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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 5 - Témoignages du 23 février 2005


OTTAWA, le mercredi 23 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones auquel a été renvoyé le projet de loi C-20, Loi prévoyant les pouvoirs en matière d'imposition foncière des premières nations, constituant la Commission de la fiscalité des premières nations, le Conseil de gestion financière des premières nations, l'Administration financière des premières nations ainsi que l'Institut statistique des premières nations et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, se réunit aujourd'hui à 18 h 18 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La présente séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones traite du projet de loi C- 20, la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations. Nous accueillons M. James Craven, ancien directeur exécutif de la Municipal Finance Authority of British Columbia. Soyez le bienvenu, monsieur Craven, vous pouvez commencer votre exposé.

M. James R. Craven, ancien directeur exécutif, Municipal Finance Authority of British Columbia : Bonsoir, sénateurs. Je vous remercie de m'avoir invité ici ce soir pour partager mes vues sur le projet de loi C-20. Je suis d'avis que ce projet de loi a la capacité de changer pour toujours le paysage financier des Premières nations du Canada.

La Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations crée une autorité financière qui permettra aux Premières nations d'investir dans un fonds commun et d'obtenir un meilleur rendement du capital investi. Pour devenir un membre emprunteur, la Première nation doit répondre à des critères de saine gestion financière et de gouvernance transparente. L'administration obtiendra ensuite une cote de crédit par une agence d'évaluation du crédit et émettra des obligations sur le crédit conjoint fondées sur les revenus de l'impôt foncier des Premières nations participantes. Les fonds obtenus grâce aux émissions d'obligations sont ensuite réparties entre les participants pour la construction des infrastructures tant nécessaires — aqueducs, égouts, apportant ainsi une valeur ajoutée aux terres non développées; et une augmentation des évaluations, un développement et une prospérité tant nécessaires ne manqueront pas d'accompagner cette capacité de doter les terres de services.

L'optimisation des ressources augmentera considérablement une fois que l'emprunt à long terme deviendra une réalité.

En passant, laissez-moi vous dire que Deanna Hamilton m'a appris que la Première nation de Westbank a financé un système d'approvisionnement en eau sur la période nécessaire de trois ou quatre ans plutôt que sur une période de 20 ans. Il est absolument impossible d'avoir une certaine norme d'infrastructure lorsque vous êtes limité à une période de financement aussi courte.

Pour la première fois, je pense, des plans d'ensemble qui visent à construire l'avenir et non le passé peuvent être financés pour des périodes de 20 et 25 ans à des taux d'emprunt peu élevés. Parce qu'un système d'approvisionnement en eau a une durée de vie de près de 100 ans et qu'un système d'égout a une durée de vie d'environ 75 ans, il est certain qu'il n'est pas nécessaire de les financer sur une période plus courte que 25 ans. Pour la première fois, les Premières nations au Canada seront en mesure de doter leurs terres de services d'une manière générale plutôt que par une série de petits projets entrepris au gré des subventions et des aléas financiers. Cela apportera des économies d'échelle supérieures et une meilleure optimisation des ressources; et il en résultera inévitablement une meilleure utilisation des terres à long terme.

Le projet de loi C-20 est le résultat des efforts de nombreuses personnes issues des communautés autochtones travaillant ensemble pour trouver des solutions. Au début des années 1990, le leadership est venu de Deanna Hamilton et de Tim Raybould de la Première nation de Westbank. Il ne s'agissait pas d'une institution emprunteuse, mais d'un établissement d'investissement. Il a été créé en partenariat avec la Municipal Finance Authority de la Colombie Britannique. De 1992 jusqu'à aujourd'hui, il y a eu un appui des présidents de cette administration financière, Dan Cumming, le regretté Len Traboulay et Frank Leonard. J'ai joué un rôle dans l'établissement du concept initial et dans la formation ainsi que dans la création du fonds commun d'investissement des Premières nations lorsque j'étais directeur exécutif. Je peux vous dire que le directeur exécutif actuel, Steve Berna, poursuit cette tradition. Nous sommes fiers de ce projet conjoint.

Au tout début, nous avons reçu l'aide de banquiers rusés et du personnel d'agences d'évaluation de crédit, de Wall Street à Bay Street, par suite des visites que nous leur avons rendues; et, au fur et à mesure que l'appui à cette idée a fait boule de neige, de nombreux Autochtones se sont complètement appropriés le concept, au tournant du siècle, aidés par un certain nombre de personnes intelligentes et patientes au Parlement et dans la Fonction publique fédérale. Au cours des dernières années, la transformation de ce concept en législation m'a laissé loin derrière; l'élaboration de cette législation est le fruit des efforts incessants d'autres personnes, qui ont repris l'idée et qui, grâce à des heures de travail innombrables, sont responsables du projet de loi qui est devant vous. À ce moment-là, le groupe initial avait accueilli dans ses rangs des gens comme Harold Calla, Manny Jules, le chef Crowfoot, et de nombreuses autres personnes, qui ont amené ce travail jusqu'à son aboutissement. Ce sont eux qui ont mis de la chair sur le squelette, qui ont trouvé des solutions aux problèmes et qui ont obtenu l'accord des collectivités des Premières nations.

Essentiellement, ce qui a été créé ici n'est pas uniquement une administration financière; c'est également une entité qui joue un rôle dans la province de la Colombie-Britannique comme inspecteur des municipalités et organisme qui établit des normes financières. Tout cela a été créé dans cette législation. C'est beaucoup plus compliqué que je l'avais initialement envisagé. Bien que je consulte encore la FNFA de temps en temps, je dois dire que mon rôle a été mineur en comparaison de celui des autres personnes au cours des deux dernières années.

J'aimerais rendre hommage à mes deux vieux copains, Ken MacLeod et John Taylor, deux anciens sous-ministres, qui ont eu un rôle à jouer dans ces réalisations.

Je pense que ce projet de loi améliorera les relations et les partenariats entre les Premières nations et les gouvernements locaux en fournissant un mécanisme efficace permettant aux Premières nations d'avoir accès facilement, de manière économique et efficace aux marchés des obligations nationaux et internationaux. Il est fondamental que le projet de loi reconnaisse et établisse clairement les compétences des Premières nations en matière de taxe foncière et de gestion financière.

Le projet de loi démontre aux marchés financiers que le pouvoir de prendre des décisions financières repose entre les mains des collectivités des Premières nations plutôt qu'entre celles d'Ottawa. Les nouveaux établissements ne sont pas un substitut à Ottawa dans son rôle passé de décideur, mais ils sont là plutôt pour offrir des conseils techniques aux Premières nations, pour bâtir une capacité et pour assurer l'appui réglementaire approprié visant à protéger le système. Le système établi en vertu du projet de loi C-20 comporte l'avantage additionnel d'être fondé sur un modèle réel et bien vivant qui a fait ses preuves, la Municipal Finance Authority of British Columbia.

Comme je l'ai dit plus tôt, nous existons depuis 35 ans. En 1971, nous avons commencé à financer des travaux d'aqueduc, d'égout et d'autres besoins en capital des villes et régions de la Colombie-Britannique. Notre cote de crédit a augmenté pour passer de « A » à triple « A » et nous avons changé le paysage financier des municipalités. J'étais comptable et je me souviens qu'à la fin des années 60, il était impossible pour une municipalité de vendre des obligations. Je me rappelle que de nombreux enfants contractaient l'hépatite, mais vous ne pouviez pas obtenir d'argent pour construire un système d'égout, mais lorsque l'administration financière a été créée et que nous avons pu bâtir sur nos forces mutuelles, nous avons assisté au même genre de révolution.

À l'heure actuelle, il n'y a que six villes canadiennes qui jouissent d'une cote de crédit triple « A » et pourtant, l'administration, l'organisme parapluie formé par la Municipal Finance Authority of British Columbia, assure une cote triple « A » à plus de 200 municipalités de la Colombie-Britannique. Cela démontre la valeur d'un partenariat. Sous le parapluie commun de l'administration, toutes les villes et régions font leurs transactions ensemble et un petit village de 500 personnes, comme Telkwa ou Pouce Coupe dans le nord de la Colombie-Britannique, jouit d'un taux d'intérêt sur les emprunts qui est inférieur à celui de villes de la taille de Toronto à cause de la force commune de l'ensemble des municipalités. À cause de ce parapluie et des économies d'échelle qu'il permet, les réserves gouvernementales importantes et les surplus accumulés des gouvernements locaux de la Colombie-Britannique sont maintenant une fois et demie plus élevés que la somme due à la banque.

