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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 3 - Témoignages du 21 avril 2004


OTTAWA, le mercredi 21 avril 2004

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-21, Loi modifiant le Tarif des douanes, se réunit aujourd'hui à 16 h 05 pour en faire l'examen.

Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Je souhaite bienvenue à l'honorable Denis Paradis, ministre d'État, Institutions financières, à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. M. Paradis est accompagné de M. Patrick Halley, économiste principal, Division de la politique commerciale, de Mme Emmy Verdun, directrice, Division de la politique commerciale et de M. Martin Rivard, conseiller de M. Paradis en matière de politiques.

Monsieur le ministre, je crois que vous avez un exposé au sujet de ce projet de loi. Vous avez la parole.

[Français]

M. Denis Paradis, député, c.p., ministre d'État, Institutions financières: Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de m'adresser aux membres du comité afin de discuter du projet de loi C-21, Loi modifiant le tarif des douanes. Mon intervention sera brève de sorte qu'il pourra rester du temps pour vos questions.

Le projet de loi a pour but de prolonger de dix ans, jusqu'au 30 juin 2014, deux programmes tarifaires de longue date. Le tarif de préférence générale et le tarif des pays les moins développés offrent un traitement tarifaire préférentiel sur les exportations des pays bénéficiaires. Ces programmes sont en vigueur depuis des décennies en conformité avec l'engagement du Canada consistant à appuyer la croissance économique et à faire reculer la pauvreté dans les pays en voie de développement. Ils viennent à échéance le 30 juin 2004, d'où la nécessité de les prolonger de dix ans.

Dans le cadre de mon allocution, je vous ferai part de certains renseignements sur ces programmes et je vous expliquerai les motifs qui justifient leur prorogation. Mis en œuvre dans le cadre du tarif des douanes, le tarif de préférence générale et le tarif pour les pays les moins développés sont les principaux mécanismes tarifaires qui permettent au Canada d'offrir des tarifs préférentiels aux pays en développement et aux pays les moins développés.

Ces programmes remontent à une conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement tenue en 1968, où on a convenu de la mise en place par les pays industrialisés d'un système de tarif préférentiel sur les marchandises des pays en voie de développement.

On réagissait ainsi au fait de plus en plus reconnu dans les pays industrialisés que le traitement préférentiel accordé aux pays en voie de développement constitue un moyen de favoriser la croissance économique et le bien-être de ces derniers. La plupart des pays industrialisés, y compris le Canada, étaient d'accord avec la décision rendue à la conférence des Nations-Unies et ont appliqué les préférences tarifaires unilatérales et non discriminatoires pour les marchandises en provenance des pays en développement pour aider ces derniers à accroître leurs revenus d'exportation et ainsi stimuler leur croissance économique.

Le Canada a instauré sa propre version du tarif de préférence le 1er juillet 1974, pour une période de 10 ans. Depuis le TPG a été reconduit à deux reprises en 1984 et en 1994. Le TPG du Canada s'adresse à plus de 180 pays et territoires en développement et s'applique à la plupart des produits et services visés par le tarif des douanes, à l'exception des produits agricoles soumis à la gestion de l'offre, du sucre raffiné, de la plupart des textiles, des vêtements et des chaussures. Les trois-quart de ces produits sont admis au Canada en franchise de droit. Les taux de droits appliqués aux autres produits sont inférieurs à ceux assujettis au tarif des nations les plus favorisées.

En 1983, le Canada a mis en application le TPMD dans un effort international d'accorder un traitement tarifaire plus avantageux encore à l'égard des marchandises originaires des 48 pays comptant parmi les plus pauvres de la planète suivant la définition des Nations Unies, d'après des critères comme le revenu national, la santé et l'éducation.

Conformément à l'engagement qu'il a pris au sommet du G-8 en 2002, le Canada offre, depuis janvier 2003, l'accès en franchise de droit au terme du tarif pour les pays les moins développés à toutes les marchandises importées des pays les moins développés à l'exception des produits agricoles soumis à la gestion de l'offre, plus particulièrement le lait, la volaille et les œufs.

[Traduction]

Monsieur le président, je vais maintenant décrire les principales raisons pour lesquelles il convient de prolonger de 10 ans de plus le tarif de préférence général, le TPG, ainsi que le tarif des pays les moins développés, le TPMD.

La prolongation de ces programmes de tarif réitérerait la volonté du gouvernement de contribuer à améliorer la capacité d'exportation et la croissance économique des pays en développement et des pays les moins développés, ce qui était la principale raison pour laquelle on a établi ces tarifs. Différentes études d'organisations internationales comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, de même que l'exemple de certains pays d'Asie, confirment que l'expansion des exportations contribue à la croissance économique. De plus, en prolongeant ces programmes, le Canada poursuivra une pratique internationale de longue date qui consiste à accorder un traitement tarifaire préférentiel aux produits provenant de pays pauvres.

Tous les pays développés donnent un accès préférentiel aux produits des pays en développement et certains d'entre eux, dont les États-Unis, l'Union européenne et le Japon, ont récemment élargi leurs programmes de tarifs préférentiels. En prolongeant ces programmes, nous communiquerons un message positif aux pays qui en bénéficient et qui considèrent ces programmes comme un facteur important favorisant l'accès de leurs exportateurs au marché canadien. En prolongeant de 10 ans ces programmes tarifaires, nous rendrons le contexte commercial plus prévisible pour les entreprises des pays en développement et du Canada.

Ces deux programmes sont avantageux, par ailleurs, pour les Canadiens, en particulier les importateurs et les consommateurs qui profitent de produits finis à moindre prix ou de faibles coûts de production. Grâce à l'application de tarifs réduits aux produits des pays en développement, les consommateurs canadiens ont accès à des produits importés à bon prix, et ils continueront à jouir de cet avantage si ces programmes sont prolongés. De plus, les producteurs canadiens bénéficient de tarifs réduits sur les intrants qu'ils importent des pays en développement pour produire des biens au Canada, ce qui, en bout de ligne, accroît la compétitivité de l'industrie canadienne.

Permettez-moi de vous donner quelques statistiques qui font ressortir la contribution de ces programmes à l'économie canadienne. En 2003, les importations canadiennes sous le régime du TPG et du TPMD s'élevaient à 9,7 milliards de dollars et représentaient à près de 3 p. 100 de toutes les importations canadiennes. En l'absence de ces programmes, les importateurs et les consommateurs canadiens auraient dû débourser en 2003 presque 273 millions de dollars de plus en droits douaniers.

[Français]

Tout compte fait, monsieur le président, il est clair que ces programmes contribuent au développement économique des pays bénéficiaires tout en permettant aux Canadiens d'en profiter.

J'aimerais aussi ajouter que les deux programmes, le TPG et le TPMD, sont d'importants programmes grâce auxquels le Canada offre une aide au développement international, en plus de ses programmes d'aide conventionnelle, bien sûr, afin d'appuyer les pays pauvres s'ils constituent une préoccupation morale importante pour les Canadiens.

Comme je viens de le mentionner, les motifs qui ont mené à l'établissement des programmes tarifaires préférentiels, à savoir qu'ils favoriseraient une augmentation des exportations en provenance des pays en développement et des pays les moins développés et stimuleraient ainsi leur croissance économique demeurent vrais de nos jours.

Un grand nombre de pays en développement ont encore de grands progrès à réaliser sur le plan économique pour que leurs citoyens atteignent des niveaux de revenus acceptables, comme le montre le fait qu'environ 1,2 milliards de personnes, soit le cinquième de la population mondiale, vivent avec moins de un dollars américains par jour.

Le projet de loi C-21 constitue une mesure de fond que le Canada peut adopter afin de continuer à aider les pays en développement atteints de l'objectif de réduction de la pauvreté.

Dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, je vous encourage à tenir compte de ce qui suit: le projet de loi C-21 permettra de poursuivre une pratique internationale établit de longue date selon laquelle le Canada agit de concert avec tous les autres grands pays industrialisés, par exemple les États-Unis, le Japon et l'Union européenne, afin de soutenir les pays en développement au moyen de programmes tarifaires préférentiels.

Deuxièmement, la prolongation de ces programmes pour une période de dix ans est conforme aux pratiques antérieures et crée un environnement prévisible pour les commerçants et réaffirme l'engagement à long terme du gouvernement à l'égard du développement international. Bien que ces programmes soient d'abord conçus pour aider à la croissance économique des pays en développement et des pays développés, les Canadiens aussi en bénéficient à cause du faible coût des produits ainsi importés.

Monsieur le président, je dois aussi mentionner que parallèlement à l'introduction de ces mesures tarifaires, ma collègue la ministre de l'Industrie a annoncé des mesures pour aider l'industrie — autant l'industrie du vêtement que l'industrie du textile — soit des mesures globales d'environ 60 millions de dollars sur trois ans pour être certain que notre industrie de textile et du vêtement puisse en tirer certains bénéfices.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le vice-président: Merci, monsieur le ministre. J'aimerais rappeler aux sénateurs que nous avons un vote à 17 h 30. Le timbre commencera sans doute à sonner vers 17 h 15. Nous voulons entendre tous les témoins aujourd'hui, car certains d'eux sont venus de l'extérieur. Comme la plupart des gens sont probablement plus occupés que les sénateurs, nous interromprons nos travaux à 17 h 20 pour les reprendre immédiatement après le vote.

Nous procéderons à l'étude article par article demain. Si nous pouvions terminer tôt, cela serait encore mieux. Outre le ministre, nous recevons aujourd'hui les représentants de la Fédération canadienne du vêtement, d'A & R Dress Company et de COMO Diffusion Inc.

Le sénateur Angus: Monsieur le ministre, je vois que vous êtes très favorable à ces dispositions. Il ne s'agit que d'une prolongation de 10 ans du régime actuel; il n'y a pas de changement important aux tarifs, aux taux ou en quoi que soit d'autre. C'est simplement une prolongation, n'est-ce pas?

M. Paradis: En effet, le projet de loi est très court, comme vous voyez, il ne comporte que deux articles qui, essentiellement, renouvellent le programme pour 10 ans.

Le sénateur Angus: Je suis sûr que c'est une bonne idée et je suis toujours content de voir un ministre à la mine réjouie.

Ce projet de loi s'inscrit naturellement dans un contexte d'aide internationale, n'est-ce pas? Il y a différente façon d'aider les pays en développement et, comme vous dites, de combattre la pauvreté dans ces régions du monde. Cela fait partie de l'approche humanitaire du Canada envers ces pays, n'est-ce pas?

M. Paradis: Oui. Vous vous souviendrez que lors du Sommet de Kananaskis, nous avons souligné l'importance de favoriser le développement de l'Afrique.

Le sénateur Angus: M. Chrétien s'est fait le champion de cette cause.

M. Paradis: Nous avons décidé d'accorder la priorité à l'Afrique. Le gouvernement a annoncé à Kananaskis que le Canada accepterait les produits et les services de tous ces pays pauvres sans imposer de taxe ni de quota — sans imposer quoi que ce soit — pour les aider à bâtir leur économie.

Le sénateur Angus: C'était à mon avis une attitude très noble et honorable. Il sera difficile de s'y opposer. Si je vous ai bien compris, ces tarifs ne s'appliquent qu'à 3 p. 100 de l'ensemble de nos importations. Est-ce exact?

M. Paradis: Oui.

Le sénateur Angus: On peut penser que des milliards de dollars, c'est beaucoup d'argent, mais il faut se rappeler que nous exportons plus d'un milliard de dollars de produits aux États-Unis chaque minute. Alors, tout compte fait, il s'agit d'une petite quantité de biens ou de produits, n'est-ce pas?

M. Paradis: Oui. Cela représente 3 p. 100 de l'ensemble des importations au Canada, dont la valeur s'élève à 9,7 milliards de dollars.

Le sénateur Angus: Ce sont là les chiffres de 2003. Je suppose que les prévisions pour cette année sont assez semblables?

M. Paradis: Pour vous donner un ordre de grandeur, nos échanges commerciaux avec les États-Unis s'élèvent à deux milliards de dollars par jour.

Le sénateur Angus: J'ai lu tous les documents qu'on nous a remis et il semble que tous les témoins que nous avons entendus sont en faveur du projet de loi. Cependant, j'aimerais avoir l'assurance que personne ne s'oppose à ces tarifs. Y a-t-il des gens qui vous ont communiqué, à vous-même ou à vos fonctionnaires, leur opposition à ces mesures?

M. Paradis: Avant de présenter ce projet de loi, nous avons travaillé étroitement avec l'industrie du vêtement et du textile pour trouver des façons de leur venir en aide. Comme je l'ai dit à la fin de mon exposé, la ministre Robillard a mis au point une série de mesures dont la valeur s'élève à 60 millions de dollars pour aider l'industrie canadienne; et cette somme doit être divisée également entre le secteur du vêtement et le secteur du textile. Nous voulons aider les pays étrangers tout en aidant les gens d'ici.

