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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 4 - Témoignages du 27 avril 2004


OTTAWA, le mardi 27 avril 2004

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 19 heures, pour étudier les questions relatives aux stocks chevauchants et à l'habitat du poisson.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous sommes heureux, ce soir, d'accueillir M. Geoff Regan, ministre des Pêches et des Océans depuis le 12 décembre 2003.

Monsieur le ministre, notre comité a l'habitude d'inviter le nouveau ministre des Pêches et des Océans à comparaître devant lui pour présenter la façon dont il conçoit les pêches et les priorités de son ministère. En juin 2002, l'ancien ministre des Pêches a dit que son principal but consistait à laisser le ministère plus fort qu'il ne l'était à son arrivée. Entre autres choses, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer a été ratifiée en 2002. Le prédécesseur de M. Thibault, M. Dhaliwal, avait fait de l'expansion de l'aquaculture au Canada sa priorité. Avant lui, M. Anderson avait souligné l'importance des océans dans la définition des politiques du ministère. En 1999, il avait amorcé l'examen de la politique relative aux pêches de l'Atlantique.

En règle générale, nous invitons le ministre à comparaître devant le comité le plus tôt possible après sa nomination, pour nous décrire ses priorités et sa vision d'avenir pour les pêches. Monsieur Regan, vous avez la parole.

[Français]

L'honorable Geoff Regan, ministre des Pêches et des Océans: Merci beaucoup, monsieur le président. Honorables sénateurs, bonsoir.

[Traduction]

Je suis ravi d'être ici ce soir pour vous exposer ma vision des ressources halieutiques et océaniques du Canada et pour vous résumer les efforts que déploie actuellement le ministère des Pêches et des Océans pour réaliser cette vision.

Permettez-moi de présenter mon secrétaire parlementaire, l'honorable Shawn Murphy, qui présentera également un exposé et pourra répondre à vos questions. Je suis également accompagné de mon sous-ministre Larry Murray, du sous-ministre adjoint par intérim, David Bevan, de la sous-ministre adjointe, Sue Kirby, du commissaire de la Garde côtière, John Adams, du sous-ministre adjoint par intérim du secteur des Sciences, Serge Labonté, et du directeur général responsable des Ports pour petits bateaux, Robert Bergeron.

À la fin de mon bref exposé, je répondrai volontiers à vos questions, avec l'aide de M. Murphy et des fonctionnaires de mon ministère.

[Français]

Je tiens tout d'abord à vous remercier de l'engagement que vous prenez à l'égard des pêches et des océans du Canada.

[Traduction]

Le travail détaillé qu'accomplit votre comité dans chaque région du pays est non seulement utile mais aussi très apprécié. J'en donnerai pour exemple votre récent rapport sur la pêche au Nunavut, qui a abordé plusieurs questions importantes comme les infrastructures, l'allocation des quotas et la recherche scientifique. Tout comme vous, honorables sénateurs, je crois au potentiel de croissance de l'industrie de la pêche au Nunavut.

Je vais commencer par vous exposer ma vision des ressources halieutiques et océaniques du Canada, qui se résume en cette phrase: veiller au développement durable et à l'utilisation sécuritaire des eaux canadiennes. Ma vision repose plus précisément sur des océans, des lacs, des rivières et des fleuves sains où vivent des poissons et d'autres animaux et plantes aquatiques en santé. Elle englobe également l'industrie de la pêche et de l'aquaculture et des voies navigables sûres et accessibles à tous. Je m'engage à fonder toutes mes décisions importantes sur le principe du développement durable. J'entends ainsi veiller à ce que les possibilités économiques soient toujours appuyées par des moyens qui permettent la conservation et la protection du milieu marin et de ses précieuses ressources vivantes.

[Français]

Le MPO s'engage à utiliser tout l'éventail des lois, règlements, programmes et services dont il dispose pour assurer le respect du principe de développement durable.

[Traduction]

Ma vision d'avenir pour le MPO comporte deux objectifs à long terme. Le premier consiste à gérer efficacement les ressources océaniques. Pour réaliser ce but, mon ministère mettra en place un plan d'action pour les océans, accélérera le renouvellement de la gestion des océans et modernisera la Garde côtière canadienne. Le deuxième objectif consiste à simplifier la réglementation environnementale. Cela nous permettra d'améliorer l'efficience et l'efficacité de notre rôle et nos responsabilités réglementaires en matière d'environnement, en ce qui a trait aux eaux douces.

Je voudrais maintenant expliquer au comité, avec un peu plus de détails, comment le MPO entend procéder pour atteindre ces deux objectifs à long terme.

La première chose à faire pour gérer efficacement les océans consiste à mettre en place un plan d'action pour les océans. En décembre dernier, le premier ministre Paul Martin a chargé mon secrétaire parlementaire, l'honorable Shawn Murphy, d'élaborer un nouveau plan d'action pour les océans. Je suis heureux d'être accompagné aujourd'hui par M. Murphy, que j'invite à prendre la parole. Il vous éclairera sur cette importante tâche.

L'honorable Shawn Murphy, secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, particulièrement chargé du Plan d'action concernant les océans: Je suis heureux d'être ici aujourd'hui. Merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous.

Comme le ministre l'a signalé, le gouvernement s'est engagé à bien gérer les ressources océaniques. En décembre, le premier ministre Paul Martin m'a demandé de tracer un nouveau plan d'action pour les océans. J'y travaille en ce moment, mais si un membre de votre comité pouvait me libérer du travail que je fais au Comité des comptes publics de l'autre endroit, je pourrais sans aucun doute consacrer plus de temps à ce projet.

De nos jours, la pêche n'est qu'une des nombreuses industries qui exploitent nos océans. Il y en a d'autres qui prennent de plus en plus d'importance, notamment l'aquaculture, l'extraction de pétrole et de gaz, l'installation de câbles et d'oléoducs, de même que le tourisme. Or, l'expansion de ces activités entraîne la multiplication de leurs répercussions sur la santé de nos océans.

Grâce à un nouveau plan d'action sur les océans, le gouvernement du Canada entend exploiter au maximum les richesses de nos océans tout en redoublant d'efforts pour les gérer d'une façon judicieuse et durable. Dans le discours du Trône, le gouvernement a déclaré que l'exploitation des océans doit profiter à tous les Canadiens et, particulièrement, améliorer les possibilités de développement économique des régions.

C'est exactement ce que nous tâchons de faire, avec le concours de tous les utilisateurs des océans. Le MPO préside à l'élaboration d'un plan d'action qui s'appliquera à tous les océans. Ce plan gouvernemental mettra l'accent sur quatre secteurs névralgiques: faire du Canada un chef de file mondial au chapitre de la gestion responsable des ressources marines; améliorer la santé de nos océans; gérer de façon intégrée les zones côtières et extracôtières du Canada; favoriser l'avancement des connaissances océanographiques et de nouvelles technologies relatives aux océans.

Honorables sénateurs, soyez assurés que la population canadienne et les comités permanents du Sénat et de la Chambre des communes seront consultés pendant l'élaboration de ce plan d'action élargi relatif aux océans. Nous adapterons une approche de collaboration pour régler les conflits entre différents utilisateurs, pour garantir un environnement sain et pour profiter du potentiel économique des océans.

Les Îles-de-la-Madeleine sont un exemple de cette approche concertée. On y a formé des communautés de gestion intégrée des lagunes en 2000. Ces communautés ont pour mandat d'améliorer l'état des lagunes, qui s'étendent sur 118 kilomètres carrés, de manière à respecter les intérêts des utilisateurs et les valeurs liées à l'environnement.

Les comités de gestion des lagunes ont déjà plusieurs réussites à leur actif, dont l'établissement d'un mécanisme de règlement des différends entre utilisateurs, la participation à la mise en place d'une gestion communautaire des bancs de myes, la rationalisation de l'accès aux ressources en eau, la compilation d'informations sous forme d'atlas et la réalisation d'activités conçues pour sensibiliser la population aux activités associées aux lagunes.

Monsieur le président, ce n'est là qu'un exemple de ce que nous pouvons réussir à faire quand nous travaillons ensemble. Honorables sénateurs, les Canadiens et Canadiennes attachent beaucoup d'importance à nos trois océans et au vaste potentiel qu'ils recèlent. Grâce au plan d'action sur les océans, le gouvernement veut assurer la satisfaction des besoins de chacun, tout en sauvegardant nos océans pour nos enfants et nos petits-enfants.

Je serai heureux de répondre à vos questions quand M. Regan aura terminé son exposé.

M. Regan: La deuxième chose à faire pour gérer efficacement les ressources océaniques consiste à accélérer la modernisation de la gestion des pêches. Nous souhaitons encourager une pêche écologique qui soit durable tout en étant rentable et qui soit soutenue par une structure moderne de prise de décisions en matière de pêches. Je pense que les honorables sénateurs conviendront de la nécessité de ces objectifs. Avec cette modernisation, nous souhaitons conférer à la pêche au Canada une plus grande stabilité et faire en sorte qu'elle soit plus prévisible. Ainsi, nous ferons du processus annuel de planification des captures une méthode pluriannuelle de consultation fondée sur le principe de précaution.

Dans un premier temps, sur la côte Est, j'ai annoncé le mois dernier un cadre stratégique de gestion des pêches de l'Atlantique. Ce cadre énonce une vision d'une industrie durable et stable dont les acteurs participent à la prise des décisions qui les touchent.

[Français]

J'ai également annoncé la stabilisation des arrangements de partage existants concernant 29 usines de pêche sur la côte est pour l'année 2004. Cette décision s'inscrit dans notre volonté d'élaborer un régime d'accès et d'allocation stable dans le but d'éliminer le cycle passé, de triste mémoire, qui a engendré invariablement son lot de différends liés à l'allocation des parts.

[Traduction]

Sur la côte Ouest, nous constatons que le MPO collabore davantage avec l'industrie. Par exemple, j'ai annoncé la semaine dernière le total admissible des captures pour la pêche de la morue charbonnière. Cette pêche fonctionne depuis 1990 selon un régime de quotas individuels de bateau (QIB). En vertu de ce régime, des parts du total admissible des captures, le TAC, sont attribuées à chaque bateau muni d'un permis; il en résulte une pêche plus sûre et plus rentable à longueur d'année, quand on compare avec l'ancien régime de gestion. Dans ce cas précis, l'accord conclu prévoit des recherches conjointes, l'évaluation des stocks et des activités d'application de la loi. Je souhaite que ce genre de collaboration se répande, car il répond bien aux besoins de chaque secteur, de chaque partie des pêches.