Le projet de loi offre également un portail pour permettre aux Premières nations de maximiser tous les autres services financiers. Une façon simple de décrire la chose, c'est l'approche de la grosse boîte aux services financiers. Nous avons utilisé cela à la BCMFA. Nous faisons des partenariats public-privé. Nous avons un personnel réduit à sa plus simple expression de cinq personnes. Nous faisons de l'argent avec des produits financiers comme les investissements pour nos municipalités et les banques adorent cela parce que, dans les faits, nous rationalisons la province. Elles n'ont pas à visiter 200 municipalités, elles n'ont qu'à nous visiter nous. Nous obtenons de très bons prix.

J'ai été au service de cette administration pendant 18 ans, de 1984 à 2001, et je l'ai regardé grandir. J'ai constaté que la coopération fonctionne et qu'elle n'empêche pas nécessairement l'individualisme. Un portefeuille diversifié de prêteurs comme nous en avons un en Colombie-Britannique est plus sûr que n'importe quoi d'autre. Si le nord de la province se porte bien dans le domaine du pétrole et du gaz, cela a tendance à faire contrepoids aux problèmes du bois d'œuvre sur la côte. Il n'y a rien de mal à regrouper un grand nombre de personnes pour qu'elles empruntent ensemble.

Les municipalités de la Colombie-Britannique ne sont pas parfaites et ne s'entendent pas toujours, mais lorsque les maires et les conseillers municipaux de la Colombie-Britannique se réunissent autour de la table de l'administration pour emprunter un demi-milliard de dollars sur une période de 10 ans, ils mettent leurs différends de côté.

Juste pour informer le comité, j'ai vérifié aujourd'hui pour voir à quel taux nous pourrions émettre des obligations. Une émission à terme fixe de 10 ans s'établirait à 4,75 p. 100. On parle d'un cote de crédit triple « A ». Si vous prenez une cote de « A » seulement, l'agence d'évaluation du crédit a dit à la FNFA que le taux ne serait que de un dixième de pour cent plus élevé que cela. Nous parlons de choses vraiment importantes ici lorsque vous multipliez cela par des millions et des millions de dollars pendant 20 ans.

Nous avons eu beaucoup d'harmonie dans ce projet et dans nos relations avec les collectivités des Premières nations d'un bout à l'autre du pays et nous avons fait la preuve que nous pouvons travailler ensemble. Depuis le milieu des années 90, la BCMFA a offert son fonds commun de placement aux Premières nations de partout au Canada et 45 d'entre elles ont décidé d'investir leur argent chez nous. Ce processus a été à l'avant-garde du travail qui a mené à ce projet de loi et restera en vigueur jusqu'à ce que le projet de loi soit définitivement adopté.

Le fonds commun de placement de la FNFA a été créé par l'intermédiaire d'un partenariat avec Phillips, Hager & North. Pour vous donner un autre exemple, pour parler de portail et de grosse boîte, si vous confiiez la gestion de votre REER de 500 000 $ à une firme comme Phillips, Hager & North, elle vous demanderait 100 points de base, ce qui représente 1 p. 100. Mais si vous décidiez de lui confier l'ensemble de votre portefeuille, cela vous coûterait un vingtième de 1 p. 100, alors il s'agit d'une différence énorme et cela indique ce que les municipalités empochent des gains.

Cette coentreprise entre la FNFA et l'administration depuis 1995 a eu pour effet de fusionner l'argent en provenance des deux groupes et nous avons eu de bons résultats du point de vue liquidité et gains. Nous nous occupons maintenant d'un fonds combiné dont la taille est de 1,5 milliard de dollars, tâche que les banques faisaient auparavant. Les banques fournissent toujours un bon service. Elles sont très concurrentielles, mais elles se font également battre parfois à cause du fait que, lorsque nous travaillons ensemble, nous avons une très bonne structure de taux. Nous avons également consulté un certain nombre de provinces concernant le financement municipal; nous avons bâti des fonds communs de placement en Ontario et au Manitoba et nous avons parlé à des groupes de gouvernement locaux partout dans le monde, en Indonésie, en Corée du Sud et au Brésil et trois fois à la Banque mondiale, à Washington.

Le temps qui m'est accordé ce soir est court et si je veux vous servir de ressource de la meilleure façon possible, je devrais vous laisser du temps pour poser des questions et ne pas m'étendre trop longtemps sur le sujet. Il m'apparaît que si j'étais à votre place, j'aurais certaines questions intéressantes sur ce sujet. Je serais heureux de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir.

Vous serez peut-être intéressés de savoir qui achète ces obligations, quelle cote de crédit elles comportent, quel est leur taux d'intérêt, comment le concept pourrait être étendu et venir en aide à plus qu'un petit nombre de bandes importantes, quels autres services et produits financiers pourraient être accessibles et à quel degré d'individualisme un partenaire peut s'attendre au niveau de l'emprunt. Je suis prêt à répondre à n'importe quelle question et je suis très heureux qu'on m'ait demandé de venir vous parler de quelque chose qui fait partie de ma vie depuis 1992.

Le sénateur Stratton : Il s'agissait d'un excellent exposé, bien que je pense qu'il est un peu présomptueux de votre part de supposer que nous avons tous 500 000 $ dans nos REER.

M. Craven : Je sais que je ne les ai pas.

Le sénateur Stratton : Je trouve cela intriguant parce que, lorsque j'analyse ce que vous avez dit et que j'examine de près le projet de loi C-20, je dois me demander pourquoi cela n'a pas été fait il y a des années. C'est la tragédie dans tout cela. Lorsque vous voyez l'occasion qui s'offre aujourd'hui aux Premières nations et les occasions pour leur avenir, c'est assez incroyable. Vous ne pouvez faire autrement que d'être enthousiasmé et la seule question que j'ai, c'est comment faire pour étendre cela à l'ensemble du pays.

M. Craven : Pour répondre à cette question, je sais que les municipalités dans l'ensemble du Canada ne le font pas. Plutôt que de payer des honoraires de 50 000 $ une fois par année à une agence d'évaluation du crédit pour couvrir toute la province, les municipalités peuvent en dépenser autant dans 17 villes différentes. Elles peuvent se rendre chacune individuellement à Wall Street et à Bay Street pour que leur crédit soit évalué. Elles peuvent toutes payer un avocat individuellement pour faire de petites émissions et cela coûte à chacune d'entre elles la même somme d'argent. En d'autres mots, faire les choses à notre manière ne fait pas uniquement que réduire les frais de moitié; c'est une réduction des coûts par un facteur de 20 ou 30, et cela a des répercussions importantes sur le taux d'emprunt net.

Le sénateur Stratton : Je peux comprendre cela. Je sais que Winnipeg, ma ville natale, fait exactement ce que vous dites. Si ce modèle commence à fonctionner, comment vous assurez-vous qu'il continuera à bien fonctionner dans l'avenir? Il semblerait qu'il va fonctionner très bien, mais le savons-nous? Mon sentiment, c'est qu'à l'heure actuelle c'est très bien, et que c'est vraiment excitant, mais je pense également que l'avenir sera très excitant si nous pouvons étendre cette pratique partout.

M. Craven : Depuis que j'ai commencé 1984, j'ai l'impression de radoter, parce que je n'arrivais pas à comprendre plus que vous. Je pense qu'une bonne partie de la raison, c'est une question de territoire. Je pense que cela a beaucoup à voir avec l'attitude : « J'aime mieux le faire moi-même », et je pense que les gens de la classe politique ont besoin d'en prendre conscience et d'avoir certaines discussions sérieuses avec leurs gens.

Le sénateur Watt : Peut-être pourrais-je m'aventurer. Est-ce que la Municipal Finance Authority de la Colombie- Britannique a participé à la rédaction de cette législation?

M. Craven : Nous avons eu des discussions régulièrement depuis le tout début. De nombreuses expressions qui sont utilisées, comme « fonds de réserve », et de nombreux autres raffinements des montages financiers ont été fondés sur le modèle de la Municipal Finance Authority cotée triple « A ». De plus, le conseil de direction a financé à même son budget le lancement du projet et nous avons fait part de cette idée novatrice de la « First Nations Finance Authority » aux agences Moody et Standard and Poor et au Canadian Bond Rating Service à deux ou trois occasions à la fin des années 90. Nous avons obtenu beaucoup d'information à partir de ces démarches.

Une analyse du concept de la FNFA a été effectuée par Larry Blaine de RBC Dominion Valeurs mobilières Inc. Il était banquier et était le syndicataire chef de file de notre syndicat financier. Il en a fait une analyse informelle et plus tard, je crois, le gouvernement fédéral l'a payé pour faire une analyse formelle. Les agences d'évaluation du crédit sont toutes au courant de ce concept.

