Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 4 - Témoignages du 20 avril 2004
OTTAWA, le mardi 20 avril 2004
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 19 h 02, pour étudier les questions relatives aux stocks chevauchants et à l'habitat du poisson.
Le sénateur Gérald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je souhaite la bienvenue à notre témoin ce soir, M. Robert Connelly, président par intérim de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, à Ottawa. M. Connelly est diplômé de l'Université de Waterloo en génie civil. Avant de se joindre à l'agence, il a travaillé pour la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe, pour Environnement Canada, pour Santé nationale et Bien-être social et pour la firme d'ingénieurs-conseils Proctor and Redfern Limited.
M. Connelly était également le responsable du programme de l'agence concernant l'examen quinquennal de la loi et de ses modifications législatives subséquentes. Ainsi, il connaît bien la situation actuelle de l'agence.
M. Robert Connelly, président intérimaire, Agence canadienne d'évaluation environnementale: Merci, monsieur le président, de cette aimable présentation et bonsoir, honorables sénateurs. Je suis ravi de pouvoir vous parler ce soir de notre travail.
Permettez-moi de vous présenter M. John McCauley, directeur des Affaires législatives et réglementaires à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Il m'aidera peut-être à répondre à vos questions tout à l'heure.
Mon exposé se fonde sur 12 diapositives, et je vais commencer par la diapositive 2, qui en résume la teneur. Si cela vous convient, monsieur le président, j'aimerais donner d'abord une vue d'ensemble de la loi puis en décrire l'application aux projets susceptibles d'avoir des effets sur l'habitat du poisson ou les océans. Je crois comprendre que c'est ce sujet qui intéresse particulièrement votre comité. Il y a dans le rapport provisoire un bon résumé de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Je vais décrire plus en détail le contenu du rapport et donner plus d'information sur le processus.
L'évaluation environnementale est un processus permettant de déterminer le meilleur moyen de protéger l'environnement. Finalement, pour assurer le développement durable, il faut opter pour la prévention.
[Français]
La diapositive trois illustre notre vision de l'évaluation environnementale. Il s'agit d'un procédé mis en place dès le début du projet pour déterminer et évaluer les effets environnementaux possibles. L'information sert ensuite à aborder et atténuer les effets par des modifications apportées à la conception du projet. Nous percevons ce procédé comme un outil d'intégration des considérations environnementales au processus décisionnel gouvernemental dans le but de promouvoir le développement durable. La participation du public constitue également un facteur essentiel au succès.
L'évaluation environnementale diminue les risques et les responsabilités du promoteur, puisqu'elle permet de déterminer et de résoudre les problèmes avant qu'ils ne se manifestent.
[Traduction]
Les diapositives quatre, cinq et six décrivent les principes fondamentaux de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. La loi garantit que les décisions d'organismes fédéraux relativement à des projets proposés tiennent compte de facteurs liés à l'environnement. Quand une autorité fédérale doit prendre une décision, il faut effectuer une évaluation environnementale.
Par exemple, le projet de sables bitumineux de la compagnie Shell Oil à Jack Pine, dans le nord de l'Alberta, a nécessité la réalisation d'une évaluation environnementale en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE) parce que le ministère des Pêches et des Océans devait décider de délivrer ou non une autorisation en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches. Voilà un exemple qui montre que cette loi-là peut entraîner l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. La loi repose sur le principe de l'auto- évaluation. Autrement dit, l'autorité fédérale qui doit prendre la décision est également responsable d'effectuer l'évaluation.
La loi a des répercussions importantes tant sur l'environnement que sur l'économie. Chaque année, elle s'applique pour 6 500 à 7 000 projets environ, d'une valeur totale de plusieurs milliards de dollars. La plupart des projets de développement d'envergure, par exemple, les pourparlers sur le gazoduc projeté de la vallée du Mackenzie, sont assujettis à la loi à cause de leurs répercussions possibles sur l'habitat du poisson.
Les provinces ont mis en place leur propre processus d'évaluation environnementale pour éviter les recoupements. Nous négocions aussi des ententes d'harmonisation bilatérales et des accords relatifs à des projets précis pour que chaque projet fasse l'objet d'une seule évaluation répondant aux exigences de tous les ordres de gouvernement. De plus en plus d'accords sur des revendications territoriales comportent leurs propres mécanismes d'évaluation environnementale. Il sera important pour nous de travailler avec les responsables de ces accords pour harmoniser nos processus dans la mesure du possible.
La diapositive cinq décrit les types d'évaluation prévus par la loi. En règle générale, le type d'évaluation dépend de l'envergure du projet, de sa capacité et des risques d'effets nuisibles qu'il comporte. Les petits projets qu'on pourrait qualifier d'ordinaires, comme la reconstruction du pont de l'avenue Laurier qui enjambe le canal Rideau, feraient l'objet d'un simple «examen préalable». Nous avons mis au point des catégories d'examen préalable pour simplifier le processus, dans le cas des petits projets de nature répétitive. Nous avons établi une catégorie d'examen préalable pour les projets de restauration et d'amélioration de l'habitat du poisson en Colombie-Britannique et au Yukon. Les projets qui risquent davantage d'avoir des effets nuisibles peuvent nécessiter une évaluation détaillée et plus rigoureuse, dans le cadre de ce que nous appelons une étude approfondie. À ce moment-là, la participation du public est obligatoire.
Le ministère des Pêches et des Océans a réalisé de nombreuses études approfondies en vertu de la Loi sur l'évaluation environnementale. Une étude effectuée récemment portait sur le détournement partiel de la rivière Portneuf au Québec. Les évaluations comportant l'intervention d'un médiateur ou d'une commission d'examen nommée par le ministre de l'Environnement sont moins fréquentes, mais elles ont lieu lorsque les inquiétudes de la population le justifient ou lorsque les effets du projet sur l'environnement sont inconnus ou susceptibles d'être importants. Les sénateurs se souviendront peut-être de la commission d'examen mise sur pied il y a quelques années pour examiner le projet minier de Voisey's Bay au Labrador, projet dont la compagnie International Nickel était le promoteur.
La diapositive six décrit le mandat de l'agence pour laquelle M. McCauley et moi-même travaillons. Ce mandat est défini par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. L'agence veille à l'application de la loi, mais n'effectue pas les évaluations. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les ministères ou organismes fédéraux qui doivent prendre une décision à l'égard d'un projet donné sont chargés de la réalisation de l'évaluation environnementale. L'agence joue un rôle important en veillant au bon fonctionnement du processus. Elle a six bureaux régionaux dans l'ensemble du Canada, dont le personnel travaille avec les provinces, les promoteurs et la population dans son ensemble. L'agence joue le rôle de coordonnateur fédéral des évaluations environnementales relativement à toutes les études approfondies auxquelles participent d'autres paliers de gouvernement. Il s'agit d'un nouveau rôle important qui nous a été confié par suite de la modification récente de la loi qui nous gouverne.
Nous conseillons par ailleurs le ministre de l'Environnement au sujet de la qualité des études approfondies et offrons un soutien administratif aux médiateurs et aux commissions d'examen. Les membres des commissions d'examen sont nommés par le ministre. Comme je l'ai déjà mentionné, ce sont tous des gens de l'extérieur du gouvernement qui sont indépendants du gouvernement. Les commissions d'examen tiennent des audiences et adressent des recommandations au ministre et au gouvernement. L'agence gère également un programme d'assurance de la qualité, a le mandat légal de promouvoir, surveiller et favoriser le respect de la loi et joue un rôle dans la résolution de conflits.
[Français]
Vous trouverez sous la diapositive sept un exposé de l'examen de la loi réalisé par le ministre de l'Environnement en l'an 2000. La vaste série de consultations tenues à travers le Canada dans le cadre de cet examen a été saluée par la majorité de nos partenaires et des partis intéressés en raison de son ouverture et de son caractère consultatif.
En mars 2001, le ministre de l'Environnement a présenté les conclusions de l'examen devant le Parlement et a proposé des modifications à la loi qui, jusqu'à maintenant, reflètent le consensus établi auprès des différents groupes d'intérêts. Ces modifications constituent des solutions d'ordre pratique à des problèmes précis et visent trois grands objectifs: premièrement, rendre le processus plus sûr, plus prévisible et plus opportun; deuxièmement, produire des évaluations environnementales de grande qualité; et troisièmement, favoriser une participation plus active de la part du public.
