Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 7 - Témoignages du 28 avril 2004
OTTAWA, le mercredi 28 avril 2004
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, dans le but d'examiner les questions qu'ont suscitées le dépôt de son rapport final sur le système de soins de santé au Canada en octobre 2002 et les développements subséquents. En particulier, le comité doit être autorisé à examiner la santé mentale et la maladie mentale.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Sénateurs, nous accueillons aujourd'hui des représentants des provinces de l'Alberta, de la Colombie- Britannique et de la Nouvelle-Écosse. Merci à tous d'être venus de si loin.
Comme vous le savez, nous sommes en train d'examiner les soins de santé mentale. Cette analyse fait suite, dans une certaine mesure, à l'étude que nous avons déjà réalisée, sauf qu'elle porte sur un aspect précis du système de soins de santé, et non sur l'ensemble des soins actifs, sujet que nous avons déjà exploré. Les problèmes qui existent dans ce domaine et les services offerts sont très différents. Il s'agit donc d'une étude distincte.
Notre horaire est souvent perturbé. Par exemple, le Parlement a été prorogé et, dans quelques semaines, il sera vraisemblablement dissout. Mais nous poursuivons notre travail malgré tout.
Notre plan est le suivant: nous allons préparer un document de discussion sur les problèmes et les solutions possibles, document que nous allons déposer à la fin de l'année, avant le congé de Noël. Au cours des six premiers mois de 2005, nous allons tenir des audiences à l'échelle du pays sur les diverses options proposées. Nous allons donc vous revoir sur votre propre terrain, parce que nous comptons nous rendre dans chacune des provinces. Nous déposerons ensuite nos recommandations finales à l'automne 2005.
Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir nous rencontrer, aujourd'hui. Vous êtes chargés, à bien des égards, d'assurer la prestation des soins de santé mentale prévus, en principe, par la Loi canadienne sur la santé, et des services qui, théoriquement, ne sont pas visés par la loi, mais qui sont financés par les deniers publics, les ONG et autres intervenants.
Ce qui nous préoccupe, entre autres, c'est la structure du système. Si nous devions, aujourd'hui, reprendre tout à zéro, nous ne proposerions pas un système de soins de santé où seuls les hôpitaux et les médecins bénéficient d'un financement total. Nous aurions un système de prestation différent, où les personnes à une extrémité de l'échelle de revenus ne paieraient rien, et les personnes à l'autre extrémité de l'échelle paieraient quelque chose.
Voilà où nous en sommes. La question est de savoir comment changer le système et composer avec les situations auxquelles vous êtes confrontées sur le terrain. Nous sommes heureux d'entendre vos vues sur la question. Nous aurons l'occasion d'en apprendre plus quand nous vous rendrons visite au début des trois premiers mois de 2005.
Si j'ai bien compris, nous allons d'abord entendre M. Ray Block, directeur général du Alberta Mental Health Board. Il est accompagné de Mme Sandra Harrison, qui est une directrice exécutive du Alberta Mental Health Board. Nous allons ensuite entendre M. Jim Millar, directeur exécutif des services de santé mentale et des services fournis par les médecins auprès du ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse. Mme Irene Clarkson est la directrice exécutive de la santé mentale et de la toxicomanie auprès du ministère des Services de santé de la Colombie-Britannique.
Merci d'être venus nous rencontrer. Monsieur Block, vous pouvez commencer. Nous entendrons ensuite les autres témoins.
M. Ray Block, directeur général, Alberta Mental Health Board: Merci. Je crois comprendre que vous avez tous reçu un exemplaire du document que j'ai préparé. Je vais le passer en revue assez rapidement. Je n'aborderai pas tous les points qui y sont exposés.
L'Alberta Mental Health Board est heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité permanent. Le conseil fait partie des 11 régies régionales de la santé établies par le ministère de la Santé et du Bien-être de l'Alberta. Il y a neuf régies régionales de la santé et deux organismes provinciaux — l'Alberta Cancer Board et l'Alberta Mental Health Board. Le ministère a également mis sur pied l'Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission. L'Alberta Mental Health Board, que je désignerai sous le sigle AMHB, dessert notre territoire.
L'AMHB est l'autorité provinciale des services de santé qui a été chargée, par le ministre, de fournir des conseils en matière de réforme des soins de santé mentale. L'Alberta Mental Health Board travaille en étroite collaboration avec le défenseur de l'Alberta des personnes atteintes de troubles mentaux en vue d'améliorer les droits en matière de santé mentale dans la province.
Comme tous les territoires de compétence, l'Alberta entreprend une réforme des soins de santé. Le 8 janvier 2002, le conseil consultatif sur la santé du premier ministre albertain a publié un rapport, le rapport Mazankowski, sur la mise en place d'assises durables pour le système de soins de santé de la province. Le rapport recommandait que les services de soins de santé mentale soient complètement intégrés aux services des régies régionales de la santé.
Le ministre de la Santé et du Bien-être, l'honorable Gary Mar, a accepté cette recommandation et demandé que les services de soins de santé mentale soient intégrés à la fin de mars 2003 au plus tard. Le ministre a fait preuve d'une grande prévoyance et de détermination en faisant de la santé mentale l'une de ses priorités. Il a ordonné qu'un plan définissant l'orientation future du régime de soins de santé mental soit élaboré de concert avec les régies de la santé et en partenariat avec le ministère. Il a demandé qu'on ait recours à un processus concerté et que le plan, en plus de s'inspirer des rapports antérieurs, soit lié à d'autres initiatives gouvernementales.
Il me fait plaisir d'annoncer que les services de santé mentale ont été transférés, avec succès, de l'Alberta Mental Health Board aux régies régionales de la santé le 1er avril 2003. Les régies de la santé ont également élaboré, ensemble, un plan provincial exhaustif sur la santé mentale dont l'objectif est d'améliorer la santé mentale et les services de soins de santé mentale dans la province.
Bien que les régies de la santé se réjouissent des répercussions potentielles du plan, il est important de souligner que nous venons à peine d'amorcer ce plan et qu'il reste beaucoup de travail à accomplir. Le plan vient juste d'être présenté au ministre de la Santé et du Bien-être. Nous accepterons volontiers de vous en faire parvenir un exemplaire, une fois que le ministre l'aura examiné.
Il est très important de comprendre que le document «Advancing the Mental Health Agenda: A Provincial Mental Health Plan for Alberta» est un plan mis au point par l'ensemble des régies de la santé. Il a été élaboré par un comité consultatif formé de représentants de chacune des régies de la santé, du ministère, de l'Alberta Psychiatric Association, de l'Alberta Medical Association, et de l'Alberta Alliance on Mental Illness and Mental Health. Ce plan se fonde sur notre expérience, les meilleures pratiques et les observations formulées par plus de 1 000 Albertains lors d'un processus de consultation.
Le groupe — formé par l'AMHB, les régies régionales de la santé, les associations professionnelles et les intéressés — prévoit amorcer ses travaux en vue de faire avancer le dossier, suivre son évolution et faire état des progrès réalisés. Les régies comptent bien partager ceux-ci avec les Albertains, au fur et à mesure que le plan en matière de santé mentale est incorporé à l'ensemble des plans des régies régionales de la santé.
Que voulons-nous dire par santé mentale? Il faut comprendre que la santé mentale est plus que l'absence d'un trouble mental ou d'une maladie mentale. Les déterminants de la santé ont une incidence sur le développement optimal des enfants, des jeunes, des familles et des collectivités. La santé mentale et le bien-être sont affectés profondément par une gamme de facteurs dont le revenu, le statut social, le logement, l'environnement physique, les réseaux de soutien social, le niveau d'instruction et les circonstances d'emploi.
Vous trouverez, sous la rubrique «La nécessité de passer à l'action», des statistiques sur les services et les besoins en matière de santé mentale. Je ne les passerai pas en revue, et ce, pour ne pas perdre trop de temps.
Les soins de santé mentale font l'objet de nombreuses critiques. L'AMHB est très conscient de ces critiques et appuie le plan provincial sur la santé mentale comme cadre de réforme. Advenant la mise en oeuvre réussie du plan provincial sur la santé mentale, l'AMHB entrevoit un avenir où les intéressés unissent leurs efforts pour lutter contre la maladie mentale ouvertement et en public — un avenir où la science est admise à la table, où les défenseurs des droits et les soignants parlent ensemble non seulement des marques laissées par la maladie, mais du besoin d'éliminer la discrimination systémique. Nous envisageons un système où nous veillons, ensemble, au rétablissement des personnes qui souffrent de troubles mentaux plutôt que d'accepter le fait qu'une incapacité est permanente. L'AMHB entrevoit une amélioration de la qualité de vie de ceux qui doivent apprendre à vivre avec des problèmes de santé mentale. Nous comptons encourager et favoriser le respect et le soutien. Nous voulons un système où les intéressés tirent des leçons des expériences vécues par les victimes et leurs familles. Nous voulons un système qui traite les soignants comme des héros.
Essentiellement, l'AMHB voit un système de soins de santé mentale enrichi qui apporte de l'espoir aux clients et à leurs familles, qui sensibilise le public et offre aux clients et aux fournisseurs de services un soutien et une aide. Nous voyons des partenaires qui renforcent le ressort psychologique et qui interviennent tôt lorsqu'ils reconnaissent chez quelqu'un des signes de maladie. L'AMHB voit un système qui a réussi à faire de la maladie mentale une question d'intérêt public qui mérite un soutien et des investissements.
Les rapports indiquent qu'un accès juste et rapide à une gamme de services de qualité est la principale priorité pour les clients. Les clients et les défenseurs des droits ont indiqué qu'ils veulent de meilleurs résultats pour tous les Albertains. Ils ont surtout mentionné les besoins urgents des enfants, des jeunes et des collectivités autochtones.
Pour ce qui est de l'étendue des services, l'Alberta est fière du travail qu'elle a accompli dans le domaine de la santé mentale. En 2002, le Conseil canadien d'agrément des services de santé a accordé à l'AMHB une accréditation de trois ans. Pour la première fois, une visite d'agrément à l'échelle d'une province a été entreprise au Canada. Pour la première fois également, on a eu recours à cette fin à des services de télésanté mentale dispensés par vidéoconférence. Dans le rapport d'agrément, le Conseil canadien d'agrément des services de santé, le CCASS, a reconnu les nombreuses réalisations de l'AMHB et défini les dix bonnes pratiques qui contribuent aux soins de santé mentale.
Par suite du transfert des services aux régies régionales de la santé, un cadre pour les services de santé mentale a été élaboré. Les services inclus dans le plan provincial sur la santé mentale s'inspirent du «Alberta Children and Youth Initiative Mental Health Policy Framework». Le cadre vise l'ensemble de la population et expose trois orientations stratégiques, qui s'appuient sur la collaboration efficace de toute une gamme de fournisseurs de services. Ces orientations sont les suivantes: soutien et traitement, diminution des risques et renforcement de la capacité. Dix services distincts sont visés par ces trois orientations stratégiques. Ils sont énumérés dans le texte, pour votre information.
Le plan provincial en matière de santé mentale prévoit des modèles de prestation de services qui préconisent une gestion intégrée des soins et des cas. Cette approche permettra d'harmoniser la planification des soins de santé mentale et de lier les soins primaires aux autres fournisseurs de services. Trouver le moyen d'effectuer une transition, et l'assurer en douceur, pour ce qui est des services de santé mentale et autres systèmes de soutien ne devrait pas être un casse-tête à résoudre pour des clients. En outre, la gestion des cas doit être examinée du point de vue des compétences pangouvernementales.
Pour ce qui est du financement, environ 472 millions de dollars ont été consacrés au budget des services de santé mentale en Alberta, en 2002. Ce montant ne tient pas compte de toutes les dépenses relatives aux services de santé mentale. Nous sommes toutefois confrontés à un défi: la pauvreté de données exhaustives et comparatives sur les coûts et les dépenses liés aux services de santé mentale au Canada. Il faut améliorer la collecte des données administratives afin de pouvoir effectuer notre planification.
Il faut élaborer un plan exhaustif concernant les effectifs qui réponde aux besoins des clients, des employeurs et du milieu de l'enseignement.
L'excellence des services de santé mentale est fonction de la recherche qui est effectuée, recherche qui contribue à éclairer et orienter la prise de décisions, à mettre en place des politiques et à établir des priorités, à améliorer les résultats pour les clients et à soutenir les innovations continues. L'AMHB possède les outils voulus qui lui permettront de participer, de façon concrète, à l'élaboration d'une approche pancanadienne permettant d'établir un nouveau programme de recherche sur la santé mentale au Canada.
Concernant la responsabilisation, le processus que nous avons utilisé en Alberta pour élaborer le plan en matière de santé mentale a été très bien reçu. À la recommandation de conseillers autochtones et de l'Alberta Mental Health Board Wisdom Committee, le comité consultatif a abordé les problèmes de santé mentale des Autochtones dans le plan plutôt que d'établir une stratégie distincte à leur intention. En effet, les stratégies du gouvernement fédéral destinées aux Autochtones vivant dans les réserves devraient s'harmoniser avec le plan provincial de santé mentale et les programmes de mise en oeuvre.
Il faut élaborer des processus pancanadiens coordonnés, entre compétences régionales et provinciales, pour faciliter la collecte, l'échange et l'analyse de données.