Depuis que j'ai pris ma retraite, j'ai fait de la consultation pour la Municipal Finance Authority; j'ai également gardé le contact avec les agences d'évaluation du crédit parce qu'elles sont intéressées par cette question et qu'elles se demandent quand cela arrivera. Nous étions tous déçus que cela ne soit pas arrivé il y a un an, surtout les personnes qui ont passé 24 jours de suite à Ottawa. Bien que cela ne me soit pas arrivé, j'ai une connaissance vraiment étroite de cette affaire, et en fait, je connaissais depuis de nombreuses années à peu près tous ceux qui étaient liés à cette histoire.

Le sénateur Watt : Prévoyez-vous avoir un rôle permanent, si l'administration prévoit avoir un rôle permanent?

M. Craven : À l'heure actuelle, mes services sont retenus par la FNFA à titre de conseiller. Je serais enchanté d'être un conseiller rémunéré ou non de la FNFA jusqu'à la toute fin. J'ai été en quelque sorte un conseiller non rémunéré de 1992 jusqu'à ma retraite; je pense que j'en ai retiré quelques hamburgers, mais c'est probablement le plus que j'en ai retiré.

Le sénateur Watt : À votre connaissance, voyez-vous dans ce texte législatif des lacunes que les Premières nations devraient connaître?

M. Craven : Non. En fait, il va plus loin que je le prévoyais. J'avais un concept en tête, mais je ne voyais pas comment il fonctionnerait sans l'intervention d'un quelconque ministère des Affaires municipales. Évidemment, il n'existe pas un tel ministère pour l'ensemble du Canada. Cependant, par le biais des divers établissements, ces gens ont façonné ces choses dans la législation et je pense qu'elle est à l'épreuve de tout. Je suis enchanté.

Le sénateur Stratton : Il y a une disposition prévoyant un examen dans sept ans, alors ce n'est pas comme s'il s'agissait d'une transaction sans lendemain; bien que vous puissiez dire que le projet de loi est parfait maintenant, il y a possibilité d'examen.

M. Craven : Il est certain que nous apprendrons des choses au cours des trois prochaines années. Il est certain qu'il y aura des moments où nous nous réveillerons en pleine nuit et que nous allons nous demander pourquoi nous n'avons pas pensé à cette idée avant.

Le sénateur Watt : Peut-on faire un examen avant sept ans, si le besoin s'en fait sentir?

M. Craven : J'imagine que n'importe quel bon gestionnaire en fera l'examen chaque jour, parce que cela exigera que vous soyez très bien informé. Laissez-moi vous donner un exemple. En 1982, un emprunt de 40 millions de dollars a été effectué par l'intermédiaire de la Municipal Finance Authority pour construire la ville de Tumbler Ridge, site d'une mine de charbon dans le nord de la Colombie-Britannique. Il est rapidement devenu apparent que la ville deviendrait une ville fantôme, parce qu'elle était construite sur une hypothèse de prix mondial du charbon qui était erronée. Il est intéressant de voir ce que vous pouvez faire lorsque vous avez des données statistiques et de l'information fiables. Nous sommes allés voir sur place immédiatement et avons constaté qu'il y aurait du charbon pendant 15 ans, alors ce ne serait pas un problème, mais dès 1985 ou 1986, nous leur disions : « Nous sommes inquiets à propos de cette histoire. La province nous a placés dans une position très difficile ». Les 40 millions de dollars ont été financés à 17 p. 100 pendant quatre ans; puis à 12 p. 100, puis à 7 p. 100 et enfin, à 5 p. 100. Nous avons convaincu Tumbler Ridge de doubler ses paiements sur sa dette et le jour où la mine a fermé ses portes, la dette était effacée.

C'est le genre de choses que vous pouvez faire avec cet instrument. Ce n'est pas uniquement une question d'emprunter de l'argent; c'est d'avoir une vision fiable de la situation financière de tous les partenaires. Vous pouvez intervenir avant que les partenaires éprouvent des difficultés. Je pense que c'est très sain et que cela encourage la transparence, la démocratie et les gens qui présentent leur candidature pour la bonne raison.

Le président : Vous avez affirmé qu'il n'y avait pas d'administration municipale à l'échelle nationale. Le pays est divisé en municipalités. Reconnaissant comment le gouvernement fédéral a planifié tout ce processus, croyez-vous que cela fonctionnera à l'échelle nationale?

M. Craven : Oui

Le président : Croyez-vous que les peuples autochtones de la côte est, ou dans l'Est, seront intéressés à travailler avec le régime qui est proposé dans le projet de loi?

M. Craven : Je pense que l'idée de financer des millions de dollars à un taux de 4,75 p. 100 pour un terme fixe de 10 ans attirerait même quelqu'un qui vient d'aussi loin que de la Yougoslavie. L'autre élément vraiment intéressant dans tout cela, c'est que le tout appartient aux participants et c'est eux qui l'exploitent.

Je ne peux penser à une meilleure façon de filtrer les gens qui désirent emprunter de l'argent que de les faire filtrer par des gens qui auront à ramasser les pots cassés si jamais il y avait défaut de paiement. Il s'agit d'un mécanisme de crédit extrêmement puissant et cela a très bien fonctionné dans notre cas. Le fait que nous assurons notre propre cautionnement est convaincant et les gens sont également attirés par le fait qu'à leurs yeux, il n'est plus nécessaire de passer par un quelconque processus hiérarchique.

Cela aidera également les situations financières, parce qu'il y aura un degré de certification fondé sur des données fiables, des vérifications de fiabilité et des pratiques financières fiables. Je pense que n'importe qui, lorsqu'il comprendra la simplicité de l'idée, viendra se joindre au groupe, peu importe d'où il vient. Je ne serais pas étonné qu'il y ait d'autres ramifications à cette idée. Cependant, ce que nous devons réussir à faire, c'est environ quatre ou cinq bonnes émissions d'obligations à des prix concurrentiels; nous devons réduire l'écart jusqu'à ce que nous soyons sur les talons de la ville de London, qui a une cote de crédit « A » en Ontario, et démontrer ainsi au monde ce que l'on peut faire.

Nous devrions examiner cette idée avec les Européens. Je compte de nombreux amis dans les services bancaires d'investissement en Europe et je les ai amenés faire du kayak de mer pendant des semaines sur la côte ouest. Ils sont très enthousiasmés par la First Aboriginal Credit et il y a une forte demande dans des pays comme l'Allemagne, les Pays-Bas et la France pour des investissements éthiques qui sont solides, et c'est quelque chose qui ajoute à la collectivité plus vaste. Vous allez voir une grande d'activité une fois que nous aurons procédé à quelques émissions. Les pionniers doivent prouver que le système est bon.

Le sénateur Léger : Nous traitons du projet de loi C-20 à l'heure actuelle; c'est la raison pour laquelle vous êtes ici; mais vous faites déjà tout cela, n'est-ce pas?

M. Craven : Nous faisons la démonstration que cela peut être fait en Colombie-Britannique, mais si nous n'étions pas des hommes et des femmes extrêmement patients, nous ne serions pas dans ce genre d'entreprise pour commencer.

Le sénateur Léger : Vous le vivez déjà et nous devons trouver ce qui ne va pas dans ce système. Ils ont beaucoup de mal à dire ce qui est mal.

Le président : J'aimerais savoir si tous les organismes qui ont été créés sont vraiment nécessaires. D'après votre expérience, qu'y a-t-il en Colombie-Britannique qui soit analogue à chacun des organismes : la Commission de la fiscalité, le Conseil de gestion financière et, évidemment, l'Administration financière? Lorsque vous regardez dans la législation, et particulièrement la Commission de la fiscalité et les Conseils de gestion, il s'agit vraiment de créations du gouvernement fédéral par suite d'une nomination par le gouverneur en conseil. Ce sont des nominations de haut niveau. Vous donnez l'impression qu'il s'agit d'organismes fonctionnels importants; en réalité, qu'y a-t-il en Colombie- Britannique, à votre avis, qui a amené le gouvernement fédéral à croire qu'il faut aller aussi loin pour obtenir un régime qui aura du succès?

M. Craven : Je dois reconnaître que c'était en partie notre conseil que tout crédit que vous vous attendez à ce qu'un preneur ferme vende à ses clients doit comporter certaines caractéristiques. Il y avait un grand nombre d'inconnues liées à la qualité de l'admissibilité d'une personne à emprunter de l'argent dans les différentes Premières nations. Cette loi normalise les choses et indique clairement au preneur ferme, à ses clients et à l'Agence d'évaluation du crédit qu'il y a certains contrôles ici et que tous les racontars qui circulent concernant le crédit des Premières nations n'ont plus de fondement. La bonne nouvelle, c'est que cela n'est pas imposé par un troisième ou quatrième niveau de gouvernement; c'est une création des gens mêmes qui font les emprunts.