[Français]

En matière de gestion des pêches, nous souhaitons améliorer le cadre de développement de l'aquaculture. Pour soutenir une industrie aquacole qui soit sûre et durable, il faut disposer d'un cadre réglementaire optimal afin de tirer profit du potentiel croissant de cette activité économique, à titre d'élément clé de la pêche, et de fournir à l'industrie un degré de certitude.

[Traduction]

Troisièmement, pour gérer efficacement les ressources océaniques, il faudra veiller à améliorer la sûreté et la sécurité maritime en modernisant la Garde côtière canadienne. Nous devons soutenir la sécurité maritime nationale et les priorités en gestion des océans au moyen d'une Garde côtière qui soit efficiente et viable. Revitaliser la Garde côtière, moderniser la gouvernance des pêches et adopter un nouveau plan d'action pour les océans, voilà les éléments clés qui permettront d'atteindre l'objectif à long terme de gérer efficacement les ressources océaniques.

Mon deuxième objectif à long terme consiste à simplifier la réglementation environnementale. J'entends par cela améliorer l'efficience et l'efficacité des programmes environnementaux du MPO. Ces programmes ont une incidence sur les industries du pétrole et du gaz, l'exploitation forestières, les mines, la production hydro-électrique et l'agriculture, qui sont toutes liées, de près ou de loin, aux ressources en eau. Inutile de dire que ces activités constituent de puissants moteurs de l'économie canadienne. Je tiens à ce que notre régime de réglementation protège nos intérêts sociaux et environnementaux tout en améliorant les conditions propices à une économie concurrentielle. Voilà l'équilibre auquel nous aspirons.

Je crois comprendre que votre comité étudie actuellement la question de l'habitat du poisson et j'ai déjà hâte de lire votre rapport, dans le contexte des plans à long terme.

Voici le message essentiel que je souhaite vous communiquer: le ministère des Pêches et des Océans est résolu à travailler avec les Canadiens afin de fournir le meilleur service et de protéger nos océans et les ressources qu'ils abritent. Ma vision des pêches et des ressources océaniques du Canada se résume comme suit: veiller au développement durable et à l'utilisation sécuritaire des eaux canadiennes. Je suis convaincu qu'en suivant cette nouvelle vision, nous parviendrons à faire en sorte que les ressources océaniques soient utilisées d'une manière efficiente axée sur la production de résultats pour les Canadiens.

Enfin, je remercie le comité qui est un allié solide et actif pour toutes les questions qui touchent aux pêches et aux océans. Le MPO et moi-même continuerons à compter sur votre comité et sur d'autres intervenants qui nous appuient dans notre tâche difficile. M. Murphy et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

[Français]

Il nous fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci monsieur le ministre et monsieur Murphy de votre excellente présentation. Nous débuterons la période des questions avec le sénateur Cook.

[Traduction]

Le sénateur Cook: Il est un peu tard dans la journée pour discuter d'un sujet aussi compliqué que les pêches, mais allons-y quand même.

J'ai deux questions, dont l'une s'adresse au ministre et l'autre, à son secrétaire parlementaire. Voici ma question pour le ministre: il est précisé dans le cadre stratégique du MPO de mars 2004 que le MPO peut, dans des situations exceptionnelles, remettre en question et revoir les ententes de répartition existantes avant de procéder à leur établissement pour une plus longue période. Parmi les raisons invoquées justifiant la modification des ententes de répartition déjà en vigueur figure la nécessité de respecter les objectifs de conservation, de revoir les plans de gestion des pêches pour se conformer aux obligations juridiques, ou de régler des questions qui, par le passé, ont été à l'origine de sérieux différends. Quelles sont les obligations juridiques en cause? Et quelles sont les questions qui, par le passé, ont été à l'origine de sérieux différends?

Ma question à l'intention du secrétaire parlementaire a trait au plan d'action sur les océans. Comme vous le savez sans doute, je suis originaire de Terre-Neuve et je revendique avec ferveur que l'on fasse respecter la loi, particulièrement sur le nez et la queue des Grands Bancs, et que l'on trouve des moyens de le faire. En ce qui concerne la gestion de la ressource dans la région du nez et de la queue des Grands Bancs — et je sais que cela se trouve à l'extérieur de la zone des 200 milles marins, là où l'eau devient plus profonde — quelles options figureront dans le plan d'action sur les océans que vous élaborez en ce moment?

M. Regan: Pour ce qui est des exigences juridiques, il est préférable que je cède ici la parole à mes collaborateurs. Il s'agit d'une question très précise, et je demanderai donc à M. Bevan de l'expliquer.

M. David Bevan, sous-ministre adjoint intérimaire, Gestion des pêches et de l'aquaculture, Pêches et Océans Canada: Vous n'ignorez sans doute pas que lorsque des décisions sont prises, elles font toujours l'objet d'actions en justice, de contestations juridiques. Dans le cas où les requérants ont gain de cause, il faut donner une suite. Nous avons déjà fait face à nombre de ces contestations, et nous devons avoir suffisamment de latitude pour y répondre, qu'il s'agisse de revendications de la part des Autochtones ou de contestations d'allocations de pêche. Il arrive parfois, ou plutôt en de rares cas, que les parties l'emportent contre nous et il faut alors que nous soyons en mesure de réagir.

Pour ce qui est des questions liées à l'ancienneté, parfois, il y a un premier groupe de participants qui exploitent une pêche au point de départ, et avec le temps et son élargissement, d'autres viennent s'y ajouter. Si la pêche rétrécit ou si la ressource varie selon des cycles et qu'elle a diminué, alors nous devons tenir compte de certains facteurs avant de l'attribuer. Nous devons examiner cela de temps à autre, en tenant compte de ceux qui ont lancé cette pêche et l'ont développée ainsi que des décisions d'attribution de contingents prises au cours des expansions et du fait que la ressource s'est appauvrie. Nous devons aussi faire face à cela de temps à autre.

M. Regan: Lorsque nous parlons de causes juridiques, nous songeons aux plus récentes, qui concernaient les Premières nations, tel l'arrêt Marshall, où le jugement rendu a forcé le ministère à ouvrir des parties de la pêche aux Autochtones. En conséquence de cela, nous avons dû trouver des permis de pêche et le reste. Nous avons dû nous adapter, comme nous l'avons déjà fait dans le passé, car certaines situations nous obligent à le faire.

M. Murphy: Je me rends bien compte de l'importance que cette question revêt, et d'ailleurs vos collègues de la Chambre des communes MM. Efford et Matthews nous le rappellent tous les jours. Dernièrement, ce sujet a été constamment soulevé à la Chambre.

Certains faits récents sont toutefois positifs. L'honorable sénateur sait sans doute que la question demeure litigieuse, mais malgré cela, en novembre dernier, après de longues négociations, le Canada a signé la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Aussi, en décembre dernier, l'Union européenne, qui comprend l'Espagne et le Portugal, a signé la Convention des Nations Unies sur les stocks de poissons chevauchants et les stocks de poissons grands migrateurs. Ce genre d'entente donne au ministère des moyens d'action accrus par rapport à cette importante question, qui a été assez longuement débattue, tant ici que dans un comité de la Chambre des communes. Je serais même d'accord avec ceux qui estiment que les délibérations ont trop duré.

Madame le sénateur Cook a sans doute été mise au courant des deux annonces faites par le ministre récemment. Ainsi, en janvier, on a annoncé que la surveillance aérienne a été sensiblement intensifiée, grâce à des appareils provinciaux. Au cours des cinq prochaines années, 57 millions de dollars seront injectés à cette fin. On a également annoncé qu'une somme assez substantielle de 17,5 millions de dollars de plus serait affectée à la surveillance maritime au cours de la même période.

La Chambre des communes a été saisie d'une motion proposant une gestion axée sur la conservation dans la zone du nez et de la queue du Grand banc. Pour le moment, c'est une possibilité qu'il faut certainement garder à l'esprit, mais à mon avis, il faut d'abord donner une dernière chance aux organismes internationaux afin de voir ce qu'ils peuvent réaliser.

Le premier ministre fait de cette question une priorité. Lors de sa rencontre avec le président de l'Union européenne, c'est d'abord de cela qu'il a discuté. Il en discute d'ailleurs à chaque fois qu'il le peut, et il voit déjà des résultats positifs. Nous allons nous aussi continuer à travailler d'arrache-pied et nous obtiendrons des résultats favorables.

M. Regan: À mes yeux, c'est tout à fait prioritaire. Je consacre d'ailleurs beaucoup de temps à cette question et à la recherche d'une solution efficace. Parmi les possibilités, il y a l'arraisonnement et le harcèlement des navires qui font ce genre de choses et la recherche de tout autre moyen efficace. La question est très troublante, il n'y a aucun doute là- dessus.

Le sénateur Cook: Nous savons tous qu'il a fallu attendre longtemps pour que tout le monde signe la Convention sur le droit de la mer. Monsieur le ministre, les mesures de surveillance que vous avez annoncées à Terre-Neuve sont un autre pas très important. À présent, grâce au plus grand nombre d'appareils servant à effectuer cette surveillance, nous connaissons toute l'ampleur de la surpêche.

Toutefois, sans mesure d'exécution, nous pouvons lancer autant de missions de surveillance que nous voulons, mais absolument rien ne changera. Que nous procédions par voie de consensus ou non, rien ne changera sans mesure d'exécution, et nous ne pouvons pas attendre. Mon île a besoin de cette ressource. Nous ne pouvons attendre aussi longtemps que nous l'avons fait avant de signer la Convention sur le droit de la mer, je m'en excuse, avant de faire quelque chose.

C'est la sixième année que je fais partie de ce comité, et on nous dit que les bancs de fraie se trouvent sur le versant situé à l'extérieur de la limite de 200 milles. J'ignore ce qu'en pensent vos scientifiques, et c'est peut-être d'importance seulement anecdotique, mais c'est ce qu'on nous dit. Quoiqu'il en soit, le temps presse le temps presse. Tout comme vous, je pense que votre programme de surveillance est un excellent premier pas mais, s'il n'est suivi d'aucune mesure d'exécution, il ne donnera pas grand-chose.

