Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 4 mai 2004
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 18 h 20 pour étudier les questions liées au développement et à la commercialisation de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée sur les marchés national et international.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Comme vous le savez, après l'étude que nous avons faite sur l'EBS, nous entamons une étude sur les produits à valeur ajoutée. La décision de faire cette étude est survenue suite aux déclarations des fermiers concernant leurs longues heures de travail, de jour comme de nuit, et le fait qu'il ne reste pas suffisamment d'argent à la ferme. Y a- t-il quoi que ce soit que l'on puisse faire pour ajouter de la valeur à leur produits afin qu'il reste plus d'argent à la ferme?
Dès lors, nous avons entendu des témoignages sur plusieurs produits, notamment des produits du boeuf, blé, raisins, fromages et autres. Nous essayons de voir ce que font les fermiers, les associations de fermier et d'autres groupes au Canada pour ajouter de la valeur afin que les membres des communautés agricoles puissent en bout de ligne gagner un peu plus d'argent.
Nous avons le plaisir de recevoir ce soir, Mme Linda Bramble du Cool Climate Oenology and the Viticulture Institute de l'Université Brock, où elle enseigne des cours généraux sur l'appréciation du vin et s'occupe d'un programme de perfectionnement professionnel en services à la clientèle et vente de vin. Elle est sommelière certifiée et anime une émission chaque semaine hebdomadaire sur la gastronomie et le vin. Elle a réalisé une étude sur le tourisme vinicole et produit un programme de formation pour l'excellence de la vente au détail, ainsi qu'un guide d'auto- évaluation pour l'excellence du tourisme vinicole, à l'intention des nouveaux propriétaires de vinerie.
Professeure auxiliaire à la faculté du commerce, elle a enseigné l'entrepreneuriat et donne des conseils sur le développement des qualités de chef et sur la commercialisation du vin.
Avec ce bagage très impressionnant, madame Bramble, nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire.
Mme Linda Bramble, Liaison avec l'industrie, Cool Climate Oenology and Viticulture Institute, Université Brock: C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui. Je vais aborder les questions liées aux défis et aux débouchés relatifs aux produits à valeur ajoutée dans le secteur vinicole du Canada. Je prendrai l'industrie vinicole pour exemple, dans l'espoir qu'il y a des leçons à tirer qui seront, peut-être, appliquées à dans d'autres secteurs de l'agriculture et des forêts.
Je traiterai six questions.
Je commence par les questions: quels sont les obstacles au commerce interprovincial et comment l'Industrie vinicole canadienne procède-t-elle pour élaborer et commercialiser des produits à grande valeur ajoutée? Je parlerai aussi de ce qu'il faut faire pour augmenter la part du marché et des questions relatives aux normes nationales. Finalement, je parlerai des normes utilisées comme instrument de commercialisation et des recherches en cours, au niveau national et régional. Je terminerai par un résumé de mes recommandations.
Mes remarques sont tirées d'une série d'entretiens que j'ai eus l'année dernière avec des dirigeants de notre industrie. Ces remarques m'ont servi à préparer un rapport présenté à Avignon, en France, le mois dernier. Linda Franklin, présidente du Wine Council of Ontario, a gracieusement offert son aide. Mes remarques d'aujourd'hui sont aussi fondées sur des observations faites à titre d'enseignante et d'écrivaine durant ces 22 dernières années.
Quels sont les obstacles au commerce interprovincial? Souvent longs et pénibles à surmonter, les obstacles réglementaires au commerce interprovincial ont pour la plupart été éliminés. Toutefois, il est un obstacle plus grave qui est plus difficile à vaincre, et c'est celui des attitudes. Au pays, nos régies des alcools ne semblent pas très enclines à favoriser l'achat de produits canadiens. Lorsqu'elles le font, elles ont tendance à écarter les vins de l'extérieur de la région. C'est la région qui a préséance. Il est très difficile de trouver des vins des autres provinces vinicoles sur les tablettes des succursales de notre régie provinciale.
Je propose que le gouvernement fédéral oblige les Régies des alcools à s'associer beaucoup plus étroitement avec l'industrie canadienne. Cela se justifie, je suis sûre que vous en êtes forts conscients, par le fait que la vente du vin sur le marché intérieur ajoute de la valeur dans l'économie. Selon une récente étude de KPMG, «Economic Impact of the Ontario Wine Industry on the Economy of the Province of Ontario in 1999, Final Report 2000», chaque bouteille de vin de pays rapporte 3,88 $ à l'économie contre 0,46 $ pour une bouteille de vin étranger. Il est évident que l'achat de vins canadiens rapporte plus à notre économie.
Ma deuxième question: comment l'industrie vinicole canadienne procède-t-elle pour élaborer et commercialiser des produits à plus grande valeur ajoutée? Je vais diviser cette question en deux parties.
Je vais d'abord parler de la façon dont l'industrie vinicole canadienne procède pour élaborer des produits à plus grande valeur ajoutée. Comme vous le savez, la qualité des vins canadiens s'est beaucoup améliorée. Il ne s'agissait pas simplement de commercialiser le produit. L'industrie a un retard à rattraper pour se gagner la faveur du consommateur. Peu de pays ont dû affronter ce défi. L'industrie a dû convaincre le consommateur qu'elle s'était complètement transformée. Comme vous en êtes fort conscients, nous produisons aujourd'hui des vins d'une grande renommée.