C'est quelque chose de beaucoup plus sain. C'est la raison pour laquelle la Municipal Finance Authority a si bien fonctionné; elle est complètement séparée de la province. Nous n'avons pas un seul député qui siège sur notre conseil d'administration. Nous prenons nos propres décisions, nous allons sur le marché quand nous le voulons et nous décidons de recourir à un accord de crédit réciproque ou à un instrument dérivé lorsque nous le voulons. Si nous voulons aller en Europe, nous le faisons et nous vivons ou périrons par l'épée.

Cette attention particulière au détail, lorsque c'est votre responsabilité et non pas celle du gouvernement fédéral ou provincial, aiguise l'esprit. Nous avions l'habitude d'exiger un droit pour payer nos activités que nous faisions parvenir sur un avis de cotisation. Nous avons maintenant complètement laissé tomber l'avis de cotisation; nous avons plutôt un dividende de 600 000 $. Nous faisons de l'argent avec le concept qui initialement a été créé pour nous faire économiser de l'argent. Si nous faisons de l'argent, c'est en partie à cause du fait que nos profits nous sont retournés. Cela est beaucoup mieux que le fait d'être contrôlé par des gens de l'extérieur.

Le président : En examinant le projet de loi en détail, j'ai constaté que la Commission de la fiscalité et le Conseil de gestion financière exigent tous deux des nominations par le gouverneur en conseil. Vous avez alors l'impression générale que, parce que ce sont des décisions prises par le ministre, toutes les nominations sur les conseils seront des nominations au plus haut niveau du gouvernement fédéral. Vous avez l'impression que la Commission de la fiscalité et le Conseil de gestion sont très importants, mais en réalité, dans l'ordre des choses, c'est l'Administration financière qui est l'organisme qui a vraisemblablement le plus de pouvoir et qui a le rôle le plus important dans tout cela. Pourtant, les nominations au conseil ne seront pas des nominations par le gouverneur en conseil; il s'agira plutôt de nominations par les membres emprunteurs. Cela vous donne l'impression de « pourquoi pas? » Si cet organisme est si important, pourquoi le gouverneur en conseil n'a-t-il pas également son mot à dire dans la nomination des personnes siégeant au conseil? Auriez-vous des observations à ce sujet?

M. Craven : Je n'ai pas beaucoup d'information sur la façon dont la législation a été élaborée. Je peux vous dire que cette question a été traitée.

Le président : Nous allons maintenant savoir ce que vous devez répondre.

M. Craven : Deanna pense que j'ai mal compris la question.

Le président : La question est la suivante : le gouvernement a élaboré ce système de fiscalité et d'argent et tous ces grands organismes ont été créés par le gouvernement fédéral et il fait des nominations. Pourtant, en bout de ligne, on en arrive à l'administration financière. Je vous ai vu dans votre bureau; il n'y a que quelques personnes dans votre bureau, mais vous avez piloté la chose et fait en sorte que tout fonctionne. Votre conseil est choisi par les membres contribuants. Voulez-vous juste dire quelque chose sur la façon dont ce système fonctionne et fonctionnera?

Mme Hamilton : Fondamentalement, c'est la même chose que la Municipal Finance Authority de la Colombie- Britannique, en ce sens que les gens qui ont la tête sur le billot pour l'emprunt, conjointement et à plusieurs, sont les gens qui prennent le contrôle et qui sont alors capables de prendre des décisions pour s'assurer que les choses sont bien équilibrées et que les obligations qui seront émises seront des obligations de bonne qualité. Il est vraiment important que ce soit les gens qui aient l'autorité de faire cela. Si vous faites intervenir le gouverneur en conseil, par exemple, vous auriez quelqu'un qui est indépendant qui essaie de diriger, exactement comme c'est le cas à l'heure actuelle avec les collectivités des Premières nations. Vous êtes dirigés depuis Ottawa de manière indépendante et ils ne savent pas ce qu'il faut faire pour mettre cela en œuvre sur le terrain et pour mettre les freins et contrepoids nécessaires au bon fonctionnement du système.

Le président : Avez-vous confiance, vous-mêmes, votre conseil de direction, que vous allez finir par faire participer les Premières nations de l'ensemble de notre grand pays comme membres contribuants.

Mme Hamilton : Oui, j'ai confiance. Comme l'a dit M. Craven, les avantages sont tellement importants qu'il est certain qu'ils vont se joindre à nous pour en profiter. La bonne nouvelle dans tout cela, c'est que les autres établissements prêteurs ne veulent pas s'occuper d'infrastructure. Il est difficile pour une banque ou une tierce partie de venir reprendre les tuyaux dans le sol et d'en obtenir une valeur intéressante en échange. En installant les infrastructures, les collectivités peuvent alors attirer le développement économique, et cetera, et ensuite, les banques et les autres établissements prêteurs viendront pour financer ce qui est construit au-dessus du sol; on obtient alors un très bon partenariat.

M. Craven : Juste pour renchérir, 45 Premières nations ont adhéré volontairement à notre fonds commun de placement et elles viennent de partout au Canada. Elles nous ont tout simplement fait parvenir leur argent pour l'investir. Il s'agit d'un phénomène ahurissant, envoyer de l'argent à un groupe en Colombie-Britannique pour investir. Ils obtiennent un bon rendement et nous sommes heureux de tous nos succès. Le lien entre l'accès facile au marché des obligations et le financement d'immobilisations à long terme et les coûts peu élevés est vraiment profond. De plus, si vous essayez d'économiser sur tout et d'emprunter pour une courte période de temps pour un système d'égout ou d'aqueduc, vous ne faites pas un très bon usage de votre argent non plus.

Les ingénieurs aiment concevoir un système complet pour s'assurer que les tuyaux ont la taille appropriée de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'installer des tuyaux en parallèle lorsque le système croît. En réalisant des circuits dans le système, ils tiennent compte de la possibilité d'une rupture d'une conduite principale à un endroit et de pouvoir quand même l'ouvrir ailleurs, et ainsi de suite. Pour parvenir à ces fins, vous avez besoin d'un financement à long terme, sur une période de 25 ans.

La valeur de la terre augmente parce que les services sont là et l'évaluation grimpe. D'où le fait que les impôts fonciers augmentent. D'où le fait que l'attrait de l'endroit pour d'autres développeurs augmente. Avant que les égouts et les aqueducs soient construits en Colombie-Britannique, avant la création de la BCMFA, il y avait la grande ville de Vancouver et la grande ville de Victoria, après, il y avait les petits villages du reste de la province. Maintenant, il y a peu de différence entre le nord et le sud de la Colombie-Britannique. On y retrouve les mêmes services, et les mêmes hôpitaux, et tout cela est dû au fait que nous avons un approvisionnement en eau et des égouts. Une bonne partie de cela est due au fait que la valeur de la terre a augmenté à cause de la présence des services.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Craven.

Nous allons maintenant entendre M. Ronald Jamieson de la Banque de Montréal.

Bonsoir, monsieur Jamieson, bienvenue devant notre comité. Peut-être pourriez-vous vous présenter et nous dire comment votre travail est lié au projet de loi ou pourrait avoir un effet sur ce dernier.

M. Ronald Jamieson, vice-président principal, Services bancaires aux Autochtones, Banque de Montréal : Merci, monsieur le président et membres du comité. C'est encore une fois un grand plaisir que d'avoir l'occasion de vous rencontrer et de partager des points de vue sur ce texte de loi très important.

Monsieur le président, je suis vice-président principal, Services bancaires aux Autochtones du Groupe financier BMO. J'ai la responsabilité de notre relation avec les peuples autochtones à l'échelle nationale et j'aimerais vous en parler et vous parler de l'importance de cette question pour notre groupe.

Je suis également Mohawk. Je vis toujours sur la réserve Six Nations dans le sud de l'Ontario. Je fais la navette entre la réserve et Toronto lorsqu'il y a peu de neige; autrement, je travaille à la maison.

Le Groupe financier BMO a été la première banque à établir des relations avec les peuples et les collectivités autochtones au Canada. Cela m'a permis de visiter plus de 400 réserves au pays. Par conséquent, j'ai beaucoup d'expérience dans les prêts directement aux peuples autochtones, aux entreprises et aux collectivités. Je veux parler de cela avec vous pendant quelques minutes, parce que je pense que cela est lié à vos discussions.