M. Regan: Il y a un fait nouveau qui joue en notre faveur, la signature par l'Union européenne de l'Accord des Nations Unies sur les pêches — l'ANUP — qui contient des instruments qui nous sont utiles. Cette entente comporte-t- elle tout ce que nous voulons? Certainement pas. Dans l'idéal, évidemment, ce sont les autorités canadiennes qui administreraient et géreraient cette zone. Toutefois, pour le moment, nous avons obtenu cet accord sur la pêche en haute mer et sa ratification par l'Union européenne. Cela nous permettra de faire des démarches et de prendre des mesures différentes, non seulement par rapport à l'arraisonnement, mais dans le cas où l'état du pavillon ne répondrait pas après 72 heures, car cela nous autorise à arraisonner le navire et à l'amener au port. Nous travaillons d'ailleurs là- dessus.

Il faudra que nous développions ces mesures. J'entends par là qu'il faudra les roder un peu, nous habituer à les utiliser afin de les manier avec plus de fermeté. Tel est notre objectif. Madame le sénateur, je puis vous assurer que je partage tout à fait vos préoccupations. Cette question est tout à fait prioritaire à mes yeux.

Le sénateur Cook: Monsieur le ministre, vous avez certainement dû remarquer mon mécontentement. J'espère simplement que votre ministère lui aussi fera de cette question une priorité absolue. Sinon, il ne restera plus rien là-bas.

M. Regan: Cela m'inquiète énormément.

Le sénateur Cook: Je ne prétends pas comprendre la Loi sur les pêches, qui est très complète. Lorsque vous parlez de légiférer, s'agit-il de l'adoption de nouveaux amendements ou d'une nouvelle législation? Êtes-vous en train de réexaminer les dispositions actuelles de la Loi sur les pêches?

M. Regan: Je parle de la Loi sur les pêches, qui, bien entendu, n'a pas été remaniée en profondeur depuis 1868, ou est-ce plutôt 1869?

M. Bevan: C'est bien 1868.

M. Regan: Il y a bien eu quelques tentatives de révision. L'un de ces projets de loi est mort au Feuilleton en raison de la clôture de la session, une autre fois, il n'a pas été adopté. J'estime qu'il y a de véritables raisons de revoir ce texte de loi en profondeur et d'y apporter des amendements.

Le sénateur Cook: Est-ce à dire alors que la priorité est de réexaminer la Loi sur les pêches actuelle en tenant compte de la technologie et de la pêche modernes?

M. Regan: C'est à peu près ça.

Le président: Évidemment, ils ne réviseront probablement pas l'article 7.

Le sénateur Cochrane: Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir. Je suis également heureux que vous ayez une bonne compréhension du Sénat. Si je ne m'abuse, vous avez autrefois travaillé pour le sénateur Graham.

M. Regan: J'aurais dû le signaler, en effet.

Le sénateur Cochrane: J'aimerais revenir sur la question du sénateur Cook à propos de la stratégie de 17,5 millions de dollars, sur cinq ans, visant à accroître la surveillance des pêches. Je parle évidemment de la côte Est. Cela devrait accroître le temps que les bateaux-patrouilleurs passent en mer de 40 p. 100. On a annoncé en outre 51 millions de dollars pour la surveillance aérienne.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser les actions que vous envisagez à ce sujet?

Vous avez dit que vous amèneriez au port les bateaux qui font de la surpêche. Je pense au bateau espagnol, l'Estai, que l'on a amené au port de St. John's en 1995, si je ne m'abuse; tout cela, c'est à peu près tout ce que nous avons fait. Je crois même savoir que notre gouvernement leur a payé leur prise — leur surpêche.

J'aimerais que vous soyez précis quant au genre d'actions que vous envisagez face à ce problème.

M. Regan: À propos de l'Estai?

Le sénateur Cochrane: Oui je parlais de l'Estai.

M. Regan: Tout d'abord, je vous remercie d'avoir rappelé que j'ai travaillé pour un sénateur; j'aurais dû le dire dès le début. Cela aurait été une bien meilleure introduction à mes propos. J'ai travaillé pour le sénateur Graham qui, malheureusement, quittera le Sénat le mois prochain. Le moment est venu, comme on dit.

Le sénateur Cochrane: En effet.

M. Regan: Il est important de comprendre, comme vous le savez probablement, qu'un des atouts clés de ces patrouilles et de la surveillance aérienne est l'information qu'ils nous donnent. Essentiellement, les munitions qu'ils nous donnent quand nous participons aux réunions de l'OPANO ou à d'autres réunions internationales. Plus nos munitions et nos informations sont bonnes, plus nous pouvons insister. C'est très important.

J'ai dit que l'ANUP nous donnait des outils que nous n'avions pas jusqu'ici. On n'est pas forcément d'accord sur ce que sont ou ne sont pas ces outils mais, à notre avis, ils nous permettent d'arraisonner un bateau. Si nous constatons qu'il y a eu infraction — si l'on pêche malgré un moratoire ou si l'on utilise des engins à petit maillage, et cetera — nous pouvons en aviser l'État du pavillon et lui donner 72 heures pour prendre des mesures. S'il n'en fait rien dans les 72 heures, à notre avis, l'ANUP nous permet d'escorter le bateau jusqu'à un port. Cela nous permet aussi de saisir les prises sans le rembourser selon nous. En ce qui concerne l'Estai, l'affaire est devant les tribunaux, je crois que l'armateur poursuit le gouvernement canadien pour la valeur de ces prises.

C'est essentiellement la façon dont fonctionne le processus et ce sont les outils qu'il nous faut mettre au point. Tout le monde ne semble pas d'accord sur le sens exact des dispositions que nous pensons pouvoir utiliser à ces fins. C'est la raison pour laquelle il est si important d'avoir ces bateaux en mer, d'en avoir plus, pour suivre les bateaux de pêche.

Comme vous le savez peut-être, un bateau-patrouilleur met 24 heures à aller du Sud-Ouest du nez et de la queue de la zone de réglementation de l'OPANO au Nord-Est. C'est une zone énorme, extrêmement difficile à patrouiller.

Est-ce que le sous-ministre ou d'autres fonctionnaires veulent ajouter quelque chose?

M. Larry Murray, sous-ministre, Pêches et Océans Canada: J'ajouterais qu'après l'incident de l'Estai, on a constaté qu'il y avait moins d'abus. Nous avons remarqué que le problème revenait et c'est la raison pour laquelle le ministre a adopté les mesures accrues que M. Murphy et lui ont mentionnées.

Pour vous donner l'idée de ce que cela représente en temps, nous sommes passés d'environ 100 journées de patrouille par an ces dernières années à la possibilité d'avoir au moins un patrouilleur de garde de façon continue sur le nez et la queue. Étant donné les distances que cela représente, nous avons maintenant aussi la capacité, et nous avons l'intention de l'exercer, d'envoyer des bateaux en opération éclair. Après des pourparlers entre le ministre et le ministre de la Défense, il a été entendu que la Défense nous aide dans ces campagnes éclair et que nous ayons plus de temps de navires militaires.

Nous en avons parlé dans le contexte de la réunion de l'OPANO l'année dernière et nous avons effectivement détecté deux violations qui nous ont permis de réaliser de gros progrès quant aux réductions des quotas de flétans du Groenland, et cetera. On peut dire qu'il nous faut une présence là-bas pour monter à bord des bateaux et, comme dit le ministre, obtenir les informations nécessaires. Nous le faisons grâce à la surveillance aérienne et une meilleure couverture des patrouilleurs. Le ministre nous a demandé de réexaminer cela dans le contexte de la zone dont nous discutons.

Nous pensons que ces mesures accrues vont être efficaces mais, comme l'a dit le ministre, nous nous inquiétons de la façon de mettre réellement en oeuvre cette entente et de le faire tout en respectant le droit international.

Le sénateur Cochrane: Vous avez dit, monsieur le ministre, que si l'on trouvait un bateau en dehors des limites autorisées, vous saisiriez les prises.

Je croyais que si l'on constate qu'un bateau va au-delà des limites autorisées et surpêche dans notre zone, les propriétaires seront accusés mais le seront dans leur propre pays. Si quelqu'un est pénalisé dans son pays, je suppose que la peine ne sera pas très sévère. Ne pouvons-nous rien faire? Pouvons-nous porter des accusations? Pouvons-nous confisquer le bateau? Je parle de mesures sévères, car il est peut-être temps que nous en prenions quelques-unes.

M. Regan: Il faut que ce genre de mesures soient légales. Vous avez parlé de bateaux étrangers qui pêchent à l'intérieur de nos limites territoriales, mais je crois que vous vouliez dire à l'extérieur. La seule base légale réside dans le droit international, par exemple, les règlements de l'OPANO et, maintenant, les dispositions de l'ANUP. Quand je parlais de saisir les prises, je disais que nous pensons pouvoir utiliser les dispositions de l'ANUP pour monter à bord d'un navire et voir s'il pêche illégalement dans le contexte du droit international. On commence par donner à l'autre État 72 heures et, s'il ne fait rien, nous pouvons alors escorter le bateau jusqu'à un port. Il ne fait aucun doute que l'État étranger peut dire qu'il rappellera le bateau dans son pays d'origine. Maintenant, est-ce que nous pouvons faire confiance à l'État en question pour prendre des mesures efficaces? Je reconnais que nous faisons plus confiance à certains États qu'à d'autres.

Le sénateur Cochrane: De votre point de vue, quel genre de pressions diplomatiques et économiques le Canada peut- il et doit-il exercer?

M. Regan: Il est important pour nous de faire tout ce que nous pouvons. C'est la raison pour laquelle le premier ministre a soulevé la question avec le président de l'Union européenne. C'est pourquoi le ministre Graham, le ministre des Affaires étrangères, l'a également soulevée avec les ministres des pays de l'UE. Nous estimons que c'est une question très importante qui nécessite des pressions considérables.

Je n'ai pas entendu parler de guerre commerciale à ce sujet et je ne pense pas que ce soit ce que nous voulions. Nous voulons en saisir diplomatiquement nos homologues d'autres pays et présenter des arguments très solides et réels, fondés sur des informations également solides que nous fournissent nos patrouilleurs, afin d'obtenir des mesures plus efficaces et des règles internationales et un droit international qui nous permettent de régler ce problème. Ce n'est pas simplement un problème dans la zone du nez et de la queue des grands bancs et du bonnet flamand; c'est également un problème dans d'autres eaux internationales.