Compte tenu qu'il est maintenant de grande qualité, le produit pourrait servir, à mon avis, de modèle pour élaborer et commercialiser d'autres produits agricoles. Examinons rapidement le consommateur d'aujourd'hui. «L'ancien consommateur» — pas en fonction de l'âge, mais ceux qui achetaient entre les années 50 et 70 — recherchaient la commodité et un grand choix de produits à bas prix.
Toutefois, ce qui motive le nouveau consommateur, c'est la quête d'authenticité. La valeur ajoutée recherchée dans le produit, c'est son authenticité. Un nouveau consommateur recherche des produits qui sont naturels, définis dans le temps et l'espace, et il sera prêt, si sa curiosité est piquée suffisamment, à faire un détour pour être témoin de l'authenticité du produit. L'authenticité d'un produit semble lui conférer une plus grande valeur qu'à un autre, produit en série par un fabricant invisible et indifférent. Cela est vrai pour n'importe quel secteur agricole ou forestier.
Les produits agricoles, la campagne en général et le vin en particulier, dans le cas qui nous intéresse, répondent merveilleusement bien à leur soif d'authenticité dans leur quête de produits et d'expériences. La question qui se pose est: Comment l'industrie vinicole procède-t-elle pour élaborer son produit, le vin, et augmenter sa valeur? Le tourisme viticole est l'une des façons. De gros investissements ont été faits pour construire des installations d'une grande splendeur et améliorer l'accueil réservé sur le marché aux nouveaux entrants, pour des séances de formation et des programmes de perfectionnement professionnel des employés, notamment en matière de commerce de détail et de concession.
Le développement de l'industrie se fait aussi au moyen de la recherche. Le Cool Climate Oenology and Viticulture Institute, fait actuellement des recherches sur le vin, les visites de vignobles, la viticulture et la fabrication du vin. Le Wine Council of Ontario a aussi effectué des études pour définir ses orientations stratégiques. Alors que des établissements vinicoles font leurs propres recherches. La plupart de ces recherches sont exclusives, mais les établissements partagent une grande partie des résultats de leurs recherches avec le reste de l'industrie.
Je veux, toutefois, souligner qu'un outil essentiel de développement de l'industrie par la recherche a été aboli dans un grand nombre de provinces — c'est-à-dire les services de consultation. Dans notre cas, cette interdiction des services de consultation rend plus difficile la résolution, par les producteurs, des problèmes quotidiens. Mon institut se préoccupe autant de la recherche appliquée que de la recherche fondamentale, mais la plupart des problèmes quotidiens persistent, car ce service de consultation n'existe plus.
Le développement de l'industrie au moyen de liens a été un progrès fascinant particulièrement dans notre secteur. Il y a quelques années — grâce à une subvention fédérale — le projet Taste of Niagara était entrepris. Ce programme visait à établir des liens entre des agricultures et des chefs cuisiniers sur un produit. En d'autres mots, un chef qui voulait des pommes de terre bleues pouvait passer un contrat avec un agriculteur local qui devait les cultiver spécialement pour lui. Ce service est devenu populaire aujourd'hui et de nombreux restaurants ont leurs propres «chasseurs» qui vont à la recherche d'agriculteurs qui fourniront des produits spéciaux aux chefs locaux.
Un autre moyen de développer l'industrie est d'organiser de grands événements parrainés par de grandes organisations ou par des établissements vinicoles particuliers. Une autre façon est d'organiser des conférences et des colloques pour inciter l'échange d'informations. L'université a organisé, il n'y a pas longtemps, l'événement «Bacchus to the Future» qui a réuni tous les intervenants — notamment, l'industrie, le commerce et des scientifiques — pour qu'ils apprennent les uns des autres. En novembre de cette année, il y aura une conférence sur le tourisme culinaire. Cinq universités collaboreront au niveau de la recherche visant à promouvoir le tourisme culinaire. Le projet devrait se poursuivre sur un horizon de trois ans.
En ce qui concerne les échanges d'informations, je ne peux assez insister sur les excellents échanges d'information au sein de l'industrie. Nous collaborons; nous sommes conscients du fait que même si nous sommes bons, nous sommes très petits et pour cette raison, nous ne pouvons fonctionner seul. Notre marque est le Canada.
Le président: Cela veut-il dire que des gens de l'Ontario collaborent avec des gens de l'industrie dans des endroits comme la Colombie-Britannique?
Mme Bramble: Mes remarques signifiaient plus que nos producteurs collaborent non seulement avec les établissements vinicoles dans l'Ontario, mais aussi avec les intervenants, les fournisseurs et les agences de tourisme de l'Ontario.
Toutefois, je sais, par le biais d'organisations comme la Canadian Vintners Association, d'autres associations et la Régie des alcools que nous pouvons faire encore plus pour établir une collaboration plus étroite entre nos communautés vinicoles. Nous réalisons que nous sommes trop petits pour travailler seul. Voilà quelques façons pour élaborer le produit et augmenter sa valeur.
En ce qui concerne la commercialisation, les rencontres habituelles tels que les circuits de commercialisation de la Régie des alcools, l'appellation VQA, le tourisme viticole, les magasins de vins, les événements et les médias sont toujours bien courus. Toutefois, le récent partenariat avec la Régie des alcools de l'Ontario pour promouvoir les vins ontariens est le plus important projet en Ontario. Le programme s'appelle «WOW», «wonderful Ontario wines». La Régie des alcools de l'Ontario et les établissements vinicoles collaborent pour élaborer un programme de formation qui permettra à des employés de 250 succursales choisies de suivre une formation uniquement consacrée aux produits de l'Ontario. Donc, si un client a une question sur un Riesling particulier, un employé aura reçu une formation et acquis des connaissances spécifiques à ce produit. Le programme a donné des résultats excellents et les ventes sont là pour le prouver.