Sur une période de presque 13 ans, notre établissement est passé d'une relation relativement mineure avec les collectivités autochtones à des engagements qui s'élèvent aujourd'hui à 1,4 milliard de dollars. C'est notre relation d'un océan à l'autre. Même à l'échelle de n'importe quelle des grandes banques, c'est un chiffre important. Je peux vous dire que nous avons fait toutes sortes de financement dans le cadre de ce portefeuille. Je suis directement responsable de ce portefeuille, de son activité et de sa croissance, et de veiller au remboursement des emprunts, et, en fait, du renforcement de notre relation continue — et nous préférons l'appeler partenariat — avec les collectivités autochtones, que ce soit par l'ouverture de nouvelles succursales ou en employant des Autochtones dans la banque dans divers postes. Je considère cela comme une responsabilité personnelle bien que l'embauche de personnel ne soit pas quelque chose que je fais sur une base quotidienne.

Je peux vous dire que la Banque de Montréal a un dossier enviable, en tant qu'établissement, dans toute l'Amérique du Nord, en ce qui a trait à son portefeuille et à la qualité de son crédit. Et le Groupe financier BMO considère qu'il est très important de maintenir ce dossier. Je peux vous dire qu'au sein du portefeuille des services aux Autochtones du Groupe, nos pertes sur prêt — et toutes les institutions prêteuses ont des pertes — sont inférieures à la moitié des pertes que nous avons dans d'autres types d'activités. Il s'agit d'un dossier absolument remarquable.

Il y a des années, les gens avaient l'habitude de me dire : « Pourquoi voulez-vous faire des affaires avec les collectivités autochtones? Il n'y a pas de sécurité dans cela. En fait, ils ne vont pas vous payer et qu'allez-vous faire alors? » Ce genre d'argument ne tient tout simplement pas la route et au cours des 13 dernières années, nous l'avons prouvé à un grand nombre de personnes.

Il y a plusieurs années, j'ai eu le plaisir de prendre la parole devant la Municipal Finance Authority de Colombie- Britannique, lorsque M. Craven travaillait pour cet organisme. Peut-être s'en rappelle-t-il?

M. Craven : C'était à l'époque où j'étais jeune.

M. Jamieson : Je n'avais moi-même que 28 ans. J'ai juste l'air un peu plus vieux parce que j'ai beaucoup voyagé.

M. Craven : J'ai failli perdre mon emploi. On voulait me remplacer par vous.

M. Jamieson : Réaliser ce travail a été une leçon précieuse pour moi, tant au plan personnel qu'au plan des affaires, construire cette entreprise et construire cette relation. De quelle autre façon un Mohawk du sud de l'Ontario pouvait-il espérer visiter 400 réserves et voir tout ce que j'ai vu et faire l'expérience de toutes ces choses?

Le logement est l'un de nos plus importants programmes. Notre programme du logement consiste à faire des prêts directement aux particuliers qui vivent sur une réserve, sans la participation du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ni de la SCHL ou d'autres intervenants. Nous prêtons l'argent directement, et ce, dans plus de 20 réserves; mais il y a tant de travail à faire. Nous n'avons jamais eu de forclusion; en fait, nous avons eu très peu d'arriérés avec ce programme. Mon confrère qui travaille à BMO Groupe financier dans la section des prêts hypothécaires aimerait bien avoir ce rendement. C'est toute une performance.

Vous allez peut-être penser que le fait de venir ici parler en faveur de cette très importante législation équivaut pour moi à m'enlever mon travail. Mais ce ne sera pas le cas. Les banques font des prêts sur des garanties. Habituellement, nous consentons des prêts à court terme. En fait, nous n'aimons pas aller au-delà de cinq ans. Il y a des exemples au Canada où l'on a prêté à des clients très importants pour une période de 10 ans et même de 15 ans, mais nous n'aimons pas cette pratique; et puisque nous n'aimons pas cela, nous chargeons une prime pour le faire.

Ce qu'a dit M. Craven au sujet des taux préférentiels pour les gros emprunts est exact. Je ne saurais mieux dire, alors je n'essaierai pas. Il a vraiment mis le doigt dessus. Nous pensons que les peuples des Premières nations feront toujours appel à nous. Dans le cas du financement à grande échelle, de dizaines de millions de dollars, les banques devraient former des consortiums financiers afin de diversifier leurs risques et de les partager avec d'autres banques. C'est de cette manière que nous fonctionnons. Habituellement, nous formons un syndicat financier avec d'autres banques pour les sommes supérieures à 50 millions de dollars. Pour les gros emprunts, la législation permettrait aux communautés des Premières nations de mettre l'infrastructure en place afin de pouvoir profiter des possibilités commerciales et de développement économique. Les peuples des Premières nations pourraient nous emprunter de l'argent pour des bâtiments, plutôt que pour des choses souterraines.

Permettez-moi de vous illustrer par un exemple très concret la manière dont cette loi serait avantageuse. On a beaucoup parlé du projet de pipeline de la vallée du Mackenzie, un projet de plusieurs milliards de dollars. Je crois qu'il sera réalisé tôt ou tard. Aucune banque canadienne ne peut financer ce projet. En fait, même si toutes les banques principales du Canada se mettaient ensemble, elles ne pourraient le faire. Il faudrait absolument un financement par obligations. En fait, toutes les banques de l'Amérique du Nord devraient former un consortium si elles veulent financer le montant nécessaire. Même les très grandes banques américaines, comme Citybank et Bank of America, ne pourraient le faire seules. Elles devraient également fournir un financement par obligations. Et c'est l'objet de la loi.

Permettez-moi maintenant de vous faire part de certaines préoccupations mineures, même si elles ne portent pas sur la loi en tant que telle. Je veux tout d'abord dire que j'appuie fortement ce projet de loi. Cependant, les Premières nations devraient avoir le choix de participer ou non. J'ai lu le document, et cela me convient, mais je veux dire pour le compte rendu qu'il est absolument essentiel que la participation soit optionnelle. Deuxièmement, il ne faudrait jamais retirer l'obligation fiduciale qu'a le gouvernement fédéral à l'endroit des Autochtones du Canada. Il ne faudrait jamais toucher à cela. C'est essentiel, selon moi.

Voilà les deux mises en garde que je voulais faire. Pour ce qui est du reste, je crois que le projet de loi est fort attendu.

J'aimerais également dire au comité que si les politiciens ici à Ottawa veulent obtenir l'appui unanime des peuples des Premières nations ou des Autochtones du Canada en faveur de cette législation, ils ne l'obtiendront jamais. La divergence d'opinions qui existe au sein des communautés autochtones du Canada est énorme, comme dans toute population, particulièrement lorsque cette population est répartie sur un grand territoire. Les questions, les préoccupations et les gens sont différents. Les cultures sont différentes. Il y a bien sûr des similarités, mais il y a également de grandes différences.

Il n'y aura jamais d'accord à 100 p. 100 unanime. Cependant, lorsque cette législation sera promulguée et que ces établissements seront en pleine activité, je crois que vous verrez un bon nombre de personnes qui étaient auparavant contre le projet de loi se réjouir, car il est temps qu'un projet de loi de ce genre soit adopté.

Cela met fin à mes commentaires; il me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Watt : Vous avez soulevé deux préoccupations, la première étant que l'adhésion devrait être optionnelle. Je crois que c'est le cas actuellement, après le nettoyage effectué dans la loi en tant que telle. Vous avez dit ensuite que le gouvernement ne devrait pas être soulagé de sa responsabilité fiduciaire. Où voyez-vous la garantie dans cela? Croyez-vous qu'elle réside dans la législation, et que l'on peut recourir à la Loi sur les Indiens au besoin?

M. Jamieson : Sénateur Watt, comme je le constate dans le matériel, il s'agit d'un financement d'infrastructure à grande échelle. Le gouvernement a encore l'obligation fiduciaire de s'occuper des Autochtones dans le domaine de l'éducation, de la santé et du bien-être et dans d'autres programmes. Cette législation n'a pas d'effet sur cette obligation, selon moi.

Ce que je dis, c'est que je ne voudrais pas qu'un jour, une communauté des Premières nations qui éprouve des problèmes — je n'ai pas besoin de dire ce que pourraient être ces problèmes — et qu'un certain bureaucrate du ministère des Affaires indiennes dise à un Autochtones qu'il doit s'adresser à ces personnes s'il a besoin d'argent, car ce n'est pas son problème. Je ne vois pas cela dans la législation. Je voulais simplement le lire pour le compte rendu, sénateur.

Le sénateur Watt : J'ai une autre question. Ce document législatif nous aiderait-il en matière d'échanges internationaux?