En conclusion, monsieur le président, nous croyons que des stratégies qui renforcent la capacité, diminuent les risques et garantissent un traitement et un soutien ne peuvent que contribuer à améliorer la santé mentale des Canadiens. Les questions de santé mentale doivent être examinées du point de vue de la santé de la population. Les ministères provinciaux de la Santé ont besoin de fonds supplémentaires afin de pouvoir mieux répondre aux besoins en santé mentale dans leur territoire de compétence. Il faut consacrer des investissements majeurs à la recherche sur la santé mentale pour soutenir l'excellence et améliorer les pratiques de pointe dans le domaine de la santé mentale. Il faut établir une stratégie pancanadienne pour favoriser la collecte, l'échange et la comparaison de données. Le gouvernement fédéral doit investir dans la formation des travailleurs en santé mentale, y compris des travailleurs communautaires. Enfin, il faut que les ministres de la santé, lors d'une prochaine conférence fédérale/provinciale/ territoriale, discutent d'ententes de réciprocité concernant l'accès à des services de santé mentale et le paiement des soins pour la collectivité.
Le président: Je ne vous pose pas une question. Je veux tout simplement une précision. Est-ce que le document intitulé «Alberta Children and Youth Initiative Mental Health Policy Framework» est un document public? Si oui, pouvez-vous nous en envoyer un exemplaire?
M. Block: Avec plaisir.
Le président: Pour ce qui est du plan, je présume que le ministre ne l'a pas encore signé. Est-ce que vous pouvez, une fois qu'il l'aura fait, nous faire parvenir des exemplaires?
M. Block: Je me suis entretenu avec le ministre vendredi, et il devrait le faire sous peu. Je serai donc en mesure de vous l'envoyer très bientôt.
Le président: Je dois, en fait, le rencontrer dans quelques semaines. Toutefois, si vous pouviez me le faire parvenir, ce serait bien.
Le Dr Jim Millar, directeur exécutif, Santé mentale et services fournis par les médecins, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité. Je vous félicite pour le travail que vous accomplissez. De nombreuses études ont été menées sur les soins actifs, les soins de longue durée et les soins primaires. Toutefois, je crois que celle-ci est la première au Canada qui considère la santé mentale dans une perspective nationale. J'ai été personnellement très heureux de constater que, dans votre premier rapport sur les soins de santé, vous pensiez que la santé mentale est suffisamment importante pour faire l'objet d'un rapport distinct.
Je vous parlerai aujourd'hui de l'importance de la santé mentale pour les Canadiens, de l'état actuel des services de santé mentale dans le monde, au Canada et en Nouvelle-Écosse. Je vous livrerai ensuite quelques idées sur ce qu'il faudrait faire pour améliorer la santé mentale et le bien-être de nos concitoyens.
La maladie mentale est importante parce qu'elle touche 20 p. 100 de la population, parce qu'elle a des répercussions économiques énormes et qu'elle est un facteur de risque pouvant engendrer d'autres maladies. Je suis convaincu que vous avez reçu beaucoup d'information sur ces sujets. J'en parlerai donc brièvement.
Plus de 450 millions de personnes dans le monde souffrent de maladie mentale ou de troubles du comportement, et 20 p. 100 des Canadiens en seront affectés au cours de leur vie. Au cours de l'année, de 4 à 5 p. 100 des Canadiens souffriront d'un trouble de l'humeur, de 0,3 à 1 p. 100 souffriront de schizophrénie, 12,2p. 100 de troubles anxieux, et 2,2 p. 100 des femmes, de troubles de l'alimentation. En 1999-2000, les sept troubles mentaux les plus communs ont compté pour 3,8 p. 100 de toutes les admissions dans les hôpitaux généraux, ce qui est une sous-estimation importante vu que la grande majorité des personnes sont traitées en clinique externe.
La maladie mentale engendre des coûts économiques considérables. En 1993, on a estimé que le fardeau économique total de la maladie mentale s'est élevé à 7,3 milliards de dollars au Canada. En 1996-1997, ce fardeau a grimpé à 14,4 milliards de dollars. Au Royaume-Uni, il a été estimé que les psychoses, à elles seules, coûtent 1,2 milliard de livres à l'économie, comparativement aux coûts des maladies cardiaques, du diabète et de l'hypertension réunis, qui s'élèvent à 1,6 milliard de livres. Dans les pays développés, on estime que de 35 à 45 p. 100 de l'absentéisme est relié à des problèmes de maladie mentale. Chaque année, aux États-Unis, 4 millions de journées sont perdues en raison de l'absentéisme, et 20 millions de journées sont perdues en raison de la productivité réduite au travail. Le fardeau économique est particulièrement lourd pour les jeunes adultes qui forment le segment le plus productif de notre société.
Les coûts indirects attribuables aux troubles mentaux dépassent de deux à six fois les coûts directs du traitement dans les pays développés. Plusieurs de ces coûts sont absorbés par les familles et les amis. Ne pas traiter les troubles mentaux donne lieu à des coûts accrus en raison de la baisse de l'activité économique, de la diminution de la qualité de vie et de la détérioration des relations familiales et interpersonnelles, ainsi que de l'accroissement du nombre des admissions dans les hôpitaux et des suicides.
La maladie mentale est non seulement un problème en tant que trouble en soi, mais elle constitue également un facteur de risque d'autres maladies. On a démontré que les symptômes de la dépression sont un prédicteur de l'accroissement du recours aux services médicaux pour d'autres maladies. Même les symptômes de la dépression légère laissent prévoir un risque accru de coronaropathie. Les personnes atteintes de dépression chronique sont vraisemblablement 4,5 fois plus exposées aux crises cardiaques et quatre fois plus à risque d'en mourir. Ce risque relatif est au moins aussi élevé que les risques associés à l'habitude de la cigarette, à l'obésité, au diabète et à l'hypertension. La maladie mentale peut contribuer au cancer, aux maladies cardiaques et à la bronchopneumopathie chronique obstructive ou encore en résulter ou les causer en partie.
Sur la scène internationale, il s'accomplit beaucoup de travail dans le domaine de la santé mentale. L'Organisation mondiale de la santé a mené des recherches importantes au cours des dix dernières années et elle a mis au point de nombreux outils dont les pays du tiers monde peuvent se servir afin de créer des programmes de santé mentale améliorés.
Même les États-Unis semblent accorder de l'importance à la santé mentale. Le président Bush a créé une commission présidentielle spéciale sur la santé mentale, la President's New Freedom Commission on Mental Health, qui a fait plusieurs recommandations visant à améliorer la santé mentale des Américains.
Au pays, nous n'avons pas une aussi bonne feuille de route. Individuellement, les provinces doivent lutter pour offrir des services appropriés et élaborer différents modèles allant de la Commission de la santé mentale du Nouveau- Brunswick jusqu'à l'Alberta Mental Health Board. Le gouvernement fédéral n'a pas les devants pour élaborer une stratégie nationale.
Les lois fédérales ne favorisent pas le traitement des troubles mentaux. Le sénateur Kirby a mentionné que la Loi canadienne sur la santé ne régit que les services offerts dans les hôpitaux généraux et par les médecins. Les hôpitaux psychiatriques en sont spécifiquement exclus et ils ne sont pas assujettis aux ententes de facturation réciproques entre les provinces. La plupart des services de santé mentale sont dispensés dans la collectivité par des intervenants autres que des médecins; c'est pourquoi ils ne sont pas visés par la loi. Dans plusieurs provinces, les coûts des services de santé mentale qui peuvent être imputés aux régimes provinciaux par les omnipraticiens sont fortement restreints, ce qui est malheureux, car 80 p. 100 des services de santé mentale dans la plupart des provinces sont dispensés à l'extérieur du régime officiel de santé mentale par des intervenants de première ligne qui ne sont pas suffisamment préparés à offrir ces services. Le partage des soins, lorsque les régimes officiels et les autres collaborent à la prestation des services de santé mentale dans un environnement de soins de première ligne, est une solution de rechange prometteuse qui se met lentement en place.
La criminalisation des personnes atteintes de maladie mentale est un problème qui va en s'amplifiant. Avec les modifications apportées au Code criminel du Canada qui s'imposaient, les tribunaux et les avocats acceptent davantage d'invoquer les dispositions relatives à la santé mentale pour conclure que les défendeurs ne sont pas criminellement responsables. Comme on a réduit le nombre des lits et des installations résidentielles de soins en santé mentale, les agents de police et d'autres institutions ont commencé à recourir au système judiciaire pour prendre des raccourcis afin de faire traiter des personnes pour lesquelles les soins ne sont pas disponibles dans la collectivité.
Il est difficile pour les diverses compétences au Canada de travailler ensemble. Le Conseil des sous-ministres a cessé de financer le Réseau de consultations FPT sur la santé mentale, ce qui a tari une source importante de partage et de planification conjointe. Certaines compétences continuent de se réunir, mais elles doivent se battre afin de trouver du financement. Le nombre des réunions et des compétences qui y participent a diminué au cours des ans. Certains projets spéciaux sont financés selon une formule où l'Ontario paie la majorité des coûts, avec le soutien de Santé Canada. Le Québec ne participe pas à cette initiative.
La Nouvelle-Écosse ne diffère pas des autres compétences au Canada. Le financement de la santé mentale y affiche un recul par rapport aux dépenses totales en matière de santé. Il est passé de 5 p. 100 en 1995-1996 à 3,8 p. 100 en 2003- 2004. Ce pourcentage équivaut à celui des pays à revenus intermédiaires, qui s'élève à 2,7-3,5 p. 100, alors que celui des pays à revenus élevés atteint presque 7 p. 100.
La Nouvelle-Écosse est prête à effectuer une réforme en matière de santé mentale. Elle a élaboré des orientations stratégiques. Elle a adopté des normes relatives à la prestation des services essentiels de santé mentale, ce qui est une première au Canada. Elle achève de constituer une base de données intégrée qui combine plusieurs bases de données provinciales. Cette réalisation nous permettra de suivre les résultats en santé mentale dans le cadre de la santé de la population. Si cela vous intéresse, vous pouvez vous procurer les documents sur notre site Web. L'adresse se trouve dans le mémoire que je vous ai remis.
Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la santé mentale et le bien-être des Canadiens. Il faudrait une vision commune, un leadership et un cadre de travail. La vision en matière de santé mentale doit correspondre à la définition de la santé donnée par l'Organisation mondiale de la Santé: «La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité». Elle doit également accorder la même importance à la santé mentale que celle qu'accorde la société à la santé physique. Il est inacceptable pour les personnes qui ressentent une douleur à la poitrine d'attendre qu'on en détermine la cause. S'il s'agit d'une maladie cardiaque, le patient veut être soigné immédiatement. Malheureusement, les personnes qui souffrent émotionnellement n'ont pas les mêmes exigences. En règle générale, elles attendent pour demander de l'aide, elles attendent encore plus pour rencontrer un professionnel de la santé, elles sont traitées selon des méthodes dépassées et inappropriées et elles continuent de souffrir beaucoup plus longtemps que nécessaire.
La vision doit également reconnaître l'importance de la personne et du système de santé mentale informel. Seulement 20 p. 100 environ des services de santé mentale sont offerts par le système formel. Il faut que le système informel prenne à l'avenir part à la planification, à la mise en oeuvre et à la prestation des services. Les consommateurs doivent participer à la planification et à l'élaboration du système, de même qu'à leur régime de soins individuel. Il faut aussi que la vision reconnaisse que la santé mentale est un droit humain fondamental.
Il faudra un leadership fort pour apporter des changements réels dans la manière de dispenser les services de santé mentale. Ce comité est la preuve qu'il existe un leadership. Les groupes différents doivent être rassemblés. Le leadership requiert des ressources et de l'influence pour faire une différence. Il doit rallier le respect des consommateurs, des défenseurs des droits, des professionnels, des universitaires, des chercheurs, des bureaucrates et de la classe politique.
Cette dernière doit faire partie du leadership. Elle doit afficher la volonté politique de prendre des décisions difficiles concernant l'attribution des ressources et s'y tenir, elle doit adopter des lois visant à réduire la stigmatisation et la discrimination envers les personnes atteintes de troubles mentaux et elle doit se faire le défenseur de cette composante de notre société.
Il devrait exister un cadre de travail national destiné à appuyer la vision et le leadership. Ce cadre devrait aider la société à comprendre la nécessité de la santé mentale, être de nature nationale, reconnaître la nécessité de la recherche et fournir un système de données national afin de faciliter la recherche et d'améliorer les interventions.
Premièrement, la société doit comprendre l'importance de la santé mentale. Les données fournies plus tôt montrent l'importance de la santé mentale comme telle, comme facteur de risque d'autres maladies importantes et comme cause d'invalidité majeure. Le public doit comprendre que la maladie mentale est un désordre du cerveau semblable à la maladie physique, qui peut être diagnostiquée, traitée et souvent complètement guérie.
Toute compréhension de la santé mentale doit également assurer la réduction de la stigmatisation. La stigmatisation nuit aux consommateurs de services de santé mentale de deux manières. Premièrement, elle mène à la discrimination: ces consommateurs sont considérés comme différents, comme la cause de leurs propres problèmes, comme indignes du respect de la société et comme dangereux. Deuxièmement, ces consommateurs sont moins portés à s'identifier et à demander de l'aide s'ils savent qu'ils feront l'objet de discrimination. Leur traitement est ainsi retardé et leur souffrance, prolongée.
La réduction de la stigmatisation commence chez les responsables des politiques et chez les fournisseurs de soins de santé. Les lois sont souvent à l'origine de la stigmatisation et de la discrimination. Le règlement de Transport Canada qui interdit à une personne ayant souffert de schizophrénie d'occuper le poste de commandant n'en est qu'un exemple. On a qu'à se rendre dans une salle d'urgence pour constater la stigmatisation exercée par les fournisseurs de soins de santé. Les clients en santé mentale sont ceux qui attendent le plus longtemps, dont on viole la vie privée et dont les inquiétudes ne sont pas traitées de manière appropriée.