Pour augmenter les produits agricoles à valeur ajoutée des autres secteurs de l'agriculture, il faut améliorer l'accès à l'expérience rurale. De nos jours, les consommateurs recherchent des produits authentiques. Ils veulent se rendre à la campagne et voir par eux-mêmes ce qu'il en est.
Mes autres suggestions sont les suivantes: aider les entrepreneurs qui ont un produit original à vendre; faciliter l'établissement de liens entre fournisseurs et fabricants; favoriser la tenue d'événements ruraux; favoriser l'échange d'informations et l'apprentissage. Et favoriser la coopération entre intervenants à l'échelle locale.
La troisième question: que faut-il faire pour augmenter la part du marché des vins canadiens ici? Premièrement, il faut uniformiser les règles du jeu au Canada. Le Canada est un des plus grands importateurs de vin de toutes les grandes régions vinicoles. Cependant, nos producteurs ne bénéficient pas des mêmes subventions que leurs concurrents qui exportent au Canada. C'est une concurrence déloyale.
Deuxièmement, le lourd fardeau fiscal que doit porter notre industrie. Ce fardeau fiscal est en fait le plus élevé au monde. Je suis sûr que vous avez entendu d'autres commentateurs de l'industrie vinicole le dire. Donc, la suggestion vise à mieux uniformiser les règles du jeu en exonérant les petits producteurs de vin VQA des droits d'accise — autrement dit, les vins qui sont produits au Canada, pas ceux qui sont importés de l'étranger.
Que faut-il faire pour augmenter la part du marché des vins canadiens à l'étranger? En Asie, c'est on ne peut plus clair, mais en ce qui concerne l'accès à l'UE, à d'autres secteurs des États-Unis et à d'autres marchés d'exportation, ils doivent réaliser que lorsqu'ils achètent du vin canadien, ils achètent un vin de qualité uniforme. Je suggère de continuer de soutenir les efforts de commercialisation à l'exportation tout en reconnaissant l'urgence d'établir des normes nationales pour le vin comme cela a été fait pour d'autres produits agricoles.
Ce qui m'amène à ma prochaine question: pourquoi des normes nationales visant à augmenter la qualité, la confiance et la valeur ajoutée? Je suggère l'élaboration de normes qui, non seulement compléteront la législation fédérale comme le prévoit la Loi sur les produits agricoles au Canada, mais aussi elles réuniront les provinces autour d'une norme nationale convenue sur les produits vinicoles.
Normes utilisées comme instrument de commercialisation. Cela a été démontré en France, en Italie, en Espagne et dans toute l'Europe, mais aussi dans notre propre province de l'Ontario où, par exemple, la VQA a été inscrite dans une loi, elle aide à sensibiliser le public au fait que l'Ontario produit des vins de qualité supérieure à partir de variétés de raisins viniféra parmi les meilleures au monde. Elle a gagné la confiance des consommateurs puisque les ventes de vin VQA ont augmenté d'au moins 10 p. 100 chaque année depuis l'introduction de l'appellation. L'appellation est si efficace qu'elle est copiée dans plusieurs États américains.
Je suggère d'encourager les provinces du Québec et de la Nouvelle-Écosse à établir leurs propres normes et, avec la Colombie-Britannique, les inscrire dans une loi imposant leur adoption dans le respect de la Loi sur les produits agricoles au Canada.
Mon dernier commentaire, aujourd'hui, a trait à la recherche faite aux niveaux local et national. Pour l'Ontario, comme je l'ai mentionné plus tôt, l'érosion des services publics en matière de consultation et de recherches, ajoutée à la fermeture de la station de recherches Vineland, a pour effet qu'il est maintenant plus difficile de suivre les progrès dans le domaine et de résoudre les problèmes immédiats et à court terme. Dans bien d'autres pays, le secteur vinicole peut compter sur une aide financière du gouvernement. Le CCOVI de l'Université Brock fait de la recherche en matière d'évaluation organoleptique, de rehaussement de la saveur du raisin dans les vignobles, de production de vin de glace, de commercialisation du vin, de tourisme viticole, de ventes et de services, d'études sur le climat et les sols, de luttes antiparasitaires intégrées; mais il n'est pas en mesure de répondre aux besoins quotidiens des producteurs en matière de consultation.
Par conséquent, je recommande que le gouvernement augmente l'aide financière aux secteurs de la consultation et de la recherche pour permettre à l'industrie de régler ses problèmes pratiques avec plus de souplesse.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Madame Bramble, je vous remercie de votre excellent témoignage. Vous avez fait beaucoup de bonnes suggestions qui peuvent être mises en oeuvre non seulement pour le vin mais aussi pour beaucoup d'autres produits agricoles.
Vous avez parlé de l'importance du tourisme, de faire plus de recherches, de projets spéciaux pour des chefs spéciaux, d'échanges d'information et d'une suggestion qui ressort nettement, celle que vous avez appelée «l'accès à l'expérience rurale». Il y a trois ou quatre ans, le comité était en Europe avec le sénateur Gustafson et l'une des choses que la communauté européenne entreprend et finance est ce qu'elle appelle la «doctrine de la multifonctionnalité». C'est-à-dire que vous examinez plusieurs choses que vous pouvez faire dans votre communauté rurale en dehors de la production directe afin d'encourager les gens à retourner à la ferme et à participer à l'essor économique de leur communauté rurale. J'ai été fasciné de voir que ce soit l'une de vos suggestions.
