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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 12 - Témoignages du 24 octobre 2005 (séance du matin)


PRINCE GEORGE, le lundi 24 octobre 2005

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 5 pour examiner la contribution des collectivités et des entrepreneurs autochtones au développement économique du Canada et dresser un rapport de l'examen.

Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous nous assemblons ici, à Prince George, en Colombie-Britannique. Tout d'abord, je tiens à souhaiter la bienvenue à tout le monde, aux sénateurs membres du comité, aux témoins qui sont ici ce matin et aux autres personnes qui vont comparaître devant nous, au personnel et, bien sûr à tout membre du public de Prince George et de la région. Je suis heureux d'être à l'extérieur d'Ottawa et de siéger ici, dans la région.

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones est l'un des comités permanents du Sénat. Notre comité a été chargé d'examiner la participation des peuples autochtones au développement industriel et aux projets économiques partout au pays. Nous nous intéressons particulièrement aux facteurs qui mènent à la réussite des peuples autochtones.

Il existe un phénomène, dans toutes les régions du pays, selon lequel les Autochtones participent au développement économique et à des projets industriels. Nous nous rendons dans toutes les régions de notre pays en vue de nous pencher sur la question et de rencontrer des gens comme vous, pour prendre connaissance de votre point de vue sur les facteurs qui mènent à la réussite. Même s'il y a de nombreux exemples de réussite, il y a des endroits où les gens éprouvent de la difficulté à démarrer. Il suffit de penser à un endroit comme Davis Inlet, où règne une certaine apathie, où on connaît beaucoup de difficultés.

Cela dit, je vous présente brièvement les sénateurs qui sont ici. Ione Christensen est sénateur du Yukon, tout juste au nord d'ici.

Sandra Lovelace Nicholas, nouveau membre de notre comité, est devenue sénateur au cours des derniers mois. Elle est originaire du Nouveau-Brunswick.

Ron Zimmer, également un nouveau membre de notre comité et un nouveau sénateur, vient de Winnipeg, au Manitoba.

Bien sûr, nous avons Larry Campbell, que nombre d'entre vous connaissez déjà. Il vient de l'un des grands centres au sud d'ici, de Vancouver, et nous lui souhaitons la bienvenue. Je suis certain qu'il sera bien au courant des enjeux importants dans cette partie du pays.

Gerry St. Germain, sénateur de longue date, est membre de notre comité depuis un certain nombre d'années.

À ma gauche se trouve la greffière de notre comité, Gaëtane Lemay. C'est elle qui a organisé la séance d'aujourd'hui.

Notre premier témoin ce matin est Lucy Martin, qui est membre de la Première nation de Tsekani. Elle est conseillère hors-réserve pour sa bande. Nous accueillons également Bob Inkpen, gestionnaire du développement économique de la bande. Vous avez la parole.

Lucy Martin, conseillère hors-réserve, Première nation de Tsekani : Je tiens à remercier la Première nation des Lheidli T'enneh de nous avoir permis de tenir cet événement sur leur territoire ce matin. Je remercie également le comité d'avoir invité les Tsekani, et de nous donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.

Le chef Alec Chingee vous transmet ses salutations, et s'excuse de ne pas avoir pu être ici aujourd'hui, en raison d'engagements antérieurs.

La principale agglomération de la bande de McLeod Lake est située près du village non constitué de McLeod Lake, environ 150 kilomètres au nord de Prince George, sur la route 97. Au total, la bande compte 408 membres, soit environ 86 membres à McLeod Lake, 15 membres à Bear Lake, 150 membres à Mackenzie ou Prince George, et les autres sont dispersés sur le territoire nord-américain.

Le gouvernement de la bande est constitué d'un chef élu, de deux conseillers dans la réserve, de deux conseillers hors-réserve, d'un conseiller aîné et d'un jeune conseiller. L'actuel gouvernement de la bande a été élu en juin de cette année.

La bande finance ses activités principalement au moyen d'investissements d'affaires, mais elle reçoit également du financement d'Affaires indiennes et du Nord Canada, de Santé Canada et d'autres ministère et organismes du gouvernement pour l'administration et les programmes.

Dès le début des années 80, l'économie traditionnelle de la bande, fondée sur la chasse et le piégeage, a été décimée, en grande partie par la construction du barrage WAC Bennett, qui a créé un lac de 650 milles carrés, et a inondé les zones de chasse et de piégeage des Tsekani de McLeod Lake. Les Autochtones ont été privés de leur moyen de subsistance traditionnel, et on les a empêchés de participer à l'économie des Blancs.

Comme c'est arrivé à de nombreuses Premières nations de partout au Canada, la bande indienne de McLeod Lake a connu une période de désespoir, et a été confrontée à la désintégration sociale de sa communauté. La bande a décidé que la situation ne pouvait plus durer. Après avoir tenté à maintes reprises de décrocher des contrats auprès de sociétés forestières, les membres de la bande se sont adonnés à des activités de désobéissance civile en vue de bloquer l'exploitation forestière.

Au début des années 80, la bande et ses membres se sont vu attribuer de modestes contrats de bûcheronnage. C'est ainsi qu'on a créé Duz Cho Logging, et, grâce à nos sacrifices, à notre travail acharné et à l'aide du gouvernement du Canada, l'entreprise est devenue l'un des premiers entrepreneurs en exploitation forestière en importance de la Colombie-Britannique.

En 1987, la bande indienne de McLeod Lake a fait part au gouvernement du Canada de son désir d'adhérer au Traité no 8. Grâce aux cinq millions de dollars de bénéfice de Duz Cho Logging, nous avons retenu les conseils d'avocats en vue de forcer le gouvernement de la Colombie-Britannique à reconnaître la bande de McLeod Lake et de négocier avec le Canada l'adhésion de McLeod Lake au Traité no 8.

Duz Cho Logging a un problème : le dendroctone du pin. Il fait des ravages dans les pinèdes, et la possibilité de coupe s'est est trouvée grandement réduite. Dans dix ans, l'entreprise d'exploitation forestière de la bande devra réduire sa taille et la taille de son effectif.

Même si elle continue de miser sur la foresterie, la bande indienne de McLeod Lake chercher à diversifier ses activités. Par conséquent, on a créé Duz Cho Construction en 2002 en vue de travailler dans le secteur pétrolier et gazier et dans le secteur du charbonnage, dans le nord-est de la Colombie-Britannique. Une grande part de l'équipement et des compétences nécessaires correspondent à ce qu'on trouve déjà au sein de l'entreprise d'exploitation forestière, alors il était tout naturel pour notre bande de nous aventurer dans cette voie.

L'établissement d'une entreprise autochtone dans le secteur pétrolier et gazier, toutefois, n'a pas été chose facile. La bande a retenu les services d'une personne jouissant d'une bonne réputation au sein de l'industrie, et, grâce aux actifs de Duz Cho Logging et de la bande, nous avons été en mesure de financer l'achat d'un large éventail d'équipements. À l'heure actuelle, Duz Cho Construction est propriétaire de 21 machines, et en loue environ dix autres.

À partir du moment de la création de l'entreprise, la bande a mis un an à faire du lobbying auprès des sociétés pétrolières avant de décrocher son premier contrat. Au cours du dernier exercice, qui se termine à la fin du mois, Duz Cho Construction aura mené à terme des contrats d'une valeur totale de plus de neuf millions de dollars, et sera rentable.

En juin 2004, la bande indienne de McLeod Lake a acheté 80 p. 100 des actions de Summit Pipeline Services Ltd., dont le siège est à Thunder Bay, en Ontario. Summit construit des pipelines, et dispense des services de diagnostic et de réparation à l'égard de pipelines d'hydrocarbures, de réseaux d'égout municipaux, d'usines de pâtes et papier et d'autres industries. L'entreprise menait la majeure partie de ses activités au Québec et en Ontario, et sa rentabilité et sa part de marché ont perdu des plumes au cours des dernières années.

McLeod Lake a ouvert un bureau pour Summit à Calgary, et négocie avec des sociétés pétrolières et gazières dans l'Ouest canadien. Le but de la démarche de la bande de McLeod Lake, c'est de faire de Summit Pipelines un entrepreneur de taille dans le secteur des pipelines, et de permettre aux Premières nations de réaliser des bénéfices au sein de cette industrie.

McLeod Lake a également établi ses propres programmes de développement des affaires, et a aidé des membres de la bande à établir leurs propres entreprises. Parmi ces projets, mentionnons l'utilisation en propre d'équipements, des entreprises de foresterie et de construction, la vente et la fabrication d'acier, et la prestation de services d'hébergement.

Même si elle concentre ses ressources sur le renforcement des entreprises existantes, la bande de McLeod Lake est toujours ouverte à de nouveaux projets d'affaires qui promettent d'être rentables pour la bande et qui offrent des débouchés aux membres de la bande.

La bande de McLeod Lake s'est fixé un certain nombre de buts, et elle applique de sages principes à ses activités d'affaires. Les entreprises doivent générer des bénéfices, que le chef et le conseil utiliseront en vue de répondre aux besoins des membres de la bande en matière de services sociaux, de santé et d'éducation. Les besoins des clients des entreprises de la bande de McLeod Lake passent avant tout. Le produit doit être offert au bon prix, en bon état, au bon moment.

C'est en étant efficace et fiable que Duz Cho Logging est devenu l'un des premiers entrepreneurs en exploitation forestière en importance au Canada. La bande s'est fixé comme objectif de faire en sorte que les autres entreprises de la bande connaissent un tel succès.

On embauche des gens qualifiés, qu'ils soient autochtones ou non, dans les entreprises et dans les activités gouvernementales de la bande. On dispense des programmes de formation liés au travail aux membres de la bande et de la communauté. Puisque certains des membres ne possèdent pas les compétences nécessaires ou sont aux prises avec des problèmes sociaux, on fournit une formation en milieu de travail afin de favoriser l'acquisition de compétences et l'adoption d'attitudes positives à l'égard du travail. Le chef et les membres du conseil estiment que c'est non pas l'oisiveté, mais bien l'emploi qui renforce le tissu social de la communauté.

Le chef et le conseil essaient de séparer la politique des affaires, et confient la gestion de chaque entreprise à des professionnels. Le chef et le conseil, à titre d'actionnaires, examinent soigneusement les états financiers et les activités des entreprises, afin de veiller à ce qu'elles soient conformes aux buts, aux objectifs et aux plans stratégiques des actionnaires.

Par rapport à de nombreuses Premières nations de la Colombie-Britannique, la bande indienne de McLeod Lake est considérée comme bien nantie. Malgré notre richesse et nos solides antécédents en affaires, nous avons tout de même été confrontés à certains obstacles dans nos activités commerciales. McLeod Lake n'a pas été en mesure d'obtenir un cautionnement pour ses activités d'affaires. Summit Pipeline Services, qui bénéficiait d'un cautionnement avant d'être achetée par McLeod Lake, a perdu cet avantage financier. Nous croyons savoir que la raison de la perte de ce cautionnement tient à la Loi sur les Indiens et au fait que les dirigeants des bandes indiennes sont élus, même si Summit Pipeline Services est une entreprise beaucoup plus solide aujourd'hui qu'elle ne l'était à l'époque où nous l'avons achetée.

De nombreux contrats liés aux pipelines exigent qu'on garantisse la bonne exécution des travaux. Or, la méthode la moins coûteuse consiste à garantir la bonne exécution par un cautionnement. Pour garantir la bonne exécution, on peut également obtenir un engagement de crédit irrévocable ou confier en fiducie de l'argent à un avocat. Ces deux options sont coûteuses et accaparent les liquidités d'une entreprise. Sans cautionnement, nous perdons de nombreuses occasions au chapitre des entreprises et de l'emploi d'Autochtones.

Même si nous entretenons de bonnes relations avec la Banque Royale du Canada, il y a une limite à ce que McLeod Lake peut emprunter. Nous avons été incapables de miser sur le revenu en intérêts du fonds en fidéicommis de la bande, ou sur le bois qui se trouve sur les 20 000 hectares de forêts obtenus au moment de notre adhésion au Traité no 8. De nombreuses occasions d'affaires intéressantes sont présentées à la bande. Malheureusement, nous sommes incapables de prendre part à ces projets parce que nous ne pouvons mettre nos ressources en garantie. Une entreprise privée qui dispose d'une ressource dont la valeur nette est de 230 millions de dollars n'aurait aucune difficulté à recueillir des fonds à des fins d'expansion des affaires.

Affaires indiennes et du Nord Canada n'a pas été en mesure d'aider la bande et ses membres à résoudre leurs problèmes de financement. Les démarches d'Affaires indiennes et du Nord Canada peuvent prendre des années, alors que le temps dont on dispose pour tirer avantage d'une occasion d'affaires pourrait se limiter à quelques mois. Par contraste, Entreprise autochtone Canada est apte à réagir lorsqu'elle est en mesure de financer un projet. Pour mieux utiliser les fonds du gouvernement du Canada, il serait peut-être judicieux de céder tous les fonds du ministère des Affaires indiennes et du Nord pour le développement économique au programme Entreprise autochtone Canada d'Industrie Canada.

La bande indienne de McLeod Lake accorde beaucoup d'importance à l'éducation et à l'acquisition de nouvelles compétences. Nous apprécions les fonds consentis aux bandes par Ressources humaines et Développement des compétences Canada aux fins de l'acquisition de nouvelles compétences, et par Affaires indiennes et du Nord Canada pour l'éducation postsecondaire. Les fonds dont nous disposons s'ajoutent à ce financement.

Le coût de formation des conducteurs de machinerie lourde est élevé. Avant la privatisation des routes en Colombie- Britannique, le collège local, à Prince George, avait accès à l'équipement du ministère responsable des routes, et offrait de bons cours de formation relative à la machinerie lourde. À notre connaissance, les deux seuls centres qui offrent actuellement une formation sont à Nanaimo, en Colombie-Britannique, et à Fort McMurray, en Alberta.

Si nous voulons former un conducteur de machinerie lourde, nous devons écarter une pièce d'équipement importante de la production et charger un conducteur d'assurer un encadrement. Nous estimons qu'il coûte environ 50 000 $ par personne pour former convenablement un conducteur de machinerie lourde.

La bande indienne de McLeod Lake joue un rôle économique important sur son territoire traditionnel, et l'industrie ne peut l'écarter ou lui confier des travaux de petite envergure pour apaiser ses besoins. Nous exigeons des emplois gratifiants, et nous sommes fiers de notre travail. Dans les industries où nous avons établi des entreprises, nous jouissons d'une réputation de compétence et d'intégrité.

Notre bande et ses membres sont confrontés à des problèmes. Les revenus et les emplois liés à nos entreprises et à nos ressources peuvent nous aider à améliorer certaines choses et à résoudre de nombreux problèmes. Toutefois, il y a des politiques ou des lois ainsi que des lacunes au chapitre des ressources qui nous empêchent de faire tout ce que nous pourrions faire.

La bande de McLeod Lake est fière de son travail et de ses réalisations. Nous sommes une Première nation ouverte sur le monde, et nous voulons travailler avec les autres Premières nations et les collectivités non autochtones en vue de bâtir un Canada plus fort, pour nous tous.

Nous serons heureux de répondre à vos questions, et nous espérons que nos commentaires vous seront utiles.

Le sénateur Christensen : Merci de votre exposé. D'après ce que vous nous dites, vous semblez être dans la bonne voie, en ce qui concerne le développement économique. Vous avez pris une foule de décisions judicieuses qui mèneront à la réussite. L'éducation compte parmi les domaines qui posent problème, et vous y avez fait allusion. Pourriez-vous nous fournir un peu plus de détails à cet égard? Comment prévoyez-vous régler ce problème, comment comptez-vous procurer la formation nécessaire à vos membres?

Mme Martin : La bande de McLeod Lake a toujours mis l'accent sur l'éducation, et nous tentons de veiller à ce que le plus grand nombre possible de membres poursuivent leurs études secondaires et des études postsecondaires. À l'heure actuelle, avec les ressources financières dont nous disposons, nous avons environ 25 étudiants qui attendent toujours de faire des études postsecondaires. Environ huit étudiants font actuellement des études à temps plein dans le cadre d'un programme d'études postsecondaires.