Le sénateur Angus: Voilà où je voulais en venir. Je connais bien cette industrie, qui est assez importante dans la province dont vous-même et Mme Robillard êtes originaires, tout comme dans la mienne. Les gens d'affaires de cette industrie ne font généralement pas de cadeaux. Je me demande donc qu'est-ce que vous leur avez offert en échange pour gagner leur collaboration. Et ce sont ces 60 millions de dollars.

M. Paradis: Oui, 60 millions de dollars sur trois ans. Ce train de mesure a été annoncé au moment où nous avons proposé de prolonger les deux programmes pour une période de 10 ans.

Le sénateur Angus: Grâce à ces subventions, ils ne s'opposent pas à ces tarifs.

M. Paradis: Je pense que vous allez entendre le témoignage de représentants de l'industrie. Je leur laisse le soin d'exprimer eux-mêmes leur position.

Mme Emmy Verdun, directrice, Division de la politique commerciale, ministère des Finances: Je préciserais que le TPG n'accorde pas de tarif préférentiel aux textiles ni aux éléments de vêtements. C'est seulement le tarif des pays les moins développés, le TPMD, qui accorde ce genre de traitement aux 48 pays visés. Le programme plus vaste n'accorde pas de traitement préférentiel aux textiles ni aux vêtements.

Le sénateur Angus: En règle générale, lorsque le ministre se montre aussi enthousiaste au sujet d'une mesure, il demande à ses fonctionnaires de lui en expliquer le pour et le contre et de lui dire s'il y a eu des réactions défavorables. J'ai pensé que la façon la plus facile pour moi de savoir était de vous poser la question. Y a-t-il des opposants à ces tarifs et, si oui, quels arguments invoquent-ils?

Mme Verdun: Nous n'avons pas eu d'opposition de la part des groupes intéressés ni de l'industrie. Comme M. Paradis l'a signalé, les représentants de l'industrie du vêtement et du textile ont exprimé certaines préoccupations au sujet du tarif des pays les moins développés, et vous aurez l'occasion de les entendre. M. Paradis a expliqué la série de mesures qui a été annoncée récemment pour venir en aide à cette industrie.

Il existe par ailleurs un mécanisme de sauvegarde auquel l'industrie pourrait recourir si elle jugeait que les importations en provenance des pays les moins développés menaçaient l'industrie au Canada. Jusqu'à maintenant, ce mécanisme n'a pas été utilisé, bien qu'il existe.

Le sénateur Angus: Y a-t-il d'autres arguments contre? Les mesures comme celles dont nous discutons aujourd'hui vont un peu à l'encontre de notre principe de favoriser le libre-échange. Au juste, qu'est-ce qui...

Mme Verdun: Il s'agit bien de libre-échange.

Le sénateur Angus: Nuance, il s'agit d'un échange plus libre. D'habitude, on connaît les désavantages que toute mesure comporte, et je crois comprendre qu'il y en a pour les industries du textile. Y en a-t-il d'autres?

Mme Verdun: Ce sont les seules industries qui ont exprimé des réserves face à ce programme.

Le sénateur Angus: Y a-t-il un débat ou est-ce que cela va de soi?

M. Paradis: Je n'ai pas eu connaissance d'un débat quelconque à ce sujet. Ce sont l'industrie du textile et du vêtement qui ont exprimé les principales réserves. Beaucoup de gens travaillent dans ces secteurs au Canada; c'est pourquoi nous avons aussi mis sur pied des programmes pour aider cette industrie.

Le sénateur Angus: Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Massicotte: J'ai deux questions à vous poser. Ce projet de loi existe depuis 30 ans, alors pourquoi privilégier les pays qui sont très concurrentiels par rapport à nous même si le montant n'est pas important? Quelle assurance offrez-vous qu'une révision complète sera faite de tout le système de douane et de tarif préférentiel et quand cette révision aura-t-elle lieu?

M. Paradis: Nous ne sommes pas les seuls à avoir ce tarif préférentiel, il y a également les États-Unis, l'Union européenne et bien d'autres. En ce qui concerne la première section sur le tarif général préférentiel, la raison est que nous voulons aider les pays en développement. Notre but à cette étape-ci est de renouveler pour dix ans les tarifs pour les deux programmes.

[Traduction]

Est-ce qu'un examen quelconque est prévu à ce sujet?

Mme Verdun: Comme M. Paradis l'a dit, nous entendons renouveler les programmes actuels. Pour le moment, on n'examine pas quels pays ou quels produits sont couverts, mais le gouvernement pourrait le faire n'importe quand et un tel examen ne nécessiterait pas de mesure législative.

La dernière fois qu'un examen d'aussi grande envergure a eu lieu, c'était à la fin des négociations du Cycle d'Uruguay de l'OMC. Il serait logique de procéder à un tel examen après la fin du cycle actuel des négociations de l'OMC. Au début, nous pensions que cela se ferait en 2005, mais il semble que les négociations pourraient se prolonger pendant un certain temps. Si le gouvernement décide de réexaminer quels pays et quels produits devraient être visés, il pourrait le faire. Nous n'avons rien au programme en ce moment, mais comme vous l'avez dit, le nom de certains pays en développement a été soulevé et il faudrait étudier la question.

Quant aux programmes qui existent actuellement relativement au TPG, il appartient à chaque pays de décider quels pays en développement ont droit aux tarifs préférentiels. L'OMC ne précise pas quels pays doivent être admissibles. Par conséquent, le gouvernement devra réexaminer un jour ou l'autre la liste des pays pouvant bénéficier d'un tarif préférentiel.

Le sénateur Massicotte: Si je vous ai bien compris, l'Europe et beaucoup de pays industrialisés ont adopté ce programme, mais chaque pays établi la liste des pays auxquels ces tarifs s'appliqueront. Est-ce exact?

Mme Verdun: Oui.

Le sénateur Massicotte: Si le Canada décidait de rayer un pays de la liste, il ne ferait pas l'objet de pressions internationales pour l'amener à adopter la même liste que tous les autres pays?

Mme Verdun: Ce ne serait pas nécessairement la même liste. Cependant, la décision doit reposer sur des critères rationnels. Autrement, on pourrait nous accuser de discrimination. Il serait cependant possible, en se fondant sur des critères objectifs, de retirer de la liste le nom de certains pays plus riches. On ne pourrait pas cependant le faire en vertu d'une décision subjective, en disant simplement que nous n'aimons pas un pays donné.

Le sénateur Massicotte: Quand a-t-on réexaminé ou modifié la liste pour la dernière fois?

Mme Verdun: C'était vers le milieu des années 90, après le Cycle d'Uruguay des négociations de l'OMC.

[Français]

M. Paradis: La plupart des pays les plus pauvres figurant sur la liste sont africains, mais il y a aussi des pays d'autres régions du globe, comme le Bangladesh. Cette liste est permanente à moins que ne surviennent des changements.

Le sénateur Massicotte: J'ai une autre question qui ne concerne pas nécessairement le projet de loi. Dans les grandes villes canadiennes, à Montréal, entre autres, des pertes d'emploi sont survenues à cause du programme de subvention des douanes qu'on a modifié considérablement. Que devrions-nous faire pour demeurer compétitif? Vous avez mentionné une subvention de 60 millions de dollars. Est-ce suffisant? Dans le secteur du textile et du vêtement avons- nous atteint un juste équilibre?

M. Paradis: L'industrie va certainement vous faire une présentation tantôt. C'est sûr que plus les subventions sont élevées, mieux s'en porte l'industrie. Cependant, le rôle du gouvernement est d'assurer la permanence des emplois tout en permettant que le secteur du textile autant que celui du vêtement continuent à progresser dans notre pays.

Parallèlement à cela, il est important d'aider les autres. Lorsque je m'occupais du dossier de l'Afrique, dans des fonctions précédentes, j'ai visité plusieurs pays producteurs de coton. Lors de la rencontre de Kananaskis, le gouvernement du Canada a créé un fonds de 500 millions de dollars pour l'Afrique. Cela a été rendu public. Il y a 100 millions de dollars qui doivent viser ces pays pour créer des partenariats entre le Canada et les pays africains. On est capable de les aider. Il faut atteindre cet équilibre en gardant nos emplois, en gardant une industrie qui fonctionne et en même temps, il faut être capable d'aider les autres à se sortir de la misère. L'Afrique est le continent où la pauvreté ne cesse d'augmenter et l'espérance de vie de diminuer. Pour tous les autres continents, c'est le contraire qui se produit. Je pense que la générosité des Canadiens fait aussi en sorte qu'on puisse avancer sur ces terrains tout en protégeant notre industrie canadienne.

Le sénateur Massicotte: Si c'est le cas, pourquoi voit-on autant d'articles dans les journaux mentionnant qu'on perd des milliers d'emplois dans ce secteur? On parle du quota qui vient à expiration bientôt, surtout aux États-Unis et en Europe. On a un programme, une stratégie et on accepte les résultats?

M. Paradis: On a une industrie assez vivante, assez progressiste dans le domaine. Encore une fois, c'est toujours une question d'équilibre entre le souci d'aider les autres, celui d'avoir des produits pour les consommateurs canadiens à un prix raisonnable et celui de conserver les emplois au Canada. Dans ce sens, avec le plan mis sur la table par Mme Robillard, on essaie d'atteindre un équilibre entre ces différents objectifs.

[Traduction]

Le sénateur Fitzpatrick: Monsieur le ministre, vous avez signalé que tous les pays développés donnaient un accès préférentiel à certains pays. Leurs mesures sont-elles semblables aux nôtres? Vous avez également dit que l'Union européenne, le Japon et les États-Unis avaient prolongé leurs programmes tarifaires préférentiels. L'ont-ils également fait pour 10 ans?

Mme Verdun: Tous les pays développés ont instauré des programmes de ce genre, bien qu'ils ne soient pas identiques au nôtre. Par exemple, la liste des pays bénéficiaires dont nous avons parlé n'est pas uniforme. De plus, les produits et les quantités visés par les tarifs préférentiels peuvent varier quelque peu.

Si on compare les programmes de tarifs préférentiels du Canada à ceux des États-Unis ou des pays de l'Union européenne, on voit qu'ils sont différents, mais comparables.

Le sénateur Fitzpatrick: Qu'entendez-vous par «comparables la comparaison»? Sont-ils meilleurs ou pires que les programmes d'autres pays?

Mme Verdun: Je faisais allusion à la générosité des programmes tarifaires.

Le sénateur Fitzpatrick: Ces prolongations de 10 ans qui ont été accordées récemment par d'autres pays coïncident- elles avec les périodes visées par notre programme ou viendront-elles à échéance plus tôt?

Mme Verdun: Les autres pays industrialisés ont une approche semblable, car ils ont prolongé les programmes pour cinq ou dix ans. Tous les pays industrialisés se sont dotés de tels programmes.

Le sénateur Fitzpatrick: Combien de pays industrialisés entrent dans cette catégorie?

Mme Verdun: Tous les pays industrialisés ont accordé des prolongations.

Le sénateur Fitzpatrick: Combien?

Mme Verdun: Les pays de l'Union européenne, les États-Unis, le Japon, l'Australie, la Nouvelle-Zélande.

M. Patrick Halley, économiste principal, Division de la politique commerciale, ministère des Finances: Permettez-moi de compléter la liste: la Norvège et la Suisse ne sont pas membres de l'Union européenne, tout comme d'autres pays, mais ont des programmes semblables.

Le sénateur Fitzpatrick: Connaissez-vous la valeur totale des produits exportés vers des pays développés qui bénéficient de ce traitement préférentiel? On a dit que c'était 3 p. 100 des exportations dans notre cas, mais peut-on nous donner un ordre de grandeur quant à la valeur de cette aide?

M. Paradis: Vous voulez dire dans les autres pays?

Le sénateur Fitzpatrick: Oui, les pays qui accordent ces tarifs préférentiels aux pays sous-développés.

Mme Verdun: Nous n'avons pas ce renseignement, mais nous pourrions essayer de l'obtenir pour vous.

Le sénateur Fitzpatrick: C'est un point intéressant.

Le vice-président: Nous avantageons certains pays sur le plan de la concurrence par rapport à d'autres en réduisant ou en supprimant les tarifs et en accordant à certains pays un accès préférentiel à notre marché.

M. Paradis: Oui.

Le vice-président: J'aimerais savoir quels produits ou quelles quantités de produits sont exclus. Par exemple, les chaussures, les produits réglementés par des offices de commercialisation, les vêtements, les textiles et d'autres produits sont exclus. Pourquoi avoir exclu ces produits plutôt que d'autres comme le boeuf, le pain ou le vin, par exemple?

