Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 3 - Témoignages du 10 mars 2004
OTTAWA, le mercredi 10 mars 2004
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 18 h 20 pour examiner les dépenses prévues dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2005.
Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Le Budget principal des dépenses pour l'exercice 2004-05 nous a été renvoyé. Ce soir, notre témoin est l'honorable Reg Alcock. Deux personnes qui n'ont pas besoin d'être présentées — M. Joyce et Mme Danagher — l'accompagnent.
Monsieur le ministre, bienvenue.
L'honorable Reg Alcock, président du Conseil du Trésor: Honorables sénateurs, d'autres personnes du Conseil du Trésor sont également présentes. Étant donné que vous avez eu une séance d'information technique hier soir et l'occasion de discuter de détails avec les fonctionnaires, je ne suis pas sûr jusqu'à quel point vous voulez entrer dans les détails du Budget des dépenses ou jusqu'à quel point vous voulez parler du Conseil du Trésor, des changements qui y sont apportés, du Comité d'examen des dépenses, et cetera.
Je commencerai par cela; si vous voulez des chiffres, mes fonctionnaires qui sont ici pourront vous aider.
Ainsi que vous l'avez constaté lors de ma précédente visite, je ne suis pas très doué pour la lecture de ces documents, mais je m'en inspirerai de manière générale pour vous en parler. Si vous désirez des détails pour certaines parties, je vous les fournirai.
Les plus intéressants éléments de ce qui se passe aujourd'hui sont liés à la nature changeante du Conseil du Trésor. D'aucuns craignent, depuis quelque temps, que le Conseil du Trésor se soit quelque peu égaré. On craint, qu'en plus d'être un organisme de supervision et de révision au sein du gouvernement, il s'occupe à créer et à fournir certains services. Une certaine confusion s'est installée, au fur et à mesure, quant au rôle du Conseil du Trésor.
Le 12 décembre 2003, il a été décidé de retirer au Conseil du Trésor la plupart des éléments qui étaient liés à des programmes, y compris quelques services gouvernementaux en ligne et de livraison dans ce secteur — la Direction des langues officielles, le Bureau des valeurs et de l'éthique, le Bureau de l'intégrité de la fonction publique et le Bureau de la gestion des ressources humaines. Ils ont, en grande partie, été transférés au Bureau du Conseil privé sous le leadership du ministre Coderre. Il dirige maintenant l'organisme qui sera créé en vertu du projet de loi C-25.
Mon mandat comprend le rétablissement d'un contrôleur général et d'une fonction de contrôle au Canada. On m'a demandé de regrouper certaines des fonctions de supervision dont pourrait être chargé le Conseil du Trésor.
De plus, un autre comité du cabinet, appelé le Comité d'examen des dépenses, a été mis sur pied. Il est lié au Conseil du Trésor et j'en suis le président. Son mandat est de revoir toutes les dépenses et les opérations du gouvernement afin de chercher des moyens de rationaliser, de réduire, d'associer et d'atteindre une efficience et une efficacité accrues dans l'ensemble des opérations du gouvernement. Je reviendrai sur ce point.
En outre, le sénateur Murray a parlé d'une certaine confusion concernant la fonction des relations patronales- syndicales. Cette fonction concernant les négociations patronales-syndicales est demeurée au Conseil du Trésor. Les annonces faites le 12 décembre indiquaient qu'elle ferait peut-être l'objet d'un transfert au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Cette fonction est restée au Conseil du Trésor.
L'entente préconisait des discussions avec les syndicats avant d'opérer le transfert. Les syndicats ont soulevé des objections. La décision prise est de continuer les négociations pendant le présent cycle contractuel. Je suppose que le premier ministre peut souhaiter d'autres discussions avec les syndicats pour décider de l'avenir de cette fonction particulière.
D'autres éléments importants de cette réorganisation résultent de la publication du rapport de la vérificatrice générale. Je suis chargé de mener trois études en plus du travail du Comité d'examen des dépenses.
L'une de ces études porte sur la gouvernance des sociétés d'État. Il était fait état dans le rapport de la vérificatrice générale de préoccupations au sujet de certaines structures de supervision et de la politique de l'État, étant donné qu'ils avaient failli à certaines de leurs responsabilités conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques. Nous nous sommes engagés à le faire et nous devons présenter un rapport au plus tard le 30 septembre.
Le rapport de la vérificatrice générale fait état d'un examen de la Loi sur la gestion des finances publiques portant essentiellement sur la reddition de comptes et la discipline.
J'aimerais parler d'un troisième élément avec le comité. Je voudrais connaître le point de vue du comité au sujet des deux premiers éléments que je viens de mentionner, mais il y a un domaine qui est beaucoup moins significatif, si vous voulez. Il est moins significatif parce qu'il est plus difficile à renforcer en termes de règles et de mesures.
La vérificatrice a commencé à écrire un chapitre sur l'éthique. Elle trouvait que c'était très difficile. Elle essayait de décrire l'association de la responsabilité ministérielle et les rapports appropriés entre les instances politiques et la fonction publique. Lors de plusieurs réunions, elle m'a dit très franchement qu'elle trouvait que c'était une tâche énormément difficile. C'est un sujet complexe.
On peut prescrire des règles de comportement éthique. On peut se promettre de ne pas accepter de cadeaux ou de ne pas faire une certaine chose. On peut se fixer des interdits, mais arriver à encourager un comportement éthique est autre chose.
C'est un problème qui se produit quotidiennement dans le secteur privé et au gouvernement. Il y a un manque de confiance dans les grandes institutions.
Nous avons rassemblé quelques personnes, dont Donald Savoie, qui a écrit un livre sur les rapports entre les fonctionnaires et les politiciens. Il a accepté de se joindre au ministère pour une période d'environ un an. Il a reçu la bourse Simon Reisman. Il travaillera avec nous sur cette question et d'autres sujets. Mais, nous lui avons demandé de se pencher particulièrement sur ce problème.
Nous allons vouloir commencer à discuter avec les sénateurs et les députés de la Chambre de tous les partis, ainsi qu'avec des gens qui ne font pas partie du gouvernement pour tenter de mieux définir la nature de la responsabilité ministérielle. Dans une économie et un gouvernement modernes, quelle est la nature de la responsabilité ministérielle? Comment se manifeste-t-elle? Comment tenez-vous les gens responsables dans ces systèmes d'une façon fonctionnelle? Quels sont les rapports avec les fonctionnaires, étant donné toutes les difficultés? Cependant, la difficulté est que des politiciens étaient mêlés à bon nombre d'événements d'envergure, comme les commandites.
Je reviens au Comité d'examen des dépenses. Vous avez peut-être remarqué que le premier ministre, lorsqu'il a conféré des responsabilités aux divers secrétaires parlementaires, en plus de les affecter aux ministres, les a aussi chargés de dossiers précis. Dans mon cas, mon secrétaire parlementaire est aussi chargé de la réglementation intelligente.
Le transfert, au Conseil du Trésor, d'activités auparavant conférées à un comité spécial du Cabinet pour la réglementation et au gouverneur en conseil constitue l'autre changement important. Nous jouons un rôle à la fois dans la réglementation et dans les dépenses qui, à mon avis, est une boîte à invention de changements. Nous devons commencer à penser à certains secteurs et à la manière de progresser pour faire des changements judicieux dans la façon dont sont menées les affaires publiques.
Dans le cadre de l'examen des dépenses, certaines des annonces faites exprimaient bien les processus utilisés dans l'examen des programmes, notamment les examens verticaux des ministères effectués en se basant sur un ensemble de critères. Le premier ensemble de critères a été puisé en grande partie de l'examen précédent. Un second ensemble ajouté examinait la viabilité de certains changements.
À ce stade, nous avons découvert quelques autres domaines. Je suis sûr que les sénateurs ont entendu parler de l'horizontalité — quoi que cela puisse signifier. Il s'agit des services fournis à certains groupes de clients de nombreux ministères.
Lorsque la responsabilité est dispersée ou répandue, qui est tenu pour responsable? Comment fonctionne-t-on dans ce système et comment en retirer un avantage quand jusqu'à 20 ministères offrent des services au même groupe de clients? Nous avons essayé de comprendre. Le Conseil du Trésor ne se considère pas comme chargé de l'établissement de politiques, mais il y a eu une volonté de décrire ces activités, ou du moins une certaine partie, afin de donner aux ministères chargés de l'établissement de politiques et aux comités du Cabinet appropriés les moyens de pouvoir mieux débattre à ce sujet.
La troisième question concerne beaucoup d'activités horizontales qui ne sont pas spécialement des programmes, mais qui sont opérationnelles, notamment les approvisionnements, la gestion des biens, les services de sous-traitance et les services juridiques. Il y a tout un éventail. Nous avons établi des examens pour chacune de ces activités. On m'a demandé de présenter un rapport à la fin de l'automne, soit fin novembre ou début décembre. Je n'aime pas perdre du temps, et bien que je ne prétende pas que ce soit inutile, je crois que l'on pourrait être plus efficace en abordant ces processus non pas en pensant «nous allons étudier cela et ferons état du problème au mois de novembre», mais plutôt «nous lancerons un processus de changement et nous ferons état des activités et des problèmes au fur et à mesure». Nous pensons que notre rapport de novembre sera l'ordre du jour de la session législative de 2005 sur les questions d'ordre administratif. Nous mettons en place tout cela.
Walt Lastewska est le secrétaire parlementaire attaché à Steven Owen, ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Il a aussi une expérience en gestion de la chaîne logistique. Nous avons fait en sorte qu'il collabore avec certains cadres de ce ministère, avec la participation du Conseil du Trésor, puisque cela entre dans le cadre de notre politique. Ils se préparent à examiner les approvisionnements avec pour objectif le remaniement de notre système afin de le rendre plus efficient, plus efficace, et cetera. Nous envisageons de procéder de même pour les autres activités.
Je crois que l'un des problèmes dans la gestion publique est dû à un manque d'intérêt de la part des politiciens. Normalement, les politiciens ne consacrent pas beaucoup de temps à ce secteur. La fonction publique arrive à gérer seule le plus gros de ses affaires sans que les politiciens s'y intéressent. Franchement, elle fait du bon travail. Malgré tout, j'estime que nous sommes au stade où certains changements n'auront pas lieu sans leadership. Dans ce cas, ce sont les personnes dans cette salle, celles de la Chambre et l'exécutif qui constituent le «leadership».
J'ai essayé de créer une structure qui demande la participation d'un leadership de toutes les façons possibles afin que lorsqu'il faudra apporter quelques changements, nous aurons déjà atteint un niveau de sensibilisation et de compréhension quant à la voie à suivre.
Je m'arrête pour répondre à vos questions. Vous pouvez poser les questions que vous voulez.
Le président: J'ai quelques questions, mais j'attendrai. Elles se rapportent à ces problèmes, notamment les nouvelles responsabilités relatives à la fonction publique, à la fonction de contrôle et au Comité d'examen des dépenses. Nous verrons si les membres du comité pourront obtenir des renseignements de votre part sans que j'aie à vous poser des questions.
M. Alcock: Je suis prêt à répondre.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je voudrais parler du Budget des dépenses. Je suis intrigué par le fait que le gouvernement choisisse ce moment pour autre chose que des affaires parlementaires.
Par exemple, la page couverture du Livre bleu mentionne que le Budget supplémentaire des dépenses est habituellement déposé au début des mois de novembre et de mars. L'année dernière, nous les avons reçus en septembre. En fait, des directives ont été envoyées aux ministères, à savoir «si vous avez n'importe quoi, dépêchez-vous». Cela n'était pas dû à un soudain regain d'efficacité, mais pour respecter un échéancier qui a conduit à la prorogation en novembre.
Nous avons maintenant un Budget principal des dépenses dont l'intérêt est, à mon sens, plus théorique que parlementaire. Je regrette aussi que c'est seulement par un communiqué de presse que nous avons appris que ce Budget principal des dépenses sera remplacé par une version révisée plus tard au cours de l'exercice. Le livre du Budget des dépenses n'en fait pas mention. Tout cela est fait — et j'espère que vous pourrez me contredire, mais c'est ce que j'ai conclu — parce que quelque chose peut se produire au début d'avril et que le gouvernement est pressé d'obtenir des fonds avant cette date afin d'éviter d'avoir recours aux mandats de la gouverneure générale qui sont plus difficiles à obtenir ces dernières années.
Je ne suis pas découragé, mais je suis mécontent, surtout si mon analyse est juste, c'est-à-dire que le choix du moment de ces livres et, en particulier, le contenu, notamment le Budget principal des dépenses incomplet qui nous est présenté, sont le fait de considérations politiques plutôt que ce qu'ils auraient dû être ou avaient été, soit des renseignements fiables, importants, significatifs, exhaustifs au possible et présentés au Parlement le plus rapidement possible. Ce n'est pas une question. C'est une observation qui s'interroge sur l'approche adoptée par le gouvernement dans tout cela.
M. Alcock: Je peux répondre à votre observation, si vous voulez bien m'écouter. Je ne peux pas parler du problème du Budget supplémentaire des dépenses du mois de septembre dernier — je n'en étais pas chargé — bien que j'aie quelques commentaires à faire sur ce budget supplémentaire, si vous voulez en parler au sens structurel.
Vous avez posé deux questions. D'abord, vous demandez ce que représente ce que nous avons déposé maintenant que l'on parle d'une autre version qui pourrait être déposée. Ensuite, vous demandez s'il y avait un motif politique derrière cela.
J'assumerai la responsabilité de ce qui s'est passé ici. Il n'y avait absolument pas de motif politique. C'est peut-être, en partie, à cause de mon ignorance de certains protocoles en vigueur dans ces lieux. Cela a était fait pour une raison simple: un ordre de la Chambre demande que le Budget soit déposé à une certaine date. Il doit être déposé avant la fin du mois de février. Nous aurions pu déposer le Budget des dépenses tel qu'il était, car c'étaient des prévisions. Il est vrai, toutefois, que nous sommes au beau milieu d'un changement assez important. On m'a rapporté que cela n'était pas rare à l'approche d'un budget. Quelques ministères sont en transition. Nous avons divisé DRHC en deux ministères et avons transféré des gens dans l'organisme de sécurité qui est très grand. Les mesures législatives qui rendent compte de ces changements ne seront pas adoptées par la Chambre avant encore quelque temps.