Je demanderais à M. Bevan de parler de ce problème dans d'autres eaux internationales. Vous allez probablement trouver cela intéressant.

M. Bevan: Ce n'est pas simplement un problème dans la zone de réglementation de l'OPANO. Dans le monde entier, avec les techniques nouvelles de pêche, un certain nombre de ressources naturelles sont maintenant disponibles. Il y a une technologie que l'on n'avait pas prévue quand on a adopté l'UNCLOS. La liberté entre mers permet à certains de ces navires de commencer à chercher de l'hoplostète orange sur des monts sous-marins en dehors des limites des 200 miles. Ces bateaux viennent d'États-pavillons. Ils sont donc identifiés. Toutefois, ces pays ne prennent pas les mesures voulues pour les contrôler. Dans certains cas, on n'a pas établi de quotas. Ils vont d'un mont sous-marin à un autre et prennent les espèces commerciales comme l'hoplostète orange, le hoki et d'autres dans l'hémisphère sud. Ils épuisent les vieux stocks de poissons qui semblent particuliers à un lieu donné. Ils vont de l'un à l'autre et les éliminent, et le font assez rapidement.

C'est un problème que surveillent de très près les ONG comme le Fonds mondial pour la nature, et cetera. Ils s'inquiètent que le droit international actuel laisse aux États-pavillons le contrôle de leurs bateaux parce que si ceux-ci ne veulent pas s'en occuper, il n'y a pas de contrôle. En outre, les organes internationaux sont quelques fois lents à réagir. L'OPANO est en fait plus rapide que bien d'autres où il n'y a aucun contrôle.

Par exemple, il y a toute une série de monts sous-marins dans l'océan Indien, mais aucun organe international ne s'occupe de leur gestion. Aussi, ce sont les bateaux et leurs états qui décident d'aller ou non pêcher. Cela a commencé par quelques bateaux venant d'Australie et de Nouvelle-Zélande, mais il y en a maintenant 40 et cela a encore mal fini lorsque les stocks ont été totalement épuisés.

C'est le genre de situation que nous constatons dans diverses régions du monde. Cela a été signalé non seulement au gouvernement mais également à des groupes qui s'inquiètent du problème. J'ai ici un document de la FAO sur la pêche illicite, non autorisée et non déclarées qui précise les responsabilités des États-pavillons, mais ce sont aux intéressés de contrôler ces activités de pêche internationale en haute mer. Il est difficile d'empêcher les entreprises et les pêcheurs de faire de gros bénéfices avec les instruments que nous avons actuellement.

En fait, avec l'ANUP, l'OPANO, et cetera, nous avons plus d'outils qu'en ont d'autres pays pour préserver les écosystèmes à l'extérieur de leurs zones de 200 miles.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire parlementaire, je vous souhaite la bienvenue. Je répète ce que vous nous avez dit dans votre énoncé au début: «J'ai également annoncé la stabilisation des arrangements de partage existant concernant 29 plans de pêche sur la côte est pour l'année 2004. Cette décision s'inscrit dans notre volonté d'élaborer un régime d'accès et l'allocation stable.»

J'aimerais que vous m'expliquiez le transfert effectué dans la pêche du crabe des neiges. Comment pourrais-je expliquer ce transfert, en termes simples, aux pêcheurs du Nouveau-Brunswick, sans représailles de leur part? Prenez votre temps, car j'aimerais comprendre.

M. Regan: Comme vous le savez, la décision prise l'an dernier concernant le crabe était la première de ce genre en ce qui a trait à une allocation de crabes aux pêcheurs côtiers. L'un des buts de cette décision était la conservation du homard. Il restait toutefois un grand problème concernant la conservation du homard dans la zone ZPAH25, tel que l'Union des pêcheurs des Maritimes l'a souligné. Il a donc fallu prendre les mesures nécessaires afin de régler ce problème qui touche non seulement les pêcheurs du Nouveau-Brunswick mais également de l'Île-du-Prince-Édouard.

Les changements d'allocations pour le crabe ont été faits afin d'apporter des mesures de conservation, telles le rachat de permis. Comme vous le savez, l'Union des pêcheurs des Maritimes a accepté l'an dernier ces rachats de permis, même si cette mesure ne sera pas en vigueur avant l'an prochain. Le PEIFA a accepté de faire des rachats. Environ 70 p. 100 de l'augmentation du quota de crabes cette année sera utilisée pour acheter des permis.

Lorsque j'ai fait l'annonce concernant l'allocation de crabes pour les pêcheurs côtiers, j'ai demandé à l'Union des pêcheurs des Maritimes et au PEIFA de tenter d'en arriver à une entente sur d'autres mesures de conservation du homard. C'est ce qu'ils ont fait. Ils ont conclu un accord comportant six mesures. Toutefois, certains points sont demeurés irrésolus. J'ai donc pris une décision concernant les autres mesures annoncées vendredi dernier.

Voilà donc les mesures de conservation du homard pour cette zone où il existe de grands problèmes et où le homard est en déclin.

Le sénateur Robichaud: Je suis bien au courant de la situation du homard; nous la retrouvons sur la côte du Nouveau-Brunswick.

L'UPM réclame depuis longtemps des mesures visant la protection des ressources, le mécanisme d'échappement, l'augmentation de la carapace, la diminution de l'entrée dans les cages et même la taille des cages.

Je ne comprends toujours pas pour quelle raison les pêcheurs du Nouveau-Brunswick doivent, pour mettre en place des mesures de conservation, compte tenu de la situation des pêches dans notre région, en plus de subir le choc de la diminution des prises, attribuer une partie de leur contingent de crabes des neiges pour arranger des pêcheurs d'une autre région.

Je crois que c'est le monde à l'envers. Je suis tout à fait préoccupé, à moins que vous pouviez nous rassurer qu'un autre quota et que des mesures de conservation seront mis en place pour permettre aux pêcheurs du Nouveau- Brunswick de survivre à cette crise.

Si je tentais d'offrir ces explications aux pêcheurs sur un quai, je risquerais de m'exposer à leurs représailles.

M. Regan: Le fait est que la pêche est difficile non seulement sur la côte du Nouveau-Brunswick mais également de l'Île-du-Prince-Édouard.

Il est nécessaire de comprendre que l'augmentation de crabes cette année pour le Nouveau-Brunswick équivaut presque au montant total de l'allocation de l'Île-du-Prince-Édouard.

La part du Nouveau-Brunswick est grande, ce qui est très bien. Toutefois, même avec les changements, la partie des allocations de l'Île-du-Prince-Édouard est beaucoup moins grande que celle du Nouveau-Brunswick. L'augmentation pour le Nouveau-Brunswick représente près du total de l'allocation pour l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Robichaud: Il existe toujours des différences dans les allocations de contingent. Il en découle des parts historiques.

Je vous lis un communiqué de presse de la part du ministre de l'Agriculture, des Pêches et de l'Aquaculture du Nouveau-Brunswick. Ce communiqué indique une nette diminution du crabe des neiges au Nouveau-Brunswick, ce qui représente une perte considérable de revenus et une baisse d'emplois dans les usines — il s'agit d'emplois saisonniers.

Vous êtes en train de me dire que le ministre a tort et qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter?

M. Regan: La valeur monétaire pour le Nouveau-Brunswick de l'augmentation de cette année est de l'ordre de 30 millions de dollars. Il s'agit d'une augmentation assez importante.

Vous avez mentionné les parts historiques. L'histoire ne concernait pas les pêcheurs côtiers mais semi-hauturiers.

J'ai pris la décision cette année de mettre en place des mesures. Ces mesures ont beaucoup aidé. Comme j'ai l'ai indiqué, l'augmentation de 70 p. 100 pour l'Île-du-Prince-Édouard sera utilisée pour acheter des permis des pêcheurs. À mon avis, cette démarche est très importante. Cependant, je comprends et respecte le fait que vous ne soyez pas d'accord.

Le sénateur Robichaud: Je ne nie pas qu'il existe un problème de part et d'autre en ce qui a trait à la question du homard.

Toutefois, êtes-vous en train de me dire qu'il n'y a pas eu de transfert de quota du crabe des neiges enlevé au Nouveau-Brunswick et donné à une autre région?

M. Regan: Non. J'ai dit que le quota global a beaucoup augmenté cette année. Le quota du Nouveau-Brunswick, autrement dit le nombre de tonnes, a beaucoup augmenté également. L'augmentation au Nouveau-Brunswick se situe à près de 418 tonnes. L'allocation totale de l'Île-du-Prince-Edouard fut de 496 tonnes.

Le sénateur Robichaud: L'allocation que vous déterminez à chaque année dépend de la masse estimée de crabe des neiges, n'est-ce pas?

M. Regan: Oui. Je comprends ce que vous dites.

Le sénateur Robichaud: Vous ne niez pas le fait qu'il n'y a pas eu de transfert?

M. Regan: Non, je ne le nie pas.

Le sénateur Robichaud: Alors en réalité vous me dites oui?

M. Regan: Oui.

Le sénateur Robichaud: Je ne pense pas aller visiter les quais cet été.

[Traduction]

Le sénateur Adams: Merci, monsieur le ministre, d'avoir parlé de l'économie de la pêche au Nunavut. Il y a trois ans que la BFC a été mise sur pied pour s'occuper de la pêche commerciale au Nunavut conformément au protocole d'entente entre le Nunavut et le gouvernement canadien mais, jusqu'ici, les résultats ne sont pas très brillants.

Je sais que vous connaissez les pêches, monsieur le ministre, puisque vous venez de Halifax. Le Nunavut n'est pas tellement différent de Terre-Neuve puisque l'un et l'autre dépendent de la pêche pour leur revenu. Toutefois, je ne trouve pas très normal qu'il y ait un bureau des opérations de la Baffin Fisheries Coalition à St. John's, à Terre-Neuve, alors que cette coalition appartient à 100 p. 100 à des Inuits. Elle compte 11 administrateurs, dont un seul vient de Terre-Neuve. Il est directeur général et il contrôle une autre entreprise, et il semble que ses obligations l'aient empêché de venir au Nunavut depuis trois ans.