[Traduction]
Le gouvernement consacrera par ailleurs 51 millions de dollars sur cinq ans à la mise en oeuvre du processus remanié. Le projet de loi C-9 a été étudié par le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles et il a reçu la sanction royale en juin 2003. Il est entré en vigueur à la fin d'octobre dernier.
De ces 51,2 millions de dollars, le MPO s'en est vu attribuer environ 7,5 sur cette période de cinq ans. Pour sa part, l'agence a reçu la part du lion, c'est-à-dire environ 17 millions de dollars sur cinq ans.
La diapositive huit indique que le MPO effectue plus d'évaluations environnementales que tout autre organisme fédéral. Il s'agit sans conteste de l'organisme fédéral le plus important en vertu de la loi. La grande majorité des autorisations relève du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, qui traite des ouvrages pouvant entraîner la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson.
La Loi sur la protection des eaux navigables entraîne parfois aussi une évaluation environnementale. Vous savez peut-être que l'application cette loi a récemment été transférée à Transports Canada. Je crois que ce changement est entré en vigueur le 1er avril et il réduira considérablement le nombre d'évaluations effectuées par le MPO, dans une mesure pouvant atteindre les 25 p. 100. Par le passé, le ministère des Pêches et des Océans effectuait également ces évaluations en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables.
Environnement Canada doit également effectuer une évaluation environnementale avant d'accorder un permis d'immersion en mer en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Voilà donc une autre loi qui a trait à la protection des océans. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale intervient et exige la réalisation d'une évaluation environnementale avant qu'un permis d'immersion en mer puisse être accordé.
Dans tous les cas, on doit évaluer les effets du projet proposé sur l'environnement. Dans le cas des petits projets, comme la construction d'un ponceau, on peut se limiter à évaluer les effets sur l'habitat du poisson, tandis que pour les gros projets plus complexes, il peut être nécessaire d'étudier les effets sur la faune, la qualité de l'air ou l'environnement qui seraient susceptibles de se répercuter sur l'utilisation traditionnelle des terres par les peuples autochtones.
La loi rehausse la transparence puisqu'elle exige que les informations relatives à ces projets soient incluses dans un registre accessible par Internet afin que tous les Canadiens puissent savoir quels genres de projets font l'objet d'un examen près de chez eux. Le public a aussi le droit d'avoir un accès facile à tous les documents concernant une évaluation.
Monsieur le président, vous trouverez à la diapositive neuf quelques exemples de projets qui ont été évalués surtout à la lumière de leurs effets sur l'habitat du poisson ou sur nos océans. Il y a eu jusqu'à présent environ 93 grands projets qui ont fait l'objet d'une étude approfondie ou d'une évaluation par une commission, et c'est le MPO qui était l'autorité responsable dans approximativement 70 p. 100 des cas. Cela vous indique encore une fois le rôle important que joue ce ministère dans les grands projets.
La diapositive 10 décrit certains des défis que nous devons relever dans la mise en oeuvre de la loi. Il faut d'abord assurer une meilleure coordination entre les diverses autorités fédérales. Les provinces et l'industrie ont signalé ce problème, surtout au moment de l'examen quinquennal de la loi. En rétrospective, ce n'est guère étonnant compte tenu du grand nombre de ministères intéressés et de leurs divers mandats en matière d'évaluation environnementale.
Parmi les changements que j'ai mentionnés plus tôt et qui ont été apportés au projet de loi C-9, il y avait l'établissement d'un poste de coordonnateur fédéral des évaluations environnementales dont le mandat est de faire en sorte que la grande «famille» fédérale, si j'ose dire, s'organise pour mieux coordonner les efforts des divers ministères.
De plus, les décisions sur la portée des projets et de l'évaluation ont parfois fait l'objet de controverse et, dans certains cas, ont donné lieu à des poursuites judiciaires contre le MPO et d'autres ministères.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, lorsqu'il évalue certains projets, le MPO s'intéresse surtout aux effets sur le poisson et l'habitat du poisson, puisque ce sont les facteurs les plus pertinents pour les décisions réglementaires. Dans certains cas, des groupes environnementaux ont fait valoir que la portée de l'évaluation devrait être plus large.
La Cour fédérale a statué que la loi conférait à l'autorité responsable le pouvoir discrétionnaire de déterminer la portée du projet et de l'évaluation. Nous collaborons avec le MPO dans ce dossier pour baliser l'exercice de pouvoir discrétionnaire afin que les questions d'intérêt public et d'intérêt pour le gouvernement fédéral soient étudiées convenablement.
Le déclenchement tardif de l'application de la loi est un autre défi que nous devons relever depuis l'examen de notre loi. En raison de la nature du déclencheur réglementaire prévu par la Loi sur les pêches, le MPO n'est pas toujours certain à l'étape de la planification du projet si une autorisation devra être accordée. Le promoteur tentera d'éviter la destruction de l'habitat du poisson dans la mesure de ses capacités; ce n'est que s'il ne peut éviter la destruction de l'habitat du poisson que la loi s'appliquera et qu'une évaluation sera effectuée. Il faut parfois du temps avant de déterminer si l'habitat sera détruit ou non.
D'ailleurs, cela va un peu à l'encontre du principe selon lequel l'évaluation environnementale est un outil de planification, l'évaluation environnementale ayant été conçue pour les nouveaux projets et devant se faire au moment de la planification, avant le début des travaux. C'est un outil de prévention. Cela aussi est un défi pour nous. Pour relever ce défi, le MPO a adopté ce qu'il appelle l'inclusion automatique des projets pouvant avoir un effet sur l'habitat du poisson. On pourra rapidement déterminer si un projet aura une incidence sur l'eau et, par conséquent, risque fort d'avoir une incidence sur l'habitat du poisson. Le MPO participera à ces évaluations jusqu'à ce qu'il soit déterminé si l'habitat du poisson sera ou non touché. Dans la négative, l'évaluation prendra fin.
La diapositive 11 dresse la liste de certaines des initiatives en cours. Pendant l'examen quinquennal mené par le ministre Anderson, on a constaté qu'il y avait trop de petits projets aux effets négligeables qui étaient évalués. Par exemple, l'évaluation environnementale de la construction de petits immeubles ou de l'emploi d'un dispositif de dénombrement de poissons à des fins de recherche accapare des ressources qui seraient beaucoup plus utiles pour l'évaluation de grands projets dont les effets néfastes pourraient être bien plus grands. En conséquence, le ministre Anderson proposera sous peu des ajouts au règlement sur la liste d'exclusion. Ce règlement soustrait certains projets de l'évaluation environnementale car on considère que leurs effets sur l'environnement sont négligeables.
Nous avons aussi recours aux examens préalables par catégorie, dont j'ai parlé plus tôt, pour que le processus soit plus efficient. L'agence collabore aussi avec le MPO à l'élaboration d'autres examens préalables par catégorie, par exemple, pour les traverses de cours d'eau sur les sentiers forestiers de la Colombie-Britannique, des Prairies et de l'Ontario, de même qu'à des modèles pour les projets d'infrastructure pour l'eau et pour les eaux usées, afin que le processus soit plus efficient et plus simple d'utilisation, sans pour autant compromettre l'environnement.
La nouvelle version de la loi exige aussi des programmes de suivi des projets après une étude approfondie, une médiation ou un examen par une commission. C'était un élément nouveau du projet de loi C-9. Auparavant, une fois l'évaluation terminée, les ministères passaient à la suivante sans pouvoir revenir en arrière pour réexaminer les conclusions et y recourir pour améliorer les prédictions et réduire les mesures d'atténuation pour des projets semblables et ultérieurs. Le projet de loi C-9 a imposé les programmes de suivi des grands projets. Nous encourageons aussi un meilleur partage de l'information grâce à l'enregistrement électronique des résultats des suivis, afin que l'information soit plus facilement mise à la disposition des intéressés et du public.
