein d'autres comités, le sénateur Hubley et moi-même avons discuté de divers moyens pour vendre des pommes de terre à la Corée du Nord puisque nous en avons un excédent. Évidemment, si nous pouvions vendre aussi du boeuf là-bas, ce serait bien.

Avez-vous discuté de cela? Y a-t-il une façon dont nous pourrions développer ce marché? Pour revenir à l'intervention du sénateur Fairbairn et du sénateur Sparrow, l'aspect mode de vie sain est intéressant, mais encore là les résultats sont à long terme.

M. Bacon: Oui, nous avons parlé à des représentants de l'ACDI. Nous nous faisons un devoir de visiter aussi des représentants du Programme alimentaire mondial, à Rome, au moins une fois tous les deux ans. Nous avons également des entretiens avec le Comité international de la Croix-Rouge à Genève et, bien entendu, nous collaborons avec certaines ONG au Canada. Chose certaine, le Programme alimentaire mondial, dont le siège social est à Rome, a augmenté sensiblement ses achats de pois jaunes cassés.

Encore hier, j'étais dans les bureaux de l'ACDI, où je me suis entretenu avec les assistants du ministre pour faire la promotion d'une démarche qui a fait ses preuves dans d'autres pays du monde. Il s'agit d'utiliser l'expertise scientifique qui nous a permis de devenir une grande nation productrice de légumineuses en vue de développer la capacité scientifique de certains pays parmi les plus pauvres. Si l'on considère la situation dans le monde, de nombreux régimes alimentaires sont fondés sur une céréale et une légumineuse. En Asie, ce serait le soja, une légumineuse, et le riz, une céréale. Au Mexique, ce serait le maïs et les haricots. Vous constaterez qu'il s'agit là de denrées de consommation courante dans le régime alimentaire des populations du Moyen-Orient.

A notre avis, il serait avantageux pour des pays pauvres de tenter de trouver des solutions à long terme à certains de leurs problèmes grâce à la recherche. En outre, des activités de ce genre peuvent être également bénéfiques pour les Canadiens. Cette approche — aider d'autres pays dans le monde à développer leur expertise — a été adoptée avec succès par certains de nos concurrents. En effet, nous partageons un grand nombre de préoccupations communes qu'il s'agisse de la résistance aux maladies, du rendement, de l'architecture des plantes, et cetera.

Dans la mesure du possible, nous avons fait la promotion de notre produit auprès de l'ACDI et d'autres agences d'aide.

Le sénateur Gustafson: Le prix est très important pour les agriculteurs. Quel est le prix moyen d'un boisseau de pois ou de haricots aujourd'hui?

M. Froese: Vous me mettez sur la sellette pour ce qui est du prix des pois. Je peux vous dire quel est le prix des haricots puisque j'en cultive. Il se situe entre 20 et 22 cents la livre. Pour leur part, les haricots ordinaires ou les haricots canneberges se vendent 28 cents la livre.

Le sénateur Gustafson: Pouvez-vous chiffrer cela en boisseau pour que nous puissions comprendre.

M. Froese: C'est environ 14 $ le boisseau.

Le sénateur Gustafson: Et les pois? La dernière fois que j'ai vendu des pois, c'était il y a deux ans à Yellow Grass, en Saskatchewan, pour la somme de 6 $.

M. Bacon: Je n'ai pas le prix courant. J'ai vérifié il y a trois jours, et le prix des pois canadiens destinés à l'alimentation des animaux, à Vancouver, s'établissait à environ 161 $ U.S. la tonne. Cela m'intéressait parce qu'un représentant de Pulse Canada est présentement en Asie pour faire la promotion des pois pour l'alimentation animale sur le marché asiatique en raison des prix élevés du maïs et du soja. Nous essayons de déterminer si les pois canadiens pourraient être concurrentiels sur ce marché au prix FAB Vancouver, plus le fret maritime.

Le sénateur Gustafson: Si l'on retranche le fret, cela représenterait environ 4 $ le boisseau.