M. Paradis: Il faut distinguer les deux programmes. Premièrement, le tarif de préférence général ou TPG s'applique à la plupart des produits, à l'exception des produits laitiers, de la volaille, des oeufs et d'autres produits de ce genre comme je l'ai mentionné précédemment.

Le vice-président: Le TPG exclut-il aussi les chaussures et les textiles?

M. Paradis: Il exclut le sucre raffiné et la plupart des textiles, des vêtements et des chaussures.

Le vice-président: Qu'est-ce que l'autre programme exclut?

M. Paradis: Il exclut le lait, le poulet et les oeufs.

Le vice-président: S'agit-il des produits réglementés par des offices de commercialisation?

M. Paradis: Effectivement.

Le vice-président: Les textiles ne sont pas exclus.

M. Paradis: C'est exact.

Le vice-président: C'est le programme qui s'applique aux pays pauvres.

M. Paradis: Cela s'applique aux 48 pays les plus pauvres.

Le vice-président: Dans ces pays-là, il peut être difficile de fabriquer des chaussures.

M. Paradis: Je pense que la plupart de ces pays sont en Afrique.

Le vice-président: Où au Canada sont fabriqués la plupart des produits exclus? Dans quelles régions du pays? Est-ce dans la plupart des cas en Ontario ou au Québec? Il n'y a pas beaucoup d'offices de commercialisation en Saskatchewan.

M. Paradis: C'est au Québec et en Ontario que les offices de commercialisation du lait sont les plus importants.

Le vice-président: C'est une question de gestion de l'offre. Où se concentre l'industrie du textile au Canada?

M. Paradis: Le Québec est un centre important, comme l'Ontario.

Le vice-président: Où se concentre la chaussure?

M. Paradis: Je ne sais pas.

Mme Verdun: L'industrie de la chaussure est assez peu importante au Canada, mais je crois que l'essentiel de la production se trouverait en Ontario et au Québec.

Le vice-président: Pourquoi ces produits sont-ils protégés, contrairement aux autres?

Mme Verdun: Le tarif intérieur de ces produits est similaire au tarif qui s'applique aux importations en provenance d'autres pays, comme l'Europe. Les produits mentionnés sont aussi ceux pour lesquels le taux de droit de la nation la plus favorisée, le taux NPF, est le plus élevé. Les producteurs canadiens ont en effet demandé le maintien de la protection tarifaire sur les importations, notamment des pays où les salaires sont bien inférieurs à ceux du Canada.

Le vice-président: N'est-ce pas une protection que chacun souhaiterait avoir?

Mme Verdun: Non. Il existe des secteurs qui sont tout à fait capables d'entrer en concurrence et prêts à le faire, en partie parce que les coûts de main-d'oeuvre ne constituent pas un facteur important de leur production. Des fois, c'est aussi parce que les négociations bilatérales ou multilatérales ont abouti à une réduction des tarifs canadiens en échange d'un accès aux marchés de certains pays.

Il y a bien des secteurs, au Canada, l'automobile par exemple, où l'essentiel des échanges s'effectue avec les États- Unis. L'essentiel de ce commerce relève de l'ALENA et fonctionne avec un taux de droit nul. Il faut donc envisager l'ensemble de la situation en matière de commerce et de production.

Le vice-président: Je ne suis pas un expert des échanges, comme le sénateur Kelleher ou d'autres présents ici. Toutefois, n'y a-t-il pas eu une conférence, l'an dernier, où les pays les plus pauvres — dont beaucoup figureraient sur la liste en question — se sont plaints de ne pas avoir accès à nos marchés? En d'autres termes, nous nous efforçons de les aider, mais seulement jusqu'à un certain point, parce qu'on les prive de l'accès à notre marché en protégeant les produits qui sont soumis à la gestion de l'offre. N'est-ce pas une question sur laquelle a porté une bonne partie des discussions, lors des dernières rondes du GATT?

Mme Verdun: Vous parlez de l'actuel OMC.

Le vice-président: Oui, au sujet de l'agriculture, qui me tient beaucoup à coeur, vu que je viens de la Saskatchewan.

Mme Verdun: L'agriculture constitue nul doute une des questions clés faisant actuellement l'objet des négociations au de l'OMC. Mais c'est un domaine où les tarifs constituent une infime partie du problème. La véritable pierre d'achoppement des négociations sur l'agriculture est la question des subventions à la production intérieure et à l'exportation. C'est le problème majeur.

Dans le cas du tarif des pays les moins développés, le Canada a éliminé tous les tarifs sauf ceux portant sur les biens soumis à la gestion de l'offre, dont nous avons déjà parlés. Dans ce cas, le respect des normes sanitaires constitue, pour la plupart des pays en voie de développement qui veulent accéder à un marché comme le nôtre, un plus grand obstacle que les tarifs.

Le vice-président: Cela inclut-il la chaussure et le textile?

Mme Verdun: Nous importons en fait beaucoup de produits agricoles en provenance de pays en voie de développement, mais il s'agit généralement de produits comme le café, le cacao ou les fruits tropicaux, produits qui poussent dans ces pays et qui respectent les normes sanitaires. Quand il s'agit de lait et de viande fraîche, par contre, les normes sont beaucoup plus contraignantes. Le problème tient plutôt à cela qu'aux tarifs.

Le vice-président: Est-ce pour cela que le boeuf ne figure pas sur la liste?

Mme Verdun: Oui. Il faut qu'il respecte les normes sanitaires.

Le vice-président: Je n'essayais pas de soulever un débat. C'est juste quelque chose que j'ai remarqué. L'emplacement géographique est tellement pratique, là où des tarifs préférentiels s'appliquent à des produits, par rapport au reste du pays. Je pense que c'est quelque chose que nous devrions examiner, la prochaine fois que nous nous pencherons sur la question.

Le sénateur Kelleher: J'ai quelques observations à présenter.

J'ai été ministre du Commerce, si bien que j'ai une certaine familiarité avec les tarifs et les objectifs recherchés. J'estime que c'est une bonne mesure législative. C'est quelque chose que nous nous efforçons de faire depuis longtemps. Par exemple, le Canada et les États-Unis ont conclu un traité spécial, le Traité du CARICOM, avec les pays des Caraïbes. Nous avons diminué les tarifs sur tous les biens en provenance de ces pays. Cela touche plus de 90 p. 100 des pays de cette zone. C'était un effort pour y encourager la création d'une certaine industrie secondaire.

L'approche présente d'autres avantages. En effet, il y a une plainte que formulent souvent ces pays les moins développés: «Vous voulez que nous achetions vos produits, mais nous n'avons pas d'argent, à cause des tarifs que vous imposez sur les biens que nous produisons. Nous n'avons rien à vendre, donc nous n'avons pas d'argent avec quoi acheter vos produits à vous».

Et nous n'agissons pas non plus par pure bonté d'âme. Nous espérons retirer des bénéfices de l'opération. À ce que je peux voir, le programme est bien géré. Et l'aide aux pays moins développés s'inscrit dans la ligne de la politique traditionnelle du Canada.

Une mesure législative de ce type n'est pas une initiative politique; c'est une initiative économique, non partisane. Personnellement, je suis heureux de l'appuyer. Si on avait profité du programme pour jouer toutes sortes d'entourloupettes, je serais le premier à le signaler; mais ce n'est pas le cas. C'est une mesure que nous devons adopter, pour une fois qu'on a l'occasion de faire quelque chose dans cette partie du globe.

Le lait, le poulet et les oeufs sont exclus essentiellement parce que les pays en question ne peuvent respecter nos normes sanitaires. Nous visons donc essentiellement le textile, un secteur relativement aisé à réglementer.

C'est une bonne mesure législative et je recommande que nous l'approuvions.

Le sénateur Harb: J'ai des questions sur le taux tarifaire s'appliquant à ces programmes au titre de l'annexe de l'OMC. Quel serait le taux à compter du 1er janvier 2005?

Mme Verdun: Est-ce que vous parlez de l'élimination des quotas à compter du 1er janvier?

Le sénateur Harb: Oui.

Mme Verdun: Effectivement, les quotas qui existent actuellement sur le textile et le vêtement seront éliminés le 1er janvier 2005. Cela s'applique à tous les pays de l'OMC, à la suite d'un accord conclu lors de la dernière ronde de négociations. Le Canada n'est donc pas le seul à être frappé et c'est quelque chose de complètement distinct du programme dont nous parlons. C'est un accord des pays membres de l'OMC.

Le sénateur Harb: Si on effectue une comparaison de nos tarifs actuels, quel type de préférence accordons-nous exactement à ces pays en voie de développement? Quelle est la différence entre le tarif qui leur est appliqué et celui qui est appliqué aux autres?

Mme Verdun: Cela varie jusqu'à un certain point selon le produit. Pour le TPMD, comme je l'ai dit, sauf pour les biens soumis à la gestion de l'offre, le taux est de zéro. Pour le TPG, qui s'applique aux autres pays en voie de développement, le taux préférentiel est de zéro pour les trois quarts et d'environ la moitié pour le reste. Le taux moyen appliqué au dernier quart des biens ainsi importés serait donc de 2,8 p. 100. Les biens ne relevant pas de ce programme sont frappés d'un tarif de 1,3 p. 100, si bien que l'avantage est d'environ 50 p. 100. Mais cela dépend vraiment du produit. Et si les échanges commerciaux évoluent, il est possible que nous constations une tendance différente dans la préférence.

Le sénateur Harb: Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas de chiffres majeurs. Cela concerne environ moins de 3 p. 100 de nos échanges. Dans la pratique, ce ne sont pas des montants susceptibles de faire trembler notre économie.

Depuis l'introduction des mesures pour les pays les moins développés, en janvier, a-t-on établi des statistiques sur le commerce effectué avec ces pays? Ont-ils pu vendre plus de produits au Canada? Avons-nous des chiffres?

M. Paradis: Je ne sais pas si nous en avons. Peut-être devrais-je ajouter que, après l'annonce de la mesure, nous nous sommes entretenus avec divers dirigeants de pays africains. Ils n'avaient pas été informés de notre décision; nous avons donc dû sensibiliser les pays les moins développés au fait que nous acceptions leurs biens et leurs services sans taxes ni droits.

Mme Verdun: En 2002, les importations au titre du programme du TPMD s'élevaient à 170 millions de dollars. En 2003, elles atteignaient 408 millions de dollars.

Le sénateur Harb: Qu'en est-il pour 2004?

Mme Verdun: Je ne crois pas qu'on ait des chiffres pour le premier trimestre, pour le moment.

Le sénateur Harb: C'est là surtout que la différence va se faire sentir, parce que, l'année d'avant, ils devaient avoir établi leur quota avec leurs fournisseurs et les questions de capacité et de canaux de distribution. Bref, les répercussions n'étaient alors pas encore mesurables.

Mme Verdun: Nous surveillons ce qui se passe dans le textile et le vêtement. Nous constatons que le taux d'augmentation a été relativement élevé, mais la base est très minime.

Le sénateur Harb: Nous entendrons plus tard des représentants de l'industrie nous dire que certains éléments des mesures fonctionnent assez bien. Par contre, il y en a d'autres où ils peuvent voir des problèmes. Certains suggéreront que nous appliquions les mesures de façon systématique, parce qu'ils ne veulent pas se retrouver désavantagés. Par exemple, un pays qui achèterait des matériaux en provenance d'un pays A, les introduirait au Canada, y ajouterait de la valeur et les vendrait aux Américains doit payer des taxes sur les matériaux bruts importés. Par contre, si ces mêmes matériaux bruts allaient à un pays B ou C et à un de ces pays les moins développés, ils ne seraient pas taxés. Ils ajoutent donc de la valeur dans les pays les moins développés, puis importent le tout au Canada, ou ailleurs, ce qui désavantage nos fabricants.

Est-ce la raison pour laquelle vous avez établi les mesures d'ajustement, quand il s'agit de les aider, pour essayer de saper ce type d'approche?

M. Paradis: Il faut aussi qu'on réfléchisse à la question des règles d'origine. Je vous donnerai encore quelques chiffres sur les moins développés. En 2003, le Bangladesh représentait environ 75 p. 100 de toutes les importations. Le Cambodge comptait pour 18 p. 100 et Haïti, pour 2,1 p. 100. Les mesures adoptées en faveur des pays les moins développés, à Kananaskis, par exemple, ne se traduisent pas encore dans les chiffres. Il faut beaucoup travailler à sensibiliser ces pays au fait que nous sommes ouverts à leurs produits.

Le vêtement est l'importation principale au titre du TPMD, avec 91 p. 100, contre 6,1 p. 100 pour le textile, et les chiffres sont nettement moins importants pour d'autres produits. Comme je l'ai dit, nous avons encore du pain sur la planche si nous tenons à aider ces pays, notamment en Afrique.

