LA CRISE DE L’ESB – LEÇONS POUR L’AVENIR
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts
RAPPORT INTÉRIMAIRE
L’honorable Donald
H. Oliver, c.r., Président
L’honorable Joyce Fairbairn, c.p., Vice-présidente
Avril 2004
MEMBRES
Les honorables sénateurs
| Libéraux | Conservateurs |
| *Jack Austin, c.p., (ou Rompkey, c.p.) | Leonard J. Gustafson |
| Catherine S. Callbeck | * John Lynch-Staunton (ou Kinsella) |
| Elizabeth Hubley | Donald H. Oliver, c.r. (Président) |
| Joyce Fairbairn, c.p. (Vice-présidente) | Gerry St. Germain, c.p. |
| Edward M. Lawson | David Tkachuk |
| Terry M. Mercer | |
| Pierrette Ringuette | |
| Hurbert O. Sparrow |
(*Membres d’office)
Greffière du Comité
Keli Hogan
Analystes de la Direction de la recherche
parlementaire : Bibliothèque du Parlement
Frédéric Forge
Jean-Denis Fréchette
Note : Les honorables sénateurs Joseph A. Day, prof. Ing., D. Ross Fitzpatrick et Laurier L. LaPierre ont également fait partie du Comité.
Ordre de renvoi
Extrait des Journaux du Sénat du lundi 16 février 2004 :
L’honorable sénateur Oliver propose, appuyé par l’honorable sénateur Keon,
Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à entendre de temps en temps les témoignages d’individus et de représentants d’organismes sur l’état actuel et les perspectives d’avenir de l’agriculture et des forêts au Canada;
Que le Comité soumette son rapport final au plus tard le 30 juin 2004.
La motion, mise aux voix, est adoptée.
Le greffier du Sénat,
Paul C. Bélisle
SITUATION ACTUELLE DU SECTEUR BOVIN
TRANSITION JUSQU'À LA RÉOUVERTURE DE LA FRONTIÈRE
AMÉRICAINE
A. ACCÈS AU MARCHÉ
B. SOUTIEN FINANCIER
POLITIQUES À LONG TERME POUR RÉDUIRE LA VULNÉRABILITÉ
DU CANADA
A. RECHERCHER LA VALEUR AJOUTÉE
B. RÉGLEMENTER LE COMMERCE
En février et mars 2004, le Comité sénatorial permanent de l’Agriculture et des forêts a examiné les questions reliées à l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) au Canada. Parce qu’un cas unique d’ESB a littéralement bouleversé le secteur bovin et le monde rural au Canada, le Comité estimait urgent d’étudier les répercussions de cette crise et d’envisager les solutions éventuelles, afin de prévenir la répétition d’une telle catastrophe.
Le Comité a entendu des intervenants de toute la filière bovine : éleveurs, associations d’éleveurs, abattoirs et détaillants, en plus du ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, l’honorable Bob Speller, et des représentants de l’Agence canadienne d’inspection des aliments et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Le Comité a également invité des représentants de municipalités rurales à lui donner leur point de vue sur la situation. Il a tenu 7 réunions et a siégé 14 heures, pour écouter 27 témoins.
Le Comité reconnaît les efforts et la collaboration remarquables de tous les intervenants pour trouver une solution à la crise, et souhaite remercier tous les témoins qui ont comparu. Il désire également souligner le climat de franchise et d’ouverture qui a régné pendant ces audiences.
Ce rapport donne un aperçu de la situation et des problèmes actuels, et propose une approche à long terme pour garantir à notre secteur bovin une plus grande sécurité.
Le 20 mai 2003, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) annonçait la découverte d’un cas d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en Alberta. Les exportations de bovins et de viande de bœuf, qui avaient totalisé quelque 4 milliards de dollars en 2004, ont immédiatement cessé, les pays étrangers ayant aussitôt fermé leurs frontières à ces produits. Le 8 août 2003, les États-Unis, de loin notre plus important marché étranger – avec plus de 70 % de toutes les exportations de produits du bœuf et la quasi-totalité de nos exportations de bovins sur pied – annonçaient une réouverture partielle de sa frontière.[1]
Le 23 décembre 2003, un cas d’ESB a été découvert dans l’État de Washington.[2] Le 9 janvier 2004, un test d’ADN a indiqué que l’animal infecté était né en Alberta. Ce cas a suspendu les mesures entreprises pour rouvrir la frontière américaine aux bovins sur pied canadiens, et accrédité la thèse voulant que le problème soit nord-américain et non national. D’ailleurs, les grands marchés pour la viande bovine nord-américaine, comme le Japon et la Corée du Sud, ne font pas de distinction et continuent d’interdire l’importation du bœuf américain et canadien.
· L’enquête canadienne sur le cas d’ESB en mai 2003 nous a valu les félicitations d’un groupe international d’experts, de l’Office international des épizooties (OIE) et de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) des Nations Unies. Ces organismes ont émis des communiqués louangeant le Canada pour sa transparence, sa compétence, sa réaction efficace à la situation, et pour avoir fait primer l’intérêt public dans ce dossier.
· Des mesures permettant d’améliorer la salubrité de la viande de bœuf ont été mises en place, y compris l’élimination de matériels à risques spécifiés[3] des carcasses de bétail âgé de plus de trente mois, ainsi que l’accroissement des contrôles et des tests pour la maladie.
· La population canadienne a manifesté un appui remarquable au secteur bovin en augmentant sa consommation de bœuf de 5% par rapport à 2002, une première mondiale dans un pays touché par un cas imprévu d’ESB.
Même si la salubrité du bœuf n’est pas contestée au Canada, le secteur a souffert et souffre encore de la fermeture de ses marchés d’exportation. Notre rapport donne un aperçu de la situation actuelle dans le secteur bovin et propose des politiques à long terme.
Situation actuelle du secteur bovin
Pourquoi un cas unique d’ESB a-t-il causé une telle onde de choc dans le secteur bovin au Canada? Principalement parce que ce secteur, qui a généré plus de 7,5 milliards de dollars en recette monétaire agricole en 2002, compte avant tout sur ses exportations, destinées presque exclusivement à un seul pays.