M. Bacon: Peut-être un peu plus. Je n'ai pas fait la conversion en dollars canadiens par boisseau.

Le sénateur Gustafson: C'est une perspective importante pour les agriculteurs. J'ai fait quelques recherches sur le blé. À Crosby, dans le Dakota du Nord, un boisseau de blé se vend 5,66 $ canadiens. En Ontario, un boisseau de blé blanc, d'après l'Ontario Wheat Board, va chercher 5,10 $ le boisseau, et il peut être expédié directement aux États-Unis. Le prix au Weyburn Inland Terminal, auquel on ajoute un versement intérimaire additionnel, s'établit à 3,46 $ mais je sais qu'il y aura sans doute un autre paiement intérimaire et un paiement final. Le prix est très important pour les agriculteurs. Ceux-ci décident quoi planter en fonction du prix. Ainsi, à l'heure actuelle, le canola se vend à un bon prix. Quant à savoir s'il demeurera élevé, je l'ignore. Une autre question: Que peut faire notre comité? Vous m'avez convaincu de l'importance de la R et D car je pense que votre secteur est très dynamique. Que peut faire notre comité? Comment pouvons-nous vous aider à réaliser cet objectif? À mon avis, notre comité est fort compétent.

M. Bacon: Dans la perspective de la politique gouvernementale, voici les questions auxquelles les Canadiens doivent avoir réponse: quel rôle le gouvernement fédéral doit-il jouer dans le financement de la recherche agricole? Où faudrait- il investir l'argent disponible pour la recherche? Et quel sera l'engagement à long terme du gouvernement fédéral envers la recherche dans le domaine de l'agriculture? En sa qualité de principal bailleur de fonds de la recherche au pays, le gouvernement peut aussi jouer un rôle de rassembleur et coordonner les diverses réponses des cultivateurs de tout le pays étant donné qu'il s'agit de questions auxquelles le gouvernement ne peut répondre seul. Il faut élaborer une stratégie fondée sur l'apport de l'industrie et définir un partenariat entre le gouvernement, l'industrie et les producteurs. C'est un défi des plus stimulants pour nous tous. Une fois ce cadre en place, nous pourrons affirmer en toute certitude que l'investissement public dans la recherche agricole sera acheminé là où il donnera le meilleur rendement.

Le président: C'est une excellente réponse.

Le sénateur Sparrow: Quel pourcentage de la production canadienne de pois est vendu sous forme de pois cassés? Dans quelle mesure ce volet a-t-il augmenté au cours des dernières années? Je voudrais une ventilation pour ce qui est des pois destinés à l'alimentation animale et à la consommation humaine.

M. Bacon: Il est difficile de vous fournir des statistiques précises en partie à cause de la façon dont les données sont recueillies au moment de l'exportation. Je pourrais vous dire quel tonnage le Programme alimentaire mondial a acheté, ou toute autre agence spécifique, mais l'un des indices de cette croissance est sans doute l'augmentation du nombre d'établissements de transformation survenue dans l'ouest du Canada.

À mon retour à Winnipeg, je pourrai vous communiquer l'information dont je dispose, mais je ne l'ai pas avec moi ici aujourd'hui.

Le président: Monsieur Bacon, monsieur Froese, je vous remercie sincèrement au nom du comité. Votre exposé était excellent. Vous avez touché le coeur même du sujet qui intéresse profondément le comité. Grâce à vos recherches et votre programme de prélèvement, vous faites vraiment figure de chef de file. Votre entrée dans 140 pays avec ces produits à valeur ajoutée est un modèle que l'on peut suivre et élargir pour amener les agriculteurs canadiens dans l'ère moderne. Nous avons pris bonne note de vos propos et nous continuerons notre étude sur ce sujet important. Merci de votre contribution.

Voilà qui met fin à cette partie de la séance. Le comité continuera de discuter du rapport sur l'ESB à huis clos.

La séance se poursuit à huis clos.


Haut de page