Le sénateur Harb: Le président a soulevé la question des produits culturels. En fait, avec la transformation des produits culturels, il n'y a pas de problème; ils peuvent les importer. Je crois qu'il n'y a aucun obstacle à ce que les pays les moins développés, exportent chez nous ce type de produits. Je pense qu'on vise seulement les oeufs, le poulet et les produits laitiers. Est-ce exact?

M. Paradis: Oui.

[Français]

Le sénateur Chaput: Ma question fait suite à celle de mon collègue le sénateur Harb. Il n'y a aucun doute que le Canada a le devoir d'appuyer les pays en voie de développement. Nous savons cependant qu'au Canada certaines personnes, des enfants et des familles monoparentales vivent dans un état de pauvreté. Souvent, ces familles et ces personnes opèrent des petits commerces, parfois de leur domicile.

Existe-t-il une méthode par laquelle on pourrait analyser les effets de cette aide aux pays en voie de développement sur notre clientèle moins favorisée au Canada?

En assurant le développement de ces pays, nous devons également continuer d'encourager l'économie au sein de notre propre pays. Sinon, viendra un jour où on ne sera peut-être plus en mesure d'apporter une aide aussi généreuse à ces pays défavorisés.

Avez-vous un système de vérification en place pour concilier les deux priorités?

M. Paradis: Ce qui est important est d'assurer l'équilibre entre le coût au consommateur, les emplois d'ici et l'aide apportée aux pays moins développés. Il y a donc trois facteurs dans l'équilibre.

Dans cet esprit, j'ai eu l'occasion de visiter des manufactures de vêtements et j'ai constaté que les travailleurs, venant de communautés diverses, étaient syndiqués. Cette constatation m'a réconforté sur la perception fréquente que les travailleurs manufacturiers au sein de grosses entreprises sont souvent traités avec peu de soin.

Il suffit donc de trouver une façon de permettre à nos consommateurs d'obtenir les meilleurs prix possibles et, à la fois, venir en aide aux pays en voie de développement. Cela nous a menés aux deux programmes tarifaires et au programme annoncé par Industrie Canada destiné à venir en aide aux secteurs du textile et du vêtement.

Toutefois, je ne crois pas que l'on dispose de données précises à savoir le facteur de pauvreté par rapport aux importations.

Le sénateur Chaput: Nous n'avons donc aucun chiffre démontrant une perte d'emploi des sous-traitants au Canada, de ces petites entreprises, depuis qu'on a mis sur pied notre programme d'aide?

M. Paradis: Lorsque nous avons ouvert nos portes aux pays moins développés — citons l'exemple des importations du Bangladesh — notre industrie a commencé à manifester certaines préoccupations à savoir plus on importe de produits à bon marché, plus il est difficile de maintenir au pays la main-d'œuvre, les ventes et la production. Voilà également pourquoi nous devons intervenir.

Lorsque, d'une part, on présente certains tarifs, il faut, d'autre part, créer des programmes d'aide. Ces programmes sont-ils assez généreux? On peut se poser la question. Toutefois, parallèlement à cette politique tarifaire, le programme d'aide de l'ordre de 60 millions de dollars à l'industrie du textile et du vêtement sur une période de trois ans est certes un pas dans la bonne direction pour aider ces deux secteurs de notre industrie.

[Traduction]

Le vice-président: S'agit-il du programme d'aide de 60 millions de dollars dont vous avez parlé?

M. Paradis: Oui.

Le vice-président: Cette aide s'adresse-t-elle directement à ces deux programmes, ou d'autres programmes entrent-ils en jeu?

M. Paradis: Disons moitié-moitié. L'aide vise l'industrie au Canada. Elle se répartira moitié-moitié entre le vêtement et le textile.

Pour le secteur du vêtement, l'argent ira à la réduction de certains tarifs à l'importation de textiles d'autres pays. C'est la suite d'un programme qui existait déjà pour le secteur du textile, avec un certain montant. Je ne me souviens plus du chiffre exact.

Cela inclut 26,7 millions de dollars attribués à une initiative pour l'efficacité de la production de textiles, 6,5 millions de dollars au titre des programmes déjà en place au Canada pour le vêtement et le textile et, enfin, une réduction de tarif d'une valeur d'environ 26,7 millions de dollars qui ira au secteur du vêtement au cours des trois prochaines années. La répartition entre les deux secteurs est d'environ moitié-moitié.

Le vice-président: Bénéficient-ils d'argent pour l'importation de matériaux bruts? S'ils importent du lin et paient un tarif sur ce lin, bénéficient-ils d'une subvention pour diminuer ce montant? Comment est-ce que cela fonctionne? Comment ont-ils accès à de l'argent?

M. Paradis: L'argent attribué au secteur du vêtement devrait servir à réduire certains des tarifs qui s'appliquent actuellement, par exemple sur les textiles importés de l'étranger quand ils ne sont pas disponibles au Canada.

L'autre programme dans le secteur du textile est la suite d'un programme établi pour l'efficacité de la production de textiles, programme qui relevait par le passé d'Industrie Canada.

Le vice-président: En quoi consiste le programme?

M. Paradis: À ce que je sais, l'objectif du programme est de moderniser l'industrie afin de la rendre plus concurrentielle.

Le vice-président: S'agit-il d'argent pour des usines, pour l'achat de nouvel équipement, ou s'agit-il d'allégement fiscal? Est-ce que vous vous contentez de leur écrire un chèque?

Mme Verdun: Non, nous ne nous contentons pas d'écrire des chèques. Laissez-moi commencer par la partie du programme ayant trait à la réduction des tarifs, annoncée à la fin de février. Nous étudions actuellement la meilleure façon de mettre ceci en oeuvre. Nous n'avons pas encore dévoilé les détails à ce sujet. Nous pensons que ce programme sera mis en oeuvre à l'automne de cette année.

En ce qui concerne l'aide à l'industrie, comme le ministre Paradis l'a indiqué, le Programme des industries canadiennes du textile et du vêtement, le PICTV, entend venir en aide aux industries du vêtement et du textile. L'enveloppe de départ était de 33 millions de dollars. Le gouvernement y a ajouté 6,5 millions de dollars pour prolonger le programme. S'ajoute à cela le programme de l'efficacité de la production des textiles, qui vise à stimuler l'efficacité des entreprises du textile. L'argent n'ira pas à des dépenses en immobilisation; il aidera plutôt ces entreprises à devenir plus efficaces et à entreprendre d'autres activités.

Le vice-président: De quel ordre? Vous dites qu'il y a un programme. Comment y a-t-on accès? Vous parlez de devenir plus efficaces; je voudrais savoir dans quels domaines. Que doit faire une compagnie pour recevoir un chèque dans son courrier?

Mme Verdun: C'est Industrie Canada qui gère le programme. Le ministère a affiché dans son site Web tous les renseignements voulus sur les éléments qui sont admissibles à une aide et ceux qui ne le sont pas.

Le vice-président: Mais il s'agit toujours d'être plus efficace?

Mme Verdun: Oui.

Le sénateur Moore: Merci, monsieur le président, et merci à nos invités d'aujourd'hui. J'ai juste une question. Le gouvernement fédéral surveille-t-il les conditions dans lesquelles sont produits les biens importés des pays les moins développés? Par exemple, est-ce que nous nous préoccupons du travail des enfants? Et si oui, que faisons-nous à ce sujet?

M. Paradis: Comment surveillons-nous la situation?

Le sénateur Moore: Oui, comment surveillons-nous les conditions dans lesquelles certains des biens importés sont produits, dans les pays en voie de développement et dans les pays les moins développés?

Mme Verdun: Dans le cadre du programme, le Canada n'impose pas de conditions aux pays qui en bénéficient. Le TPMD s'appuie simplement sur la liste des pays les plus pauvres établie par les Nations Unies. Le seul pays qui ne figure par sur cette liste est le Myanmar, à cause d'atteintes aux droits de la personne. En ce qui concerne le TPG, il concerne 180 pays et territoires douaniers que le Canada a choisis pour sa liste, sans y attacher de conditions.

La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement avait d'ailleurs stipulé que ce type de programmes devait être généralisé, non réciproque et non discriminatoire, lorsqu'elle a fait appel à des programmes de ce type au milieu des années 70. Ce sont des principes que nous avons respectés. Signalons toutefois que certains pays, comme les États-Unis et l'Union européenne, imposent effectivement certaines conditions en matière de protection de la PI et des investisseurs.

Le sénateur Moore: Posons-nous de telles conditions?

Mme Verdun: Non. Nous appliquons les règles normales de l'OMC en matière de commerce.

Le sénateur Moore: Vous avez utilisé l'abréviation PI, voulez-vous dire la propriété intellectuelle?

Mme Verdun: Oui, la propriété intellectuelle.

Le sénateur Moore: C'est là un enjeu de taille qui va prendre de plus en plus d'importance dans l'avenir. Ne devrions-nous pas faire quelque chose pour essayer de prévenir le piratage ou la reproduction non autorisée de produits résultant d'un travail intellectuel?

Mme Verdun: Nous ne fixons pas de conditions supplémentaires pour ce programme, mais les règles de l'OMC s'appliquent, notamment les ententes relatives au commerce et à la propriété intellectuelle. Nous n'imposons pas d'autres conditions aux pays admissibles à un tarif préférentiel en vertu des deux programmes.

Le sénateur Moore: Dans le cadre des ententes que vous venez de mentionner, surveille-t-on ce genre d'activités dans ces pays bénéficiant d'un traitement préférentiel?

Mme Verdun: Non, pas dans le cadre de ces programmes. En ce qui concerne les normes de travail et les questions connexes, le Canada agit par l'entremise d'autres organismes, comme l'Organisation internationale du travail, l'OIT, les Nations Unies, et cetera.

Le vice-président: Merci, monsieur le ministre et mesdames et messieurs les témoins.

Nous allons maintenant entendre notre prochain groupe de témoins. Soyez les bienvenus. Vous avez la parole.

M. Elliot Lifson, président, et vice-président de Peerless Clothing inc., Fédération canadienne du vêtement: Merci de nous donner l'occasion de comparaître devant votre comité pour faire valoir le point de vue de la Fédération canadienne du vêtement relativement au projet de loi C-21. Nous vous avons remis un mémoire qui contient plusieurs articles que je vais mentionner.

Je suis le président de la Fédération canadienne du vêtement. Je travaille dans l'industrie du vêtement depuis plus de 30 ans. Je suis également le vice-président de Peerless Clothing Inc., la plus grande entreprise canadienne de fabrication de vêtements et le propriétaire de la plus grande usine au monde de confection de complets. Nous employons plus de 3 000 personnes à notre usine de Montréal.

Après notre exposé, d'autres membres de l'industrie vous parleront des décrets de remise dont bénéficient certains segments de l'industrie du vêtement. Je suis accompagné par Bob Kirke, directeur exécutif de la Fédération canadienne du vêtement.

En 2002, plus de 94 000 Canadiens travaillaient dans l'industrie du vêtement, qui vient au dixième rang dans le secteur manufacturier au Canada et au deuxième rang dans la province de Québec. Les mesures tarifaires comme celles contenues dans le projet de loi C-21 ont des répercussions réelles et directes sur l'industrie du vêtement. Par conséquent, le renouvellement du TPMD et du TPG doit s'accompagner d'autres mesures pour assurer la vigueur et la viabilité de l'industrie du vêtement au Canada. Les intrants dont nous avons besoin, particulièrement les tissus utilisés pour fabriquer des vêtements au Canada, doivent être exempts de douane pour notre industrie. Dans mes recommandations, je décrirai des mécanismes simples permettant d'atteindre ce but.

Permettez-moi de vous décrire brièvement notre secteur. Notre industrie vise deux buts. Le premier est de nature économique: procurer des emplois aux employés débutants et hautement qualifiés, de même qu'au personnel de gestion. Le deuxième but est de nature sociale: nous fournissons des emplois de premier échelon aux nouveaux arrivants sur le marché du travail canadien et nous jouons un rôle important dans la socialisation des nouveaux immigrants.

J'ai mis en relief ces contributions à l'économie dans un article d'opinion paru le 24 mars 2000 dans le National Post. Cet article figure dans le mémoire que nous vous avons remis, à l'annexe I.

Beaucoup d'entreprises canadiennes sont devenues des leaders du marché et des exportateurs prospères au cours des dix dernières années; en particulier, ils ont fait des percées importantes sur le marché américain. Notre industrie exporte chaque année des vêtements pour une valeur approximative de 3 milliards de dollars, seulement aux États- Unis. Malgré nos réussites, l'industrie canadienne du vêtement doit affronter des défis et des pressions immenses, dont certains sont décrits dans un article paru dans La Presse le 10 avril dernier et dans un article paru dans le numéro du 15 avril de la revue Les Affaires. Ces articles figurent dans le mémoire aux annexes II et III.