Avant la crise de l’ESB, les éleveurs canadiens avaient accès aux abattoirs canadiens mais aussi américains, et pouvaient donc profiter d’une concurrence féroce quand venait le moment de vendre leurs bêtes. Voilà ce qui explique la croissance de ce secteur depuis vingt ans. La fermeture actuelle de la frontière américaine à tous les bovins sur pied et à la viande des animaux de plus de trente mois empêche aujourd’hui les éleveurs canadiens d’accéder aux abattoirs américains. Cette situation a créé un surplus considérable de bovins sur pied, qui engorgent nos abattoirs même si ceux-ci ont fonctionné presque à pleine capacité à l’automne 2003 et à l’hiver 2004,[4] en réponse à la réouverture partielle des frontières américaine et mexicaine à certaines catégories de bœuf en août 2003.
Le cheptel bovin du pays s’est accru,[5] et le prix du bétail est demeuré très faible (voir l’encadré 1). Les exploitants d’élevage-naissage et de parcs d’engraissement ont souffert d’une baisse radicale de revenus et de la valeur des actifs, qui a réduit le fonds de roulement et l’accès au financement. M. Neil Hardy, président de l’Association des municipalités rurales de Saskatchewan, estime que les exploitants d’élevage-naissage ont perdu 3 milliards d’actifs à cause de la dévaluation des animaux reproducteurs. Pour certains éleveurs, cela signifie la perte d’une vie entière d’économie et, dans certains cas extrêmes particulièrement douloureux, la saisie du bétail qui ne pouvait plus être nourri.
À l’autre extrémité de la filière, le prix du bœuf au détail avait connu en septembre 2003 une baisse égale à environ la moitié de celle ressentie par les éleveurs. Néanmoins, le prix s’était rétabli au niveau d’avant la maladie en décembre 2003 (voir tableau 1 de l’annexe A), tandis que le prix des bovins d’abattage demeurait quant à lui déprimé de 20 % par rapport au prix d’avant (voir figure 1 de l’annexe B). On a pensé que certains intervenants de la chaîne bovine réalisaient des profits excessifs aux dépens des éleveurs et des consommateurs. Le Comité a entendu de nombreux intervenants de la filière et a pris note de leurs explications.
Même si les abattoirs canadiens fonctionnent presque à capacité, ils ont connu des hausses de coûts : avec la fermeture des marchés japonais et sud-coréen (respectivement troisième et quatrième marchés d’exportation du Canada avant la crise), la valeur des carcasses a chuté faute de marché suffisant pour les abats et les issues.[6] Les abattoirs devaient également assumer des coûts plus élevés pour l’élimination des matériels à risques spécifiés et pour l’équarrissage de la viande et des os.[7] Le Conseil canadien de la distribution alimentaire, qui représente les détaillants, affirme que les profits ne sont pas supérieurs à ce qu’ils étaient il y a un an, et que les prix ou les économies transférés aux détaillants par les abattoirs avaient été transférés à leur tour au consommateur, notamment par une promotion plus énergique des produits du bœuf. Pour de nombreux détaillants, la viande permet d’attirer le consommateur mais ce n’est pas un article très rentable. Ce sont les produits à valeur ajoutée, par opposition aux produits frais, qui assurent la rentabilité d’un supermarché; la stratégie utilisée consiste à attirer le consommateur par la promotion d’un produit d’appel sacrifié et des prix vedettes, puis à vendre beaucoup d’autres produits pour permettre au magasin de faire un profit.
Plusieurs enquêtes ont été déclenchées sur le prix du bœuf. Le Québec et l’Alberta ont conclu, le premier en octobre 2003 et le deuxième en avril 2004, que rien n’étayait l’accusation d’un prix injuste dans la filière du bœuf. Le Bureau de la concurrence d’Industrie Canada exerce présentement une surveillance et recueille des données à la suite de plusieurs plaintes sur le prix du bœuf, mais il n’a pas encore reçu de mandat de déclencher une enquête officielle.
Au-delà de la question du prix du bœuf et des adaptations du secteur, il n’y a pas de doute qu’une partie considérable du monde rural canadien est en émoi. Nous constatons présentement l’impact de cette crise sur nos entreprises et dans nos villages et nos villes. D’autres secteurs de l’élevage, comme celui du porc, de l’agneau et du bison souffrent de la fermeture de la frontière et de prix déprimés. Des témoins ont signalé de nombreuses mises à pied dans les parcs d’engraissement et également des faillites dans le camionnage et des licenciements dans plusieurs entreprises de service. Le Canada rural est durement touché et il faut s’attaquer aux torts le plus tôt et le plus largement possible.
Transition jusqu’à la réouverture de la frontière Américaine
Les exportations de bovins sur pied représentaient 40 % de nos exportations de bœuf et de produits du bœuf avant la crise de l’ESB, ce qui signifie qu’une fermeture permanente de la frontière américaine à nos bovins sur pied serait désastreuse pour le Canada. Nul doute que, dans ce cas, le Canada devrait réduire radicalement son cheptel bovin et restructurer complètement le secteur. Les conséquences seraient désastreuses pour le monde rural canadien : cela mènerait à un rapetissement de toute notre économie rurale surtout dans l’Ouest canadien.
Réouvrir la frontière américaine pour éliminer le surplus de bovins sur pied est la priorité absolue, sinon la seule, à court terme. En novembre 2003, avant la découverte du cas d’ESB dans l’État de Washington, les États-Unis ont proposé une règle sur la création d’une nouvelle catégorie de pays à faible risque, qui aurait eu pour effet de faire cesser le moratoire sur l’importation de nos bovins sur pied de moins de trente mois (voir l’encadré 2). La période de commentaire a pris fin le 5 janvier 2004, mais elle a été réouverte jusqu’au 7 avril parce que les États-Unis ont annoncé entre-temps la fin de leur enquête sur le cas d’ESB américain. Une fois la nouvelle période terminée, le droit américain oblige le ministère de l’Agriculture à analyser et à répondre officiellement à tous les commentaires reçus avant la publication de la règle finale. La durée de cette procédure est donc fonction du nombre de commentaires reçus.