Je passe maintenant brièvement à la question de l'évaluation environnementale stratégique. La loi portait sur les projets proposés, et non sur les politiques, les plans et les programmes. Les projets sont censés être des ouvrages ou des activités désignées par règlement, mais l'expression «évaluation environnementale stratégique» se rapporte aux politiques, plan et programmes, dont l'effet sur l'environnement est évalué en vertu d'une directive du Cabinet, plutôt qu'en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Un comité consultatif multidisciplinaire réglementaire conseille le ministre de l'Environnement sur les façons de recourir aux évaluations environnementales stratégiques régionales dans le contexte de l'exploitation pétrolière en mer. On a recouru à certaines de ces méthodes pour arriver à des décisions stratégiques en temps opportun en Norvège, au Royaume-Uni et aux États-Unis, par exemple. Nous estimons qu'une évaluation environnementale stratégique donnerait de l'information sur le niveau d'activité pétrolière en mer qui convient à un secteur et sur l'opportunité de limiter ou d'interdire ces activités. Le résultat de cet exercice pourrait être utilisé ultérieurement dans l'évaluation de projets particuliers, pour qu'elle soit plus efficiente et plus simple.
La dernière diapositive présente les résultats des évaluations environnementales, c'est-à-dire qu'elles permettent à la population canadienne d'avoir son mot à dire dans les décisions, de faire en sorte que les décideurs aient l'information essentielle pour éviter des dommages à l'environnement et d'aider le gouvernement à respecter ses priorités en matière d'environnement, notamment la protection de nos ressources halieutiques et de nos océans.
Merci pour cette occasion de vous présenter un exposé. Je répondrai volontiers aux questions que pourraient avoir les membres du comité.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Connelly. Je suis convaincu que nous aurons des questions pour vous. Le premier à vous en poser sera le sénateur Adams, de Rankin Inlet, au Nunavut.
Le sénateur Adams: Je me fais du souci pour le Nunavut et ses 26 collectivités. Baker Lake est la seule qui ne soit pas sur le continent. Les 25 autres sont sur la côte. Depuis l'adoption du projet de loi C-9, nous avons eu divers problèmes avec le MPO, la Garde côtière et Transports Canada, au sujet de questions environnementales. Nous devons traiter avec cinq ou six ministères différents.
J'aimerais savoir quel pouvoir a le ministère de l'Environnement du Nunavut. Est-il de la taille de cette pièce? Quelle est sa taille et comment peut-il faire son travail? J'aimerais que vous me parliez des pouvoirs. Vous avez entendu parler de Coppermine et du brise-lame, dont l'installation est en cours depuis quelques années. Il faut passer par la personne à Ottawa avant de commencer quoi que ce soit.
Si une collectivité veut construire un quai, par exemple, quels sont les pouvoirs des ministères au Nunavut? On nous dit parfois que cela ne relève pas d'eux, et qu'il faut s'adresser à Ottawa pour obtenir une réponse. Cela doit se faire avant le lancement de tout projet.
M. Connelly: Sénateur Adams, vous avez raison de dire qu'au Nunavut une autorité a été constituée par l'entente de revendication territoriale. Par cette entente, une commission a vu le jour. Il s'agit de la commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions. Elle examine les évaluations environnementales de la plupart des projets du genre que vous avez mentionné au Nunavut. C'est une commission consultative qui relève du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et qui lui présente des recommandations, et c'est au ministère que sont finalement prises les décisions. D'après ce que je sais du processus jusqu'à maintenant, le ministre accorde une grande attention aux recommandations de la commission.
La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale s'applique toujours à ce même territoire. Dans les faits, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien tiendrait compte des conclusions présentées par la commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions pour s'assurer du respect de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Une loi fédérale de mise en oeuvre sera conçue en ce qui concerne le processus suivi par la commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions, et avec le temps on précisera probablement le lien qui existe entre notre loi et cette future loi. Le travail se poursuit, et il y aura une mesure législative, un projet de loi, qui vous sera certainement renvoyé un jour.
Le sénateur Adams: Si l'on veut construire un quai, quelle est l'autorité qui prime? Le ministère de l'Environnement décide-t-il ce qui sera construit avant que les travaux commencent? Vous avez parlé de 51 millions de dollars pour cinq autres années du programme. Comment ce montant se répartit-il? Je sais que le ministre, M. Anderson, s'est rendu à Iqaluit avant Noël et l'a mentionné. Dispose-t-on de 51 millions de dollars pour tout le Canada ou pour le Nunavut seulement? Je n'ai pas vraiment compris. Je l'ai simplement appris par les journaux.
Nous n'avons même pas reçu un dollar du MPO pour la structure au Nunavut, même pour le règlement d'une revendication territoriale. Je me demande comment on répartit ces 51 millions de dollars?
M. Connelly: Ces 51 millions de dollars correspondent à ce que j'appellerais les coûts marginaux pour mettre en oeuvre les changements consécutifs au projet de loi C-9. Il y a, naturellement, beaucoup plus d'argent déjà disponible là-bas pour les évaluations environnementales à répartir entre les différents ministères qui s'occupent de la mise en oeuvre de la loi. Ces 51,4 millions de dollars sont des fonds additionnels pour tenir compte des changements apportés l'année dernière.
Cet argent est prévu pour tout le Canada. Il est réparti entre une vingtaine de ministères et il est largement réparti je suppose dans tout le Canada, entre différents ministères.
Le sénateur Adams: Vous avez mentionné que le gazoduc nécessiterait un grand nombre d'évaluations environnementales. Et si l'on songe à l'inlet Bathurst, qui financera l'évaluation environnementale? J'y suis allé en août dernier et l'on parlait de plus de 160 000 kilomètres — c'est une évaluation environnementale d'une très grande envergure. Vous fournissez les fonds et qui s'occupe de l'organisation? Vous devez fournir les fonds nécessaires pour effectuer l'évaluation environnementale. Qui effectue le travail que nécessite l'évaluation environnementale?
M. Connelly: L'évaluation même suppose beaucoup d'études scientifiques. Elle nécessite beaucoup de discussions avec la collectivité visée. Dans la région du Nunavut dont vous parlez, à l'inlet Bathurst, par exemple, le savoir traditionnel serait un élément important à inclure dans cette étude.
On doit recueillir cette information et la verser dans un document appelé étude d'impact sur l'environnement, et c'est le promoteur du projet qui doit y veiller. Si le promoteur est une entreprise du secteur privé, elle embauchera des experts-conseils. Si le promoteur est le gouvernement du Canada, ou le gouvernement provincial ou le Nunavut même, il devra trouver les fonds dans son budget pour effectuer ces études.
Puis les études sont examinées par les décideurs. Il peut s'agir du MPO ou, dans votre cas, il peut s'agir de la commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions, mais la réalisation des études est payée par la personne ou l'agence qui propose le projet.
Le sénateur Phalen: En juin dernier, nous avons entendu des témoins nous parler de déversements en mer. Après quoi, j'ai fait quelques recherches sur le sujet. J'aimerais vous lire quelque chose, puis vous poser une question.
Pour mettre en lumière le problème, la communauté scientifique de l'OTAN a parrainé un atelier sur l'immersion des armes chimiques, qui a eu lieu en avril 1996 à Bellagio, en Italie. La conférence a permis la rédaction d'un plan d'action pour contrer l'indifférence face à cette bombe à retardement pour l'environnement. Selon un bulletin émis par les organisateurs après la conférence:
Bien que les munitions jetées en mer ne présentent pas un risque évident, la corrosion des obus et des munitions qui y ont été jetés il y a cinq décennies s'accélère. Il y a lieu de craindre, d'ici 2005, des fuites d'importantes quantités d'agents chimiques dans la mer. Outre l'épuisement accéléré des stocks de poissons en danger de disparition dans le monde, des agents chimiques se retrouveraient dans la chaîne alimentaire en passant par le plancton. Les effets toxiques, et notamment des conséquences génétiques, ne toucheraient pas que les pays de la région immédiate, mais pourraient s'étendre à l'ensemble de la planète.
C'était simplement pour mettre les choses en contexte. Quant à ce qui s'est passé dans les provinces de l'Atlantique, il est très difficile de savoir où ces munitions ont été jetées. Nous avons une quantité inouïe de 2 500 tonnes métriques d'agent moutarde qui ont été jetées à 300 kilomètres au large de l'île de Sable. C'est dans le Sydney Bight. Des navires partaient d'Argentia, à Terre-Neuve, tous les deux jours et ont déversé pendant cinq mois des munitions dans des endroits aussi éloignés que le Sydney Bight. Nous savons que les munitions sont quelque part, mais personne ne sait exactement où.