Ce sont des prévisions, c'est-à-dire les meilleures estimations du ministère concernant les remaniements de personnel, les nouvelles ressources, et cetera On m'a dit que dans le passé nous aurions pu simplement déposer cette version du Budget des dépenses afin que vous la receviez conformément au Règlement de la Chambre. Nous aurions ensuite décrit les changements et les mouvements dans le Budget supplémentaire des dépenses. Cela aurait été le processus plus normal.
J'y ai pensé de deux façons. Premièrement, étant donné la volonté d'une participation accrue de la Chambre et des comités de la Chambre, j'ai pensé qu'une fois que ces processus terminés et que nous serions arrivés au point où nous pourrions aborder des énoncés plus précis, pourquoi donc ne pas déposer de nouveau le tout? Nous sommes aussi dans une situation, inhabituelle, mais qui n'est pas sans précédent, dans laquelle le Budget des dépenses est déposé avant les décisions budgétaires. Franchement, et de toute façon, elles ne se retrouveront pas dans le Budget principal des dépenses, car ils sont habituellement présentés ensemble. Pour des raisons de secret budgétaire, ils ne seraient pas là mais auraient été présentés plus tard dans le Budget supplémentaire des dépenses. Étant donné l'importance de ce changement, j'ai pensé qu'il serait utile de présenter à la Chambre une analyse précise de tous les détails après l'adoption de la mesure législative, et cetera Il y avait probablement une lacune au niveau de la stratégie.
Le sénateur Stratton: J'en doute.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je suppose que les chiffres du deuxième livre seront les mêmes que ceux du premier, mais leur affectation aura changé complètement.
M. Alcock: Tout à fait.
Le sénateur Lynch-Staunton: Depuis le mois de décembre, le gouvernement entreprend une réorganisation massive. Je ne crois pas que les gens soient au courant des transferts de titres, des changements apportés, des transferts entre les organismes. C'est pratiquement interminable. Il faut le lire à plusieurs reprises. Je ne mets pas en doute la validité de ces changements, mais je me demande pourquoi ils sont faits sans avoir déterminé au préalable les ressources à affecter à chaque nouveau secteur ou secteur réorganisé. Je ne comprends pas l'urgence d'une telle réorganisation sans d'abord en calculer les coûts, cela vous aurait éviter d'avoir besoin d'une version révisée du Budget des dépenses. Je ne pense pas que les ministères en soient très contents. Je suis heureux de ne pas travailler dans un ministère.
Je ne comprends pas pourquoi vous avez dû vous dépêcher pour devoir, en vertu d'un article du Règlement, déposer le Budget principal des dépenses et, par la suite, vous nous informez seulement par un communiqué de presse. Ce ne faisait pas partie de votre déclaration à la Chambre, ni même de la déclaration du sénateur Rompkey lorsqu'il a déposé le Budget principal des dépenses dans notre Chambre. A-t-il dit qu'un autre livre serait publié très prochainement? Ce n'est même pas mentionné dans le livre du Budget des dépenses, c'est seulement mentionné dans un communiqué de presse. Je n'en dirai pas plus. Je pense tout simplement que vous vous y êtes mal pris.
M. Alcock: Il me serait difficile de rejeter complètement cette affirmation, étant donné que c'était la première fois que j'entreprenais cette démarche particulière. En plus, cette démarche, pour les raisons que vous avez mentionnées, est en quelque sorte sans précédent, étant donné l'importance du changement. En ce qui concerne les raisons de la rapidité avec laquelle tant de changements ont été apportés, il vous faudra communiquer avec mon supérieur pour avoir toute la réponse.
En ce qui concerne la déclaration, je suis quelque peu troublé par le fait que vous y voyez de la duplicité.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'ai pas utilisé le mot «duplicité».
M. Alcock: Vous ne l'avez pas utilisé.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'y souscris si vous le laissez entendre.
M. Alcock: Remettons cela à un autre endroit où il y a peut-être moins de rigueur dans la terminologie et une plus grande liberté d'association.
On m'a tout simplement demandé de ne pas faire de déclaration. Voilà pourquoi il n'y a pas eu de déclaration. J'ai reçu des directives formelles: levez-vous, lisez cela, posez-le sur la table, levez-vous, lisez cela, posez-le sur la table et sortez. Je ne suis pas sûr si je n'aurais pas dû faire de déclaration à un moment donné, mais j'ai cru comprendre que ce n'en était pas l'occasion.
En quelque sorte, on se fait prendre. Quand la question a été soulevée à la Chambre des communes, j'ai consulté une autorité en matière de procédures qui a dit que ce n'était pas la façon normale de procéder. On aurait déposé le Budget principal des dépenses. Ceci est le Budget des dépenses. Pour répondre à votre question quant à savoir si les renseignements contenus dans le budget vont beaucoup changer, ils seront les mêmes. Leur ordre changera un peu, au fur et à mesure que nous obtiendrons plus de détails sur les nouvelles structures.
Toutefois, les décisions budgétaires qui seront ajoutées paraîtront dans le Budget supplémentaire des dépenses. Ce sera le seul changement significatif. Ce Budget des dépenses représentera la mise à jour relative à la situation économique de l'automne. Par rapport aux précédents budgets, ce budget est plus complet et décrit plus précisément la situation financière actuelle du gouvernement.
Le président: Si les chiffres ne changeront pas sensiblement dans le Budget des dépenses révisé par rapport au Budget principal des dépenses et si ce dont nous parlons fait ressortir le changement de responsabilités, et cetera, pourquoi n'avez-vous pas apporté le volume 3, les plans et les priorités? Qu'est-ce qui changera d'ici juin au niveau des plans et des priorités? L'objectif des plans et des priorités est de justifier les dépenses.
M. Alcock: Je crois que c'est beaucoup pour la même raison, c'est-à-dire qu'un grand nombre d'entre eux changeront.
Le président: Qu'est-ce qui changera?
M. Alcock: C'est en raison des changements dans les ministères. Par exemple, les plans et les priorités du Conseil du Trésor sont refaits, en partie, parce que la structure fondamentale du Conseil du Trésor est en train de changer et que ces négociations sont encore en cours.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, le 12 décembre, les négociations passaient à Travaux publics. Elles ne sont plus à Travaux publics, elles sont de nouveau chez nous. Qu'avons-nous fait ressortir dans les plans et les priorités?
Permettez-moi de bien vous l'expliquer; je devrais peut-être demander si je m'éloigne trop du sujet. Est-ce que je m'en éloigne trop? Non, je ne m'en éloigne pas. Vous voyez, on me tient bien au courant, mais je ne me souviens pas de tout parce que je prends de l'âge.
M. Mike Joyce, secrétaire adjoint, Secteur des stratégies de gestion et de dépenses, Conseil du Trésor du Canada: Si je peux redire pour le bénéfice des quelques sénateurs qui étaient absents la dernière fois, les rapports sur les plans et les priorités ne contiennent pas beaucoup plus de détails que le Budget principal des dépenses. Donc, ces documents sont un reflet des plans stratégiques des ministères restructurés. Il y a du travail à faire, surtout dans les ministères qui ont été les plus touchés, pour mettre en évidence les stratégies — non seulement les transferts de ressources entre les anciennes organisations et les nouvelles, mais la façon dont ces ressources ont été réparties au sein des organisations, des nouvelles structures au sein des organisations et des nouvelles activités. Cela prend un certain temps à mettre au point.
Comme je l'ai mentionné hier, le but n'est pas de procéder de manière expéditive, mais de présenter au Parlement des rapports sur les plans et les priorités qui sont une analyse complète et précise des stratégies triennales de ces organisations nouvelles et restructurées.
M. Alcock: Permettez-moi d'indiquer que M. Joyce a fait un travail extraordinaire. Il y a près de 70 jours que je suis ici, et je les ai passés entre quatre murs à recevoir des directives — je veux dire assister à des séances d'information, même s'il est parfois difficile de faire la distinction entre les deux.
Il a abordé ce problème en me disant que nous pourrions le déposer à cette date, qui est la date que nous respectons habituellement, mais qu'il ne sera pas aussi précis qu'il devrait l'être pour des raisons de surveillance appropriée. J'ai déclaré que je pensais que les députés préféreraient avoir un document qui illustre précisément le résultat final de ces décisions plutôt que devoir se pencher sur quelque chose qui est en transition.
C'était, peut-être, plus une erreur due à une volonté de respecter le sens de la réforme démocratique et de véritables engagements plutôt que de vouloir atteindre un autre objectif.
Le sénateur Ringuette: Vous savez ce qui me préoccupe le plus, c'est l'effet du projet de loi C-25 sur la fonction publique et, plus précisément, la question du recrutement à l'échelle nationale au lieu des restrictions géographiques dans le recrutement.
Il y a quelques mois, on nous a dit que des sommes seraient disponibles pour adopter les dispositions du projet de loi C-25, y compris l'élimination des restrictions géographiques dans notre politique de recrutement.
J'ai eu l'honneur de rencontrer Mme Barrados, qui représente pour moi un changement et un «catalyseur» à la Commission de la fonction publique. Je sais qu'elle est très au fait des préoccupations du Comité sénatorial concernant les restrictions géographiques. Elle a préparé un plan pour résoudre rapidement ce problème.
Je pose la question: le Conseil du Trésor est-il prêt à verser de l'argent pour résoudre ce problème?
M. Alcock: Je suis toujours tenté de répondre à la question, ce qui est une erreur, je le sais bien. Tout d'abord, la Commission de la fonction publique est maintenant chargée du recrutement. La mise en oeuvre du projet de loi C-25 est vraiment la responsabilité du ministre Coderre, pas la mienne. Il serait un peu déplacé de ma part de répondre à la question concernant les détails du projet de loi C-25 et de son effet sur le recrutement.
J'ai un peu participé aux discussions concernant la question de la zone de sélection. Ce sujet a été soulevé récemment et on m'a désigné pour répondre aux questions. En fin de compte, le problème est, en grande partie, dû à la simple rentabilité étant donné le volume élevé de recrutement. La Commission de la fonction publique a mis en place un projet pilote et elle étudie des instruments de recrutement. Le problème, c'est que chaque fois que l'on trace une limite géographique, quelqu'un se trouve du mauvais côté.
Parce que — et c'est une politique en vigueur depuis longtemps — nous sommes le gouvernement et que nous nous occupons des citoyens, nous ne pouvons pas, à l'instar d'une entreprise privée, annoncer que nous voulons recruter cinq personnes et que nous prendrons donc les 15 premières personnes sur la liste, que nous leur accorderons une entrevue et que nous ne tiendrons tout simplement pas compte des autres. Si un citoyen envoie une demande, nous devons lui répondre en traitant avec respect le citoyen et la demande. Le coût prohibitif, pour répondre à des milliers et des milliers de demandes, provenant de tout le pays, pour ce qui peut être un petit nombre de postes à pourvoir, est la raison pour laquelle le premier niveau de division a été créé.
Ainsi que l'on m'a expliqué à la fonction publique — et nous en avons parlé d'une manière exhaustive en comité il y a à peu près un an — la raison était tout simplement que nous essayions de comprimer les volumes très élevés surtout au niveau des postes de premier échelon. C'était la seule raison. Grâce à des outils électroniques de recrutement et des sites Web dans tout le pays, ils peuvent commencer à élargir la zone de sélection. Cependant, pour les détails, vous devriez vraiment voir le ministre Coderre.
Pour savoir si le Conseil du Trésor est prêt à financer, un budget est en préparation, je peux me cacher derrière ce prétexte. Je peux vous dire que le Conseil du Trésor n'aime pas tellement les projets qui nécessitent beaucoup d'argent.
Nous essayons vraiment de demander aux ministères d'être plus rigoureux dans l'utilisation de leurs fonds et une plus grande réaffectation des ressources existantes.
Le sénateur Ringuette: Je regrette, monsieur le ministre, mais cela ne suffit pas. Chacun des citoyens de ce pays, d'un océan à l'autre, mérite de pouvoir servir les Canadiens, peu importe le lieu de travail, et la situation actuelle est inacceptable. Elle est inacceptable pour les Canadiens de l'Atlantique et pour toutes les autres régions du pays. Quand vous établissez vos plans et vos priorités, ce problème devrait être une priorité, car au cours des cinq prochaines années, nous allons devoir recruter activement les meilleurs cerveaux du pays, et pas seulement les meilleurs cerveaux du centre du Canada.
Si priorité il y a — nous savons qu'il y aura une usure des effectifs au cours des cinq prochaines années et qu'un recrutement massif sera nécessaire —, c'est une priorité qui doit être démarquée afin de créer l'équité et la justice pour chaque Canadien qui veut devenir fonctionnaire. C'est mon point de vue et je ne le changerai pas.
Pour plus d'efficacité face à ce que nous appelons le «client», les citoyens, je comprends le besoin de revoir la structure ainsi que le recrutement de Donald Savoie qui est un grand expert dans ce domaine. J'ai lu tous ses livres. Il travaillera avec Bob Marleau, qui, nous l'avons appris récemment, se joindra à cette équipe. En examinant les relations entre le Parlement, les ministres, la fonction publique, le CPM, le BCP, et cetera, toute cette restructuration, les études des relations, l'examen des dépenses et le transfert important des responsabilités qui ont eu lieu le 12 décembre me préoccupent. J'ai aussi lu quelques livres sur la théorie du chaos; il est quelquefois nécessaire de créer une situation chaotique afin de tout réharmoniser. Cependant, ce qui me préoccupe c'est que nous considérons trop de changements structurels au moment même où nous examinons les éléments clés pour servir la population canadienne, et c'est l'examen des dépenses. C'est une observation.
Vous avez déclaré que vous ferez participer le Parlement à l'examen des dépenses. Il faut répondre à deux questions. De quelle façon les parlementaires participeront-ils? Quand participerons-nous à ce processus?
M. Alcock: Je commencerai ainsi parce que cela ouvre la voie à des questions importantes. Je ne suis pas d'accord avec vous au sujet de la zone de sélection. Notre problème — et je vous donnerai mon avis — est qu'en fin de compte, la Chambre décidera, le gouvernement décidera, mais je ne prétendrai pas être d'accord si je ne le suis pas. L'art de gouverner consiste aussi à décider des coûts et de l'affectation des ressources. Bien qu'il soit merveilleux de dire que tous les Canadiens devraient avoir accès à tous les emplois, la réalité veut qu'il y ait certaines limites pratiques.