Deuxièmement, il faut élaborer un cadre politique national qui aille au-delà de la seule prestation des services de santé mentale. Ce cadre doit déterminer la manière dont le gouvernement et les organisations abordent la santé mentale des Canadiens dans toutes leurs actions et dans toutes leurs politiques. La santé mentale est un facteur déterminant de la santé; nul n'est en bonne santé s'il n'est pas en bonne santé mentale.
Le cadre doit comprendre des normes relatives à la prestation des services englobant tous les aspects de la santé mentale, depuis la prévention, la promotion et la défense de la santé mentale grâce aux services dans la collectivité jusqu'aux services aux malades hospitalisés et aux services spécialisés. Il doit couvrir toutes les périodes de la vie. Puisque la plupart des maladies mentales ont des racines dans l'enfance et l'adolescence, il faut accorder une attention plus particulière à la santé mentale des enfants et des jeunes. Il est temps de traiter nos jeunes et de prévenir les séquelles à long terme de la maladie mentale.
Au Royaume-Uni et en Australie, on a élaboré des régimes nationaux. L'Australie présente aux cinq ans un rapport qui fait le point sur la situation. Il est temps que le Canada fasse de même. Il faut inclure la santé mentale dans la Loi canadienne sur la santé et il faut adopter d'autres lois pour faire en sorte que le cadre national est élaboré et mis en oeuvre. C'est seulement ainsi que les 20 p. 100 de Canadiens qui souffrent de troubles mentaux auront leur juste part des ressources. Quatre ou cinq pour cent des dépenses ne suffisent pas.
Troisièmement, il faut reconnaître la nécessité de faire de la recherche. Il faut faire de la recherche pour que les politiques, les traitements et les activités de prévention soient éclairés. Il faut débloquer des ressources pour de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée, à l'appui du diagnostic et du traitement permanent et de la politique. La recherche sur la sensibilisation du public et sur la réduction de la stigmatisation devrait faire l'objet d'une attention spéciale.
Enfin, on a besoin d'information. Un système de données national faciliterait la recherche sur les interventions appropriées ainsi que l'accès aux services. Il faudrait également régler le problème de la sécurité des données. Quand il est question de technologie dans le domaine de la santé, la société pense tout de suite à de l'équipement médical. Le public exige les appareils d'IRM, les tomodensitomètres et le matériel de cathétérisme cardiaque les plus récents et d'autres équipements, mais il est réticent face à la technologie de l'information. Les équipements sont utiles en santé mentale, mais une grande partie de ce que nous faisons repose sur des données et sur les systèmes de soutien des décisions qui transforment les données en information utile pour la prévention, le diagnostic, le traitement et la planification. La technologie de l'information n'est pas un gaspillage de ressources et elle ne détourne pas de la prestation des soins aux patients; la technologie est une alliée indispensable.
Pouvons-nous faire quelque chose pour améliorer la santé mentale et le bien-être des Canadiens? La réponse est un oui retentissant. Nous possédons la volonté politique et les ressources voulues pour mettre sur pied un régime national de soins de santé qui fait l'envie d'une grande partie du monde.
Comment y parviendrons-nous? Je propose la création d'un comité national où il y aurait représentation égale des consommateurs, des organismes non gouvernementaux, des responsables des politiques, des fournisseurs de soins et des chercheurs. Ce comité aurait pour tâche de recommander une stratégie nationale, de proposer des orientations et des normes nationales, de suggérer des enveloppes spéciales de financement, de surveiller les résultats et de rendre des comptes aux Canadiens à intervalles réguliers.
En guise de conclusion, il est temps de faire davantage pour la santé mentale et le bien-être des Canadiens étant donné leur énorme portée économique et émotionnelle. Nous avons besoin d'une stratégie nationale pour régler cette importante question. Le travail effectué individuellement par les provinces, par les territoires et par les groupes de revendication mène au dédoublement des efforts et au gaspillage des ressources. Une stratégie nationale permettrait de soulager la souffrance de 20 p. 100 des Canadiens atteints de troubles mentaux et de réduire au minimum un important facteur de risque d'autres maladies.
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie fait preuve de leadership en examinant cet aspect important de notre régime de soins de santé. Tout ce qu'il faut, c'est avoir la volonté politique commune de faire tomber les barrières qui empêchent d'aller de l'avant avec la réforme de la santé mentale.
J'ai laissé à votre personnel un document d'information plus complet, accompagné de références, que le comité pourra consulter. Je vous remercie encore de m'avoir invité à témoigner. J'attends avec impatience votre rapport final et l'occasion de travailler avec les autres intervenants en vue d'améliorer la santé mentale et le bien-être des Canadiens.
Mme Irene Clarkson, directrice exécutive, Santé mentale et toxicomanie, ministère des Services de santé de la Colombie-Britannique: Le ministère des Services de santé de la Colombie-Britannique remercie le sénateur Michael Kirby et les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie d'avoir reconnu l'importance d'appuyer les personnes et les familles aux prises avec la maladie mentale et la toxicomanie. C'est l'occasion idéale d'élaborer une stratégie fédérale. Le processus est utile et, surtout, c'est un message envoyé à tous les Canadiens pour leur faire comprendre qu'il faut accorder autant de priorité à la maladie mentale qu'à la maladie physique.
Je vais vous décrire ce que nous sommes en train de faire en Colombie-Britannique, les changements que nous avons apportés, puis faire des recommandations tirées de ce que nous avons vécu. Nous espérons qu'elles vous seront utiles.
Le ministère des Services de santé de la Colombie-Britannique s'est lancé il y a quatre ans dans une réforme de la santé mentale dans la province et, plus récemment, c'est-à-dire depuis deux ans, il cherche à y intégrer la toxicomanie.
J'aimerais partager avec vous la vision du système de santé qu'a la Colombie-Britannique pour assurer la prestation des services aux malades mentaux et aux toxicomanes. Nous visons un système de santé complet, intégré et fondé sur des preuves, c'est-à-dire un système de santé entier, plutôt qu'un système distinct qui offre des services de promotion de la santé, de prévention, de traitement et de rétablissement uniquement en matière de santé mentale et de toxicomanie. Quand nous parlons de services axés sur le rétablissement, nous parlons de rencontrer la personne là où elle se trouve, de lui donner de l'information, de faire en sorte qu'elle ait accès aux traitements dont elle a besoin ou, si elle n'a pas besoin de traitement, du soutien dont elle a besoin pour réussir dans la vie.
Ce système de soins cadrera avec le résultat visé, soit une amélioration de la santé mentale de la population de la Colombie-Britannique, en d'autres mots moins de déficiences, une plus grande résistance, un autotraitement accru et une baisse de la consommation des services de santé. Je souligne cette baisse de la consommation. Il n'est pas question de réduire l'accès, mais de tout autre chose.
Donc, en Colombie-Britannique, nous avons une population de quelque 4,2 millions d'habitants. Environ 640 000 personnes uniques ont recours chaque année aux services de santé pour des préoccupations ou des troubles d'ordre mental. Voilà qui indique que nous avons besoin d'un système qui est non seulement complet et intégré, mais qui est aussi capable de gérer le niveau variable des besoins de la clientèle et sa répartition un peu partout dans la province. Pour pouvoir y faire face, la Colombie-Britannique a entrepris de restructurer son autorité sanitaire et les systèmes de gestion de son ministère de manière à multiplier les chances de succès.
Il y a de nombreuses années, quand j'étais directeur des soins infirmiers en psychiatrie de la Colombie-Britannique, nous avions plus de 128 conseils d'administration qui géraient les soins actifs dans nos hôpitaux. Plusieurs ministères participaient à la prestation de toutes sortes de services communautaires. En tant que directeur des soins infirmiers, je me suis rendu compte qu'il m'était impossible d'aider mon personnel, dans le peu de temps dont nous disposions, à aider nos clients et leurs familles à s'orienter vers les services dont ils avaient besoin. Il existait de nombreux obstacles, dont la langue et différentes exigences relatives à l'inscription. C'était impossible.
Puis, la Colombie-Britannique est passée à un système où il y avait 52 autorités de la santé. C'était trop peu de changement. La prestation des services continuait de relever de plusieurs ministères aux critères d'admission différents, utilisant différentes langues, et le temps que devaient consacrer les professionnels de la santé pour savoir quels services étaient offerts était ridicule.
Le gouvernement actuel a adopté un nouveau système de gouvernance. Nous avons maintenant cinq régies de la santé, des régies définies en fonction de territoires géographiques qui gèrent la prestation directe des services, et une seule régie provinciale de la santé qui gère les services provinciaux de haute gamme.
Au cours des deux dernières années, nous avons pu observer que ce système a rendu possible la création d'un régime plus équitable qui offrirait à la population de la Colombie-Britannique toute une gamme coordonnée de services locaux, régionaux et provinciaux en matière de santé mentale et de toxicomanie, peu importe où elle habite dans la province. Nous n'en sommes pas encore là, mais il est certes beaucoup plus facile d'intégrer et de réduire les dédoublements.
L'autre possibilité que nous offre le nouveau système est d'offrir dans chaque région des services plus efficaces et plus efficients sous la coordination d'un seul organe qui doit rendre des comptes et qui est suffisamment étendu pour recruter et conserver des professionnels de la santé mentale et de la toxicomanie et pour réaliser des économies d'échelle que nous n'avions jamais réussi à obtenir auparavant. Le processus a certainement été utile.
Par ailleurs, nous pouvons avoir un système de santé plus responsable parce que nous avons mis en place des contrats de performance régionale qui détaillent comment seront satisfaits les besoins de santé et énoncent plus clairement les attentes à l'égard de tous les intéressés. Il s'agit-là d'un processus permanent. Il est difficile de mettre en place ces contrats, et nous faisons de notre mieux pour les changer, pour les rendre plus efficaces avec l'aide des régies de santé et d'autres rétroactions. Cependant, c'est la première fois qu'en Colombie-Britannique, nous exigeons une véritable reddition de comptes dans le domaine de la santé. C'est très prometteur.
Pendant que nous effectuons ces travaux, nous transférons aussi la responsabilité à nos régies de la santé des soins psychiatriques tertiaires haute gamme qui étaient situés à l'hôpital Riverview. De plus, en 1997, les régies de la santé se sont vues confier les services communautaires de santé mentale. Il y a deux ans, nous avons confié des services communautaires en matière de toxicomanie aux régies de la santé, de même que la responsabilité du programme subventionné de vie autonome qui était jusque là géré centralement par le ministère.
Pour la première fois dans l'histoire de la Colombie-Britannique, toute la gamme des services est regroupée sous l'autorité d'organes uniques. Le fait qu'ils sont capables de réduire les dédoublements, d'intégrer le soutien et d'abattre les obstacles aux services est indéniable. Naturellement, il faut décider de ce que nous allons faire maintenant que nous avons abattu ce difficile travail. La réforme n'est pas terminée. C'est certainement une occasion pour chacun de se développer.
Nous avons eu beaucoup de chance que ce gouvernement crée un poste de ministre d'État chargé des services de santé mentale et de toxicomanie. Je travaille dans le domaine de la santé mentale depuis maintenant 35 ans et c'est la première fois que je vois une chose pareille. La création de ce poste est venue appuyer la responsabilisation transministérielle à l'égard de l'incidence sur nos populations cibles des changements apportés aux programmes. Elle a également favorisé la tenue de discussions franches, au sein du Cabinet, sur les questions de toxicomanie et de santé mentale.
Pour nous, au ministère, et pour nos partenaires du secteur de la santé, cela signifiait qu'il y avait un véritable débat sur la maladie mentale, qui est différente de la santé mentale. Nous disons souvent «santé mentale» parce que nous avons peur de parler de «maladie mentale». Pour la première fois au sein d'un cabinet, on a abordé beaucoup des questions morales concernant les toxicomanes. C'est incroyable d'avoir pu observer l'évolution de la situation au cours des dernières années. Il était désormais possible de parler de santé mentale et de toxicomanie aux plus hautes instances du gouvernement.
Au sein du ministère, nous avons perdu des gens dans notre domaine de compétence et nous avons subi en même temps l'intégration des services. Nous avons dû relever le défi de penser à la fois à la santé mentale et à la toxicomanie. Celles-ci font d'ailleurs partie de la composante Initiatives stratégiques et innovation. C'était une bonne chose pour ce programme car nous devions évoluer. Notre travail était différent. C'est très difficile de devenir un gardien du système plutôt que de continuer à s'investir directement dans la prestation de services.
Nous avons fixé des objectifs pour le ministère, différents de ceux poursuivis par les autorités sanitaires. Ils concernent l'intendance. Je n'ai pas le temps de vous faire part des détails de chacune des stratégies élaborées, mais je vais vous présenter les points saillants de nos divers objectifs.
Le premier consistait à créer un système totalement intégré de services de soins de santé destiné à notre clientèle souffrant de troubles mentaux ou aux prises avec des problèmes de toxicomanie. À l'appui de cette initiative, nous avons mis de l'avant — et nous continuons de travailler avec nos partenaires dans ce sens — une stratégie provinciale de lutte contre la dépression, l'anxiété et la toxicomanie. Nous avons également collaboré avec le ministère de du Développement des enfants et de la famille dans le cadre de l'élaboration de son plan de santé mentale pour les enfants et les jeunes.
Afin d'aider les autorités sanitaires à mettre en place un système complet, nous finançons l'Unité de consultations communautaires et d'évaluation de la santé mentale de l'Université de la Colombie-Britannique. Celle-ci ne fait pas de recherches. Elle nous aide à définir des politiques raisonnées et à soutenir les autorités sanitaires pour qu'elles en fassent autant. Cette fonction est différente de la recherche. Nous avions besoin d'une façon de mettre à profit ces connaissances et d'examiner les pratiques et les politiques à tous les niveaux. C'est un travail très exigeant. Nous avons eu de la chance de nous faire aider par d'éminents spécialistes en la matière.