D'après ce que je sais, ces trois dernières années, la zone 0B a été attribuée aux pèches du Nunavut pour permettre à la population locale de pêcher le quota. La zone 0A a été retravaillée par votre ministère au cours des trois dernières années et le quota était de 4 000 tonnes métriques pour chacune des trois dernières années, soit un total de 12 000 tonnes métriques. Le quota pour la crevette dans la zone 0B était de quelque chose comme 2 500 tonnes métriques par an.

À l'origine, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut s'occupait de la pêche au Nunavut et cette organisation était surveillée par le MPO. Le quota, pour trois ans, était de 12 000 tonnes métriques. Maintenant, la Baffin Fisheries Coalition est responsable de cette pêche.

Nous contestons la façon dont a été organisée la BFC et je sais que c'était à titre expérimental, mais maintenant, d'après elle, ce n'est plus expérimental.

Au cours des deux dernières années, certaines localités du Nunavut ont demandé, et espéré obtenir, une part des quotas, mais il ne leur en a pas été donné une livre de la zone 0A.

Le président de notre comité a fait rapport au Sénat la semaine dernière — un excellent rapport — pour dire que l'année dernière, le Nunavut n'avait tiré que 9 millions de dollars de la pêche alors que le sud et d'autres pays en avaient tiré 90 millions.

Vous savez probablement que ces deux dernières années, on a fait une étude sur la possibilité de faire de la pêche commerciale dans les localités, mais ni votre ministère, ni le gouvernement du Nunavut n'a pris aucune mesure dans ce sens.

Il y a trois ans, certaines localités avaient obtenu une petite partie du quota auprès du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Je ne comprends pas pourquoi les localités du Nunavut n'ont pas le même accès aux quotas que les villes et les localités de Terre-Neuve, de la Colombie-Britannique ou de la Nouvelle-Écosse. L'organisation contrôle tout mais seulement jusqu'à la limite de 12 milles.

Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre: en accordant des quotas au Nunavut, pourquoi n'a-t-on attribué aux localités du Nunavut aucune livre de poisson de la zone 0A?

M. Regan: Sachez bien, tout d'abord, que le ministère tient à aider le Nunavut à se doter d'une pêche commerciale et à faire en sorte que tous les aspects des accords sur les revendications territoriales soient honorés.

Je crois que c'est M. Bevan qui serait le mieux placé pour répondre au détail de votre question touchant la BFC.

M. Bevan: Comme vous le savez, nous sommes liés par l'accord sur la revendication territoriale et cela signifie que le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut reçoit les quotas et nous avons, collectivement, à essayer de voir comment traduire ces quotas en avantages pour les localités d'une autre façon qu'en redevances pendant que quelqu'un d'autre pêche le poisson. C'est le défi qui se présente actuellement. Le quota de poissons va au conseil et le conseil le répartit entre ceux qui ont la capacité de pêcher et d'obtenir le meilleur rendement. Il se trouve que ce sont ceux qui ont l'actif et les pêcheurs expérimentés. Cela ne veut pas dire que cela rapporte le maximum à la population locale. C'est le défi dont il était question dans votre rapport.

Certaines suggestions devront être examinées, mais elles devront l'être en consultation avec le gouvernement du Nunavut et le Conseil de gestion des ressources faunique du Nunavut, puisque nous sommes obligés de suivre le processus indiqué dans l'accord sur la revendication territoriale. C'est le genre de contraintes que nous avons lorsque nous essayons de parvenir à une situation qui permettra à la population locale de bénéficier davantage de cette pêche.

Le sénateur Adams: Aucune partie du quota n'est allée ces trois dernières années à la population locale et je crois savoir que la BFC a fait des demandes au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut et au MPO mais, actuellement, la politique est que les quotas ne sont attribués au Nunavut qu'une fois par an.

M. Bevan: Aux termes de la Loi actuelle sur les pêches, c'est exact. Les permis sont bons pour un an. Même s'il s'agit d'un plan pluriannuel, il faut renouveler les permis. Il faut les renouveler et les rétablir afin que nous n'ayons pas des quotas multiannuels ou des formules de partages juridiquement immuables.

Le sénateur Adams: D'après ce que me dit la BFC, d'ici au moins prochain, elle va demander une garantie de 11 ans pour ses 4 000 tonnes métriques. La BFC achète des bateaux et en loue à 8 000 $ la journée pendant 100 jours et veut donc avoir une garantie de quotas pour 11 ans.

En attendant, nous n'avons aucune idée du pourcentage d'Inuits qui seront employés sur ces bateaux de pêche commerciale. La seule façon pour les localités du Nunavut de survivre est d'avoir leur propre bateau de pêche. Quelqu'un d'une autre région du Canada m'a dit que les Inuits ne veulent pas travailler sur un bateau plus d'une semaine. Au début, des gens qui n'étaient pas Nunavummiut ont dit qu'ils voulaient acheter des bateaux, mais ils voulaient s'assurer que les Inuits ne seraient pas employés sur ces bateaux parce qu'ils croyaient que les Inuits ne voulaient travailler qu'une semaine à la fois.

Je ne vois pas en quoi cela pourrait avantager la population du Nunavut. À l'heure actuelle, il y a une personne qui prend les décisions sur la pêche sans informer la population locale. C'est la raison pour laquelle je vous supplie de garantir pendant 11 ans que les étrangers avec de gros bateaux ne viennent pas pêcher dans nos eaux. Je représente la population éparpillée du Nunavut.

J'ai une lettre du MPO au sujet de la demande de quota de la population. Je n'ai jamais reçu de réponse du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut ni de la BFC, à Terre-Neuve. Je n'aime pas la façon dont les quotas dans la zone 0A sont contrôlés. Quatre-vingt-dix millions de dollars par an, cela pourrait créer beaucoup d'emplois pour les 25 localités du Nunavut, entre les redevances et les gens qui vont pêcher eux-mêmes. Les entreprises dans ces localités sont comme les entreprises à Terre-Neuve — elles veulent travailler et permettre à la population de gagner sa vie. Toutefois, la façon dont fonctionne le système empêche actuellement la population du Nunavut de travailler.

M. Bevan: Aux termes de la Loi sur les pêches, nous ne pouvons attribuer de quotas pour 11 ans. Le ministre ne peut conclure une entente mixte pour plus d'une période donnée et cela est à la discrétion absolue du ministre. Je ne sais pas d'où vient cette idée de 11 ans mais si c'est quelque chose que le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut est prêt à garantir, c'est peut-être qu'il ne s'inquiète pas des contraintes qui s'imposent au MPO.

L'autre problème est qu'il s'agit de ressources cycliques, si bien qu'une garantie de 4 000 tonnes métriques ne peut pas être donnée avec certitude parce qu'il faut considérer les priorités de la conservation. Cela veut dire qu'il est possible qu'il n'y ait pas de poissons. Je comprends votre point de vue sur le conseil, sur le fait que c'est le conseil qui attribue les quotas et sur la pêche pratiquée par des gens qui ne viennent pas de ces localités. Je comprends que c'est assez frustrant. Un certain nombre de suggestions ont été faites dans le rapport du comité et elles devront être examinées par le gouvernement du Nunavut, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut et le MPO.

Le sénateur Adams: J'ai encore une question à propos de la BFC et de la Nunavut Hunters and Trappers Association. Depuis environ un mois, il n'y a plus qu'une localité qui soit membre de la BFC. Les autres ont abandonné. Je ne comprends pas comment la BFC puisse toujours exister et demander 11 ans de quotas quand elle n'a plus de membres parmi la population qu'elle doit servir.

M. Regan: Monsieur le président, j'aimerais poser une question. S'agit-il là d'un problème de développement économique? En d'autres termes, des mécanismes de développement économique permettraient-ils au Nunavut d'acheter un bateau ou des bateaux pour faire ce genre de pêche?

Le sénateur Adams: Ces gens-là sont d'accord, mais certains membres de la collectivité s'y opposent parce qu'ils veulent de plus petits bateaux, de moins de 65 pieds. L'automne dernier, ils se sont adressés à ce comité et ont dit qu'il était difficile de pêcher. Ils nous ont dit que des bateaux étrangers pêchent à 20 milles au large de la communauté. C'est pourquoi tout cela me préoccupe.

M. Regan: Nous étudions actuellement le rapport sur le Nunavut et aux dernières nouvelles on nous avait dit que le Sénat lui-aussi étudiait ce document. Je peux certainement me pencher sur ce problème. Le comité a certainement voix au chapitre lorsque nous étudions ces questions si importantes.

Le sénateur Hubley: J'aimerais souligner l'importance du problème dont a fait état le sénateur Adams. Depuis que je fais partie du comité des Pêches, je n'ai jamais entendu de témoignages aussi prenants et convaincants d'un groupe de gens qui, même s'ils vivent très proches de la ressource ou dans une région adjacente à cette dernière, ne peuvent même pas gagner leur vie à exploiter cette ressource.

Lorsque nous parlons de la pêche, nous devons également penser aux collectivités et aux gens qui vivent de cette industrie. D'après les représentants du Nunavut qu'a entendu notre comité, cela n'a pas été fait. Il y a donc une lacune. Nous avons longuement discuté avec eux des changements qu'ils voudraient voir. À ce jour, aucune ressource financière n'a été offerte, par qui que ce soit, pour des travaux d'infrastructure. On a discuté de la façon dont on a géré la ressource, soit par l'entremise de redevances ou grâce à d'autres mécanismes, et de la façon dont l'argent a été distribué. Très peu d'argent, s'il en est, a été réinvesti dans les collectivités, alors que ces dernières devraient vraiment profiter des revenus associés à l'exploitation de ces ressources halieutiques.

Les résidents du Nunavut sont des marins parce qu'ils vivent à côté de l'océan; c'est leur mode de vie, mais ils sont bien différents des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple. Ils ont des choses en commun avec ces pêcheurs, mais certains aspects de leur vie sont uniques. Je crois que le gouvernement doit le reconnaître dans tous les programmes qui visent cette région du pays. Il existe un besoin et une différence marquée. Comme l'a signalé le sénateur Adams, ils ont dit que des petites flottilles de pêche et de petits quais peuvent être administrés par la communauté de façon viable. Je crois que c'est là le défi que vous devez relever, monsieur le ministre. Nous devons revoir les structures que nous avons prévues, des structures qui devraient fonctionner, pour identifier si elles fonctionnent vraiment. Dans le cas qui nous occupe, il existe un grave besoin.