Les règles de la zone de sélection sont aussi valables en sens inverse. Cela veut dire que les gens de Toronto ne peuvent pas chercher du travail à Halifax. Cela limite le nombre de candidatures provenant d'Halifax, par exemple, et sans vouloir exclure des gens, il est évident que si vous recevez 25 000 demandes pour dix emplois, le coût lié au traitement de ces demandes est énorme. On pourrait dire, et la Chambre pourrait aussi le dire, que ce sont des frais que nous voulons payer, mais cela se fera-t-il aux dépens d'autres choses? Donc, à mon avis, nous devrions discuter de ces coûts réels et prendre une décision. Si c'est là que vous voulez affecter les ressources publiques, très bien, alors nous procéderons de cette façon, mais jusqu'à présent, il a été décidé que nous pouvions répondre à nos besoins en recrutement de façon responsable et à un coût raisonnable. Le problème est que le gouvernement assume toujours une plus grande responsabilité, pour les raisons mentionnées plus tôt, nous devons donc y réfléchir.
En ce qui concerne la théorie du chaos, j'ai cherché le livre parce que je voulais l'utiliser pour mon assermentation. Je pensais qu'il aurait été utile de l'avoir à mon assermentation, Craig Oliver et moi en avions parlé, mais je n'ai pas pu trouver un exemplaire à temps. Toutefois, c'est une introduction importante pour ce qui suit.
Le Canada est en fait un pays dans lequel il fait bon vivre. Il y a des choses qui nous fâchent, mais en grande partie, le Canada est un pays qui a bien réussi pour plusieurs raisons, l'une d'elles étant la qualité de la fonction publique fédérale et le genre de soutien que nous avons eu au cours des années. Je dirais aussi que nous nous trouvons à un point de transition difficile vers lequel nous nous dirigeons depuis la Deuxième Guerre mondiale. C'est le résultat des changements gigantesques apportés à l'économie et à nos vies avec la rapidité de la mondialisation et les nouveaux systèmes d'information. Cela a créé des tensions incroyables dans le secteur privé. Souvenez-vous de toutes les réorganisations importantes faites par les entreprises vers la fin des années 80 et le début des années 90. C'est ce qui va arriver au gouvernement. Les demandes pour que le gouvernement agisse plus intelligemment, plus rapidement et de façon plus responsable sont énormes, je dirais que la fonction publique a du mal à y satisfaire, en partie à cause des gens dans cette salle — en fait un peu moins à cause des gens dans cette salle parce que ce comité a toujours participé de façon convenable — et certainement dans ce que j'appellerais, à partir de ce point d'observation, les gens de «l'autre endroit» qui ne se sont pas vraiment impliqués dans ces questions. Je ne pense pas qu'à elle seule la fonction publique puisse apporter ces changements.
C'est mon sentiment et j'ai étudié ce sujet dans le monde entier. Aucun gouvernement élu démocratiquement dans le monde n'a résolu ce problème. Tous sont aux prises avec ce problème. Que faire pour aider des organisations, en majorité réceptives, qui sont lentes, qui ont une approche réfléchie et étapiste, à s'adapter à une communauté, à une société qui demande des réponses de ce type? Nous n'avons pas le temps d'y réfléchir et je crois que jusqu'à présent nos réponses ne visent qu'à enlever des responsabilités au Parlement, alors le Parlement, l'autre endroit, ignore le problème.
Je dirais que, pour certaines choses, vous n'êtes pas un exemple, mais il y a eu un abandon de responsabilités qui, à mon avis, n'a pas été utile pour la fonction publique ni pour notre rôle en tant que gouvernement, et il est temps que nous affrontions certains de ces problèmes liés au changement. Il est ridicule de disposer de quatre façons de brancher les échanges interentreprises. Pourquoi dans un monde tel que le nôtre avons-nous besoin de quatre? Pourquoi pas une seule. Pourquoi avons-nous besoin de 300 bibliothèques? Pourquoi avons-nous besoin de tous ces modèles pour faire les choses à l'ancienne? Sommes-nous incapables de repenser la façon de fournir les services du gouvernement afin d'en tirer plus d'avantages? Pourquoi avons-nous un système d'approvisionnement qui date de 1843, d'après ce que m'ont dit les gens chargés de la politique du précédent gouvernement — ils m'appelaient «Reg», c'était avant que je ne devienne ministre. Aujourd'hui, ils m'appellent «l'honorable Reg»? C'était la première déclaration écrite de la politique du gouvernement en matière d'approvisionnement dans les bureaux coloniaux. Cette politique a été utilisée au gouvernement au cours des ans, au cours des décennies, pour répondre à toutes sortes d'affaires. Quelqu'un a acheté un mouton à son frère ou bien il a employé son oncle et les politiques étaient rafistolées au fur et à mesure, jusqu'à ce que le système d'approvisionnement devienne si lourd, si énorme et si difficile que le coût d'approvisionnement est souvent supérieur au coût des marchandises. On fait des tas de bêtises dans nos méthodes d'achat. Invitez le sous-ministre des Approvisionnements et Services ou des Travaux publics et demandez- lui de vous raconter quelques-unes de ces histoires.
Chaque année, nous remplissons 15 000 contrats pour le même logiciel Microsoft et nous bénéficions d'une remise. Nous sommes le plus grand acheteur de logiciels Microsoft au pays et nous économisons 8 p. 100. N'est-ce pas extraordinaire? Il y a longtemps que les grandes organisations canadiennes ont annoncé à Microsoft qu'elles achèteraient tant de millions de dollars de leurs produits, elles voulaient un téléchargement à partir d'un site et le meilleur prix, elles ont eu des remises de 40 à 45 p. 100. À cause de notre système d'approvisionnement archaïque, parce que nous voulons des points sur tous les i et des barres sur tous les t, nous imposons des coûts énormes — de l'argent qui pourrait être mieux utilisé pour les citoyens, soit en le leur redonnant sous forme de réductions d'impôts, soit en leur fournissant de meilleurs services.
Nous pouvons faire d'énormes économies au niveau des coûts opérationnels du gouvernement et ne pas toucher un dollar de l'argent des programmes. C'est une conviction personnelle qui est à la base de nos examens.
Le sénateur Ringuette: Les économies seront-elles utilisées pour le recrutement à l'échelle nationale?
M. Alcock: Les économies seront utilisées conformément aux décisions prises par les représentants au Parlement. Je ne voudrais pas paraître désinvolte, mais nous sommes au point où il nous faut affronter ces problèmes et en discuter honnêtement et franchement. À mon avis, le comité peut y contribuer de façon importante, car il a une réputation de sérieux et il dispose de beaucoup de personnes intelligentes pour traiter ces problèmes. Le fait de ne pas avoir d'impératif politique urgent facilite parfois les choses.
Le sénateur Ringuette: Disons que vous ne vous en êtes pas tiré à aussi bon compte avec la question du recrutement à l'échelle nationale.
Hier, j'ai reçu deux rapports à mon bureau, l'un du gouvernement du Canada concernant le rapport de la fonction publique, et l'autre de la Défense nationale. Au cours de mes dix dernières années sur la colline du Parlement, un ministère s'est toujours plaint de ne pas disposer de fonds suffisants et c'est celui de la Défense nationale, celui même qui nous a envoyé un très joli rapport sur papier glacé. Regardez! Je peux imaginer le prix de cette publication par rapport à celui de l'autre rapport. Pour nous, ces deux rapports sont tout aussi intéressants l'un que l'autre. Cependant, étant donné le papier glacé et le coût de la publication de la Défense nationale, surtout provenant d'un ministère qui n'arrête pas de matraquer les parlementaires en leur disant qu'il ne dispose pas de fonds suffisants, je me demande d'où vient l'argent pour faire cela.
La Défense nationale ne passe pas par l'approvisionnement des Travaux publics pour la plupart de ses achats. Il devrait, peut-être, y avoir une norme dans ce sens; ensuite, la Défense nationale pourrait peut-être avoir plus d'argent pour nourrir ses employés.
M. Alcock: Lorsque vous dites que le ministère de la Défense nationale est toujours préoccupé du fait qu'il ne dispose pas de fonds suffisants, j'essaie d'imaginer s'il y a des ministères qui se préoccupent de recevoir trop de fonds.
Le sénateur Ringuette: Ce sont eux qui crient le plus fort.
M. Alcock: Il est toujours difficile de séparer les biens nécessaires de ceux qui sont poussés par les fournisseurs du ministère en question, mais j'estime que les préoccupations de la Défense nationale sont fondées en ce qui concerne la protection des personnes que nous envoyons dans des missions dangereuses. Ce sont des préoccupations fondées qu'il faut résoudre.
Cependant, les questions auxquelles je pense maintenant sont moins particulières à des ministères, mais elles sont plus liées à notre méthode de gouverner. Je veux être prudent en disant cela. Le «notre»que je viens d'utiliser qualifie la classe politique et l'exécutif. La fonction publique a ses propres problèmes, mais franchement, si je peux vous faire part de l'un de mes partis pris, j'aimerais récupérer une partie des économies et les utiliser pour améliorer la fonction publique. La formation, le perfectionnement et certaines de ces questions ont été victimes de nos coupures budgétaires, nous en payons le prix. Nous devons aussi investir dans notre fonction publique au fur et à mesure. Cependant, ils ont besoin de notre participation car certaines décisions sont très difficiles à prendre, ils ne peuvent pas les prendre, aussi est-ce à nous à le faire. Nous devons trouver un moyen de prendre des décisions difficiles, car chacune des actions du gouvernement est liée aux gens et à l'argent. Chaque dollar que nous dépensons est lié à quelqu'un; ces décisions créeront donc des préoccupations.
Le sénateur Stratton: J'apprécie votre franchise. Un prédécesseur à votre ministère, Richard Neville, répondait clairement à nos questions et cela nous l'apprécions beaucoup. Au fait, comment va votre tension artérielle?
M. Alcock: Je ne suis pas sûr. Je devrais vérifier.
Le sénateur Stratton: Concernant cet examen des politiques — et c'est toujours fascinant d'entendre cela — il y a combien de temps que cela dure? Quand allez-vous terminer cet examen et avez-vous une idée du coût?
M. Alcock: Bonne question. En fait, cela est au coeur du débat que nous avons aujourd'hui. Dès que j'ai occupé ces fonctions, j'ai été confronté à deux autres questions. D'abord, on m'a demandé de voir si je pouvais assurer une marge de manoeuvre financière en fin d'année pour voir si nous pouvions faire quelque chose pour offrir un peu plus de garantie dans le budget à ce moment. Dans la mise à jour relative à la situation financière de l'automne, on prévoyait un excédent de 2,3 milliards de dollars et on voulait transférer deux milliards de dollars aux provinces, ce qui ne nous aurait laissé que 300 millions de dollars à titre de réserve de prudence, un montant considéré comme trop minime. Nous avons dû accepter cela.
Le précédent budget prévoyait aussi une réduction budgétaire des services votés de un milliard de dollars, et cela a été fait théoriquement en 2003-2004, mais je voulais que cela soit fait avant d'amorcer 2004-2005 afin de ne pas avoir ce fardeau pendant toute une année. Je voulais l'éliminer pour que nous puissions nous concentrer sur ces examens. Je ne peux pas vous révéler les détails concernant ce problème aujourd'hui, mais ils seront annoncés dans le budget. Mon objectif est de l'avoir prêt pour le budget et vous le constaterez quand le budget sera déposé. Ces problèmes doivent être résolus rapidement.
Certains examens sont en cours; en effet, John McCallum va travailler sur la gouvernance interne. Pour certains examens, les mandats sont prêts, mais nous n'avons pas formé les équipes pour les annoncer à ce jour. J'espère qu'ils auront tous leurs mandats et qu'ils seront annoncés au plus tard dans deux semaines. Je leur demande de présenter un rapport en juin et en septembre, puis de faire un rapport final en novembre. Les rapports ne ressemblent pas au rapport normal que l'on voit ici, le grand livre avec du papier glacé qui dit «vous trouverez toutes les réponses pour résoudre ce problème». Les rapports ressemblent plus à ce type de raisonnement: «nous avons procédé de cette façon et nous avons apporté quelques changements au fur et à mesure».
En ce qui concerne votre question sur les objectifs, j'ai proposé à quelques-uns d'entre eux, dans des secteurs où j'estime qu'il est possible d'établir des objectifs, qu'ils commencent à faire état d'objectifs pendant les trois prochains mois; donc, nous leur présentons constamment un objectif continu.
Je veux être un peu prudent à ce sujet, car dans certains secteurs tels que les approvisionnements et la gestion de l'actif, on cite assez audacieusement de gros chiffres. J'aurais préféré qu'ils fassent ces prévisions après avoir étudié pendant trois mois le problème et qu'ils soient beaucoup plus précis. Je leur demande de commencer à établir des objectifs dans leur rapport du mois de juin, le cas échéant.
Pour le rapport du mois de septembre, je leur demande de formuler des questions pour vous, le sénateur Ringuette a mentionné de quelle façon je vous ai demandé de participer. À l'approche de la session d'automne, on pourrait présenter les résultats à la Chambre et aux comités qui s'y intéressent et certaines des questions les plus difficiles pour lesquelles ils voudront vos conseils avant de procéder au rapport final.
Je m'attends tout à fait à ce que certains de ces examens ne donnent pas les résultats escomptés. C'est l'autre sujet dont je veux vous parler directement. L'une des erreurs que nous avons commises au gouvernement a été d'essayer de ne pas en commettre. La sagesse repose sur les connaissances; les connaissances proviennent de bonnes décisions; les bonnes décisions proviennent de mauvaises décisions. Si l'on n'apprend pas, on se prive quelquefois de la chance d'apprendre en essayant de prétendre que tout ce que nous faisons est absolument correct. Le fait est que ce ne l'est pas et que nous essaierons de faire des choses qui peuvent ne pas fonctionner aussi bien que nous l'avions espéré. Je continue à penser que cela vaut la peine d'essayer.
Le sénateur Stratton: Avez-vous une idée quelconque du coût global d'une telle entreprise?
M. Alcock: Je dois faire attention. Je crois qu'il y aura une description complète de tout cela dans un document qui sera publié bientôt. Comme je ne suis pas l'auteur ultime des documents, je dois éviter de lui couper l'herbe sous le pied.
Le sénateur Stratton: Je comprends cela.
M. Alcock: Cela pourrait nuire à ma carrière.
Le sénateur Stratton: Je comprends.