Par ailleurs, le ministère travaille avec la Fondation Michael Smith pour la recherche en santé. Celle-ci nous a donné la magnifique occasion de cerner des domaines de recherche pertinents en santé mentale et en toxicomanie.
Le deuxième objectif est l'instauration d'un système de soins de santé primaires permettant de faire du dépistage précoce et de soigner les toxicomanes ou les personnes atteintes de troubles mentaux en se fondant sur des preuves. En Colombie-Britannique, plus de 65 p. 100 de notre clientèle a accès à nos services par l'intermédiaire des médecins généralistes dont le nombre dépasse les 4 500. En moyenne, 15 p. 100 des patients de chaque médecin généraliste souffrent de troubles mentaux. Ceci est un signe que nous devons travailler en collaboration avec ces médecins.
Toujours en Colombie-Britannique, on compte en moyenne chaque mois 10 000 nouveaux rapports concernant des troubles mentaux ou des problèmes de toxicomanie. Cela ne veut pas dire que ce sont de nouveaux clients. Cela signifie que pour la première fois, on reconnaît que ces personnes souffrent de troubles mentaux ou d'un problème de toxicomanie. Pour nous, le concept consistant à ignorer le rôle du médecin généraliste dans le système de soins de santé ne tient pas.
Le troisième objectif vise à mettre au point une approche de gestion des maladies chroniques dans le cadre des services de santé et du système de soins primaires. Nous sommes en train de réfléchir à autre chose qu'au traitement des troubles épisodiques. Nous sommes très bons dans ce domaine, mais nous devons faire plus pour aider les patients et leur famille à gérer leur problème. Premièrement, ce sont des personnes et, deuxièmement, elles connaissent leur maladie. Nous devons tenter de réduire les cas de récidive et de rechute et aider ces gens à avoir une bonne qualité de vie.
Le quatrième objectif, l'un des plus passionnants, est la création d'une infrastructure de communication permanente pour améliorer l'éducation en santé mentale. Vous ne pouvez pas aider des gens qui ne comprennent rien de ce que vous leur dites. Un médecin ne peut pas répondre aux besoins de son patient si ce dernier ne comprend pas ce qu'il raconte. On ne peut pas faire de dépistage précoce et réduire les symptômes si on ne sait pas de quoi on parle. Cette initiative a commencé il y a deux ans. C'est vraiment l'une des plus passionnantes à laquelle j'ai participé dans toute ma carrière. Je serais vraiment ravie de vous donner davantage d'informations à ce sujet à un autre moment.
En plus, en Colombie-Britannique, nous avons un guide médical ainsi qu'une ligne téléphonique disponible 24 heures sur 24, sept jours par semaine, donnant accès à des infirmières et à des pharmaciens. Cela permet aux Britanno- Colombiens d'obtenir des informations de qualité en matière de santé, peu importe l'endroit où ils vivent. Ces renseignements sont disponibles autant pour les maladies mentales que physiques.
Nous pensons que ces mesures aideront les autorités sanitaires. Elles seront également utiles aux groupes s'occupant de la mise en oeuvre des plans concernant la santé mentale des enfants et des jeunes, avec lesquels nous avons créé des partenariats. De plus, nous nous attendons à un changement de culture, au cours des dix prochaines années dans la province, en ce qui concerne notre niveau de connaissances en santé mentale.
C'est passionnant.
Le dernier objectif, mais non le moindre, consiste à mettre en oeuvre les fonctions essentielles et à englober dans la santé publique la promotion de la santé mentale, le développement sain des enfants et la prévention des troubles mentaux et de la toxicomanie. Notre loi sur la santé publique fait actuellement l'objet d'une révision, et nous définissons également les fonctions de base pour être certains de bien mettre l'accent sur la prévention, la promotion et le dépistage précoce. Cela ne suffit pas de traiter les gens; il faut détecter leurs troubles plus tôt.
Voilà nos principales stratégies. Les résultats attendus sont une amélioration de la santé mentale de la population; la réduction de la consommation de drogues; la prévention des problèmes de santé mentale ainsi que des troubles mentaux et liés à la toxicomanie. Il ne faut pas oublier que les problèmes de santé mentale peuvent entraîner des maladies mentales, mais ce ne sont pas des maladies mentales. Parfois, il y a une certaine confusion à ce sujet. Nous comptons également sur une incidence réduite et une diminution des déficiences découlant des problèmes de santé mentale, des troubles mentaux et de la dépendance à l'égard des drogues chez les individus, les familles et la communauté dans son ensemble. Nous travaillons avec d'autres ministères pour y parvenir. Le but est aussi de réduire la pression qui s'exerce sur les services de santé. Nous cherchons également à faire en sorte que les personnes souffrant de troubles mentaux ou de problèmes de toxicomanie soient moins discriminées et stigmatisées.
Nous voudrions faire un certain nombre de recommandations fondées sur l'expérience que nous avons acquise jusqu'à présent. Nous surveillons notre système de près et nous avons préparé deux rapports préliminaires. Nous travaillons fort pour élaborer de meilleurs indicateurs dont nous pourrons vous parler plus tard.
Le ministère de la Santé de Colombie-Britannique appuie fortement la réforme en matière de santé mentale et de toxicomanie, laquelle prévoit un système de soins intégré, axé sur les clients et étroitement lié au système de soins primaires, qui prévoit une approche en matière de gestion des maladies chroniques et garantit une information de qualité pour les patients, les familles et le grand public. Cette réforme devrait tenir compte du déterminant social de la santé concernant les politiques et la prestation de services.
Dans ce contexte, nous recommandons un cadre stratégique national intégré qui soit complet et conforme au continuum de la promotion de la santé mentale, de la prévention des troubles mentaux et de la toxicomanie, du dépistage précoce, de l'intervention, du traitement, du suivi, de la prévention des rechutes, de la diminution des souffrances, de la réadaptation et de la guérison.
Nous recommandons également la création d'un programme national d'éducation en santé mentale de haut niveau qui prévoit le financement, pour les provinces, de la mise en oeuvre de programmes d'enseignement en la matière, dans le cadre d'une initiative nationale. Les Canadiens ont besoin de savoir ce que sont la santé mentale et la maladie mentale. Ils doivent savoir comment prendre soin d'eux-mêmes et de leurs êtres chers.
Un cadre stratégique national en matière de santé mentale et de toxicomanie doit englober plus que les services de santé. Il doit prendre en compte les déterminants sociaux de la santé dont des logements décents, des débouchés intéressants, des programmes de retour au travail, des occasions de perfectionnement, des aides au revenu, des réseaux d'aide sociale et la possibilité de faire partie de la communauté comme un citoyen à part entière. Par conséquent, nous voudrions non seulement voir une structure plus élargie, mais aussi un plan intégré qui réunisse toutes ces structures.
Nous voudrions également que le gouvernement fédéral s'engage à promouvoir le développement des infrastructures de services en santé mentale et en traitement de la toxicomanie. Cela suppose le déploiement de ressources permettant de régler rapidement des problèmes de santé graves et d'alléger le fardeau social de la maladie. Ensuite, nous voudrions que les provinces soient tenues responsables des résultats plutôt que des programmes spécifiques ou des modèles de services.
Cinquièmement, nous voudrions que le fédéral appuie la réforme des soins de santé primaires. Le premier contact avec le système détermine l'accès subséquent aux services. Si nous veillons à ce que ce premier contact soit efficace, il peut se révéler un élément des plus décisifs pour s'orienter sur la voie de la guérison.
Enfin, nous voudrions que le gouvernement fédéral examine ce que font ses ministères en matière de santé mentale et de toxicomanie et qu'il revoie ses structures de planification. Nous souhaiterions voir une certaine intégration, au niveau fédéral, qui refléterait les meilleures pratiques actuelles et une orientation claire dans la prestation des services et les politiques provinciales. Nous voudrions en venir à l'élaboration de stratégies nationales intégrées en matière de santé mentale et de toxicomanie. Les Canadiens ont besoin d'un système de santé qui ne renvoie pas les patients d'un endroit à un autre, mais plutôt d'un système qui s'assure que tout le monde frappe à la bonne porte.
Le président: Je vous remercie tous pour ces commentaires. Je crois que cela marque le début d'une discussion très intéressante. À ce propos, je sais que M. Block doit nous quitter relativement tôt, mais j'ai cru comprendre que Mme Harrison pourra rester et participer au débat.
Avant de céder la parole à mes collègues, j'aimerais vous poser une question d'ordre général qui nous trouble depuis quelque temps déjà. Je crois que le Dr Millar a dit qu'environ 80 p. 100 des traitements en santé mentale échappent techniquement à la politique officielle en la matière, en ce sens qu'ils ne font pas partie du système de médecine hospitalière.
Comment les différentes provinces ont-elles réagi au fait qu'un très grand nombre de services en santé mentale fournis à leurs résidents ne faisaient pas partie du système public, au moins directement? C'est troublant. Cela tient peut-être au fait que certains centres d'hébergement, par exemple, sont financés par quelqu'autre ministère, un qui s'occupe des services communautaires ou je ne sais quoi.
Comment avez-vous fait face à ce qui me semble être un ensemble presque inextricable de systèmes de prestation de services non adapté à une structure gouvernementale conditionnée pour s'occuper strictement de certains problèmes de santé à un endroit, des sans-abri ailleurs ou encore de l'aide au logement? Avez-vous réussi à cerner le problème?
Monsieur Block, voulez-vous commencer?
M. Block: C'est une excellente question et un problème difficile. Nous avons pris quelques initiatives en Alberta. J'ai mentionné que nous avions mis au point un plan provincial en santé mentale. En vertu de ce plan, nous faisons appel à neuf ministères différents, surtout celui de la santé et du bien-être. Ce plan, lorsqu'il a enfin été ratifié, prévoyait la participation de neuf autres ministères. Nous pensions que c'était la première étape à franchir pour réunir les différentes pièces du puzzle. Dans l'accréditation à laquelle j'ai fait référence un peu plus tôt, cet élément était considéré comme l'une de nos meilleures pratiques et avait reçu une mention élogieuse.
Lorsque nous examinons les stratégies à mettre en oeuvre pour rassembler ces différentes pièces, nous savons évidemment que cela passe par la création de solides liens de partenariat avec plusieurs groupes et organisations. Nous n'en sommes pas encore là, comme d'autres vous le diront, mais ceci est la première étape qui consiste à réunir tous les intervenants et à reconnaître que les déterminants de la santé sont aussi importants que d'autres aspects.
Le président: Puis-je vous demander de nous tenir au courant de l'évolution de la situation? Ai-je raison de croire qu'un nombre important de services ne seraient même pas visés par ce que vous avez annoncé étant donné qu'ils ne sont pas financés par des deniers publics? Les gens doivent-ils payer directement les conseils ou services qu'ils reçoivent, par exemple, ou est-ce que les plans de thérapie médicale sont couverts par les régimes d'assurance- médicaments?
Quelle part des services en santé mentale offerts aux Albertains n'entre pas dans l'enveloppe budgétaire, puisqu'ils ne sont pas financés par des fonds publics?
M. Block: Je ne sais pas si je pourrais vous donner un chiffre aujourd'hui.
Le président: Vous n'en avez aucune idée?
M. Block: Je pense que c'est beaucoup. Les organisations non gouvernementales jouent un rôle très important dans tous les aspects, mais honnêtement, sénateur Kirby, je ne pourrais pas...
Le président: Font-elles partie de votre plan?
M. Block: Oui, elles y ont participé.
Le Dr Millar: En Nouvelle-Écosse, nous ne nous attaquons pas très bien à ce problème pour les adultes. Étant donné les ententes de financement historiques, le logement des personnes atteintes de troubles mentaux relève des services communautaires car ces services étaient financés jusqu'à concurrence de 50 p. 100, mais pas la santé.
Des services de psychologues en pratique privée et de travailleurs sociaux sont également disponibles. Lorsque j'ai dit que 80 p. 100 échappaient au système de soins de santé mentale officiel, je dois ajouter que dans la plupart des cas, en Nouvelle-Écosse, ces services demeurent au sein du système de santé, toutefois ils sont fournis par des médecins généralistes qui n'ont souvent pas de formation adéquate en santé mentale.
Pour les enfants, nous avons fait un meilleur travail. C'est grâce à la bonne volonté des gens de différents ministères. Nous avons mis sur pied ce que nous appelons un comité d'action pour les enfants et les jeunes, qui fonctionne depuis environ huit ans. Il a pris forme quand des cadres des ministères de l'Éducation, de la Justice, des Services communautaires et de la Santé se sont réunis pour prendre un café et aborder les problèmes. Il s'est développé pour acquérir une structure formelle, et nous nous réunissons maintenant chaque deux semaines pour élaborer des plans conjoints et de nouveaux programmes. Nous en avons mis en oeuvre quelques-uns l'année dernière grâce au ministère de la Santé, et lorsque nous nous sommes présentés devant le Cabinet, les quatre ministères concernés se sont unis et ont appuyé l'initiative.
Cela nous a permis de faire quelques progrès. Néanmoins, nous souffrons toujours d'un sous-financement très important, nous manquons énormément de ressources, mais il y a de la bonne volonté et le souci de travailler en collaboration pour mettre au point les services de traitement appropriés — services d'hébergement, services dans les écoles et autres choses du genre.
Le président: Pourriez-vous nous envoyer de la documentation sur votre programme pour les enfants de façon à ce que nous comprenions bien sa structure et son fonctionnement?
Le Dr Millar: Certainement.
Le président: Que faites-vous avec les groupes du secteur privé qui sont sur le terrain mais qui ne travaillent pas sous l'égide du gouvernement?