D’autres facteurs sont perçus comme des obstacles à la réouverture de la frontière américaine :
· L’Association nationale des éleveurs de bovins des États-Unis considère que le retard de l’ACIA à lever certaines restrictions à l’importation américaine de bovins d’engraissement en rapport avec les maladies connues sous le nom de la fièvre catarrhale (ou langue bleue) et d’anaplasmose[8] est un obstacle à la réouverture de la frontière américaine aux exportations canadiennes. Cependant, le Canada a annoncé l’élimination de ces restrictions. Au 1er avril 2004, la nouvelle règle élimine les tests pour l’anaplasmose et la fièvre catarrhale ainsi que les traitements requis, de tous les bovins d’engraissement importés des États-Unis.[9]
· Étant donné le surplus d’un million de bovins sur pied au Canada, on craint que ces derniers saturent le marché américain dès que la frontière sera réouverte. Cependant, des témoins nous ont dit que ce ne sont pas toutes ces bêtes qui seront prêtes en même temps, ni que tous les bovins traverseront la frontière en même temps. En outre, pour fonctionner à pleine capacité et demeurer rentable, les grands abattoirs américains situés près de la frontière ont besoin de nos bovins, comme en témoigne le fait que le cheptel américain totalisait 95 millions de têtes en janvier 2004, son plus faible effectif depuis 1952. Cependant, le secteur bovin canadien est bien au fait des droits anti-dumping qui pourraient être imposés s’il y a trop de bétail qui entre aux États-Unis en même temps, comme ce fut le cas en 1999.
Néanmoins, il souffle un vent d’optimisme et on pense que les États-Unis réouvriront leurs frontières dans un avenir prévisible. Cette hypothèse se fonde sur une équation commerciale simple : comment d’autres marchés pourraient-ils s’intéresser aux produits nord-américains quand les Nord-américains ne peuvent même pas commercer entre eux? Un rétablissement complet de notre accès au marché américain est un préalable pour que le secteur bovin nord-américain récupère un accès réciproque au marché dans les limites de l’Amérique du Nord, en particulier au Mexique, et ultimement accède aux autres grands marchés étrangers.
Regagner les autres marchés d’exportation pour la viande de bœuf risque de prendre plus de temps, car il faut un consensus international avant qu’un pays n’accepte de lever ses restrictions. Ainsi, le Japon soumet tout le bétail abattu aux tests d’ESB, et a fait savoir clairement que ce test est requis pour pouvoir exporter du bœuf sur le marché japonais. Le Canada doit distinguer entre le recours à ces tests comme mesure de salubrité alimentaire et comme outil de marketing. Un test portant sur tous les animaux abattus pour la consommation humaine n’est pas justifié scientifiquement comme une mesure efficace, selon l’ACIA et Santé Canada. Un animal peut donner un test négatif à un stade de sa vie; plus tard, s’il vit assez longtemps et développe la maladie, le test pourrait être positif. Le test à l’abattoir ne détectera pas tous les animaux infectés. Par conséquent, il est faux de prétendre que le fait de tester un animal augmente le facteur de salubrité alimentaire.[10] De toute évidence il faut également considérer les consommateurs et les valeurs de la société du point de vue du marketing et les tests peuvent servir à cet égard pour répondre à certains souhaits des consommateurs.
Les producteurs de bovins doivent être prêts à la réouverture de la frontière américaine, ce qui veut dire que le marché doit continuer de fonctionner : il faut continuer d’acheter, de nourrir et de vendre les bovins. Étant donné la situation financière difficile des producteurs canadiens, c’est là un lourd défi. Il y avait unanimité parmi les témoins pour reconnaître que des mesures transitoires sont nécessaires pour faire la soudure entre la situation actuelle et la réouverture de la frontière américaine aux bovins sur pied. Plusieurs options ont été mises de l’avant : régime de soutien des prix, programme de prêt garanti, versements directs en espèces. Cependant, beaucoup de témoins ont affirmé qu’un nouveau programme ne devrait pas répéter les erreurs du premier, mis en œuvre peu après la découverte du cas d’ESB en mai 2003.
Le Programme national de redressement de l’ESB, annoncé en juin 2003, a été critiqué parce que les paiements aux producteurs dépendaient de l’abattage des bêtes. Le principal objectif du programme était d’augmenter le nombre de bovins canadiens abattus, ce qu’il a réalisé; mais avec la capacité d’abattage limitée, il a causé une offre excessive, avec pour résultat des prix déprimés payés aux producteurs.
Le 22 mars 2004, le gouvernement fédéral a annoncé une aide de transition de 995 millions de dollars pour les agriculteurs canadiens, comprenant 680 millions destinés aux éleveurs de bovins. Les fonds seront versés en paiement direct atteignant jusqu’à 80 $ par bête admissible[11] en inventaire au 23 décembre 2003. Les producteurs recevront également une part des 250 millions offerts à tous les agriculteurs à titre de paiement direct basé sur leurs revenus antérieurs. Ce programme servira à faire la soudure jusqu’à ce que le nouveau Programme canadien de stabilisation de revenu agricole (CSRA) soit en place. La Canadian Cattlemen’s Association a dit au Comité que le nouveau programme est neutre face au marché et évitera les pièges des programmes antérieurs.
Outre la nécessité d’un financement transitoire, certains changements au CSRA ont été suggérés pour lui permettre de mieux répondre aux besoins du secteur de l’élevage. M. Hardy a notamment mentionné les changements suivants :
· Références de base en comptabilité d’exercice,
· Recours aux valeurs d’ouverture et de fermeture pour l’évaluation du troupeau,
· Permission aux producteurs d’établir la juste valeur du troupeau au marché à partir des ventes ou des achats dans les trente jours de la fin de leur année,
· Permission aux producteurs d’utiliser une lettre de crédit pour leur dépôt dans le compte CSRA.
Le Comité note que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire lui a dit être d’accord pour une révision annuelle des programmes de gestion commerciaux (y compris le CSRA), permettant de discuter de questions de ce genre.
L’aide transitoire ne mettra pas fin aux épreuves vécues par les éleveurs. La réouverture de la frontière est vitale à leur survie, mais ce serait folie de revenir à la situation antérieure et de s’y sentir à l’aise. Un accès facile au marché américain est une épée à deux tranchants, et la perte de cet accès révèle la vulnérabilité du secteur bovin canadien. Il y a là un besoin crucial de politiques pour atténuer cette vulnérabilité.