Le sénateur Christensen : Vous dites qu'il y en a huit qui attendent?

Mme Martin : Je crois qu'il y a environ huit personnes qui font actuellement des études postsecondaires à temps plein, et que la liste d'attente compte environ 25 étudiants.

Le sénateur Christensen : Est-ce parce qu'ils n'arrivent pas à être admis dans les programmes qui les intéressent, parce que les programmes ne sont pas disponibles, parce qu'il y a des problèmes de financement, ou autre chose?

Mme Martin : Le programme de financement ne leur permet pas d'aller plus loin.

Le sénateur Christensen : Vous parlez du programme de financement de l'éducation qui relève d'Affaires indiennes et du Nord Canada?

Mme Martin : Oui.

Le sénateur Christensen : Est-ce que la bande contribue d'une façon ou d'une autre à l'aide financière pour les études?

Mme Martin : La bande a versé un supplément d'environ 300 000 $ dans le cadre du programme l'an dernier.

Le sénateur Christensen : Vu l'ampleur évidente du développement économique au sein de votre communauté, quelles ont été les retombées sociales de ce développement économique dans votre communauté?

Bob Inkpen, gestionnaire du développement économique de la bande, Première nation de Tsekani : J'ai quelques 30 années d'expérience avec McLeod Lake. Au début, c'était à titre de représentant du gouvernement, et maintenant, je travaille pour la bande. Pendant les années 70, la majorité des gens sur la réserve étaient alcooliques. Il y avait au moins une ou deux morts violentes par année.

La création de la société d'exploitation forestière et les profits ainsi générés ont permis aux gens, dans un premier temps, de trouver du travail et de rebâtir leur estime de soi, et, dans un deuxième temps, de promouvoir le changement au sein de la communauté. Il y a encore des gens aux prises avec des problèmes d'alcoolisme aujourd'hui, mais la plupart des gens travaillent.

Pour les gens qui ne sont pas encore prêts à travailler pour l'industrie, la bande leur a trouvé du travail, qu'il s'agisse de couper du bois pour les Aînés ou d'effectuer de menus travaux dans la réserve. On cherche essentiellement à trouver du travail pour les gens afin qu'ils se sentent valorisés. À cet égard, il y a eu énormément de changements au fil des ans.

Aujourd'hui, McLeod Lake est un endroit où il fait bon vivre, et ce n'était peut-être pas le cas en 1970.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Y a-t-il de nombreux modèles positifs que les jeunes peuvent suivre?

M. Inkpen : Oui. Une petite chose au sujet de la formation : certains de nos gens voient d'un mauvais œil l'idée de se déplacer, et cela ne servirait probablement pas à grand-chose de les envoyer à Nanaimo, ou en Alberta, poursuivre une formation relative à la machinerie lourde. Nous avons besoin d'une formation dispensée plus près de chez nous. L'une des raisons pour lesquelles nos coûts d'éducation sont si élevés tient au fait que nos gens vivent à McLeod Lake ou à Prince George, et qu'il y a des problèmes et des coûts liés à l'hébergement.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez parlé d'éducation et des difficultés liées au fait de devoir parcourir de grandes distances. Il y a aussi un choc culturel, et c'est un aspect qui a été soulevé à maintes reprises dans le cadre des témoignages. Quelles solutions envisagez-vous? Il est évident qu'on ne peut exécuter ces programmes de formation dans chaque bande, alors quelle serait la solution?

M. Inkpen : Nos besoins en matière de formation sont plutôt précis, et si nous pouvons rassembler quatre ou cinq personnes de notre réserve, et encourager des gens des réserves avoisinantes, alors nous pourrions dispenser des programmes de formation sur place. Nous parlons actuellement avec la société EnCana afin qu'elle nous aide à dispenser une formation de conducteur de machinerie lourde dans le nord-est.

Je crois que nous avons besoin de formation ciblée. Nombre de nos jeunes ont grandi à Prince George. Ce sont des citadins, et je sais qu'ils sont assez confiants pour voyager. Ce sont les gens qui ont grandi sur la réserve qui sont nerveux.

Le sénateur St. Germain : Je serai bref, car nous avons peu de temps. Malheureusement, notre temps est limité, car les témoins sont nombreux.

Vous comptez 408 membres, et vous avez décrit la répartition de votre population. L'une des questions soulevées dans le cadre de nos travaux concerne les liens avec d'autres nations autochtones. Est-ce quelque chose que vous avez envisagé, compte tenu de votre population modeste? Est-ce qu'il est possible pour vous de nouer des liens avec des gens de l'Est, qui entretiennent des liens plus étroits avec l'industrie pétrolière? Vous pourriez mettre à contribution une certaine expertise, grâce à l'expérience de votre société d'exploitation pétrolière. C'est ma première question.

La deuxième concerne le cautionnement. J'aimerais en savoir davantage à ce sujet. Il est troublant de vous entendre dire qu'il n'existe aucun moyen d'accélérer ce processus de cautionnement, car j'ai fait des affaires toute ma vie — je ne suis pas tant un politicien qu'un homme d'affaires — et je sais que, sans cautionnement, vous n'irez pas loin. J'aimerais donc obtenir des précisions à l'égard de ces deux aspects, je vous prie.

Mme Martin : Je vais répondre à la première question, et peut-être que Bob pourrait vous parler de la question du cautionnement.

En ce qui concerne le travail avec d'autres Premières nations, nous entretenons actuellement de bonnes relations avec toutes les Premières nations qui occupent le territoire traditionnel de McLeod Lake. Par exemple — et cela nous ramène à la question de l'éducation et de la formation —, nous avons récemment établi un programme de formation de six semaines pour les soudeurs de pipeline, par l'entremise de notre entreprise, Summit Pipeline Services. Je crois que nous avions six membres de McLeod Lake et quelques membres d'autres bandes du Nord, soit de West Moberly et de Saulteau.

Nous avons toujours entretenu de bonnes relations de travail avec les bandes du Nord, car elles sont sur notre territoire. Nous envisageons actuellement la possibilité de nouer des relations plus étroites avec certaines des Premières nations situées à l'ouest de Prince George, car nous sommes tous visés par certains projets d'expansion des pipelines, partout dans la province. Nous tenterons également d'aller un peu plus loin à cet égard.

M. Inkpen : Le cautionnement est un problème de longue date pour McLeod Lake. Au milieu des années 90, nous avons décroché un contrat de déboisement d'un corridor de 230 kilomètres pour la mine Kemess. C'était un projet de 26 millions de dollars, et nous n'avons pas réussi à obtenir un cautionnement. Les gens de la mine nous ont aidés en nous attribuant 26 contrats de un million de dollars; essentiellement, ils ont fait quelques entorses à leurs règles comptables afin que nous puissions faire le travail.

On nous dit que le problème découle de la Loi sur les Indiens et de la capacité des sociétés de saisir des biens sur la réserve. Nous croyons que cela n'est pas valide, car 95 p. 100 des actifs de la bande sont hors réserve, à Thunder Bay, à Calgary, à Chetwynd ou à Mackenzie.

Le fait que le chef et le conseil de bande soient élus pose peut-être problème. Nos chefs, et cela remonte en 1970, ont toujours été motivés à faire du développement économique. Même si nous avons eu plusieurs chefs, les politiques de la bande sont demeurées à peu près les mêmes, mais ces antécédents ne semblent pas suffire aux sociétés de cautionnement.

Je crois que, au bout du compte, les sociétés de cautionnement ont déjà suffisamment de travail comme ça. Elles n'ont jamais consenti de cautionnement à une Première nation du Canada, à notre connaissance, et je ne crois pas qu'elles soient vraiment motivées à le faire. C'est une grande préoccupation pour nous.

Nous avons parlé au ministère des Affaires indiennes et du Nord de ce qu'il pourrait faire. Il faut examiner la question de façon plus approfondie, mais, s'il était possible pour nous d'offrir en garantie une partie de la valeur de nos ressources forestières — dont la valeur nette est de 230 millions de dollars —, cela permettrait de procurer aux sociétés de cautionnement toutes les garanties nécessaires.

Le sénateur St. Germain : Il s'agit des 20 000 hectares?

M. Inkpen : Oui, 20 000 hectares. La valeur totale brute est d'environ 500 millions de dollars, mais il faut déduire les coûts liés à la coupe et à la sylviculture.

Le sénateur St. Germain : Le territoire est-il attaqué par le dendroctone?

M. Inkpen : Un peu : nous avons surtout de l'épinette, mais il y a également des insectes qui s'attaquent à l'épinette. Nous avons un peu de pin.

Le sénateur Campbell : Avez-vous, au sein de votre communauté, par exemple, la capacité de former ou d'instruire sur place des membres de votre communauté? Je peux comprendre qu'il soit difficile de partir et de se rendre à Nanaimo, ou ailleurs. Est-il possible, grâce à des programmes d'extension des services d'universités ou de collègues communautaires, de vous offrir la formation, au lieu de vous forcer à aller à l'extérieur?

Mme Martin : Il y a une telle possibilité dans le district de Mackenzie, non loin de McLeod Lake. Les membres de McLeod Lake et de Mackenzie s'en réjouiraient probablement, les membres de la bande préféreraient obtenir une formation localement que devoir se déplacer pour l'obtenir ailleurs.

Le sénateur Campbell : Je peux comprendre le coût lié à l'utilisation d'équipement et à l'embauche d'un conducteur pour l'encadrement, en plus d'accaparer un de vos citoyens. C'est beaucoup à perdre, alors que, si vous pouviez le faire là-bas et que tout le monde vivait là-bas, si vous aviez besoin d'une pièce de machinerie donnée, vous pourriez probablement trouver une solution. C'est l'un des aspects que nous devrions peut-être examiner plus en profondeur.

Le sénateur Zimmer : Vous jouissez d'une situation économique avantageuse. J'irai un peu plus loin que mon collègue. Le sénateur Campbell veut savoir s'il est possible pour vous d'amener des instructeurs ici, mais j'aimerais savoir si vous avez un plan en vertu duquel vous pourriez former des instructeurs, de façon à ce que les Autochtones finissent par dispenser toute la formation à l'interne, comme l'a déclaré M. Inkpen. Ce qui arrive, bien souvent, c'est qu'on invite des gens à venir former les Autochtones, mais ils finissent par partir, et ensuite, ils doivent revenir et tout recommencer. Planifiez-vous de former des instructeurs autochtones et de dispenser la formation à l'interne?

M. Inkpen : Dans l'ensemble, les membres de la bande ont encore du chemin à faire dans leurs domaines respectifs. Nous avons quelques Autochtones qui ne sont pas des membres de la bande, mais ils dispensent une formation en foresterie et travaillent avec les équipes.

Le président : C'est tout le temps que nous avons, alors je tiens à remercier Mme Martin et M. Inkpen de leur témoignage.

Nos prochains témoins représentent la Burns Lake Native Development Corporation. Soyez les bienvenus à notre réunion du comité sénatorial. Nous sommes heureux de vous accueillir ici aujourd'hui pour un témoignage.

Emma Palmantier, vice-présidente, Société du développement autochtone de Burns Lake, et chef de la Nation du Lac Babine : Premièrement, je tiens à vous remercier de nous accueillir parmi vos témoins. Un membre du comité de direction devait m'accompagner, mais il a fait une crise cardiaque hier. Il s'agissait de notre trésorier et secrétaire, et je suis la chef de Lake Babine et la vice-présidente de la Burns Lake Native Development Corporation.

J'ai mon exposé devant moi, et il y a un profil de notre société et de la nation au verso. À titre de représentante de la Burns Lake Native Development Corporation et de la nation de Lake Babine, j'appuie pleinement la démarche de votre comité sénatorial en vue d'examiner le développement économique chez les Autochtones.

Par conséquent, j'encourage le comité à examiner chaque région de la Colombie-Britannique, par exemple, et à analyser, en fonction du profil démographique, du type d'entreprise et d'industrie actuelles, de l'isolement, des statistiques relatives à l'obtention de diplômes — et à l'obtention de diplômes de niveau secondaire et postsecondaire — chez les Autochtones, les facteurs qui influent sur les débouchés économiques offerts aux Autochtones.

En ce qui concerne la participation des Autochtones au développement économique, les principaux facteurs de réussite sont les suivants : un projet conjoint mis en œuvre par les Autochtones et l'industrie, avec l'aide du gouvernement; une participation gouvernementale souple; une solution adaptée aux occasions qui se présentent, plutôt que des programmes prédéfinis; des partenaires dignes de confiance et de bonne foi; un réseau décentralisé d'institutions financières autochtones, ou IFA, pour la prestation de services économiques, plutôt que des services centralisés dans les grands centres urbains, et un soutien gouvernemental visant à renforcer le réseau d'IFA, ce qui aide à ramener la prise de décisions à l'échelon local; les IFA généreront suffisamment de fonds, grâce à des entreprises qui réussissent et à des investissements judicieux, pour dépendre peu du financement gouvernemental lorsque viendra le temps de financer ses initiatives; de l'aide à l'égard d'initiatives de formation liées à une forte probabilité d'emplois subséquents; une exemption de l'impôt sur le revenu à l'égard du revenu généré sur la réserve par des propriétaires autochtones; l'acquisition de solides compétences de gestion et d'exploitation d'entreprise par les exploitants autochtones d'entreprises; un niveau élevé de scolarisation; et de l'aide à l'égard de l'élaboration de politiques qui favorisent ou accélèrent le développement économique et permettent de tirer avantage des occasions qui se présentent ou qui sont créées.

Les obstacles qui minent la participation des communautés autochtones au développement économique sont les suivants : l'absence de fonds; l'absence de formation; la bureaucratie chargée d'exécuter les programmes, dont la lourdeur peut mener à la disparition d'occasions avant qu'on puisse en tirer avantage; pouvoir de négociation disproportionné de l'industrie par rapport à la communauté; l'interdiction, en vertu de la Loi sur les Indiens, pour une petite entreprise de constituer une garantie sur des biens dans la réserve, de sorte que les gens ne peuvent utiliser leur maison pour obtenir du capital et aider à financer leur entreprise; des partenaires d'affaires sans scrupules; des habitudes malsaines, comme la consommation de drogues et d'alcool; dans le cadre d'initiatives de coentreprise provinciale ou d'initiatives d'organismes, le financement est principalement consenti aux municipalités; et le manque de coopération et de communication entre l'industrie et les sources de financement.

Les exemples d'études de cas de réussites autochtones sont les suivants : nous avons Babine Forest Products et, tout récemment, Cheslatta Forest Products.

Nos recommandations au gouvernement et aux communautés autochtones concernant la façon la plus efficace et la plus efficiente de soutenir le développement économique sont les suivantes : les Premières nations ont besoin de fonds discrétionnaires supplémentaires pour le développement économique; d'un renforcement des capacités ciblé; le gouvernement doit offrir à l'industrie davantage d'incitatifs à la coentreprise avec les Premières nations; il doit envisager des façons d'établir des exemptions de l'impôt sur le revenu à l'égard des revenus hors réserve ou des revenus des sociétés appartenant à des Autochtones; il doit envisager des moyens d'aider les peuples autochtones à contracter un emprunt pour lancer une petite entreprise en mettant leur maison en garantie; une aide continue pour l'acquisition de compétences liées à l'exploitation et à la gestion d'entreprise; une participation gouvernementale souple aux initiatives d'affaires autochtones; un soutien continu pour encourager les étudiants à poursuivre leurs études secondaires et postsecondaires, et à bénéficier d'une formation; un soutien continu aux personnes qui ont besoin d'aide pour vivre une vie saine; et une aide continue sous forme de renforcement des institutions financières autochtones et du réseau qui les relie, et de l'Association nationale des sociétés autochtones de financement.

Lake Babine est l'une des plus grosses nations indiennes de la Colombie-Britannique. Notre bande est située à 142 milles à l'ouest de Prince George, et nous comptons au total 2 200 membres. La bande possède 27 réserves, dont cinq qui sont habitées pendant toute l'année.