Cet examen des politiques que vous effectuez consiste en partie, bien sûr, à examiner des situations qui ont surgi en particulier au cours des trois ou cinq dernières années, en commençant par notre magnifique programme d'enregistrement des armes à feu et jusqu'aux problèmes avec lesquels vous êtes actuellement aux prises en matière de contrôle, parce qu'il s'agit essentiellement de gestion et de contrôle en l'occurrence et je sais que vous en connaissez ce domaine.
Le public canadien voudra savoir, en fin de compte, comment cet examen permettra d'empêcher le fiasco de l'enregistrement des armes à feu et autres problèmes du genre. Pouvez-vous nous dire, brièvement, à quoi le public canadien peut s'attendre comme résultat de cet exercice?
M. Alcock: La vraie question, c'est de savoir si je peux vous dire quoi que ce soit brièvement.
Il y a lieu de discerner ici deux catégories de question. La première porte sur la fonction de contrôleur, mais je vais aborder d'abord le registre des armes à feu. Il y a une foule de problèmes. Le premier est simplement que dans certains milieux, on est profondément en désaccord idéologiquement. Nous ne pourrons jamais résoudre la quadrature du cercle, mais nous avons exacerbé le problème à cause d'une mise en oeuvre que l'on pourrait qualifier de peu reluisante, ce qui était prévisible. Je fais partie du groupe qui étudie ce dossier depuis 1987. Je pourrais vous énumérer dans le détail des centaines de projets qui ont vécu exactement les mêmes problèmes. Les gens qui ne savent pas comment créer une base de données d'une manière rigoureuse s'imaginent que c'est magique et veulent y stocker toute l'information du monde, au lieu de se contenter du premier niveau. Si vous voulez un point de vue intéressant là-dessus, on enseigne à l'école d'administration de Harvard un cours remarquable qui porte sur la façon dont l'armée américaine a mis sur pied son système de recrutement. Ils prétendent qu'ils ne pourraient jamais le refaire aujourd'hui parce qu'il leur faudrait divulguer toutes les caractéristiques techniques, mais ils ont commencé par établir un petit programme qui a pris de plus en plus d'ampleur au fur et à mesure qu'ils y travaillaient. Nous avons essayé de construire une Cadillac, laquelle s'est effondrée sous son propre poids. Nous avons fait cela dans plusieurs domaines. Le gouvernement en direct en est un autre exemple.
Aveuglés par le succès retentissant des compagnies point-com, nous nous sommes pris à notre propre jeu sans bien comprendre la technologie. Je tiens à être bien clair là-dessus. Je pourrais vous montrer des exemples identiques dans presque tous les États américains, au gouvernement fédéral des États-Unis, en Australie, en Grande-Bretagne et en Europe. Les démocraties ont un problème avec cette technologie, parce que les instruments de la démocratie persistent à refuser de rechercher la transparence. Un domaine que vous connaissez assez bien, sénateur Stratton, m'amène à mon autre sujet, le problème de la fonction de contrôleur. Quand j'étais fonctionnaire, le Conseil du Trésor était toujours un goulot d'étranglement. C'est toujours là que l'on disait non, et l'on ne parvenait à rien. Je pense que certaines mesures prises au nom de la modernisation de la gestion publique étaient bonnes. L'idée était de laisser les gestionnaires gérer, sur le modèle du secteur privé. L'idée était que l'on a une meilleure fonction publique si l'on donne une plus grande latitude aux fonctionnaires qui assurent la prestation des services au niveau local, leur permettant de mieux répondre aux besoins locaux. Ce n'est pas un mauvais principe. Le problème est que les grandes entreprises du secteur privé ont créé les systèmes d'information nécessaires pour contrôler ce qui se faisait en permanence, de sorte qu'au moindre signe de dérapage, on s'en apercevait tout de suite.
Traditionnellement, le gouvernement réagissait à cette situation en établissant une fonction de contrôleur. Nous avons supprimé cette fonction de contrôleur parce qu'elle était trop contraignante, mais nous n'avons jamais bâti le système à cause de tous les problèmes qui existent quand on veut créer dans l'administration publique un système électronique de gestion financière. La raison en est que dès que l'on recueille des données numériques, la transparence est grandement renforcée, ce qui met en péril le système. C'est la barre que nous devons franchir, que nous devons aider la fonction publique à franchir, afin de s'adapter à la transparence. C'est bien beau la transparence, mais si Mike est trop transparent et que je n'y suis pas préparé, nous ne formerons pas un couple heureux, et je dois donc devenir plus transparent pour aider Mike à devenir lui-même plus transparent. Franchement, ces gens-là sont beaucoup plus disposés à le faire que les politiques. Nous devons résoudre cette équation, pour opérer ce changement culturel.
Maintenant, nous allons instaurer une nouvelle forme de la fonction de contrôleur. Quant au modèle actuel, voyez ce qui arrive à M. Michael Eisner chez Disney; c'est ce qu'on peut appeler l'effondrement des idoles. Quand on ne peut plus faire confiance à Mickey Mouse, on a un problème. Le gouvernement n'est pas seul en cause. Ce manque de confiance découle, à mon avis, d'une plus grande ouverture dans le monde. Si vous avez lu récemment les reportages sur la CIBC, la Banque canadienne impériale de commerce, au sujet de leurs nouvelles mesures de déontologie et de leurs inquiétudes, vous constaterez que c'est exactement le même problème. Les citoyens ne font pas confiance aux grandes institutions, et nous devons donc relever la barre au gouvernement et dans la société.
Le National Post a publié lundi dernier un article sur les solutions préconisées par la CIBC. On disait que certaines pratiques qui étaient réprouvées par les clients avaient pourtant été accueillies avec enthousiasme il y a 10 ans. Eh bien, les normes ont été resserrées et nous devons nous y adapter.
Comment le faire? Je ne pose pas une question de pure forme débouchant sur une autre question, parce que j'ai du mal à trouver la réponse. Comment imposer une fonction de contrôleur qui nous donnerait ce que vous demandez et ce que les Canadiens demandent, à savoir un contrôle plus serré qui nous permettrait d'identifier les problèmes et d'y réagir plus rapidement? Comment faire cela sans couper les ailes aux sous-ministres, qui doivent en fin de compter diriger leur ministère? Dès que nous attribuons à quelqu'un d'autre cette responsabilité, nous ruinons un principe important de la gestion, nommément la reddition de comptes. Comment faire cela sans bloquer en même temps l'émergence de ce que nous voulons précisément, c'est-à-dire une fonction publique meilleure et plus souple? Deux problèmes se posent. Ma position là-dessus — et c'est un débat que nous avons actuellement au Conseil du Trésor — c'est de dire qu'il faut utiliser ces postes pour donner l'impulsion finale à la mise en place de ces systèmes. Nous mettons en poste dans chaque ministère des gens intelligents et qualifiés qui connaissent la problématique, et ils deviennent le point de convergence pour l'élaboration et la mise en place des systèmes de gestion des ressources humaines et financières et des actifs, les mêmes systèmes qui existent dans n'importe quelle autre grande organisation. Nous mettons cela en place à la grandeur de l'entreprise, afin de commencer à traiter le gouvernement comme une entreprise, par opposition à une série de groupes indépendants agissant sans cohésion.
Nous avons la plus grande entreprise au Canada. Notre organisation est quatre fois plus grande que n'importe quelle autre au Canada et elle a sept fois plus de revenus que la plus riche compagnie au Canada. C'est une affaire immensément complexe et énormément disparate. Ce n'est pas facile. Maintenant, un autre facteur de la fonction de contrôleur, c'est la vérification interne; nous examinons donc la question sous les deux angles, mais toujours avec l'idée d'obtenir le contrôle que nous voulons sans détruire la capacité de fournir les services, sans étouffer l'initiative au point d'amortir l'efficacité. J'aimerais bien que le comité s'efforce lui aussi de répondre à cette question, parce que je vois autour de la table des gens qui comprennent cette problématique et qui pourraient nous apporter une aide précieuse.
Le sénateur Stratton: Vous avez donné ce qui m'a semblé une explication très intéressante, mais j'en conclus que nous n'avons pas encore tout à fait trouvé la réponse. Vous êtes encore en train d'examiner tout cela, et le public canadien vous dit: «Nous voyons que tout cela continue; cela arrive encore. Quand donc allez-vous y mettre fin pour qu'on n'ait plus à subir cela?» Je suppose que vous subissez des pressions, mais c'est un peu inquiétant puisqu'on en est encore à discuter sur un plan théorique. Je pense que cette discussion est nécessaire, mais dans quel délai pouvez-vous donner aux Canadiens une réponse avec laquelle ils seront à l'aise?
M. Alcock: D'après mon expérience, le grand public canadien est beaucoup plus intelligent qu'on est porté à le croire. Les Canadiens veulent aussi une bonne réponse. Si nous faisons quelque chose qui ressemble à un semblant de réponse et non pas à une véritable réponse, ils vont s'en apercevoir tout de suite. La réalité, à mon avis, c'est que nous devons dire aux Canadiens que nous sommes aux prises avec un problème difficile, que ce n'est pas facile. Je soutiens que le problème de l'administration publique de nos jours, c'est que l'essentiel du débat se déroule pendant cet échange d'invectives diffamatoires de 30 secondes qu'est devenue la période des questions. Toute l'attention publique est centrée là-dessus et cela n'a rien à voir avec la qualité de la gestion. Nous agissons. Nous mettons en place des contrôleurs dans tous les ministères et vous entendrez parler de tout cela en détail. Le Conseil du Trésor a fait beaucoup de travail, en particulier grâce à ce nouveau secrétariat qui a beaucoup travaillé au cadre de gestion, et il y a aussi en place des politiques financières et tout le reste.
De mon point de vue, ce qui manque, c'est la mise en place de ces systèmes. Il y a un débat continu sur la manière de s'y prendre. Sommes-nous déterminés à le faire et à résoudre ce problème? Absolument.
Le président: L'essentiel, dans cette fonction de contrôleur, si je comprends bien, c'est que le contrôleur situé dans un ministère ou un organisme donné ne relèvera pas du sous-ministre ou du dirigeant de l'organisme, mais plutôt d'un contrôleur général. Il sera chargé d'appliquer des normes valables à la grandeur du gouvernement, une discipline commune à l'ensemble du gouvernement. Dans ce contexte, je ne vois pas en quoi le problème de l'autorité ou de la responsabilité du sous-ministre devrait se poser.
J'espère que vous n'êtes pas en train de nous dire que ce projet de placer le contrôleur dans un ministère donné sous l'autorité d'une personne différente suscite des résistances dans le réseau; et, si c'est le cas, que cette résistance a la moindre chance de faire dérailler le projet.
M. Alcock: Est-ce une question, monsieur le président?
Le président: Oui.
M. Alcock: Votre comité rassemble une somme impressionnante d'intelligence et il devrait se pencher sur ces questions.
Le président: Nous allons le faire.
Le sénateur Day: Monsieur le ministre, mes questions sont dans la même veine. Nous avons consacré beaucoup de temps ces derniers mois au projet de loi C-25, sur la réorganisation de la fonction publique. Je crois que la plupart d'entre nous sommes d'accord pour laisser les gestionnaires gérer en conformité d'un plan qui a été établi. Leurs résultats seraient alors évalués sur cette base. Leur avancement et leur rémunération seraient fondés sur leur rendement.
À l'instar du président et du sénateur Stratton, je suis inquiet. Il me semble que ces gestionnaires devront maintenant fonctionner sous le regard d'un représentant du contrôleur général qui scrutera tous leurs faits et gestes. Ils ont leurs propres contrôleurs ministériels de sorte que personne ne trouvera quoi que ce soit avant qu'ils ne l'aient trouvé eux- mêmes. Il y a le Comité d'examen des dépenses, qui est un comité du cabinet qui se penche sur diverses activités. Il est question que la Commission de la fonction publique devienne davantage un organisme de surveillance et qu'on lui retire de nombreuses tâches qu'elle assumait dans le passé.
Sommes-nous en train de créer des possibilités d'emploi pour les comptables? Le gestionnaire sera-t-il vraiment en mesure de gérer, dans le cadre de ce régime qui semble se dessiner? Sommes-nous en train de réagir exagérément à une situation regrettable?
M. Alcock: Vous avez posé beaucoup de questions importantes et je vais y répondre une par une.
Vous demandez si nous réagissons exagérément. Je ne le pense pas, dans le sens que nous réagissons à cette situation et à beaucoup d'autres. Le scandale des commandites est une situation particulièrement difficile parce que certains indices donnent à penser que la classe politique est impliquée. Ce n'est pas le cas dans beaucoup d'autres dossiers, qui ne sont que des exemples de malfaisance. Cependant, le problème est le même. C'est l'absence d'un système d'alerte avancée, rendant possible de déceler précocement de tels méfaits.
Nous devons faire attention de choisir l'instrument approprié et de ne pas créer une solution consistant à tout rejeter vers le problème suivant.
La question que le sénateur Murray pose est critique. Quand je dis que votre comité est formé de gens intelligents, franchement, je serais intéressé à connaître l'opinion réfléchie du comité sur cette question.
L'un des problèmes — je tiens toujours à la préciser dès le départ — est que la fonction publique n'est pas l'entreprise privée. Elle ne peut pas être une entreprise privée. Elle ne le sera jamais. Les gens qui s'efforcent d'en faire une entreprise privée se leurrent. C'est un environnement de gestion beaucoup plus complexe que la plus complexe des entreprises privées.
De même, le sous-ministre moyen dans un ministère important à Ottawa dirige une entreprise plus grande que certaines des plus grandes compagnies au Canada. Ce ne sont pas de petites boutiques.
Il y a deux modèles qui semblent émerger pour la fonction de contrôleur. La réaction à la Loi Sarbanes-Oxley aux États-Unis, et tout le travail qui a été fait dans la foulée du scandale Enron-Anderson consiste à resserrer la fonction de contrôleur et les contrôles internes et à diffuser la reddition de comptes. En fait, il ne s'agit pas vraiment de diffuser la reddition de comptes. L'un des arguments est que si le contrôleur du ministère relève également, accessoirement, de quelqu'un d'autre que du sous-ministre, alors ce contrôleur serait peut-être mieux en mesure de dire la vérité sans fard au sous-ministre. C'est un modèle. En fait, si vous lisez la littérature sur la fonction moderne de contrôleur dans des compagnies comme GE, BCE et d'autres, des compagnies qui, soit dit en passant, remportent des prix pour la qualité de leur déontologie dans la gestion, cette double reddition de comptes — qui consiste souvent, comme le sénateur Murray l'a dit, à rendre des comptes séparément et de manière complètement indépendante — fait partie intégrante de ce modèle.