Politiques à long terme pour réduire la vulnérabilité du canada
Le secteur de l’élevage bovin a connu, au cours des douze dernières années, une croissance exceptionnelle avec des recettes monétaires agricoles qui sont passées de quatre milliards de dollars en 1990 à 7,6 milliards de dollars en 2002. Cette croissance s’explique par la signature d’ententes commerciales telles que l’ALENA et la proximité du marché américain, qui représente un avantage considérable, mais également une grave faiblesse. La fermeture de la frontière américaine nous a appris une leçon de première importance : l’industrie du bœuf que nous avons mise en place au Canada est extrêmement vulnérable et beaucoup trop assujettie aux desiderata de notre principal partenaire commercial.
Bien qu’un certain optimisme soit de mise quant à la réouverture prochaine de la frontière américaine, il demeure possible qu’un nouveau cas d’ESB frappent dans l’avenir le secteur de l’élevage bovin avec les conséquences que nous connaissons. Il est donc essentiel que le Canada prenne des mesures afin d’éviter toute nouvelle fermeture de la frontière et se prépare en vue d’une telle éventualité.
A. Rechercher la valeur ajoutée
En 2002, environ quarante pour cent des exportations canadiennes de bœufs et de produits du bœuf étaient constituées de bovins sur pied. Le fait de dépendre de l’infrastructure d’un pays étranger pour l’abattage de notre production bovine représente assurément un risque supplémentaire. Comme le démontre l’état actuel de nos échanges commerciaux avec les États-Unis, les animaux sur pied posent, aux frontières, beaucoup plus de problèmes sanitaires que les produits carnés, car ils peuvent infecter d’autres animaux vivants. De plus, les animaux sur pied, s’ils ne peuvent être écoulés, perdent rapidement de la valeur tout en continuant à occasionner des frais d’entretien quotidien. Après une crise sanitaire, les frontières sont généralement réouvertes plus rapidement aux produits carnés qu’aux animaux sur pied. Dans le cas de l’ESB, certains marchés, comme celui de l’Union européenne (UE), n’ont même pas fermé leurs frontières aux viandes de boucherie : un exportateur canadien aurait donc pu continuer d’exporter sur le marché européen sans interruption, en autant qu’il ait su satisfaire aux autres exigences de ce marché.[12]
Il apparaît donc que la vulnérabilité du secteur de l’élevage bovin en général est liée à l’exportation de bovins sur pied. De plus, comme l’a indiqué l’Association canadienne des éleveurs de bétail, certains de ses membres s’inquiètent que les États-Unis puissent nous accuser de dumping si les bovins sur pied franchissent la frontière en trop grand nombre lorsque cette dernière sera réouverte. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il n’existe aucun risque au niveau du marché de la viande, car l’agriculture est, par définition, un secteur à risques. Mais les faits tendent cependant à démonter qu’il est plus facile de gérer les risques associés aux produits d’abattage qu’aux animaux sur pied.
Comme nous l’avons déjà indiqué, l’insuffisance de la capacité d’abattage canadienne a créé un goulot d’étranglement qui, empêchant l’écoulement du bétail, a été à l’origine d’une surproduction. On constate également un manque de débouchés pour les éleveurs, car quatre-vingt pour cent de la capacité d’abattage des bouvillons et des génisses est actuellement concentrée dans deux abattoirs situés en Alberta. Une telle concentration de l’abattage a été dénoncée à plusieurs reprises comme constituant un obstacle à l’établissement d’un marché concurrentiel de l’abattage.
Il apparaît donc clairement nécessaire d’augmenter la capacité d’abattage du Canada et de lui adjoindre une capacité de transformation afin de bénéficier des profits liés à la valeur ajoutée. Les producteurs sont de plus en plus intéressés à se doter eux-mêmes d’une telle capacité d’abattage, et un certain nombre d’initiatives sont en cours afin d’augmenter la capacité d’abattage nationale. De nombreuses propositions ont été faites en matière de construction de nouveaux abattoirs, de réouverture d’abattoirs ayant fermé leurs portes et de conversion de certains abattoirs à l’abattage de bovins, tout particulièrement afin de résoudre le problème des animaux vieillissants. Il est possible que, en 2004, de nouveaux abattoirs soient mis en service en Ontario par la Jencor Foods (ancienne usine MGI) et dans les Maritimes par l’Atlantic Beef. Sunterra Farms envisage également de construire en Alberta un abattoir qui pourrait traiter annuellement jusqu’à 250 000 têtes (voir l’encadré 3).
Nous ne devons pas oublier, cependant, que, lorsque la frontière américaine sera réouverte, les éleveurs de bovins auront de nouveau accès aux abattoirs américains et que, pour l’industrie de l’abattage, le marché, qui est actuellement sursaturé, va redevenir concurrentiel. À long terme, cependant, des solutions existent afin d’augmenter et de maintenir à un niveau élevé la capacité d’abattage du Canada.
Il convient tout d’abord de constater que les conditions du marché ont changé. Avant la crise de l’ESB, l’industrie de l’abattage tirait principalement son économie d’échelle de la valeur associée à la partie non carnée de la carcasse. Les petits abattoirs n’avaient alors aucun moyen de compenser les pertes de revenu liées au fait de ne pas pouvoir traiter la partie non carnée de la carcasse. Maintenant que de nombreux produits non carnés sont interdits sur le marché, les gros abattoirs ont perdu l’avantage concurrentiel que ceux-ci représentaient. Par ailleurs, il est possible, en impliquant les éleveurs dans le cadre de coopératives, ou de prises de participation partielles telles que celle proposée par Sunterra Farms, d’intégrer l’abattage et l’élevage et de permettre ainsi aux éleveurs de tirer des profits de l’ensemble de la filière. De telles initiatives permettent de plus de mettre en place un dispositif de traçabilité totale, du veau à la viande, qui peut constituer un attrait supplémentaire pour les consommateurs.