Le sénateur St. Germain: Vous avez parlé du lourd fardeau fiscal imposé à notre industrie. Le fait est que si vous achetez des vins et que vous les buvez, vous remarquerez que des vins importés sont d'excellente qualité et que leurs prix signalent bien que si vous recherchez de la qualité, vous aurez tendance à acheter ces vins importés. Je crois que cela est fondé strictement sur le prix. C'est malheureux. Si le plus lourd fardeau fiscal au monde est imposé à notre industrie, il est logique qu'entre deux bouteilles de vin, une étant importée et d'une qualité supérieure, nous achetons celle-là.
Y a-t-il quoi que ce soit d'autre à faire? J'en parle en connaissance de cause puisque je bois du vin rouge. J'ai remarqué que certains vins importés d'Australie ou d'Afrique du Sud sont souvent meilleurs que les vins canadiens qui ont des prix équivalents. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de bons vins canadiens à l'étalage, mais ils sont plus chers.
Mme Bramble: Cinquante-huit pour cent de chaque bouteille de vin revient au gouvernement, ce qui n'est pas le cas en Australie ou en Californie. Cela signifie qu'il y a beaucoup moins d'argent qui retourne dans les poches de nos producteurs et qui ne peut être réinvesti dans les vignobles, dans la technologie, la promotion des ventes et la commercialisation, et cetera.
Le sénateur St. Germain: Est-ce que, du point de vue technologique, notre culture de la vigne est comparable à celle de la vallée de Napa? Je prends la vallée de Napa comme exemple, car j'y étais et je sais que l'on y utilise des détecteurs et des ordinateurs pour contrôler l'humidité. Ils ont tout le matériel. Est-ce que nos viticulteurs utilisent ce type de technologie?
Mme Bramble: J'aurais tellement voulu vous répondre oui. Nos producteurs sont au courant des progrès technologiques. La nouvelle technologie coûte cher et demande beaucoup de capitaux. Étant donné que nos producteurs sont jeunes — nous n'existons que depuis deux décennies et demie — nous n'avons pas les mêmes antécédents historiques. Autrement dit, ce n'est qu'en 1975 que notre industrie a été fondée. La Californie et l'Australie savaient qu'ils pouvaient cultiver l'espèce vinifera, qui est la vigne de meilleure qualité. Ce n'est que vers la fin des années 70 jusqu'au milieu des années 80, que nous avons appris que nous pouvions cultiver du Riesling, du Chardonnay et du Pinot Noir. Nous cherchons encore d'autres rouges que nous pouvons cultiver. Nous venons de découvrir que nous pouvons bien cultiver le Pinot Noir. Croyez-le ou non, nous pouvons aussi cultiver le Syrah.
Pour répondre à votre question, sénateur, lorsqu'ils le peuvent, oui, les grandes compagnies, comme Vincor, qui est la quatrième société vinicole en Amérique du Nord et Andrés, qui est la seconde au Canada, ont installé des détecteurs dans les vignobles. Le viticulteur, à partir de son canapé, surveiller ce qui se passe et suivre la température de ses cuves de fermentation et, si elle est trop élevée, il n'a qu'à appuyer sur un bouton et les panneaux de refroidissement entreront en action. Toutefois, la majorité de nos producteurs sont trop petits et n'ont pas accès à cette technologie. Pour répondre à votre question, nous n'avons pas les mêmes moyens technologiques qu'à Napa.
Je voudrais répondre à une question que vous n'avez peut-être pas posée et qui concerne la qualité de nos vins comparativement à celle de nombreux vins californiens. Je peux vous prouver que plusieurs types et styles de nos vins sont comparables aux vins californiens. En se basant sur une comparaison dans un climat froid, si l'on nous compare à un climat comme celui de la Bourgogne, je peux montrer cela. Je l'ai fait plusieurs fois. Une dégustation anonyme, en novembre dernier, réunissait tous les PDG et leurs responsables de la réglementation de toutes provinces du Canada. Il y avait 14 vins, sept canadiens, sept étrangers. 13 des 14 des vins préférés étaient des vins canadiens. Ils étaient appariés aux vins étrangers en fonction du prix, des mélanges et de la variété. J'avais un Bourgogne et aussi un Bordeaux. La bouteille de Bordeaux valait 29 $ et le mélange canadien venait de l'Okanagan — c'était un Jackson-Triggs — à 14,95 $.
Donc, la réponse à votre question est oui et non.
Le sénateur St. Germain: Est-ce que l'utilisation de technologie avancée comme celle utilisés par Napa améliorerait la qualité de nos vins? Est-ce que Napa reçoit des subventions du gouvernement américain?
Ma question vise particulièrement la Californie, car il se trouve que j'ai vécu sur la côte Ouest et que les Californiens sont nos cousins naturels.
Mme Bramble: Permettez-moi de répondre à l'aide d'un exemple. Vous savez peut-être que la Californie est sur le point d'être ravagée par un petit insecte appelé le tireur d'élite aux ailes de cristal ou «glassy-winged sharpshooter» qui transmet la maladie de Pierce. Cette maladie est, à ce jour, incurable et tout vignoble qui est en victime est décimé.