M. Jamieson : Oui, je crois, car il permettrait aux personnes qui font des emprunts d'avoir les outils nécessaires pour renforcer les possibilités économiques sur le terrain. Cela prendra un certain temps, sénateur Watt, mais je crois que les choses vont dans la bonne direction. J'ai peur de perdre mon travail, car il y a beaucoup, beaucoup, de communautés qui ne sont pas qualifiées pour joindre ce groupe.

Le sénateur Watt : Nous vous demanderons peut-être de nous aider; nous aurons peut-être un emploi pour vous.

M. Jamieson : Je l'espère. Je serai peut-être même à la retraite, sénateur. Qui sait?

Le sénateur Watt : Vous allez être alors plus disponible pour nous.

Le président : Le prochain témoin est M. Douglas Norris.

Monsieur Norris, avez-vous une déclaration préliminaire à faire? Vous pourriez peut-être nous présenter vos antécédents et nous dire en quoi ils sont liés au projet de loi que nous avons devant nous.

M. Douglas A. Norris, directeur général, Direction de la statistique démographique et du recensement, Statistique Canada : Je suis responsable à Statistique Canada de ce que nous appelons le secteur de la statistique démographique et sociale, qui comprend notre programme de statistiques sur les Autochtones. Comme les membres du comité le savent peut-être, nous travaillons depuis un certain temps à recueillir de l'information dans le cadre de notre système statistique national au sujet des Premières nations et des autres peuples autochtones. Il y a eu des problèmes dans le passé avec cela. Le projet de loi dont nous parlons aujourd'hui nous offre vraiment l'occasion de renforcer et d'améliorer le genre de renseignements statistiques disponibles pour les peuples des Premières nations et, d'une manière plus générale, les Autochtones. J'aimerais vous informer du soutien de Statistique Canada quant à la mise sur pied d'un institut de la statistique des Premières nations. Le projet de loi porte sur un certain nombre de domaines, mais je vais limiter mes commentaires aujourd'hui à l'institut de la statistique, bien que cet institut jouera certainement un rôle d'appui pour aider les autres instituts proposés.

La mise sur pied d'un institut de la statistique des Premières nations permettrait à Statistique Canada et aux Premières nations de travailler ensemble à l'élaboration de données sur les membres des Premières nations qui soient plus détaillées et plus complètes.

Actuellement, comme je l'ai mentionné, Statistique Canada recueille des données. Cependant, le nouvel institut nous permettrait de faire des choses que nous n'avons jamais pu faire avant. Tout au long de ma carrière à Statistique Canada, depuis 20 ans, j'ai remarqué que les Premières nations veulent de plus en plus détenir et utiliser des renseignements statistiques pour divers programmes et pour d'autres fins. C'est cet intérêt croissant qui nous offre l'occasion de travailler avec ce nouvel institut pour améliorer les statistiques afin que nous en bénéficiions tous.

Tout comme les autres niveaux de gouvernement qui possèdent la capacité de produire et d'analyser leurs propres renseignements statistiques, les gouvernements et autres organismes des Premières nations doivent avoir des renseignements qui leur sont propres afin de recueillir, d'analyser et de publier leurs propres données. Ils doivent posséder une telle capacité afin de satisfaire leurs propres responsabilités et imputabilités en matière de prise de décision. Voilà plusieurs années, la Commission royale sur les peuples autochtones avait insisté sur la valeur des renseignements statistiques; depuis ce temps, j'ai remarqué que ces peuples ont démontré beaucoup plus d'intérêt pour de tels renseignements et pour apprendre à partir de ces données.

L'une des raisons qui explique que nous avons eu des problèmes par le passé dans la collecte de données complètes, c'est que bien souvent, les statistiques n'étaient pas utilisées par les membres des Premières nations. Cela peut s'expliquer par un manque de capacité statistique empêchant ces personnes de réaliser l'importance des statistiques et de leur utilisation.

Depuis le rapport de la commission royale, et particulièrement depuis trois ou quatre années, la situation s'est renversée. Nous avons réagi à cela, à Statistique Canada, en mettant sur pied un programme modeste de formation en statistique à l'intention des Autochtones afin de les aider et de leur montrer les utilisations possibles des données statistiques. En fait, les listes d'attente sont longues pour ce programme, même s'il est relativement ouvert. Il s'agit d'un départ très modeste pour développer le type de capacités statistiques nécessaires.

J'ai discuté avec les personnes qui proposent de mettre sur pied un institut de la statistique des Premières nations, et l'on m'a dit que l'institut occupera un rôle de premier plan dans la diffusion et l'analyse de renseignements statistiques sur les Premières nations, et on s'assurera que les décideurs des Premières nations disposent de données appropriées.

La mise sur pied d'un institut des statistiques des Premières nations permettra non seulement de fournir un soutien statistique aux communautés des Premières nations, mais il aura aussi pour effet d'améliorer la quantité et la qualité des données sur les Premières nations que Statistique Canada continuera de recueillir dans le cadre du système statistique national. Pour moi, le travail de Statistique Canada et celui de l'institut des statistiques des Premières nations sont très complémentaires.

L'institut des statistiques des Premières nations devrait fournir des conseils aux ministères fédéraux sur des questions d'ordre statistique relatives aux peuples et aux communautés des Premières nations. La loi que vous avez sous les yeux aidera Statistique Canada a mieux concevoir nos programmes statistiques afin d'être plus à l'écoute de l'aspect culturel et de mieux saisir la réalité des communautés des Premières nations.

La mise sur pied d'un institut des statistiques des Premières nations offre une excellente occasion de bâtir des relations de travail collaboratives et d'exercer un transfert de savoir-faire de sorte que des renseignements fiables et comparables à l'échelle nationale seront disponibles sur les Premières nations.

Il s'agit là de composantes essentielles si l'on veut répondre aux besoins à long terme en matière de responsabilité des Premières nations quant à la planification financière, la gestion de programmes, la prestation de services et l'exécution des autres programmes. Je compare l'institut de la statistique des Premières nations avec les organismes de statistique des provinces et des territoires qui existent depuis un certain temps et qui font partie intégrante du système statistique national. Ces organismes ont des mandats propres à leur province ou territoire et mènent à bien ces mandats de manière indépendante, mais en collaboration avec Statistique Canada; il en résulte que nous sommes mieux à même de respecter notre mandat, et nous croyons que nous pouvons fournir un appui aux gouvernements des provinces et des territoires afin que ceux-ci respectent leurs mandats. Selon moi, la situation est similaire avec l'institut de la statistique des Premières nations.

Bien que la mise sur pied d'un institut de la statistique des Premières nations soit une initiative bien accueillie, son développement devrait être axé sur le professionnalisme, la crédibilité et la stabilité, comme tout institut de la statistique qui existe aujourd'hui. L'institut de la statistique des Premières nations doit obtenir le soutien et la confiance de toute la population canadienne, et non pas seulement de la population des Premières nations. Afin de relever ce défi, certains prérequis sont nécessaires, et plusieurs sont déjà compris dans le projet de loi. Plus particulièrement, un institut de la statistique des Premières nations doit s'assurer que les activités statistiques sont exercées dans un contexte de protection de la confidentialité et de la vie privée des particuliers, des entreprises et des organisations, ce qui est fondamental pour tout organisme de statistique.

Il doit être un organisme public au sens de la transparence, ayant des données agrégées et des analyses accessibles à tous, en utilisant des mesures relatives à la confidentialité semblables à celles appliquées par Statistique Canada. Il doit être en mesure de recueillir et de partager des données avec les ministères fédéraux et d'autres organisations tout en assurant le respect de la vie privée des particuliers et la confidentialité.

Il doit travailler en collaboration avec Statistique Canada afin d'éviter le dédoublement des activités et de fournir appui et conseils en ce qui a trait aux activités du système statistique national relatives aux Premières nations. Il doit avoir un conseil d'administration qui soit fort et fasse preuve de professionnalisme. Il doit avoir un plan d'activités qui soit clair et qui reconnaisse le besoin de bâtir un institut de la statistique des Premières nations de façon graduelle et en fonction de la stabilité, au fur et à mesure que se développeront la confiance et la crédibilité en matière de capacité et de professionnalisme. Enfin, il doit obtenir un budget adéquat qui reconnaît les coûts et la complexité d'une organisation statistique moderne.

Le projet de loi, fondé en bonne partie sur notre propre Loi sur la statistique, procure le cadre de travail nécessaire au développement d'un institut de la statistique des Premières nations en fonction de ces éléments. Statistique Canada soutient la création de l'institut de la statistique des Premières nations et croit qu'une telle organisation peut jouer un rôle important, aussi bien pour les Premières nations que pour le système statistique national. Statistique Canada s'engage à partager son expérience et son expertise afin de faire de l'institut de la statistique des Premières nations un représentant pour les données sur les Premières nations.