Enfin, ces nouveaux abattoirs, en créant leurs propres marques, peuvent occuper de nouveaux créneaux, car ils sont plus à même de s’adapter rapidement aux désirs des consommateurs. Comme M. Art Price, de Sunterra Farms, l’a expliqué, sa société serait en mesure de faire subir un test de dépistage de l’ESB à l’ensemble du bœuf produit si jamais un client le demandait. Il est cependant essentiel de faire en sorte que cette capacité accrue sache répondre aux désirs des consommateurs et non se contenter de produire une denrée de base identique à celles des gros abattoirs. Se doter d’une capacité de transformation constitue un moyen de se différencier par de nouveaux produits. L’initiative lancée par Sunterra Farms semble être de taille suffisante pour modifier les conditions du marché : avec une capacité de 250 000 têtes par an, elle pourrait absorber une part importante de la surproduction actuellement sur le marché. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y ait pas de place pour d’autres initiatives similaires, tout particulièrement dans le domaine de la transformation et des produits spécialisés. Selon M. Price, les abattoirs existants n’ont pas vraiment d’autre choix que de produire une denrée de base, car ils se doivent d’occuper la part de marché la plus importante possible. De nouveaux abattoirs pourraient donc s’attaquer à des marchés que les gros abattoirs ne peuvent ou ne souhaitent pas occuper.
Afin de permettre à ces initiatives de réussir et d’augmenter la capacité d’abattage du Canada, le gouvernement se doit de créer un environnement qui soit favorable à de tels projets. M. Garnett Altwasser, de Lakeside Packers Ltd., a par exemple fait remarquer que, jusqu’à récemment, une livre de viande consommée au Canada sur trois provenait de l’importation, car il s’avérait plus rentable d’exporter des animaux sur pied, puis d’importer des produits transformés, tels que des biftecks, pour répondre aux besoins de l’industrie de l’alimentation.
Le Comité a reçu un ordre de renvoi lui enjoignant d’étudier les questions liées au développement et à la commercialisation de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée sur les marchés national et international. Le Comité souhaite, dans le cadre de ce mandat, proposer au gouvernement des moyens de créer un environnement qui soit le plus favorable possible aux éleveurs et leur permette d’étendre leurs activités, au sein de la filière, à des produits à valeur ajoutée afin de bénéficier d’une part plus importante des profits. Mais, pour l’instant, compte tenu de la situation financière du secteur de l’élevage bovin, les gouvernements se doivent d’offrir à ce dernier un soutien financier qui lui permette de se réorienter vers un nouveau marché intérieur où les éleveurs auront la possibilité d’investir dans des processus de transformation et des produits à valeur ajoutée en vue de créer une saine concurrence nationale avec les grands abattoirs producteurs de denrées de base. Le gouvernement fédéral pourrait, par exemple, financer des initiatives telles que celle de la Rancher’s Beef Ltd. Le gouvernement a d’ailleurs déjà consacré, dans son budget de 2004, deux cent soixante-dix millions de dollars additionnels au financement de capitaux risques, dont vingt millions dans le cadre d’Investissement FAC, un programme de Financement agricole Canada destiné aux entreprises du secteur agricole, et notamment à celles du domaine de la transformation à valeur ajoutée.
Bien qu’elle ait donné lieu à une crise, la découverte d’un seul cas d’ESB nous a permis d’identifier les deux principales faiblesses du secteur de l’élevage bovin canadien, qui sont sa dépendance à l’égard de l’exportation du bétail et la concentration du secteur de l’abattage. La crise de l’ESB nous offre l’occasion de remédier à ces faiblesses. C’est pourquoi le Comité recommande :
Recommandation 1 : Que le gouvernement réserve une partie du financement de capitaux de risque annoncé dans le budget à l’accroissement de l’abattage à valeur ajoutée dans le secteur de l’élevage bovin dans l’Ouest et l’Est du Canada, et élabore en collaboration avec l’industrie une politique à long terme en matière de transformation à valeur ajoutée dans ce secteur.
Bien que le secteur de l’élevage bovin puisse réduire sa vulnérabilité en assurant l’abattage des animaux au Canada, l’exportation de bovins sur pied continuera d’être pratiquée, tout particulièrement dans le cas des génisses laitières de remplacement, et il est donc nécessaire de s’attacher à réduire les risques associés à ce type de commerce. Une des initiatives pour lesquelles le Canada s’est battu, et doit continuer de se battre, est l’instauration de règles et de normes scientifiques applicables à ces échanges commerciaux. En septembre 2003, le Canada, les États-Unis et le Mexique ont conjointement demandé à l’OIE (l’organisation mondiale de la santé animale) de prendre, en réponse à l’ESB, des mesures visant à établir, pour ces échanges commerciaux, des règles scientifiques reconnues au niveau international. L’OIE a publié en janvier 2004 un communiqué indiquant qu’il existait des normes scientifiques régissant la reprise des échanges commerciaux avec les pays touchés par l’ESB, mais que ces dernières n’étaient pas respectées par tous les pays :
l'existence de normes régulièrement mises à jour n'a pas empêché d'importantes perturbations dans les échanges dues au non-respect des normes internationales par de nombreux pays lors de la mise en place ou de la révision de leurs politiques en matière d'importation.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est seule capable de faire appliquer les normes de l’OIE, puisqu’elle peut les invoquer dans ses jugements. Le fait que les barrières commerciales établies en raison de l’ESB n’aient jamais été contestées devant l’OMC démontre cependant qu’il est besoin d’établir des règles plus pragmatiques en matière de reprise des échanges commerciaux avec un pays où la maladie s’est déclarée.
L’Amérique du Nord se doit de donner l’exemple et de démontrer qu’elle peut appliquer les normes de sécurité les plus strictes sans pour autant perturber les échanges commerciaux entre les pays qui la composent. Le Canada, les États-Unis et le Mexique se sont entendus pour de redoubler leurs efforts en vue d’une plus grande harmonisation et d’une plus grande cohérence des règlements applicables à l’ESB en Amérique du Nord. La première étape doit consister, pour les trois partenaires de l’ALENA, à reconnaître conjointement que la présence de la maladie chez l’un d’entre eux ne doit pas, en deçà d’un certain seuil, pénaliser ce dernier. Ainsi, l’apparition de nouveaux cas d’ESB (jusqu’à une certaine limite établie) devrait être considérée comme un événement normal dans un pays où les risques d’ESB sont minimaux et ne pas avoir de répercussions sur le statut de ce pays en matière d’ESB ou bien remettre en question la sécurité du bœuf ou les mesures prises afin de maîtriser la maladie dans ce pays. À cet égard, les règles actuellement à l’étude aux États-Unis constituent un modèle que de nombreux pays pourraient vouloir adopter en matière de réouverture des frontières. D’autres dispositions prises en matière de sécurité, telles que la surveillance sanitaire et la réglementation de l’alimentation, devront également être harmonisées.