Le sénateur Day: Le danger n'est-il pas que le gestionnaire ait l'impression que cette personne est un espion, constamment en train d'épier ses faits et gestes?
M. Alcock: Ou bien le gestionnaire peut dire: «Je n'ai plus besoin de me préoccuper de tout cela parce que quelqu'un d'autre s'en charge.» C'est un aspect des modèles comportant une diffusion de la responsabilité et de la reddition de comptes. Par exemple, le Conseil du Trésor veut-il prendre les commandes des ministères? Non. C'est aux gestionnaires de gérer leurs ministères; mais nous voulons mettre en place les mécanismes qui nous permettront de renforcer la reddition de comptes et de déceler précocement les problèmes.
Ce n'est pas un modèle simple. Quant aux vérifications internes, voulons-nous que le gestionnaire s'occupe vraiment de la vérification interne? Dans un monde idéal, dans un ministère bien géré, un cadre supérieur tue dans l'oeuf les problèmes de ce genre avant que quelqu'un d'autre ne s'en mêle, et c'est exactement ce que l'on veut. On ne veut pas que ces choses-là parviennent au sommet de la pyramide.
C'est étrange. La fonction publique est à son mieux quand on n'en entend jamais parler, parce qu'elle se contente de faire le boulot au jour le jour sans faire de fla-fla.
Il faut faire attention de ne pas retirer trop de pouvoir à la personne qui est aux commandes, parce que c'est alors trop facile de dire: «Ce n'est pas mon travail, c'est le leur». C'est difficile de résoudre cette équation.
L'une des exigences de la loi Sarbanes-Oxley relativement aux compagnies cotées en bourse est que le vérificateur interne relève non pas du gestionnaire divisionnaire, non pas du PDG, mais d'un comité de vérification du conseil d'administration, de par la loi.
Le président: Sachant ce que l'on sait, cette exigence a beaucoup de mérite.
M. Alcock: Exactement.
Le président: Cela a beaucoup de mérite au gouvernement aussi, à mon opinion.
M. Alcock: Ce que je viens de vous exposer, c'est exactement le débat que je m'efforce de mener à son terme en ce moment même. Nous allons maintenant prendre des décisions là-dessus, comprenez-vous? Les arguments avancés de part et d'autres ont un certain poids. Ce serait utile que vous y participiez. J'ai aussi un dialogue avec d'autres sur tout cela.
Je voudrais maintenant aborder un autre aspect. J'ai un mandat quant à la gouvernance des sociétés d'État. Nous avons des sociétés d'État qui sont de grandes entreprises, qui fonctionnent dans un espace commercial et qui ne sont pas fondamentalement différentes de EDC ou BDC. Devrions-nous concevoir une sorte de variante de la gouvernance actuelle, qui prévoit la présence au conseil d'administration de personnes nommées à risque? Pardon, pas «à risque? — quelle énormité! Je veux dire «à titre amovible». Il y a toute une différence. Enfin, il n'y a peut-être pas une grande différence à l'heure actuelle. C'est quand même un lapsus considérable.
Le président: Il y a peut-être une question plus existentielle que vous devriez vous poser au sujet de ces organisations.
M. Alcock: Vous vous aventurez sur un terrain où je ne peux pas vous suivre. Ce n'est pas que je ne sois pas désireux d'y aller. J'ai compris ce que vous avez dit.
Le président: Cette question existe bel et bien.
M. Alcock: Le sénateur Oliver vient juste de demander: devrait-on les privatiser? Votre question est valable.
L'une des questions à laquelle on m'a demandé de réfléchir est celle-ci: le temps est-il venu de prendre le régime de responsabilité des compagnies cotées en bourse comme modèle pour nos sociétés d'État? Peut-être que c'est la solution. Elles auraient alors toutes les caractéristiques d'une compagnie privée. Les exigences en matière de transparence d'une compagnie cotée en bourse sont beaucoup plus grandes actuellement que pour une société d'État. Est-ce l'évolution que nous souhaitons?
Voilà les questions que je vais poser.
Le président: Il faudrait faire comparaître régulièrement devant un comité parlementaire les gens qui représentent les actionnaires. D'après mon expérience, ils n'aiment pas cela.
M. Alcock: Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée. Évidemment, donnez-moi une liste de gens qui aiment la surveillance.
Le président: Les sénateurs.
Le sénateur Day: Puis-je poser deux ou trois questions brèves? Je pense que nous manquons de temps.
M. Alcock: J'ai amplement de temps.
Le sénateur Day: Ai-je raison de dire que la Commission de la fonction publique continue d'embaucher?
M. Alcock: Oui.
Le sénateur Day: Avez-vous dit que cela pourrait changer?
M. Alcock: Je dois être circonspect, car ce n'est pas moi qui pilote ce projet de loi. J'y ai participé parce que je présidais le comité quand il a été étudié au comité. Je pense qu'ils ont fait du mauvais travail. Franchement, votre comité fait du meilleur travail que celui de la Chambre.
J'ai remarqué le témoignage d'un témoin en particulier, qui a dit que quand nous avons amorcé l'élaboration du projet de loi C-25, le greffier était le chef de la fonction publique, le Conseil du Trésor était l'employeur et la Commission de la fonction publique était l'organisme employeur. Après 32 ans, après tous ces changements et deux années d'études et de travail, au bout du compte, la Commission de la fonction publique est l'organisme employeur, le greffier est le chef de la fonction publique et le Conseil du Trésor est l'employeur.
Je devrais probablement arrêter de parler parce que je vais me mettre dans le pétrin.
Le sénateur Day: Vous avez dit que le ministre Coderre met en oeuvre le projet de loi C-25. Nous voudrons peut-être lui parler à un moment donné. Il y a eu tellement de changements dans l'organisation gouvernementale et je crois que ces changements vont même plus loin que ce que l'on envisageait dans le projet de loi C-25. Prévoyez-vous qu'il sera nécessaire de légiférer encore pour confirmer certains de ces changements qui sont en cours ou qui s'en viennent?
M. Alcock: Voyez-vous tous ces gens qui sont derrière moi? Ils sont chargés de me dire de me la fermer sur certains sujets. Je suis peut-être un peu trop disert sur tout cela. Je ne sais pas dans quelle mesure il convient que j'exprime mon opinion personnelle sur le travail de quelqu'un d'autre. Je pense que votre observation est exceptionnellement valable. Nous allons changer tout le reste du fonctionnement de l'entreprise, et si nous réussissons, nous aurons une incidence sur ce qui est probablement notre ressource la plus précieuse, nommément nos ressources humaines.
La question que vous posez mérite réflexion. Je ne sais pas comment répondre à une telle question. J'ai énormément de respect pour le ministre Coderre et le travail qu'il accomplit, et tout le travail qui se fait pour essayer de mettre l'agence sur pied. Cependant, même si nous changeons les autres paramètres, qu'y a-t-il de plus important dans une entreprise que les gens qui y travaillent?
Ce qui m'exaspère dans la manière dont nous traitons la fonction publique, c'est qu'il n'existe à ma connaissance aucune entité de grande envergure dans le secteur privé qui connaisse du succès en s'en prenant tout le temps à son personnel. Nous devons redéfinir les relations assez vite. Nous changeons la fonction de contrôleur. Nous changeons nos systèmes d'information et mettons en place un système d'information. Ensuite, si vous voulez déléguer des responsabilités aux gens, vous aurez tous les outils pour le faire et vous pourrez donc aller plus loin dans cette délégation de pouvoir.
La Commission de la fonction publique est une ressource immense. Elle a été créée il y a très longtemps, essentiellement pour garantir l'indépendance dans l'embauche. Que cela plaise ou non au sénateur Ringuette, si vous avez une meilleure manière que cela de faire la vérification, il ne vous faudra peut-être pas autant de ressources pour y parvenir. Je ne sais trop.
Le sénateur Oliver: Je m'intéresse depuis longtemps au dossier de la fonction publique, comme vous le savez probablement, et j'ai été conseiller du Conseil du Trésor dans les années 80.
Vous avez répondu en partie à mes deux questions, mais je voudrais quand même les poser. La première concerne les nouvelles politiques sur la gouvernance et la supervision des sociétés d'État. Le Comité des banques a examiné certains changements apportés aux sociétés d'État, notamment la création de comités de vérification, avec obligation pour les membres de ces comités de connaître les questions financières et tout le reste, la séparation des fonctions de PDG et de président du conseil et un effort visant à mettre en place des principes de gouvernance inspirés de la Loi Sarbanes- Oxley. Tout cela a commencé à se faire.
Vous nous avez dit que votre échéance pour ce rapport est le 30 septembre. Beaucoup de sociétés d'État relèvent de différents ministères: les Transports, les Finances, et cetera Je m'intéresse à la méthodologie que vous emploierez pour essayer de faire une étude utile. Vous devrez peut-être envisager la commercialisation. Vous devrez peut-être même envisager la privatisation. Il faudra peut-être créer un comité interne de sous-ministres ou de sous-ministres adjoints. Ensuite, il vous faudra un comité externe, et cetera Quelle méthodologie allez-vous appliquer pour aboutir à un régime de gouvernance moderne qui conviendrait à ces sociétés d'État?
M. Alcock: L'hésitation que vous entendez dans ma voix là-dessus tient au fait que je suis actuellement en train de négocier avec quelques personnes que je veux intéresser au projet pour nous aider dans ce processus, des gens qui ont à mon avis quelque chose à dire au sujet de la gouvernance au sens large. J'espère justement leur poser les questions que vous venez de soulever. Mon échéance du 30 septembre est utile parce que c'est le début de la session d'automne et j'espère pouvoir poser les questions à votre comité, au Comité des banques et à d'autres qui s'intéressent à ces sociétés d'État. Vous pouvez faire une grande division entre les sociétés d'État entreprises, qui fonctionnent généralement dans un espace commercial, et les autres qui sont généralement plus ciblées. Ce serait une discussion utile à plusieurs points de vue.
C'est là peut-être que je ne suis pas très bon comme président du Conseil du Trésor, parce que je n'ai pas de réponse à cela. Dès que je commence à faire des conjectures, chacun suppose que je parle en code et que je possède en fait une réponse. La privatisation est-elle une solution? Je l'ignore. C'est possible. Il y a des raisons pour lesquelles nous ne sommes pas allés aussi loin dans le passé, et je voudrais les comprendre. En allant plus loin dans l'utilisation des systèmes de rapports publics instaurés par les compagnies privées, pourrait-on renforcer la transparence au gouvernement? Voulons-nous être plus précis? Les exigences de la loi Sarbanes-Oxley en matière de vérification interne sont intégrées, parce que même les grandes entreprises canadiennes sont assujetties à cette loi dès qu'elles font du commerce au sud de la frontière. Voilà les questions. J'aimerais, avec l'aide de quelques cerveaux qui possèdent de l'expertise en matière de gouvernance, préciser davantage ces questions et les poser à la Chambre et à vous-mêmes, ce qui nous permettrait ensuite de prendre une décision collective qui serait dans le meilleur intérêt de ce que nous tentons de faire avec ces sociétés d'État. Il faut que l'instrument choisi soit celui qui réponde le mieux aux besoins de l'organisation en matière de services.
Le sénateur Oliver: Ma deuxième question porte sur le Bureau du Conseil privé. Les chiffres que je vais vous donner sont minimes. Je me demande cependant si nous n'assistons au début d'une tendance en termes de concentration du pouvoir entre les mains du premier ministre. Dans le budget des dépenses, le budget du Bureau du Conseil privé, qui est essentiellement le ministère du premier ministre, a augmenté de quelque 21 millions de dollars, passant de 49 à 70 millions de dollars, avec une augmentation de 13 millions au titre de deux nouvelles initiatives autochtones. Or, il y a un ministère qui s'occupe des Autochtones, et l'on constate donc que des activités d'un autre ministère relèvent maintenant du BCP, qui est le ministère du premier ministre. Il y a des activités d'autres ministères qui sont intégrées à cela. Même si les chiffres sont minimes et si l'augmentation est de seulement 18 p. 100, est-ce que, dans la foulée de ce remaniement, nous verrons le premier ministre exercer un contrôle plus serré, et aura-t-on le sentiment qu'il assumera de plus grandes responsabilités à l'égard de la fonction publique en regroupant de plus nombreuses initiatives sous l'aile du BCP? Est-ce le début d'une série de transferts au BCP?
M. Alcock: Un conseil que le premier ministre m'a donné, c'est: «Ne faites pas de conjectures». Je vais maintenant déroger à ce conseil à mes risques et périls.
Je vais répondre comme ceci: On s'inquiète depuis longtemps de la concentration du pouvoir au bureau du Conseil privé et au cabinet du premier ministre. Donald Savoie a écrit un livre là-dessus, intitulé Governing from the Centre. On constate exactement la même tendance dans tous les gouvernements provinciaux. Je soutiens que l'une des raisons de la concentration est que, dans un monde qui bouge de plus en plus vite, il faut un point de décision. Le monde ne peut pas attendre que le gouvernement achève sa réflexion.
J'ai été le directeur de l'aide à l'enfance au Manitoba et j'ai été chargé en 1984 de piloter un changement législatif. J'ai demandé au rédacteur de la loi de rédiger toute une foule de clauses habilitantes pour le règlement, non pas parce que je voulais enlever des pouvoirs à la Chambre, mais parce qu'en tant que gestionnaire, si la Saskatchewan faisait un changement, je devais en tenir compte et m'aligner, et je ne pouvais pas attendre un an ou deux que ce soit fait législativement. Cela est en partie la conséquence du monde dans lequel nous vivons.
Maintenant, je vais passer à l'aspect plus politique. La question que vous soulevez porte sur les gestes de mon chef.
Le sénateur Oliver: Et où s'arrêtera la responsabilité des gestionnaires.
M. Alcock: Je vais vous donner une réponse que va peut-être ressembler à de la publicité, mais elle reflète ce que je crois sincèrement à propos du premier ministre actuel. Je pense que l'on assiste à une concentration d'intérêts. C'est un domaine très spécifique. C'est dans trois dossiers. Je vous demande de réfléchir et de trouver dans l'histoire des exemples de chefs qui sont entrés en fonction dans un poste où ils avaient un contrôle absolu et qui y ont renoncé volontairement. Toute cette discussion sur la réforme démocratique n'est pas un slogan électoral pour lui. C'est une conviction profonde et je la partage. L'un des problèmes de la gestion des affaires publiques a été l'échec de la Chambre des communes d'assumer ses responsabilités en matière de surveillance. Je peux essayer d'expliciter pourquoi cela est arrivé en échafaudant mes propres théories, mais il n'en demeure pas moins que tel est le problème.