Le gouvernement du Canada a réservé dix millions de dollars pour l'examen des archives afin de retrouver ces munitions. Votre ministère est-il au courant? Votre ministère a-t-il fait des recherches sur cette question ou a-t-il pris d'autres mesures à ce sujet? Dans la négative, que faudrait-il pour qu'il le fasse? Comment pourrions-nous amener votre ministère ou d'autres à agir?
J'ai fait une allocution au Sénat sur cette question. Depuis, j'ai rencontré le ministre des Pêches et quelqu'un de la Défense nationale assistait à la rencontre. Il me semble que le ministère de la Défense nationale, c'est du moins l'impression que j'ai, nie l'existence du problème. On laissait entendre qu'il n'y avait pas le moindre problème. Cependant, la communauté scientifique me donne à penser qu'il y a un problème — que les poissons sont rares et, dans certaines régions, ne se multiplient pas du tout. Il y a donc un problème.
Votre groupe examinerait-il cette question?
M. Connelly: Merci, sénateur Phalen. Je suis au courant de cette question pour avoir lu sur le sujet — sans doute dans les journaux, notamment — mais ce n'est pas de notre ressort. Selon notre loi, s'il était proposé d'enlever ces vieilles munitions ou de procéder à la dépollution du site, une évaluation environnementale devrait alors être effectuée. Il faudrait examiner soigneusement ce qu'il y aurait lieu de faire de ces produits et déterminer si leur enlèvement ne présenterait pas plus de risques que leur maintien en place. Je n'ai donc pas de réponse à votre question, mais c'est un exemple de la façon dont notre loi s'appliquerait dans ces circonstances si l'on tentait de procéder à la dépollution.
Vous connaissez bien le cas des étangs bitumineux de Sydney, par exemple. Ce secteur doit être assaini et on s'est engagé à le faire, comme vous le savez. Ce projet de dépollution suppose diverses options qu'il faudrait examiner dans le cadre d'une évaluation environnementale. Notre loi commencerait à s'appliquer quand quelqu'un commencerait à prendre des mesures pour faire quelque chose.
Le sénateur Phalen: Je n'ai pas vraiment obtenu de réponse à ma question. Est-ce qu'il n'y a pas moyen d'enclencher l'application de la loi? Les gouvernements d'autres pays ont fermé les pêcheries dans certains secteurs. La pêche dans quatre secteurs de la mer Rouge a été interdite. On ne peut pas y pêcher en raison de la lixiviation de contaminants. Ils se répandent dans l'eau, de petits obus se recouvrent de sédiments et finissent par flotter à la surface. Si quelqu'un par inadvertance touchait ces obus, il se brûlerait. On craint que cela commence à se produire au Canada. On prétend que d'ici 2005 cela se produira au Canada parce que c'est le délai qu'il faut pour que ce matériel rouille et se lixivie. N'y a-t- il pas moyen pour votre agence ou un autre ministère de se rendre là-bas et d'y effectuer des tests pour savoir ce qui est en train de se produire?
M. Connelly: J'ai expliqué le rôle de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale dans les cas où des opérations de nettoyage doivent être entreprises. Il y a peut-être une surveillance qui se fait, mais je ne peux vraiment pas vous dire par qui, parce que je ne le sais pas. Je ne sais pas si le MPO, en vertu de sa responsabilité à l'égard des océans, assure cette surveillance ou ces contrôles, ou si cela relève plutôt de la Défense nationale. Je ne peux pas répondre à cette question.
Le président: J'ai une question complémentaire qui fait suite à celle du sénateur Phalen. Je vous ai entendu dire que vous ne pouvez pas intervenir à moins qu'il y ait quelque chose qui déclenche votre intervention, et cela m'a amené à penser aux chalutiers qui raclent le fond marin avec leurs filets sur des milles et des milles. Le fait que des filets soient ainsi traînés sur le fond marin ne déclencherait-il pas votre intervention? Les pêcheurs doivent payer chaque année pour obtenir un permis et les frais sont versés au gouvernement fédéral. Cela ne déclencherait-il pas une évaluation environnementale quelconque, mises à part les évaluations faites par des entités externes?
M. Connelly: Merci, sénateur. C'est là une excellente question. Pour déclencher une intervention en vertu de la Loi sur l'évaluation environnementale, il faut deux choses: il faut d'abord qu'il y ait une décision de la part d'une entité fédérale, et le permis dont vous avez parlé pourrait ainsi servir de déclencheur; il faut aussi qu'il y ait un projet conformément à la définition contenue dans la loi. Ainsi, il faudrait qu'il s'agisse d'un projet comportant des ouvrages, des travaux de construction, par exemple, ou des activités non liées à des ouvrages et désignées par règlement, le Règlement sur la liste d'inclusion, qui énumère toutes les activités visées. Les vols militaires à basse altitude au Labrador sont une activité qui a fait l'objet d'un examen il y a quelques années. Les vols à basse altitude ne sont pas des ouvrages, mais il s'agit d'une activité qui figure sur la liste d'inclusion établie en vertu de la Loi sur l'évaluation environnementale.
Le président: C'est un peu comme la pêche, qui n'est pas précisée dans le Règlement.
M. Connelly: C'est juste. Voilà ma réponse. Le dragage ou la pêche ne figure pas dans le règlement en question. Nous avons donc le premier critère, celui de la décision nécessaire pour obtenir le permis, mais nous n'avons pas l'autre, qui exige qu'il y ait un projet conforme à la définition énoncée dans la loi. Ainsi, la loi ne s'appliquerait pas à cette activité.
Le président: C'est intéressant.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Je suis du sud-est du Nouveau-Brunswick. Plusieurs communautés dans ma région ont des quais pour les pêcheurs. Cela implique, à différents intervalles, que l'on doive effectuer des réparations, des ajouts ou du dragage. Si je comprends bien, ces projets doivent faire l'objet d'une évaluation de leur impact sur l'environnement. Les sites se situent habituellement le long de la côte. On doit creuser le fond de la mer et disposer de ces matériaux.
M. Connelly: Les exemples que vous avez soulevés ne sont pas assujettis à notre loi ni à notre processus.
Le sénateur Robichaud: À quel processus sont-ils assujettis? Dans votre présentation vous indiquez «the environmental assessment required before DFO», je ne comprends pas le sens de cet énoncé.
M. Connelly: Je vais tenter de l'expliquer plus en détail. Les exemples que vous avez cités ne sont pas des projets considérés en vertu de notre loi. Il incombe peut-être au ministère des Pêches et Océans de rendre une décision sur ce type de projet, mais il n'est pas défini dans le cadre de notre loi. Pour cette raison, la loi ne s'applique pas dans ce cas, et il n'y a pas nécessité d'une évaluation environnementale pour ces types d'activités.
Le sénateur Robichaud: En ce qui a trait à l'aquaculture, on retrouve nombre d'opérations pouvant être considérées non pas comme de grandes entreprises mais comme de petites exploitations. On peut prendre l'exemple d'une personne qui emploie quelques individus pour faire la culture des moules ou des huîtres en cages. Ce genre d'opération requiert une évaluation environnementale?
M. Connelly: Oui.
Le sénateur Robichaud: Trouvez-vous que les gens coopèrent de bon gré? Car de telles évaluations peuvent représenter, surtout pour de petits exploitants, des dépenses plutôt considérables.
M. Connelly: Vous avez raison, sénateur Robichaud. L'aquaculture et ces projets sont assujettis à notre loi, comme vous l'avez indiqué.
En ce qui a trait au niveau de coopération, tout dépend des circonstances. Certaines personnes sont disposées à participer au processus, d'autres sont plus réticentes. On constate donc une approche différente chez les gens selon les compagnies et les groupes. En effet, plusieurs projets dans l'industrie de l'aquaculture sont assujettis au processus. Par exemple, il est nécessaire d'effectuer une évaluation environnementale avant de procéder à l'exploitation d'un nouveau site.
Le sénateur Robichaud: Il revient donc à l'instigateur du projet d'assumer les coûts d'une telle évaluation?