Le président: Monsieur le ministre, vous avez signalé lors de votre présentation qu'à l'occasion, en ce qui a trait au cadre politique, il faut apporter certaines modifications juridiques. Vous avez cité, comme exemple, l'arrêt Marshall. J'aimerais vous parler de la deuxième décision dans l'affaire Marshall, lorsque la Cour suprême du Canada a dit qu'une participation et une dépendance historiques dans l'exploitation d'une espèce particulière devraient entrer en ligne de compte. Les juges de la Cour suprême disaient en fait que ces collectivités avaient dépendu par le passé de la pêche et que le ministère et le ministre devaient tenir compte de ce fait dans toutes décisions.

Voici ce qu'on dit dans cette décision:

La demande de la Coalition repose sur une méprise quant à la portée de l'opinion majoritaire de la Cour [...]

La West Nova Fishermen's Coalition avait demandé à la Cour suprême de revoir cette question. Les juges ont répondu non. Ainsi ces derniers ont jugé que cette demande était fondée sur une méprise de l'opinion majoritaire de la Cour.

La deuxième citation en dit long.

Les questions qui préoccupent la Coalition concernent en grande partie la pêche au homard et non la pêche à l'anguille et, s'il y a lieu, ces questions pourraient être soulevées et tranchées dans de futures affaires mettant en cause les particularités de la pêche au homard.

La Cour suprême a indiqué clairement que l'arrêt Marshall touchait la pêche à l'anguille et non pas au homard. En fait, les juges l'ont répété à plusieurs reprises dans leur décision.

Quant à la dépendance historique, le gouvernement a interprété cette notion comme suit: les détenteurs de permis sont ceux qui sont touchés par l'achat et le transfert de permis aux Autochtones. Ainsi, d'après le ministère, si ces derniers achètent un permis d'un pêcheur et qu'ils paient ce pêcheur peu importe la valeur marchande de ce permis, l'affaire est finie. L'impact sur les membres d'équipage n'entre pas du tout en ligne de compte; l'impact sur la communauté non plus, ni sur les acheteurs, les vendeurs et les membres de la collectivité qui dépendent de ces permis. Tout cela ne compte pas.

Le ministère a acheté des permis et les a transférés aux Autochtones, ce qui a fait augmenter les prix. Je ne pense pas raconter ce qui devait être tu, les prix ont simplement augmenté. Clairement, si le gouvernement du Canada était prêt à offrir beaucoup d'argent, les prix allaient augmenter. Les prix ont tellement augmenté que ceux qui avaient toujours rêvé de s'acheter un bateau et un permis et de pouvoir aller pêcher comme leurs oncles, leurs grands-pères ou leurs pères ne pouvaient plus se permettre de le faire. Ce rêve est en fait devenu un cauchemar. Les prix ont augmenté à un niveau qu'ils ne pouvaient se permettre de payer. C'était la fin des transferts intergénérationnels.

Puis ceux qui avaient le plus d'argent, vraiment beaucoup d'argent, achetaient et accumulaient des permis. L'impact sur les collectivités côtières où le gouvernement est intervenu a été important, à mon avis, contrairement à ce que disait la Cour suprême dans cet arrêt quand elle a signalé que c'était l'impact de la décision du gouvernement qui était à l'origine des problèmes que vivent ces collectivités.

Aucun fonctionnaire ou ministre n'a encore reconnu l'impact que tout cela a eu sur les collectivités. En d'autres termes, les communautés ne sont pas du tout entrées en ligne de compte dans toute cette affaire. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces commentaires monsieur le ministre. Pourquoi les communautés ont-elles été écartées de la consultation, et le sont toujours aujourd'hui, au moment même où l'on cherche à donner suite à cette interprétation de l'arrêt Marshall?

M. Regan: Vous avez soulevé plusieurs questions qui m'amènent à me demander si j'aurais dû en fait mentionner l'affaire Marshall.

Le président: Non, vous n'auriez pas dû mentionner cette affaire.

M. Regan: De toute façon, il s'agit là d'un arrêt important. Il a certainement eu un impact sur le travail de mon ministère au cours des dernières années, il a fallu essayer d'équilibrer les choses. Évidemment, les arrêts de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Marshall présentent certains défis, mais ils ont également permis d'améliorer certaines choses. Par exemple, il y a eu le programme de mentorat dans le cadre duquel des pêcheurs non autochtones assurent la formation de pêcheurs autochtones. Je m'écarte un peu du sujet cependant.

Le président: J'ai lu votre mise à jour l'autre jour. Vous avez soulevé des questions extrêmement importantes dans ce document, mais j'aimerais m'attarder tout particulièrement aujourd'hui aux collectivités. Quelqu'un avait dit lorsque l'arrêt Marshall a été rendu public qu'il y aurait transfert d'emplois d'un groupe de cols bleus à un autre. C'est justement ce qui s'est produit, mais le groupe de cols bleus qui a perdu ses emplois a simplement été oublié. De bonnes choses se sont produites pour les collectivités autochtones qui historiquement n'avaient pas participé à la pêche du homard, mais certains ont été les grands perdants.

M. Regan: Je voudrais étudier les détails de cette décision. Vous avez cité un extrait où l'on expliquait le rejet de la demande en disant que cette dernière reposait sur une méprise quant à la portée des questions étudiées où on a signalé que cette demande portait principalement sur la pêche au homard, mais je ne crois pas que ces commentaires peuvent être interprétés comme excluant le homard des espèces auxquelles ont droit les pêcheurs autochtones. Cela me semble très clair.

Le président: Lisez l'arrêt.

M. Regan: Si j'ai bien compris, l'interprétation est que ce n'est pas exactement ce que les juges disaient, mais je devrais étudier toute cette histoire en détail. J'avais cru comprendre que les pêcheurs autochtones avaient le droit de pêcher diverses espèces, y compris le homard.

De toute façon, qu'il s'agisse du homard ou pas, la Cour suprême s'était prononcée à l'égard du droit de pêcher, et on avait parlé non seulement de pêche mais de pêche gérée. Il faut qu'on s'entende sur la question. Il importait que le ministère des Pêches et des Océans rencontre les Premières nations pour s'entendre sur la question dans le cadre d'une stratégie globale de gestion des pêches. Vous reconnaîtrez sans doute que c'est très important.

Comme vous le savez le ministère discute actuellement avec les groupes de pêcheurs de toutes les régions — la vôtre et la mienne en Nouvelle-Écosse ou dans le Canada atlantique et ailleurs au pays — de façon continue et abordent diverses questions. Il y a beaucoup d'interventions des pêcheurs à cet égard et à d'autres égards. Pour ce qui est de votre question sur les aspects juridiques, peut-être certains sont mieux en mesure de répondre à votre question.

Le président: J'aimerais qu'on continue à parler du principe. Supposons, pour l'instant, que ce qu'on vous a dit est l'interprétation appropriée et que la Cour suprême parlait également du homard.

M. Regan: Même si ce n'était pas le cas, il faut trouver une façon de régler le problème général.

Le président: C'est exact et les tribunaux ont recommandé que des décisions soient prises à la suite de la consultation des groupes touchés. De toute façon, le groupe qui a complètement été ignoré dans tout ce processus — et j'entends depuis 1999 — est celui des communautés côtières qui ont été touchées par cet arrêt. Chaque fois qu'un permis a été acheté — évidemment, quelqu'un a reçu beaucoup d'argent — la communauté a perdu ce permis. La Cour suprême a précisé dans son arrêt qu'il fallait tenir compte de l'impact sur les collectivités. Cependant cela n'a pas été fait.

M. Regan: Je désire vous signaler que je suis au courant du problème. Comme vous le savez, la communauté de Sambro se trouve dans ma circonscription d'Halifax-Ouest. Il y a une usine de transformation du poisson qui a été touchée par cette affaire. Elle n'a plus la même quantité de poissons à transformer que par le passé simplement raison de ce transfert de permis.

M. Bevan veut nous donner plus de renseignements sur la question, si vous le permettez. Vous serez peut-être intéressé d'entendre ses commentaires sur la toile de fond juridique et d'autres aspects de la question.

M. Bevan: Nous avons clairement eu à relever un défi de taille en 1999. Vous vous souviendrez que nous essayions à l'époque de préparer une réponse à l'arrêt de la Cour suprême tout en essayant de composer avec ce qui se passait sur l'eau. Nous avons reçu une précision de la Cour suprême, ce qui nous a donné certaines lignes directrices, mais il fallait également composer avec la réalité. En réponse à l'arrêt Marshall, Nous savions que nous pouvions mettre à contribution tous les Canadiens en finançant à même les deniers publics et en lançant une méthode de rachat des entreprises. Sachant pertinemment que nous allions prendre des mesures qui toucheraient les communautés et les équipages, nous savions qu'il n'était pas possible de faire tout pour tous. Nous savions pertinemment que certains groupes et certaines régions seraient touchés.

Comment administrer un programme qui viserait les membres d'équipage qui n'ont plus d'emploi et qui connaissent un taux de roulement assez élevé de toute façon? Quel est l'impact économique pour une communauté qui perd un permis? J'en passe. Il est très difficile de quantifier ces choses. Nous nous attendions, et c'est ce qui s'est produit, à ce qu'il y ait peu de transferts, sauf qu'il y a eu des concentrations marquées dans certaines régions. Ces concentrations n'ont fait qu'empirer la situation, mais dans l'ensemble, par exemple, dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, il n'y a pas vraiment eu beaucoup de transferts d'une communauté à une autre.

Le président: Je n'essaye pas en passant de défendre uniquement les gens de chez nous.

M. Regan: Vous soulevez seulement ce problème.

M. Bevan: Cependant, dans certaines régions, il y a eu un plus grand nombre de transferts et l'adaptation a été plus difficile. Nous avons dans ces circonstances recruté des gens qui travaillent auprès des collectivités, c'est-à-dire les Première nations, les pêcheurs commerciaux et les communautés côtières. Ils essaient de trouver des façons d'atténuer les impacts, entre autres choses.

Le président: Je suis conscient de tous les problèmes auxquels vous avez été confrontés, et je les ai vécus moi-même puisque je rentrais chez-moi ces week-ends.