Le pouvoir est un jeu à somme nulle; il faut qu'il vienne de quelque part. Nous avons un chef qui veut reprendre les commandes. Je m'attends à ce que nous perdions des votes, mais je suis convaincu que nous aurons au bout du compte une meilleure gouvernance. C'est un concept étranger au gouvernement actuel. En même temps, il a fait aussi autre chose. Il a dit qu'il s'intéresse personnellement à certains dossiers. On peut s'interroger à savoir si c'est bon ou mauvais pour un chef. Il a fait son choix. Si vous l'avez vu à l'assemblée publique après le discours du Trône, on lui a demandé: «À quoi voulez-vous qu'on associe votre mémoire»?
Le sénateur Oliver: Je m'en rappelle.
M. Alcock: Voyez ce qu'il a choisi de répondre. Il a choisi de diminuer l'aliénation de l'Ouest, problème qui persiste depuis 1870.
Le sénateur Oliver: Et les Autochtones.
M. Alcock: C'est un dossier très difficile. Rappelez-vous de David Crombie, qui est arrivé au pouvoir en disant: «Je serai le dernier ministre des Affaires indiennes». Ce sont des dossiers lourds, difficiles et le premier ministre s'y est engagé, et il faut donc renforcer les secrétariats.
Le sénateur Oliver: Il s'est également engagé dans le dossier Canada-États-Unis.
M. Alcock: C'est vrai, et dans celui des villes.
Le sénateur Oliver: Par conséquent, la concentration du pouvoir entre ses mains se renforce.
M. Alcock: Je suppose qu'il faudra attendre de voir quel en sera le résultat. Il fait les deux. Je suis chargé du Conseil du Trésor. Il s'attend à ce que je gère mon ministère et il ne s'ingère pas dans mes dossiers. Il ne fait pas pour la plupart des ministres. Il s'intéresse de prime abord à ces dossiers-là parce qu'il croit que ce sont les plus difficiles. Le ministre des Affaires indiennes en est reconnaissant parce qu'il sait à quel point c'est complexe. Si c'était facile, cela aurait été résolu il y a des années. Le fait que le premier ministre soit engagé dans ces dossiers difficiles est tout à son honneur.
Vous voyez donc cette double dynamique. Il tire à lui certains dossiers parce qu'il aidera à les piloter, mais il repousse également beaucoup de...
Le sénateur Oliver: Le fond de ma question est de savoir si, après la restructuration massive que vous êtes en train de faire, nous verrons en fin de compte un renforcement marqué du pouvoir entre les mains du bureau du Conseil privé, de sorte que ce serait ce bureau, qui est le ministère du premier ministre lui-même, qui assumerait en fait la responsabilité ultime. Est-ce bien ce qui se dessine?
M. Alcock: Je ne le pense pas, sénateur. D'après l'expérience personnelle que j'ai du premier ministre actuel, dont je suis un fervent partisan depuis longtemps, il est tout à fait sérieux quand il parle de «réforme démocratique». Quand il en a parlé pour la première fois il y a quelques années, à Osgoode Hall, tout le monde pensait que c'était une tactique électorale. Pourtant, si vous lisez ses discours, en remontant à celui qu'il a prononcé à l'Université Assumption deux ans après cela, vous y verrez le même thème, à savoir que l'espace public dans lequel les citoyens se rassemblent pour débattre et prendre des décisions a été dévalué, ce qui est mauvais.
J'ai prononcé un discours à Toronto la semaine dernière. J'ai dit que le problème était que la démocratie ne peut pas être un sport pour spectateurs. Les gens ne peuvent pas rester assis en touche et lancer des bombes sur les protagonistes. C'est leur problème à eux aussi. Nous devons résoudre le problème. On ne peut pas laisser les citoyens se désengager de nos instruments démocratiques. C'est trop dangereux. Nous avons maintenant un premier ministre qui dit: «Je comprends que la concentration du pouvoir à mon bureau est mauvaise et je vais y remédier».
Je trouve que c'est immensément excitant et immensément difficile. Cela nous ramène à l'observation du sénateur Ringuette au sujet de la théorie du chaos. C'est à cela que Craig Oliver voulait en venir dans son échange avec moi. Ce sera chaotique, mais peut-être que ce sera un bon chaos.
Le sénateur Lawson: J'ai une question plus fondamentale.
M. Alcock: Bien.
Le sénateur Lawson: Avant tout ce problème des commandites, il y a cinq ou six mois, — l'affaire a fait brièvement les manchettes — la vérificatrice générale a découvert qu'un ministère, je ne sais plus lequel, envoyait manifestement des subventions à l'étranger, en Afrique, et cetera Il semblait qu'il y en avait plus d'un. Plusieurs ministères avaient octroyé des subventions supérieures à ce qui était prévu dans les directives du gouvernement. Quand la vérificatrice a demandé aux employés en question pourquoi ils avaient fait cela, ils ont répondu: «Parce que nous savions ce qu'il fallait faire». C'est ce qu'ils ont dit textuellement. Leur durée de vie n'a pas été très longue, mais il me semble, et je suis un vieux syndicaliste, qu'il y a là un signal d'alerte nous avertissant qu'il n'y a pas de gestion, que ces gens-là avaient décidé de leur propre gré de violer la politique gouvernementale et de faire ce que bon leur semblait. La réaction des gens qui l'ont signalé à mon attention était qu'ils auraient dû être congédiés sur-le-champ, ou bien le gestionnaire aurait dû être congédié, ou enfin que quelqu'un aurait dû être tenu responsable.
Comment pouvez-vous laisser des gens dire qu'il y a des directives en vigueur, mais qu'ils étaient mieux placés pour savoir ce qu'il convenait de faire? Je suis curieux de savoir comment cela est arrivé. On n'en a pas parlé longtemps dans les journaux. A-t-on fait quelque chose à ce sujet? Ces gens-là ont-ils été sanctionnés? Continuent-ils de faire ce que bon leur semble? Et s'ils avaient été d'avis que l'argent ne devait pas être envoyé là-bas, mais plutôt ici? Peut-être avons- nous des problèmes plus graves. On dirait que c'est un signal d'alerte. Quelqu'un devrait dire: «Assez! Si vous ne respectez pas les directives gouvernementales qui vous ont été imposées, si cela vous embête ou si vous ne croyez pas que ces directives soient les bonnes, alors adressez-vous à votre gestionnaire, au sous-ministre ou au ministre et dites tout haut qu'il faudrait à votre avis apporter des changements. Si vous ne respectez pas cela, vous serez remplacé par quelqu'un qui fera ce que doit.?
M. Alcock: Sénateur, vous et moi avons certaines caractéristiques communes, mais je suppose qu'à vos yeux, je suis un Canadien du Canada central.
Le sénateur Lawson: Je suis un Canadien de tous les coins du pays. Je peux vous intégrer dans mon paysage.
M. Alcock: Vous êtes assez loin à l'Ouest pour savoir que le sentiment d'une fonction publique qui est parfois tournée sur elle-même ou qui croit davantage à ses propres valeurs qu'à celles qui sont fixées par les instances publiques est assez répandu. Chose certaine, nous le percevons dans les régions. J'ignore quelle région précise vous représentez, mais je ne crois pas que ce soit rare de percevoir ce sentiment.
Ce doit être très difficile pour les fonctionnaires de témoigner devant certains comités. D'ailleurs, le Sénat est toujours louangé par les fonctionnaires parce que vous avez tendance à prendre au sérieux leurs problèmes. On entend souvent des fonctionnaires dire que c'est un comité du Sénat qui les a le mieux interrogés. Ce doit être dur pour des gens qui sont par définition intelligents et qui prennent leur travail au sérieux de s'asseoir et d'écouter le débat qui se déroule parfois dans ces parages au nom des affaires publiques.
Je pourrais vous donner de multiples exemples d'expériences dont j'ai été témoin, de gens intelligents aux prises avec des dossiers lourds qui ont été agressés verbalement. Est-ce qu'ils sont parfois devenus un peu dédaigneux? Je ne le crois pas. Je pense que la plupart des fonctionnaires ne sont pas très empressés de témoigner devant la Chambre parce qu'ils considèrent que c'est un système irrationnel, mais par ailleurs il faut dire qu'ils ne reçoivent pas beaucoup d'information à ce sujet. Chacune des deux parties doit faire sa part. Je parle plutôt de la Chambre des communes mais notre système de comité doit vraiment commencer à faire preuve du leadership que vous évoquez.
La deuxième partie du problème que vous posez est toutefois la question de la reddition de comptes. C'est ce que nous essayons de démêler avec cet examen de la Loi sur la gestion des finances publiques. Nous essayons d'établir quelque chose pour les deux, de manière que l'éthique, la modélisation et les éléments structurels puissent être soudés ensemble en y ajoutant certains éléments de reddition de comptes de la loi. C'est difficile.
Cela me met constamment en colère. En tant que Canadien de l'Ouest, j'ai le sentiment qu'Ottawa ne comprend pas où nous nous situons. Ils s'imaginent que l'Ouest, c'est à l'ouest de Sudbury.
Le sénateur Lawson: Vous avez raison. La reddition de comptes, c'est le mot clé. Vous êtes sur la bonne voie en cherchant à renforcer la reddition de comptes et j'appuie ce que vous essayez de faire.
M. Alcock: Sénateur, étant donné votre cheminement et le travail que vous avez fait tout au long de votre vie du côté syndical, votre voix sera extraordinairement importante. Comment résoudre la quadrature du cercle? Nous voulons nous assurer que notre fonction publique ait la meilleure orientation, le meilleur soutien que nous puissions lui donner. Le travail des fonctionnaires est d'une importance vitale pour notre qualité de vie. Nous voulons aussi être à l'écoute des exigences des citoyens. La manière d'articuler ces exigences est importante et je ne crois pas que nous fassions du bon travail actuellement.
Le sénateur Lawson: L'autre aspect de la question, et c'est extraordinaire de voir ce qui se passe, c'est que dans l'ancien gouvernement de la Colombie-Britannique, au gouvernement provincial, nous avions des contrats où il était question de droits de gestion. La direction avait renoncé à tous ses droits en faveur des syndicats. Bien sûr, ce n'est pas sain. C'était une erreur de faire cela. Ils essaient de remédier à cette situation, mais c'est une tâche difficile.
M. Alcock: Il faut toujours conserver l'équilibre entre les pouvoirs.
Le président: Honorables sénateurs, nous avons écoulé tout notre temps, mais nous allons faire des heures supplémentaires parce que je me suis engagé à donner au sénateur Lynch-Staunton et au sénateur Ringuette l'occasion d'intervenir au deuxième tour.
Le sénateur Mahovlich: Vous avez fait allusion à la fonction de surveillance à la Chambre des communes. Je me demande si, à vos yeux, il existe une quelconque surveillance au Sénat?
M. Alcock: Sénateur Mahovlich, je suis nouveau dans mon poste et c'est la troisième fois que je comparais devant un comité du Sénat. En fait, je suis déjà venu ici en tant que député.
Le sénateur Mahovlich: On ne le dirait jamais.
Le sénateur Oliver: Il semble très à l'aise.
M. Alcock: Il faut reconnaître vos mérites. La rumeur qui circule au sujet des comités, comme je l'ai constaté en m'entretenant avec des hauts fonctionnaires, c'est que presque tous ont le sentiment d'avoir une meilleure audition et des questions plus rigoureuses aux comités du Sénat. C'est surtout attribuable au fait qu'il semble y avoir davantage d'expérience dans les domaines de l'histoire, des syndicats, de l'entreprise et des affaires connexes autour de cette table, et que cette expérience est quelque peu distincte des exigences du débat politique qui se déroule à la période des questions.
J'entends cela constamment de la part des fonctionnaires. Je pense que la réponse à votre question serait oui, il y a actuellement une meilleure surveillance au Sénat.
Le sénateur Mahovlich: L'ex-sénateur conservateur Bolduc, un homme très passionné, était membre de notre comité. Il y a deux ans, quand la vérificatrice générale a comparu devant le comité, le sénateur Bolduc a attiré son attention sur le fait que les freins et contrepoids n'étaient pas ce qu'ils devraient être. Il a souvent recommandé de suivre l'exemple d'autres pays qui avaient de meilleurs systèmes à cet égard. Quel pays vous apparaît comme un exemple d'un meilleur système de freins et contrepoids?
M. Alcock: Je suis engagé dans ce travail depuis 1987. Nous examinons tous les pays et nous avons tendance à encercler le monde industrialisé parce que c'est là qu'on utilise le plus les technologies de l'information. Le Canada est aussi avancé que quiconque et c'est pourquoi je dis tout le temps que ce changement a un pouvoir de transformation. Il n'y a pas de modèle à suivre et nous nous efforçons tous de trouver une réponse. La solution consiste en partie à forcer nos instruments de démocratie à agir comme il se doit. Songez un instant à la vérificatrice générale. C'est dommage que le sénateur Bolduc ne soit pas ici présent. Le sénateur Murray parlait de lui tout à l'heure et je devrai le trouver pour lui demander son avis là-dessus.
Nous avons fait certains changements. À mesure que le rythme de la vie s'est accéléré, la Chambre a pris des décisions pour renoncer à certains pouvoirs. En 1969, nous avons cessé d'examiner fonctionnellement le budget des dépenses et nous avons accepté qu'il soit réputé adopté, peu importe que nous en ayons même pris connaissance. Nous avons renoncé à 50 p. 100 de nos responsabilités. Aujourd'hui, nous consacrons moins de 5 p. 100 de notre temps à l'étude du budget des dépenses. M. Robert Marleau vous dira que 50 p. 100 des responsabilités de la Chambre consistent à étudier le budget des dépenses. En 1977, nous avons demandé au vérificateur — et je blâme en partie la télévision pour cet état de fait — de se charger des questions relatives aux valeurs.