En fait, à la fin du XIXe siècle — je crois que c'était en 1890 — la maladie de Pierce a ravagé un petit village appelé Anaheim et depuis, il est impossible d'y cultiver des vignes. À l'époque, cette région produisait le plus de vins en Californie. Quelques décennies plus tard, un homme, du nom de Walt Disney, a acheté des terrains à Anaheim et a créé une nouvelle industrie. Cependant, l'industrie américaine finance, à coup de millions de dollars, des recherches visant à enrayer et à régler ce problème d'infestation.
En 2001, nous avons été envahis par une petite coccinelle asiatique de couleur orange. Quand cet insecte pénétrait dans les cuves de fermentation, il avariait les vins. Nos producteurs ont dû déverser des milliers et des milliers de litres de vins avariés. Nous ne bénéficions pas d'aide de nos gouvernements pour financer des recherches pour trouver des solutions. Notre université a fait de son mieux, avec une subvention qui s'élevait à, je crois, 50 000 $; cependant, de tels montants ne permettent pas d'obtenir des résultats ou des réponses à long terme. Nos gouvernements ne nous accordent pas le même type d'aide dont bénéficient les Californiens.
Le sénateur Mercer: J'ai beaucoup apprécié votre témoignage. Vous avez mentionné que cinq universités faisaient des recherches. Je suppose que l'Université Brock en fait partie. Quelles sont les quatre autres?
Mme Bramble: Il y a l'Université de Guelph, de Ryerson, l'Université de Windsor et le Humber College.
Le sénateur Mercer: Ces universités — à l'exception du Humber College qui est à Toronto — sont toutes situées dans le sud-ouest de l'Ontario. Je suis originaire de la Nouvelle-Écosse où, je crois, que l'industrie vinicole en est à ses premiers balbutiements. Je suis ravi des progrès accomplis dans les régions de Niagara et de l'Okanagan. Grâce à la beauté de nos paysages, de nos plages et de toutes les autres choses que nous avons sur la côte Est, je crois — et nous pouvons fabriquer un vin de qualité — que nous pouvons augmenter la valeur ajoutée rapidement, grâce à ce que nous avons à portée de la main.
Je voudrais savoir s'il est possible d'ajouter une université, particulièrement de la Nouvelle-Écosse, certainement de la Colombie-Britannique et peut-être du Québec?
Ma seconde question porte sur l'élimination des droits d'accise mentionnés par d'autres personnes. Je crains que si nous éliminions les droits d'accise, le gouvernement provincial ne tardera pas à augmenter les impôts et les prix des vins ne changeront pas. Ce qui veut simplement dire que les revenus iront dans les coffres provinciaux au lieu d'aller dans les coffres fédéraux de Revenu Canada. Nous avons parlé de l'élimination des droits d'accise, mais personne n'a mentionné des allégements fiscaux provinciaux préférentiels pour les vins produits au Canada. Est-ce que cette question a été abordée par l'industrie, que ce soit d'un point de vue académique ou d'un point de vue de producteur?
Mme Bramble: En ce qui concerne votre première question, je crois que vous avez souligné une grave lacune dans la Conférence sur le tourisme culinaire. À mon retour — je suis membre du conseil d'administration — je proposerai que nous ajoutions des représentants de la Colombie-Britannique, de la Nouvelle-Écosse et du Québec. Merci beaucoup, sénateur.
J'ai aussi le plaisir d'annoncer que nous avons un accord avec une université — dont le nom m'échappe pour l'instant — de la Nouvelle-Écosse, en vertu duquel, après un programme de deux ans, les étudiants viennent dans notre université pour se présenter au baccalauréat. J'ai eu trois excellents étudiants de la Nouvelle-Écosse. Je suis très heureuse que nous ayons pu conclure cet accord. Nous avons un accord similaire avec la Colombie-Britannique.
Je ne suis pas sûre, mais il est possible que nous n'ayons pas recherché de l'aide pour nos producteurs — surtout en Ontario — à cause de l'ALENA. Je crois qu'au cours des négociations, les Américains ont déclaré que nos producteurs ne devraient pas avoir un avantage sur les produits américains. Je crois que c'est pour cela que l'on n'est pas revenu sur ce point.
Le sénateur Mercer: Ma dernière question se rapporte aux commentaires que vous avez faits au début de votre témoignage à propos du «Taste of Niagara». Mes collègues m'ont entendu parler d'un programme similaire appelé «A Taste of Nova Scotia» qui vise une commercialisation mixte de tous les produits de la Nouvelle-Écosse, poissons aussi bien que produits agricoles. Nos établissements vinicoles y participent aussi.
Est-ce que ce programme peut servir d'exemple? Je répète que je ne crois pas que la Colombie-Britannique ait besoin de beaucoup d'aide, mais peut-être que les industries vinicoles du Québec et de la Nouvelle-Écosse pourraient utiliser le programme «A Taste of Niagara». J'ai constaté, après avoir visité la péninsule du Niagara et quelques établissements vinicoles, la valeur considérable qui est ajoutée dans la production des raisins et du vin, comme c'est le cas dans l'Okanagan.
Est-ce un programme facilement transférable et, s'il est mis en oeuvre avec quelques modifications, donnerait-il des résultats satisfaisants?
Mme Bramble: Nous avons lancé notre programme en 1996. Nous avons suivi l'exemple de la Nouvelle-Écosse et les recommandations de Heather MacLean. Elle est venue nous montrer comment vous l'aviez mis en pratique. Nous étions tellement impressionnés que nous l'avons copié — c'est à la fois un modèle merveilleux et éclairé.