Compte tenu du degré d’intégration du secteur de l’élevage bovin en Amérique du Nord, force est de constater que la frontière canado-américaine n’est qu’une ligne arbitraire qui n’a que peu de répercussions sur la sécurité du bœuf consommé sur ce continent. De fait, une équipe internationale d’experts scientifiques qui s’est penchée sur l’enquête menée par les États-Unis sur le cas d’ESB découvert dans l’État de Washington a conclu que ce dernier ne pouvait être simplement considéré comme un cas « importé » et que les deux cas recensés, en Alberta et dans l’État de Washington, devaient tous deux être considérés comme originaires de l’Amérique du Nord. Les pays nord-américains ne devront donc pas se contenter d’harmoniser leurs règlements en matière d’ESB, mais aller plus loin encore.
Notre objectif devrait être de s’assurer que les dispositions prises en matière de sécurité dans le secteur de l’élevage bovin sont identiques des deux côtés de nos frontières. L’expérience nous a appris que, si une épidémie de fièvre aphteuse devait se déclarer au Canada, nous nous retrouverions dans une situation identique à celle où nous nous trouvons actuellement. En harmonisant les normes et les protocoles sanitaires de l’ensemble du secteur de l’élevage bovin nord-américain, nous pourrions, en cas de problème sanitaire en un point quelconque du continent, nous assurer que les mesures requises sont prises afin d’endiguer le problème tout en permettant aux marchés de poursuivre leurs activités. Dans de nombreux cas, la fermeture hermétique les frontières ne permet en rien d’accroître le niveau de sécurité, mais pénalise injustement les éleveurs.
L’apparition de foyers d’une grippe aviaire extrêmement pathogène au Texas et en Colombie-Britannique est un parfait exemple de ce qu’une harmonisation accrue nous permettrait d’accomplir. L’ACIA a annoncé que des restrictions allaient être imposées à l’importation de volailles sur pied et de produits de volaille en provenance du Texas et les États-Unis ont également temporairement suspendu l’importation de volailles sur pied et de produits de volaille en provenance de Colombie-Britannique. Les mesures sanitaires et de sécurité requises ont été mises en place et aucune autre forme d’échanges commerciaux entre les deux pays n’a été interrompue. Une telle approche a reçu l’appui de l’équipe internationale d’experts scientifiques qui s’est penchée sur l’enquête menée par les États‑Unis sur le cas d’ESB découvert dans l’État de Washington, qui a recommandé que :
les États-Unis fassent preuve de leadership dans le domaine commercial en adoptant des politiques d'importation et d'exportation qui respectent les normes internationales, encourageant du même coup l'abandon de ces obstacles au commerce qui sont imposés dès l'annonce du premier cas d'ESB.
De telles politiques existent déjà puisqu’il est dit dans l’article 712.3 de l’accord de libre-échange nord-américain que « chacune des Parties veillera à ce que toute mesure sanitaire ou phytosanitaire qu'elle adoptera […] soit fondée sur des principes scientifiques […et qu’elle] cesse de s'appliquer lorsqu'elle n'est plus justifiée par des preuves scientifiques. » Si cet article était appliqué de manière efficace dans une limite de temps appropriée, la crise de l’ESB n’aurait pas été aussi désastreuse pour l’industrie du bœuf, car il est devenu très vite évident qu’il n’y avait aucun fondement scientifique pour continuer de restreindre le mouvement des animaux sur pied et des produits du bœuf pour des raisons liées à l’ESB. Le Comité recommande donc :
Recommandation 2 : Que le Canada et ces partenaires nord-américains se servent des leçons de la crise de l’ESB et des recommandations de l’OIE pour améliorer l’harmonisation des normes sanitaires et phytosanitaires et, dans ce but, qu’ils mettent sur pied un secrétariat permanent agricole de l’ALENA qui aurait pour mandat d’utiliser ces normes et de produire des rapports contenant des recommandations sur les actions que les partenaires de l’ALENA pourraient prendre afin de réguler les échanges commerciaux quand un problème sanitaire ou phytosanitaire survient.
Bien sûr, il n’est pas toujours possible de faire coïncider les considérations scientifiques et les impératifs politiques, et rien ne permet de préjuger de la réaction d’un état souverain à des problèmes sanitaires se produisant hors de ces frontières, mais nous ne devons pas pour autant oublier que la meilleure politique préventive consiste, pour le Canada, à appliquer les meilleures normes sanitaires possibles aux animaux de notre pays et à encourager l’ensemble du marché nord-américain à faire de même. La décision, prise par l’ACIA, d’imposer le retrait des « matériels à risque spécifié » des carcasses de bovins de plus de trente mois constitue la mesure de protection sanitaire la plus sûre qui puisse être prise à l’égard de l’ESB. L’ACIA envisage également d’apporter des améliorations à nos politiques d’alimentation et d’identification du bétail. La surveillance de la maladie a été accrue et le gouvernement fédéral a annoncé le déblocage de fonds supplémentaires afin de financer ces mesures.
Des organismes impartiaux et reconnus au niveau international tels que l’OIE et Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture ont félicité le Canada pour la transparence et pour la compétence des efforts qu’il a déployés contre l’ESB ainsi que pour sa capacité à réagir efficacement à cette situation de crise. Ces éloges ne peuvent, avec le temps, que constituer pour nous un avantage, car les pays étrangers reconnaissent, et continueront de reconnaître, l’intégrité de notre système canadien d’inspection des aliments.
Bien que la sécurité du bœuf canadien ne soit pas remise en cause, et que les mesures prises par l’ACIA aient été partout admirées comme un modèle du genre, la fermeture des marchés d’exportation en raison d’un unique cas d’ESB a constitué une catastrophe pour le secteur de l’élevage bovin canadien. L’exportation de bovins sur pied aux États-Unis leur ayant été interdite, les éleveurs n’ont plus disposé que des abattoirs canadiens pour écouler leurs bêtes. La surproduction de bovins sur pied qui en a résulté a entraîné une chute brutale des prix du bétail, et ces derniers demeurent toujours bas.