Certains de ces défis et pressions auxquels l'industrie fait face découle de la concurrence sur les marchés tandis que d'autres sont le fruit de politiques gouvernementales, comme les mesures contenues dans le projet de loi C-21, que votre comité étudie en ce moment.

L'année dernière, le gouvernement du Canada a modifié le TPMD, ramenant d'environ 18,5 p. 100 à zéro les droits de douanes sur les vêtements importés des pays les moins développés. Le Canada a également levé les quotas relativement aux vêtements fabriqués dans ces pays. Ces deux mesures ont eu des effets immédiats et importants. Les importations de vêtements en provenance des principaux pays les moins développés ont augmenté rapidement en 2003. Les importations du Cambodge se sont accrues de 328 p. 100 et celles du Bangladesh, de 115 p. 100. Et, comme je l'ai dit, ces mesures ne touchaient que les vêtements. Dans une proportion de 91 p. 100, ces mesures ont frappé l'industrie du vêtement. L'industrie du textile n'est pas représentée ici aujourd'hui; nous sommes tous de l'industrie du vêtement.

Ces mesures ont eu un effet évident sur les fabricants canadiens de vêtements, effet décrit dans un article du Globe and Mail du 16 avril dernier, lequel figure également dans notre mémoire à l'annexe IV. Comme les articles l'expliquent, des compagnies ont fermé leurs portes ou ont déplacé soit une partie soit la totalité de leurs activités de production à l'extérieur du Canada au cours de 2003. Ce virage spectaculaire a entraîné la perte de 10 000 emplois dans l'industrie du vêtement.

Ces effets défavorables sont attribuables à des raisons fort simples. En vertu des dispositions relatives au TPMD, les fabricants établis au Bangladesh ou dans un autre pays parmi les moins développés peuvent acheter des tissus en Chine, couper et coudre le vêtement au Bangladesh puis expédier le produit fini au Canada, sans avoir à payer de douanes ou à respecter un quota, comme le sénateur Harb l'a dit. Cependant, si un fabricant canadien veut importer du tissu au Canada pour faire coudre le même vêtement par des employés canadiens, il devra payer des droits de douanes variant de 12 à 16 p. 100, seulement sur le tissu.

Il y a beaucoup d'hommes d'affaires parmi vous. Vous voyez que ce n'est pas logique. Chaque année, notre industrie débourse plus de 110 millions de dollars en droits de douanes sur les matières premières. Peerless Clothing commence à importer des choses qu'on n'aurait jamais envisagées il y a deux ans. Le gouvernement nous a envoyé un message. Il nous a encouragés à importer les vêtements finis du Bangladesh au lieu d'importer en franchise de douanes le tissu pour faire fabriquer ces vêtements ici au Canada, par des employés canadiens, ce que nous souhaiterions.

En outre, le 1er janvier 2005, le Canada supprimera tous les quotas encore en vigueur sur les vêtements importés, conformément aux engagements qu'il a pris devant l'OMC. Par conséquent, des pays comme la Chine pourront exporter librement au Canada, sans être assujettis à des limites de quantités. Nous nous attendons à voir grimper en flèche les importations de vêtements en provenance de la Chine et de beaucoup d'autres pays qui, en ce moment, sont assujettis à des quotas.

Le Canada ne peut prolonger le TPMD et le TPG sans apporter des changements importants à d'autres politiques. Je m'en tiendrai à une mesure simple que la fédération exhorte votre comité de recommander au gouvernement: l'élimination immédiate des droits de douane sur les étoffes utilisées par l'industrie canadienne du vêtement pour faire confectionner ces produits au Canada par des employés canadiens.

La raison pour laquelle nous insistons sur l'importance d'exempter de droits de douane les matières premières est très simple. L'étoffe de vêtements est le principal facteur qui détermine si un vêtement est à la mode et s'il sera accepté par le consommateur. Le coût de l'étoffe peut représenter de 50 à 75 p. 100 du coût des facteurs de production pour un fabricant de vêtements. L'élimination des droits de douane sur les étoffes qu'ils importent permet aux producteurs canadiens de vêtements de soutenir la concurrence sur le marché canadien et sur les marchés d'exportation.

Enfin, les avantages qu'entraînerait l'abaissement des droits de douane sont évidents. Là où ils ont été éliminés, les entreprises canadiennes en ont pleinement profité pour l'expansion de leur production, de leurs effectifs et de leurs exportations.

À titre non plus de représentant de la Fédération mais de chef d'entreprise, je peux vous en donner le meilleur exemple. Notre usine sur le boulevard Pie IX à Montréal compte 3 000 employés. Nous exportons 90 p. 100 de notre production aux États-Unis, et accaparons une grande partie du marché des vêtements pour hommes, l'un des plus féroces au monde.

Par ailleurs, la réduction des tarifs est facile à mettre en oeuvre. Il n'est pas nécessaire de modifier une loi ou un règlement pour réduire les droits de douane. Le ministre des Finances peut modifier les tarifs douaniers en tout temps. Le gouvernement a pris des mesures décisives pour réduire les droits de douane sur les importations en provenance des pays les moins développés en 2003; il peut faire de même pour notre industrie maintenant.

Les allégements tarifaires accordés aux pays les moins développés en ce qui concerne les importations de vêtements se sont élevés à quelque 100 millions de dollars en 2003. Cela équivaut à peu près à ce que notre industrie paie chaque année en matières premières, c'est-à-dire 110 millions de dollars.

La production intérieure des textiles utilisés par l'industrie du vêtement diminue rapidement ou est même inexistante dans beaucoup de cas. Beaucoup de fabricants de vêtements canadiens ne peuvent pas s'approvisionner en étoffe et en autres matières premières au Canada. La forte proportion de matières premières importées par notre industrie en témoigne. Nous ne demandons pas d'aide financière ni de subventions. L'industrie canadienne du vêtement demande simplement au gouvernement canadien de cesser de taxer les matières premières dont l'industrie a besoin.

Nous tenons à signaler que le gouvernement canadien a pris certaines mesures au fil des ans pour réduire les tarifs sur les intrants. Il existe un mécanisme qui permet aux fabricants de vêtements de s'adresser au Tribunal canadien du commerce extérieur pour obtenir un allégement tarifaire sur une étoffe, au cas par cas. Comme vous pouvez l'imaginer, le processus est lent, lourd et coûteux, alors que nous travaillons dans le domaine de la mode.

Je vais vous donner un exemple pour illustrer le problème. Nous avons fait une demande en novembre 2002. L'audience a eu lieu en novembre 2003 et le jugement a été rendu le 11 février 2004. Quatre ministres doivent approuver le règlement, ce qui n'a pas encore été fait au moment où nous nous parlons. Du moins, si c'est fait, je ne suis pas au courant. On ne peut pas faire des affaires de cette façon, ce que les gens d'affaires qui sont membres de ce comité comprendront sans peine.

La ministre Robillard a annoncé la création d'un programme d'allégements tarifaires d'une valeur de 9 millions de dollars par année. Cela représente moins de 10 p. 100 de nos frais de douane qui totalisent 110 millions de dollars. La situation est intenable au Canada. Nous ne demandons pas la mise en place de barrières tarifaires, seulement des allégements tarifaires sur nos facteurs de production, de manière à ce que nous puissions survivre.

En un mot, votre comité devrait presser le gouvernement d'apporter les modifications nécessaires à sa politique industrielle pour permettre à l'industrie du vêtement de prospérer après le renouvellement du TPG et du TPMD. Pour s'attaquer au coeur du problème, votre comité devrait recommander, à l'instar du Comité des finances de la Chambre des communes, l'élimination des droits de douane sur les facteurs de production importés par les fabricants de vêtements canadiens pour confectionner leurs produits au Canada. Si le comité estime que des allégements généraux risquent de soulever des questions, il devrait quand même recommander que l'on vise à long terme la mise en place d'allégements tarifaires d'application générale et que, dans l'immédiat, on accorde un allégement totalisant 27 millions de dollars par année pendant trois ans. Cela ne représenterait que le quart de ce que nous payons en droits de douane.C'est une solution claire et simple au problème, et c'est ce que nous demandons.

En guise de conclusion, je vais reprendre ce que j'ai écrit dans mon article d'opinion paru dans le Financial Post, et que M. Bob Silver, de la société Western Glove Works de Winnipeg, a réitéré: L'industrie canadienne du vêtement ne s'occupe pas seulement de vêtements, mais aussi de personnes. Sa capacité de le faire à l'avenir dépendra des décisions du gouvernement et de l'avis et des recommandations judicieux de tous les membres de votre comité. Je vous remercie.

Le vice-président: Merci de cet exposé fort éloquent.

Monsieur Rotchin, vous avez la parole.

[Français]

M. Randy Rotchin, président, A & R Dress Company inc.: J'aimerais remercier les membres du comité de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.

[Traduction]

Je suis président de A & R Dress Company Inc. La compagnie A & R, qui a vu le jour en 1947 et est basée à Montréal, est devenue l'un des principaux fournisseurs de vêtements féminins sous l'étiquette privée au Canada. Je suis fier de dire que A & R a remporté de nombreux prix de la part des principaux magasins à rayons et à succursales multiples du Canada pour la supériorité de son design et la qualité de ses produits. Je siège au conseil d'administration de l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec et je suis aussi membre du Comité sur le tarif de préférence de la Fédération canadienne du vêtement. Je fais également partie d'un comité spécial regroupant 140 entreprises du vêtement bénéficiaires de divers décrets de remise qui doivent prendre fin dans environ neuf mois. Permettez-moi de présenter les deux cadres distingués de la société John Forsyth Shirt Company de Toronto, M. Wendell Wilkinson, vice-président des Opérations, et M. Oliver Morante, vice-président exécutif. Je suis également accompagné de M. Jack Lenet, expert-conseil chez Milgram & Company Ltd., qui est l'une des plus importantes et des plus anciennes firmes de courtage au Canada, laquelle représente environ 30 titulaires de remises.

Le 9 mars dernier, j'ai eu l'honneur de parler devant le Comité des finances de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-21. Dans mon témoignage, j'ai appuyé le projet de loi qui propose de prolonger de 10 ans l'accès au marché canadien en franchise de droits et hors quota pour les pays les moins développés. J'ai aussi dit que je craignais que, alors que nos concurrents à l'étranger bénéficient du dégrèvement tarifaire, les fabricants de vêtements canadiens souffrent énormément du fait qu'on leur enlèvera des allégements tarifaires (sous forme de remise des droits de douane) à hauteur de 32 millions de dollars, d'ici la fin de l'année. À la suite de mon témoignage (et celui de mes collègues qui m'accompagnent ici aujourd'hui), le Comité des finances de la Chambre des communes a soumis un rapport bipartite unanime recommandant la prolongation immédiate des programmes d'exonération après le 31 décembre 2004. J'espère que votre comité appuiera l'industrie nationale du vêtement en se prononçant en faveur des recommandations de la Chambre des communes.

Pour faire un peu d'histoire, la plupart des décrets de remise ont été introduits dans la foulée du premier accord de libre-échange canado-américain. Dans une grande mesure, cela venait compenser les règles d'origine extrêmement rigoureuses qui limitaient l'accès efficace au marché américain des fabricants de vêtements canadiens. À l'époque, le ministère des Finances avait incité les fabricants de vêtements à négocier des solutions sous-secteur par sous-secteur et, chaque fois que possible, à obtenir l'appui des usines de textile canadiennes. Certains sous-secteurs, comme le producteur national de pantalons, n'ont pas été en mesure de recueillir cet appui et, par conséquent, n'ont pas pu obtenir de remise de la part du ministère des Finances.

La remise vise expressément le «fabricant-importateur», c'est-à-dire une entité qui exerce un contrôle sur le design et la commercialisation au Canada, et dont la production à l'échelle nationale est complétée par une production à l'étranger. Tous les intervenants du domaine du vêtement, y compris le ministère des Finances, Industrie Canada et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, conviennent que les «fabricants-importateurs» représentent l'un des sous-secteurs les plus importants et les plus dynamiques de l'environnement commercial actuel.

Le vice-président: Je m'excuse de vous interrompre, mais nous devons nous rendre à la Chambre des communes pour un vote. Nous reprendrons la réunion quand nous reviendrons.

Le comité suspend ses travaux.

La séance reprend.

Le sénateur Wilfred P. Moore (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant: Veuillez poursuivre, monsieur Rotchin.

M. Rotchin: Merci, monsieur le président.

De plus, tous les groupes intéressés dans l'industrie du vêtement reconnaissent que les fabricants-importateurs sont l'un des sous-secteurs les plus susceptibles de garantir des emplois au Canada. Le rôle et les avantages des décrets de remise sont bien connus et bien compris.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les décrets de remise offrent annuellement des allégements tarifaires d'une valeur d'environ 32 millions de dollars au secteur du vêtement du Canada. Qui plus est, les décrets de remise représentent un incitatif à continuer d'investir dans le talent et l'expérience d'acteurs canadiens.