Alors, la réponse à votre question est oui, je l'appuie entièrement. Il est efficace et il suscite des espoirs dans des secteurs tel que celui de nos agriculteurs qui abandonnaient leurs fermes. Dans la deuxième partie des années 90, le taux de chômage réel dans la région de Niagara s'élevait à 16 p. 100. Nos agriculteurs quittaient leurs terres pour travailler chez General Motors. Nous avons créé ce projet dans l'espoir de diminuer l'exode rural. Cet objectif a été atteint, car un plus grand nombre de familles sont demeurées à la ferme.
La présidente: Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont fonctionne le projet? Comment le programme réussit-il à retenir les gens à la ferme et que fait-il concrètement? Inclut-il toutes les récoltes de légumes, le blé, l'orge et les céréales; comment sont-elles incluses et de quelle façon ajoute-t-il de la valeur?
Mme Bramble: L'organisation a établi une liste de tous les fournisseurs des produits cultivés et traités dans la région de Niagara et dans une région plus grande incluant Hamilton ou Stoney Creek — autrement dit, dans une certaine région où la distribution ne poserait pas problème.
Cette liste des producteurs — il y avait des éleveurs de cochons, des fromagers, des agriculteurs, des fructiculteurs, des maraîchers et des producteurs d'oignons, et cetera — a été distribuée à tous les chefs par le biais de l'association des chefs cuisiniers de l'Ontario. Nous avons organisé des colloques et des réunions afin qu'ils se rencontrent. Nous leur avons communiqué ce que faisaient les autres. Nous les avons aidés à conclure des contrats entre eux. Nous avons été en quelque sorte un point de transit pour leurs transactions commerciales.
La présidente: Est-ce que les produits devaient tous être biologiques?
Mme Bramble: Pas nécessairement biologiques dans le sens de certifiés biologiques, mais plusieurs sont biologiques même s'ils ne sont pas certifiés comme tels.
Nous avons des producteurs comme Lakeland Game Meats où une femme a converti son verger de pêches en une entreprise d'élevage de gibier. Une autre entreprise élève des cailles. Si vous allez à Niagara, vous verrez que les menus d'un grand nombre de nos plus grands restaurants offrent des cailles de Joe Speck.
Le sénateur Callbeck: J'ai plusieurs petites questions et une grande question à vous poser. L'exemption des droits d'accise a été mentionnée tout à l'heure et j'ai remarqué que vous demandiez l'exemption pour les petits viticulteurs.
Mme Bramble: Oui.
Le sénateur Callbeck: Pas pour tous les établissements vinicoles?
Mme Bramble: Non, seulement pour les petits viticulteurs qui produisent année par année et vendanges par vendanges. J'anime une émission radiophonique appelée Cheers Niagara que le sénateur Oliver a eu la gentillesse de mentionner dans son introduction. Vendredi dernier, j'ai parlé à un viticulteur biologique propriétaire d'un établissement appelé Frog Pond. Il y a deux hivers, nous avons connu une vague de froid dévastatrice au mois de janvier et la température a chuté à moins 26 degrés Celsius. Ce viticulteur a perdu toute sa récolte de raisins Merlot. Pour une superficie de 10 acres, c'est une perte assez considérable. Les grands producteurs comme Jackson-Triggs, Château des Charmes, Hillebrand and Peller Estates disposent des valeurs résiduelles. C'est pour cette raison que je recommande cela pour les petits viticulteurs qui ne disposent pas du même capital.
Le sénateur Callbeck: Je voudrais vous poser une question sur les normes dont vous avez parlé pour la Nouvelle- Écosse et la Colombie-Britannique. Est-ce que vous appuyez des normes différentes pour chaque province ou une harmonisation des normes?
Mme Bramble: J'appuie leur harmonisation. La Colombie-Britannique n'a pas encore légiféré ses normes et je voudrais qu'elle le soit. De toute façon, ces normes devraient être harmonisées.
Quelques points litigieux persistent depuis de nombreuses années. Je suggère qu'ils s'en occupent et qu'ils le fassent. Je ne veux pas diminuer leur importance, mais les petits détails devraient être réglés. Pour l'intérêt supérieur, il est nécessaire d'établir des normes de façon à ce que nous puissions garantir que nos exportations vers l'étranger respectent une certaine uniformité.
Le sénateur Callbeck: Je voudrais vous poser une question sur le premier paragraphe de votre témoignage. Comme vous le savez, les importations représentent environ 66 p. 100 de notre marché national. Autrement dit, les Canadiens consomment beaucoup de vins importés. On a l'impression que les régies des alcools ne font pas trop la promotion des vins canadiens. Vous avez recommandé que le gouvernement fédéral devrait conférer un solide mandat aux régies des alcools contrôlées par le gouvernement afin qu'elles collaborent plus sérieusement avec l'industrie nationale. Comment le gouvernement fédéral devrait-il s'y prendre?
Mme Bramble: J'espérais que le comité répondrait à cette question. Je ne sais pas. C'est une question difficile, car il s'agit d'une affaire provinciale.
La présidente: Vous parlez à un ancien premier ministre provincial.
Mme Bramble: Oui, mais je ne sais pas comment cela pourrait être fait. Je suis ici pour vous présenter quelques recommandations à ce sujet, mais sans me substituer à la compétence provinciale, c'est difficile. On y arriverait peut- être par la persuasion, par le rapport et par les témoignages de tous ceux que vous avez entendus. Je suis sûre que c'est ce que demandent tous les Canadiens et qu'il est temps de travailler ensemble. Je ne sais pas si cela peut être fait au moyen de la législation, mais je ne le crois pas.