La réouverture de la frontière américaine est vitale pour la survie du secteur et le Comité souhaite que le gouvernement poursuive ses efforts en vue de convaincre les États-Unis qu’il est dans le plus grand intérêt de l’Amérique du Nord, dans son ensemble, de faire preuve de leadership aux yeux du monde en rétablissant ses échanges commerciaux en fonction de critères scientifiques. Le Canada, en tant que pays dont l’économie dépend de ses échanges commerciaux, doit se doter de règles claires au regard des problèmes sanitaires relatifs aux animaux afin de garantir la santé publique sans injustement pénaliser les éleveurs.
Le fait de dépendre de l’infrastructure de notre voisin pour l’abattage de nos animaux constitue, d’après le Comité, une autre faiblesse à laquelle il faudra remédier en rétablissant et en accroissant la capacité d’abattage à valeur ajoutée du Canada. Le gouvernement se doit de créer un environnement propice à l’épanouissement de nouveaux projets sur ce marché.
Agir en faveur d’une réglementation des échanges commerciaux et développer l’abattage à valeur ajoutée au Canada permettraient de réduire la vulnérabilité du secteur de l’élevage bovin canadien. Les répercussions de la crise de l’ESB de 2003-2004 ont été atténuées par l’aide massive des gouvernements fédéral et provinciaux qui atteignait 1,6 milliard de dollars au moment de la rédaction du présent rapport. Nous osons espérer que notre étude et nos recommandations permettront de réduire l’impact de nouveaux cas d’ESB sur notre économie nationale, nos consommateurs et particulièrement l’industrie bovine et les autres secteurs de l’agriculture qui supportent le bien-être et le future de nos collectivités rurales.
| Tableau 1 : Prix moyens des produits du bœuf au détail (en $ CAN) |
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| Bifteck de ronde |
Bifteck de surlonge |
Rôti de côtes de choix |
Palette semi-désossée |
Bœuf à ragoût |
Bœuf haché régulier |
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| ------------------------------------------------------- (pour 1 kilogramme) ------------------------------------------------------- |
|||||||||
| 2000 |
Janvier |
9,05 |
11,09 |
14,38 |
6,13 |
6,80 |
4,05 |
||
| Février |
9,36 |
11,23 |
14,03 |
6,33 |
6,98 |
4,18 |
|||
| Mars |
9,35 |
11,17 |
14,46 |
6,40 |
7,07 |
4,21 |
|||
| Avril |
9,55 |
11,88 |
15,01 |
6,43 |
7,30 |
4,35 |
|||
| Mai |
9,55 |
12,16 |
15,94 |
6,41 |
7,41 |
4,33 |
|||
| Juin |
9,63 |
12,16 |
15,75 |
6,29 |
7,34 |
4,38 |
|||
| Juillet |
9,75 |
12,27 |
16,05 |
6,65 |
7,34 |
4,44 |
|||
| Août |
9,87 |
12,57 |
15,87 |
6,48 |
7,24 |
4,43 |
|||
| Septembre |
9,70 |
12,80 |
16,22 |
6,60 |
7,17 |
4,45 |
|||
| Octobre |
9,86 |
11,97 |
15,91 |
6,55 |
7,12 |
4,47 |
|||
| Novembre |
9,79 |
11,73 |
16,19 |
6,69 |
7,28 |
4,51 |
|||
| Décembre |
10,25 |
12,32 |
16,13 |
7,00 |
7,57 |
4,54 |
|||
| 2001 |
Janvier |
10,41 |
12,77 |
16,90 |
7,17 |
7,43 |
4,61 |
||
| Février |
11,13 |
13,05 |
17,31 |
7,40 |
7,91 |
4,79 |
|||
| Mars |
11,47 |
13,50 |
17,61 |
7,85 |
8,17 |
5,07 |
|||
| Avril |
11,70 |
13,87 |
17,99 |
8,07 |
8,45 |
5,11 |
|||
| Mai |
11,38 |
14,95 |
18,44 |
7,99 |
8,54 |
5,12 |
|||
| Juin |
11,34 |
14,92 |
18,56 |
7,57 |
8,34 |
5,17 |
|||
| Juillet |
10,93 |
14,33 |
18,68 |
7,73 |
8,12 |
5,16 |
|||
| Août |
10,89 |
14,21 |
18,68 |
7,58 |
7,99 |
5,09 |
|||
| Septembre |
11,18 |
14,20 |
19,05 |
7,65 |
7,97 |
5,15 |
|||
| Octobre |
11,15 |
13,30 |
17,62 |
7,83 |
8,14 |
5,23 |
|||
| Novembre |
11,00 |
13,09 |
18,30 |
7,91 |
8,04 |
5,20 |
|||
| Décembre |
11,47 |
13,21 |
17,74 |
7,95 |
8,20 |
5,29 |
|||
| 2002 |
Janvier |
11,13 |
13,53 |
18,10 |
7,82 |
8,18 |
5,35 |
||
| Février |
11,26 |
13,56 |
17,82 |
7,92 |
8,36 |
5,42 |
|||
| Mars |
11,30 |
14,15 |
18,66 |
8,04 |
8,39 |
5,32 |
|||
| Avril |
11,36 |
14,64 |
18,49 |
8,16 |
8,27 |
5,47 |
|||
| Mai |
11,43 |
14,24 |
18,36 |
8,26 |
8,54 |
5,38 |
|||
| Juin |
11,30 |
14,09 |
18,36 |
8,28 |
8,52 |
5,47 |
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| Juillet |
11,29 |
14,09 |
18,61 |
8,14 |
8,59 |
5,33 |
|||
| Août |
11,08 |
13,94 |
19,00 |
8,04 |
8,39 |
5,52 |
|||
| Septembre |
10,85 |
14,08 |
19,20 |
7,96 |
8,22 |
5,45 |
|||
| Octobre |
11,01 |
13,92 |
18,05 |
8,37 |
8,33 |
5,51 |
|||
| Novembre |
11,10 |
13,53 |
18,27 |
8,37 |
8,36 |
5,44 |
|||
| Décembre |
11,39 |
13,43 |
18,62 |
8,50 |
8,64 |
5,42 |
|||
| 2003 |
Janvier |
11,43 |
13,76 |
18,94 |
8,26 |
8,39 |
5,61 |
||
| Février |
12,09 |
14,29 |
19,09 |
8,52 |
8,79 |
5,75 |
|||
| Mars |
12,24 |
14,26 |
19,31 |
8,67 |
9,01 |
5,70 |
|||
| Avril |
12,58 |
14,14 |
19,28 |
8,70 |
9,03 |
5,90 |
|||
| Mai |
11,65 |
14,16 |
19,06 |
9,07 |
9,04 |
5,84 |
|||
| Juin |
11,57 |
14,65 |
19,17 |
8,65 |
9,05 |
5,66 |
|||
| Juillet |
11,59 |
13,80 |
18,81 |
8,10 |
8,81 |
5,21 |
|||
| Août |
10,68 |
14,31 |
18,13 |
6,97 |
8,02 |
4,59 |
|||
| Septembre |
10,91 |
13,79 |
17,18 |
6,77 |
7,76 |
4,48 |
|||
| Octobre |
11,45 |
13,36 |
17,54 |
7,66 |
8,41 |
4,78 |
|||
| Novembre |
12,25 |
14,10 |
18,36 |
8,37 |
8,72 |
5,10 |
|||
| Décembre |
11,99 |
13,86 |
18,80 |
8,37 |
8,79 |
5,13 |
|||
| 2004 |
Janvier |
11,75 |
14,11 |
18,42 |
8,31 |
8,73 |
5,08 |
||
| Source : Statistique Canada, Tableau 326-0012 |
|||||||||
| Tableau préparé par Emmanuel Préville, Direction de la recherche parlementaire. |
|||||||||
Graphique 1: Comparaison du prix des bovins et des veaux et du prix du bœuf au détail
Source : Statistique Canada, La maladie de la vache folle et le commerce du bœuf : une mise à jour, numéro de catalogue 11-621-MIF-2004010, p. 9.