Il est déjà arrivé que l'on accorde une prolongation des décrets de remise dans le passé avec une promesse de recommandation de mesures d'ajustement plus importantes avant le 1er janvier 2000. Nous avons dépassé cette échéance et n'avons pas vu de recommandation ni d'action.

Pour l'heure, cependant, on refuse de prolonger les décrets de remise, ce qui ne tient pas compte du fait que les conditions matérielles ont changé dans le secteur, notamment pour ce qui est des règles d'origine extrêmement laxistes appliquées dans le cadre du programme canadien visant les pays les moins développés. Ainsi, les exportations en provenance du Bangladesh ont connu une hausse de 120 p. 100 depuis le début de l'année en cours, et on s'attend à ce qu'elles augmentent de plus de 200 p. 100 d'ici la fin de l'année. Selon le ministre d'État aux Finances, l'application du TPMD a fait bénéficier à nos concurrents de ces pays d'une franchise de droits sur les exportations de vêtements d'une valeur approximative de 273 millions de dollars.

En raison de cette situation, une entreprise comme A & R Dress doit payer des droits de 16 p. 100 sur ses matières premières (qui, incidemment, seront transformées en produits finis par des travailleurs canadiens), alors que les mêmes produits finis (fabriqués à partir des mêmes matières premières) entrent au Canada en provenance de pays bénéficiaires du TPMD en franchise de droits et hors quota. L'élimination du programme de remise aura pour effet du jour au lendemain d'augmenter de 25 p. 100 les droits de douane qu'A & R Dress doit assumer. Cela entraînera une augmentation exponentielle de la disparité entre le prix que nous pouvons exiger par rapport à celui de nos concurrents des pays les moins développés. Bref, mon entreprise est sur le point d'affronter le pire des scénarios: la suppression d'un programme d'allégement tarifaire crucial alliée à la prolongation d'un accès à nos marchés hors quota et, dans bien des cas, en franchise de douane, pour nos concurrents.

Tous les intervenants s'entendent pour dire que le secteur du vêtement dans son ensemble exige qu'on y apporte sans délai de nombreux mécanismes d'ajustement. Cela est dû à la très grande diversité des intérêts au sein du secteur du vêtement; on a dit qu'en fait, il n'existe non pas un seul secteur du vêtement, mais une quinzaine de secteurs spécialisés. L'industrie du vêtement fabrique de très nombreux produits variés tels les vêtements d'extérieur, les complets, les blouses, les bas et les robes. Elle se divise également en fonction des vêtements pour hommes, pour dames et pour enfants, des vêtements de couturier et des marques de distributeur, et se distingue par une variété étourdissante de barèmes de prix.

Le prolongement de la remise, qui est une solution extrêmement pratique et immédiatement applicable, fait également l'objet de partis pris et de discrimination de la part des décideurs politiques qui estiment que les remises manquent de cohérence en ce sens qu'elles aident certains groupes du secteur du vêtement, mais pas d'autres. Cette attitude fait fi de la nature subsectorielle originale du programme de remise tel qu'il a été lancé par le ministère des Finances lui-même. Cette réaction négative au plan politique fait que l'on a tendance à traiter le secteur du vêtement comme une entité unifiée et non comme quinze sous-secteurs participant à la fabrication de vêtements, comme je viens juste de le souligner et de l'expliquer. Autrement dit, tout recours commercial et tarifaire potentiel aura des incidences de nature subsectorielle.

L'actuelle politique tarifaire reconnaît le caractère subsectoriel de l'industrie du vêtement. Par exemple, certains tissus importés entrent au Canada en franchise de douane s'ils servent à la fabrication de complets pour hommes, mais demeurent assujettis à des droits s'ils servent à la fabrication de tailleurs pour femmes. Est-ce que cela ne relève pas du simple bon sens que, s'il n'existe pas de source d'approvisionnement en tissus au Canada pour la production de costumes pour hommes, alors il n'en existe pas plus pour la confection de tailleurs pour dames?

Enfin, les décideurs stratégiques n'ont pas réussi à proposer une solution de rechange ou un recours tarifaire générique dont l'incidence se ferait sentir sur toutes les parties également. Ils ne sont pas parvenus non plus à proposer une solution complète que l'on pourrait appliquer d'ici la fin de 2004 pour aider les manufacturiers à se préparer à l'élimination des quotas. Plus important encore, en supposant qu'une telle solution soit proposée, l'industrie devra soustraire de ses bénéfices une perte de 32 millions de dollars attribuable à la disparition prévue des décrets de remise. Cela signifie que le programme de trois ans de 27 millions de dollars prévu pour l'industrie du vêtement, annoncé récemment par la ministre Robillard, se traduira par une perte nette de près de 300 millions de dollars au chapitre des allégements tarifaires pendant les dix ans que durera l'application du TPMD.

La Coalition en faveur du prolongement des décrets de remise ne s'oppose à aucune solution susceptible d'aider quiconque à soutenir la concurrence dans l'environnement d'aujourd'hui. Toutefois, j'aimerais insister sur le fait que nous avons une solution valable et raisonnable qui est déjà en place: il suffit simplement de la prolonger immédiatement. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre, car le temps presse. Les décisions en matière d'achat et d'emploi pour l'année prochaine sont prises aujourd'hui.

Nous avons du mal à comprendre comment le gouvernement peut, d'une part permettre l'entrée de marchandises au Canada en franchise de douane et hors-quota et, d'autre part, faire disparaître le mécanisme actuel d'ajustement qui permet aux manufacturiers canadiens de s'en sortir. Nous réclamons donc respectueusement votre appui à la recommandation du Comité des finances de la Chambre des communes, concernant la prolongation des décrets de remise.

[Français]

M. Paul Ostrov, président-directeur général, COMO Diffusion inc.: C'est un honneur pour moi de m'adresser à vous cet après-midi.

[Traduction]

C'est un honneur pour moi que de pouvoir comparaître devant un groupe de Canadiens aussi honorables qui donnent d'eux-mêmes sans compter dans l'intérêt de leurs concitoyens. Je suis ici pour représenter notre industrie et vous expliquer la façon inédite dont les entreprises comme la nôtre ont réussi, en produisant au Canada avec des talents canadiens et en important, à être concurrentiel dans le marché international de la confection et de la distribution de vêtements.

Plus précisément, je suis ici pour vous expliquer pourquoi il faut continuer de subventionner les droits spéciaux dont notre industrie bénéficie sous diverses formes depuis la fin des années 80 et qui visent à compenser de nombreux facteurs incontrôlables, tels l'élimination des quotas et l'allégement tarifaire octroyé aux pays les moins développés, qui compromettent nos chances de réussite. Nous appuyons cet allégement, mais nous voulons simplement nous assurer qu'on ne nous enlèvera pas l'aide dont nous jouissons depuis 15 ans. Vous contribuez beaucoup à orienter l'action du gouvernement, et j'espère qu'après avoir entendu le message important que je suis venu vous livrer, vous lui recommanderez de continuer d'appuyer indirectement notre industrie au moyen du régime de remises.

J'estime important de vous expliquer plus clairement ce qu'implique la direction d'une entreprise de confection de calibre mondiale qui survit et réussit à pénétrer les marchés mondiaux en alliant la fabrication et le talent canadiens à l'importation. On croit en général que notre industrie repose sur d'innombrables rangées de femmes penchées sur leurs machines à coudre. En fait, ce tableau dépassé, qui est pourtant gravé dans l'esprit de la plupart des gens, est loin de rendre compte de ce qu'elle est vraiment. Les produits jouent encore un rôle crucial, mais ils ne nous permettent absolument pas de croître et de prospérer assez pour devenir un distributeur mondial.

Je suis fier de vous dire que nous avons réussi à distribuer nos produits dans le monde. Je pourrais vous montrer divers produits que nous avons fabriqués à Victoriaville et à Montréal au cours des quatre ou cinq derniers mois pour les sociétés JC Penney, Coles et Mervyn's. Il s'agit de chemises pour Continental Airlines et American Airlines. Tout est fabriqué au Canada. Je vous assure que nous aurions pu produire tous les vêtements confectionnés au Bangladesh.

Nous comprenons que le meilleur moyen de gagner la crédibilité nécessaire pour créer des partenariats stratégiques avec les gros détaillants est de se tailler une réputation mondiale d'intégrité et de professionnalisme. Parmi ces gros détaillants, je suis fier de citer JC Penney, dont le chiffre d'affaires frôle les 20 milliards de dollars par année, Coles, dont le chiffre d'affaires est deux fois plus petit, et Target Corporation. Nous avons réussi à percer le marché européen avec des vêtements de marque CNA.

À une époque où les rapports statistiques sont l'unique baromètre permettant de mesurer le succès, notre rentabilité est tributaire des gros détaillants et de l'interprétation qu'ils font de ces résultats sans nuance. La façon dont nous livrons nos produits, la facilité avec laquelle ils se vendent, la fréquence des lacunes dans la qualité, chaque critère d'évaluation crucial est constamment quantifié et les notes obtenues font toujours partie de la négociation.

Et tout cela dépend des gens qui travaillent dans l'industrie. Dans mon cas, ce sont les gens de Como Fred Davis Group of Companies. Il y a d'autres membres distingués de notre industrie qui eux aussi, représentent fièrement leurs entreprises.

L'échange de données informatisé, l'EDI, est notre mot d'ordre. Non seulement permet-il à des entreprises comme la nôtre de communiquer avec les gros détaillants, mais c'est également ce qui nous permet d'être un fournisseur stratégique. Nous perfectionnons constamment nos communications avec nos clients. Le processus est coûteux, mais il nous oblige surtout à miser sur des gens talentueux pour soutenir et stimuler l'environnement de l'entreprise. Cela exige un savoir spécialisé, de solides notions dans des domaines spécifiques ainsi que des connaissances et de l'expérience techniques. Voilà pourquoi une entreprise comme la nôtre emploie des gens de tous les horizons.

Nous employons des spécialistes des systèmes informatiques de gestion, ainsi que des concepteurs graphiques formés, instruits et spécialisés qui travaillent en symbiose avec notre équipe de dessin et de conception de patrons. Nous avons formé des diplômés d'écoles de métier, comme le Collège Marie-Victorin et le Collège Lasalle et des diplômés d'universités comme Ryerson. Ces établissements produisent des diplômés de talent qui s'acquittent à la perfection de toutes ces tâches spécialisées. Je vous ai apporté un assortiment de brochures de toutes ces maisons d'enseignement. Ces brochures montrent comment des cours spécialisés préparent des travailleurs tout à fait qualifiés que les entreprises comme la nôtre emploient.

Nous sommes obligés de nous adapter continuellement aux changements apportés par JC Penney, Sears et Target. Nous avons une équipe de diplômés de collèges qui acheminent rapidement l'information et nos produits à leurs destinataires.

Les systèmes de gestion du transport (SGT) sont la nouvelle tendance. Il s'agit d'une autre méthode que les détaillants utilisent pour transférer une plus grande partie de leur coût aux fabricants. Cela a soumis les entreprises comme la nôtre à une plus grande pression financière qui les oblige à trouver de plus en plus de moyens d'accroître leur rendement. Nous y sommes arrivés grâce à nos employés, des Canadiens dont certains ont fait des études spécialisées et d'autres non. Nos employés ont des antécédents très divers, mais l'essentiel est que nous employons beaucoup de gens qui s'acquittent de toutes ces tâches et qui travaillent avec les nouveaux systèmes, qui changent constamment.

Nous sommes très fiers de notre réussite. Les Canadiens sont désormais de solides concurrents sur les marchés mondiaux. Nous jouissons, chez Como Fred Davis Group of Companies, d'une excellente réputation de créateurs compétents et de gens d'affaires professionnels, tout comme nos concurrents qui oeuvrent dans d'autres parties de l'industrie au Canada. Le régime de remise de droits de douane a permis à des entreprises comme la nôtre de survivre, de croître et de prospérer, et de s'adapter à l'environnement en perpétuelle évolution que les détaillants de calibre mondial représentent pour nous.

Pour être en mesure d'être compétitifs dans l'économie mondiale, nous avons tout simplement besoin de chaque levier financier possible. L'expiration des quotas, à la fin de l'année, le 31 décembre 2004, causera encore plus de difficultés aux entreprises comme la nôtre, qui allient fabrication et importation. Le marché américain sera inondé de vêtements comme jamais jusqu'ici.