M. Connelly: En effet. Cependant, il existe, pour certains de ces petits projets, la possibilité d'une aide financière de la part d'organismes tels Atlantic Canada Opportunities Agency.
Le sénateur Robichaud: Vous avez parlé de grands projets. Quelle distinction faites-vous entre les grands projets et les petits projets?
M. Connelly: Il existe un règlement intitulé Règlement pour les études approfondies. Ce règlement dresse une liste des projets pouvant être considérés comme ayant un effet important sur l'environnement. Par exemple, dans cette liste on retrouve le cas d'une mine ayant une production quotidienne de 2 000 tonnes. Les projets d'envergures sont définis dans le cadre de ce règlement.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane: À la page 6 de vos diapos, on peut lire que l'Agence canadienne d'évaluation environnementale veille à l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Cela veut dire que vous formez ceux qui doivent faire des évaluations, que vous les guidez dans ce travail, que vous faites de la R et D et que vous proposez des règlements. C'est quelqu'un d'autre qui effectue les évaluations environnementales. Vous les formez, n'est-ce pas?
M. Connelly: L'étude scientifique comme telle — le document d'évaluation environnementale — est généralement effectuée par des experts-conseils professionnels au nom du promoteur du projet. Les ministères qui prennent la décision examinent l'étude en question. Je vais utiliser encore une fois le MPO comme exemple, à cause de l'intérêt que vous avez pour l'habitat et les océans.
Le MPO examinerait l'évaluation réalisée par le promoteur avant de prendre la décision d'autoriser le promoteur, par exemple, à détruire un habitat du poisson. Il est important de savoir que ce n'est pas seulement le MPO qui participe à cet examen, car il y a bien d'autres ministères experts qui donnent de bons conseils à cet égard. Il y a, par exemple, Santé Canada, Ressources naturelles et Environnement Canada qui peuvent aussi y aller de leurs conseils techniques et professionnels. Le public a, lui aussi, un rôle important à jouer dans l'examen des évaluations.
Quant à nous, notre participation est plus importante quand il s'agit de projets d'envergure. Quand il s'agit d'un projet qui exige une étude approfondie, nous sommes l'agence qui conseille le ministère de l'Environnement sur la suite à donner à l'examen de l'évaluation. Lorsque l'envergure du projet est telle qu'il doit être examiné par une commission d'évaluation environnementale, les commissaires sont choisis parmi des experts de l'extérieur du gouvernement. C'est nous qui assurons tout le soutien administratif, technique et de gestion à la commission pour tout le processus d'audience. Nous faisons aussi bien d'autres choses que ce qui est énuméré sur la diapo.
Le sénateur Cochrane: Comment êtes-vous informés de l'existence d'un projet? À quelle étape intervenez-vous?
M. Connelly: Tous les projets doivent dorénavant être inscrits sur notre registre électronique. Un avis est émis dès qu'une évaluation environnementale est prévue. Bien souvent, nous n'intervenons pas du tout dans les petits projets. Ces projets sont entièrement gérés par le ministère qui doit prendre une décision. Ils figurent dans notre registre électronique et nous sommes au courant de leur existence, mais nous n'intervenons pas directement dans ces projets.
Quand un projet exige une étude approfondie, par exemple, nous devons en fait recevoir l'étude, la mettre à la disposition du public, recevoir les commentaires sur l'étude et conseiller le ministre sur les résultats de l'examen. C'est la nature du projet, sa taille, son incidence possible sur l'environnement et aussi les inquiétudes qu'il suscite parmi le public qui déterminent si nous allons intervenir directement dans le projet.
Le sénateur Cochrane: Le projet dont parlait le sénateur Phalen est un projet d'envergure. N'interviendriez-vous pas dans un projet comme celui-là?
M. Connelly: Je comprends les inquiétudes que suscite ce projet, mais pour l'instant, ce n'est pas un projet qui est visé par la loi. Nous n'avons aucune responsabilité à l'égard des munitions qui ont été jetées près des côtes du cap Breton. Nous n'avons aucune responsabilité juridique à cet égard à ce moment-ci.
Le sénateur Cochrane: Le projet serait-il du ressort provincial?
M. Connelly: Non. Étant donné son emplacement, il semble être bien au-delà de la limite des eaux provinciales. Je suppose que le gouvernement fédéral a une certaine responsabilité à cet égard, mais je dois vous dire que je ne sais pas où exactement se situe la responsabilité.
Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous nous dire à quel ministère nous pourrions nous adresser pour poursuivre notre recherche?
M. Connelly: Je sais que le sénateur Phalen a indiqué qu'il en avait parlé avec le ministère de la Défense nationale. Il serait peut-être utile de s'adresser aux responsables du rejet des munitions et au ministère qui étaient en cause à l'époque pour leur poser des questions.
Le sénateur Cochrane: Le sénateur Phalen n'est pas le seul à avoir des inquiétudes. De la fin des années 40 jusqu'aux années 60, il y avait une base américaine dans un endroit à proximité d'où je vivais. On y rejetait d'importantes quantités de substances. Les Américains sont partis dans les années 60. On disait qu'il y avait eu rejet de BPC, dont certains s'étaient retrouvés dans l'eau, alors que d'autres ont été enfouis dans le sous-sol. Nous ne le savons pas. Il s'agit d'une zone au sujet de laquelle tout le monde a des inquiétudes. À la suite de maladies survenues récemment dans la région, tout le monde se pose des questions. Où pouvons-nous aller pour obtenir des réponses? Où pouvons-nous aller pour enquêter sur ce dossier?
M. Connelly: Je veux être sûr de bien comprendre. Parlez-vous d'une zone autre qu'une zone au large des côtes?
Le sénateur Cochrane: Oui. Je parle de la base aérienne Hearnest Harmon, à Stephenville, Terre-Neuve. Il y avait là une base américaine, qui a été fermée dans les années 60.
M. Connelly: Je dois vous dire que je ne connaissais pas l'existence de cette base. Encore là, pour ce qui est de savoir où aller, il serait important de savoir qui a assumé la responsabilité de ces terres. Relèvent-elles maintenant du gouvernement fédéral? Le savez-vous?
Le sénateur Cochrane: Je crois qu'elles sont de responsabilité provinciale.
M. Connelly: Dans ce cas, il faudrait que vous fassiez part de vos inquiétudes au gouvernement provincial.
Le sénateur Cochrane: Les Américains ont revendu les terres au gouvernement fédéral pour 1 $. Le gouvernement fédéral les a rachetées pour 1 $, d'après ce qu'on me dit. Elles relèvent effectivement de la responsabilité fédérale.
En janvier, les médias ont indiqué qu'une évaluation environnementale préliminaire du sous-bassin laurentien, qui se trouve au sud de Terre-Neuve, avait été réalisée en vue d'un projet d'exploitation pétrolière et gazière.
D'après les médias, cette évaluation environnementale stratégique, réalisée conjointement par l'Office Canada- Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, l'OCTHE, et l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, l'OCNSHE, a fait état de lacunes sur le plan de l'information qui devaient être comblées par une évaluation ultérieure. L'évaluation a notamment révélé qu'on n'avait pas d'information au sujet du contenu de la décharge de munitions qui se trouve dans la région.
Un agent d'évaluation environnementale de l'OCTHE nous a dit que l'existence de la décharge de munitions était indiquée par le ministère de la Défense nationale, mais que le ministère n'était pas en mesure de nous donner plus d'information à ce sujet.
Êtes-vous au courant de l'existence de la décharge de munitions au large de la côte est du Canada, et qu'en est-il des évaluations environnementales stratégiques?
M. Connelly: Je ne suis pas au courant de l'existence de la décharge dont vous parlez, mais j'ai une certaine connaissance des évaluations environnementales stratégiques.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, il s'agit là d'un nouvel outil qu'on utilise maintenant. Nous y voyons des applications très utiles, notamment pour la côte Est. Dans le cadre d'une évaluation environnementale stratégique, on pourrait essayer de déterminer par une étude d'une portée très vaste qui ne serait pas liée à un projet en particulier s'il y a, par exemple, des zones où l'exploration pétrolière ne devrait pas être autorisée. Il se peut qu'on soit arrivé à cette conclusion au sujet de la zone en question. Voilà un des avantages d'une étude de ce genre. Une évaluation stratégique pourrait également permettre de déterminer qu'il y a des zones environnementales sensibles auxquelles il ne faudrait pas toucher ou qu'il ne faudrait pas endommager. L'information ainsi obtenue serait très utile si un promoteur voulait forer dans la zone en question en vue d'y faire de la prospection pétrolière ou gazière. L'information pourrait alors être utilisée afin d'orienter l'évaluation qui serait effectuée relativement au projet en question.
Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous nous aider à déterminer quelles sont ces lacunes sur le plan de l'information dont on parlait? Pourriez-vous nous obtenir cette information? J'aimerais bien savoir ce qu'il en est puisque la décharge se trouve au large des côtes de la région que je représente.
M. Connelly: Je peux vous obtenir l'information qui se trouve dans l'étude dont vous avez parlé, parce que cette information est disponible. Si c'est là ce que vous demandez, je peux certainement vous l'obtenir. Je ne pourrais toutefois pas vous obtenir d'autres informations que celles qui se trouvent dans l'étude.
Le sénateur Cochrane: Y a-t-il quelqu'un qui pourrait nous obtenir plus d'information? Qui?
M. Connelly: Peut-être. Je ne connais pas les détails de l'information dont vous auriez besoin et je ne sais pas non plus qui aurait cette information. Si le MDN a dit, par exemple, que l'information n'est pas disponible, je n'y aurais pas accès, moi non plus.
Le sénateur Cochrane: Le MND y aurait accès?
M. Connelly: Invraisemblablement, oui.
Le président: Pourriez-vous nous faire parvenir l'étude et nous dire qui l'a rédigée?
M. Connelly: Je serais heureux de vous faire savoir qui a effectué l'évaluation environnementale stratégique. Je connais les deux offices, et je sais, de façon générale, que l'étude a été faite. Nous pouvons vous faire parvenir le nom des personnes que vous pourriez contacter aux deux offices en question.
Le président: Ce serait un bon début.
Le sénateur Watt: Tout comme le sénateur Phalen, je m'intéresse aux restes militaires, si je puis dire. Personne ne veut assumer la responsabilité de ces restes. Tôt ou tard, nous allons devoir essayer de savoir ce qu'il en est.
Vous relevez du ministre de l'Environnement, n'est-ce pas?
M. Connelly: Oui, je relève du ministre de l'Environnement. Notre agence est toutefois distincte d'Environnement Canada. Nous sommes une petite agence avec un effectif de quelque 130 personnes, et notre responsabilité se limite exclusivement aux évaluations environnementales.
Le sénateur Watt: Ces évaluations environnementales, vous les faites avant que le projet ne soit entrepris. Vous évaluez l'incidence éventuelle du projet. Parfois, vous devez également conclure des ententes avec les gouvernements provinciaux, si je ne m'abuse. Parfois, vous devez conclure qu'il y a un régime, plutôt que deux, qui s'applique dans une région en particulier. J'ai une certaine expérience de cela.
Je veux revenir à ce qu'on a dit au sujet de la santé des Canadiens, voire de la communauté internationale. Nous courons un risque énorme en nous abstenant de chercher une solution au problème que posent ces munitions. La rumeur veut que, dès 2005, ces munitions commencent à s'écouler dans toutes les directions. On en a retrouvé sur la plage après la grosse tempête que nous avons eue dans les Maritimes. Il y a déjà des problèmes qui se posent et des conséquences pour la santé des gens. Il doit y avoir un moyen pour que le ministère de l'Environnement essaie de trouver une solution et rencontre le ministère de la Santé pour en discuter.
Disons que le secteur privé a accès à la technologie voulue et présente une proposition à Environnement Canada. Il aurait besoin de fonds pour s'acquitter de ses responsabilités. Seriez-vous prêts à examiner la proposition? Votre ministère l'examinerait-il ou diriez-vous toujours que cela dépasse le cadre de vos responsabilités?
M. Connelly: Nos responsabilités sont définies dans la loi. Comme je l'ai dit tout à l'heure, si une demande ou une proposition visant à nettoyer ces munitions était faite, notre loi s'appliquerait à l'initiative, peu importe d'où elle viendrait. Il faudrait que les responsables se conforment à la loi et effectuent une évaluation environnementale. Ce serait là notre rôle à ce stade-là.
Le sénateur Watt: Il y a donc un certain espoir. Est-ce bien là ce que vous me dites?
M. Connelly: Je ne suis pas suffisamment au courant du problème, sénateur Watt, pour savoir s'il y a une initiative quelconque qui a été lancée en vue de décontaminer le site. S'il y en avait une, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale s'appliquerait à cette initiative.
Le sénateur Watt: J'ai maintenant une question au sujet des résidus miniers qui se retrouvent dans l'océan et qui pourraient avoir une incidence sur l'habitat du poisson. Avez-vous un rôle à jouer à cet égard? Une fois que l'évaluation a été faite, vous constatez que les résidus ont une incidence sur l'océan. Pouvez-vous intervenir si une plainte est déposée?
M. Connelly: Les règles ont changé à la suite de l'adoption l'an dernier du projet de loi C-9, si bien qu'il faut maintenant faire le suivi de l'évaluation, une fois le projet réalisé. Il s'agit là d'une nouvelle exigence. C'est une importante amélioration qui a été apportée à notre loi.
Si nous avions à faire l'évaluation d'une opération minière à grande échelle figurant sur la liste des activités devant faire l'objet d'une étude approfondie — celle de Voisey's Bay, par exemple, — nous serions alors tenus de faire un suivi de l'évaluation pendant un certain nombre d'années après la réalisation du projet. Le but du suivi serait de recueillir l'information nécessaire pour déterminer si les prévisions initiales relativement à l'incidence du projet avaient été avérées. Si les prévisions initiales se révélaient inexactes et qu'il y avait des problèmes, il faudrait alors que des mesures soient prises pour corriger les problèmes.
Cela dit, s'agissant d'évaluation environnementale, pour exploiter une mine, il faut généralement, selon la nature de la mine, obtenir une licence de la province. Comme conditions de licence, il faut généralement surveiller le rejet d'effluents des bacs de décantation des résidus.
Le sénateur Watt: Toujours sur le même sujet, supposons qu'une plainte soit adressée à Environnement Canada, mais pas nécessairement à la province. Supposons que le projet ait été évalué conjointement à l'origine. La plainte est adressée directement au gouvernement fédéral. Le gouvernement provincial voudra peut-être renoncer à faire une évaluation environnementale en raison de considérations d'ordre économique. Que faites-vous dans un cas comme celui-là?
M. Connelly: Si j'ai bien compris la question, si une évaluation environnementale est exigée, la loi dispose qu'elle doit avoir lieu. Rien ne permet de se soustraire à cette exigence dans le cas d'une nouvelle mine. La plupart des mines déclenchent effectivement l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, parce qu'il est assez difficile d'ériger une mine dans notre pays, surtout dans notre écosystème nordique, qui n'aurait aucune incidence sur l'habitat du poisson. C'est là un des principaux déclencheurs d'évaluations environnementales qui est prévu dans notre loi.
Si la mine est visée par la loi, elle devra faire l'objet d'une évaluation. La loi l'exige. L'évaluation doit être faite au niveau fédéral, qu'il y ait ou non une évaluation provinciale. Bien sûr, si la province fait aussi une évaluation de la mine, nous travaillerons en collaboration, de façon à faire une évaluation conjointe du projet.
Permettez-moi d'ajouter que les régimes d'évaluation environnementale varient d'une province à l'autre. Ainsi, en Ontario — et en disant cela, je ne veux pas du tout être critique, mais je veux simplement illustrer une des différences qui existent —, la loi s'applique généralement aux initiatives municipales et gouvernementales, mais pas à celles du secteur privé. En Ontario, la Loi provinciale sur les évaluations environnementales ne s'appliquerait que rarement aux projets miniers, mais ces projets seraient le plus souvent assujettis à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Le sénateur Watt: Est-ce que cela s'appliquerait aussi aux eaux navigables? J'imagine que oui, parce que les eaux navigables relèvent de la compétence fédérale.