Le Dr Millar: Nous ne faisons rien. Ils sont là de leur propre initiative. Ce sont des groupes de défense des intérêts qui fournissent certains services. J'ai ce que l'on appelle un comité directeur en santé mentale, qui est le groupe ayant élaboré nos normes et défini notre orientation stratégique.
Le président: Y a-t-il des gens du secteur non gouvernemental?
Le Dr Millar: Oui. Cela inclut également les consommateurs directs qui siègent à ce comité directeur et nous aident à préparer les politiques.
Le président: Monsieur Block, avez-vous fait appel directement à des consommateurs dans le développement de votre plan?
M. Block: Oui. Si je puis me permettre d'ajouter quelque chose, dans le cadre de l'élaboration de notre plan, nous avons reçu 500 propositions écrites du public. Nous considérons que c'est un très bon taux de réponse.
Le président: C'est incroyable.
Mme Clarkson: En Colombie-Britannique, pour les autorités sanitaires qui s'occupent de santé mentale et de toxicomanie, le système inclut des foyers pour les personnes atteintes de troubles mentaux, des centres d'hébergement, des aides pour la guérison des toxicomanes et des installations pour le traitement de la toxicomanie. Le système communautaire — qui dépend d'ailleurs des autorités sanitaires — applique également un programme de préparation à la vie autonome, qui accorde un soutien à domicile. Il existe également un volet «supplément de loyer» mis en oeuvre dans le cadre du programme de logement de la Colombie-Britannique. Les services communautaires en santé mentale représentent autour de 450 à 500 millions de dollars par année.
Il y a environ trois mois, nous avons fait une étude inter-sectorielle, et la Colombie-Britannique dépense un peu moins d'un milliard de dollars par année dans l'ensemble du secteur; cela comprend les services pharmaceutiques — parce que les clients à faible revenu ont accès au plan G et à d'autres prestations — les services médicaux et les services d'aide aux toxicomanes, qui relèvent maintenant des autorités sanitaires. Au total, cela représente environ un milliard de dollars ou peut-être 8 à 10 p. 100 de notre budget total, et cela ne cesse d'augmenter. Le ministère de la Santé dispose d'un budget annuel de plus de neuf milliards de dollars.
Ce ne sont pas les organismes à but non lucratif qui posent problème car les autorités sanitaires lancent des appels d'offres et signent des contrats avec eux. La plupart des services d'hébergement pour les personnes atteintes de troubles mentaux et d'autres services connexes sont donnés en sous-traitance. Les autorités sanitaires signent des contrats avec ces organismes, tout comme elles le font pour beaucoup des services fournis aux toxicomanes; il y a donc un partenariat entre les autorités sanitaires et ces organismes à but non lucratif.
Le président: Cela me dit que certains de vos services, même s'ils sont payés par l'État, sont fournis en sous-traitance par les ONG, dont certains, même, dans un but lucratif. Ce n'est pas la question, mais ils sont donnés en sous- traitance.
Y a-t-il des éléments de services qui ne sont pas payés par l'État? De toute évidence, une bonne part de l'aspect consultation n'est pas financée par les contribuables. Ce n'est pas compris en aucune façon, sous aucune forme dans le plan pour la santé mentale en tant que tel. N'est-ce pas?
Mme Clarkson: Je ne comprends pas tout à fait ce que vous entendez par «pas compris».
Le président: Est-ce que les données que vous avez ont un rapport avec les dépenses de l'État? Combien, outre ce milliard de dollars dont vous avez parlé, d'après vous, les gens payent-ils pour des services offerts par le secteur privé? À mon avis, ce doit être beaucoup.
Mme Clarkson: D'autres sources comprennent les programmes d'aide aux employés, qui ont fait l'objet récemment d'un examen, mais le rapport n'a pas encore été publié.
Le président: En Colombie-Britannique, ou à l'échelle nationale?
Mme Clarkson: En Colombie-Britannique, le rapport s'intéresse aux initiatives en milieu de travail. On se préoccupe de la manière dont on pourra assurer un accès approprié à la thérapie cognitivo-comportementale. Actuellement, les services communautaires de santé mentale ont des psychologues qui offrent cette thérapie. C'est un domaine qui offre le plus de possibilités et de promesses, en fait d'intervention fondée sur des données probantes. Le réseau privé de psychologues existe et c'est un réseau sain, mais sans accès au financement, on doit attendre de pouvoir accéder à un service communautaire de santé mentale. C'est une préoccupation réelle.
Le président: Je suppose qu'il en est de même dans les autres provinces. Je suppose aussi que les fonds publics ne donnent pas accès aux services privés de consultation?
Mme Clarkson: Les autorités sanitaires sont libres d'offrir ces services en sous-traitance, et certaines le font.
Le président: De la même manière que les compagnies embauchent des services d'aide aux employés?
Mme Clarkson: Exactement.
Le sénateur LeBreton: Docteur Millar, vous avez dit quelque chose à propos de stigmate et du traitement des personnes qui ont des problèmes de santé mentale, dont nous entendons parler constamment. Même dans les hôpitaux, les professionnels de la santé les mettent au bas des listes.
L'Australie semble être tellement plus avancée que nous sur ce plan particulier. Ils ont beaucoup fait avec leur programme national de littératie sur la santé mentale — non seulement pour les gens qui pourraient souffrir de ces maladies, mais aussi pour le public en général, en ce qui concerne les stigmates.
Ma première question s'adresse au Dr Millar, mais les autres témoins sont invités à intervenir s'ils le veulent. À part le lancement d'un vaste programme de littératie sur la santé mentale, faudrait-il créer une espèce de système pour rééduquer les professionnels de la santé? Lorsqu'on accueille des gens dans les professions de la santé, y a-t-il un domaine vers lequel on devrait acheminer un nombre particulier de personnes pour qu'elles reçoivent une formation pour composer avec ce mal de plus en plus répandu? Les gens reçoivent une formation pour les maladies cardiaques et d'autres types de maladie. Est-ce que nous manquons le coche, pour ainsi dire, d'une formation appropriée des professionnels de la santé dans le domaine de la santé mentale et des maladies mentales?
Le Dr Millar: C'est une excellente question. Oui, nous manquons le coche.
Prenez, par exemple, la formation d'un médecin. Quand un étudiant en médecine doit faire un choix pour le Service canadien de jumelage des résidents, il n'a même pas encore fait de stage en psychiatrie, et il a de la chance s'il a eu l'occasion de faire un stage en pratique générale. Il doit déjà prendre une décision qui engagera le reste de sa vie.
Lorsque les sciences infirmières étaient un programme du diplôme de trois ans, les étudiants passaient beaucoup de temps dans le domaine de la santé mentale. Avec le programme de baccalauréat de quatre ans, certains étudiants en sciences infirmières peuvent faire tout le cours sans recevoir la moindre formation en santé mentale. La santé mentale est maintenant un cours de cycle supérieur.
En Nouvelle-Écosse, nous avons récemment fermé notre programme de spécialisation de deuxième cycle en soins infirmiers-santé mentale. Lorsque je travaillais en Saskatchewan, ils avaient des programmes pour devenir infirmières ou infirmiers autorisés en soins psychiatriques; je pense que l'Alberta en a encore, même si cela n'existe nulle part ailleurs dans le pays. La formation de nos fournisseurs de soins santé de première ligne manque lamentablement de formation en santé mentale ou en psychiatrie.
Vous avez parlé du programme australien. Nous avons eu la chance de pouvoir recruter le Dr Steven Kisley, de l'Australie. Il dirige mon comité antistigmate dans la province, et il essaie de nous aider. Nous comptions nous attaquer d'abord aux salles d'urgence. La réaction a été si brutale que nous avons dû faire marche arrière et commencer, plutôt, par les médias. Si vous avez lu Maclean's et le National Post, nous avons fait les manchettes avec notre idée folle de faire l'examen des médias. Certaines personnes se sont étonnées de la réaction des médias. Pas moi. Nous avons touché un nerf sensible, et ils ont réagi comme n'importe qui le ferait quand un nerf sensible est touché. L'enjeu est énorme. Notre système de formation doit changer.
Avec le partage des soins, où les professionnels de la santé s'intègrent réellement aux pratiques de soins primaires — que ce soit des travailleurs sociaux, des psychologues ou des infirmiers et infirmières en santé mentale, avec une participation de psychiatres qui travaillent dans un contexte généraliste à temps plein. C'est là qu'il y a une possibilité de commencer à éduquer les gens dans le cadre des entretiens de couloir et des dialogues pendant la pause-café.
Cependant, il faut élargir la démarche. Cela se fait lentement. Nous nous efforçons, en Nouvelle-Écosse, de répandre cette pratique.
M. Block: L'un de nos administrateurs est le nouveau doyen de département de médecine de l'Université de l'Alberta. Il aimerait nous voir faire des progrès en matière de formation et d'éducation des médecins généralistes. Il aimerait beaucoup travailler en collaboration avec d'autres provinces intéressées.
J'ai rencontré, hier, les membres de l'Association médicale canadienne. Nous parlions de dresser un programme pour un comité national sur la question. Nous pensons que cela mérite le soutien du gouvernement fédéral. Un peu plus tard, à l'automne, nous allons envoyer des lettres de l'AMC, et probablement de l'APC, pour demander la participation de toutes les provinces.
Mme Sandra Harrison, directrice exécutive, Planification, défense des droits et liaison, Alberta Mental Health Board: Lorsque nous avons conçu le régime de santé mentale provincial de l'Alberta, tout récemment, nous y avons fait participer les universités. Nous avons eu aussi l'apport de gens qui enseignent aux infirmières et infirmiers, de médecins et de psychologues. Nous leur avons posé les questions que vous posez. Ce sont des questions difficiles.
Il nous est apparu clairement que le milieu universitaire n'est pas toujours très au fait de la demande et du besoin, en la matière. Nous nous sommes entendus qu'il nous faudra collaborer plus étroitement pour réfléchir aux tendances qui se profilent à l'horizon: Quelle est la demande, quels sont les besoins relativement à certaines professions? Est-ce que les écoles s'y préparent? Est-ce qu'elles répondent aux besoins réels, ou encore à ce qu'elles pensent qu'ils doivent être? Il y a une certaine déconnexion.
Nous avons fait participer des groupes communautaires à notre processus de planification. Ils nous ont dit qu'il y a une immense ressource non exploitée, relativement à l'élaboration d'un cadre de santé mentale des enfants, et du régime de santé mentale provincial. Ils nous ont dit qu'ils pourraient faire partie de l'effectif de la santé mentale et apporter leur soutien à ce qui se fait. Ils peuvent aussi aider les communautés et les enfants. Nous avons déterminé que nous pouvons aider ces groupes communautaires en leur offrant une certaine formation.
Je ressens toujours le besoin d'intervenir lorsqu'on parle de former les professionnels pour ouvrir un peu le mode de pensée. Il y a d'autres groupes extérieurs particuliers de professionnels qui pourraient être une énorme ressource dans le domaine de la santé mentale, particulièrement lorsqu'on parle d'élargir le concept de santé mentale pour englober les déterminants de la santé et du bien-être communautaire.
Mme Clarkson: En Colombie-Britannique, la BCSS, la British Columbia Schizophrenia Society, a diffusé ses trousses d'outils dans les écoles, et travaille avec les jeunes. Certaines recherches démontrent que les attitudes des enfants relativement à la toxicomanie, à la consommation d'alcool et d'autres substances, se développent dès la quatrième année de scolarité. Leur perception de ce qui peut être un comportement acceptable commence déjà là. Il est curieux que nous leur parlions, dans notre enseignement, des groupes d'aliments du Canada, mais pas des groupes d'aliments de la santé mentale. Qu'est-ce qui est bon pour la santé mentale? Quelles habiletés d'adaptation peut-on avoir?
En Colombie-Britannique, le Ministry for Family and Child Development a une trousse d'outils vraiment intéressante qui sera distribuée à toutes les écoles de la Colombie-Britannique, et qui est similaire à un programme qui a été lancé en Australie. C'est pour enseigner aux élèves de quatrième année la gestion de l'anxiété. Qu'est-ce que le stress? Qu'est-ce que l'anxiété? Qu'est-ce que les habilités d'adaptation? L'Australie a obtenu d'excellents résultats.
Nous ne devons pas oublier qu'un adulte choisit son orientation. Cependant, la plupart de nos attitudes se forment quand nous sommes très jeunes. Déjà, à l'adolescence, une bonne partie de nos convictions sont déjà bien ancrées. Il est beaucoup plus difficile de changer les convictions plus tard par des mesures de littératie sur la santé mentale s'adressant aux adultes plutôt que d'offrir de l'information et une formation aux jeunes et aux enfants sur la santé mentale.
Je lève mon chapeau au Ministry for Child and Family Development de la Colombie-Britannique, et à son système d'éducation, parce qu'ils commencent à modifier leur mode de pensée sur la manière dont nous pouvons aider les jeunes à acquérir des habilités plutôt que de chercher à reconnaître chez eux les signes précurseurs de la maladie. C'est une approche tellement différente.
Le sénateur LeBreton: La Colombie-Britannique semble très engagée dans la réforme de la santé. À vous écouter, je me réjouis que mon fils et mes deux petits-enfants vivent en Colombie-Britannique.
Vous faites, chacun d'entre vous, de toute évidence, de grands progrès, dans vos propres administrations provinciales. Y a-t-il moyen, actuellement, que vous puissiez mettre en commun l'information que vous avez? Quel genre de système existe pour mettre en commun ce qui se fait en Colombie-Britannique, avec l'Alberta ou la Nouvelle- Écosse? Existe-t-il le moindre organe de supervision? Peut-être le Dr Millar pourrait-il répondre le premier.