Avant 1957, la bande était, de fait, deux bandes distinctes, soit la bande d'Old Fort et la bande de Fort Babine, toutes deux situées aux abords du lac Babine. À l'époque, environ 12 localités étaient habitées pendant toute l'année. Le 12 juin 1957, le ministère des Affaires indiennes a fusionné les deux bandes et constitué ce qu'on appelle maintenant la nation de Lake Babine.

Le conseil est constitué d'un chef et de quatre conseillers pour Woyenne, deux pour Tachet, deux pour Fort Babine et un pour les Nedo'ats, et l'un des conseillers de Woyenne représente la communauté de Donald's Landing. Même si toutes les communautés ont leur propre bande, l'administration et la gestion des finances sont assurées par le bureau principal, à Woyenne.

Le ministère des Affaires indiennes Canada et Santé Canada reconnaissent les cinq communautés de la nation du Lac Babine.

Woyenne est situé sur le territoire principal du village de Burns Lake. La réserve a un territoire de 188 acres, et compte environ 900 habitants. Le bureau administratif central de la bande est également situé dans la réserve de Woyenne.

Tachet est situé à 60 milles au nord-est de Burns Lake, près de Topley Landing, à l'embouchure de la rivière Fulton. La population de cette communauté est supérieure à 200 personnes. Il y a un bureau satellite de la bande à cet endroit.

Fort Babine est située à 165 milles au nord-ouest de Burns Lake, à l'embouchure du lac Babine. La population de cette communauté est de presque 150 membres. Cette communauté est dotée d'un bureau satellite.

Donald's Landing est situé à environ 20 milles au nord-ouest de Burns Lake, aux abords du lac Babine. Même si 13 familles passent jusqu'à huit mois à cet endroit, trois familles y vivent souvent pendant toute l'année. La bande a un bureau satellite dans le village de Burns Lake.

Old Fort, ou la Première nation Nedo'ats, est à 20 milles au nord-ouest de Granisle, aux abords du lac Babine. La majorité des 14 familles passent jusqu'à dix mois à cet endroit, et trois familles y passent souvent toute l'année.

L'emplacement des communautés est indiqué sur la carte que vous trouverez ici.

Je vous présente l'historique de la Burns Lake Native Development Corporation. Elle regroupe six nations. La Burns Lake Native Development Corporation, établie en 1974, est un organisme sans but lucratif privé qui appartient aux communautés autochtones de la région du Lakes District, et son siège social est à Burns Lake.

La société dispense des services consultatifs d'affaires ainsi que des services de financement par emprunt et par capitaux propres pour la création et l'expansion d'entreprises. La société ne reçoit pas d'aide financière fédérale ou provinciale. Le mandat de la BLNDC est de favoriser la production, la mise en valeur et l'accroissement des revenus, des occasions d'affaires, de l'emploi et d'autres retombées socio-économiques pour les peuples des Premières nations.

Premièrement, la stratégie de la société consiste, d'abord et avant tout, à repérer et à mettre en valeur les occasions d'initiatives socio-économiques viables qui procureront le plus d'avantages à la population autochtone et à l'ensemble de la collectivité.

Deuxièmement, nous fournissons des conseils en matière de gestion ainsi que des services de financement par emprunt et par capitaux propres à des particuliers ou à des entreprises admissibles, en vue de l'établissement, de l'acquisition ou de l'expansion d'entreprises viables.

Troisièmement, nous aidons les clients à entrer en contact avec des gens qui possèdent les compétences en gestion et en finances ainsi que les compétences professionnelles et techniques nécessaires à l'exploitation efficiente de leur entreprise.

Quatrièmement, nous contribuerons au financement de projets sociaux et de programmes d'éducation et de formation qui contribueront à la réalisation des stratégies énoncées plus haut.

La BLNDC a trois filiales et sociétés affiliées. Babine Forest Products Ltd. est un important producteur de bois de sciage, fondé en 1974 à titre de coentreprise. Elle englobe maintenant Weldwood, West Fraser et BLNDC.

Babine Forest Products fonctionne au moyen de trois quarts de travail, emploie 268 personnes, a des clients partout dans le monde, et consomme 850 000 mètres cubiques par année. Environ 50 grumiers servent la scierie.

Pour ce qui est de Burns Lake Specialty Wood Ltd., ou BSW, la BLNDC a lancé cette deuxième entreprise de fabrication en 1991, avec ses coentrepreneurs, Babine Forest Products Ltd. et LQT Holdings, de Vancouver.

Nous avons également Burns Lake Native Logging Ltd., ou BLNLL. Cette entreprise d'exploitation forestière, filiale à propriété exclusive de BLNDC, a également été fondée en 1974. L'entreprise compte dix employés et fait affaire avec dix sous-traitants en exploitation forestière. On scie annuellement 130 000 mètres cubiques de bois en moyenne par année.

On mise sur les ressources de la BLNDC à des fins de commandite et de parrainage, et pour passer des marchés avec divers organismes gouvernementaux, comme l'agent de liaison autochtone de la Prince George Nechako Aboriginal Employment and Training Association, ou PGNAETA, le Forest and Community Business Program du ministère des Forêts de la Colombie-Britannique, et l'Association nationale des sociétés autochtones de financement, ou ANSAF, avec laquelle nous entretenons des liens, dans le cadre de son programme pour les jeunes entrepreneurs.

Le portefeuille de prêts de la BLNDC est diversifié, et s'étend des petites entreprises à domicile jusqu'aux placements importants de capitaux, comme dans le cas de nos coentreprises mentionnées plus haut. Nous acceptons des demandes de tous les secteurs industriels.

Les services que nous dispensons sont les suivants : prodiguer des conseils aux entrepreneurs, y compris fournir de l'aide à l'égard du plan d'entreprise, des subventions gouvernementales, et d'autres services consultatifs; contribuer à la planification du développement économique des communautés des Premières nations; prodiguer des conseils et fournir des services de diagnostic, avant et après l'octroi du prêt; offrir l'accès à des renseignements techniques et financiers, et à de l'information sur la gestion; tenir des séances de formation et des ateliers relatifs au développement économique et à l'expansion d'entreprises; exécuter le programme de bourses d'études et d'incitatifs aux entreprises étudiantes de la BLNDC; et aiguiller les clients vers des services d'emploi, d'éducation et de formation, par l'entremise d'un agent de liaison autochtone.

Dans la région de Burns Lake, si on compte les cinq autres nations, nous sommes plus de 3 000 personnes. Nous constituons le tiers de la population de Burns Lake.

Le président : Je veux vous interroger au sujet de l'esprit d'initiative ou de l'intérêt à se lancer en affaires. Je viens des Territoires du Nord-Ouest, où vivent de nombreux Autochtones. Certains d'entre eux, en raison de sommes d'argent découlant de revendications territoriales ou en raison de leur certitude à l'égard de la propriété des terres, ont été en mesure de se tailler une place dans le monde des affaires. Il y a un certain nombre de projets d'envergure, dont une mine de diamants, à l'égard desquels les gens des Premières nations de la région de Yellowknife jouent un rôle important.

Dans la vallée du Mackenzie, les Inuvialuits de la région côtière jouent un rôle important. On a reconnu leurs revendications territoriales en 1984, et ils se sont lancés en affaires. En bas de la vallée, avec les Tsay Keh Dene, on envisage la création d'un gazoduc, et certaines des communautés participent à ce projet, mais j'ai l'impression que les Autochtones, en raison, particulièrement, de leur passé de chasseurs et de trappeurs et de leurs liens avec ce mode de vie, — que certaines des communautés éprouvent de la difficulté à se lancer en affaires. Dans votre région, quelle est la philosophie ou la motivation qui vous pousse à percevoir le développement économique comme la voie de l'avenir, qu'est-ce qui vous pousse à conclure que, en tant que peuple autochtone, vous n'avez pas vraiment d'autre choix, que vous devez vous intégrer au monde des ordinateurs et de la technologie, que vous devez manifestement vous lancer dans ce monde. Pourriez-vous nous parler du parcours de votre bande et de votre peuple, de la façon dont vous êtes passé d'une vie de chasse et de piégeage, d'une vie en forêt, comme autrefois, à un rôle dans le monde industriel des affaires.

Mme Palmantier : Le conseil d'administration de la BLNDC a tenu une séance de planification, il y a quelques mois, et les chefs de cette région se sont penchés sérieusement sur une foule de débouchés économiques, comme la préparation des Olympiques de 2010, le tourisme, et ainsi de suite. L'une des idées soulevées concernait les métiers d'art, car nombre de nos membres s'y adonnent encore. Nos gens s'adonnent au piégeage, même s'il y a beaucoup de coupe à blanc, mais, surtout dans les zones isolées, comme Fort Babine, les gens continuent de trapper, et les chefs aimeraient exploiter le potentiel économique de cette zone.

Puisque nous représentons une telle diversité de régions où se trouve la nation, l'une des bandes de Lake Babine envisage un projet d'embouteillage d'eau, et travaille actuellement avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord sur cette question. Le projet semble viable, car le lac Babine fait plus de 190 milles. Le lac offre également de bons débouchés économiques à notre peuple, car nous pouvons envisager la possibilité d'aménager des sentiers pédestres et d'autres infrastructures touristiques, comme divers centres de villégiature aux abords du lac Babine.

De plus, il y a, de l'autre côté du lac François, les communautés de Skin Tyhee, Cheslatta et Nee Tahi Buhu, qui sont accessibles par traversier. Elles explorent les meilleures façons d'aménager des sentiers pédestres à des fins touristiques. À Cheslatta, l'un des membres était guide au sein d'une pourvoirie de chasse.

Le président : Nous reconnaissons évidemment que, à titre d'Autochtones, nous n'avons d'autre choix que de lutter contre cette peur du monde des affaires, de reconnaître qu'il est difficile d'assurer sa subsistance selon les modes de vie traditionnels, grâce à la chasse et au piégeage. Pour les jeunes, en particulier, s'ils veulent jouir d'un bon emploi à l'avenir, ils doivent passer à l'ère industrielle, pour ainsi dire. Ils doivent être formées et instruits, dans le but de décrocher un emploi plus tard. De plus, lorsque les dirigeants des bandes se tournent vers l'avenir, ils veulent probablement se lancer en affaires en vue d'assurer la subsistance et l'avenir de la bande. Est-ce que je décris bien la situation?

Mme Palmantier : Oui, nous travaillons en étroite collaboration avec les Aînés, car ils possèdent de vastes connaissances. Nous les voyons comme les professeurs de notre communauté. Nous envisageons la création d'une usine de transformation du poisson, car le lac Babine est riche en saumon. Certains des Aînés savent comment fabriquer des raquettes, et les aînés s'affairent actuellement à établir un programme de formation pour nos jeunes, afin de revitaliser les valeurs traditionnelles de notre peuple.

Nous avions réussi, il y a quelques années, à recevoir du financement auprès de diverses sources, comme Développement des ressources humaines Canada, la Fondation pour la guérison des Autochtones et le programme d'éducation des services sociaux. Nous avons affecté une part importante de ces fonds à un programme destiné à l'acquisition de compétences traditionnelles. Nous avons recruté de nombreux Aînés qui possédaient de l'expérience à l'égard de diverses activités, comme la fabrication de filets de pêche, la confection de remèdes, les métiers d'art et la fabrication de raquettes. Nous allions nous lancer dans la construction de bateaux au moment où nous avons manqué de fonds. Nous aimerions poursuivre ce programme, car c'est l'un des programmes dans le cadre desquels nous avons réussi à rassembler les Aînés et les jeunes — ainsi que des personnes d'âge moyen —, où tout le monde travaillait ensemble.

Nous misions sur une approche holistique grâce à laquelle la communauté a commencé à guérir en rassemblant les Aînés et la communauté. C'était vraiment bien. De plus, cela a mené à la création d'autres projets. Ils ont commercialisé leurs objets d'artisanat, et certaines communautés ont connu beaucoup de succès à cet égard; et réussi à utiliser les revenus générés pour poursuivre leurs activités d'artisanat.

Une bande qui possède des terrains dans la région de Burns Lake a pris possession de l'ancienne école, et s'affaire actuellement à la rénover. Elle compte affecter de nombreuses salles aux métiers d'art, à l'administration et à divers genres de formation, comme la menuiserie et la gestion d'entreprise.

Le sénateur St. Germain : Des 268 personnes qui travaillent dans le secteur forestier, combien sont des Autochtones?

Mme Palmantier : Environ le tiers.

Le sénateur St. Germain : C'est tout?

Mme Palmantier : Oui.

Le sénateur St. Germain : S'agit-il d'une coentreprise avec une société non autochtone?

Mme Palmantier : Oui.

Le sénateur St. Germain : Est-ce que des Autochtones ont accédé à des postes de direction au sein de ces entreprises? Sinon, est-ce qu'on les prépare à assumer un rôle de direction à l'avenir?

Mme Palmantier : Depuis l'achat de Weldwood par West Fraser, nous rencontrons le vice-président et le PDG en vue d'accroître notre participation. À l'heure actuelle, nous possédons 10 p. 100 des actions, et nous cherchons à en acquérir davantage, et nous aimerions accroître le nombre d'emplois pour nos membres, et offrir des occasions de formation sur place. À l'heure actuelle, de nombreux membres de notre bande travaillent chez Houston Forest Products, qui est à environ 45 milles, mais nous envisageons la possibilité de restructurer les deux avec West Fraser, en vue d'accroître notre participation.

Le sénateur St. Germain : Jouez-vous un rôle actif au sein des industries de l'exploitation pétrolière et gazière et des mines? J'ignore s'il y aura de la prospection pétrolière et gazière sur votre territoire, mais il y a beaucoup d'activités dans le nord-est de la province, près de Fort Nelson. Est-ce que vous vous êtes informé des débouchés ou est-ce que vous avez pris des mesures, car les activités d'exploitation forestière auxquelles vous vous adonnez — il y a des travaux de construction similaires au chapitre de la prospection pétrolière et gazière. Est-ce que votre bande s'est penchée sur les occasions de développement économique liées à une collaboration avec les diverses nations de cette région de la province?

Mme Palmantier : Oui, nous examinons les débouchés. Enbridge compte planifier une réunion avec nos gens, en particulier avec la nation Lake Babine, en raison du si grand nombre de membres que nous avons. Nous envisageons la possibilité de les rencontrer et de rassembler nos membres en vue d'obtenir de l'information. J'ai vu le plan proposé, et le pipeline traversera notre territoire traditionnel, alors nous envisageons la possibilité de travailler avec eux.

Le sénateur St. Germain : Est-ce que les gens de la bande de Burns Lake, sous votre direction, envisagent la possibilité de collaborer avec toutes ces autres bandes en vue d'établir une société maîtresse? Si on veut exploiter pleinement les abondantes ressources de ces régions, soit le pétrole, le gaz et le charbon, ce serait honteux que nos peuples autochtones ne tirent pas profit de cela, juste parce qu'ils n'ont pas travaillé ensemble. Pensez-vous à cela?

Mme Palmantier : Un ami m'a dit que le Groupe du traité des tribus du Nord-Ouest propose de tenir une conférence autochtone sur le secteur pétrolier et gazier, et compte inviter les chefs héréditaires et les jeunes en vue d'amorcer une discussion sur le sujet. Je suis certaine que tout le monde devra y aller, car le groupe du traité des tribus du Nord-Ouest est une grande nation dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.

Le sénateur St. Germain : Et le Nord-Est ne participe pas à cela?

Mme Palmantier : Je suis certaine que les tribus y seront probablement conviées.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Le sénateur St. Germain a posé ma première question, au sujet de l'emploi, mais j'aimerais aller plus en profondeur. Vous parlez du tiers des 268 emplois, donc, environ de 89 ou 90 membres de la population de votre bande, qui compte 2 200 habitants. Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi le pourcentage n'est-il pas plus élevé? Pourriez-vous revenir sur la question et m'expliquer cela, afin que je puisse vous écouter et, je l'espère, comprendre?