M. Connelly: Oui, cela serait aussi un élément déclencheur, si vous aviez une proposition d'exploitation minière qui comportait certains éléments qui pourraient empiéter sur une voie navigable et nécessiter un permis en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables. Je pourrais vous donner, à titre d'exemple, une proposition en Ontario visant à construire une mine de diamants, la mine Victor Diamond par De Beers. Ce projet est en train de faire l'objet d'une évaluation environnementale en vertu de notre loi fédérale. Il n'est pas assujetti à la Loi sur les évaluations environnementales de l'Ontario. Nous travaillons en étroite coopération avec la province afin de participer à ce processus; cependant, les dispositions de leur loi ne s'appliqueraient pas dans ce cas-là.
Le sénateur Hubley: Je ne suis pas sûre de bien comprendre la situation. J'aimerais revenir aux différents niveaux et types d'évaluation environnementale. Songeons, par exemple, à la construction du pont de la Confédération. Vous avez peut-être fait allusion au fait qu'à un certain moment les initiatives du gouvernement fédéral l'emportent sur les initiatives du gouvernement provincial. Dans ce cas, je penserais que cela donnerait lieu à des préoccupations environnementales au niveau provincial, et certainement à des préoccupations environnementales auxquelles s'intéresserait le MPO. Pouvez-vous commenter cette situation pour moi?
M. Connelly: Le pont de la Confédération est un bon exemple d'un projet très important qui a fait l'objet d'une évaluation environnementale au niveau fédéral et aussi, je crois, au niveau provincial. Ce projet a fait l'objet d'un examen avant l'entrée en vigueur de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale en 1995. Il a été examiné sous le régime qui existait avant 1995. Dans ce cas, une commission d'évaluation environnementale a été constituée pour tenir des audiences publiques sur la proposition avant qu'elle soit définitive.
En fait, je dirais que l'évaluation environnementale a été un facteur très déterminant dans la conception finale de ce pont. Comme on craignait que le pont retarde la débâcle au printemps, l'évaluation environnementale a permis de déterminer qu'il fallait espacer davantage les piles de pont. Elles ont été aussi munies de pointes plus aiguës pour faciliter la débâcle au printemps. On a procédé à toutes sortes de modélisations complexes pour prédire si cela se produirait ou non. C'est un bon exemple d'une évaluation environnementale très rigoureuse, et la participation du public au processus a été très importante.
Le sénateur Hubley: Dans le cas d'un projet aussi important, existe-t-il des entreprises qui font des évaluations environnementales et que vous engageriez pour faire une partie de votre travail, ou est-ce que vous vous en occupez entièrement vous-mêmes? Est-ce que la taille de votre service vous permet d'assumer vous-mêmes l'ensemble de l'évaluation, ou faites-vous appel à des entreprises privées?
M. Connelly: Les évaluations mêmes, les études, sont faites habituellement par des entreprises privées. Il y a de nombreuses entreprises canadiennes très efficaces qui font beaucoup de travail à l'étranger également. Ce sont tous des entreprises et des consultants du secteur privé. Les ministères font l'examen de ces études. Nous ne les faisons pas nous- mêmes à ce niveau-là.
Le sénateur Hubley: Vous avez donc le dernier mot. Vous pouvez examiner ces études. Je crois que le gouvernement devrait revoir ces études.
M. Connelly: Oui, elles sont toutes revues par le gouvernement. Lorsque la loi est déclenchée, souvent le promoteur fera l'étude, mais elle est ensuite examinée par le gouvernement. Ce ne sera pas nécessairement l'agence qui s'en occupera, mais dans la plupart des cas cet examen est fait par l'instance compétente — le ministère qui doit prendre une décision. Dans certains cas, il y a plus d'un ministère car souvent plusieurs ministères doivent prendre des décisions concernant le projet examiné.
Le sénateur Hubley: Votre participation débute après qu'un projet est au moins envisagé. Vous ne prenez pas nécessairement des mesures environnementales pour remédier à la situation. Vous ne participez pas à l'assainissement du port de Halifax à moins qu'une entreprise ait décidé de le faire ou que le gouvernement ait décidé de le faire, ce qui déclencherait alors votre participation, n'est-ce pas? Est-ce à ce stade que commence votre participation?
M. Connelly: Vous avez très bien compris la situation. Par exemple, un projet que je connais bien — ce n'est pas tout à fait le port de Halifax — concernait il y a un certain nombre d'années la décontamination du canal de Lachine à Montréal, qui relève désormais de Parcs Canada. À une époque, il s'agissait d'une zone industrielle importante, qui est devenue relativement contaminée. On a proposé de nettoyer le canal pour qu'il puisse être utilisé à nouveau par le public. Auparavant, on a procédé à une évaluation environnementale qui a examiné la façon la plus appropriée de nettoyer le site. C'est un autre exemple d'une proposition qui est présentée et qui fait ensuite l'objet d'une évaluation environnementale.
Le sénateur Mahovlich: Combien de projets ont été examinés en vertu de la LCEE depuis 1995, et à combien d'entre eux a participé le MPO? Des projets concernant les pêcheries, combien ont été approuvés par la suite?
M. Connelly: Nous sommes en train de faire des calculs rapides, sénateur Mahovlich. Je vais vous donner une idée approximative. Il s'agit de calculs très approximatifs, mais nous dirions environ 45 000 projets.
Le sénateur Mahovlich: Depuis 1995?
M. Connelly: Oui.
Le sénateur Mahovlich: Vous êtes vraiment diligents.
M. Connelly: Le gouvernement est diligent, tout comme le MPO. De ce total, le ministère des Pêches aurait participé à environ 9 000 projets. Je ne peux pas vous indiquer le nombre de projets qui ont été approuvés, mais en général, la majorité des projets sont approuvés après une évaluation environnementale parce que son objectif n'est pas nécessairement d'empêcher l'exécution de certains projets, mais de s'assurer que ces projets sont exécutés sans qu'ils nuisent à l'environnement. Souvent, l'évaluation permet d'apporter des changements de conception de manière à en minimiser les répercussions sur l'environnement.
Nous avons constaté que certains projets sont soumis à ce processus mais ne vont pas plus loin parce qu'ils représentent un réel problème. Nous n'avons toutefois pas un grand nombre de données utiles sur ce type de projet.
Le sénateur Mahovlich: Il y a quelques années, un groupe de Caledon Hills, au nord-ouest de Toronto, a comparu devant le comité. L'agence a-t-elle préparé une évaluation environnementale dans ce domaine? Si je me rappelle bien, le groupe souhaitait construire une carrière ou une sablière. Ce projet aurait eu des répercussions sur l'environnement parce qu'il y a un embranchement de la rivière Credit dans la même région qui se déverse dans le lac Ontario. L'agence a-t-elle préparé une évaluation dans ce secteur? Ce projet est-il en cours?
M. Connelly: Êtes-vous en train de parler du projet de la carrière Rockport?
Le président: C'est bien cela.
M. Connelly: Je suis au courant de la controverse.
Le sénateur Mahovlich: Avez-vous mis fin au projet?
M. Connelly: Non, je ne le crois pas. Je dois avouer que je ne suis pas sûr où en est le projet. Je pourrais vous fournir plus de renseignements, mais notre agence n'a pas participé à ce projet.
Le sénateur Mahovlich: Vous n'y avez-pas participé?
M. Connelly: Non. Le ministère des Pêches et des Océans l'a examiné à cause des répercussions possibles sur l'habitat du poisson. Je ne suis pas sûr si la conception du projet a permis d'éviter l'habitat du poisson et, par conséquent, d'éviter une évaluation fédérale. Je ne suis pas sûr des détails. Je pourrais certainement me renseigner et fournir au comité des renseignements quant à l'état du projet.
Le président: Je pourrais vous apporter des éclaircissements. À ma connaissance, le ministre a refusé d'autoriser la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson. Essentiellement, une évaluation environnementale n'a pas été déclenchée en raison du refus d'autoriser la DDP de l'habitat. Je crois comprendre que le MPO préfère travailler avec les promoteurs de tels projets. Aucune DDP de l'habitat n'a été autorisée et c'est la raison pour laquelle l'Agence canadienne d'évaluation environnementale n'a pas été mise au courant du processus, et n'a pas été appelée à y participer. Si j'ai bien compris, il n'y a pas encore eu de mécanisme de déclenchement.