Le Dr Millar: J'étais président du Réseau de consultation sur la santé mentale, qui n'est plus, désormais, financé par le Conseil des sous-ministres de la Santé. Ce groupe continue de se réunir deux fois l'an, en des endroits divers dans le pays. Les hôtes de la réunion montrent ce qu'ils font. Les éléments d'intérêt d'autres parties du pays sont mis en commun.
Le document de stratégie sur la santé mentale qu'a rédigé la Nouvelle-Écosse était fondé sur une stratégie conçue en Colombie-Britannique il y a deux ou trois ans. Nous avons expliqué nos normes à ces réunions et aux réunions de l'ACP.
Comme je le disais, avec le manque de financement et les mesures d'austérité qu'adoptent les provinces pour les voyages, il est très difficile pour certaines des provinces aux moyens plus modestes d'assister à ces réunions et d'obtenir l'information. Nous la leur envoyons, mais c'est toujours beaucoup mieux d'être sur place.
Le sénateur LeBreton: C'est plus stimulé par votre propre intérêt et votre engagement.
Le Dr Millar: C'est une guerre de partisans.
Le sénateur LeBreton: C'est un triste commentaire, ne pensez-vous pas?
Le sénateur Callbeck: Si on reste sur le sujet, vous avez dit que le Conseil des sous-ministres a retiré son appui à l'effort de rassemblement des travailleurs de la santé mentale du pays.
Est-ce qu'il a retiré son soutien pour des raisons financières? Est-ce que ce n'était pas une priorité? Y a-t-il meilleur moyen de faire?
Le Dr Millar: À ce que j'ai compris, c'était pour des motifs d'ordre financier. J'ai déjà aussi siégé au comité de médecine génétique. Il a aussi perdu son financement en raison d'autres priorités et de compressions budgétaires.
Le sénateur Callbeck: Combien de temps a existé ce comité, qui essayait de constituer une politique sur la santé mentale?
Le Dr Millar: Je n'y siège que depuis trois ans, mais il existe depuis au moins dix ans. Son financement a été interrompu il y a environ quatre ans.
Le sénateur Callbeck: Est-ce qu'il fait des progrès?
Le Dr Millar: Je le pense. Nous continuons de partager. Nous avons créé une trousse de mesures du rendement et cela s'est fait après l'interruption du financement.
Mme Clarkson: Il est difficile pour les comités comme celui-là de justifier la nature de ses progrès. Si nous apprenons l'un de l'autre, si nous nous posons des défis l'un à l'autre, alors, pour nous, c'est un progrès. Cependant, la bureaucratie exige, pour des raisons qui lui sont propres, que des documents soient créés. Si nous créons des documents, cela montre aux gens que nous faisons quelque chose. N'est-ce pas?
Ce n'est pas une mauvaise chose; c'est plutôt une bonne chose. Cependant, il est difficile de continuer d'émettre des documents pour que les gens sachent qu'on fait vraiment quelque chose. Peut-être devrions-nous avoir pour critère la production de documents une fois par cinq ans. Le comité fait plus de progrès au titre de la stimulation de la réflexion et du soutien mutuel dans nos travaux.
Les temps ont été durs pour tous les gouvernements. À notre ministère, notre équipe nous ne compte maintenant plus que huit personnes. Nous étions 23, auparavant. Pour stimuler la réflexion, il faut regarder ce que font les autres, parce que les gens de notre propre ministère qui s'intéressent à la santé mentale et à la toxicomanie peuvent avoir un certain degré de connaissances, et il faut d'autres personnes, avec des connaissances différentes, pour stimuler la réflexion. Il est difficile de trouver cela, parce que la santé mentale et les toxicomanies sont des domaines tellement spécialisés dans l'ensemble du système de soins de santé mentale. Il faut trouver des gens avec qui réfléchir.
D'où l'importance de créer une stratégie pancanadienne. Cela permettra de rassembler de nombreuses personnes pendant assez longtemps pour se stimuler les uns les autres et qu'il en ressorte quelque chose de qualité. Autrement, on ne fait que suivre péniblement le mouvement. Il est bon de se réunir deux fois par année, mais je ne suis pas sûr que cette fréquence puisse vraiment aboutir à une stratégie pancanadienne.
Le sénateur Callbeck: Vous dites que plusieurs provinces ont continué d'appuyer le Réseau de consultation sur la santé mentale. Quelles provinces ne l'appuient pas?
Le Dr Millar: Le Québec n'y participe pas. Terre-Neuve a assisté à nos travaux une fois en quatre ans. L'Île-du- Prince-Édouard y vient quand elle peut. La Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique y assistent régulièrement. Les territoires ont un budget limité et on ne les a pas vus récemment.
Mme Clarkson: Le Nunavut y a assité une fois, mais il n'a pas les ressources nécessaires pour participer. Son budget est très limité; deux réunions absorberaient l'intégralité de son budget de voyage.
Lorsque les fonds ont été suspendus, le résultat réel est que certaines provinces ont dû cesser de participer.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Block, vous avez parlé d'investissement fédéral et de l'éducation des travailleurs de la santé mentale, y compris les travailleurs communautaires. Est-ce que vous parlez d'un rôle particulier pour le gouvernement fédéral, ou seulement de financement? Qu'en pensent les provinces?
M. Block: Il pourrait y avoir une participation fédérale. La réalité démographique pousse à la hausse la demande de travailleurs en santé mentale. Nous devons nous y préparer.
J'ai parlé de partenariats, de collaboration, et cetera. Oui, je pense que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer.
Le sénateur Callbeck: Quel serait ce rôle?
M. Block: Le gouvernement fédéral a déjà eu un ministère de la Santé mentale, mais il n'existe plus. Il y a des gens, au niveau fédéral, qui oeuvrent dans divers domaines de la santé mentale. Peut-être la première chose à faire serait-elle de recréer le ministère de la Santé mentale. Il pourrait assumer le rôle de coordination, pour rassembler tous les intéressés.
Le président: Était-ce réellement un ministère de la Santé mentale, ou une direction, ou quelque chose du genre, d'un ministère fédéral?
Le Dr Millar: C'était une direction du ministère de la Santé.
Le président: Cette direction n'existe plus; c'est bien cela?
Le Dr Millar: Elle a été éparpillée dans tout le ministère.
Le président: Il n'y a pas d'accent particulier, au niveau fédéral, sur le système de santé mentale. Quand cela est-il arrivé? Nous pourrions nous renseigner, mais peut-être le savez-vous.
Le Dr Millar: Il y a deux ans, je pense.
Le président: Madame Clarkson et docteur Millar, pourriez-vous répondre à la question du sénateur Callbeck sur le rôle que vous voudriez voir au gouvernement fédéral assumer, si nous pouvions le convaincre d'en assumer un? En tenant compte du fait que les provinces fournissent les services, quel rôle potentiel pourrait jouer le gouvernement fédéral dans le domaine général de la santé mentale?
Mme Clarkson: Mon point de vue est le fruit de notre culture et de notre expérience, en Colombie-Britannique. Je vois, pour le gouvernement fédéral, un rôle encore plus difficile que celui d'un autre ministère, c'est-à-dire un rôle d'intendance du système de traitement de la santé mentale et de la toxicomanie. Cela veut dire qu'il faut mettre en oeuvre diverses approches sur la manière dont on peut créer des politiques ou des incitatifs qui constituent une voie ou une orientation que les provinces, non seulement, veulent bien suivre, mais aussi dont elles sont convaincues qu'elles auront un certain résultat.
La façon de faire d'avant, comme le dollar à 50 cents, l'obligation imposée aux organismes communautaires de faire des demandes de subvention, le manque d'engagement de la province, les priorités contradictoires, et cetera, ont causé un éparpillement des ressources limitées et amené les gens à adopter des orientations particulières et étroites. La Stratégie canadienne antidrogue était joliment rédigée. Par contre, l'approche, quant à certains financements et à la façon de le faire, ne crée pas la capacité critique, dans certains domaines, capable de stimuler le progrès. Il semble que le gouvernement fédéral gagnerait à reformuler sa pensée sur la manière d'appuyer un système dévolu pour apporter des changements dont bénéficieraient tous les Canadiens. C'est un mode de pensée différent de l'ancien, «Donnons-leur de l'argent».
Le sénateur LeBreton: L'un de vous a suggéré que des lois devraient être adoptées pour réduire les stigmates. Ce serait, de toute évidence, au gouvernement fédéral de le faire. Quel genre de loi serait-ce? Où s'insérerait-elle dans la structure actuelle?
Le Dr Millar: C'est moi qui en ai parlé. Je voulais dire qu'il nous faut examiner toutes nos lois pour nous assurer qu'elles ne sont pas discriminatoires à l'égard des consommateurs des services de santé mentale. L'exemple que j'ai employé était celui du règlement de Transports Canada. Nous voyons cela dans toutes sortes de lois dépassées. Ce n'est pas seulement qu'à l'échelle fédérale, il y en a aussi au niveau provincial. Nous avons encore l'Insane Persons Act, en Nouvelle-Écosse, et d'autres lois libellées dans un langage non approprié.
Je ne parle pas d'une loi particulière pour dire que les gens qui souffrent de troubles mentaux ne doivent pas faire l'objet de discrimination, mais il nous faut examiner chaque loi qui existe et la modifier pour en supprimer ce stigmate.
Le sénateur LeBreton: La sensibilisation serait un moyen d'amener le sujet au public, de leur faire prendre conscience; êtes-vous d'accord?
Le Dr Millar: Absolument.
Le sénateur Morin: Je m'intéresse à ce rôle fédéral. Je lis votre document, madame Clarkson. Il est typique. Dans vos recommandations, vous parlez de financement, de soutien, de plus de ressources, d'appui fédéral, et cetera. Nous revenons au rôle traditionnel du gouvernement fédéral, qui est l'offre de ressources, le financement et le soutien. Je comprends ce que vous dites; c'est un soutien conditionnel. Vous dites que ce ne devrait pas être une garantie de 50 cents sur chaque dollar, mais qu'il faudrait des conditions et des résultats. Je suis d'accord. Les provinces assument la responsabilité des soins et de leur prestation.
L'élément principal, ici, ce serait les ressources. Je dis cela parce que bon nombre des autres témoins, particulièrement les organisations professionnelles, disent que le Canada devrait avoir un plan d'action national sur la santé mentale. Une grande partie de ces questions relève des provinces, mais un plan d'action national pourrait orienter mieux ce type de soins, offrir un meilleur soutien. Je ne suis pas si sûr que les provinces seraient très heureuses qu'on leur impose de stricts règlements au sujet de la prestation des soins de santé.
C'est un enjeu important. En théorie, tout le monde est d'accord que c'est un rôle qui revient au gouvernement fédéral. Tout le monde s'entend pour dire qu'il a un rôle à jouer au plan des ressources. Si ce doit être plus, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Mme Clarkson: Lorsqu'on travaille dans le domaine de la santé mentale et des toxicomanies, on demande plus de ressources à toutes les occasions qui se présentent, parce que c'est un domaine qui manque de ressources. Cela étant dit, vous voulez savoir quel rôle, selon moi, le gouvernement fédéral devrait jouer, et je vous donne mon opinion personnelle, je n'exprime pas l'avis du gouvernement de la Colombie-Britannique. Ce rôle serait sur deux plans: tout d'abord, il faut en apprendre plus sur le sujet et voir comment en faire bénéficier la population. Deuxièmement, il faut créer une espèce d'incitatif.
Il arrive que le gouvernement fédéral manque des occasions de créer des stratégies de qualité fondées sur des données probantes qui influencent la vision des gens sur la manière dont un résultat peut être obtenu et offrent une espèce d'orientation qui ferait une différence. En Colombie-Britannique, nous nous intéressons à un moyen d'appuyer le changement dans la manière dont les services de toxicomanie sont fournis.
Nous avons pris une série de données et nous avons établi une concordance entre les chiffres de la province sur les bénéficiaires de services de toxicomanie et ceux qui reçoivent actuellement des services de santé communautaire. La concordance était de 70 p. 100. Nous avons dit aux gens qu'il y a une concordance de 70 p. 100. Cela ne veut pas dire 70 p. 100 des clients des services de santé mentale, mais 70 p. 100 des clients qui reçoivent actuellement des services de toxicomanie du réseau financé par l'État qui sont déjà inscrits, c'est-à-dire qu'ils ont diagnostic de troubles mentaux.
On ne nous a pas cru. Nous avons refait la comparaison, et avons diffusé à nouveau l'information. Les gens disent maintenant que si c'est vrai, cela change la manière dont nous devons voir nos clients et nos services. On ne peut pas changer le comportement des gens en leur montrant des données de qualité qui remettent en question leurs convictions actuelles. Pour ce qui est de l'importance des données, le gouvernement fédéral pourrait faire beaucoup plus d'efforts pour créer les systèmes d'indicateurs de qualité pour réellement changer le comportement des gens.
Si vous voulez qu'un médecin se comporte autrement avec ses clients qui ont des troubles mentaux, il faut qu'il sache que 15 p. 100 des membres de sa clientèle même souffrent de maladies mentales. Est-ce que les médecins y ont pensé? Les médecins ont besoin de savoir certaines choses. Les gens ne consultent pas normalement les données cumulatives de façon régulière. Le gouvernement fédéral a une occasion d'appuyer des données de qualité et de les employer de façon constructive pour aider les gens à penser et à se comporter autrement.
Le Dr Millar: Dans ma petite province — notre premier ministre ne sera peut-être pas d'accord — nous nous préoccupons moins de compétence territoriale et plus de nous assurer que les gens reçoivent les services dont ils ont besoin. Nous nous inquiétons lorsque le gouvernement fédéral donne de l'argent, comme le Fonds pour l'adoption des services de santé, qui finance un très joli petit projet pendant 18 mois, pour ensuite nous tirer le tapis de sous les pieds et nous forcer à chercher d'autres modes de financement lorsque nous vivons déjà de grandes difficultés.