J'aime l'actuelle vérificatrice générale et j'aimais également M. Desautels quand il était vérificateur général. J'espère le convaincre de travailler avec nous à certains dossiers. Si j'étais chargé de concevoir le prochain nouveau service, je ne demanderais pas à mon comptable quelle devrait être la valeur. Une chose me frappe: la Chambre des communes, quand elle fonctionne bien, est le seul endroit où des gens de tous les coins du pays sont rassemblés et chargés par leurs concitoyens de tirer au clair les questions relatives aux valeurs. S'ils font bien leur travail, c'est cela qu'ils devraient faire. C'est pourquoi il est important que la Chambre représente bien le pays, que l'on y trouve 52 p. 100 de femmes et que tous les niveaux de revenus y soient représentés. C'est pourquoi tout cela est tellement important et c'est dans cette enceinte que nous devrions débattre de ces questions. S'en remettre à quiconque pour décider des questions relatives aux valeurs, peu importe sa compétence, c'est mauvais; et nous en souffrons tous. J'ignore comment l'on peut revenir à la meilleure manière de procéder, mais nous devons nous fixer cet objectif. C'est ce que j'entends quand le premier ministre Martin parle de réforme démocratique. Nous devons mettre au défi la Chambre des communes d'être ce qu'elle est censée être. Nos efforts déboucheront sur un meilleur gouvernement.
Le sénateur Banks: Je voudrais poser une question qui exigera seulement une brève réponse.
M. Alcock: C'est improbable.
Le sénateur Banks: C'est la question posée par le sénateur Lawson qui m'a rappelé cet événement, dont je me souviens. Hier, devant le comité, d'après le procès-verbal que j'ai lu, M. Mike Joyce a expliqué ce qui ressemblait à une dépense extraordinaire de 500 millions de dollars, une augmentation au ministère de la Justice. Pendant les 20 années précédentes, le ministère n'avait pas de façon légitime le pouvoir parlementaire de dépenser l'argent qu'il recevait. On peut supposer qu'il avait le pouvoir de le percevoir, mais il dépensait plus d'argent que le montant de ses crédits parlementaires, donc plus qu'il n'avait le droit d'en dépenser. Cette augmentation visait simplement à normaliser les livres comptables pour en tenir compte.
Je ne savais pas, et cela ne m'est jamais venu à l'esprit, et, de toute évidence, n'est jamais venu à l'esprit de quiconque au ministère de la Justice qui, on pourrait croire, devrait avoir une connaissance très intime de la loi...
M. Alcock: Je pense que la décision n'est pas encore rendue.
Le sénateur Banks: ... qu'il pourrait ne pas être approprié de dépenser 500 millions de dollars de plus que la somme que le ministère est autorisé à dépenser. L'argent n'a pas été mal dépensé, j'en suis sûr.
Est-ce que le ministère de la Justice a toujours imposé des frais pour les services qu'il offre à d'autres ministères et dépensé l'argent? Est-ce que d'autres ministères exigent des frais de manière que de l'argent change réellement de mains?
M. Alcock: Monsieur Joyce, s'agit-il de frais externes?
M. Joyce: Non, il s'agit de frais internes.
M. Alcock: C'est intéressant. Je ne le sais pas, bien que j'aie demandé un rapport sur cette question, qui ne traite pas spécifiquement du ministère de la Justice. Je suppose que lorsque je recevrai le rapport, j'aurai la réponse. Il y a un certain temps, peut-être que le sénateur Murray saurait à quel moment précis, le gouvernement a décidé que pour pouvoir appliquer une méthode de comptabilisation du coût complet, il fallait créer un marché interne. TPSGC serait propriétaire, la propriété serait louée à d'autres ministères moyennant rétribution. L'effet escompté était de sensibiliser davantage les gens aux coûts véritables du service. Si vous pensez en termes de dynamique des marchés, cette façon de procéder peut exercer une pression à la baisse sur les coûts. Mon point de vue personnel, c'est qu'il s'agit d'une fiction. Il n'y a pas de marché libre. Vous ne pouvez pas acheter les services d'un avocat venant d'ailleurs, alors il n'y a pas de marché concurrentiel — vous devez absolument acheter du ministère de la Justice. Ainsi, il n'y a pas de pression sur les coûts du marché. La somme totale d'argent qui circulent à l'interne se situe entre 3,6 et 3,8 milliards de dollars par année.
Nous ne pouvons pas produire de liste des contrats de commandite que nous avons accordés parce que nous n'avons pas de système. Il est remarquable qu'en l'an 2004, nous ne puissions pas obtenir cette information d'un ordinateur. Voilà à quel point nous sommes en retard sur notre époque.
Le sénateur Oliver: Les banques sont dans la même situation. Elles doivent faire des recherches manuellement pour de nombreuses questions, parce qu'elles n'ont pas l'information en ligne.
M. Alcock: Elles sont beaucoup plus avancées que nous et certaines sont en mesure de faire leur bilan quotidiennement. Elles n'ont pas à attendre six mois après l'événement. Il y a un léger écart entre tous les jours et six mois plus tard.
Je pose une question réelle. Si j'ai raison, il s'agit uniquement d'un artefact de l'espoir que l'on a entretenu un jour d'obtenir que l'on rende davantage de comptes en matière de coûts et d'exercer une pression à la baisse sur les coûts. Si le système ne permet pas de faire cela, étant donné que nous ne pouvons le faire de manière électronique, alors, il faut qu'il y ait un grand nombre de personnes qui travaillent à la facturation, parce qu'il faut plus qu'un chèque pour faire circuler 3,8 milliards de dollars.
Le sénateur Banks: C'est à espérer.
M. Alcock: Je suis assez convaincu. Il y a beaucoup de main-d'oeuvre qui est consacrée à quelque chose qui, à mon avis, ne crée pas une once de valeur. Cela mérite qu'on s'y intéresse. Si mon hypothèse est vraie, alors peut-être que nous pourrions libérer ces personnes pour qu'elles travaillent sur des questions qui sont liées plus directement à la vie des citoyens et nous pourrions abandonner la fiction que nous avons un marché interne. Il se pourrait que je me trompe.
Le sénateur Banks: S'il s'agit d'argent théorique, il s'agit alors d'une grosse machine à la Rube Goldberg qui prend beaucoup de temps et qui coûte de l'argent.
M. Alcock: Vous devez tourner la manivelle très vigoureusement pour la faire chanter.
Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le ministre, vous avez été très généreux de votre temps.
M. Alcock: Sénateur, j'ai l'habitude de travailler ces questions à 7 h 30 lorsque la cafétéria ouvre ses portes. Je pourrais passer toute la nuit ici.
Le sénateur Lynch-Staunton: La rencontre a été très instructive et certaines de vos observations me donnent à penser que vous seriez peut-être plus heureux de siéger de ce côté-ci, plutôt que d'agir comme témoin.
M. Alcock: Je suis très à l'aise ici, merci beaucoup.
Le sénateur Lynch-Staunton: Après avoir entendu votre discussion avec le sénateur Oliver sur les sociétés d'État, j'espère que vous pouvez étendre votre filet pour inclure les fondations. Elles reçoivent 8 à 10 milliards de dollars sans qu'elles fassent l'objet du moindre examen public.
J'ai une observation sur la réorganisation. Évidemment, le gouvernement a l'autorité de faire cette réorganisation en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques et d'autres lois que je connais moins bien. Je déplore le fait que le Parlement n'ait pas été invité à participer à cette réorganisation massive. Il n'y a même pas eu d'annonce au Parlement. Cela a été fait immédiatement après l'assermentation et le Parlement l'a appris par le même communiqué de presse que celui que CPAC a reçu. Peut-être que des consultations poussées ne nous mèneraient pas très loin, mais il est certain que l'on aurait pu reconnaître d'une certaine façon le fait que le Parlement participe également aux activités gouvernementales. M. Martin aurait pu agir contre ce qu'il appelle le «déficit démocratique» en informant le Parlement de la réorganisation massive que le gouvernement s'apprêtait à mettre en oeuvre en lui demandant de l'examiner pendant environ un mois avant d'en faire rapport.
Je n'ai pas vu d'urgence dans cette question, mais cela n'a pas été fait. Le sénateur Murray n'appréciera sans doute pas cette observation, parce que je me tourne toujours du côté des États-Unis pour voir des améliorations à apporter à notre système. Lorsque le président Bush a décidé de créer un «Department of Homeland Security», il a dû obtenir l'approbation du Congrès. Il a fallu beaucoup de temps, mais au moins il s'agissait d'une participation directe de la législature à la création d'un nouveau ministère du gouvernement, tandis qu'ici, le Parlement en est simplement informé, et nous devons attendre de voir comment tout cela fonctionnera.
Je me suis vidé le coeur, mais j'espère que même si la loi ne l'exige pas, lorsque le gouverneur en Conseil prend des décisions importantes, on aura au moins la courtoisie de prévenir le Parlement. Dans le cas qui nous intéresse, cela a été fait en décembre sans aucun avertissement et il s'agissait purement et simplement d'un fait accompli.
J'ai trois questions précises. Elles seront courtes.
M. Alcock: Par opposition aux deux questions non précises.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il s'agissait d'observations et font partie de ce que je dénonce depuis très longtemps. Il y a longtemps que je dénonce cette relation entre le Parlement et le pouvoir exécutif. Et je ne suis pas le seul.
Comme vous le savez, le Sénat du Canada a participé activement à la question de la dénonciation, particulièrement par l'intermédiaire du projet de loi du sénateur Kinsella, dont je sais que vous avez une copie. J'aimerais connaître quelles sont les intentions du gouvernement en ce qui a trait à cette législation.
Nous avons examiné longtemps ici la question du crédit 5 et avons manifesté une grande préoccupation au sujet de l'interprétation donnée à ce que permet de faire le crédit 5. Je me souviens que M. Neville a comparu devant le comité. Je n'ai pas pu participer à cette réunion, mais il y a eu une réunion du comité pour discuter d'un rapport préliminaire qu'il avait, je crois. Quelqu'un devait faire rapport sur le crédit 5 peu après. Je n'en ai plus jamais entendu parler. Je sais que vous ne pouvez isoler le crédit 5, mais c'est quelque chose qui nous préoccupe.
Finalement, chaque fois que quelqu'un est pris la main dans le sac, qu'il s'agisse de l'ancien commissaire à la protection de la vie privée ou d'un chef de cabinet d'un ministre qui demande de se faire rembourser deux dîners la veille du Jour de l'An, l'excuse que l'on donne toujours, c'est que l'on a suivi les lignes directrices du Conseil du Trésor. J'aimerais savoir si vous pouvez nous dire quelles sont ces lignes directrices du Conseil du Trésor que l'on donne comme excuse à l'appui de ces dépenses excessives qui sont interdites même aux parlementaires. Si nous avions le malheur d'en faire autant, nous n'en verrions plus la fin. Pourtant, nous voyons ces dépenses excessives être autorisées de la main d'un ministre, pour couvrir ou non les dépenses d'un ministre — nous n'entrerons pas dans cette discussion — et pourtant, chaque fois que l'on pose des questions, la réponse est toujours la même: «Eh bien, nous avons suivi les lignes directrices du Conseil du Trésor».
Voici la fin de mon exposé. Je vous remercie de votre patience.
M. Alcock: Je vais essayer de répondre rapidement. Je vais simplement changer l'ordre des réponses à vos questions parce que je veux terminer par la question des fondations privées.
Pour ce qui est de la question des États-Unis, le groupe avec lequel je travaille est basé au John F. Kennedy School of Government aux États-Unis, alors la plupart des choses que nous examinons sont des modèles américains. Je ne pense pas qu'ils soient en avance du tout. En fait, je dirais qu'à certains égards, ils ne sont pas aussi avancés. Notre modèle de gouvernement a certains avantages. Le leur est différent.
Cependant, il est vrai qu'ils fonctionnent avec un plus grand consensus que nous. Nos gouvernements sont en mesure d'avancer, et vous avez le droit de vous demander si c'est bon ou mauvais. Les données jusqu'à présent indiquent que le modèle canadien fonctionne assez bien. Nous pourrions en débattre jusqu'à un certain point, mais il y a des forces et des faiblesses dans les deux systèmes. Je ne suis pas particulièrement insatisfait.
Les mécanismes du gouvernement sont la prérogative du premier ministre. Dans sa campagne pour devenir chef, ce premier ministre a parlé de la nécessité du changement. Les changements qu'il a apportés, comme le premier ministre a le droit de le faire, au Conseil du Trésor sont très positifs. Je ne suis pas aussi connaissant de certains d'autres changements pour savoir, mais il y a toujours eu des préoccupations au sujet de la grande taille et de la complexité de DHRC, alors il en a réduit la taille.
Aurait-il pu le faire d'une manière différente? Je soupçonne que n'eut été du fait qu'il s'agissait du début d'une nouvelle administration, il aurait peut-être utilisé une méthode différente, mais je pense que l'on peut discuter du bien- fondé de cette méthode. Vous aurez l'occasion de le faire au fur et à mesure que des projets de loi seront présentés pour régulariser ces changements. Il faudra adopter des lois sur cette question.
Sur la question de la dénonciation et du projet de loi du sénateur Kinsella, il est certainement de notoriété publique que nous allons avoir un projet de loi sur la dénonciation. Je laisse au ministre Coderre, responsable de ce dossier, le soin d'annoncer le calendrier, mais vous savez qu'après l'étude du projet de loi C-25, le comité que j'ai présidé a présenté un rapport disant que nous pensons avoir eu tort, dans notre examen du projet de loi C-25, que notre expérience avec l'affaire du commissaire à la protection de la vie privé nous indiquait que le modèle administratif ne fonctionnait pas. Mon prédécesseur, Mme Robillard, a obtenu l'avis de spécialistes, a examiné ce qui se fait ailleurs dans le monde et a présenté un rapport. Je pense que vous verrez très prochainement les résultats de cette démarche. Cela permettra de lancer un débat plus focalisé sur la dénonciation, ce qui est une bonne chose.
Le président: M. Keyserlingk a dit que nous avions besoin d'un projet de loi.
M. Alcock: C'est tout ce que je dirai sur le sujet. Vous aurez l'occasion de parler au ministre Coderre.
Quant au crédit 5, je ne dirai pas que je le comprends parfaitement. M. Joyce a essayé de m'instruire de cette question. Je serais intéressé à revenir ici pour en discuter. Plus tard, j'aimerais également revenir ici pour discuter du Budget des dépenses supplémentaires. Il s'agit d'une question intéressante avec laquelle je traite sans cesse au Conseil du Trésor, à savoir à quel moment un ministère a l'autorité de dépenser. À quel moment dans le temps? Ce n'est pas une question aussi simple qu'il y paraît. Je ne prendrai pas votre temps maintenant, mais j'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet. Comme la question de la fonction de contrôleur, il s'agit de questions assez fondamentales touchant notre façon de faire actuelle et si nous pouvons apporter des améliorations, il serait utile d'avoir cette discussion.