Nous croyons que nous avons beaucoup à offrir étant donné l'expérience et l'expertise technique que nous avons, et nous attendons avec impatience le jour où nous pourrons travailler de concert avec l'institut de la statistique des Premières nations, une fois que ce dernier aura été mis sur pied. J'ajouterai que grâce au travail que nous avons fait depuis plusieurs années, nous avons déjà tracé l'ébauche d'un mémoire au Cabinet pour établir la manière dont nous allons travailler avec l'institut de la statistique des Premières nations, une fois qu'il aura été mis sur pied et que ses priorités auront été établies.

Nous croyons que l'institut de la statistique des Premières nations sera un collaborateur de grande valeur dans le cadre de la mise en œuvre d'un solide programme statistique sur les Premières nations et Statistique Canada souhaitera la bienvenue au nouvel organisme au sein de la famille statistique canadienne.

Le sénateur Stratton : Quand on parle de statistique, la protection des renseignements personnels et la transparence sont importants, car il s'agit de respecter la vie privée et d'offrir une transparence, étant donné que vous publiez des documents. Pouvez-vous nous donner des exemples? Lorsque vous parlez de protection de la vie privée, que voulez- vous dire? Lorsque vous parlez de transparence, que voulez-vous dire? Comment pouvez-vous garantir qu'il y aura protection des renseignements personnels? Comment pouvez-vous garantir que tout ce que vous publierez ne causera pas de problèmes?

Je sais que vous avez les réponses à ces questions, mais je crois que vous devez les formuler pour le compte rendu afin que tout le monde soit au courant.

M. Norris : Vous avez confiance en moi, sénateur.

Le sénateur Stratton : Vous n'occuperiez pas le poste que vous occupez actuellement si vous n'aviez pas les réponses à ces questions.

M. Norris : La question de la protection de la vie privée est très importante. Statistique Canada, tout comme le sera l'institut de la statistique des Premières nations, est régi par La loi sur la protection des renseignements personnels.

La protection des renseignements personnels est un aspect très important de tout organisme de statistique. C'est nécessaire pour permettre, d'une part, que de l'information utile soit recueillie au sujet de la société canadienne et, d'autre part, que cette information soit recueillie de manière à préserver la vie privée des individus — et la question de la confidentialité en découle. Bien qu'un organisme de statistique peut dresser un portrait de certains groupes de personnes ou un portrait général, il doit faire très attention à ne pas dévoiler des renseignements sur les individus. C'est ce que je veux dire lorsque je parle de protection de renseignements personnels; nous utilisons diverses méthodes pour rendre l'information disponible tout en protégeant les renseignements personnels.

La transparence dont vous faites état est importante, car la crédibilité de tout organisme de statistique dépend de l'image qu'elle suscite chez la population, l'image d'un organisme qui produit de l'information et qui la rend disponible à quiconque le désire. Il y a beaucoup de débats sur des sujets comme l'information que Statistique Canada produit. Il existe différents points de vue sur la manière dont l'information est interprétée et ce qu'elle signifie pour divers programmes ou politiques. Il est essentiel dans le cadre d'un bon processus démocratique qu'il y ait une base de données puissante, de haute qualité, et qui permet de susciter des débats publics à ce sujet. D'un côté, nous voulons le faire, et nous avons la transparence, mais de l'autre côté, il faut le faire tout en ayant soin de préserver la confidentialité de l'information et de protéger les individus contre tous les types de risques.

Le sénateur Stratton : Y a-t-il un délai prescrit de 92 ans comme pour le recensement? Nous nous battons avec le Sénat au sujet de la divulgation de renseignements confidentiels concernant les données du recensement.

M. Norris : C'est une disposition avec les renseignements fournis dans le recensement en particulier. Cela ne s'applique pas à ces renseignements.

Le sénateur Stratton : Il n'y aura pas de délai prescrit pour ces données?

M. Norris : Non.

Le sénateur Stratton : Heureusement ou malheureusement, le Parlement peut faire ce qu'il veut à l'avenir, il n'y a donc pas de délai prescrit de 92 ans ou quoi que ce soit. Est-ce sacro-saint?

M. Norris : Il n'y a pas de délai prescrit pour divulguer cet aspect confidentiel ou de la vie privée.

Le sénateur Stratton : Vous avez parlé d'un conseil d'administration fort. Qui se prononce sur le conseil d'administration et qui détermine si le conseil d'administration sera fort ou non? Vous en avez parlé, donc je dois demander.

M. Norris : Le conseil d'administration sera nommé par le gouverneur en conseil. Les paramètres pour ces nominations, que j'ai eu l'occasion de voir sous forme d'ébauche, se conformeront aux compétences recherchées par Statistique Canada.

Le statisticien en chef du Canada sera membre du conseil d'administration et assurera un lien très utile entre Statistique Canada et le nouvel Institut de la statistique des Premières nations.

Le sénateur Stratton : Est-ce que les personnes nommées à ce conseil auront une bonne expérience appropriée?

M. Norris : Oui, afin qu'elles puissent comprendre et être sensibles aux problèmes des Premières nations et apprécier les informations et la façon dont elles peuvent être utilisées au cours du processus.

Le président : En lisant le projet de loi, je commence à comprendre le besoin des trois institutions financières prévues par le projet de loi, il est vrai, toutefois, que je me suis demandé ce que faisait là un organisme de statistique. Est-ce que Statistique Canada a participé d'une quelconque façon, en recommandant ou en fournissant le cadre de travail, à l'inclusion de l'Institut de la statistique des Premières nations dans le projet de loi, ne serait-ce que pour l'ajouter aux institutions financières?

M. Norris : Ce sont les Premières nations qui ont eu l'idée de l'institut, car elles reconnaissent le besoin d'un organisme de statistique pour collecter et communiquer les types de renseignements nécessaires. Au départ, il est vrai que nous avons discuté avec les Premières nations de l'objet d'un tel institut. Elles étaient intéressées par notre expérience, ce que l'on a appris et ce que cela implique. Bien que ce soit leur initiative, nous les avons soutenu dès le début en donnant des conseils et en leur faisant part de l'expérience que nous avons acquise dans la gestion d'un institut statistique. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, nous espérions un tel institut car nous pensons vraiment que cet institut et notre travail sont complémentaires. En fait, cela nous aidera à être plus efficaces dans notre travail tout en atteignant des objectifs précis qui seront délimités par le besoin de gouvernance des Premières nations.

Le président : En considérant que ce projet de loi porte sur des institutions financières des Premières nations et que nous parlons d'infrastructure sur les terres de réserve, où voyez-vous un lien avec toute la question des renseignements statistiques?

M. Norris : Je crois que le premier témoin de ce soir a plusieurs fois mentionné l'importance de renseignements crédibles et de bonnes données pour le secteur financier. Un institut statistique peut fournir l'expertise pour assurer que les renseignements statistiques sont établis, disponibles et affichés de la même façon qu'ils le sont pour les Canadiens en général, les entreprises canadiennes et les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. L'institut statistique des Premières nations aura un rôle à jouer en répondant aux besoins de données et de renseignements des institutions financières. Cependant, il va plus loin en fournissant aussi d'autres types de renseignement. À mon avis, il a un rôle important à jouer.

Le président : Je comprends pourquoi un Autochtone se rend compte de l'importance de ces institutions financières, il peut bénéficier de leurs services un de ces jours, car le Conseil de la bande locale des Premières nations pourrait obtenir des fonds qui serviront à l'infrastructure, mais, si j'étais Autochtone, j'aurais beaucoup de mal à comprendre que cet institut statistique en cours de création pourrait améliorait la qualité de ma vie.

M. Norris : C'est un défi. Le défi que nous avons pour convaincre tous les Canadiens que les renseignements statistiques sont utiles et qu'ils doivent consacrer quelques minutes pour répondre à nos sondages. Quand on pense à quoi servent les renseignements, on voit qu'ils servent souvent à identifier les besoins des collectivités. Quels sont les besoins urgents. Par exemple, je suppose que l'analyse statistique et les renseignements statistiques ont servi à planifier le budget présenté aujourd'hui par le gouvernement, à identifier les besoins des programmes et où ils pourraient être ciblés. Ces renseignements concernent les particuliers, que ce soit moi, en tant que Canadien dans ma collectivité ou un Autochtone, car ils permettent d'identifier les besoins dans une collectivité au plan de nouveaux logements, d'un enseignement plus poussé ou de tout autre type de services. Je pense que les renseignements statistiques sont extrêmement utiles pour signaler les besoins dans ces domaines et mon expérience m'a montré que les gouvernements ont certainement besoin de ces renseignements pour prendre des décisions concernant de programmes nécessaires. Ces renseignements sont très importants.