Avant de continuer, j'aimerais revenir à un point qui a été soulevé plus tôt concernant certains éclaircissements en ce qui concerne les munitions immergées. Les règlements en application de la Loi sur les évaluations environnementales ne prévoient aucune disposition qui permettrait à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale de faire une évaluation environnementale de ces munitions qui se trouvent dans les régions que représentent le sénateur Cochrane ou le sénateur Phalen. Les règlements ne prévoient aucune disposition qui autorise l'agence d'agir ainsi. J'ai soulevé la question des dragueurs et même cela ne déclencherait pas une évaluation.
Que faudrait-il faire pour que la loi prévoie un tel mécanisme de déclenchement afin que l'agence soit autorisée à faire une telle évaluation environnementale? Je ne crois pas que la loi actuelle vous en empêche parce que si le règlement qui vous régit comporte des éléments susceptibles de déclencher votre participation, il ne serait pas vraiment compliqué d'ajouter un mécanisme supplémentaire de déclenchement pour ce genre de munitions, ou pour les BPC ou d'autres matières. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre, mais le règlement autorise l'évaluation, n'est-ce pas?
M. Connelly: Oui, sénateur, je constate que vous comprenez bien le fonctionnement de la loi.
Le président: Nous savons que cela ne relève pas du règlement et nous le comprenons. Selon le règlement en vigueur, vous ne pouvez pas vous occuper des sites où se trouvent des munitions.
M. Connelly: Comme je l'ai déjà dit, si un ministère ou un organisme du gouvernement fédéral décidait de retirer ces munitions pour nettoyer le site, cela déclencherait probablement l'application de la Loi sur les évaluations environnementales.
Si vous vous demandez si nous aurions les pouvoirs pour faire une étude approfondie du problème, la réponse serait non.
Le président: C'est exact. Le règlement en vigueur qui vous régit ne vous accorde pas ce genre de pouvoirs. Cependant, la loi ne renferme aucune disposition qui vous empêche de modifier le règlement de façon à ce qu'un nouveau règlement vous accorde le pouvoir d'intervenir à propos de ces munitions. Je crois que la loi vous autorise à le faire.
M. Connelly: Si je vous comprends bien, c'est de toute évidence un aspect qui préoccupe le comité, donc il est important que je sois clair.
Le président: Tout à fait.
M. Connelly: La loi actuelle ne prévoit aucun pouvoir permettant à l'agence de procéder simplement à l'étude d'un problème. Nous n'avons pas ce genre de pouvoir en vertu de la loi. Si, toutefois, quelqu'un d'autre faisait cette étude ou cette enquête et décidait de prendre des mesures pour retirer ces munitions, cela déclencherait alors l'application de la loi qui nous régit.
Le président: Je voulais m'assurer de formuler ma question de cette façon-là. En tant que parlementaires, nous sommes souvent saisis de problèmes. En règle générale, nous sommes en mesure de trouver une agence, un ministère ou une instance quelconque — que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal — qui est plus ou moins chargé d'un problème ou d'une question.
Dans ce cas-ci, il semble exister un problème en ce qui concerne les munitions ou les produits chimiques qui sont immergés dans l'océan. Ce sont des endroits où l'on fait du dragage, où l'on pêche, et où on s'amuse. De tels endroits présentent un risque de catastrophe et en tant que parlementaires, on nous répond que personne n'est responsable de cette situation. Rien ne peut être fait; nous ne pouvons même pas prévenir le public de l'existence d'un problème. Rien ne peut déclencher une intervention de la part du gouvernement. Je suppose que c'est là où nous voulons en venir. Nous semblons avoir détecté un problème qu'il est impossible de régler en vertu des lois ou des règlements qui existent aux trois paliers de gouvernement.
M. Connelly: Permettez-mois de faire une déclaration générale. S'il existait un problème environnemental possible, certains ministères auraient un mandat général leur permettant de s'occuper de munitions ou de produits chimiques qui influent sur la qualité du poisson. Ce serait une source de préoccupations évidente pour le MPO. Le ministère a le mandat de s'occuper des océans et cela représenterait une préoccupation pour ce ministère. J'ignore quelle serait la responsabilité du ministère de la Défense nationale à cet égard. C'est une question que vous voudrez peut-être leur poser.
Le président: Nous la leur poserons.
M. Connelly: En ce qui concerne les problèmes environnementaux dans les eaux territoriales du Canada, il existe des ministères ayant de vastes mandats leur permettant de déterminer s'il existe un problème.
Le président: Nous sommes partis du principe que cela relèverait de la compétence de votre agence parce qu'elle est responsable de la mise en oeuvre de la législation sur l'environnement. Ce n'est pas le cas. C'est ce que nous avons assez bien réussi à déterminer ce soir. Nous tâcherons d'obtenir des réponses ailleurs.
M. Connelly: Merci, monsieur le président. Je comprends le problème que vous soulevez. J'aimerais pouvoir vous dire que nous pouvons y faire quelque chose. Il est clair, je pense, que nous n'avons pas le mandat législatif de le faire.
Le président: Comme législateurs, nous savons que nous ne pouvons rien y faire si cela ne fait pas partie de la loi. Nous vous plaignons.
Le sénateur Adams: Vous avez mentionné que le budget présenté avant Noël prévoyait que le ministère des Pêches et des Océans recevrait 7,5 millions de dollars. Nous voulons trouver quelque chose au Nunavut. On y fait la pêche au flétan noir et aux crevettes depuis environ 20 ans, mais on n'a jamais vraiment fait un relevé des stocks.
Est-ce la responsabilité du MPO de faire les études? Je m'inquiète du flétan noir et de la pêche commerciale au Nunavut et je veux en savoir plus. Il y a quelques années, le ministre des Pêches nous a dit qu'il y a en général un budget pour étudier les mammifères et les poissons partout au Canada, mais on n'a jamais rien fait en ce qui concerne l'avenir des stocks au Nunavut.
Connaissez-vous la zone 0A, près de fjord Grise, jusqu'à l'inlet Pond, en descendant jusqu'à l'île Broughton, et la zone 0B qui part de l'île Broughton et remonte jusqu'au détroit d'Hudson? On n'a jamais fait d'études sur ces deux zones. Je veux savoir comment le ministère va dépenser ces sept millions de dollars d'un budget de 51 millions de dollars?
M. Connelly: Sénateur Adams, j'ai eu le plaisir d'aller à fjord de Grise et à l'inlet Pond au fil des ans, mais je pense que c'est au ministère même qu'il faudrait poser cette question.
En ce qui concerne les 7,5 millions de dollars destinés à la mise en oeuvre des modifications à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, je ne pense pas que l'on financerait le genre d'études que vous avez mentionné à même cet argent.
Le sénateur Phalen: Monsieur Connelly, dans une de vos réponses, vous avez mentionné que j'avais rencontré les représentants du ministère de la Défense nationale. Je ne l'ai pas fait. J'ai rencontré quelqu'un au ministère des Pêches — ce n'était pas à ma demande — et il s'y trouvait quelqu'un du ministère de la Défense nationale. Il a été proposé à la réunion que je rencontre le ministre de la Défense nationale. Je ne l'ai pas encore fait et je n'ai pas demandé à le faire lors de cette réunion.
Le sénateur Cochrane: J'aimerais demander à M. Connelly de nous dire ce qu'il pense de la déclaration faite par le M. Derek Davis, président de l'Initiative sur la diversité des invertébrés marins, lorsqu'il a comparu devant ce comité. En effet, il a dit qu'il faut faire une évaluation environnementale pour construire un kilomètre de route, mais qu'il n'est pas nécessaire de le faire pour traîner un filet sur un kilomètre au fond de la mer. Qu'en est-il au juste?
M. Connelly: Madame le sénateur, je dirais que c'est juste.
Le sénateur Cochrane: Avez-vous autre chose à dire?
M. Connelly: Je n'ai rien à ajouter, sauf qu'il a raison, c'est ainsi. Aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, c'est exact.
Le président: Monsieur Connelly et monsieur McCauley, je vous remercie de votre présence ici ce soir. Il nous a fait plaisir de vous entendre. Merci de cette discussion intéressante.
La séance est levée.