Ce que j'essayais de dire — et je veux qu'on me comprenne bien — est ceci: pourquoi les collectivités ont-elles été ignorées ou n'ont-elles simplement pas eu voix au chapitre à partir de ce moment-là? Tous les rapports que j'ai lus signalaient que les Autochtones rencontraient les détenteurs de permis et rencontraient les provinces. On n'a jamais mentionné l'impact sur les communautés touchées. Je me souviens que vous aviez recruté M. Thériault du Nouveau- Brunswick, mais il représentait le gouvernement. Il a été recruté par le gouvernement et payé par ce dernier — pour parler au nom des communautés. On ne peut pas faire les choses de cette façon.

Si elles ont un représentant, il doit s'agir d'un représentant qu'elles ont choisi, et non pas de quelqu'un que vous recrutez et payez.

M. Bevan: Nous avons également embauché d'autres personnes visant à faciliter ce dialogue entre les communautés, vous vous souviendrez.

En fait, on s'attendait qu'un nombre relativement petit de permis soit transféré, ce qui a été le cas à quelques exceptions près. On pensait également qu'en transférant ou en rachetant des permis, les gens ne quitteraient pas les communautés et y resteraient. Cette richesse qui a été assurée au lieu du permis...

Le président: C'était votre décision. Avez-vous demandé aux communautés ce qu'elles pensaient de ces décisions, et de ces choses dont vous parlez? Leur avez-vous demandé si les mesures prises atténuaient vraiment le problème? Non. Elles ont simplement été ignorées.

M. Bevan: C'est exact. Ce programme à dû être mis sur pied à l'automne 1999...

Le président: Avec le recul, vous essayez de justifier les décisions que vous avez prises. Moi aussi, j'ai à plusieurs reprises essayé de manipuler les médias. Vous pouvez faire toute la propagande du monde, rien ne fera disparaître le fait que vous n'avez pas du tout tenu compte de ces communautés côtières qui ont été écartées du processus et qui le sont toujours aujourd'hui.

Je vous invite encore, monsieur le ministre, monsieur Bevan, à relire l'avis supplémentaire de l'arrêt Marshall pour voir exactement ce qu'on y dit.

M. Regan: Merci, monsieur le président.

Le président: À la page 22 du cadre stratégique de gestion on dit, à l'égard de la gestion des pêches sur la côte Est:

[...] éviter la concentration excessive des permis et préserver et favoriser un secteur diversifié d'entreprises côtières viables dirigées par des pêcheurs professionnels, titulaires de plusieurs permis et pêchant plusieurs espèces.

Qu'entend-on exactement par «excessive»?

M. Regan: Je pourrais vous poser la même question, monsieur le président. Je crois que nous savons tous deux qu'il s'agirait-là d'une définition bien subjective qui varierait selon l'intervenant. Je crois que les communautés ont une idée bien arrêtée là-dessus. Nous nous préoccupons tous les deux, vous et moi, venant de la Nouvelle-Écosse, de la concentration. D'autres s'inquiètent du coût des permis. Divers facteurs ont entraîné l'augmentation des coûts des permis. J'ai déjà mentionné certains de ces facteurs. Cependant, il y a d'autres choses qui entrent en ligne de compte. Nous savons qu'il ne faut pas oublier les choses comme les accords de fiducie.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette question et ce que serait la solution à votre avis. Nous avons proposé un programme qui en est à la première étape, et il importe que nous consultions les gens pour dire «Que devrions-nous faire maintenant?» Cela représente tout compte fait l'ensemble des opinions des gens de la région atlantique. Il faut donc se demander ce que nous devons faire dorénavant, tout particulièrement en Nouvelle-Écosse, où la pêche est une industrie différente. Dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, par exemple, la pêche est différente et il y a plusieurs problèmes; il y a plusieurs opinions divergentes sur la question, peut-être plus qu'ailleurs. Que faire maintenant? Comment composer avec ce problème sans créer ce que les communautés pourraient percevoir comme une concentration excessive? C'est la survie des communautés côtières qui est en jeu.

Vous avez parlé des difficultés que le jugement Marshall et le rachat de permis de pêche ont entraînées pour les collectivités côtières. C'est vrai, mais vous conviendrez aussi que ces mêmes villages auront des problèmes si ce sont des sociétés qui achètent des permis ou les réunissent. À mes yeux, la question à se poser est la suivante: comment pouvons- nous aller de l'avant sans créer de bouleversement dans l'industrie, surtout dans votre région?

Le président: Assurément. J'ai consulté votre bibliographie pour voir de quels documents vous vous êtes inspiré. Le rapport du groupe de travail Kirby de 1982 en fait partie. À mon avis, cependant, il y avait aussi une autre excellente source à consulter, à savoir le rapport du Comité sénatorial permanent des pêches de 1998, intitulé Privatisation et permis à quotas dans les pêches canadiennes.

M. Regan: Je n'en doute pas.

Le président: Vous venez d'entendre un message publicitaire politique.

M. Regan: C'est vrai.

Le président: Nous allons relever votre défi, monsieur le ministre, et allons certainement vous donner notre avis à l'avenir.

De combien de temps disposez-vous encore, monsieur le ministre? Je n'ignore pas que votre journée a été longue.

M. Regan: Vous êtes bien aimable, mais je suis à votre disposition jusqu'à 21 heures.

Le sénateur Cook: Bien. J'aurai besoin de tout ce temps pour parler du prochain sujet.

J'aimerais aborder la question de la morue du Nord et à cette fin vous évoquer un de mes plus anciens souvenirs d'enfance. Je vivais dans un petit port de pêche, où il n'y avait pas une seule route, seulement de l'eau. Je me souviens d'avoir couru vers les quais afin de voir d'étranges navires. Quand j'ai grandi, j'ai compris que ces embarcations aussi bizarres étaient des chalutiers sans poupe — ce qui me persuadait qu'ils allaient couler — et équipés de filets surdimensionnés. Je me souviens très clairement de ce que mon père a dit un jour à l'un des pêcheurs sur ces mêmes quais: «Un jour, il ne restera plus rien à pêcher parce que le filet que vous avez ici aura arraché tout ce qui se trouve au fond». Je me rends compte que j'assistais alors à la fin de la pêche sur les bancs au moyen de simples lignes et crochets et à l'arrivée des chalutiers à palangre.

Revenons à notre époque. Le moratoire sur la pêche à la morue a été déclaré en 1992. On a offert toutes sortes de raisons pour expliquer la diminution des stocks de morues, la surpêche, tant celle de nos pêcheurs que celles des flottilles étrangères, le refroidissement de l'eau, les phoques, — mon dieu, on nous a souvent parlé de cela — le rejet sélectif, et j'en passe. Les gens de Terre-Neuve sont assiégés dans leurs derniers retranchements. Nous disons là-bas que si seulement on nous confiait la gestion et la garde du nez et de la queue du Grand banc et du Bonnet Flamand, tous nos problèmes seraient réglés. C'est là que se trouvent les zones de fraie.

Messieurs, je vous en prie: s'il vous plaît, obtenez des Fournissez-les ensuite à ceux qui méritent d'être mis au courant.

On peut pêcher d'autres espèces et bien en vivre dans ma province, et probablement ailleurs le long de la côte atlantique, mais la morue du Nord mérite d'être enterrée en bonne et due forme. À mon avis, il incombe au MPO de nous fournir des renseignements sûrs, car s'il y a de la morue, on ne nous l'a pas dit, et si elle a disparu, si l'espèce ne compte plus d'adultes de plus de cinq ans, et tout le reste, alors dites-le aux gens. Ils méritent bien ça. N'attendez pas neuf mois de plus pour nous annoncer que la morue sera sur la liste des espèces en péril. C'est la prière que je vous adresse ce soir.

Nous parlons de pêche durable. Au cours des 15 dernières années, il y a eu diverses pêches — on peut encore trouver un peu de morue fraîche ici et là — j'ignore si on la pêche illégalement ou si elle est complètement gelée — quoi qu'il en soit, je crois qu'il faut être honnête avec les gens. Si j'en crois ce que j'ai appris au cours des deux dernières années, il n'y a pas de programme scientifique permanent de première qualité au ministère des Pêches et des Océans. À mon avis, c'est là que le bât blesse. Si le poisson a disparu, alors enterrons-le et passons à autre chose. Ne prolongeons pas encore cette attente. Que les pêcheurs ne comprennent pas la situation de cette espèce en péril — si elle a disparu, dites-le aux gens.

M. Regan: Merci beaucoup. Je pense que c'était plutôt une recommandation qu'une question.

Le sénateur Cook: C'est un signe de frustration.

M. Regan: J'en suis conscient. Vous savez je crois que des groupes de travail pour le rétablissement de la morue se penchent déjà sur la question. Vous avez mentionné le dragage, et vous savez peut-être que des poursuites ont été intentées par l'Ecology Action Centre de Nouvelle-Écosse; c'est pourquoi je ne peux pas vous en dire plus long sur la question. Cependant, je ne pense pas que c'est vraiment ce que vous voulez entendre. Vous parlez plutôt de la morue du Nord, de l'état et de l'avenir des stocks.

Je demanderais aux fonctionnaires qui m'accompagnent d'ajouter quelques mots.

M. Murray: Je répondrai à votre question puis je demanderai à MM. Bevan et Labonté, du secteur des sciences, d'ajouter quelque chose s'ils le désirent. Vous vous souviendrez de la controverse qui a fait surface l'année dernière lorsqu'on a annoncé la décision de fermer le sud et le nord du golfe. Tout cela avait soulevé nombre de problèmes. Vous avez mentionné la question d'un dialogue véritable entre les scientifiques et les collectivités de pêcheurs. Il est juste de dire que nous essayons déjà depuis plusieurs années. Cependant, nous avons multiplié nos efforts en raison de l'écart qui existe entre la perception des pêcheurs de la situation et celle des scientifiques. Je ne pense pas que ce dialogue soit parfait. Nous avons encore beaucoup à faire. Il est critique d'avoir une meilleure compréhension entre les pêcheurs et les scientifiques. Nous avons déjà réalisé des progrès. D'ailleurs, le ministre a relancé un processus de consultation avec le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques cette année. Nous attendons avec impatience son rapport.