Pour ce qui est de la question de la main dans le sac et des lignes directrices du Conseil du Trésor, on peut dire en fait que l'ancien commissaire à la protection de la vie privée ne suivait pas les lignes directrices du Conseil du Trésor. C'est pourquoi il n'est plus commissaire à la protection de la vie privée. Je ne suis pas certain de savoir à quoi vous faites allusion d'une manière précise. Je ne suis pas certain si vous dites qu'il y a une absence de lignes directrices. Je pense que non seulement il n'y a pas absence de lignes directrices, mais j'ajouterais que dans certains cas, nous avons trop de règles, ce qui engendre de la confusion et brouille les choses du côté de la reddition des comptes.
Je veux distinguer deux choses. Lorsque nous avons commencé le travail dans le dossier de l'ancien commissaire à la protection de la vie privée, deux choses sont survenues. Je disposais d'informations provenant d'une dénonciation environ deux mois avant que l'affaire ne soit rendue publique. Cependant, le problème avec l'information qui provient d'un dénonciateur, c'est comment savoir si cette information est exacte. Si une personne fait une dénonciation, est-ce parce qu'on lui a refusé une promotion et qu'elle est fâchée? Comment valider cette information? Nous avons travaillé fort pour y parvenir. Une fois qu'elle a été validée, nous avons constaté que nous étions dans un environnement hautement politique. Comment puis-je faire pour qu'un libéral, qui est toujours dénigré dans cette partie-ci du pays, collabore avec des gens de l'autre côté de la Chambre qui n'ont pas le même intérêt politique? C'était un véritable problème. Il y a eu des moments où j'ai été très fier de ce que les parlementaires de tous les partis peuvent faire: l'avocat du Bloc qui collaborait avec l'avocat des libéraux; les deux comptables qui travaillaient ensemble — il s'agissait d'un moment merveilleux pour le Parlement et pour la Chambre.
À la fin de cet exercice, un processus rigoureux a été établi. Nous l'avons suivi scrupuleusement avant de faire quelque changement que ce soit. Nous avons fait intervenir la vérificatrice. Cependant, cela a ensuite déclenché une sorte de chasse aux fonctionnaires. Chaque fois qu'un fonctionnaire présente un compte de dépense, bon, mauvais ou indifférent, on ne faisait plus appel au jugement. «Oh, mon Dieu, ils ont dépensé de l'argent; tuons-les.» Est-ce que les dépenses de la personne qui a fait cette bibliothèque-ci étaient bonnes ou mauvaises? Personne n'a jamais évalué cette question. Si cette personne a respecté les lignes directrices du Conseil du Trésor, je pense que ce niveau de dépense aurait été jugé parfaitement acceptable. Je dois vous dire que les lignes directrices du Conseil du Trésor ne sont pas très robustes du point de vue des sommes que vous pouvez dépenser. Vous le savez, parce que je crois que vous êtes tenus de les respecter, comme nous d'ailleurs. La somme que nous pouvons obtenir chaque jour pour dépenser sur ces choses est déterminée. Si elle respecte les lignes directrices, il n'y a pas de problème.
De plus, je ne pense pas que les fonctionnaires doivent toujours porter le cilice. L'expérience que j'ai avec l'équipe avec laquelle je travaille, c'est que ces gens travaillent jour et nuit. Ils travaillent les fins de semaine. Si on leur paie un repas à l'occasion — ou un sandwich du Subway comme maintenant, parce que nous sommes plutôt haut de gamme au Conseil du Trésor —, je ne pense pas que ce soit mal. Si les gens disent qu'ils respectent les lignes directrices du Conseil du Trésor, en ce qui me concerne, ces choses sont acceptables. Nous ne devrions pas condamner les gens avant d'avoir fait enquête.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas ce que je fais.
M. Alcock: Je ne dis pas que vous le faites, mais c'est ce qui se passe à l'heure actuelle. Ce pauvre jeune homme qui travaillait pour Mme Copps avait la carte de crédit. Pensez-vous que j'ai pris l'addition?
Je n'ai pas vu d'argent depuis le 12 décembre. Il y a ces jeunes hommes qui courent partout. Je vais au restaurant, le repas apparaît et quelqu'un le paie. Ce type a beaucoup de factures parce que le ministre a eu un dîner d'affaires avec 12 personnes. Il ramasse les factures. Est-ce une mauvaise chose, si le repas respecte les lignes directrices du Conseil du Trésor? Il y a eu beaucoup de choses qui, à mon avis, étaient vraiment irresponsables.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il n'y a pas de doute. Je suis heureux que vous clarifiiez les choses et que vous ne voyez pas dans mes propos une approche tous azimuts.
M. Alcock: Je vois ce que vous mangez pour déjeuner tous les matins, sénateur. Je ne suis jamais inquiet.
J'ai une dernière observation sur une question importante soulevée dans les observations du sénateur concernant les fondations privées. Nous avons commencé à examiner les fondations privées avant que je quitte la présidence. Le choix des instruments utilisés pour assurer la prestation des services au public est une question intéressante. Je suis intéressé de connaître les vues du Sénat sur certains de ces instruments.
Pour moi, il s'agit ici d'une question plus large, à savoir, la façon que nous avons de nous assassiner nous-mêmes. Pourquoi avons-nous des instruments comme ceux-là? Pour trancher des problèmes complexes, nous voulons l'opinion d'experts. Est-ce que vous et moi allons prendre des décisions au sujet des sciences moléculaires? Peut-être que vous avez la compétence pour le faire, mais je ne suis probablement pas à votre niveau. Nous voulons recourir à l'opinion d'experts dans ce genre de questions, mais trop souvent, notre système de gestion a été de nous dévaluer l'un l'autre, particulièrement à la Chambre des communes, où le débat total se résume à une séance de diffamation de 30 secondes qui, le plus souvent, a lieu à 14 heures l'après-midi.
Chaque fois que nous avons une décision publique importante à prendre, nous refilons la question à quelqu'un d'autre. Nous voulons un avis sur quelque chose, nous faisons venir les sages ou un auguste aréopage. Parfois, il est important de le faire parce qu'il s'agit d'une expertise que nous n'avons pas à la Chambre des communes. Cependant, nous le faisons si souvent que nous transmettons au public le message que nous ne sommes pas assez intelligents pour répondre à ces questions. Nous remettons d'importantes décisions publiques entièrement entre les mains de personnes non élues qui n'ont absolument aucun compte à rendre parce que nous sommes «trop vénaux et corrompus», et si c'est l'opinion que nous avons de nous-mêmes, jamais nous ne changerons quoi que ce soit.
Si nous n'avons pas de valeur à nos propres yeux, peu importe notre affiliation politique, comment pouvez-vous espérer que le public nous en trouve une? C'est le message que nous devons modifier. Je combats constamment cette attitude chez mes collègues. Nous devons arrêter. Je ne sais pas comment nous pouvons le faire, mais nous devons le faire. Il n'est pas étonnant que le public ne vote pas pour nous, ou se désintéresse, ou traite la Chambre avec autant de mépris. Nous leur disons tout le temps, par nos actions, que nous sommes stupides, corrompus et indignes de confiance. Nous devons rectifier le tir.
Le président: Pour ce qui est du crédit 5, nous croyons savoir que le Conseil du Trésor envisageait certainement de changer à la fois la formulation du crédit et les lignes directrices qui l'accompagnent. Nous avons eu une douzaine de réunions sur cette question. À la dernière réunion que nous avons eue avec les responsables, ils ont cherché à obtenir notre opinion sur le projet de lignes directrices et sont repartis avec le tout. Je n'en dirai pas plus. Mais nous voulons effectivement une autre réunion pour qu'on nous assure que des changements seront effectivement apportés. Nous avons également eu quatre ou cinq réunions sur la question des fondations. Notre préoccupation concerne essentiellement la façon dont ces organismes doivent rendre des comptes au Parlement.
Je note, en passant, qu'aucune nouvelle fondation n'a été créée. J'espère que vous n'en créerez pas d'autres, du moins jusqu'à ce que nous puissions trouver une façon de définir leur relation avec le Parlement.
Le sénateur Ringuette: Nous parlions plus tôt de valeur. Pendant plus d'une décennie, le mot d'ordre chez les vérificateurs et les contrôleurs était «optimisation des ressources». J'ai lu le dernier rapport de la vérificatrice générale. C'était bien, mais je vais vous donner un exemple d'affirmations dans ce rapport qui m'ont amené à dire: «Holà! Comment des comptables peuvent-ils dire qu'il ne s'agit pas d'optimisation des ressources?» Pour arriver à l'optimisation des ressources, il faut des normes, des comparaisons, et cetera Un exemple est l'état de nos immeubles patrimoniaux. Je me suis dit: «Par tous les diables, non seulement ces gens sont de bons comptables, mais ils sont également des architectes et des ingénieurs. Il faut bien qu'ils le soient pour pouvoir porter ainsi des jugements en matière d'optimisation des ressources.?
Vous avez dit que nous aurons maintenant des contrôleurs dans tous les ministères. Je pense que c'est une excellente idée. Allons-nous conserver le mot d'ordre de l'optimisation des ressources? Qui vérifiera la valeur de cette dépense en fonction des comparaisons et des normes pertinentes? Ce mot d'ordre s'applique-t-il encore ou s'agit-il d'une notion dépassée?
M. Alcock: Il y a peut-être deux parties distinctes dans cette question. Voulons-nous l'optimisation des ressources? Évidemment que oui. C'est une des questions qui va de soi, en un sens, sauf qu'il n'est pas facile de déterminer la valeur. Est-ce une valeur que de dépenser des sommes d'argent astronomiques pour envoyer des lettres de refus à des milliers de candidats qui, dès le départ, n'avaient aucune chance de remporter un concours? Ou cet argent aurait-il pu être mieux utilisé ailleurs? Voilà une question touchant les valeurs. Je ne veux pas vous agacer avec cela, mais il s'agit d'une question portant sur les valeurs.
Le sénateur Ringuette: Je peux vous rendre la pareille.
M. Alcock: C'est à la Chambre que l'on devrait répondre à ces questions. Une partie du problème, c'est que l'on détermine la valeur d'une manière trop mécanique. Si vous rédigez trop de règles, cela consomme des quantités considérables de ressources sans que vous obteniez beaucoup de valeur en échange. Un exemple qu'a souligné un sénateur, c'est le milliard de dollars qui a été dépensé par DRHC. La sommes d'argent qui, en fait, n'a jamais été récupérée se situe aux environs de 65 000 $. Cela nous coûte 4 millions de dollars pour répondre à cette question.
Il nous coûte des millions de dollars chaque année pour nous assurer que nous ne perdions plus jamais une somme de 65 000 $. Peut-on dire qu'il s'agit d'une optimisation des ressources? Je prétends que les systèmes pourraient résoudre une partie de ce problème. Si nous avions des systèmes décents, le coût marginal serait assez faible, mais c'est un exemple réel. Nous dépensons des millions de dollars pour être sûrs de ne pas perdre encore une fois 65 000 $.
Les fonctionnaires n'ont pas le choix parce que nous ne sommes pas engagés. Ce comité peut dire, au sujet de certaines de ces pratiques, que nous les avons demandées.
Je pense que le vérificateur précédent était merveilleux. Je pense que la vérificatrice actuelle est merveilleuse. Elle fait le travail que nous lui avons confié, mais nous devons relever le défi d'en découdre avec ces questions touchant les valeurs. Nous dépensons beaucoup d'argent sur les artefacts de la valeur, mais pas beaucoup sur la valeur réelle.
Le sénateur Ringuette: Puis-je vous agacer tout de suite?
M. Alcock: Assurément.
Le sénateur Ringuette: Nous devons également examiner les sommes d'argent que nous investissons dans la formation — je ne suis pas contre la formation, bien au contraire — comparativement au fait d'embaucher les bonnes personnes au bon moment, qui sont déjà formées, dans les postes appropriés.
M. Alcock: Il s'agit d'une combinaison des deux. Je crois fermement que si nous nous engageons dans un processus qui fait en sorte que certains services sont déclarés redondants ou sont fusionnés avec d'autres, nous avons l'obligation de donner une formation et de réutiliser ces personnes. Nous ne jetons pas les personnes à la poubelle. Nous devons traiter nos employés avec respect.
Le sénateur Banks: J'ai une observation qui fait suite à celles du sénateur Ringuette. Je ne veux pas laisser entendre que tous les comptables sont des Philistins, parce que ce n'est pas le cas.
M. Alcock: Certains de mes meilleurs amis sont des comptables.
Le sénateur Banks: En ce qui concerne les problèmes que nous avons à quantifier les choses dont nous discutons et d'obtenir la meilleure valeur pour notre argent, certaines des fondations et certains des établissements qui ne font pas entièrement l'objet à l'heure actuelle d'une enquête poussée de la part de la vérificatrice générale — par exemple, l'article 5 de la LGFP — traitent de questions qui ne peuvent pas être quantifiées facilement. Il s'agit de situations où les gens doivent avoir le droit à l'échec.
Cela porte sur des questions dans lesquelles les échecs en vue d'atteindre le succès sont inhérents et dans lesquelles les erreurs sont parfois inhérentes. Lorsque nous mesurons l'optimisation des ressources, j'espère que nous nous rappelons que les choses qui se comptent le plus facilement ne sont pas toujours celles qui comptent le plus.
Le président: Belle tournure.
Le sénateur Banks: Elle n'est pas de moi.
M. Alcock: En fait, c'est un très bon endroit pour s'arrêter. C'est le problème de la gestion publique. Qui prend cette décision? Je pense que ce devrait être les gens assis autour de tables comme celle-ci et qui représentent les citoyens. Il n'y a pas de réponse exacte, quantifiable, à ces questions.
Le président: Nous avons passé deux heures très agréables, et nous vous remercions beaucoup, monsieur le ministre, ainsi que les fonctionnaires qui vous accompagnent.
M. Alcock: Je suis prêt à revenir chaque fois que vous m'y inviterez.
Le président: J'espère que les membres de notre personnel ont bien entendu cela et qu'ils feront le nécessaire.
À moins d'indication contraire, notre prochaine réunion aura lieu le lundi 22 mars à 15 heures.
La séance est levée.