Mme Palmantier : Nous avons soulevé cette question auprès de Babine Forest Products, le fait qu'il y ait si peu de nos membres qui y travaillent. Selon les critères ou lignes directrices qu'ils ont établis, nos membres doivent avoir terminé leur douzième année et posséder une sorte de certificat de premiers soins, ainsi que d'autres certificats.

Nous travaillons vraiment d'arrache-pied pour défendre les intérêts de nos jeunes, et ils travaillent avec le College of New Caledonia en vue de perfectionner leurs compétences et de satisfaire aux exigences de Babine Forest Products. Nous prenons les mesures qui s'imposent, et nous rencontrons les gestionnaires en vue d'accroître l'emploi au sein de Babine Forest Products.

Le sénateur Lovelace Nicholas : J'aimerais aller un peu plus loin encore, mais nous n'avons pas le temps.

Mme Palmantier : De plus, beaucoup de nos membres qui travaillent là vont bientôt prendre leur retraite.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous devez également composer avec cette tendance démographique, comme le reste du Canada.

Deux de vos projets de développement économique ont été lancés en 1974, il y a 30 ans. Avec le temps et, je présume, la croissance de ces projets, quels changements avez-vous remarqués au sein des communautés? De quelle façon les communautés définissent-elles le succès? De quelle façon, selon elles, ce succès se manifeste-t-il? Est-ce que les communautés diraient que cela s'est révélé d'une grande aide, ou non? De quelle façon la communauté définirait-elle le succès du développement économique?

Mme Palmantier : La communauté définirait le succès en parlant de formation. Le membre de la direction qui est décédé s'était rendu à Ottawa la semaine dernière, et il avait vraiment insisté sur la vision que notre peuple avait en 1974, où la formation était si cruciale, et le chef de cette nation prenait des mesures en vue d'assurer le perfectionnement des compétences de nos membres, et de les encourager à se tourner vers d'autres carrières. De nombreux membres ont trouvé un emploi chez Babine Forest Products et Burns Lake Native Logging. Maintenant, certains d'entre eux occupent un poste de direction.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Au cours de ces 30 années, avez-vous vu une amélioration constante, ou est-ce que la croissance a été statique parce que, au cours des 30 années de fonctionnement de ces entreprises, il n'y a toujours que 89 membres à leur emploi? Pourquoi n'y a-t-il pas eu davantage de croissance? Nous tentons de découvrir des choses afin de formuler des recommandations.

Mme Palmantier : Dans le cas de la population plus jeune, en ce qui concerne l'éducation, nombre d'entre eux décrochent un certificat, mais il ne s'agit pas d'un diplôme scolaire, et nous essayons vraiment de résoudre ce problème dans notre propre établissement d'enseignement. Nous avons un centre d'apprentissage où les gens peuvent aller et vraiment essayer de résoudre la question de l'éducation. C'est à cela que s'intéressent une grande partie des jeunes à l'heure actuelle : l'éducation.

Le sénateur Campbell : Quelle part de Lake Babine Forest Products possédez-vous?

Mme Palmantier : Dix pour cent.

Le sénateur Campbell : Je crois que vous devriez songer à accroître votre participation, car, selon moi, il n'est clairement pas juste d'exiger une douzième année. Je suis surpris et je n'en reviens tout simplement pas, à vrai dire, et, pour ce qui est de choses comme l'exigence d'un certificat de premiers soins, je suis certain que vous pourriez inviter quelqu'un à venir donner un cours d'une journée aux fins de l'obtention du certificat de premiers soins. C'est inacceptable. C'est clairement un obstacle qui empêche les gens d'avoir un gagne-pain.

Mme Palmantier : Nous comptons prendre des mesures à ce sujet.

Le président : Merci beaucoup de votre exposé, vous vous êtes montrée très apte à répondre à nos questions. Nous vous souhaitons la meilleure des chances dans vos projets à venir.

Nos prochains témoins représentent la Norther Native Fishing Corporation et c'est le président de l'organisme, Harry Nyce, qui prendra la parole. Vous êtes accompagné de deux autres personnes, alors, si cela ne vous dérange pas, nous vous prions de bien vouloir nous les présenter.

Harry Nyce, président, Northern Native Fishing Corporation : Bonjour, c'est un plaisir de vous revoir. J'évolue dans le domaine depuis quelques années, alors je connais certains d'entre vous.

J'ai deux William avec moi ce matin. William Moore, de Laxgalts'a, est un membre du conseil nommé par le gouvernement des Nisga'a Lisims.

William Star, de la communauté de Kispiox, membre de la nation Gitksan, a été nommé par les membres de cette communauté.

Je suis le chef Harry Nyce, nommé par le gouvernement des Nisga'a Lisims au conseil d'administration de la Northern Native Fishing Corporation.

Monsieur le président, nous vous présenterons ce matin des documents qui fournissent un certain historique de la Norther Native Fishing Corporation et j'ai un mémoire, que je vais vous exposer, qui comprend les documents qu'on vous remet ce matin.

Nous sommes heureux de représenter les membres et les actionnaires de la Norther Native Fishing Corporation ou NNFC, en vue de vous faire part de nos préoccupations au sujet de la situation économique désespérée causée par la pire saison de pêche de mémoire d'homme.

La NNFC a été créée par le Canada et les dirigeants des Premières nations du Nord-Ouest, au début des années 80, en vue de faire en sorte que 254 bateaux et licences de pêche à filets maillants utilisés par les membres des Premières nations ne soient pas détruits par la British Columbia Packers. Nous étions d'avis à l'époque, et nous le sommes encore aujourd'hui, que les obligations fiduciaires du Canada à l'égard des tribus du Nord-Ouest ont été maintenues, et que la perte des occasions de pêche d'un grand nombre de membres des tribus du Nord-Ouest de la Colombie-Britannique qui dépendent de la pêche pour assurer leur subsistance a été évitée.

Comme nous le savons tous, le principe de l'obligation fiduciaire fait partie de la notion d'équité. Comme le signale James I. Reynolds dans Smales Equity, « l'équité constitue, par conséquent, un ensemble de règles ou de principes qui se greffent aux règles générales du droit, ou qui leur donnent du lustre. » Comme l'a écrit Reynolds dans son récent livre, The Breach of Duty :

Tôt ou tard, cependant, les règles générales créeront une injustice notable dans le cadre d'une affaire mettant en cause un ensemble de faits imprévus. Lorsqu'une telle situation survient, il faut, par souci de justice, modifier la règle ou — comme on l'a fait en Angleterre il y a 500 ou 600 ans —, si la règle ne peut être modifiée aisément, adopter une règle ou un ensemble de règles supplémentaires en vue d'atténuer l'impact néfaste des règles de droit.

Nous saluons la tenue de discussions fructueuses au sujet du partage économique dans notre pays, et lorsque l'un des membres souffre, nous devons faire ce que nous pouvons pour l'aider. Par conséquent, nous suggérons que le gouvernement fédéral applique ses obligations et devoirs fiduciaires aux membres de la NNFC. Nombre de nos 254 pêcheurs et leur famille n'ont pas touché, au cours de la dernière saison de pêche, suffisamment de revenus pour couvrir leurs dépenses. De fait, leur situation s'assimile à celle de leurs homologues de la côte est et des agriculteurs canadiens des Prairies, quand des événements naturels les ont privés des ressources essentielles à leur subsistance.

En raison de la baisse du rendement de la pêche au saumon sauvage au large de la Colombie-Britannique, les pêcheurs ne peuvent aller en mer et doivent lancer un appel à l'aide et demander qu'on réagisse à leur situation économique désastreuse. Nous prenons donc la parole en leur nom et nous vous demandons, à vous, membres du comité, et aux membres du Sénat, de reconnaître le problème et de nous aider à encourager le premier ministre Paul Martin et ses collègues du Cabinet, et, en particulier, Geoff Reagan, ministre des Pêches et des Océans, à assumer une partie du fardeau et à puiser dans le Trésor fédéral pour aider nos pêcheurs. La répartition des fonds provenant du Trésor peut être coordonnée, de façon à ce que les pêcheurs puissent gagner leur vie en travaillant au rétablissement de l'habitat des poissons et à d'autres travaux liés aux ressources halieutiques. Ils pourront ainsi garder leur dignité et leur estime de soi lorsqu'ils toucheront des prestations d'assurance-emploi, s'aideront eux-mêmes et rebâtiront l'économie de leurs régions et communautés respectives.

Toujours pour venir en aide aux pêcheurs, les institutions financières pourraient faire leur part en renonçant à tous les paiements des pêcheurs cette année. Le ministère des Pêches et des Océans pourrait également rembourser les droits de pêche et autres dépenses connexes engagées au cours de l'année, afin que les pêcheurs se sentent réconfortés de savoir que quelqu'un est là pour eux.

Enfin, nous faisons de nouveau appel à votre soutien, et nous nous engageons à faire tout notre possible pour soutenir nos pêcheurs. C'est l'un des défis les plus difficiles que nous ayons eu à relever au cours des nombreuses années d'existence de l'organisme, depuis sa fondation par le Canada et les dirigeants des Premières nations, pendant les années 80.

Merci de nous avoir accordé du temps, et merci d'examiner notre demande d'aide pour les membres de la flotte de pêche commerciale de la NNFC et leur famille. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions ce matin.

Le président : Nous aurons l'occasion de prendre connaissance de la documentation que vous nous avez fournie, et nos recherchistes l'examineront en profondeur. Son contenu sera sans doute intégré à notre rapport.

Le sénateur St. Germain : Vous pourriez peut-être nous éclairer un peu sur cette situation liée aux pêches. Est-ce pour des raisons naturelles que la montaison n'a pas eu lieu, que le poisson n'était tout simplement pas là? Y a-t-il une explication pour cela, car il se trouve que je suis membre du comité des pêches, et on ne s'entend jamais sur cette question, mais je sais que la montaison sur la rivière Skeena accuse une baisse. Outre les Nisga'a, y a-t-il d'autres nations qui travaillent pour la Northern Native Fishing Corp.?

M. Nyce : C'est exact, monsieur le sénateur. La Northern Native Fishing Corp. a été fondée par les Gitksan Wetsuweten, par des membres de cette communauté. De plus, le nord de la côte est représenté par certaines nations, y compris les Haida Gwaii et la nation Nisga'a. C'était un organisme tribal établi à l'époque.

Oui, des événements naturels comptent parmi les principales raisons pour lesquelles le saumon n'est pas revenu. On a connu un certain succès sur la rivière Nass. On s'attendait à ce que 700 000 sockeyes reviennent à la rivière Nass, et, finalement, 557 000 ont retrouvé leur chemin jusque là-bas. C'est la seule pêcherie commerciale à s'être relativement bien tirée d'affaire dans le Nord-Ouest, outre la pêche au saumon kéta de la nation Haida, à peine quelques semaines plus tôt.

Le sénateur St. Germain : Est-ce que Pêches et Océans a une explication, ou s'agit-il seulement d'un phénomène naturel?

M. Nyce : Pour l'instant, on dit qu'il s'agit d'un phénomène naturel, et nous n'avons pas entendu d'opinion technique ou d'opinion d'expert à l'égard de ce qui s'est passé.

Le sénateur St. Germain : Le gouvernement s'est-il dit disposé à fournir de l'aide? Est-ce que le ministre Reagan a dit quelque chose?

M. Nyce : Nous avons transmis plusieurs messages à son bureau afin qu'il se penche sur la situation de nos pêcheurs et qu'il les aide, oui.

Le sénateur Campbell : J'ai l'impression que, cette année, en raison du manque de poisson, tous les pêcheurs ont souffert. Y a-t-il possibilité pour la NNFC de s'unir avec tous les pêcheurs en vue de lancer un appel à l'aide auprès du gouvernement fédéral, ou est-ce qu'une telle solution n'est pas envisageable?

M. Nyce : Non, nous sommes prêts à travailler avec les autres collectivités. Les United Fishers and Allied Workers, l'UFAW, de Prince Rupert, en particulier, en est une, et le Native Brotherhood of British Columbia en est une autre. Chacun de ces organismes a déjà transmis un message, et, demain, nous témoignons devant le comité des pêches, à Prince Rupert, en vue de soutenir ces autres communautés aussi.

Le sénateur Campbell : Ma plus grande peur, c'est que nous assistions à la naissance d'une tendance, et nous ne savons pas pourquoi cela se produit. Si nous n'arrivons pas à maîtriser la situation, nous verrons les choses se détériorer d'année en année jusqu'à ce que, finalement, nous finissions comme la côte est, où il n'y a plus de poisson.

M. Nyce : Nous vous présentons la situation ce matin, car la côte est a bénéficié de l'aide du Canada. À l'époque de la création de la NNFC, les dirigeants avaient pour vision d'assurer la pérennité des pêches, et c'est ce que nous avons fait, jusqu'à ce que ce phénomène naturel se manifeste. De fait, je ne crois pas me tromper lorsque je dis que chacune des 254 familles a investi plus de 65 000 $ pour le bateau, la licence, l'engin de pêche et le matériel électronique, et ensuite vient l'effort. C'est leur gagne-pain. Ces gens pêchent depuis de nombreuses années. Heureusement, le Canada s'en est mêlé, et les dirigeants ont également pris les pêches en charge, et, maintenant, nous demandons une aide supplémentaire.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous dites que vous allez témoigner, ou que quelqu'un a témoigné en votre nom, devant le Comité sénatorial des pêches aussi?

M. Nyce : C'est exact, oui.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Même si vous représentez l'entreprise de pêche du North Coast Tribal Council, quels autres projets ce groupe a-t-il? Comme vous l'avez dit, ce n'est pas votre domaine, mais, pour nous aider, pourriez-vous nous fournir quelques détails sur d'autres projets de développement économique lancés par le conseil tribal?

M. Nyce : Tout comme le groupe du témoin précédent, qui s'adonne à des activités relatives à l'exploitation forestière, nous avons un groupe qui est actif dans ce domaine, et qui a récemment acheté un permis de ferme forestière et travaille actuellement à cela, à ce que je sache.

La nation Haida est sur le point de parachever la réalisation d'un projet de musée-village historique sur Haida Gwaii. C'est un de leurs projets qui ont plus d'envergure. À ce que je sache, nous ne nous mêlons pas de la pêche sportive, par exemple dans les pourvoiries de pêche. C'est à peu près ça, mais les pêches comptent parmi nos grands secteurs économiques.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je suppose que cette entreprise a été prospère jusqu'à tout récemment, quand les stocks de poisson ont chuté?

M. Nyce : Certainement : des trois groupes tribaux, celui-ci est un des plus rentables, même si nous devons composer avec notre part de problèmes au chapitre des affaires. Toutefois, les responsables ont surmonté cet obstacle, et il s'agissait d'un problème entre les tribus qui travaillaient ensemble à ce projet, et ce problème remontait très loin.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Est-ce que la plupart des personnes qui travaillent dans les divers secteurs sont des membres des Premières nations?

M. Nyce : Oui, ce sont toutes des personnes des Premières nations. De plus, les Premières nations ont tiré profit d'autres institutions, comme Tricor. Tricor est l'une des premières institutions financières des Premières nations à soutenir la création de partenariats dans ces domaines, et c'est l'une des choses qu'un comité sénatorial comme le vôtre a aidé à établir, en plus de fournir l'aide nécessaire.

Le sénateur Lovelace Nicholas : La première montaison posait problème, mais la pêche au kéta était bonne cette année, n'es-ce pas?

M. Nyce : La pêche au kéta des Charlottes était acceptable, mais inférieure à la moyenne. Pour les pêcheurs du territoire continental, la pêche n'a pas été bonne.

Le sénateur Zimmer : Est-ce la première année où l'on constate un telle chute du stock de poisson, ou est-ce que cela s'est déjà produit dans le passé?

M. Nyce : Non, c'est la première fois que la chute est si marquée.

Le sénateur St. Germain : Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez nous voir faire, à titre de sénateurs, à part parler au ministre? Je crois que nous devrions faire quelque chose, car cette situation est désastreuse pour vous. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez nous voir faire?