J'envisage, pour le gouvernement fédéral, un rôle plus grand dans la conduite de la recherche sur la santé mentale et la politique en matière de santé mentale, laquelle est nécessaire pour les campagnes de lutte contre le stigmate. Beaucoup d'argent est investi dans de telles campagnes, et c'est peine perdue parce qu'elles visent le mauvais groupe ou que c'est le genre de vaste campagne médiatique.
Il nous faut de la recherche sur les politiques. Mme Clarkson se plaint de n'avoir que huit personnes. Nous en avons trois — et deux de ces postes ont été vacants pendant deux ans — pour faire tout le travail. J'ai formé des partenariats avec tous nos districts de la santé et d'autres organisations pour pouvoir le faire. Cependant, j'aimerais avoir un appui d'une direction renouvelée de la santé mentale à Santé Canada pour faire ce travail sur la politique nationale et de recherche, et pour concevoir une base de données nationale à laquelle nous pourrions accéder et que nous mettre en commun entre les provinces — les indicateurs dont Mme Clarkson a parlé.
À mon avis, cela peut se faire à l'échelle nationale sans empiéter sur le territoire de quiconque, ni sur la compétence provinciale. Si vous voulez envoyer de l'argent, tant mieux. Veillez seulement à y lier des conditions pour vous assurer qu'il soit dépensé sur la santé mentale, et rien d'autre.
M. Block: Je ne suis pas sûr qu'il nous faille une stratégie d'action nationale en tant que telle. Cependant, ce serait un bon début que de réunir nos efforts sur les points d'intérêt commun comme la recherche, une base de données commune, les pratiques exemplaires, et cetera. Je ne considère toutefois pas cela comme une stratégie nationale exhaustive et intégrale. Il me semble qu'avant de nous mettre à courir, nous devons faire nos premiers pas. Il faudrait commencer, selon moi, avec les éléments d'intérêt commun.
Le sénateur Fairbairn: Vous avez tous fait une merveilleuse présentation, aujourd'hui. Ce dont vous parlez est énorme. Je vous écoute parler d'une stratégie pancanadienne relativement à un programme national d'information sur la santé mentale. Vous dites qu'on ne pourrait trop insister sur l'amélioration continue de la littératie sur la santé mentale dans la collectivité, et vous dites que l'habilitation par l'information peut être un levier puissant du changement des croyances, des attitudes, de l'utilisation réduite des soins de santé, des comportements appropriés de recherche d'aide et de la manière dont nous traitons nos concitoyens.
Il y a quelques mois seulement, le Comité des ressources humaines de la Chambre des communes, pour la première fois dans son histoire, a fait une étude et rédigé un rapport prônant une stratégie pancanadienne de littératie dans tout le pays. Sa conclusion, semblable aux propos que vous avez tenus ici aujourd'hui, a été très intéressante. Vous nous avez dit que, dans votre communauté très distincte, on ressent désespérément le besoin d'une meilleure compréhension parmi tous les praticiens, les chercheurs et les professionnels de la santé, sur ce que signifie exactement la prestation de soins de santé mentale.
Le revers de la médaille, selon moi, c'est qu'il est tout aussi important que vous le fassiez comprendre aussi aux citoyens du Canada. Plus de 40 p. 100 des adultes du Canada éprouvent quotidiennement des difficultés à lire, écrire et compter, ces habilités fonctionnelles que nous prenons pour acquis. Si on met tout cela ensemble, nous n'avons pas seulement un problème, mais aussi une incroyable opportunité.
Je m'intéresse à cette autre part de l'équation depuis plus de 20 ans. La première fois que je me suis enragée à propos de l'alphabétisation — lorsque j'ai pris conscience de l'ampleur du problème, à un comité du Sénat — j'ai voulu changer le monde au Canada. La première occasion que j'ai eue d'en parler m'a été donnée la Mental Health Association de l'Alberta. On m'a demandé de venir parler, à une conférence provinciale tenue à Calgary, de l'alphabétisation. Même alors, il y avait un rapport entre la nécessité pour votre côté de l'équation de mieux comprendre sa littératie et l'énorme besoin du patient et de l'individu au Canada d'établir des liens.
Vous avez dit que le groupe de consultation composé des sous-ministres de la santé s'était un peu éparpillé, à cause d'un manque de financement. Il serait merveilleux de pouvoir réunir le conseil des sous-ministres de la Santé et celui des sous-ministres de l'Éducation, qui sont chargés de cet autre aspect de la question, à un moment donné, pour trouver le meilleur moyen de régler cela.
Monsieur le président, cela m'apparaît comme un élément tellement important de ce que vous faites — de ce que vous voulez faire, de ce que vous essayez de faire — de comprendre que les gens pour qui vous essayez de le faire, une grande majorité d'entre eux, ont exactement le même problème dans leur domaine. Je lève mon chapeau à l'Association d'hygiène publique du Canada pour l'avoir reconnu. Pour la deuxième fois entre trois ou quatre ans, à son congrès national qui doit avoir lieu à l'automne, toute cette question de littératie sera un thème central de la discussion.
C'est question d'essayer de s'entraider. Votre travail en santé mentale, et pour éliminer ce stigmate, est très difficile. Avez-vous eu affaire à cet autre aspect du problème de littératie, c'est-à-dire la mesure dans laquelle il est difficile non seulement pour nos propres de gens de comprendre tout ce qu'ils font, mais aussi de le communiquer à ceux que vous voulez aider?
Madame Clarkson, avez-vous déjà été en communication avec Literacy B.C., qui fait beaucoup de travail dans ce domaine?
Mme Clarkson: Il y a des types particuliers de littératie. Il y a la littératie dans le sens de l'alphabétisation, la capacité de quelqu'un de lire et de comprendre l'information. Il y a aussi la littératie en matière de santé. Il y a la littératie en matière de santé mentale. De bonnes recherches ont été faites aux États-Unis. Je pourrais vous envoyer l'information.
Ce chercheur a interrogé des clients à la suite de leur visite au cabinet de leur médecin, pour évaluer combien d'entre eux comprenaient ce que leurs médecins leur avaient dit. Nous avons de sérieux problèmes en matière de littératie sur la santé — la période de littératie et la littératie en santé mentale. La capacité de tous professionnels de la santé de transmettre l'information est gravement limitée par le fait même que nous ne nous arrêtons même pas à la manière de transmettre l'information aux gens de niveaux d'alphabétisation divers. On ne doit pas forcément changer le niveau d'alphabétisation des gens, mais il faut reconnaître ce niveau et donner l'information en fonction de lui. L'un de nos principaux objectifs est de créer de l'information à divers niveaux et par divers moyens. On n'est pas toujours obligé d'employer le mot écrit. On peut utiliser des images, une vidéo, des affiches pour illustrer les diverses étapes pour certaines personnes.
Le défi de la littératie en santé mentale est complexe, parce que les recherches démontrent que bon nombre de nos clients sont moins alphabétisés en conséquence de l'incidence de leur maladie sur leur capacité d'apprentissage, et sur leur capacité de continuer de lire et de perfectionner ces compétences. Par conséquent, nous avons des défis supplémentaires à relever si on veut accroître la littératie en santé mentale.
Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer en matière de littératie sur la santé mentale, parce que la littératie sur la santé mentale relève de l'échelon fédéral — l'information générale fondamentale en des formats multiples, par des moyens multiples. Pourquoi chaque province essaie-t-elle de le faire? Nous devrions travailler ensemble. La littératie sur la santé dépend toujours du soutien fédéral et provincial. Les provinces gèrent les systèmes d'éducation pour créer des citoyens instruits, et c'est donc un ensemble. Il est certain que je vois un rôle pour le gouvernement fédéral en matière de littératie, que ce soit sur la santé ou sur la santé mentale.
Le Dr Millar: Mme Clarkson parle d'une étude récente sur la santé mentale. Il y a quelques années, lorsque j'étais à l'école de médecine, une étude a été faite sur les cabinets de médecins généralistes. Cette étude a révélé que même les personnes instruites ne se rappellent que 20 p. 100 de ce que dit le médecin, parce que c'est une situation tellement stressante et qu'il s'y passe tellement de choses, et qu'ils sont inquiets. C'est pourquoi ils donnent des documents, mais cela ne sert pas à grand chose aux gens qui ne savent pas lire.
Lorsque je travaillais dans un service pour patients hospitalisés, à l'Institut de santé mentale du Nouveau- Brunswick, j'ai vu des gens venir à nos réunions d'équipe pour contribuer à la planification les soins à la clientèle. Il y avait des membres du personnel d'entretien et des services d'alimentation, et ainsi ils savaient la teneur du plan global. Le patient était toujours plus à l'aise pour leur parler. Nous en apprenions plus de ces gens sur ce qui se passait avec le client que des travailleurs professionnels, les infirmières, les psychologues et nous-mêmes ne pouvions obtenir en leur parlant. C'est dû, en partie, à l'absence de stress; ils parlaient la même langue.
Par conséquent, la littératie est un gros problème pour commencer, mais il y a de nombreux moyens pour surmonter cet obstacle et pour échanger l'information dans un sens et dans l'autre, selon les besoins.
Mme Harrison: Je suis d'accord avec ce que vient de dire le Dr Millar. Nous avons une population diversifiée en Alberta. Nous devons penser aux néo-Canadiens lorsque nous parlons de littératie, aussi. Les messages que nous leur transmettons doivent être compris et acceptés dans un contexte culturel. Il y a l'échange d'information aussi, pour que nous comprenions le contexte de leur situation lorsqu'ils nous transmettent de l'information et des messages. Nous avons eu toute une discussion là-dessus, à un de nos comités de travail sur l'élaboration d'un plan et d'un système de santé mentale pour l'Alberta.
Je pense aussi au rôle des travailleurs communautaires, les gens qui voient les clients, les enfants et les familles au début. C'est un bon moyen de partager. Peut-être est-ce une expérience de création de liens avec l'enfant, mais c'est néanmoins un système de soins, pour transmettre des messages. C'est vraiment important.
J'ai été étonnée que les travailleurs de la santé mentale, eux-mêmes, reconnaissent qu'il leur faudrait être mieux informés. Leurs commentaires étaient très intéressants, et je les appuie.
Le sénateur Fairbairn: Il serait intéressant de pouvoir penser que ce genre de situation, en ce qui concerne les activités courantes et la formation, existe partout.
En ce qui concerne les audiences en Alberta, l'un des éléments de l'équation qu'il est difficile de comprendre, ce sont les jeunes. Le taux de décrochage, au Canada, est d'environ 30 p. 100. C'est la conséquence d'une quantité de problèmes, mais la littératie en fait certainement partie.
Dans vos audiences, avez-vous entendu parler de certains moyens d'atteindre les jeunes par l'entremise des écoles, pour essayer de faire passer le message en langage clair sur la nature de ces tensions et de ces difficultés, et comment on peut aider les gens à ce niveau-là?
Le sénateur Harrison: Oui, nous l'avons fait. Nous avons entendu ces messages, surtout, par l'entremise d'autres ministères qui travaillent avec nous sur les enjeux qui touchent les enfants, tout le temps. De nombreuses initiatives sont en cours, auxquelles participent des groupes de personnes de différents ministères et de différents secteurs qui travaillent à l'élaboration de programmes dans les écoles qui peuvent atteindre les enfants où ils sont à l'école, d'une manière adaptée à leur âge. Le ministère de l'Éducation de l'Alberta a fait un travail remarquable sur ce plan et est disposé à collaborer avec nous. Nous nous trouvons très chanceux.
Le sénateur Fairbairn: Le Dr Fraser Mustard, qui a comparu devant notre comité lors de la première ronde d'audiences, il y a environ deux ans, a amené un rapport qui dresse un tableau nouveau du développement de la petite enfance. Avant l'âge de 18 mois, les mécanismes sont neurologiquement branchés pour l'apprentissage, et cela dépend aussi grandement des parents et de leurs capacités.
Il est merveilleux d'entendre que vous réfléchissez, et que vous agissez à propos de cette question à facettes multiples, parce qu'elle est absolument fondamentale, certainement, pour la santé mentale, mais aussi pour la santé en général et la santé de notre population dans l'ensemble.
Le sénateur Morin: J'aimerais vous féliciter, madame Clarkson, pour votre emploi de l'approche de la gestion des maladies chroniques pour la santé mentale. J'en suis un fervent adepte. Je pense que ce modèle peut assurer la survie de notre système de soins médicaux parce que, comme vous le savez, nous avons de plus en plus de maladies chroniques, comme le diabète, les maladies cardiaques, et cetera. Comme vous le soulignez dans votre document, ce modèle améliore les résultats et réduit les coûts. Je ne savais pas qu'il pouvait s'appliquer à la maladie mentale. Je ne sais pas si c'est une première, mais c'est intéressant.
Mme Clarkson: Plus tard, ce printemps, nous allons publier les premières lignes directrices sur une maladie mentale à l'intention des médecins de la Colombie-Britannique. Elles porteront sur la dépression. C'est une première en matière d'application de l'approche de la gestion des maladies chroniques. Comme vous l'avez dit, les stratégies et protocoles de gestion des maladies chroniques ont été employés pour les maladies physiques, comme l'arthrite, l'asthme et d'autres encore, depuis déjà un certain temps. C'est une première pour la Colombie-Britannique, en ce sens que nous avons pu le faire grâce à l'aide de nombreux médecins et de bien d'autres gens importants.
À part cela, nous envisageons la gestion de la maladie chronique dans d'autres domaines du réseau. Nous pensons que les apprentissages liés à la maladie physique peuvent s'appliquer aux personnes qui vivent la maladie mentale, parce que les gens qui souffrent de maladie mentale peuvent apprendre, changer et prédire leur comportement. Nous sommes convaincus que cela aidera non seulement les clients qui ont une légère incapacité, mais aussi la province, à fournir des soins plus appropriés. C'est très stimulant.