Le président : Au sujet de la collecte des statistiques nationales sur la vie et les activités des Autochtones, pensez-vous qu'il est très difficile pour le gouvernement fédéral d'obtenir de bons renseignements chez les Premières nations partout au Canada?

M. Norris : C'était difficile. Je ne sous-estimerais pas cette difficulté. C'est peut-être dû en partie au fait que nous, en tant que système national de statistiques, n'avons pas fait suffisamment d'efforts pour souligner l'importance, dont nous venons de parler, des renseignements et comment ils peuvent toucher les particuliers, les familles et les collectivités. Voilà ce que le nouvel institut proposé facilitera réellement; j'ai bon espoir que non seulement ces renseignements seront meilleurs, mais qu'il en sera de même pour les renseignements du système national de statistiques.

Le président : Je ne sais pas cela de première main. Je vis au Nord du Canada et je sais que Statistique Canada a eu des difficultés à obtenir des renseignements dans les collectivités des Premières nations, car cela signifie invariablement, qu'une personne d'un centre plus grand, venant souvent du Sud, d'une ville comme Edmonton ou Winnipeg se rend dans une petite collectivité pour entrer dans les maisons des Autochtones et leur poser des questions. Il faut rappeler que beaucoup de questions sont conçues pour les Canadiens qui habitent au Sud. Je pense même que l'on pose les mêmes questions à tous les Canadiens. Donc, les personnes qui rédigent les questions le feraient du point de vue du Sud, du centre-ville de Toronto ou d'une banlieue et souvent les questions ne sont pas pertinentes. Des questions inappropriées peuvent créer des problèmes.

En outre, les Autochtones du Nord hésitent souvent à inviter des étrangers dans leurs maisons, car ils sont généralement plus pauvres et ne disposent pas de toutes les commodités. Ils trouvent que les questions posées manquent un peu de sensibilité et sont très difficiles, car ce ne sont que de pauvres gens, souvent malades et qui ont toutes sortes de problèmes sociaux. Dans cette situation, je peux imaginer un vrai manque de volonté de la part des Autochtones de divulguer des renseignements à des gens qui se présentent soudainement à leurs portes, veulent entrer chez eux pour leur poser des questions. Cela posait un problème.

L'article du projet de loi concernant l'institut statistique fait mention d'un point de vue des Premières nations sur la collecte et l'analyse des données et des statistiques qui, pour l'instant, ne sont pas interprétées sous un point de vue des Premières nations; un point de vue reflétant les coutumes et la culture des Premières nations. Espérons que ce nouvel institut statistique des Premières nations soit en mesure d'apporter des améliorations pour poser des questions culturellement pertinentes et qu'il obtiendra des renseignements qui, à mon avis, ne sont peut-être pas collectés actuellement. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Norris : Vous avez très bien expliqué la situation. Fondamentalement, ce sera l'une des principales contributions du nouvel Institut statistique des Premières nations. À l'époque, l'apport des Premières nations aux enquêtes conçues pour l'ensemble du pays n'était pas important. Ces enquêtes n'étaient pas forcément appropriées aux petites collectivités isolées. Nous avons vraiment essayé de reconnaître ce problème qui, soit dit en passant, ne touche pas seulement les Premières nations, mais aussi certains de nos plus récents groupes d'immigrants.

L'Institut statistique des Premières nations nous permettra de rendre nos sondages, même ceux que nous continuerons à faire à l'échelon national, beaucoup plus sensibles à la culture et beaucoup plus proches de la réalité qui existe dans les collectivités des Premières nations. Je m'en suis déjà rendu compte lors de mes rencontres avec les conseils de bande et de mes discussions portant sur leurs besoins statistiques. Cela a été très utile et permettra d'approfondir beaucoup plus cette interaction; nous verrons certainement les résultats que vous avez mentionnés.

Le président : Je sais qu'il n'y a pas beaucoup d'études canadiennes sur les peuples autochtones. Je trouve cela incroyable. Il y a quelques années, une émission télévisée appelée North of 60 était diffusée, j'y étais impliqué. Elle décrivait la vie dans une petite collectivité autochtone du Nord. Je crois comprendre que beaucoup de gens au Canada ont été surpris par ce premier aperçu de la vie et des maisons des peuples autochtones. Dans une certaine mesure, c'était éducatif et intéressant, j'en suis sûr. Je sais que les Autochtones de notre pays ne votent pas ou ne participent pas toujours à la société canadienne. Peut-être n'êtes-vous pas la meilleure personne à qui il faut poser cette question, mais, à votre avis, est-ce que le gouvernement fédéral utilise ce projet d'Institut statistique des Premières nations pour s'introduire dans la vie des Autochtones et avoir les renseignements qu'il a eu beaucoup de mal à obtenir.

Avec un peu de cynisme, on pourrait l'interpréter ainsi, laisser les Premières nations faire le travail permettra d'entrer dans les vies et les maisons des peuples autochtones pour collecter des renseignements pour le bénéfice du reste du pays. Qu'en pensez-vous?

M. Norris : Je crois que l'institut proposé sera dirigé par les peuples des Premières nations. Je pense qu'ils, plus que quiconque, seront très sensibles à cette question. Ils seront bien placés pour reconnaître, d'une part, les sensibilités liées à la collecte des renseignements et, d'autre part, l'importance de l'apport des renseignements aux collectivités des Premières nations. Ce sera un facteur positif car l'institut sera dirigé par les Premières nations elles-mêmes et elles seront très sensibles à la question que vous avez soulevée.

Le sénateur Léger : Vous venez de dire que les Premières nations dirigeront l'institut. Dans les discussions précédentes, j'ai cru comprendre qu'en ce qui concerne les finances, et cetera — je ne sais pas si je m'exprime correctement — elles s'en occupent déjà. Est-ce que cette initiative, l'Institut statistique des Premières nations, est une idée des Premières nations ou bien du gouvernement fédéral?

M. Norris : C'est une idée des Premières nations. Elles reconnaissent le besoin des renseignements statistiques. Le gouvernement fédéral et Statistique Canada ont répondu en envisageant la façon dont nous pouvons aider à construire une institution durable et crédible, mais les idées, et certainement les priorités, proviendront de l'institut quand il sera créé et qu'il aura un conseil d'administration. Ce seront les Premières nations elles-mêmes qui établiront les programmes et les priorités.

Le sénateur Léger : Il ne peut pas être créé tant que vous ne donnez pas votre accord.

M. Norris : Il ne peut pas être créé tant que la loi n'est pas adoptée et tant que vous ne donnez pas votre accord.

Le sénateur Léger : C'est ce que j'aimerais, mais d'après ce que j'ai entendu — et rien n'est illégal, je ne le pense pas — on dirait une initiative du gouvernement fédéral. Toutefois, je suis certainement d'accord avec le sénateur Sibbeston et vous devez certainement savoir que Statistique Canada a parfois beaucoup de mal à poser les bonnes questions. Ils ne connaissent pas les gens qui y répondent et ne savent pas ce qu'ils pensent. Je suppose que ce doit être très difficile avec les Premières nations, avec les Autochtones, donc il faut que ce soit eux qui préparent les questions.

M. Norris : Tout à fait.

Le sénateur Léger : Vous pourriez peut-être essayer d'abord, puis les laisser faire. Merci beaucoup.

Le président : Je pense qu'il n'y a plus de questions. Merci beaucoup, monsieur Norris. Cela conclut les témoignages pour ce soir. Je veux remercier les trois témoins qui ont comparu devant nous ce soir et je remercie toutes les autres personnes présentes qui sont intéressées par le sujet. Merci beaucoup et continuer à venir.

Deux autres réunions sont prévues. Une le 8 mars, un certain nombre de chefs qui s'opposent au projet de loi vont témoigner; nous sommes certainement intéressés à entendre les raisons pour lesquelles ils n'appuient pas le projet de loi. Dans l'autre réunion du 9 mars, nous entendrons des contribuables qui vivent actuellement dans des réserves ou qui ont eu une certaine expérience sous le régime actuel. Nous voulons savoir comment ils s'en sortent et connaître leur expérience.

Ce sera la dernière réunion et nous nous attendons à conclure l'étude de ce projet de loi peu de temps après. C'est le calendrier de travail. Merci beaucoup.

La séance est levée.


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