M. Nyce : Au bout du compte, l'environnement comptera parmi les enjeux qui seront soulevés, lorsqu'on tentera de déterminer pourquoi cela s'est produit. Voilà pourquoi, dans le cadre de l'exposé, nous avons évoqué la possibilité de faire participer les pêcheurs au rétablissement de l'habitat. Cela pourrait faire partie de la solution.

Le président : Merci beaucoup. Je vous souhaite bonne chance dans vos projets.

Nous accueillons ensuite le président exécutif des Northwest Tribal Treaty Nations, Justa Monk.

Justa Monk, président exécutif, Northwest Tribal Treaty Nations : Merci, monsieur le président et merci au comité de me donner l'occasion de vous faire part des préoccupations des Premières nations des Northwest Tribal Treaty Nations.

Je vous ai présenté un résumé de l'étude que nous avons effectuée l'été dernier. Il y a un an, le gouvernement provincial nous a octroyé du financement, et cela nous a donné l'occasion de rendre visite à nos nations dans diverses collectivités pour voir ce qu'elles voulaient au chapitre du développement économique, et à quelles coentreprises elles voulaient prendre part. Nous avions demandé au gouvernement fédéral des fonds de contrepartie afin de pouvoir continuer l'étude et de formuler de solides recommandations, mais nous n'avons pas eu cette occasion. Le gouvernement fédéral a refusé de nous verser un financement équivalent à ce que nous avait octroyé le gouvernement provincial.

Je tiens à rappeler à votre comité sénatorial qu'on avait établi, pendant les années 80, une commission royale, qui a coûté de 60 à 80 millions de dollars au gouvernement fédéral, en vue de mener une étude au sujet des Premières nations du Canada. Le rapport de cette commission royale s'assortissait d'un grand nombre de recommandations et de préoccupations des communautés des Premières nations. Aujourd'hui, je crois savoir que ce rapport dort sous la poussière, quelque part à Ottawa. J'espère que cela n'arrivera pas à votre comité lorsqu'il aura entendu le témoignage de toutes les Premières nations, car on m'étudie depuis si longtemps que je commence à ressembler à un document de recherche.

La chef Palmantier m'a pris tout mon temps, alors je serai bref, cela vous permettra de regagner le temps perdu.

Comme vous le voyez dans le résumé et les autres documents que je vous ai soumis, environ 40 nations se sont regroupées en vue de constituer les Northwest Tribal Treaty Nations, des Haida Gwaii, aux frontières du Yukon, jusqu'à Prince George. Notre livret s'intitule Working Together. Notre rêve, ou notre souhait, c'est de faire quelque chose collectivement, pour les jeunes.

Notre livret dit que 65 p. 100 de la population de notre territoire sont âgés de 29 ans et moins. C'est un pourcentage élevé de la population qui est jeune et sans emploi. Nous affichons un taux de chômage de 95 p. 100 dans l'ensemble des communautés de la nation.

Le sénateur St. Germain : Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît.

M. Monk : Nous avons un taux de chômage de 95 p. 100. Dites-le moi si je ne me fais pas bien comprendre, et je tenterai également de le dire en langue des Carrier.

Monsieur le président, c'est vraiment frustrant d'être ici et de parler du fait que les membres des Premières nations souhaitent être embauchés dans la même mesure que l'ensemble du public et avoir l'occasion de lancer des entreprises ou des coentreprises avec des gens qui profitent de ce qu'ils retirent des territoires des Premières nations.

Je fais du lobbysme depuis 36 ans et je n'ai jamais rien vu de positif arriver aux membres de nos collectivités. Je ne blâmerai pas entièrement le public ou le gouvernement. C'est en partie notre faute. Nous aurions dû tenter de préparer nos membres un peu plus tôt au monde et à la technologie modernes. Toutefois, le gouvernement a commis quelques erreurs, dont la création des pensionnats. Les gens ont du ressentiment à cause des pensionnats, et une certaine partie est d'ordre culturelle. Nos membres croient toujours que les territoires qu'ils possèdent sont importants pour eux, car ils ont grandi sur ces terres, qui représentent leur refuge et leur mode de vie.

Un peu plus tôt, on a posé la question suivante : de quelle façon pouvons-nous participer au développement économique? Je crois que, si l'occasion se présentait, nous participerions à la vie moderne. Nous devons renforcer nos capacités et suivre de la formation. Nous devons dire à notre population que le monde passé doit rester dans le passé. Nous devons entrer dans l'ère de la technologie moderne.

Comment pouvons-nous y parvenir? C'est de cette façon que nous obtenons nos ressources financières. Il est difficile pour un chef de dire qu'il tentera de créer un emploi pour vous et de simplement faire une promesse. En tant que chef, j'aime bien tenir mes promesses. Quand je dis que je veux accomplir quelque chose pour ma nation, je veux vraiment le faire et je le fais du fond du cœur.

Les Northwest Tribal Treaty Nations ont tenté de trouver des façons et des moyens de créer des occasions pour notre nation. Le document que nous avons déposé devant vous vous permettra de savoir ce que nous cherchons.

Je viens d'une nation qui compte environ 1 700 personnes. Je vais vous en parler pour vous donner un exemple de ce que je veux dire lorsque je dis que nous n'avons pas l'occasion d'entrer en contact avec le monde réel et d'en faire partie et d'être considérés comme de vrais Canadiens. D'un côté, ma nation reçoit un budget de un million de dollars par année pour l'aide sociale; d'un autre côté, elle reçoit 87 000 $ par année pour le développement économique.

C'est cela qui est frustrant, monsieur le président. Si le gouvernement souhaite conserver le système d'aide sociale, il devrait accroître le montant de 185 $ par mois offert aux célibataires jusqu'à peut-être 500 $ par mois afin que ces personnes puissent gagner leur vie.

Hier, un jeune homme est venu chez moi et m'a dit : « J'en ai plein le dos de cet endroit. » Je lui ai demandé ce qu'il voulait dire par là. Il m'a répondu : « Je n'ai rien à faire, je n'ai pas d'emploi. » Je lui ai demandé si c'était pour cette raison qu'il buvait. Il a dit : « Oui, et c'est pourquoi je vais toujours en prison, parce que, là-bas, je mange chaque jour. » C'est vraiment triste d'entendre une telle déclaration de la part d'un jeune de 21 ans. Cela me désole vraiment.

Les dirigeants des gouvernements fédéral et provincial, les premiers ministres Paul Martin et Gordon Campbell ont déclaré qu'ils établiraient une nouvelle relation de travail avec les Premières nations, qui profiteront davantage d'occasions. J'aimerais bien voir ce jour arriver avant que je ne devienne une statistique qui n'a cessé de parler pendant 36 ans. J'aimerais voir cela se produire et je mets ces deux dirigeants au défi d'y parvenir, car nous n'avons entendu que des promesses. Il n'y a eu aucun événement vraiment positif dans le domaine des ressources financières, de la formation, du renforcement des capacités ou des coentreprises.

Je déteste avoir l'air négatif, mais c'est ce que je ressens concernant notre nation. Lorsque vous êtes dirigeant pendant 36 ans, il est difficile de demander aux membres de votre nation ce qu'ils souhaitent lorsque vous n'avez rien à leur offrir. Cela n'a rien d'étonnant que les membres de notre nation soient toxicomanes, qu'ils soient régulièrement emprisonnés et qu'ils soient plus représentés dans les prisons que les autres Autochtones. Nous n'avons rien à leur offrir à l'échelle communautaire et dans la réserve.

J'ai dit à bon nombre de personnes que je suis prisonnier du Canada et je vais vous expliquer pourquoi. On m'a placé dans une réserve. Une clôture m'entoure. Des gardiens, connus sous le nom du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, me surveillent. On m'a étiqueté un numéro de bande, qui m'a marqué et je vis de l'aide sociale. C'est l'aide sociale qui me nourrit. Je suis prisonnier du Canada. Avant de prendre ma retraite, j'espère pouvoir obtenir ma libération conditionnelle afin que je puisse voir à l'extérieur de la réserve, voir ce qui se passe à l'extérieur et avoir l'occasion de faire partie de ce monde.

Oui, je ne peux nier que des ressources financières sont parfois accessibles à nos Premières nations, mais il ne s'agit que de petits montants, et vous devez vous soumettre à tellement de formalités administratives pour obtenir ce dollar, et ce n'est pas un million de politiques mises en œuvre pour obtenir deux dollars qui vont améliorer la situation des Premières nations et le taux d'emploi. Cela ne nous fera pas entrer dans le nouveau monde technologique. Nous avons besoin de beaucoup d'argent pour renforcer nos capacités. Nous avons besoin de beaucoup d'argent pour offrir de la formation.

Le chef Palmantier a dit que Babine Forest Products exigeait une 12e année pour travailler dans la scierie. Cela semble ridicule, mais c'est ce à quoi ça se résume. C'est la même chose dans notre territoire et la même chose dans chaque territoire.

Les Northwest Tribal Treaty Nations tentent de changer cette situation en cherchant à obtenir du vrai argent pour nos nations. En tant qu'organisme, nous voulons les aider à obtenir cet argent et ces emplois et à recevoir cette formation. C'est notre objectif. Nous ne voulons pas agir comme le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous voulons les aider à obtenir tout cela et nous voulons les laisser faire car, si l'autonomie gouvernementale a lieu, c'est leur problème et pas le nôtre.

Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir écouté. Si j'ai l'air contrarié, c'est que je le suis. Je le suis depuis de nombreuses années. Je ne crois pas que je vais entendre un jour quelque chose de positif qui servira à aider ma nation, et c'est vraiment frustrant.

Le président : Notre comité sénatorial examine le rôle des Autochtones dans le milieu des affaires, et on reconnaît que, même si certains d'entre eux ont connu du succès, il y a encore beaucoup d'Autochtones qui n'ont pas cette chance. Vous représentez ces personnes.

C'est bien que nous ayons entendu ce que vous nous avez dit ce matin, car nous ne voulons pas simplement entendre les exemples de réussite. Nous voulons entendre parler de certaines des difficultés qu'éprouvent les gens en tentant de se lancer en affaires. Vous nous avez offert de bons renseignements utiles, et j'apprécie votre participation à un organisme qui tente de changer les choses. Vous dites que vous avez créé un organisme de 40 Premières nations qui tentent de collaborer pour régler le problème du développement économique. C'est ce à quoi sert votre organisme, n'est-ce pas?

M. Monk : C'est exact.

Le président : Vous abordez toute la question de votre participation au développement économique et du fait que vous ne voulez plus relever de l'aide sociale et que vous voulez profiter d'occasions d'affaires et de possibilités d'emploi importantes. Vous avez parlé des montants d'argent octroyés par le gouvernement. Même si je crois que l'argent du gouvernement est toujours utile, au bout du compte, les membres des collectivités et les dirigeants devront prendre les choses en main. Ils devront prendre l'initiative pour s'occuper de leur situation et changer les choses.

Même si vous parlez d'une situation difficile, y a-t-il une lueur d'espoir? Manifeste-t-on un intérêt pour quoi que ce soit? Forme-t-on les jeunes afin qu'ils puissent participer à l'économie à l'avenir? Les dirigeants sont-ils ouverts d'esprit? Font-ils leur possible pour prendre les choses en main, créer des partenariats et ainsi de suite? Même si vous nous parlez d'une situation qui est très difficile, y a-t-il de l'espoir? Sur quelles réponses devrait-on mettre l'accent?

M. Monk : Il y a beaucoup d'espoir. La seule chose que l'on doit faire, c'est de leur en donner l'occasion. C'est ce que j'ai dit. Je vais prendre Kemess North comme exemple. Kemess North représente la région des quatre nations, soit Kwadacha, Tsay Keh Dene, Takla Lake et Gitskan. Dans leurs documents et au cours de négociations, les représentants des Premières nations ont dit qu'il y avait 400 emplois là-bas; si nous formions les membres de notre nation, est-ce que 200 d'entre eux pourraient travailler là-bas? C'est une possibilité, et ce sont des emplois qui paient bien.

La même chose pourrait se produire en ce qui concerne les sociétés forestières. La même chose pourrait se produire avec les pipelines. Enbridge est un bon exemple. L'entreprise est présente dans tous les territoires des Premières nations de cette région, et il y aura apparemment des occasions là-bas, mais elle doit nous accepter et nous reconnaître. Parfois, on croit qu'une personne qui n'a réussi que sa dixième année n'est pas assez instruite pour accomplir un travail. Je ne suis pas d'accord avec ce concept. En autant qu'elle ait le cœur et l'esprit pour accomplir des choses, et la capacité de le faire, elle peut y arriver. Vous n'avez pas besoin d'un ordinateur hautement perfectionné pour vous dire quoi faire.

Alors, si l'occasion se présente, monsieur le président, nous relèverons le défi des coentreprises et nous réglerons les problèmes, comme ceux liés à l'emploi. À l'heure actuelle, nous n'en avons pas la possibilité. Chaque fois que nous demandons quelque chose ou que nous tentons d'établir une entreprise commune, nous n'avons pas assez d'argent ou nous ne sommes pas assez instruits. Nous pouvons régler ces problèmes si nous travaillons.

Un grand nombre de Premières nations sont rendues à un point où elles peuvent être autonomes. Cela pourrait arriver à n'importe qui. Oui, des débouchés s'offrent, mais on doit d'abord nous donner la possibilité de nous en prévaloir.

Le sénateur Christensen : Parmi les 40 nations que représentent les NWTT, combien d'entre elles ont actuellement des projets axés sur le développement économique en cours?

M. Monk : Je crois que les documents énoncent ce fait. Prenez ma nation; nous avons une concession de ferme forestière. Nous avions une scierie, mais lorsque nous avons présenté une demande pour notre scierie, on nous a imposé des conditions selon lesquelles nous devions utiliser la scierie d'une bande ou une autre scierie; par conséquent, nous ne pouvions pas suivre cette technologie et nous avons dû la fermer.

Beaucoup de nations ont probablement certains emplois à offrir et certaines entreprises à exploiter. Je sais que la scierie de Kitwanga a fermé parce qu'il manquait certaines choses. Quelques scieries sont toujours exploitées, mais certaines ont dû fermer.

Le sénateur Christensen : Nous avons tenu plusieurs audiences jusqu'à maintenant, et l'un de nos témoins des Premières nations qui ont présenté un exposé a fait cette déclaration, et je me demande simplement comment vous y réagiriez. Il a dit que, au bout du compte, nous devons avoir confiance en nous. Les gouvernements ne bâtissent pas l'économie, ce sont les collectivités qui le font.

M. Monk : Je suis d'accord avec ce témoin. Nous devons nous faire confiance et faire confiance aux autres. Peu importe qu'il s'agisse d'une collectivité, d'une municipalité, d'une région ou d'une province, nous devons nous faire confiance les uns les autres. C'est pourquoi notre document s'intitule Working Together (Travaillons ensemble). C'est notre souhait.

Le sénateur Lovelace Nicholas : À quoi ressemble la relation entre les membres des Premières nations et les non- Autochtones dans votre collectivité?

M. Monk : La relation entre les Autochtones et les non-Autochtones dans ma collectivité est mauvaise. Si vous parlez de Fort St. James, c'est une petite collectivité, et les entreprises dans cette localité sont familiales, alors nous n'avons pas beaucoup d'occasions qui s'offrent. Nous en avons maintenant puisque j'ai mené certaines négociations il y a quelques années afin que certains membres de notre nation puissent travailler dans les magasins et dans les banques, mais très peu d'entre eux travaillent à la scierie. Notre taux de chômage est encore très élevé. La situation n'est pas totalement négative, mais il y a des problèmes relatifs aux entreprises familiales dans une ville comme celle-là. Je suis certain que d'autres endroits vivent la même situation car, si vous êtes propriétaire d'une entreprise, votre famille passe toujours en premier.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Croyez-vous que le racisme représente un facteur menant à cette situation?