Il faut comprendre que des entreprises comme la nôtre, qui vendent au Canada, qui importent des marchandises au Canada et qui fabriquent au Canada des marchandises destinées aux États-Unis et à l'Europe doivent supporter toutes les conséquences de cela. L'assistance que représente le TPMD est admirable. En tant que Canadien, je suis tout à fait d'accord. Toutefois, il faut comprendre que nous allons devoir faire face à tout un éventail de facteurs à la fin de l'année comme notre industrie n'a jamais dû le faire jusqu'ici. Beaucoup de pays en développement vont inonder les États-Unis de leurs produits à des prix inférieurs à ceux qui y sont actuellement pratiqués.

Cela dit, les gros détaillants continuent à vouloir traiter avec des gens comme nous. Ils veulent pouvoir traiter avec des gens avec qui ils ont des rapports fiables. Cela ne se produit pas du jour au lendemain. C'est quelque chose que nous avons fièrement établi sur une période de dix ou quinze ans. C'est une série de mesures bien calculées et bien planifiées qui nous ont permis de nous doter d'une bonne équipe de professionnels, de gens compétents. Au Canada, nous avons du monde à tous les paliers et nous avons besoin d'eux pour effectuer toutes les tâches.

Le programme de remise est essentiel si nous voulons continuer à employer des Canadiens de tous les milieux. Si vous regardez les photos, qui ont été distribuées à tout le monde, vous verrez des gens qui travaillent dans diverses situations. Il y a des expéditeurs, des emballeurs et des techniciens en informatique. Il y a des diplômés d'universités qui se creusent la tête heure après heure à essayer de trouver comment faire parvenir des centaines de milliers d'articles au détaillant le plus exigeant du monde. Nous avons trouvé des moyens d'y parvenir.

Donc, alors que vous cherchez à aider les pays les moins développés, n'oubliez pas les Canadiens, s'il vous plaît. Cette remise de droits est essentielle. Nous sommes en train de planifier les choses pour décembre, janvier et février prochain. Très franchement, nous ne savons pas quoi faire. Nous ne savons pas quelles seront les règles du jeu. Nous ne savons pas ce que sera le contexte financier. Ce n'est pas ainsi qu'on peut diriger une entreprise. Vous qui avez brillé en affaires et qui êtes ici, vous savez très bien que nous devrions pouvoir savoir ce qu'il en sera.

Ce programme de remise des droits de douane peut être prolongé tout simplement en changeant un petit chiffre — plutôt que 31 décembre 2004, mettons 2011. Donnez-nous les sept prochaines années, alors que les quotas disparaissent, pour nous préparer à accuser le choc et pour permettre à des entreprises comme la nôtre de rester un facteur important dans la distribution de vêtements aux grands détaillants du monde entier. Merci beaucoup.

Le sénateur Angus: Messieurs, je vous félicite de ces exposés très animés, informés et intéressants. Il est bon qu'il y ait quelquefois un peu d'action et d'animation au Comité des banques.

Toutefois, j'ai l'impression que vous faites erreur et que vous pensez que nous sommes un comité du Cabinet. Je ne comprends pas très bien. Peut-être pouvez-vous m'expliquer. J'ai l'impression que d'un côté vous appuyez le projet de loi. Notre rôle ici est simplement d'examiner le projet de loi C-21, de dire si nous sommes ou non d'accord pour cette prolongation de dix ans.

Je dois dire que je suis assez édifié par ce que j'ai entendu. Vous m'avez entendu interroger le ministre. Je lui ai demandé si les intervenants avaient été consultés et si quiconque avait manifesté quelque opposition au projet de loi. Il m'a répondu qu'il avait eu des rencontres et des discussions avec des représentants du secteur du textile.

Je viens de Montréal. Je comprends votre industrie et l'importance qu'elle revêt pour l'économie — non seulement du Québec mais de l'ensemble du Canada.

J'ai l'impression que vous dites que vous êtes prêt à appuyer cette prolongation mais qu'en contrepartie, vous voulez que l'on fasse quelque chose à propos de ce décret de remise. C'est bien cela?

M. Ostrov: Vous avez cent pour cent raison.

Le sénateur Angus: Vous êtes très convaincant. Si j'étais un de ces ministres, je me précipiterais pour signer ces décrets de remise.

M. Ostrov: Il y a les décrets de remise et il y a l'allégement tarifaire. Ce sont deux choses différentes.

Le sénateur Angus: Je voulais y venir. Comme nous en avons discuté avec le ministre Paradis, qui parlait en partie du nom de la ministre Robillard, il y avait ce chiffre de 60 millions de dollars. Je crois que vous avez parlé vous-même de 27 millions.

M. Ostrov: Une moitié pour le textile, une moitié pour le vêtement.

Le sénateur Angus: Cela répond-il à votre question?

M. Rotchin: Non. Nous ne savons pas ce que c'est. C'est juste une vague promesse.

M. Ostrov: Personne ne sait.

Le sénateur Angus: Monsieur le président, tout ceci est très intéressant, mais je ne pense pas que cela ait quoi que ce soit à voir avec le projet de loi. Le projet de loi, soit on l'appuie, soit non. Si le gouvernement, dans sa sagesse, a présenté ce projet de loi au Parlement parce qu'il a l'intention de faire autre chose, parfait. Je serais ravi de pouvoir discuter de votre industrie toute la soirée, mais je ne pense pas que ceci ait quoi que ce soit à voir avec le projet de loi. Est-ce que je rêve?

Le président suppléant: Techniquement parlant, vous avez probablement raison, mais c'est une excellente occasion d'entendre ces gens-là. C'est ce que nous avons fait et ils ont été très clairs. Je ne pense pas qu'il fallait interrompre cet échange.

M. Lifson: Nous demandons exactement ce qu'a fait le Comité des finances de la Chambre. Nous demandons que le projet de loi soit adopté. En fait, à la première réunion, tout le monde a été choqué de voir que nous n'étions pas là pour nous y opposer. La réalité est que nous vivons dans une économie mondiale.

Nous demandons simplement que les règles soient égales pour tous. Je suis sûre que vous pouvez faire exactement ce qu'a fait le comité de la Chambre quand il a approuvé l'allégement fiscal sur les intrants, les intrants textiles qui ne sont pas fabriqués dans ce pays, pour les fabricants canadiens. Ensuite, il y avait la question des décrets de remise. Le Comité des finances de la Chambre a approuvé les deux. Nous demandons simplement que vous en fassiez autant afin de faire pression sur le gouvernement.

Le sénateur Angus: Monsieur Lifson, je crois que j'ai compris.

Il faut être un peu logique. Comprenons bien, je ne suis même pas membre du parti au pouvoir. Je suis un exilé. Ai-je raison de conclure que s'il n'y a pas d'espoir valable ou raisonnable que vous obteniez ces deux choses, vous seriez contre le projet de loi? C'est ça qu'il faut que je sache. J'ai l'impression que vous êtes en fait contre.

M. Lifson: Non, soyons justes. Nous sommes réalistes. Nous ne voulons certainement pas dire que nous ne voulons pas aider les pays africains. Toutefois, dans la dernière liste des bénéficiaires du TPMD, on a inclus des pays avec une infrastructure tels que le Bangladesh.

Tout ce que nous vous demandons — étant donné que nous sommes tous Canadiens ici — c'est quoi faire? D'ailleurs, je ne vous l'ai pas dit, mais j'ai une autre passion, j'enseigne la stratégie aux étudiants du programme de MBA de McGill. Je donne demain soir mon dernier cours. Je leur ai dit que je devais comparaître ici. Quelle serait notre stratégie? Qu'est-ce que je dis à la classe? Que je ferme boutique, que je mets nos 3 000 employés à la rue et que je vais m'installer à l'étranger? Non, nous voulons utiliser notre avantage concurrentiel stratégique.

Notre avantage concurrentiel est, tout d'abord, l'innovation et la conception. Deuxièmement, nous pouvons servir extrêmement bien le client avec notre technologie, comme l'a dit M. Ostrov, et nous avons certaines relations de qualité-prix qui doivent exister. Le plus important, c'est notre proximité du marché des États-Unis; la Chine ne nous battra jamais à ce sujet. Géographiquement, nous serons toujours plus près des États-Unis, si bien que les coûts de transport sont moins importants.

Si on veut en profiter, il faut les mêmes règles pour tout le monde. Ne nous dites pas de faire venir votre produit exempt de droits du Bangladesh, mais si vous voulez le fabriquer — et c'est ce que nous faisons ici, dans notre entreprise — le même tissu que nous avons envoyé de la Chine au Bangladesh peut arriver sous forme de pantalon fini, exempt de droits, et si nous faisons ce même pantalon sur Pie IX, nous payons un droit sur le tissu. C'est illogique. Nous demandons à ce comité de gens d'affaires d'approuver le TPMD et le TPG parce que nous sommes réalistes, mais à condition d'appliquer les mêmes règles à tous.

Le sénateur Angus: Pourquoi appuieriez-vous le tarif préférentiel? Serait-il mieux qu'il n'y ait pas de tarif sur ces produits venant de ces pays?

M. Rotchin: Pour ce qui est du programme de TPMD, il n'y a pas de tarif sur les marchandises et il n'y a pas de préférence particulière.

Le sénateur Angus: C'est donc déjà à zéro, si nous prolongeons cela?

M. Rotchin: Le ministre a parlé d'équilibre. Nous disons qu'il doit y avoir un équilibre entre la politique nationale et la politique internationale, la politique de commerce international. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici.

Le sénateur Massicotte: Nous nous demandons tous les deux comment nous devons aborder cette question. Je voudrais profiter de cette occasion pour comprendre un peu mieux quelles sont vos préoccupations et vos intérêts. Au moins, nous serons mieux informés pour influer sur la politique ultérieurement.

Je crois avoir lu dans les journaux montréalais — et vous me corrigerez si je me trompe — que votre entreprise, en particulier, monsieur Lifson, songe à sortir des emplois du pays parce que vous ne pourriez plus faire face à la concurrence dans cette situation. S'agit-il spécifiquement de la question des tarifs?

M. Lifson: Nous disons que nous ne déménagerons rien parce que nous ne voulons pas perdre la capacité de produire au Canada où nous avons un avantage. Nous disons que nous produirons les articles moins coûteux, les pantalons, et cetera, à l'étranger de façon à ne pas avoir à faire face à la concurrence des États-Unis. Cela veut dire que nous ne remplacerons pas certains des travailleurs qui nous quittent.

Le sénateur Massicotte: Combien d'emplois cela représenterait-il?

M. Lifson: Si la situation continue, nous prévoyons que cela représente de 10 à 20 p. 100 de nos effectifs, soit entre 300 et 600 personnes au cours des deux prochaines années.

Le sénateur Massicotte: Devrait-on éliminer les tarifs?

M. Lifson: Nous pourrions alors maintenir les emplois que nous avons ici et probablement en créer d'autres parce que la proximité nous donne un avantage certain.

Le sénateur Massicotte: Si nous supprimions les tarifs sur les textiles importés?

M. Lifson: Cela rendrait la situation plus équitable.

Le sénateur Massicotte: Nous ne perdrions pas ces emplois?

M. Lifson: Non. Je peux vous donner un exemple. Quand nous nous sommes présentés devant le Tribunal canadien du commerce extérieur, le TCCE, nous avons réussi, pour les tissus en laine, à accroître la production de plus de 50 p. 100 — c'était l'année dernière, pour les tissus de laine douce. Ce sont des produits qui ne sont pas fabriqués dans ce pays. Nous préférerions les produire ici. Nous avons le personnel pour le design, l'innovation et la technologie. Il n'est pas facile de produire à l'étranger, mais il nous faut équilibrer les chances. C'est ce que nous demandons.

Si les règles ne sont pas les mêmes pour tous, il nous faut nous protéger. Si l'on supprime les tarifs sur les intrants, nous conserverons certainement les emplois ici.

Le sénateur Massicotte: Iriez-vous toujours vous approvisionner dans des pays moins chers?

M. Lifson: S'il nous faut maintenir la relation qualité prix, nous développerions notre activité dans les articles à prix abordable. Nous faisons face à la concurrence du reste du monde — pas simplement des Canadiens — aux États-Unis. Aux États-Unis, nous sommes en concurrence contre les marchés du monde entier.

Le sénateur Massicotte: Vous avez dit que parmi vos produits vous avez les complets que vous exportez aux États- Unis. Quel pourcentage de vos recettes vient des complets?

M. Lifson: Quatre-vingt dix pour cent de la production va aux États-Unis.

Le sénateur Massicotte: Quelle est la production de complets?

M. Lifson: Les complets représentent 60 p. 100 de l'activité.

Le sénateur Massicotte: M. Rotchin a dit que les complets bénéficient d'une exemption tarifaire sur les textiles. Si c'est vrai, vous ne souffrez pas.

M. Lifson: Ce n'est pas simplement les complets. Nous sommes très spécialisés. Nous faisons un produit. Nous faisons un complet et nous le mettons en marché de trois façons différentes: comme complet, comme veste ou comme pantalon. C'est le même produit.