| DATE |
TÉMOINS |
| 19 février 2004 |
À
titre personnel : |
| 24 février 2004 |
D’Agriculture
et Agroalimentaire Canada : |
| De
l’Agence canadienne d’inspection des aliments : |
|
| 26 février 2004 |
Du
Conseil des viandes du Canada : |
| 9 mars 2004 |
En
table ronde : |
| Association
of Manitoba Municipalities : |
|
| Alberta
Association of Municipal Districts and Counties : |
|
| En
table ronde : |
|
| Western
Stock Growers’ Association : |
|
| Fédération
canadienne de l’agriculture : |
|
| 11 mars 2004 |
L’honorable Bob Speller, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire |
| D’Agriculture
et l’Agroalimentaire Canada : |
|
| De
l’Agence canadienne d’inspection des aliments : |
|
| 23 mars 2004 |
Conseil
canadien des distributeurs en alimentation : |
| Lakeside Packers Ltd. : |
|
| Levinoff
Meat Products Ltd. : |
|
| Cargill
Foods : |
|
| 25 mars 2004 |
Association
canadienne des éleveurs : |
| Sunterra
Farms : |
[1] Les États-Unis permettent l’importation de viande désossée de bovin âgé de moins de trente mois, et de viande désossée de veau d’au plus 36 semaines. Le Mexique, notre deuxième marché pour la viande de bœuf, a fait la même annonce le 11 août 2003.
[2] Le Canada a également imposé des restrictions au commerce du bœuf américain; il continue d’importer la viande désossée de bovins américains de moins de trente mois, les bovins sur pied destinés à l’abattage immédiat ainsi que les produits laitiers, la semence, les embryons et le suif dépourvu de protéines.
[3] Les matériels à risques spécifiés (MRS) sont des tissus qui, chez les bovins atteints de l’ESB, contiennent l’agent de la maladie. Chez les animaux malades, l’agent infectieux se concentre dans certains tissus comme le cerveau et la moelle épinière. La recherche révèle que ces tissus ne contiennent pas l’agent infectieux chez les animaux de moins de trente mois.
[4] Les abattoirs ont la capacité de traiter environ 70 000 bovins par semaine. Après la découverte du cas, le taux d’abattage est tombé à 30 000 bêtes par semaine.
[5] Statistique Canada signale qu’en janvier 2004, le cheptel canadien atteignait 14,7 millions de têtes, soit 1,2 million de plus qu’en janvier 2003.
[6] Le Conseil des viandes du Canada estime à 192 $ par tête la perte de revenu pour les parties appréciées en Asie, comme les abats et les issues des bouvillons et des génisses d’abattage.
[7] Le Conseil des viandes du Canada estime à 312 $ par tête la perte de revenu découlant de l’élimination des MRS et de la perte de marché pour les vaches et les animaux de plus de trente mois, ainsi que le 40 $ par tête pour les coûts supplémentaires d’équarrissage.
[8] La fièvre catarrhale et l’anaplasmose sont des maladies du bétail présentent aux États-Unis mais non au Canada.
[9] Les bovins d’engraissement américains de 39 États considérés comme peu susceptibles à la langue bleue pourront entrer au Canada directement sans test. Les bovins d’engraissement des onze autres États, où la fréquence de la langue bleue est jugée élevée, ne seront pas tenus de subir le test, à condition qu’ils séjournent au moins 60 jours avant l’importation dans un État où la maladie est rare. Cependant, les testes demeurent une option et si les bovins d’engraissement se révèlent sains, alors la période de 60 jours sera éliminée. Par le passé, les états où la maladie est fréquente, tous situés dans le sud, n’ont jamais exporté beaucoup de bovins d’engraissement au Canada.
[10] Parmi les 10 cas d’ESB du Japon, il y avait 2 animaux de moins de 24 mois. Même si le résultat a été positif au test rapide utilisé au Japon, ils n’ont pas donné de résultats positifs à l’examen direct du cerveau par le test accepté à l’échelle internationale d’immunohistochimie et d’histopathologie.
[11] Les bêtes admissibles sont tous les bovins sauf les taureaux et les vaches adultes (les vaches qui ont vêlé et les taureaux intacts âgés de plus d’un an).
[12] L’UE permet l’importation de produits du bœuf canadiens issus d’animaux élevés sans hormones de croissance. Les installations d’abattage canadiennes ne possèdent pas à l’heure actuelle l’infrastructure requise pour traiter séparément les carcasses d’animaux produits avec ou sans hormones de croissance.
Le Rapport du comité est disponible en format PDF (Portable Document Format). Les documents électroniques conservent ainsi leur présentation d'origine -- texte, graphiques, photos et couleurs -- et ils peuvent être visualisés sur divers systèmes (DOS, UNIX, WINDOWS, MAC, etc. ).
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