M. Monk : Je ne crois pas qu'un pourcentage élevé de la population soit raciste. Il y a quelques cas, mais je ne crois pas que cette situation me préoccuperait.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Si le comité propose à notre premier ministre de fournir davantage de financement aux collectivités dans votre situation, serait-ce une bonne recommandation?

M. Monk : Ce serait une bonne recommandation. Si vous prenez les membres des trois nations de Fort St. James, vous remarquerez qu'ils sont plus nombreux que les membres non autochtones. Comme le chef Emma Palmantier vous l'a dit, d'autres endroits, comme Burns Lake, ont le même genre de problème. Si le gouvernement fédéral fournit davantage de financement, nous établirons certainement un partenariat avec la municipalité.

Le sénateur Campbell : J'ai passé une grande partie de ma carrière à traiter avec les Premières nations et je ne crois pas que quelqu'un ait déjà résumé la situation au Canada aussi bien que vous.

Supposons que je souhaite construire un pipeline sur votre territoire et que je dise : « Voici ce que je veux faire et voici ce que vous devez accomplir pour obtenir du travail. » Vous vous rendez compte que ces exigences représentent des obstacles pour les membres de votre nation — que ce soit une 12e année, les premiers soins ou toute autre chose. Pouvez-vous dire : « Non, nous n'accepterons pas ces exigences, et vous ne construirez pas votre pipeline jusqu'à ce que nous concluions une entente profitable pour notre nation »?

M. Monk : Si je disais cela, je ne devrais pas demander que les gens puissent travailler ensemble. Je ne devrais pas le faire. Je serais en contradiction avec le document que je vous ai donné. Oui, je crois qu'il existe des occasions et que nous pouvons en parler : le renforcement des capacités et la formation. Oui, nous devons collaborer pour réaliser quelque chose car, si je reste dans la réserve, que je ne fais que me plaindre et que je regarde les occasions passer, je n'accomplirai pas grand-chose, mais si nous travaillons ensemble, oui, je vais y arriver.

Le sénateur Campbell : Je ne voulais pas dire que vous ne faisiez rien et que vous vous plaigniez. Je vais vous donner un exemple que je ne peux tirer que de mon expérience en tant que maire de Vancouver. Supposons que vous voulez venir à Vancouver pour construire un immeuble à appartements de 300 unités. Nous nous rencontrons et nous négocions, et je dis : « Je veux un parc, je veux que 20 p. 100 des appartements soient à loyer modique et je veux que l'argent soit affecté à ceci et à cela. » Nous nous rencontrons et nous négocions afin que la ville de Vancouver — et votre nation pourrait représenter la ville de Vancouver — obtienne une part importante des avantages découlant de cette affaire.

L'entreprise est là pour faire de l'argent, ce qui est bien, mais, au bout du compte, la nation, la ville, doit obtenir des avantages proportionnels. Lorsque vous dites, par exemple, que Babine Forest Products exploite la forêt de votre territoire, ne pourriez-vous pas dire : « Non, je suis désolé, la personne doit montrer qu'elle a la capacité et la compétence nécessaires pour accomplir un travail, peu importe si elle a réussi ou non sa 12e année. » Avez-vous la capacité de refuser et de dire que ces exigences liées à l'emploi ne vous satisfont pas et que l'entreprise n'a pas le droit d'exploiter la forêt de votre territoire?

M. Monk : Selon moi, nous avons la capacité de négocier le partage des recettes. En ce qui concerne les recettes qui sortent de nos territoires, nous pouvons parler de partage des recettes. Grâce à ce partage, je peux réduire ce budget de un million de dollars alloué à l'aide sociale et embaucher et former les membres de notre nation afin qu'ils participent aux activités. Si les entrepreneurs ne nous parlent pas et ne négocient pas avec nous concernant le fait d'exploiter notre territoire et qu'ils ne parlent pas du partage des recettes ou des emplois, nous ne leur permettrons pas d'exploiter notre territoire. Nous les en empêcherons.

Le sénateur Campbell : Est-ce une question de négocier et de rester sur sa position?

M. Monk : C'est exact.

Le sénateur St. Germain : J'ai déjà entendu un exposé en ce sens présenté par un de mes amis, Herb George, que je suis certain que vous connaissez.

M. Monk : Satsan, oui.

Le sénateur St. Germain : Votre organisme comprend-t-il Fort Nelson?

M. Monk : Non, non.

Le sénateur St. Germain : Avez-vous pensé à intégrer cette région à votre organisme?

M. Monk : L'une des bandes visées par le Traité no 8 m'a abordé, puisque je suis le président-directeur du conseil et l'un de ses membres, en vue de faire partie de notre organisme, et je lui promets sans cesse que je parlerai de cette question au cours de notre prochaine assemblée, qui aura lieu les 23, 24 et 25 novembre prochains.

Le sénateur St. Germain : Pensez-vous à la situation globale dans le nord de la Colombie-Britannique, à tout ce qui se produit dans votre territoire et dans le territoire visé par le Traité no 8, car votre territoire regorge de ressources naturelles — charbon, pétrole, gaz naturel et divers autres minerais. La Chine et l'Inde suscitent une forte demande pour toutes ces ressources naturelles à mesure qu'elles se développent sur le plan économique. Pensez-vous à la situation globale qui consiste à rassembler tout ce qu'il faut et à discuter avec le gouvernement?

Le premier ministre fédéral et les premiers ministres de chaque province se réuniront à Kelowna les 24 et 25 novembre prochains. Vous unissez-vous pour déclarer que d'énormes richesses sont retirées de vos terres traditionnelles et pour connaître les plans des gouvernements qui vous permettront d'obtenir votre juste part et d'éliminer votre taux de chômage de 95 p. 100? Tout ce que vous avez dit concernant le fait d'être emprisonné dans vos réserves, les pensionnats, le numéro de bande, la société axée sur l'aide sociale et le côté paternaliste du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui souhaite vous imposer sa volonté devrait être abordé au cours de cette conférence.

En tant que chefs, y a-t-il un moyen pour que vous puissiez aller là-bas et présenter un exposé que ces personnes ne pourront laisser de côté? J'ai entendu Herb George parler devant des foules et dire : « Vous ne nous prenez pas au sérieux, vous nous ridiculisez, vous nous dites que nous ne sommes qu'une bande de vauriens qui vivent de l'aide sociale, mais vous ne nous offrez aucune occasion. » Je me demande si vous disposez d'un plan directeur parce que, si ce n'est pas le cas, je me demande si vos problèmes pourront un jour se régler.

M. Monk : Tout d'abord, je ne suis pas celui qui se rendra à Kelowna pour présenter un exposé. J'aimerais pouvoir y aller. Je sais que le chef Emma Palmantier et d'autres chefs seront présents et j'espère qu'ils transmettront ce message, mais je n'y serai pas.

Les Northwest Tribal Treaty Nations ont des plans, des souhaits et une vision. Les nations visées par le Traité no 8 m'ont parlé de quelque chose qui ressemble à des coentreprises. Tout d'abord, c'était les Premières nations et des problèmes différents, par exemple le bois d'œuvre, l'exploitation forestière et les scieries, et le nombre de Premières nations que nous pourrions réunir pour lancer une entreprise, semblable à ce que fait actuellement Canfor.

Le deuxième aspect concernait les occasions en matière d'emploi, par exemple les emplois découlant du gazoduc qui traverse le territoire. Nous voulons savoir ce que nous pouvons accomplir en tant que nations, peu importe qui nous sommes et où nous vivons. De plus, que pouvons-nous faire de façon collective pour participer à l'exploitation minière en tant que Première nation, notamment en ce qui concerne les nations visées par le Traité no 8, les Northwest Tribal Treaty Nations ou d'autres collectivités? Ce sont les plans établis. C'est notre vision. Du moins, c'est la vision que j'ai pour ma nation : tout d'abord, voir si nous pouvons établir un protocole pour créer des coentreprises et ensuite, sortir de nos collectivités et créer des coentreprises avec quelques entreprises.

Le sénateur St. Germain : Je connais Gwyn Morgan, qui est le chef d'Encana. C'est l'un des hommes d'affaires les plus en vue du pays, le chef de l'une des plus grandes entreprises d'exploitation de ressources situées à l'extérieur de Calgary. Avez-vous déjà rencontré des personnes comme M. Morgan pour leur dire voici notre situation? Le moment est peut-être venu d'aller rencontrer des chefs d'entreprise plutôt que des chefs politiques.

Je ne me considère pas comme un chef d'entreprise ni comme un chef politique, mais j'ai été actif dans le milieu des affaires et j'ai fait de la politique. J'ai été député et membre d'un cabinet, et pourtant, je ne suis qu'un simple Métis du Manitoba.

J'ai exploité de grandes entreprises. J'ai fait de l'aménagement de terrain. Parfois, je crois que votre organisme et d'autres organismes, s'il est possible de s'unir aux nations visées par le Traité no 8, devraient discuter avec un homme comme Gwyn Morgan à un moment donné. M. Morgan est un excellent homme d'affaires qui cherche à profiter d'occasions d'affaires et d'occasions permettant d'agrandir son entreprise, mais il possède également une extraordinaire conscience organisationnelle des collectivités du pays.

Avez-vous déjà pensé à rencontrer les chefs de ces grandes entreprises, les capitaines de l'industrie ou peu importe comment vous les nommez? Je peux vous dire qu'ils sont aussi préoccupés que n'importe qui par le fait que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien dépense allégrement leurs impôts et qu'ils souhaitent trouver une solution à ce problème.

L'autre chose, c'est que le nombre de jeunes Autochtones qui forment votre population active dépasse largement la représentation de ces jeunes partout au pays. Ce matin, l'une des personnes qui a présenté un exposé nous a présenté une statistique selon laquelle la moitié des membres de vos collectivités sont des jeunes. Cela dénote un énorme potentiel en ce qui concerne la population active dans le monde de l'industrie. Je ne veux pas vous dire quoi faire ni comment le faire. Je fais simplement une suggestion.

M. Monk : J'apprécie votre suggestion.

Avant de décéder, ma tante m'a dit qu'il faut nettoyer sa cour avant d'aller inspecter celle du voisin. Laissez-moi vous expliquer pourquoi je dis cela. Tout d'abord, nous devons demander aux membres de notre nation s'ils sont prêts à vivre un changement et à se joindre à d'autres personnes dans le monde de la haute technologie. C'est ce que nous devons faire, je crois, en tant que chefs. Puis nous devons commencer à chercher une personne comme M. Morgan, dont vous avez parlé, en vue de négocier à l'égard d'entreprises, de coentreprises et d'autres choses et de renseigner les membres de notre nation à ce sujet. Parfois, une occasion trop rapide détournera l'attention des membres de notre nation, et nous devons faire attention à cela.

Je suis ici depuis assez longtemps pour vouloir faire attention. Ma fille m'a déjà dit : « Vous, les chefs, n'imposez pas vos décisions aux membres de la nation. Ce sont eux qui vous en font part, et vous en tenez compte. » Ces phrases sont ancrées dans mon esprit, et c'est ma façon de fonctionner. Lorsque je serai prêt et que les membres de ma nation le seront aussi, oui, je rencontrerai M. Morgan.

Le sénateur Zimmer : Votre exposé m'a touché, surtout la partie où vous avez parlé du jeune homme. C'était touchant, et cela représente la réalité.

Comme je suis un nouveau sénateur, l'une des principales causes qui me tiennent à cœur concerne les jeunes de partout dans le monde, et le sénateur St. Germain en a parlé, en ce qui concerne le plan établi pour votre entreprise, mais également un plan à l'égard de vos jeunes. Avez-vous réfléchi à un plan concernant la prochaine génération de jeunes, qui est en fait notre génération actuelle, ou en avez-vous élaboré un? Avez-vous établi un plan dans le cadre duquel vous pouvez les intégrer à ce que vous voulez accomplir de façon générale?

M. Monk : Je vais vous donner un exemple, sénateur Zimmer. Les 23, 24 et 25 novembre prochains, nous tiendrons une assemblée comprenant les Northwest Tribal Treaty Nations ici à Prince George à l'égard d'Enbridge, le pipeline qui ira de l'Alberta jusqu'à Kitimat. En vue de cette assemblée, j'ai demandé à notre personnel d'inviter les chefs, les chefs héréditaires, les Aînés et les jeunes.

Malheureusement, l'assemblée se tiendra au Treasure Cove Casino Hotel, et les jeunes n'ont pas le droit d'y entrer puisqu'ils n'ont pas l'âge requis. J'ai proposé que nous, c'est-à-dire les chefs, les chefs héréditaires et les Aînés, organisions un groupe de discussion pour les jeunes, car c'est de leur avenir dont nous parlons. Il s'agit de leur préparation, et j'aimerais les entendre parler de ce qu'ils souhaitent pour l'avenir et de la façon dont ils veulent que cela se passe, alors oui, nous tenons compte des jeunes.

Le président : Merci, monsieur Monk, d'avoir présenté votre exposé.

Notre prochain témoin est membre de la Première nation des Tlingits de la rivière Taku; il s'agit de M. John Ward.

John D. Ward, porte-parole, Première nation des Tlingits de la rivière Taku : Monsieur le président, je vous présente mon neveu. Il a offert de s'asseoir à côté de moi pour m'offrir du soutien moral. Il s'appelle Ken.

J'espérais faire une présentation PowerPoint et j'avais même été en mesure d'imprimer quelques copies en couleurs de ma présentation. Nous pourrions ainsi passer les pages une après l'autre, et vous pourriez suivre avec moi pendant que j'émets quelques commentaires. Est-ce que ça vous va, monsieur le président?

Le président : Oui.

M. Ward : Nous avons décidé d'intituler cette présentation « Comment stimuler l'économie ». Je m'appelle John Ward, je suis le porte-parole de la nation des Tlingits de la rivière Taku. Je suis également président par intérim de la Northern Nations Alliance, une coalition des Premières nations vivant le long de la frontière du Yukon et de la Colombie-Britannique ayant des intérêts de chaque côté de la frontière. Nous éprouvons des problèmes uniques concernant la façon de former cette alliance.

De plus, j'aimerais vous remercier du fond du cœur de nous donner l'occasion de venir ici pour vous présenter cet exposé.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, à la page suivante, je veux vous montrer où notre territoire traditionnel se situe. Il se trouve dans la partie nord-ouest de la Colombie-Britannique. Nous sommes coincés entre l'Alaska et le Yukon. Nous sommes à deux pas de la frontière entre la Colombie-Britannique et le Yukon. Notre collectivité, c'est-à-dire Atlin en Colombie-Britannique, se trouve à environ 30 milles de la frontière le long d'une route en gravier située à côté du lac Atlin, que nous appelons dans notre langue Autlane, ce qui signifie grand lac. C'est le plus grand lac d'eau douce naturel de la province. À l'ouest de notre collectivité se trouvent la côte de l'Alaska, de même que la nation des Tlingits. Au nord-ouest, il y a la nation des Tlingits de l'intérieur, de l'autre côté des Tlingits, on trouve les Tshonis du Nord, et dans le nord-est de nos territoires intérieurs se trouve le conseil des Tlingits de Teslin. La nation des Tlingits occupe ce territoire depuis de nombreuses années.

Notre territoire traditionnel englobe l'ensemble des bassins et tous les affluents de la rivière Taku. Actuellement, il n'y a pas beaucoup de développement industriel sur notre territoire traditionnel. C'est l'un des rares bassins sans route, et le développement industriel n'a jamais été important. Par conséquent, nous appliquons encore grandement nos pratiques liées à l'économie des terres et nous vivons de nos terres dans le cadre d'économies traditionnelles. Nous exploitons nos terres d'un grand nombre de façons. Surtout à la suite de l'arrêt Sparrow rendu par la Cour suprême, nous étions plus confiants : nous pouvions sortir de nos réserves, pratiquer nos méthodes traditionnelles et commencer le processus axé sur l'intendance de nos terres.