Le sénateur Callbeck: J'ai une autre question au sujet des recommandations de la page 6. Vous en énumérez quelques-unes, notamment l'amélioration de l'accès à l'expérience rurale. Pensez-vous que le gouvernement fédéral peut y jouer un rôle?
Mme Bramble: Oui. J'ai visité, il y a 10 ans, une ferme ovine en Nouvelle-Zélande. Cette visite m'avait été recommandée par le consulat de ce pays. Cette ferme ovine, située dans la partie sud de l'île, faisait état de tous les aspects de la vie quotidienne d'une ferme ovine avec la collaboration du gouvernement.
Non seulement, ce type d'expérience permet aux agriculteurs de mieux se préparer à la commercialisation de leurs produits, mais de trouver aussi des idées sur la façon de promouvoir leurs produits. Je crois que le gouvernement a un rôle à jouer.
Le sénateur Callbeck: Est-ce que tous les établissements vinicoles ont accès à votre recherche?
Mme Bramble: Oui.
Le sénateur Lawson: Je voudrais poursuivre brièvement la question du sénateur Callbeck concernant les vins dans les magasins provinciaux. Avant d'entrer au Parlement, une commission royale avait examiné la situation en Colombie- Britannique lorsque l'industrie vinicole de la Colombie-Britannique était à ses débuts. À cette époque, on ne pouvait acheter le vin rouge de Kelowna que par gallon. Puis, ils ont produit quelques bons vins.
Nous avons reçu beaucoup de plaintes de la part de consommateurs demandant pourquoi les vins canadiens n'étaient pas sur les tablettes. Nous sommes allés parler au responsable de la régie des alcools. Nous lui avons demandé qui prenait les décisions, si c'était un comité ou des intervenants de l'industrie. Il a répondu non, il était le seul à décider de ce qui devait être mis sur les tablettes. Nous n'avons pas jugé cela suffisamment bon, donc, nous avons fait une recommandation demandant de l'espace dans les tablettes pour les vins de la Colombie-Britannique.
Le gouvernement fédéral ne peut pas le faire à moins que vous ne vous serviez des moyens de persuasion dont vous avez parlés. Il faut communiquer avec les gens dans la province — pas seulement dans les établissements vinicoles — il faut parler aux régies des alcools pour leur dire ce que vous voulez sur les tablettes.
Ils doivent aussi qu'ils parlent avec certains de leurs partenaires. La situation dans la vallée de l'Okanagan est intéressante car il y a plusieurs tournois de golf, mais les principaux terrains de golf du centre-ville n'étant pas disponibles pour les tournois, nous allons dans l'arrière-pays. Ils font leur projet en prévoyant environ 150 à 200 personnes, et communiquent avec les responsables d'un terrain de golf pour organiser le banquet. C'est quelque fois possible, parfois non. Des fois, ils emmènent les golfeurs visiter des établissements vinicoles. Certains établissements vinicoles ont reçu des groupes de 150 à 200 personnes au cours de ces dernières années. Ils ont réalisé que le partenariat avec les terrains de golf était une collaboration lucrative pour les établissements vinicoles. Ils profitent de ces deux situations. Ils annoncent leur intention de contacter les provinces pour demander plus d'espace sur les tablettes des succursales des régies des alcools, mais ils devraient aussi réunir tous ces gens qui sont de bons clients de l'industrie vinicole. Ce serait un bon argument pour convaincre les provinces.
Quelqu'un a-t-il des statistiques? Je voudrais savoir le pourcentage de vins produits en Colombie-Britannique vendus par la Régie des alcools de Colombie-Britannique. Je voudrais savoir quel pourcentage de vins produits en Colombie-Britannique est vendu en Ontario, et vice versa. Sommes-nous régionalistes? C'est-à-dire tout garder en Colombie-Britannique et interdire l'accès aux vins ontariens et vice versa? Il serait utile d'avoir ces pourcentages. Cela pourrait être un moyen de pression sur le gouvernement si nous annonçons aux résidents de la Colombie-Britannique que leurs boutiques de vins offrent 15 p. 100 de ce produit, seulement 2 p. 100 de cet autre produit ou 4 p. 100 d'un autre produit. Nous pourrions peut-être les forcer à agir. N'importe lequel de ces moyens qui peut exercer une pression peut être utile.
Le président: Madame Bramble, avez-vous ces statistiques ou savez-vous où se les procurer?
Mme Bramble: Je ne les ai pas, mais je vous les communiquerais avec plaisir. Je suis tout à fait d'accord. Nous n'avons aucun vin de la Nouvelle-Écosse. Dans les rayons des millésimes, nous avons peut-être 10 ou 15 vins britanno- colombiens. Nous n'avons qu'un vin du Québec sur nos tablettes en Ontario. C'est une mascarade.
Je me ferais un plaisir de vous fournir ces statistiques si vous voulez que je les recherche.
Le sénateur Lawson: Faites, je vous prie. Certains d'entre nous attachent une grande importance à cette question. Nous parlons du libre-échange avec les États-Unis et le Mexique, mais il serait bien d'avoir un libre-échange à l'intérieur du Canada.
Je vais parler d'une autre de mes bêtes noires, Air Canada — même quand elle était propriété de l'État. Je fais partie de ceux qui ne boivent que des vins Riesling, des Riesling d'Allemagne, de l'Ontario, de la Colombie-Britannique ou de la Californie. Il n'y en a jamais dans les vols d'Air Canada. Il y a des années qu'ils ne les ont plus. Ils sont disponibles sur les vols internationaux mais pas sur les vols intérieurs.