De plus, l'année dernière, nous avons mis sur pied un certain nombre de groupes de travail bilatéraux pour le rétablissement de la morue — un groupe de travail est composé de représentants du gouvernement fédéral et de Terre- Neuve-et-Labrador et l'autre de représentants du Québec et du gouvernement fédéral. Ces groupes de travail étudient la question. Plusieurs réunions positives ont déjà eu lieu et plusieurs groupes indépendants sont invités à participer au processus. En fait, la prochaine réunion importante entre la province de Terre-Neuve et du Labrador et le gouvernement fédéral aura lieu à la mi-juin; lors de cette réunion on passera en revue les études qui sont actuellement effectuées afin d'essayer de déterminer quels devraient être les objectifs à long terme et le calendrier des initiatives.

Évidemment, d'autres questions sont abordées comme les causes de l'effondrement des stocks de morues, la situation actuelle et la façon d'atténuer l'impact de la prédation. Toutes ces questions sont abordées. Je crois qu'en plus d'assurer la gestion des pêches d'année en année, ces groupes de travail qui étudient le rétablissement à long terme des stocks de morues, assurent la participation de tous les intervenants et ont des liens très positifs avec les provinces touchées et le gouvernement fédéral, permettront d'assurer le dialogue et la compréhension que vous recherchez, et exerceront sans doute des pressions sur le ministère pour que tout soit fait comme il faut.

Ces questions ainsi que celles que vous avez soulevées sont actuellement à l'étude, et c'est ce que nous essayons de faire grâce à la création des groupes de travail bilatéraux pour le rétablissement de la morue. Il y a également une initiative que j'appellerais multilatérale, qui vise l'ensemble de la région atlantique, en raison des liens qui existent entre les grandes questions comme la morue de la zone 3PS, les stocks du golfe, la morue du Nord et, en fait, les stocks au large des côtes, surtout quand on pense à la surpêche étrangère. Je reconnais que les solutions au problème n'ont pas encore été identifiées, mais je suis d'avis que ces initiatives nous ont engagés dans la bonne voie, car comme vous l'avez signalé, il nous faut avoir une vision commune si nous voulons atteindre nos objectifs à long terme en fonction d'un calendrier qui saura si possible satisfaire les résidents de ces régions.

Le sénateur Cook: La pérennité de la ressource est liée directement à la viabilité et à la durabilité de la collectivité. Le temps est venu de dire aux collectivités: «Il n'y a plus de poisson» si c'est nécessaire. On m'a dit qu'on ne disposait pas des données scientifiques nécessaires pour le faire.

En guise de conclusion, monsieur le président, j'aimerais signaler qu'il est plutôt ironique que je sois des vôtres ce soir, quelque 50 ans plus tard, pour discuter d'une étude sur l'habitat du poisson, car je me souviens de ce que mon père avait dit il y a tant d'années. Nous n'avons pas beaucoup appris depuis quant à nos besoins. Mes enfants se servent de Google — qui semble trouver des réponses à toutes les questions — pourtant nous n'arrivons pas à découvrir ce qui se passe dans l'océan Atlantique.

Le moratoire a été imposé il y a près de 15 ans, nous avons encore un peu d'espoir, on trouve de la morue ici et là, mais ça ne suffit pas pour assurer la survie des communautés. Je vous exhorte, à agir.

Le sénateur Cochrane: J'aimerais ajouter quelque chose à ce qu'a dit le sénateur Cook. Nous avons entendu des témoignages il n'y a pas très longtemps de personnes fort compétentes de l'industrie qui nous ont dit qu'on ne disposait pas des données scientifiques nécessaires simplement parce que les scientifiques ne disposent pas des ressources financières nécessaires. Des bateaux sont restés amarrés au quai d'Halifax simplement parce qu'on n'a pas suffisamment d'essence pour les envoyer en mer pour procéder aux relevés scientifiques.

Si vous pouviez nous assurer que l'on débloquera des montants plus importants pour la recherche scientifique, déjà ce serait un bon progrès.

M. Regan: Il est clair qu'un nombre toujours croissant de problèmes nécessite la collecte de données scientifiques. La complexité du travail scientifique aujourd'hui dans notre ministère s'est accrue. Vous devez disposer de données scientifiques pour prendre toutes sortes de décisions, qu'il s'agisse de l'exploration pétrolière ou gazière, des espèces aquatiques étrangères envahissantes, du changement climatique, de la Loi sur les espèces en péril et bien d'autres choses. De nouveaux investissements ont été faits pour permettre de composer avec ces problèmes, comme la Loi sur les espèces en péril et le changement climatique, mais les coûts associés à la recherche continuent à augmenter, tout particulièrement ceux du programme de recherche scientifique en mer.

Nous essayons donc pour régler le problème de réaffecter les ressources aux principales priorités. C'est la meilleure réponse que nous pouvons vous donner. Il est clair que nous avons un défi de taille à relever.

Le sénateur Cochrane: Que pouvons-nous dire à ceux qui viennent témoigner devant notre comité? Y aura-t-il un financement supplémentaire de sorte que nous puissions procéder à la recherche scientifique nécessaire?

M. Murray: La réaffectation des ressources dont le ministre a parlé se fait. En d'autres termes, depuis qu'il a été nommé à ce poste, il nous a demandé de nous concentrer sur les services offerts aux Canadiens et sur les vrais problèmes, entre autres choses, le temps en mer pour les relevés scientifiques, pour la conservation et la protection. Nous avons également mentionné la réaffectation de ressources de sorte qu'il y ait plus de patrouilles de pêche sur le nez et la queue du Grand banc.

Pour ce qui est de la science, vous avez raison. Nous avons réaffecté des ressources cette année — 5 millions de dollars — afin que les relevés en mer aient lieu. Cependant, il faut essayer de déterminer exactement quand nous avons suffisamment de travaux scientifiques. On pourrait toujours en faire plus — c'est clair! Nous faisons tout ce que nous pouvons pour avoir du temps en mer pour procéder aux relevés scientifiques. Pour ce qui est du projet de modernisation de la Garde côtière, nous cherchons la façon la plus rentable d'obtenir du temps en mer pour la recherche scientifique, de nouveaux bateaux et j'en passe. C'est une question très importante et des ressources financières sont affectées à cette priorité afin d'assurer que nous pourrons faire les travaux scientifiques qui s'imposent.

Pour en revenir à la question posée par le sénateur Cook, il faut se demander quelle partie des travaux scientifiques devrait être consacrée au crabe, à la crevette ou à la morue, et comment en venir à ces décisions. Ce n'est pas chose facile, mais nous affectons des ressources financières à cette priorité, comme nous l'avons d'ailleurs fait l'année dernière.

Le sénateur Cochrane: J'espère que je n'entendrai plus dire qu'il n'y avait pas suffisamment d'argent pour acheter l'essence pour les bateaux. La science, c'est l'élément le plus important.

Le sénateur Adams: Je voulais corriger le chiffre que j'avais donné. J'avais parlé de 11 ans. Je pense qu'il s'agissait plutôt de neuf années de garantie pour le quota de la zone 0A.

Je suis heureux que le sénateur Hubley m'ait épaulé pour appuyer les témoins du Nunavut qui ont comparu devant le comité l'automne dernier pour manifester leur inquiétude quant à l'avenir de la pêche commerciale au Nunavut.

Monsieur Bevan, je sais que vous connaissez la pêche au Nunavut. Depuis que nous nous sommes rencontrés la dernière fois, de nombreux fonctionnaires chargés de la pêche au Nunavut ont été remplacés. Le comité étudie la question depuis plus d'un an.

La dernière fois que je vous ai rencontré, toutes les collectivités et les chasseurs et piégeurs faisaient toujours partie de la BFC. Les choses ont changé parce qu'ils n'aimaient pas la façon dont la BFC fonctionnait. Monsieur le ministre, il serait bon que le ministère attribue des quotas aux collectivités plutôt que de continuer à tout faire par l'entremise de la BFC et du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut.

Les résidents des collectivités doivent recevoir des quotas supplémentaires. Votre ministère devrait leur donner une partie des quotas libérés. Actuellement, ce n'est pas en travaillant avec la BFC et le CGRFN que les collectivités pourront s'épanouir. Je veux m'assurer que les collectivités recevront une partie de l'allocation. Nous sommes optimistes quant à l'avenir des résidents et de la collectivité de pêcheurs. Nous avons de bonnes entreprises comme Clearwater et celle qui est dans le détroit de Davis, qui font affaires dans la région depuis 10 ans et qui s'entendent très bien avec les membres de la collectivité. Nous voulons poursuivre dans la même veine.

Cette question me tient à coeur et j'espère qu'après la réunion d'aujourd'hui, je serai quelque plus rassuré quant à l'avenir des collectivités du Nunavut. J'espère que nous ferons beaucoup mieux dorénavant pour les communautés de pêcheurs du Nunavut.

M. Regan: Merci, sénateur Adams; j'apprécie beaucoup ces commentaires. J'aimerais réitérer que je suis parfaitement conscient de l'importance du travail que fait ce comité dans ce dossier et je peux vous assurer que le ministère passe en revue tous ses rapports. J'ai hâte d'en apprendre plus long sur vos recommandations. Il est très utile d'entendre directement vos commentaires sur la question et il est clair que nous avons hâte de pouvoir travailler plus étroitement avec les résidents du Nunavut pour faciliter l'exploitation des ressources halieutiques qui se trouvent à proximité de la région.

Le président: Monsieur le ministre, vous avez été patient ce soir. À mon avis, après le premier ministre, c'est probablement vous qui avez la tâche la plus ingrate au Parlement. Vous avez très bien représenté votre ministère, nous en sommes reconnaissants.

Je suis toujours très heureux de voir tant de sénateurs présents aux réunions du comité.

Nous avons été heureux d'entendre les interventions de M. Murray, de M. Bevan, ainsi que celles des fonctionnaires. Nous vous remercions tous d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer ce soir, surtout que nous savons tous que vous avez un horaire très chargé. J'espère que nous pourrons le faire à nouveau sous peu, et nous sommes impatients de collaborer avec vous pour ces projets et visions importants que vous nous avez présentés ce soir à l'égard du secteur des pêches. Voulez-vous faire des commentaires en guise de conclusion?

[Français]

M. Regan: Ce fut un plaisir de me joindre à vous ce soir pour discuter des ces enjeux importants. J'apprécie votre dévouement et votre détermination à travailler dans l'intérêt du Canada, de l'industrie de la pêche et de la conservation de nos océans. Ce fut un honneur pour moi de me joindre à vous.

La séance est levée.


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