À la page suivante, on pourrait traduire le titre que vous voyez, c'est-à-dire Ha Tlatgi ha Khustiyxh siti, par Notre terre, notre avenir; il s'agit du livre doré que nous vous avons distribué. L'un des sénateurs m'a demandé si nous avions un plan. C'est un document sur lequel nous travaillons depuis un bon moment déjà.

On m'a demandé de venir ici aujourd'hui pour vous parler du développement économique et pour présenter un exposé sur la façon de favoriser le développement économique, surtout sur le territoire traditionnel de la nation des Tlingits de la rivière Taku. Le message le plus important, c'est que le développement économique n'est pas fructueux s'il n'est pas axé sur la viabilité, ce qui correspond aux valeurs de la nation des Tlingits de la rivière Taku, qui souhaite que le développement économique tienne compte de notre mode de vie. Nous ne pouvons abandonner notre mode de vie simplement pour soutenir une économie axée sur les salaires et oublier nos liens, nos valeurs et nos pratiques à l'égard de nos terres.

De nos jours, les Premières nations se sont battues afin que ces parties comprennent notre vision de l'exploitation de nos terres et que ces dernières l'intègrent à leurs régimes de réglementation. Personne au sein du Canada, au sein du gouvernement, ne comprendra et n'acceptera nos valeurs en ce qui concerne l'exploitation de nos terres et de nos territoires. Entre temps, le gouvernement souhaite le maintien du statu quo. Cela fait partie des problèmes frustrants que nous avons connus dans les années passées.

Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que notre gouvernement énonce que le moment est venu pour toutes les parties de s'avancer et de participer à ces discussions avec la Première nation des Tlingits de la rivière Taku, la PNTRT, comme l'a reconnu et soutenu la Cour suprême dans les arrêts Premières nations Tlingit de Taku River et Nation Haïda, qu'elle a rendus récemment.

Les membres de la PNTRT connaissent bien les processus industriels et ceux du gouvernement canadien. Nous sommes prêts à aider ces parties à élaborer les dispositions nécessaires pour tenir compte de nos visions. Nous tentons d'y parvenir depuis bon nombre d'années et nous avons finalement compris la façon dont les gouvernements et les industries fonctionnent après avoir obtenu certains renseignements privilégiés sur ce sujet et, grâce à ces exercices, nous sommes prêts à nous mobiliser et à faire notre part.

Nous sommes rendus à une période de notre histoire où ces problèmes établissent des précédents; ils serviront de plans directeurs pendant encore de nombreuses années. Les Premières nations de partout en Colombie-Britannique, notamment l'Assemblée des Premières nations, l'Union of BC Indian Chiefs et le Sommet des Premières nations, anticipent grandement les résultats qui découleront de ces discussions. Nous avons espoir que ces discussions se déroulent de façon positive et respectueuse, en outre en raison des discussions axées sur la nouvelle relation qui sont menées dans le cabinet du premier ministre Campbell.

À la page suivante, une économie durable signifie pour nous qu'elle doit être conforme au document que je vous ai également distribué, Ha Tlatgi Ha Khustiyxh siti, c'est-à-dire Conception des aires de conservation de la nation des Tlingits de la rivière Taku. La conception des aires de conservation est très technique et scientifique. C'était un exercice qui consistait à réunir la science et notre savoir traditionnel et à dresser un portrait général de notre territoire traditionnel — ce qui s'y trouve et la façon dont tout fonctionne, la faune, les poissons et les oiseaux, leurs besoins et la façon dont l'écosystème fonctionne. Cela a créé un fondement qui nous a permis d'aller de l'avant.

Une économie durable signifie qu'il faut respecter nos terres, les membres de notre nation, nos droits et notre titre. Certaines choses, comme le saumon, représentent la carte de visite des Tlingits de la réserve Taku. Nous continuons d'utiliser l'un de nos sentiers traditionnels. Atlin fait partie du bassin traditionnel qui se déverse dans la rivière Yukon et qui se sépare quelques milles plus au sud. Toute l'eau se déverse dans la rivière Taku, et notre sentier traditionnel joint ces deux bassins. Nous utilisons ce sentier pour aller pêcher le saumon. Cela fait partie de notre pratique continue. Lorsque l'industrie vient s'installer, on ne prête pas attention à de telles choses; on souhaite simplement s'en débarrasser et les mettre de côté.

Nos Aînés nous ont enseigné le respect de notre terre au cours des périodes de cueillette et de récolte. Dès notre plus jeune âge, nous accompagnons nos parents pour apprendre les méthodes de récolte adéquates. Nos parents nous inculquent également le fait que nous devons comprendre que d'autres êtres vivants se sacrifient pour nous. Ce concept inspire le respect dans nos esprits et dans nos cœurs. Ces concepts et valeurs sont difficiles à enseigner à des non- Autochtones, surtout à des dirigeants de l'industrie, qui viennent sur nos territoires traditionnels et veulent aller de l'avant sans tenir compte de ce genre de valeurs.

Pour nous, l'économie durable représente le respect envers le lien qu'entretiennent les Tlingits avec la terre et le commerce traditionnel, notre mode de vie. On doit reconnaître et protéger notre mode de vie, comme le reconnaît la Cour suprême dans ses arrêts. Il faut le faire.

À la page suivante, je donne certains exemples des activités auxquelles nous participons. Dans le cadre de l'un des programmes axés sur la pêche qui s'intitule Taku Wild, les membres de notre nation détiennent des permis de pêche et font de la pêche commerciale dans le bassin de la rivière Taku. Ils utilisent une usine de transformation, qui permet de transformer la plupart des poissons et de les emballer sous vide en vue de la commercialisation. Cela fonctionne bien.

Nous menons actuellement des études sur une microcentrale hydroélectrique, qui éliminera quelques-unes des génératrices diesel afin que nous puissions réduire les gaz à effet de serre.

Nous tentons actuellement d'acquérir un permis de guide et d'exploitation d'une pourvoirie, l'un des permis les plus importants octroyés en Colombie-Britannique. Nous souhaitons changer les fonctions de guide sur les terres intérieures pour y intégrer le tourisme, de même que la chasse, et promouvoir la durabilité.

En ce qui concerne le saumon, j'ai présenté « L'harmonie sur les eaux » devant le comité parlementaire à Ottawa. En résumé, l'exposé portait sur ce que nous faisions en ce qui concerne les eaux, surtout la rivière Taku, en collaboration avec le ministère des Pêches et des Océans. Nous prenons également part au processus relatif au Traité sur le saumon du Pacifique. Je siège au comité transfrontalier qui relève directement de la Commission du saumon du Pacifique. C'est un très long processus consultatif, qui commence à l'échelle communautaire et qui se rend jusqu'à la table transfrontalière.

Nous voulions montrer par là que nous avons dépassé la rhétorique. Nous ne frappons pas du poing sur la table et nous ne présentons pas de demandes irréalistes. Nous avons été capables de retrousser nos manches et, dans certains cas, de faire face à des situations très difficiles, d'apprendre à s'en sortir, de tenter de travailler avec d'autres personnes et de montrer une volonté de travailler et d'apprendre.

Il est important de parler de la question relative à la terre. La conclusion de traités était censée permettre de régler cette question. C'est ce que nous tentons de faire depuis 20 ans, mais nous n'avons réalisé aucun progrès à cet égard. Nous affichons plutôt une incertitude accrue et nous faisons face à davantage de conflits et de fardeaux financiers concernant les problèmes liés à la terre et aux ressources.

Tout le monde devient mal à l'aise. L'économie ralentit vraiment. Nous devons reconnaître que le fait de ne pas tenir compte des droits et du titre des membres des Premières nations explique en partie cette situation. Nous nous améliorons toujours un peu plus à mesure que nous croissons et que nous apprenons à faire du lobbying. Nous travaillons fort afin que l'on reconnaisse notre titre et nos droits et que nous puissions tirer parti de l'économie. Il s'agit d'un enjeu important que nous devons régler. Nous devons régler le problème de la certitude avant la conclusion du traité. Nous devons agir immédiatement. Nous ne pouvons attendre la conclusion de ce traité et nous sommes prêts. Nous devons régler la question aujourd'hui.

À la page suivante, je partage certaines observations de la PNTRT concernant l'exploitation minière. Nous avons toujours soutenu une économie diversifiée et durable. Les gens viennent nous voir pour nous présenter des propositions et des idées, et nous soutenons ce qui correspond à nos valeurs. Nous avons également besoin d'un processus d'approbation harmonisé en ce qui concerne les Premières nations et les gouvernements canadiens. En ce qui concerne ces vastes projets proposés à l'intérieur de notre territoire traditionnel, nous ne sommes pas assez puissants, surtout la nation des Tlingits de la rivière Taku, pour participer de la façon dont nous aimerions le faire. Nous devons prendre part au processus décisionnel, au processus d'approbation. Nous ne pouvons pas simplement nous présenter devant vous et exprimer quelques-unes de nos préoccupations et partager nos intérêts. Nous sommes un gouvernement et nous gouvernerons nos territoires traditionnels. Nous agirons comme un gouvernement, prendrons part au processus décisionnel et garantirons la durabilité sur notre territoire traditionnel.

Nous voulons fournir des conseils aux sociétés minières et à d'autres entreprises de développement en ce qui concerne le respect de nos terres, nos droits et notre vision de l'utilisation de notre terre. Nous sommes prêts à tenter du mieux que nous le pouvons de leur présenter cette vision et ces conseils afin que ces activités soient durables.

Le dernier point de cette partie concerne le fait qu'aucun développement non durable n'aura lieu sur les terres des Tlingits de la rivière Taku. C'est l'une de nos exigences. Si le développement n'est pas durable, nous ne le soutiendrons pas, et il n'aura pas lieu.

La diapositive suivante montre ce que nous croyons être les responsabilités du gouvernement fédéral. La participation du gouvernement fédéral en vue d'aborder la question des droits et du titre des Tlingits de la rivière Taku aura des répercussions sur l'exploitation minière et sur toutes les autres exploitations en Colombie-Britannique pendant encore bien des décennies. Compte tenu de la situation actuelle, il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. L'arrêt de la Cour suprême et les faits nouveaux concernant la nouvelle relation ont déjà jeté le fondement. Au cours des discussions avec Gordon Campbell et les représentants de la Colombie-Britannique et de la nouvelle relation, le fondement s'est rapidement formé. La Cour suprême a présenté beaucoup de bonnes orientations. Tout est en place, alors nous n'avons qu'à nous engager et à aller de l'avant.

Particulièrement, la Cour suprême énonce et affirme que l'État a la responsabilité fiduciaire d'agir de façon honorable. Un dernier point sur les responsabilités fédérales : le gouvernement fédéral doit agir immédiatement en ce qui concerne les Tlingits de la rivière Taku, et nous devons nous en occuper immédiatement.

En terminant, j'aimerais ajouter quelques mots. J'espère que cela aidera. J'aimerais vous remercier encore une fois de m'avoir permis de venir ici et j'espère que cet exposé vous aidera à mieux comprendre les Tlingits de la rivière Taku et nos valeurs relatives à nos terres. J'espère que toutes les parties profiteront de l'occasion qui se présente à nous à l'heure actuelle. Nous ne pouvons pas nous permettre de passer à côté. Cela prendra bien des années avant qu'une telle occasion se présente de nouveau. Nous sommes prêts, la Colombie-Britannique est prête, et nous voulons que le gouvernement soit prêt.

En tant que membres de la nation des Tlingits, nous avons accompli beaucoup de travail au cours de la dernière décennie. Ces documents ne se produisent pas du jour au lendemain, et nous savons qu'il reste encore beaucoup de travail à faire et nous sommes prêts à retrousser nos manches et à nous atteler à la tâche. Nous sommes tous ici pour rester et nous sommes prêts.

La dernière rencontre entre les membres du cabinet de la Colombie-Britannique et les chefs s'est tenue à Vancouver. C'est quelque chose que le gouvernement provincial fait chaque année; les membres du cabinet et les chefs se rencontrent pour discuter d'enjeux. Au cours de la dernière rencontre, j'ai entendu le premier ministre Campbell exprimer particulièrement beaucoup de regrets et de remords concernant la façon dont le gouvernement de la Colombie-Britannique a traité les problèmes et les programmes relatifs aux Premières nations. Je suis présent aujourd'hui pour dire : réunissons-nous et voyons ce que nous pouvons accomplir pour éviter de tels sentiments et de telles déclarations à l'avenir.

Encore une fois, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité aujourd'hui à partager avec vous la façon dont se sentent les membres de ma nation. J'ai déployé des efforts considérables pour bien présenter ce qu'ils ressentent et j'espère que vous l'avez compris de la bonne façon.

Gunalchish.

Le président : J'aimerais simplement connaître la situation dans la région de votre terre traditionnelle. Y a-t-il des projets de développement? Y a-t-il quelque chose qui vous menace d'une façon ou d'une autre? Parfois, des projets sont menés dans la région et ils peuvent servir de tremplin, donner l'occasion aux Premières nations d'aborder leurs droits et les problèmes qu'elles rencontrent. Si rien ne se produit et qu'il n'y a aucune mesure incitative pour le gouvernement ou que celui-ci ne voit pas l'urgence d'aborder les problèmes ou qu'il n'a aucune raison de le faire, il ne s'en occupe pas.

Le gouvernement fonctionne de cette façon : à force de se plaindre, on obtient gain de cause. Dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a un projet de gazoduc, alors, bien entendu, le gouvernement est intéressé à s'assurer que tous les problèmes sont réglés. C'est ce qui l'incite à régler la question relative à la revendication des terres et à d'autres droits des Premières nations. C'est la situation qui règne un peu plus au nord. Dans votre région, y a-t-il des projets de développement ou des problèmes avec lesquels vous devrez composer et qui auront des répercussions sur de telles choses?

M. Ward : Je pourrais vous en nommer deux à l'instant. Le projet Tulsequah Chief, que certains d'entre vous connaissent, représente un problème de longue date. Oui, nous avons tenté de faire valoir nos droits et de les utiliser comme moyen de pression, mais, au bout du compte, ce dont nous avons été témoins, c'est que le gouvernement a fait la même chose, c'est-à-dire qu'il a utilisé l'industrie pour enterrer nos droits et les mettre de côté.

On nous demande précisément d'abandonner nos droits, de laisser ce projet aller de l'avant, et nous avons dit non. Dans le cadre de ce projet particulier, l'entrepreneur proposait de construire une route de 100 milles qui donnerait accès à nos territoires traditionnels, où il n'y a actuellement aucune route. Nous avons tenté de régler cette question avec le gouvernement. En fait, c'est précisément ce que nous avons fait. Nous avons rencontré les représentants du gouvernement de la Colombie-Britannique et ceux de Redfern Resources et avons tenté de régler ces questions, mais ils ne voulaient pas aller aussi loin que nous estimions qu'ils devaient le faire. Ils devaient nous assurer que ce projet serait durable.

Selon nous, ils n'ont jamais satisfait au critère de durabilité puisqu'ils n'ont même pas suivi leur propre processus. Le processus environnemental de la Colombie-Britannique était censé déterminer le caractère durable du projet, mais ils ne l'ont pas suivi à la lettre, alors nous les avons obligés à le faire, ce qui a mené à toutes les poursuites judiciaires. Ce projet représente toujours une menace pour nous à l'heure actuelle, car le MPO a accordé son approbation pour que le projet puisse aller de l'avant.

Au bout du compte, ils ont fait une annonce, après des années de conflit, selon laquelle ce projet n'est pas faisable en raison des coûts, qu'ils tentaient de trouver d'autres minerais à cet endroit et qu'ils procédaient à d'autres forages. Nous pensons que toute cette stratégie ne visait qu'à ouvrir notre territoire traditionnel. Peut-être que cela n'avait rien à voir avec cette mine.