Le sénateur Massicotte: Y a-t-il des tarifs sur les importations de textile pour ces produits?

M. Lifson: Oui, parce qu'ils ne sont pas fabriqués ici.

M. Rotchin: M. Lifson vient de faire allusion à la décision du TCCE qui lui a donné un allégement tarifaire prolongé pour un tissu de laine particulier.

M. Lifson: C'était pour des laines superfines.

M. Rotchin: C'est bon pour l'utilisateur, les hommes. Toutefois, pour les femmes, je n'ai pas droit à cet allégement tarifaire.

Le sénateur Massicotte: Dans votre mémoire, vous dites que pour les complets, il n'y a pas de tarif sur les importations de textile. Ce n'est donc pas exact.

M. Rotchin: C'est pour les tailleurs de dames.

Le sénateur Massicotte: Pour les hommes, il n'y a pas de tarif.

M. Rotchin: Il s'agit d'un cas particulier selon l'étoffe. Dans le cas de la laine, par exemple, et c'est ainsi que fonctionne le TCCE. C'est le mécanisme actuel pour l'allégement tarifaire. On fait des demandes au par cas. Il se trouve que je travaille dans le secteur de la mode où, toutes les dix semaines, environ, il y a une nouvelle saison avec de nouveaux articles. Je ne peux pas parler pour M. Lifton, mais je suppose que ses articles durent un peu plus longtemps.

Le sénateur Massicotte: Évidemment, c'est le secteur des vêtements qui parle et qui est ici. Nous comprenons ce que vous voulez dire et vous êtes très convaincant. Je suis contre les tarifs en général.

Le secteur du textile n'est pas ici. Combien d'emplois perdrions-nous si nous éliminions les tarifs sur les importations de textile; combien d'emplois perdrions-nous dans le secteur du textile, d'après leurs études, si nous supprimions les tarifs?

M. Bob Kirke, directeur administratif, Fédération canadienne du vêtement: Je ne peux répondre complètement. L'important c'est qu'il y a deux secteurs différents: le secteur du textile et le secteur du vêtement. Si vous considérez l'ensemble de l'industrie du textile, la proportion qui vend au secteur du vêtement est très faible. J'ai vu des chiffres aussi bas que 6 000 emplois au total pour l'industrie du textile servent le secteur du vêtement. Ce n'est pas à nous qu'elle vend.

Des entreprises comme Peerless se sont présentées devant le Tribunal canadien du commerce extérieur et, comme le dit M. Lifson, le processus est extrêmement long, cela prend de 15 à 18 mois. Il a demandé un allégement simplement pour les complets d'hommes parce que s'il avait fallu qu'il défende également sa cause pour les tailleurs de dames, il lui aurait fallu deux ans. Il faut présenter une demande pour un tissu en particulier, mais pratiquement chaque fois que l'on présente une telle demande, on obtient satisfaction. Ces droits ont été supprimés parce que les tissus ne sont pas fabriqués ici. C'est cela la réalité. Nous avons une industrie du textile très groupée et une industrie du vêtement qui nécessite des tissus variés si bien qu'elles ne sont pas complémentaires.

Le vrai problème est que nous continuons chaque année à payer 110 millions de dollars de droits sur nos importations. Si nous pouvions acheter localement, nous le ferions probablement.

Le tarif des douanes a une origine historique. Nous produisions ces tissus par le passé et il y avait donc ces tarifs à l'importation; mais nous ne les produisons plus d'une façon qui répond aux besoins de l'industrie. C'est là le coeur du problème.

M. Lifson: J'ai une simple recommandation à faire. Nous avons un Tribunal canadien du commerce extérieur devant lequel nous devons comparaître en ce qui concerne chaque tissu. Éliminez l'ensemble des tarifs de tous les intrants. Inversez le fardeau de la preuve. Que ce soit à l'industrie du textile de se présenter et de dire: «N'éliminez pas ce tarif parce que nous le produisons dans ce pays». Il y a une limite à ce qu'ils font. Une grande partie de la production du secteur du textile est destinée à l'utilisation industrielle. Ils ne produisent pas grand-chose pour notre industrie. Pourquoi détruire ce qui reste de cette industrie?

Le sénateur Massicotte: Combien y a-t-il d'emplois dans l'industrie du textile?

M. Kirke: Je crois qu'il y en a en tout environ 40 à 45, mais comme je l'ai déjà dit, il y a environ 6 000 emplois dans les entreprises qui approvisionnent l'industrie du vêtement.

Le sénateur Harb: Je m'intéresse à l'analyse de rentabilité. Nous savons tous qu'en 2005, des modifications seront apportées au quota. En tant que représentants de l'industrie, ou en tant que membres de l'industrie, avez-vous fait une étude pour déterminer quelles seront les répercussions financières sur votre industrie au niveau des coûts ou de l'élément humain, c'est-à-dire les emplois?

En tant que décideur, je crois que cela nous permettrait de connaître les faits. Ce que vous avez dit est intéressant, et vous présentez de très bons arguments. Nous devrions peut-être appliquer les règles de façon générale et d'une manière juste et équitable. Vous avez donné l'exemple du Tribunal canadien du commerce extérieur qui rend un type de décision sur un article pour ce qui est des droits d'importation et qui rend une décision différente à propos d'un autre article. Ce n'est peut-être pas juste et il faudrait peut-être qu'il y ait une meilleure uniformité. Avez-vous fait une analyse de cas.

M. Lifson: Nous en avons fait avec Industrie Canada. Je retourne à Montréal ce soir pour une conférence de presse qui aura lieu demain matin. Demain, nous communiquerons les résultats d'une étude que nous venons de terminer. Cette étude, qui a été réalisée à la demande du Conseil des ressources humaines de l'industrie du vêtement du Canada, porte sur les questions qui intéressent l'industrie et sur les mesures qui s'imposent pour former de nouveaux chefs de file dans l'industrie. L'avenir de l'industrie dépend de la formation des chefs de file de demain. Nous avons examiné où nous pouvons exercer une concurrence dans la chaîne de valeur et les résultats de cette étude seront communiqués à 10 h 45 demain matin.

M. Rotchin: Dans le cadre de notre mémoire, vous avez aussi un exemplaire d'un article de Business Week qui prévoit la perte de 35 millions d'emplois partout dans le monde suite à l'élimination des quotas.

Le sénateur Harb: Cela est relatif. On perd des emplois dans un secteur et on en crée dans un autre. Cette affirmation n'est pas juste.

M. Lifson: Nous pouvons fournir au comité, sénateur Harb, les études qui ont été faites.

Le sénateur Harb: Cela serait utile. Il serait bon que nous puissions consulter l'étude avant de décider si nous voulons appuyez les recommandations du Comité des finances.

Le président suppléant: Nous nous éloignons de la teneur du projet de loi.

Le sénateur Harb: Monsieur le président, cela est pertinent parce qu'ils sont en train de nous demander une chose importante. Nous sommes en train de prolonger la durée des programmes de tarifs sur les produits provenant de pays en développement, et ils disent: «Si vous voulez prolonger la durée, voici ce que nous voulons que vous fassiez». Il est tout à fait important et opportun que nous nous penchions sur cette question. Elle est beaucoup plus sérieuse que nous ne le pensons. Il faut absolument que nous agissions.

J'aimerais poser une dernière question à propos de la remise de droits en ce qui concerne les autres pays, l'Union européenne, les États-Unis ou d'autres pays. Comment la situation au Canada se compare-t-elle à la situation qui existe dans ces pays? Que font-ils que nous ne faisons pas? Que devrions-nous faire pour nous aligner sur ces autres pays?

M. Rotchin: D'après ce que je crois comprendre, les États-Unis, l'Union européenne et l'Australie sont en train d'examiner cette question très attentivement et de proposer des mesures générales d'adaptation. Je crois que nous convenons tous qu'il faut assurer un traitement équitable à l'échelle nationale. La politique intérieure doit correspondre à la politique extérieure.

Nous avons un programme de remise qui offre à l'heure actuelle des retombées d'une valeur de 32 millions de dollars par année et qui est sur le point de disparaître, sans mécanisme pour le remplacer. C'est là le problème.

M. Ostrov: Sénateur Harb, vous avez posé une question à propos des États-Unis. Les États-Unis ont adopté une stratégie concernant ce qu'ils appellent «807 operations», selon laquelle ils ont réussi à faire coudre au Mexique et en Amérique centrale des produits qui ont été coupés aux États-Unis puis à les ramener aux États-Unis et à utiliser de la main-d'oeuvre préférentielle. Depuis la signature de l'ALENA, nous ne sommes plus sur le même pied d'égalité avec les Américains. C'est le premier argument que je ferais valoir.

Le deuxième argument, c'est que même si nous parlons d'une même voix ici, et que même si nous avons tous d'une façon ou d'une autre appuyé le projet de loi C-21, il faut comprendre que la question de l'allégement tarifaire à des importations de textile est tout à fait différente du programme actuel de remise de droit. Le programme actuel de remise de droit représente un peu moins de 40 millions de dollars par année. Au cours des 10 prochaines années, cela représenterait 400 millions de dollars pour notre industrie. Le ministre a indiqué que les économies réalisées sur les intrants provenant du Bangladesh et d'autres pays moins développés en 2003 seulement ont représenté 273 millions de dollars. Il faut comprendre que tous nos emplois sont occupés par des Canadiens — qu'il s'agisse de distribution, de fabrication à l'aide de machines à coudre et de tables de coupe et de commercialisation. Nous engageons des diplômés d'université, comme l'indiquent les brochures que vous voyez ici. Nous représentons une industrie dynamique qui essaie de survivre dans une situation mondiale très difficile.

Le Comité des finances de la Chambre des communes a formulé deux recommandations. Il a dit que l'industrie est en crise et que le programme de remise des droits doit être prolongé immédiatement. Il faut que vous fassiez la même recommandation.

Le comité a également recommandé que l'on étudie les tarifs sur les intrants pour le secteur de la fabrication de vêtements et que l'on en communique les résultats en septembre. Vous pourriez peut-être avancer la publication de cette étude en juin ou juillet.

Même si je sympathise avec M. Lifson et les autres membres de l'industrie de la fabrication du vêtement qui veulent défendre leur propre intérêt, il est important que vous compreniez l'urgence de cette question. Il faut que vous recommandiez un simple décret du conseil autorisant une prolongation du 31 décembre 2004 au 31 décembre 2010 ou 2011 afin de conserver les emplois de milliers de personnes.

C'est le message que nous devons transmettre. Nous l'avons transmis au Comité des finances de la Chambre des communes. Vous devez comprendre que nous ne pouvons pas attendre, que nous avons besoin d'une décision aujourd'hui — aujourd'hui même. Il y a beaucoup de travail à faire. Je vous en prie, aidez le groupe de M. Lifson à se débarrasser des tarifs sur les intrants, parce qu'il faut que cette remise de droit entre en vigueur dès maintenant.

Le sénateur Fitzpatrick: Monsieur Ostrov, je suis désolé d'avoir manqué vos présentations, mais j'en ai eu un aperçu en écoutant les questions.

Je ne comprends pas très bien. Êtes-vous en train de dire que lorsque le Comité des finances de la Chambre des communes a été saisi de ce projet de loi, il a formulé la recommandation que vous demandez maintenant en ce qui concerne l'allégement tarifaire?

M. Rotchin: C'est exact.

Le président suppléant: Je ne crois pas que cela faisait partie du rapport portant sur le projet de loi. Il s'agit d'un rapport séparé qui a été préparé plus tard.

M. Rotchin: Je crois que cela fait partie de notre mémoire. Vous en avez peut-être un exemplaire. Essentiellement, le comité a formulé trois recommandations. La première était de prolonger immédiatement de sept ans les programmes de remise des droits. La deuxième était d'envisager des mesures générales d'allégement tarifaire — ce que tout le monde réclame — pour équilibrer les deux côtés. La troisième recommandation, qui découlait de la deuxième, était d'étudier sans tarder les questions d'égalité des sexes étant donné que M. Lifson bénéficie d'un allégement tarifaire parce que le tissu utilisé pour ses complets pour hommes n'est pas fabriqué au Canada et que M. Rotchin est privé de cet allégement parce que nous fabriquons des vêtements pour femmes.

Le sénateur Fitzpatrick: Est-ce que le comité a recommandé cela au moment où il a fait rapport du projet de loi?

Le président suppléant: C'était dans un rapport présenté par la suite.

Messieurs, nous vous remercions d'avoir été des nôtres et nous vous remercions pour votre présentation. Cette séance a été très instructive.

Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président: Vous plaît-il, chers collègues, de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-21, Loi modifiant le tarif des douanes?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Est-il convenu de réserver le titre?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: L'article 1 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: L'article 2 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Le projet de loi est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat sans amendement?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Adopté.

La séance est levée.


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