Le sénateur Léger: J'ai entendu l'expression «santé mentale» en ce qui concerne les jeunes et les enfants. Pour moi, la «santé mentale» est un jugement et le bon sens veut qu'on ne peut acquérir ces habiletés par les livres ou à l'université. L'hypothèse est souvent éliminée parce qu'il y a trop de données, et cetera.
Est-ce que vous diriez que lorsqu'il y a des problèmes de santé mentale avec les jeunes, c'est plutôt la faute des parents?
Le Dr Millar: Je ne suis pas sûr que j'irais jusque là. Les enfants d'adultes qui ont une maladie mentale risquent beaucoup plus d'en souffrir eux aussi. Cependant, les enfants souffrent aussi de maladies mentales d'eux-mêmes.
Le sénateur Léger: Vous dites maladie, mais qu'en est-il de la santé? Vous faites une belle distinction entre les deux.
Le Dr Millar: Il est certain que la situation de la famille peut favoriser une bonne santé mentale. C'est l'un des éléments principaux. Comme le disait tout à l'heure Mme Clarkson, cela se détermine avant la quatrième année de scolarité, alors qu'ils n'ont fréquenté l'école que quatre ans et ils ont été à la maison pendant six ans. Comme le disent les Jésuites, avant l'âge de sept ans, l'enfant est la personne qu'il sera le reste de sa vie.
Il est certain que ce qu'on apprend à la maison est une bonne base. Cependant, il est plus facile de changer les attitudes des gens lorsqu'ils sont enfants que lorsqu'ils sont plus âgés.
Mme Clarkson: La santé mentale n'est pas un état. La santé mentale, c'est avoir la capacité de gérer sa vie, ses sentiments et les tensions quotidiennes. Par conséquent, les enfants ou les jeunes sont en voie d'acquérir des habiletés de santé mentale. Ils apprennent à gérer leurs sentiments, à aborder et à résoudre des problèmes et à gérer leur colère.
Les enfants qui subissent une blessure à la tête ou qui ont une maladie mentale sont gravement désavantagés dans l'acquisition de ces habiletés. Si le parent n'a pas les habiletés nécessaires pour appuyer l'enfant et l'aider à acquérir ses habiletés, cet enfant devient de plus en plus à risque. Cela étant dit, ce n'est pas la faute des parents si leur enfant devient schizophrène.
Le sénateur Léger: C'est une maladie.
Mme Clarkson: Les gens qui ont une maladie mentale ont aussi leur santé mentale. On peut souffrir de trouble bipolaire et tout de même connaître des moments heureux et vivre des défis. C'est la santé mentale. La «santé mentale» est notre trousse d'outils pour affronter le monde. Si vous vivez une maladie mentale, nous pouvons encore vous aider à consolider votre trousse d'outils pour affronter le monde.
Tout comme quelqu'un qui a sa santé mentale et souffre d'asthme, ou qui a sa santé mentale et a une jambe cassée, quelqu'un peut avoir sa santé mentale et vivre une maladie mentale. C'est une erreur que de supposer que les gens qui ont une maladie mentale ne peuvent ni acquérir des habilités favorables à la santé mentale, ni connaître la joie et le bonheur, ni gérer une vie troublée. Bien sûr qu'ils le peuvent. Tout dépend des outils de santé mentale dont dispose une personne, qui l'aident à gérer sa maladie mentale.
Le sénateur Léger: Le terme «aînés» n'a pas du tout été mentionné. Est-ce que nous sommes en sûreté, dans l'avenir?
Le président: Il est certain que nous avons dépassé le point où nous pouvons apprendre.
Le sénateur Léger: Les aînés peuvent aussi aider. Je parle de la santé, pas de la maladie.
Le président: Quelqu'un a-t-il un commentaire à faire sur les aînés?
Mme Harrison: Il y a de nombreux facteurs qui influencent la santé mentale de quelqu'un. Je ne voudrais certainement pas en attribuer la faute aux parents, par exemple. Divers facteurs sont en jeu, notamment si une personne se sent en sécurité, reçoit de bons soins ou vit une relation affective. Est-ce que cette personne vit des expériences significatives? Est-ce qu'elle a le contrôle de sa vie? Peut-elle gérer les situations? Cela s'applique aux enfants et aux aînés, ou aux membres plus âgés de la population. Cela s'applique à tout le monde.
En Alberta, les discussions que nous avons eues sur le régime de santé mentale portaient sur la population vieillissante et certaines maladies qui la touchent. Cependant, on nous dit aussi, et je ne suis pas clinicienne, alors je déborde largement de mes limites, ici, qu'il y a de plus en plus d'inquiétudes au sujet du déclenchement précoce de la maladie d'Alzheimer dans le groupe des gens âgés de 50 à 60 ans. Comme cette partie de la population est en croissance, il nous faut nous préparer à y faire face.
Bien entendu, les aînés composent avec biens des problèmes entourant la qualité de vie, et cela influence aussi la santé mentale.
Le président: J'aimerais vous remercier tous d'être venus. Vous avez parcouru une grande distance. Nous sommes impatients de vous revoir, lorsque nous ferons notre tournée dans le pays, dans 10 ou 11 mois.
Pourriez-vous réfléchir à une chose? Je n'attends pas de réponse maintenant. Ce qui nous aiderait, c'est si vous pouviez nous dire ce que nous pouvons faire pour vous aider. Je veux dire par là que vous êtes tous en train, dans trois différentes provinces d'un bout à l'autre du pays, d'essayer de concevoir des services pour des gens que nous aimerions beaucoup pouvoir aider, comme vous. Il serait utile de connaître vos pensées sur ce que nous pouvons faire, puisque les conclusions de ce rapport pourraient vous être très utiles pour aider les gens que vous essayez d'aider.
Nous reviendrons discuter avec vous dans quelque temps. Cependant, j'apprécierais de connaître vos impressions. Je ne cherche pas à obtenir une déclaration officielle à l'intention du gouvernement pour l'instant. Je communiquerai probablement avec chacun d'entre vous. C'est pour stimuler votre réflexion et connaître vos pensées.
Merci d'être venus. Nous l'apprécions.
Sénateurs, nous avons quelque chose à régler rapidement, au sujet du projet de loi C-24. Ce projet de loi a été présenté pour composer avec une situation particulière d'un député spécifique qui prend sa retraite, et qui s'est fait coincer dans une faille que personne n'avait vue lorsqu'on a décidé que les députés ne pourraient pas percevoir de prestations de pension avant l'âge de 55 ans.
Plusieurs d'entre nous, autour de cette table, à tout le moins l'écoute des premiers témoins, lorsque le ministre était ici, notamment le sénateur Lynch-Staunton et moi-même, avons vraiment eu l'impression qu'il aurait dû y avoir un meilleur moyen de régler avec cela plutôt que de nous attaquer à la politique qui a tout changé pour tout le monde. D'un autre côté, la personne touchée par cette situation particulière inspirait beaucoup de compassion.
Après des consultations que nous avons menées, moi-même et le sénateur LeBreton, nous avons rédigé une série d'observations que nous appuyons tous deux et qui, en fait, soulignent que (a) nous n'aimons pas le processus; (b) nous pensons qu'il devrait y avoir un meilleur moyen de régler la situation, et nous avons des témoins du secteur privé qui l'affirment; et (c) certains témoignages laissant entendre que nous ne traitions les députés exactement comme nous le ferions de hauts fonctionnaires n'étaient pas tout à fait exacts, puisque les prestations proposées sont supérieures à ce que reçoit un haut fonctionnaire.
Cela étant dit, je suppose, que ce soit par compassion pour la personne en question ou pour toute autre raison, les observations recueillies donnent à penser que le comité appuierait, à contrecoeur — je ne pense pas que ce soit un mauvais mot — l'adoption du projet de loi sans modification, sous réserve cependant de ce que nous adjoignions l'ébauche des observations.
Je pense, sénateur LeBreton, que c'est un résumé assez juste de ce que nous avons, vous et moi, conclu. Quelqu'un a- t-il d'autres commentaires?
Le sénateur Lynch-Staunton: Je pense que ce n'est pas la bonne façon de faire. Cela ouvre les portes à une avalanche d'autres personnes qui n'ont pas besoin d'être admissibles, ce qui n'est pas le but visé. Pour ce que cela vaut, selon un calcul rapide, 60 députés de la Chambre, actuellement, ont entre 50 et 55 ans. Combien seront admissibles dans les prochaines années? Je ne le sais pas.
On nous demande d'apporter une modification d'importance au programme d'avantages sociaux pour les députés retraités, ce qui, d'après ce qu'on nous a dit l'autre jour, vise à les amener au même niveau que les hauts fonctionnaires, sans qu'il soit précisé que les fonctionnaires doivent être à la retraite à l'âge de 50 ans avant de pouvoir percevoir ces prestations. Bien entendu, les prestations sont réduites parce qu'ils sont admissibles à 55 ans, et s'ils veulent prendre leur retraite à 50 ans, il faut l'ajuster en conséquence.
Le président: C'est bien cela.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'appuierai pas ce projet de loi pour cette raison. Bien qu'il y ait un cas particulier qui justifie une certaine compassion, il n'en faudrait pas d'autre. J'espère que le parti au pouvoir écoute et trouvera une façon, par l'entremise de ses assureurs et d'autres moyens, d'ajouter à la prochaine convention des dispositions pour prévoir les cas d'exception et ne pas nous forcer dans une situation gênante où nous disons «ce n'est pas la bonne façon d'agir, mais c'est ainsi que nous devons faire, parce qu'autrement, nous allons négliger quelqu'un dans le besoin». Ce n'est pas notre rôle. Cela devrait se faire à un autre niveau, pas au niveau législatif.
Le président: Absolument. Rappelez-vous notre discussion préliminaire. Je disais que si nous présidions un comité des ressources humaines d'un conseil d'administration d'entreprise, nous devrions composer avec cette situation non pas en tant que changement de politique, mais de changement ponctuel visant une personne en particulier.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je trouve que les observations sont une bonne appréciation de la situation. Comme je l'ai dit, j'espère que ces observations font comprendre au gouvernement qu'il devrait trouver un moyen d'éviter que ce problème se reproduise.
Le président: De fait, si j'ai l'approbation du comité, je suggère de présenter les observations, avec une lettre d'accompagnement signée de moi, au secrétaire du Conseil du Trésor, comme il se doit, et au greffier du Conseil privé, pour faire remarquer que cela s'est fait avec plus de réticence qu'il n'y paraît.
Personnellement — je ne demanderai pas au comité d'être d'accord avec moi ici — si nous devions être mis à nouveau dans cette situation, je ne pense pas que le projet de loi serait adopté. Je ne voterai pas une autre fois en faveur d'un projet de loi similaire, dans une situation similaire parce qu'il n'y a pas d'autre moyen de régler cela. C'est certainement mon intention, à moins que quelqu'un me dise que je me trompe.
Le sénateur LeBreton: Je pense que le gouvernement reconnaîtra le fait qu'à cause de ce projet de loi, il aura des négociations très intéressantes avec l'AFPC. Dans son témoignage devant nous, l'AFPC a donné son accord de principe au projet de loi parce qu'elle y voyait des possibilités pour elle-même, en vue de négociations d'avantages comme ceci. À la prochaine session du Parlement, peut-être le gouvernement devra-t-il examiner encore la Loi sur le Parlement du Canada et essayer de régler les choses de façon appropriée et, ainsi, d'éviter d'énormes dépenses aux contribuables, découlant de négociations avec l'AFPC.
Le président: C'est un problème qu'il s'est créé lui-même, particulièrement parce qu'il a lui-même déclaré que ce n'est rien de plus que ce qu'a la fonction publique, et alors, le syndicat se présente et affirme «en passant, nous ne l'avons pas».
Le sénateur Fairbairn: Si vous envoyez une lettre, j'espère que vous y ferez certains de ces commentaires.
Le président: J'y compte.
Le sénateur Cook: Je m'inquiète de la protection de la vie privée de cette personne, parce que son nom a déjà été prononcé, sans indication qu'on veuille le protéger.
Le sénateur LeBreton: Nous n'avons jamais dit son nom.
Le président: Nous y avons fait bien attention.
Le sénateur Cook: J'ai entendu le ministre Saada dire son nom dans son témoignage.
Le sénateur LeBreton: Je ne m'en étais pas rendu compte. Cependant, elle en a elle-même parlé en public.
Le président: Le comité a été scrupuleux, sur ce plan.
Le sénateur LeBreton: Nous n'avons même pas dit si c'est un homme ou une femme.
Le président: Nous avons été scrupuleux, certainement nous deux, dans la rédaction des observations, et avons fait attention à parler de «parlementaire qui prend sa retraite». Nous avons fait très attention.
Le sénateur Cook: À la page 4 des recommandations, vous dites «il aurait peut-être mieux valu modifier». C'est un peu léger.
Le président: Il aurait fallu modifier? Je veux bien faire ce changement. Il est vrai que c'est léger, et ça aurait pu être fait ainsi. Je sais que dans le témoignage, on nous dit que non, mais je suis sceptique.
Puis-je demander une motion pour qu'on se passe de l'étude article par article?
Le sénateur LeBreton: Je le propose.
Le président: Y a-t-il des objections? Puis-je avoir une motion pour la présentation du projet de loi sans modification, mais avec (a) les observations et (b) le changement que vient de proposer le sénateur Cook?
Le sénateur LeBreton: Je le propose.
Le président: Tous ceux qui sont d'accord? Quelqu'un est contre?
Merci beaucoup.
La séance est levée.