À une époque, j'avais reçu 50 plaintes. Je suis allé les avoir, ils m'ont mis en contact avec l'acheteur de vins, et ainsi de suite. Il m'a donné ses raisons. Je lui ai dit: «Une seconde, s'il vous plaît. Pourquoi n'avez-vous pas des Rieslings de l'Ontario? Ils sont moins chers que les Rieslings français. Pourquoi ne pas avoir des Rieslings de Colombie- Britannique? C'est un bon vin qui coûte moins cher. Vous travaillez pour une ligne aérienne canadienne, financée par les contribuables canadiens. Ne pensez-vous pas qu'il ait de votre devoir de vendre des vins canadiens?» Il a répondu: «Mais les gens préfèrent les vins français.» J'ai dit: «Ils préfèrent les vins français, car vous ne leur offrez rien d'autre. Nous allons en Californie tout le temps. En Californie, allez dans n'importe quelle épicerie et vous y trouverez un Riesling pour 5 $ et même moins. Pourquoi ne pas avoir des vins californiens qui viennent de ce côté et les vins britanno-colombiens qui partent de l'autre?» Ils m'ont expliqué pourquoi ils ne pouvaient pas le faire.
Après mes 50 plaintes, j'étais à la conférence de l'APEC et j'ai rencontré le président-directeur-général d'Air Canada. Je lui ai demandé si je pouvais lui parler. Il a répondu: «Sénateur Lawson. Êtes-vous celui qui a toutes ces plaintes au sujet des vins?» J'ai dit: «Oui, pourquoi n'offrez-vous pas ces vins à bord des avions?» Il a répondu: «Eh bien! sénateur, personne ne boit plus de Riesling.» J'ai dit: «Je savais que vous alliez me répondre ainsi. Avant de venir ici, j'étais à la Bibliothèque du Parlement et j'ai demandé qu'on me dise combien de litres de vin Riesling ont été importés au Canada l'année dernière.» Il a dit: «Vous a-t-on dit combien?» J'ai dit: «Oui; neuf millions de litres. Si personne ne le boit, qui le déverse dans les égouts?» Il a dit: «Oh! Je l'ignorais.» J'ai dit: «Oui, mais pourquoi ne pas changer cette situation?» Ils n'ont toujours rien fait. Je leur ai écrit et je me suis plaint. Je voyage en classe affaires, le billet coûte 4 500 $ aller-retour, mais pour ce qui est du service en vins, je suis en classe zéro. Pourquoi ne veulent-ils pas en avoir seulement un? Je peux commander un repas spécial et ils pourront me le servir. Quand je commande un repas spécial, ils pourraient y ajouter un Riesling de Colombie-Britannique ou de l'Ontario. Mais, c'est impossible.
Je suis très mécontent, car c'est notre ligne aérienne nationale. Ils demandent toute sorte d'aides financières, et cetera. S'ils veulent mon appui, ce sera conditionnel. C'est une vraie bête noire.
La présidente: Madame Bramble, vous vous êtes présentée pour nous donner des renseignements et maintenant vous faites face à un vrai problème que nous vous demandons de résoudre. Que pouvez-vous dire au sénateur Lawson au sujet de l'absence de vins Riesling au Canada? Qu'en pensez-vous?
Mme Bramble: Je ne suis pas d'accord avec le président d'Air Canada. Le Riesling, au contraire, est de plus en plus populaire.
Le sénateur Lawson: Tout à fait.
Mme Bramble: C'est un excellent, excellent vin de cépage. Pouvez-vous me rappeler la question, sénateur? J'ai un peu dévié. J'adore le Riesling.
Le sénateur Lawson: Pour quelle raison n'offrent-t-il pas des vins canadiens à bord des avions?
Mme Bramble: C'est ce que j'appelle le piège de la marque. Le vin est un produit très intimidant. Si vous aimez les vins français, vous pouvez être tranquille, car tous les vins français sont supposément meilleurs. Vous ne serez ni embarrassé ni humilié si vous commandez un vin français.
Je crois que c'est aussi simple que cela. C'est aussi ce qu'on appelle le «syndrome du grand pavot» dans d'autres pays. De nombreux consommateurs canadiens, lorsqu'ils estiment que l'une de nos propres industries est devenue un peu trop florissante, en diront du mal. Nous n'avons pas suffisamment foi en nos propres produits. C'est l'un de nos comportements qui se reflète dans nos achats de vins — probablement parce que nos consommateurs doivent apprendre qu'acheter canadien n'est pas simplement un geste de fierté nationale, mais aussi un choix judicieux fondé sur la qualité et le goût.
Cela fait partie de l'éducation et un grand nombre d'entre nous fait justement cela.
Le sénateur Lawson: La seule autre question concerne la réglementation fédérale. Un des témoins nous a dit que la réglementation nationale est tellement démodée et très en retard par rapport à l'industrie qu'il est nécessaire de la réactualisée. Partagez-vous ce point de vue?
Mme Bramble: Oui.
Le sénateur Lawson: En considérant tous vos succès et tout ce que vous avez fait au cours de votre carrière, je me demande si le roncier a été nommé en votre honneur?
Mme Bramble: On dit que le Zinfandel a un goût de mûres. Mon seul regret est que nous ne cultivons pas de Zinfandel au Canada.
La présidente: Madame Bramble, au nom du comité, merci beaucoup pour votre témoignage enthousiaste et très intéressant ainsi que pour vos excellentes réponses à nos diverses questions. C'était un moment agréable et enrichissant. Merci beaucoup.
La séance est levée.