Le gouvernement, et je pourrais ajouter l'industrie, les responsables du projet Tulsequah Chief, n'avaient pas d'affaire à nous poursuivre devant les tribunaux en nous disant que nous devions prouver nos droits. C'était aberrant. C'était déjà assez terrible que la position du gouvernement de la Colombie-Britannique était qu'il n'avait pas besoin de faire ces choses à moins que nous ne prouvions que nous avions certains droits, que nous n'allions devant les tribunaux pour lui prouver que nous avions des droits ou que nous ne concluions un traité. Nous lui avons dit que nous n'avions pas à prouver quoi que ce soit puisque nous sommes ici depuis toujours. Nous prenons soins de nos terres depuis toujours. Le représentant du gouvernement nous a répondu : je suis désolé, mais vous devez tout de même prouver vos droits. La Cour suprême a déclaré que le projet n'était pas encore approuvé, mais que les membres de la nation des Tlingits ne pouvaient empêcher l'industrie de mettre son projet de l'avant, alors nous devions nous rencontrer pour régler ce problème et nous devions aborder nos droits de façon importante. Il s'agit encore d'un point en litige.

L'autre problème qui nous préoccupe concerne la Adanac Moly Corp. L'entreprise est littéralement à nos portes. Elle adopte actuellement une toute nouvelle attitude. Jusqu'à maintenant, les responsables n'ont pas l'intention de recourir aux tribunaux pour trancher la question qui consiste à savoir si nous avons des droits ou si nous savons de quoi nous parlons. Nous faisons appel à des experts. Si nous ne pouvons le faire nous-mêmes, nous ferons appel à des experts qui nous aideront à faire valoir notre vision et nous apprendrons d'eux. Ils entreprennent actuellement un processus environnemental. Selon moi, ces processus environnementaux qui, au bout du compte, doivent permettre de décider si l'on délivre ou non un certificat d'approbation de projet sont désuets. La common law a changé si rapidement au cours de la dernière décennie, même au cours des cinq dernières années — et ces processus sont conçus pour maintenir le statu quo. On doit modifier ces processus pour y intégrer les Tlingits de la rivière Taku, les Premières nations de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Zimmer : Je voulais avoir une idée de l'ampleur de l'exploitation minière qui a lieu actuellement dans votre région. Dans le cadre de votre exposé, vous avez parlé du fait de fournir des conseils aux sociétés minières. Ce qui est encore plus important, dans quelle mesure les membres de votre nation participent-ils à l'emploi, à la formation, au développement économique et, bien sûr, aux programmes axés sur l'avenir et quelle est l'importance de tous ces aspects?

M. Ward : Puis-je revenir en arrière pour un moment? Il y a de l'exploitation des placers sur notre territoire traditionnel depuis la ruée vers l'or du Klondike. Nous sommes laissés de côté, et les membres de notre nation n'y ont jamais participé. C'est pratiquement encore comme cela aujourd'hui. C'est une entreprise familiale. Les entrepreneurs embauchent leurs propres travailleurs, alors c'est très difficile pour nous d'y participer.

Le projet Tulsequah Chief sera mené directement au cœur de nos territoires; il consiste à rouvrir une mine qui était auparavant exploitée par Cominco, exploitation à laquelle nous avions très peu participé. Adanac Moly est un autre nouveau projet, et nous participons de diverses façons. Nous nous rendons sur le terrain, nous aidons à mener les études, à effectuer la cartographie, à fournir les renseignements dont les entrepreneurs ont besoin puisque nous recueillons des renseignements sur notre territoire depuis bon nombre d'années à l'égard de l'échantillonnage de l'eau, des pêches et ainsi de suite. Enfin, les représentants de Smithers au gouvernement de la Colombie-Britannique ont dit aux responsables de B.C. Hydro que les Tlingits possédaient davantage de renseignements sur cette région particulière qu'eux. Toutefois, l'exploitation minière en roche dure n'est pas importante dans notre région. Nous nous tournons principalement vers le tourisme et l'exploitation des placers.

Le sénateur Christensen : En ce qui concerne le processus relatif au traité, qui est en cours depuis 20 ans, quel est le principal obstacle qui empêche la conclusion d'un traité sur la revendication de cette terre?

M. Ward : Je ne peux pas parler pour tout le monde, mais je vais simplement dire ce que je pense. Le problème réside dans les faibles mandats édulcorés que les gouvernements ont présentés pour tenter de régler cette question relative aux terres. Les mandats sont beaucoup trop faibles car, chaque fois que nous voulons régler un problème ou même tenter d'aller de l'avant, d'essayer quelque chose, les négociateurs du gouvernement répondent toujours qu'ils n'ont pas le mandat d'en discuter ou de faire ceci ou cela.

Le sénateur Christensen : Vous éprouvez des problèmes à l'égard des frontières?

M. Ward : Vous voulez dire, par exemple, dans notre bassin?

Le sénateur Christensen : Il y a la frontière avec le Yukon et la Colombie-Britannique et des terres semblables à celles de la région où vit la nation Kaska.

M. Ward : Le problème relatif aux frontières n'est pas le plus important. Le problème le plus important consiste à s'asseoir à la table de négociation du traité pour tenter de régler la question malgré nos différences, même si les autres parties n'ont pas le mandat de discuter de questions dont nous devons parler.

Le sénateur Christensen : Vous avez également fait mention de l'exploitation minière et du fait que les membres de votre nation n'ont pas participé à l'exploitation des placers et ainsi de suite. Qu'est-ce qui a empêché les membres des Premières nations de participer? Vous avez mentionné qu'il s'agit d'entreprises familiales. Ce ne sont pas de grandes entreprises, elles sont très petites.

M. Ward : Je ne sais pas si je pourrais mettre le doigt sur un obstacle particulier. Il y a toujours les préjugés. Je ne peux pas vraiment dire. Pour nous, lorsque c'est le moment de récolter, c'est le moment de récolter. Nous devons ramasser les baies avant qu'elles ne tombent au sol. Nous devons capturer les animaux avant qu'ils ne perdent leur gras. Au moment de la montaison, nous devons pêcher le poisson. Cette économie axée sur les salaires ne tient pas compte de tout cela.

Le sénateur Christensen : Parmi les quatre exemples que vous avez donnés concernant le développement économique, c'est-à-dire le Taku Wild, la microcentrale hydroélectrique, les permis d'exploitation de pourvoirie et ainsi de suite, est-ce qu'il y a une de ces activités qui est menée et produit des revenus pour votre région?

M. Ward : Nous commençons à voir la lumière au bout du tunnel en ce qui concerne le Taku Wild puisqu'il s'agit d'une entreprise assez récente et que nous l'exploitons depuis maintenant trois ans. Nous tentons d'obtenir une part du marché, mais la concurrence est très féroce; nous en apprenons encore beaucoup.

Le sénateur Christensen : Qu'est-ce que c'est précisément?

M. Ward : C'est un projet axé sur la pêche du saumon.

Le sénateur Christensen : Il s'agit du poisson pêché dans la rivière Taku et transformé à Atlin?

M. Ward : On le transforme à Juneau.

Le sénateur Christensen : N'y a-t-il pas également une usine à Atlin, une petite usine où on apporte les poissons?

M. Ward : Non, mais cela fait partie de notre plan d'avenir.

Le sénateur Christensen : Je pensais que vous aviez déjà cette usine.

M. Ward : Non, il y en avait une petite, mais on a dû la fermer.

Le sénateur Christensen : En ce qui concerne la microcentrale hydroélectrique, mène-t-on toujours une enquête ou une étude?

M. Ward : Oui, une étude.

Le sénateur Christensen : Menez-vous actuellement des projets axés sur le développement économique qui portent fruit ou qui apportent un avantage à la collectivité?

M. Ward : Comme je l'ai dit, le saumon a toujours été la carte de visite de ma nation, et, même à l'heure actuelle, il y a un grand nombre de pêcheurs qui capturent du saumon chaque année à des fins commerciales. Nous avons prolongé ce que nous appelons le poste de débarquement du poisson. Le gouvernement exige que tous les poissons débarqués soient pesés et que l'on suive la trace de toutes les espèces; alors cette année, nous fournissons ce service à tous les pêcheurs, qu'ils soient Autochtones ou non. C'est une sorte d'expansion.

Le sénateur Christensen : Nous parlions de développement durable, et l'exploitation minière est une ressource non renouvelable. De quelle façon pouvez-vous élaborer un programme durable d'exploitation minière continue? Vous disposez d'une ressource non renouvelable, et lorsqu'il n'y en a plus, c'est terminé. Outre la remise en état et le fait de garantir que rien ne représente un danger pour l'environnement, comment pouvez-vous faire de l'exploitation minière un projet économique durable?

M. Ward : Je ne crois pas que l'idée consistait à garantir une exploitation minière continue. Nous savons très bien que c'est une ressource non renouvelable, mais l'idée, c'est que le projet doit être mené sans qu'il détruise tout et qu'il nuise à tout le monde. Les personnes qui participent au projet doivent le faire à long terme.

Le sénateur Christensen : Il faut mener le projet de façon holistique afin qu'il ne nuise pas à l'environnement et s'occuper d'enjeux à long terme, comme ceux concernant le saumon, l'orignal, le chevreuil?

M. Ward : C'est exact. Le projet ne doit pas nous nuire, nous causer du tort.

Le sénateur Campbell : Il s'agit d'un document fascinant. Je l'ai feuilleté et j'aimerais confirmer que, de façon générale, cela concerne votre terre, la protection de votre terre et le maintien de vos traditions. Est-ce exact?

M. Ward : Oui, sénateur.

Le sénateur Campbell : Dans ce document, on ne parle pas beaucoup d'emploi ou de chômage, mais on parle plutôt de mieux-être. Par exemple, ici, vous dites que, en moyenne, les membres de votre nation mangent une quantité X d'orignal, ce qui représente un montant X en dollars que vous auriez dépensé. Quelle est la relation avec le chômage sur votre territoire, ou en tenez-vous seulement compte? J'ai l'impression qu'il s'agit davantage du mieux-être de la nation plutôt que du fait d'avoir un emploi ou non.

M. Ward : J'espère bien comprendre votre question.

Le sénateur Campbell : Elle n'était probablement pas très claire. Je vous demande tout d'abord : considérez-vous les emplois comme une priorité?

M. Ward : Oui, nous le faisons, mais cela ne l'emporte pas sur nos valeurs. Nous n'échangerons pas notre lien avec la terre pour des emplois.

Le sénateur Campbell : Pour aller plus loin, lorsque j'étudie votre plan économique, je constate que tout est axé sur la durabilité et le respect de la terre. Au bout du compte, que vous obteniez une entente ou non ne fait pas de différence, et je suis d'accord avec cela. J'ai l'impression que rien ne presse. Il s'agit d'un regard calme, voire paisible, que vous jetez sur ce que vous voulez faire, et vous ne dites pas : « Si nous avions une mine ici, nous aurions des emplois à offrir à tout le monde. »

Je crois que vous êtes chanceux de vivre dans le territoire où vous vivez actuellement puisqu'il est assez isolé et que vous êtes en mesure de prêter une plus grande attention aux choses, même si, manifestement, au cours des années 1890, il y avait probablement plus de personnes qui traversaient votre territoire. Selon ce document, vous en ressentez toujours les répercussions, même si cela est survenu il y a plus de 100 ans.

M. Ward : Oui.

Le sénateur Campbell : Le fait que l'industrie, par exemple celle de l'exploitation minière ou forestière, s'installe dans vos territoires représente-t-il l'une de vos priorités, ou aimeriez-vous plutôt continuer de pratiquer vos méthodes traditionnelles et voir les gens venir vous visiter par l'entremise du tourisme environnemental et des choses comme ça? Vous pourriez alors être vous-mêmes et, en même temps, devenir prospères.

M. Ward : Dans un monde idéal, toutes ces choses se produiraient. Il faut lutter pour que cette situation se produise.

Le sénateur Campbell : D'accord, c'est excellent.

M. Ward : Nous connaissons la situation, nous la voyons venir. Nous nous rendons compte que l'on prête attention aux régions du Nord, et cela nous rend nerveux. Nous nous préparons. Nous faisons tout notre possible pour nous préparer.

Le sénateur St. Germain : Quelle est la population de votre nation, la population autochtone?

M. Ward : C'est une autre question biaisée, en quelque sorte.

Le sénateur St. Germain : Ce n'est pas un piège.

M. Ward : Nous voulions connaître le chiffre exact, et je ne peux pas vous donner un chiffre à la dizaine près, mais nous nous approchons de 500 personnes. Environ 20 p. 100 ou plus d'entre elles vivent sur notre territoire, dans la réserve.

Le sénateur St. Germain : Vous dites que vous tentez actuellement d'acquérir des permis de guides-pourvoyeurs dans la région. Combien de guides-pourvoyeurs avez-vous sur votre territoire?

M. Ward : Il y en a au moins six.

Le sénateur St. Germain : À l'heure actuelle, vous n'exercez aucun contrôle sur eux?

M. Ward : Non, sur aucun d'entre eux. Les membres de notre nation ne travaillent plus pour eux, car ils n'aimaient pas voir tout ce gaspillage.

Le sénateur St. Germain : Feriez-vous les choses différemment, vraiment différemment, des guides-pourvoyeurs actuels?

M. Ward : Oh, oui. Nous ne savons pas encore ce que nous changerions, mais nous savons que cela doit être fait.

Le sénateur St. Germain : À l'heure actuelle, les ressources ne sont pas administrées de la façon dont elle devrait l'être?

M. Ward : Surtout en ce qui concerne les grizzlys; on les pousse vers notre région, et ils n'ont plus d'endroits où aller. Les pourvoiries rapportent beaucoup. Des gens de partout dans le monde veulent tester leur courage et avoir le dessus sur un grizzly. Les membres de notre nation aiment bien les grizzlys, et nous voulons faire plus que mettre leur tête à prix. Nous pourrions mener des activités liées à l'observation d'ours et ainsi de suite.

Le sénateur St. Germain : Il y a quelques minutes, vous avez dit que vous voulez faire face à la réalité selon laquelle il y aura une augmentation de la population dans votre région. Comment conciliez-vous les deux éléments étant donné que, à Banff, les ours ont attaqué une foule de personnes un peu partout? Ce sera pour une autre fois, mais nous parlons du développement économique, et je trouve cela étonnant que tous les guides-pourvoyeurs soient des non- Autochtones.

Sur votre terre, cherchez-vous à obtenir l'autonomie gouvernementale du gouvernement fédéral, un traité sur les revendications territoriales ou les deux? Ce n'est pas une question piège. Je veux simplement savoir où vous en êtes dans vos négociations avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Votre nation est-elle présente à la table? Avez-vous établi une table de négociation?

M. Ward : En ce qui concerne le Traité no 8, les représentants de la Colombie-Britannique se sont retirés de la table.

Le sénateur St. Germain : Ils se sont retirés de votre table?

M. Ward : Oui, et nous revendiquons notre gouvernement. Nous ne leur demandons rien, nous revendiquons simplement nos droits.

Le sénateur St. Germain : Vous revendiquez un droit inhérent plutôt que de négocier une position?

M. Ward : C'est exact.

Le sénateur St. Germain : C'est bien. Que Dieu vous bénisse.

Le sénateur Campbell : Qui contrôle l'octroi des permis de guide et d'exploitation de pourvoirie sur votre territoire?

M. Ward : La Colombie-Britannique.

Le sénateur Campbell : J'aimerais comprendre : le gouvernement de la Colombie-Britannique vous dit qui peut chasser sur votre territoire?

M. Ward : Je crois que ces pourvoyeurs rencontrent les représentants de la Colombie-Britannique et élaborent ce plan concernant les ressources disponibles et la quantité qu'ils peuvent prendre. Il est arrêté à différents endroits, et nous n'avons pas de droit de regard.

Le sénateur Campbell : Mais c'est votre terre?

M. Ward : Oui, c'est la terre de ma nation. Nous tentons de participer à ce genre de décision.

Le président : Merci d'avoir présenté cet exposé réfléchi, et nous vous souhaitons beaucoup de succès dans les activités que vous mènerez à l'avenir. De tous les témoins que nous entendrons, vous êtes probablement celui qui vient de la région la plus éloignée; alors, merci beaucoup.

M. Ward : De rien.

La séance est levée.


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